Tome I : ENTRE PARCOURS ET COMPOSITION

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iii

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une architecture du site

ENTRE PARCOURS & COMPOSITIONS

L’homme en mouvement au centre de l’expérience architecturale

3

Quelle est la place du parcours dans la pensée du projet de nos jours? Quelle définition peut-on faire de ce terme outrancièrement employé? Enfin, quel dialogue entretient le parcours avec le lieu?



Mémoire

de

PFE

2016

-

2017

Tome 1 Tome 2 Tome 3 Tome 4

E N S A Grenoble

Florent QUINTARD

Master II :

Les pensées du projet :

l’architecture

comme

discipline.

Enseignants du Master Guy Depollier Benoît

Adeline

Charles

Philippe Deletraz Dominique Putz

Chifflet,

Mathieu Grenier Jean Pierre Vettorello

Enseignants ENSAG Sonia Doucerain

Frank Prungnaud

Enseignants Extérieurs Philippe Dufieux

Stéphane Fernandez

Personnalités Extérieures Dominique Chapuis

Jean-Pierre Durand


REMERCIEMENTS


Merci, Merci à toutes les rencontres - passagères, amicales,

professionnelles,

alcoolisés,

estivales,

enivrantes,

passionnés,

gogiques,

idéalistes,

épiques,

péda-

sportives,

altruistes, mals lunés, bienveillantes, bougonnes, bipolaires, administratives, tristes, nostalgiques, inébranlables, indéfectibles, frénétiques, impétueuses, sérendipiteuse, hédonistes, utopiques, volatiles, amicales, invasives, suzeuses, vénitiennes, istanbouliotte, vietnamiennes, portugaise, croates, hongroises, reunionnaises, cantalous, luberonnaises,

angevinnes,

grenobloises,

nancéennes, ambarroises, viennoises, baldomériennes,

lyonnaises,

avignonnaises,

oléronnaise - de mes 7 années à Grenoble, qui me permette d’être épanoui chaque jour.


SOMMAIRE


Tome I : E N T R E P A R C O U R S et C O M P O S I T I O N S L’homme en mouvement au centre de l’expérience architecturale

AVANT-PROPOS

Préambule LE CORPUS

i Le parcours du corps et du temps

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12 - 15 16

26 - 35

L’avant, l’après

28

Séquences

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Le «pendant»

33

ii C o m p o s i t i o n , g e o m e t r i e E T P O E S I E s p a t i a l e

36 - 43

Le plan comme principe de composition architecturale

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Une poésie mesurée

41

iii l ’ A R C H I T E C T U R E i n s i t u

44 - 55

Parcourir : Penser l’architecture par le site

46

Le parcours du cadre, le cadre du parcours.

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SYNTHESE & OUVERTURE

56 - 59

bibliographiE

60 - 61


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Fig 1. Photo Chapelle sur le mont Rokko, Kobe, Japon, 1996 Š Masao Furuyama


avant-propos

«[...] le site existe avant nous, tout autour de nous, partout et ici, mais le lieu ne peut naître qu’ici, quand le site nous est amené par l’architecture qui met en place ses modes de dévoilement.». Le Corbusier. 1

L’éveil à l’architecture survient lors d’une émotion ressenti face à une intervention humaine sur la nature. Cette émotion peut être physique comme spirituelle - ou bien les deux à la fois -. Spirituelle par toutes les sensations qui touchent à l’irrationnelle, et qui ne peuvent être contrôlées: les souvenirs qu’évoquent une forme, une spatialité qui stimule la pensée, une lumière particulière, une odeur etc.. Physique par l’interaction du corps avec l’architecture: le changement de nature d’un sol, un seuil qu’on enjambe, une façade qu’on effleure, un mur qu’on longe, un cadrage qui guide le regard, une verticalité vertigineuse, etc ... Alors, la visite d’un monument peut provoquer une mosaïque de sensations pour une personne, mais une indiffé1.

Matieres, N°3, pages 84, «L’intérieur amène l’extérieur. Le forum

de Pompéi dans les Carnets du Voyage d’Orient». Monographie de GILOT Christian. Ed: PPUR, Lausanne, Suisse,1999.

rence totale pour une autre. C’est pourquoi la perception d’un espace nous semble subjectif selon les expériences vécues durant notre vie. Il y aura, alors, des individus plus sensibles au touché, d’autres aux sons, aux couleurs, aux formes, à la matérialité, à la fonctionnalité etc... Cependant les moyens de découvrir l’espace sont les mêmes pour tout le monde: nous disposons chacun de nos 5 sens, nous jouissons pour la plupart de deux jambes, deux bras... C’est la façon de découvrir et d’appréhender l’espace qui varie selon les personnes. C’est ici qu’intervient le principe de parcours architectural comme outil de penser et de percevoir l’architecture.

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Préambule : un parcours architecturé

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“C’est par la succession de lieux enchaînés, par portes et passages, que se découvre une construction.” Maurice Sauzet. 1 La notion de parcours architectural se réfère à une découverte dynamique de l’espace par le corps et par l’esprit. Une découverte avec un but, en mouvement, fractionnée par des événements remarquables - qu’on appellera séquences -, architecturaux ou non. Le parcours différe d’une promenade, d’un trajet ou encore d’une déambulation. Il naît d’une composition ordonnée et raisonnée entre le site et l’architecture. La définition du «parcours» au Larousse (cf: page 14) souligne le caractère successif d’étapes à traverser lors d’un trajet. On retrouve cette définition dans 1

. BERQUE, Augustin & SAUZET, Maurice, Le sens de l’espace

au Japon. Vivre, Penser, Bâtir. Ed: ARGUMENTS, Paris, 2004.

l’architecture de culte. Les parcours - où processions - sont régis par un ordre et des étapes préétablie par la cérémonie. On suit une série d’étapes physiques et spirituelle pour se détacher de l’aspect mortel du monde afin d’accéder à un monde spirituel, bien loin des préoccupations quotidiennes. Il y a une idée de singularité en parlant de parcours. On ne parcours jamais un lieu de la même façon, cela ne dépend pas seulement de l’effort produit pour cheminer, mais aussi de la personne qui s’aventure, de la lumière à un moment donné, de la température lors de la visite etc... Il y a une multitude de facteurs qui ancrent le parcours dans le temps et l’espace. C’est pourquoi plusieurs thèmes Fig 2. Illustration personnelle. Eglise sur l’eau de Tadao Ando. Axonométrie d’ensemble.



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architecturaux s’entrechoquent lorsque nous parlons de parcours et de mouvements. Effectivement nous questionnons les notions de limite, de seuil, de franchissement, d’intérieur/extérieur, de profondeur, de rupture/continuité, de hiérarchie, de distance etc... Dans le corpus de projet choisi, ces notions se connectent, se rencontrent, s’additionnent pour créer un ensemble cohérent, une architecture composée et équilibrée. En d’autre terme un «Lieu ou le monde se renverse» 1. Ce qui va nous intéresser dans cette recherche introductive au projet de fin d’année est de définir et s’approprier les notions majeures qui influencent le rapport de l’homme au lieu et au temps, par le parcours. Il ne sera pas questions de faire une analyse figurative du parcours mais bien de comprendre les rouages et se créer sa propre définition du terme «parcours», afin de se l’approprier dans la pensée du projet. Alors, il est impératif de se poser quelques questions directrices pour ne pas avancer à l’aveugle dans cette recherche. Tout d’abord, la composition d’un corpus de projets va être nécessaire pour permettre un vas et vient entre les no1

. BERQUE, Augustin & SAUZET, Maurice, Le sens de l’espace

au Japon. Vivre, Penser, Bâtir. Ed: ARGUMENTS, Paris, 2004. Fig 3. Ci-contre. Eglise sur l’eau de Tadao Ando. Interprétation personnelle de la composition, de la géométrie, des séquences, du parcours.

tions observées et les notions théoriques développées. Ensuite, Il s’agira de comprendre l’essence même du parcours en architecture, le «pourquoi», le «comment», quelle signification détient le parcours dans l’architecture des projets du corpus, et en tirer des règles, des généralités sur le parcours. Il adviendra par la suite d’analyser le lien entre la composition architecturale et le parcours. Le parcours est-il créé par l’architecture ou l’architecture serait elle composée par le parcours? Enfin, comprendre le dialogue qu’entretient le parcours avec son environnement et donc, avec l’architecture. Ce court projet de recherche ne sera pas exhaustif, il ne s’agira pas de répondre à toutes les questions par la théorie mais bien d’appliquer au projet final les connaissances apportées par ce travail.

Parcours: 1. Chemin, trajet suivi pour aller d’un point à un autre. Le parcours d’un autobus. Fig: série d’épreuves rencontrées dans la réalisation de quelque chose. 1 Parcourir: 1. Traverser, visiter dans toute son étendue, en allant et venant dans divers directions. 2. Accomplir un trajet déterminé.

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le corpus

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Fig 4. Photographie. Chapelle du mont Rokko

Fig 5. Photographie. Maison Bernasconi


le corpus

lE CORPUS

Les 4 projets d’architectures du corpus ont été choisies au début de la recherche, de façons à avoir un socle de projets traitant et développant le sujet du parcours par des exemples construits. Que ça soit pour l’ensemble de l’œuvre ou pour un élément, les quatre projets du corpus abordent le thème du parcours de façon assumés, géométrique et poétique. Le choix du corpus s’est orienté ,sans le vouloir, vers des projets manifestes d’architectes ayant une maîtrise et une sensibilité architectural totale.

énormément de similitude dans leurs approches de l’architecture: par le site, par la matérialité, la lumière, le parcours... L’échelle des projets sélectionnés est relativement petite. D’un coté cela permet d’avoir une rigueur et une radicalité de composition et de l’autre cela pose la juste question de la place du parcours dans l’architecture.

Tadao Ando, Luigi Snozzi, Mario Botta. D’un coté l’école moderne japonaise avec T. Ando, et de l’autre coté, l’école teissinoise avec M. Botta et L. Snozzi. Géographiquement opposé avec pourtant

Quatre projets, dont deux chapelles et deux habitations. Les projets de cultes qui sont des lieux de cérémonies, où la procession jusqu’à l’autel est le sujet même de l’architecture vont être les références principales de la recherche. Les projets d’habitations, quant à eux, attestent d’une qualité de parcours et de partis pris architecturaux nous permettant de mieux cerner certains aspects important du parcours.

Fig 6. Photographie. Maison Biancci

Fig 7. Photographie. Chapelle sur l’eau.

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le corpus

TADAO ANDO Chapelle sur le mont Rokko, Kobe, Japon, 1996

La chapelle du mont Rokko n’est pas un lieu religieux comme son nom pourrait le faire croire. En effet il s’agit d’un lieu de cérémonie de mariage laïque, situé en haut du mont Rokko, à Kobe. Appartenant à un gros complexe hôtelier en amont du site, l’architecte réinterprète la procession religieuse par un parcours riche en séquences, tout en se coupant de la forte présence du complexe pour s’ouvrir vers la nature et l’intériorité.

Fig 8. Ci-dessous.

Illustration personnelle de la Chapelle

sur le mont Rokko.

Fig 9. Ci-contre. Redessin personnel de la Chapelle 18

mont Rokko. T. Ando. Plan/ Facade Echelle 1:300

sur le


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le corpus

TADAO ANDO Chapelle sur l’eau, Hokkaïdo, Japon, 1988

Fig 10. Ci-contre.

Re-dessin personnel de la Chapelle sur

l’eau T. Ando. Plan/ Facade Echelle 1:400

Fig 11. Ci-dessous. Illustration personnelle de la Chapelle sur l’eau.

La chapelle sur l’eau à Hokkaïdo comporte des similitudes avec la chapelle sur le mont Rokko. Cet Édifice non religieux a la même vocation d’accueillir des cérémonies de mariages laïques, dans un cadre qui attise l’intériorité de l’être et de son ouverture sur le monde.. La construction qui s’enroule autour d’un mur d’enceinte, permet de se couper d’un environnement bâti disgracieux pour cadrée la nature, le paysage. Un bassin d’eau créé par l’architecte embrasse la salle de cérémonie et la prolonge vers une dimension spirituelle.

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le corpus

LUIGI SNOZZI Maison Bernasconi, Carona, Suisse 1990

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La maison Bernasconi se trouve dans un village suisse, constitué d’un petit centre et d’une grande partie pavillonnaire. C’est dans un lotissement aisé où la vue sur les montagnes est imprenable que L. Snozzi choisit de respecter la topographie du site en implantant la maison dans le seul replat de la parcelle. Pour y parvenir, un escalier, positionné à 45° par rapport à la maison, descend plus de 10 mètres de terrain. Cette descente se finit sur une séquence d’entrée coupée de toute vue sur le paysage qui recentre toute l’attention sur l’architecture même de l’espace.

Fig 12. Ci-dessous. Bernasconi. Fig 13. Ci-contre.

Illustration personnelle de la maison

Re-dessin personnel de la Maison Ber-

nasconi de L. Snozzi. Plan/ Facade Echelle 1:300




le corpus

MARIO BOTTA Maison Bianchi, Riva San Vitale, Suisse, 1973

Fig 14. Ci-contre. Re-dessin personnel de la Maison Bianchi de M. Botta. Plan/ Facade Echelle 1:300 Fig 15. Ci-dessous. Bianchi.

Illustration personnel de la maison

La maison Bianchi se situe dans le Tessin Suisse. Surplombant un lac dans une topographie difficile, cette maison aux proportions de tour médiévale est accessible par une passerelle métallique cadrant le paysage magnifique que le lieu offre. Les multiples plateau de la maison sont distribuée par un escalier central, véritable pilier de la maison. Le jeu des plateaux permet de créer des espaces en double/ triples hauteurs ainsi que d’effacer les frontières intérieures-extérieures au sein même de l’enceinte de la maison tour.

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i Le parcours du corps & du temps

Fig 15. Illustration. Vasily Kandinsky ÂŤFree Curve to the Point - Accompanying Sound of Geometric CurvesÂť


le corpus

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L’AVANT, L’APRÈS 28-29 SÉQUENCES 30-34 LE «PENDANT» 33-35


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le parcours du corps et du temps

«L’AVANT», «L’APRÈS»

«Le départ n’est rien d’autre que le début du voyage de retour vers chez soi.» 1

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Pour chaque parcours, il y a un début, et une fin. Un commencement et un dénouement. Sinon, il n’y aurait pas de sens au parcours. On tomberait dans une gravure d’Escher, sans queue ni tête (cf Fig 13 ). Maurice Sauzet, théoricien et spécialiste du Japon, explique qu’il y a deux pôles important dans le parcours: «l’avant» et «l’après». «L’avant est le lieu d’arrêt [...] le lieu de séparation avec l’espace public [...] on va vers... on aspire à... le plus souvent au bien être» [...] «L’après est le lieu ou s’accomplit ce bien être, c’est un lieu de plénitude.» 2. M. Sauzet écrit qu’une rencontre doit se produire dans l’espace public pour provoquer le début du par1

. TANIGUSHI, Jirô

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. BERQUE, Augustin & SAUZET, Maurice, Le sens de l’espace

au Japon. Vivre, Penser, Bâtir. Ed: ARGUMENTS, Paris, 2004.

cours. Une intervention préparant l’individu à engager son corps et son esprit à la découverte d’un lieu singulier, rompant avec la monotonie du quotidien. Il doit également exister un lieu «profond» 3 dans l’édifice qui conclut le cheminement - d’une façon physique ou mentale - par une sensation de plénitude lorsqu’on y arrive. M. Sauzet se réfère à la tradition japonaise et à toutes les étapes codifiées des temples et de la vie en général, pour appuyer que «l’avant» et «l’après» sont des outils indispensables aux parcours. Si ces deux éléments ne sont pas identifiables, alors, le parcours ne revêt pas le même intérêt, ni le même sens. Dans les chapelles créées par T.Ando, «l’avant» est le moment où


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on abandonne sa voiture au parking. «L’après» est le moment de recueillement devant l’infini du paysage. Pour L. Snozzi «l’avant» acquiert un sens spécial tant il décrit son architecture comme un dialogue avec la rue, la ville et le territoire. Cependant pour la maison Bernasconi le début du parcours - l’avant - débute par un portique indiquant l’entrée depuis la rue (cf Fig 13 ). Dans les projets de L.Snozzi et M. Botta qui sont des maisons, l’après signifie être au plus profond de chez soi, dans sa plus grande intimité. Un lieu que chacun se définit. L’architecture n’est pas linéaire, mais elle est rythmée et hiérarchisée selon la volonté du lieu et de l’architecte. C’est en mouvement que l’on 1

. BERQUE, Augustin & SAUZET, Maurice, Le sens de l’espace

au Japon. Vivre, Penser, Bâtir. Ed: ARGUMENTS, Paris, 2004.

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le parcours du corps et du temps

peut apprécier le parcours, lorsque le corps est dirigé, arrêté, dévié, accéléré, ralentit, bousculé. Pour les lieux de cultes japonais, M. Sauzet écrit que c’est dans le passage de «l’avant» à «l’après» que s’accomplit «l’ouverture de l’être au monde» 1. Ainsi, Le cheminement de l’avant à l’après prend autant d’importance que les deux pôles eux même. L’avant et l’après parlent de temps. Le temps qu’il faut pour découvrir la richesse d’un parcours. Cette durée de l’avant à l’après qu’on nommera simplement : «le pendant». Cette notion est liée à celle de séquences qui fractionnent et qui créent le «pendant».

Fig 16. Lithographie, Relativité par Maurits Cornelis ESCHER ,1953. Symbolisant l’ambiguïté du départ et de l’arrivé, une confusion troublante.

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le parcours du corps et du temps

SÉQUENCES

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«La valeur artistique d’un tableau ou d’un bâtiment ne réside pas dans l’intérêt intrinsèque de ses éléments individuels mais dans leurs relations physiques réciproques». Alfred Hitchcock. 1

La découverte d’un édifice ou d’une ville inconnus se fait physiologiquement de la même façon : au fur et à mesure de l’exploration nous essayons de nous accrocher à des formes ou à des signaux déjà croisés auparavant afin de nous repérer et de nous orienter. Ces prises sont subjectives; en ville nous serons attentifs aux noms des rues, à des monument, à des places, à des vitrines etc... On pourrait définir ces «accroches» comme autant de séquences dans un parcours urbain. Dans les édifices du corpus, l’échelle est 1

. LUCAN, Jacques, Composition, non-composition. Architec-

réduite à un projet architectural. Les séquences y sont alors plus pragmatiques: elles se traduisent à travers des dispositifs architecturaux qui confèrent une mesure et un sens au parcours (cf : Fig 17). Les séquences 2 sont un rythme pour le corps, lorsqu’il doit monter, descendre, se tourner, etc... Un rythme pour l’esprit lorsqu’il passe de la lumière à l’obscurité, de la nature au bâti etc... Une mélodie où chaque séquences est d’autant d’informations pour le visiteur pour se repérer, s’orienter, et s’épanouir dans un espace inconnu. La description d’un parcours se fait par chapitres. Le récit se suspend à chaque nouvel éléments puis reprend, enrichi d’une nouvelle expérience (cf: Fig 18). 2

Séquence: (du lat sequens, suivant) 1. Suite ordonnée d’élé-

ture et théories, XIXe-XXe siècles. Ed: Presses Polytechniques

ments, d’objets, d’opérations, de mots, etc.* 2. Scène d’un

et Universitaires Romandes (PPUR), Lausanne, Suisse, 1993.

film, située le plus souvent dans un même lieu et constituée

Fig 17. Schéma personnel de la chapelle du mont Rokko de T. Ando. Accumulation des séquences qui s’opacifient au fur et à mesure du parcours.

d’une suite de plans, parfois d’un seul plan.


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1. L’avant, le début du parcours amorcé par un pas d’âne. 2. Changement de direction du parcours par l’utilisation d’un muret qui invite à le suivre 3. Le muret se fend en deux , créant un franchissement imaginaire, un seuil. 4. Fin de l’escalier débouchant sur une placette géométrique qui permet une respiration dans le parcours. 5. Seuil d’une Allée couverte, avec les parois translucide tamisant la lumière du soleil. La vision traverse le couloir et découvre la continuité du parc. Dualité entre le «dedans» et le «dehors». 6

7. Ouverture couverte dans le couloir, comme une discrète invitation à s’y introduire.

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6. Un événement intervient dans le couloir rectiligne, un escalier qui permet d’épouser le terrain mais aussi un dispositif qui dynamise le parcours.

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8. Changement d’ambiance, on se retrouve dans un bâtiment avec 4 murs et un toit. Changement de matériaux, de lumière. Quelque chose se passe dans le parcours, une rupture avec l’avant, on entre dans l’après. 9. Au cœur de l’église ou l’on s’abandonne à l’architecture. Fin du mouvement du corps, de l’esprit. Place au silence et à l’abandon des sens dans ce lieu privilégié. Fig 18. Plan et descriptif des principales séquences de l’église Rokko de T. ANDO.


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le parcours du corps et du temps

Chaque séquences déterminent une sensation dans un parcours. Une marche, un retournement, une zone d’ombre etc... L’analyse par séquences des projets du corpus est réalisé afin de définir les principes architecturaux utilisés par les architectes. Et la façon singulière qu’ils ont choisis pour faire découvrir les lieux dans lesquels leur architectures s’implantent. L’exemple de l’architecture nippone au travers de T.Ando, mais également de l’architecture traditionnelle, nous propose une culture qui a une approche très codifiée de l’architecture, où chaque détails a son importance. Des repères spatiaux et temporels émergent alors à la façon de séquences spatiales.

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Cependant, isoler les éléments du «tout» architectural ne doit pas altérer la compréhension de l’architecture composée. En effet, pour le thème du parcours, la succession des séquences est plus importante que les séquences en elles-mêmes. Le temps, le mouvement et la profondeur sont au centre de la compréhension du parcours.

Fig 19. Photographie. Maquette personnelle de la chapelle sur l’eau de T. ANDO. Accumulation des séquences qui s’opacifient au fur et à mesure du parcours. La lumière qui s’estompe représente l’abandon du corps et de l’esprit dans le parcours.


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LE «PENDANT»

Le «pendant» est une notion de temps: celle de durée. Elle représente, dans cette recherche, le parcours contenu entre «l’avant» et «l’après». Alors, le pendant est l’accumulation de séquences et d’émotions dans une durée définie. La durée est déterminée subjectivement par l’intérêt que nous portons à chaque séquences, mais aussi par la distance physique qu’il nous faut parcourir entre chaque séquence. La durée prépare à «l’après» en nous éloignant peu à peu de «l’avant».

«[...] la leçon de composition capitale qui s’en dégageait, à savoir que la qualité de la narration ne vient pas de l’histoire elle même mais de la façon dont tout s’enchaîne.» 1

L’accumulation de séquences n’est pas une simple addition, mais une suite logique qui construit le parcours dans un sens précis. L’architecte établit sa propre logique à partir de la topographie, de la culture, de la lumière etc... Le fil d’Ariane du parcours se trouve principalement dans l’enchaînement et l’ordre des séquences.

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D’ordinaire, le temps et l’usage fréquent d’un espace permet de se repérer et de se diriger. Le parcours permet de faciliter l’orientation avec une invitation à l’enchaînement des séquences durant le «pendant». Avec l’expérience, le regard permet l’appréciation des distances et le corps le temps à les parcourir. Combien de temps mettons nous pour parcourir d’ici à la-bas? De la gare à chez soi? Ces distances parcourues ne 1

. POÏESIS N°2, La proportion et la composition. Ed: A.E.R.A,

Toulouse, France, 1995.Articles

Fig 20. Photographie. «Les passages géométriques 2», 2015 © Andrés Cañal


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le parcours du corps et du temps


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sont pas pour autant des parcours. A ce stade de la recherche nous devons nous poser une question simple : A partir de quand considérer qu’il y a un parcours? Il ne suffit pas de franchir un ou plusieurs seuils pour parler de parcours. Le parcours ne se définit pas par le temps que nous y passons, ni par le nombre de séquences que nous traversons. Le parcours est une invitation à avancer. Il est le guide d’un lieu et d’une architecture singulière. Ainsi, il y a parcours lorsque l’avant et l’après existent, que le corps est dirigé par séquences dans un lieu, et que la durée du parcours ne prenne pas le dessus sur le plaisir de la découverte. Dans la Maquette ci-jointe (cf : Fig 21) on constate que la distance pour accéder de l’avant (éclairé en bas) jusqu’à «l’après» (éclairé au milieu) est plutôt restreinte, alors que le chemin sera lui, moins direct. L’idée de visualiser son but, permet déjà de créer une motivation jusqu’à la prochaine séquence qui enclenchera pour de bon le parcours. Dans les architectures du corpus, la composition architecturale est un guide à part entière. D’un point de vue manichéen on pourrait dire que l’Homme se perd ou se repère.

Fig 21. Maquette personnelle + Dessin personnel. Chapelle sur l’eau de T. ANDO. Accumulation des séquences qui s’opacifie à mesure du parcours. La lumière qui s’estompe représente l’abandon du corps et de l’esprit dans le parcours alors que la ligne, montre le mouvement à suivre.

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ii Composition, GEOMETRIE & p o e s i e Spatiale

Fig 22. Photographie. « Invitation à la prière», Mont Saint-Michel, France. © Michael Kenna


LE PLAN COMME PRINCIPE DE COMPOSITION ARCHITECTURALE 38-40 UNE POÉSIE MESURÉE 41-43


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co m p o s i t i o n

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g é o m e t ri e

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LE PLAN COMME PRINCIPE DE COMPOSITION ARCHITECTURALE

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«C’est ainsi par l’art de composer que se confondent éthique et esthétique dans une même expression de pensée.» 1 La composition en plan des projets du corpus (cf: Fig 23-24) exprime un dynamisme à qui veut le voir. Les séquences semblent s’étirer, se dilater, se resserrer tout du long du projet. Ainsi, le parcours ne semble jamais linéaire, les espaces se découvrent successivement avec une simplicité qui ne relève en rien de la facilité. Le geste architectural reste radical bien qu’il soit composé de plusieurs parties. En effet, le parcours architectural fait partie d’un ensemble complexe, où l’ordre et les rapports de quantité sont les garants de l’équilibre du tout. Le terme d’architecture composée insiste sur les différentes parties qui l’animent.

Nous distinguons ici, une architecture dynamique où la continuité et l’articulation des parties entre elles permet de penser «l’un» en un «tout», et le «tout» comme «un» (cf: Fig 25-26). Nous avons observé dans le chapitre précédent que le parcours se compose de séquences jouant le rôle de liant et de sens à la composition architecturale de l’ensemble. La composition d’un espace propose une orientation, un guide implicite qui oriente notre regard, nos pas, notre corps. La découverte graduelle de l’espace («le pendant») se fait alors dans un sens suggéré par la composition du tout. Cette ligne virtuelle se matérialise par la continuité des éléments architecturaux : des murs, des seuils, des marches, des points de

Fig 23. Dessin personnel. Composition géométrique de la

Fig 24. Dessin personnel. Composition géométrique de la

maison Bernasconi de L. Snozzi

maison Bianchi de M. Botta

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. POÏESIS N°2, La proportion et la composition. Ed: A.E.R.A,

Toulouse, France, 1995.Articles


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vue, des dispositifs, des traitements de sols, des escaliers. Ces éléments sont autant d’outils pour lier et créer une histoire autour d’une architecture. La composition géométrique des projets du corpus est une réponse des architectes face à leurs sites respectifs. L’architecture ne transforme pas seulement le site en un lieu singulier mais s’en inspire en y cherchant les grandes lignes, les forces, les tensions, son histoire. - La composition géométrique d’Ando confronte un monde naturel à un monde régit par l’ordre et la mesure. Cependant l’équilibre de la composition chez Ando permet de créer un rapport privilégié avec la nature. Selon Campo Baeza la volumétrie et la géométrie simple permettent à l’homme de comprendre instinctivement l’espace et de se concentrer sur l’essentiel, qui est la lumière et la gravité. «L’architecture n’est que lumière» de Le Corbusier. En simplifiant la lecture du lieu par une architecture maîtrisé et mesuré, l’harmonie entre le bâti et le non bâti prend tout son sens. La composition en plan permet d’exprimer l’intention architecturale sur le site. La construction permet quant à elle de vivre pleinement le rapport entre le corps et l’architecture. Fig 25. Dessin personnel. Décomposition de la chapelle sur l’eau de T. Ando par ses éléments géométriques et architecturaux. L’architecture décomposé met en exergue le rapport intrinsèque qu’entretiennent les différentes parties pour créer une architecture.

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UNE POÉSIE MESURÉE

“L’architecte peut anticiper l’émotion d’un parcours en plaçant correctement les objets rayonnants et les limites.” 1

ronnement et notre comportement. C’est pourquoi, par l’effet que suscite un dispositif, et l’endroit où il est placé dans la composition, le parcours peut transformer un mur en limite, un escalier en une entrée, une porte en un seuil, un banc en un lieu.

Il réside dans le parcours des projets du corpus une rigueur de composition et de géométrie qui cadre le mouvement et les gestes (chapitre III). Cependant, il en découle une poétique de l’espace insaisissable et régénératrice. Le mouvement du corps humain est dirigé par les tensions et les obstacles qui se développent tout autour de lui (cf: Fig 26). C’est ainsi que nous préférons contourner un muret plutôt que de le franchir, de suivre une calade plutôt que s’aventurer dans l’herbe. De se détourner d’un matériau rugueux par peur de s’écorcher. Inconsciemment, nous faisons tous des choix qui sont dictés par notre envi-

Si nous venons de voir que l’architecture composée se pense comme un tout, les espaces n’ont logiquement pas la même portée. Ils n’ont pas le même rôle à jouer dans le parcours. L’espace se retrouve alors hiérarchisé par des dispositifs différents qui sont autant de capteurs dans le parcours pour notre corps et nos sens. La composition en plan de l’espace atteint sa juste limite lorsqu’il faut parler de sensation et non de mesure. Bien que les plans expriment dynamisme et

Fig 26. Ci-contre. Dessin personnel. Décomposition de la

Fig 27. Ci-dessus. Illustration. Casa Papanice, Rome,

chapelle du mont Rokko de T. Ando par ses éléments géomé-

1969. «The effect of the geometry extending beyond the

triques et architecturaux.

building.» © Paolo Porthoghesi

1

. MEISS, Pierre Von, De la forme au lieu. Une introduction à

l’étude d’architecture, Ed : Presses Polytechniques et Universitaires Romandes (PPUR), Lausanne, Suisse, 1993

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Si cela semble basique comme pensée de la conception, cela prend tout son sens avec le parcours : Tous les éléments du parcours sont minutieusement disposés pour que le corps, les yeux, la tête se focalisent à un moment donné dessus. C’est pourquoi il est à la fois si dur de parler de parcours ou de le représenter - car il est composé d’innombrable petits éléments coordonnées les uns aux autres dans une échelle de temps et d’espaces à la fois si complexe et si poétique.

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justesse de proportions, de compositions etc... les dispositifs sont les outils - physique - architecturaux permettant au corps de ressentir l’espace. «[...] certains préférant penser que le mot composition se rapporte aux deux dimensions de la toile tandis que la construction se rapporte aux 3 dimensions de l’espace». 1 Ainsi, la composition en plan du parcours doit se faire conjointement avec l’expression volumétrique de l’espace (cf : Fig 28).

Nous comprenons alors que tout est mesure. Autrement dit que chacun des composans, des enchaînements, des cadrages, doit être harmonieux entre eux, mais aussi avec le site. Sinon, la poésie tourne à un mauvais refrain, celui qu’on entend trop souvent lorsque l’architecte s’éloigne de la radicalité pour offrir un «brouhaha» qui ne dupe personne. «De la complexité des parcours naît la profondeur de l’espace.» 2 Enfin, la profondeur de l’espace qui est symbolisée littéralement dans une maquette en creux (cf: Fig 29), fait parti d’un des composants majeurs de la poétique de l’espace. Le corps et l’esprit s’abandonne au fur et à mesure que l’espace et le temps s’épaississent. C’est la notion même de parcours qui crée la profondeur. Le parcours ainsi que le site.

Fig 28. Illustration. Axonométrie ombrée dessiné par l’ar-

1

chitecte. Ce dessin exprime les différentes ambiances, et

ture et théories, XIXe-XXe siècles. Ed: Presses Polytechniques

seuil de la chapelle. Une poésie se dégage de ce dessin

et Universitaires Romandes (PPUR), Lausanne, Suisse, 1993.

pourtant rigoureux. © Tadao Ando

2

. LUCAN, Jacques, Composition, non-composition. Architec-

. BERQUE, Augustin & SAUZET, Maurice, Le sens de l’espace

au Japon. Vivre, Penser, Bâtir. Ed: ARGUMENTS, Paris, 2004.


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Fig 29. Maquette personnelle de la chapelle du mont Rokko de T. ANDO. Accumulation des séquences qui s’opacifie à mesure du parcours. La lumière qui s’estompe représente l’abandon progressif du corps et de l’esprit dans le parcours.


III l’ARCHITECTURE IN SITU

Fig 30. Photographie. Ostuni, Puglia, Italie. © Elia Mangia.


PARCOURIR : PENSER L’ARCHITECTURE PAR LE SITE 46-49 LE PARCOURS DU CADRE, LE CADRE DU PARCOURS 50-55


iii

- l‘architecture

in situ

PARCOURIR : PENSER L’ARCHITECTURE PAR LE SITE

«L’artiste moderne n’ignore pas la nature, au contraire. Mais il ne l’imite pas, il ne la représente pas, il la reconstruit. Il se sert de la nature, la réduit à ses formes, à ses couleurs et à ses relations les plus élémentaires pour obtenir une nouvelle image au moyen de la mise en œuvre de la reconstruction de l’objet naturel.» 1

46

Le parcours qui nous est proposé par l’architecte dans son architecture a-t-il un lien avec le lieu où elle s’implante? Si la réponse semble être dans la question, les solutions de beaucoup d’architectes sur des sites pourtant «remarquables» ne sont pas si évidentes. Alors quand est-il vraiment? Il nous semble que les architectures offrant des parcours généreux sont en parfaite symphonie avec le site dans lequel elles s’implantent. Nous pouvons simplement l’affirmer en s’appuyant sur les projets du corpus: Dans la maison Bernasconi de L. Snozzi nous ressentons toute la déclivité du terrain sans pour autant en être déséquilibré. Cette topographie devient le prolongement de la maison, si ce n’est l’inverse. Quant à T. Ando, il fusionne son architecture avec le lieu pour mieux sans détacher à des moments précis pour créer la surprise et l’événement. Enfin, Botta se joue de la topographie pour mieux la révéler par sa 1

. LUCAN, Jacques, Composition, non-composition. Architec-

ture et théories, XIXe-XXe siècles. Ed: Presses Polytechniques et Universitaires Romandes (PPUR), Lausanne, Suisse, 1993.


iii

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une architecture du site

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Fig 31. Illustration personnelle. Le parcours physique de la chapelle du mont Rokko par T. Ando ainsi que son emprise au sol.


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- l‘architecture

in situ


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passerelle, soulignant ainsi l’entrée mais aussi le paysage en second plan. Les illustrations ci-jointes expriment à la fois le rapport au sol des projets et le parcours que doit suivre les pieds et le corps de chaque visiteur. Le dessin du site aux alentours est volontairement effacé. En effet, il n’est pas nécessaire de le signifier tant l’implantation et le parcours parlent du site eux même. On pourrait, par exemple, faire l’exercice mental de s’imaginer les alentours. Les multiples retournements de T. Ando sont le fruit de cadrages voulus par l’architecte afin de minimiser le complexe hôtelier qui surplombe la chapelle. L’enroulement de L. Snozzi intervient pour vivre plusieurs seuils, plusieurs ambiances, plusieurs vues, avec autant de place donner à l’extérieur qu’à l’intérieur. Au premier abord, le parcours ne semble pas être une chose tangible, trop sensible à la subjectivité et à l’arbitraire. Cependant on peut penser que le parcours - dans le cas des projets du corpus - sont conçus et mis en œuvre afin de sublimer le rapport au monde et à l’architecture quelques soit la personne, les saisons, ou le lieu. Nous pouvons formuler l’hypothèse que le parcours est, en quelque sorte, l’indice de sensibilité qu’entretient une architecture avec son lieu. Fig 32. Ci-contre. Illustration personnelle. Le parcours physique de la maison Bernasconi de L. Snozzi ainsi que son emprise au sol.

-

une architecture du site

Pour étayer cette hypothèse, appuyons nous sur l’intervention d’Alvaro Siza à l’abbaye du Thoronet. - Abbaye Cistercienne que les architectes du monde entier visitent comme un pèlerinage obligatoire pour la compréhension de l’histoire de l’architecture -. L’architecte portugais, invité pour faire une intervention sur le site, remarqua que le sens de visite actuel de l’abbaye n’est pas celle de l’époque où les moines. y vivaient. En effet, les visites commencent directement par la cour de l’abbaye. Hors, l’ordre des séquences à traverser, à franchir, à vivre, pour arriver à la cour n’est plus respecté. La découverte du lieu n’a plus de sens, il n’a plus son sens. A. Siza rééquilibre le parcours, par des interventions modestes, et redonne sa raison d’être au parcours de l’abbaye. L’architecte écouta simplement le lieu. Le parcours en architecture est le résultat d’une compréhension du site en amont. Du site mais aussi des traditions et des cultures qui sont ancrées sur le territoire. Le parcours est alors aussi bien un rapport au lieu qu’à l’architecture.

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- l‘architecture

in situ

LE PARCOURS DU CADRE, LE CADRE DU PARCOURS

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De nos jours, comment justifier le parcours, alors qu’il faut du tout, tout de suite. Quand se déplacer devient synonyme d’effort et non de poésie, le parcours devient un moyen de proposer de la surprise, des sensations, afin de contrer l’ennuyeux processus d’uniformité des styles de vie.

échelles de ce dernier. C’est ainsi qu’il prolonge sa maison dans la rue, que l’escalier s’adresse aussi bien aux montagnes environnantes qu’à la maison qu’il relie.

L. Snozzi aurait pu faire arriver la voiture directement dans la maison Bernasconi, pourquoi a-t-il pris le parti de faire un escalier - monumental pour l’échelle de la maison - qui mène jusqu’à la rue, où la voiture se gare? La réponse se trouve dans sa philosophie architecturale, dans son rapport au monde, au lieu, à la rue, au village. Il ne limite pas son architecture au cadre d’une parcelle mais s’empare du territoire et compose avec chaque

Alors, la question du parcours est étroitement liée avec celle de la limite. Chaque constructions architecturales à une limite physique (cf Fig 33 à 36), une limite de propriété, une limite de budget etc... Nous pouvons nous contenter de ces limites, mais nous pouvons également les contourner, les transcender ou bien les affirmer et les mettre en tensions. Lorsque T. Ando dessine le mur d’enceinte de la chapelle sur l’eau il souligne une limite mais en ouvre une autre avec le plan d’eau qui symbolise le pro-

Fig 33. Dessin personnel. Limite de l’emprise bâti de la

Fig 34. Dessin personnel. Limite de l’emprise bâti de la

maison Bianchi de M. Botta

maison Bernasconi de L. Snozzi


iii

longement de l’intérieur vers les reflets du ciel sur l’eau, vers cette sensation d’infini. Le parcours qu’il crée passe alors d’une séquence d’intériorité: on longe un mur, à une séquence d’ouverture extrême lorsqu’ apparait l’autel et le bassin. Finalement, Es-ce que le parcours n’est pas simplement une déambulation cadrée ? Par cadré nous entendrons «dirigé» (ou peut être bien: «imposé»). Si les projets étudiés sont des manifestes architecturaux, il n’y a pas de place à l’approximation, tout est calculé, millimétré pour provoquer des émotions, des sensations etc... Mais ces effets qui sont efficaces, ne sont-ils pas fait pour être vécu qu’une fois? Lorsque l’effet de

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une architecture du site

surprise de la première visite s’estompe, que reste-t-il? Je ne pense pas que la surprise s’estompe réellement, la diversité des séquences, des matériaux, mais aussi la maitrise totale de la composition architecturale, la sensibilité poétique se rajoutant, font que l’ennui ne pourra jamais avoir une place dans ces lieux là. Ces architectures font confondre invitation et direction, tout en flirtant avec le site, le dialogue s’installe et l’architecture devient alors un prolongement du lieu. Les quatre planches qui suivent illustrent et interprètent ce dernier paragraphe. Nous ne sommes finalement que les hôtes de ces architectures, et pas l’inverse.

Fig 35. Dessin personnel. Limite de l’emprise bâti de la

Fig 36. Dessin personnel. Limite de l’emprise bâti de la

Chapelle du mont Rokko de T.Ando.

Chapelle sur l’eau de T.Ando.

51


Fig 36. Illustration personnelle. RÊinterprÊtation du lien entre l’architecture, le parcours et les limites dans la maison Bernasconi de L. Snozzi.


Fig 37. Illustration personnelle. RÊinterprÊtation personnelle du lien entre l’architecture, le parcours et les limites dans la Chapelle du mont Rokko de T. Ando.


Fig 38. Illustration personnelle. Réinterprétation personnelle du lien entre l’architecture, le parcours et les limites dans la Chapelle sur l’eau de T. Ando.


Fig 39. Illustration personnelle. RÊinterprÊtation personnelle du lien entre l’architecture, le parcours et les limites dans la maison Bianchi de M. Botta.


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synthese

Iv synthese & OUVERTURE

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Le parcours ressemble à un récit, avec une introduction et une chute (un «avant» et un «après»). Les chapitres sont autant de séquences qui étoffent le récit pour créer un tout composé et articulé autour d’un même fil conducteur. Le parcours interagit avec son environnement, si bien que réalité et spiritualité s’entremêlent afin de troubler les limites de ce qui appartient aux parcours ou au site. Finalement le parcours est une façon dynamique et poétique de s’ouvrir au monde qui nous entoure. De s’ouvrir à l’architecture mais aussi aux petits éléments qui créent ce qu’on appelle l’esprit du «lieu».

Enfin, cette conclusion n’en est pas une, car cette études n’est que l’introduction dans la construction d’une pensée d’un projet architectural. Car, si nous avons établie plusieurs règles ou définitions, il est maintenant bon de les appliquer et de les confronter à d’autres notions architecturales dans le cadre du projet de fin d’étude, dont fait l’objet ce travail. Les page 58 et 59 récapitulent l’étude des projets du corpus sur le thème du parcours, de façon à les comparer et de commencer, une façon de représenter et interpréter le parcours dans une architecture.

Fig 40. Dessin personnel. Assemblage des fils de parcours. En haut : Assemblage des deux chapelle de T. Ando. En Bas : Assemblage des maisons de L. Snozzi et de M. Botta


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synthese

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synthese

TADAO ANDO Chapelle sur l’eau, Hokkaïdo, Japon, 1988

TADAO ANDO Chapelle sur le mont Rokko, Kobe, Japon, 1996

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LUIGI SNOZZI Maison Bernasconi, Carona, Suisse 1990

MARIO BOTTA Maison Bianchi, Riva San Vitale, Suisse, 1973

Fig 41. Schémas personnel. Récapitulatif analytique des projets du corpus sur le thème du parcours. Echelle 1:1000


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synthese

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BIBLIOGRAPHIE


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www.archdaily.com/architecture-classics www.divisare.com www.subtilistas.com

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florent ensag

quintard

I

2016 - 2017


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