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Friture fait
peau neuve Un peu de fraîcheur dans le paysage
médiatique
Grand Entretien
Paul Ariès
« Le bonheur n’est pas dans le toujours plus »
08 Pourquoi éco hameau
ça ne prend pas en MidiPyrénées Reportage et entretien avec l’économiste François Plassard
14 Le procès de justice logement
Léa et Tom en bd
1,50€
ed to
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lier jusqu’à Toulouse. Une vaste zone du Grand Sud, qui ignore les frontières, les départements ou les Régions pour aller puiser au coeur des territoires. Nous nous orientons vers de nouvelles formes de publications qui peuvent se résumer en quelques points : - une refonte totale du site Internet, qui se traduit par de nouveaux rubriquages, des chroniques, une place plus importante à l’actualité et au reportage, ainsi qu’un espace important dédié aux blogs et aux contributions diverses. - un site sans pub qui ne fonctionnera que grâce aux abonnements. Le site www.friture.net continue à fonctionner sous sa forme actuelle. Vous pouvez toujours y retrouver un agenda complet et des actualités ; - une nouvelle périodicité et zone de diffusion pour le magazine papier. Nous souhaitons en effet prendre un rythme triimestriel dans une formule avec plus de pages et en couleur, et ce, sur une zone de diffusion qui s’étendrait sur le grand Sud-Ouest. Ce premier numéro de 16 pages n’a été concocté que pour vous mettre l’eau à la bouche. Le prochain, prévu en octobre, s’étalera sur 80 pages. Une nouvelle formule d’abonnement au site et au magazine, qui tend à fidéliser la «galaxie Friture», grâce des tarifs plus abordables vous est proposée. Ce numéro un peu spécial se compose des articles parus sur le site, les plus lus ou appréciés par les internautes. Il s’agit pour nous d’être présent sur le web, pour une lecture plus large, mais de conserver également cette formule papier à laquelle vous êtes attachés...
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Complètement marteaux par les Requins Marteaux
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Fallait pas l’énerver par Hélène Morsly
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Le meilleur des mondes par Laurent Roustan
Cousin pas si éloigné que ça d’Aldous Huxley, le novéliste basé en Aveyron imagine et décrit des mondes parallèles ou rêvés.
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Des mots, démos par Valérie Lassus
Comme son confrère Alain Rey sur France Inter, c’est à une découverte du sens, caché ou enfoui, des mots ou expressions, que nous convie Valérie. Instructif et militant.
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Que se cache-t-il sous ce rocher ? Le monde de l’adolescence et de l’enfance au carrefour avec l’âge adulte. Il est tumultueux et complexe. Cette chronique nous aide à y voir plus clair.
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grand entret en
Paul Ariès Le politologue, directeur du «Sarkophage», membre du comité de rédaction du journal La Décroissance et auteur de nombreux ouvrages sur la décroissance, le mésusage, la consommation ou la simplicité volontaire, nous a accordé un grand entretien sur les questions de souffrances au travail. Entre nouvelles méthodes de production, de management, et course au «toujours plus», il dresse le constat des méthodes qui conduisent au «mal au travail». Et met en avant une « simplicité volontaire et un nouveau langage au service de l’émancipation ».
«Le défi de ce siècle est d’aller vers moins de biens et plus de liens» 1/ Le phénomène est assez récent, on parle de nouvelles formes et pathologies de souffrance au travail. Ce n’est plus le corps qui est mutilé aujourd’hui, mais l’esprit, la psychologie. Avez-vous également remarqué cette tendance ? La souffrance au travail concerne les pays pauvres plus encore que les pays riches. On déplore par exemple en Chine une vague de suicides parmi le personnel des sous-traitants des géants américains de l’informatique ainsi que de nombreux accidents. La France est cependant selon deux rapports du Bureau International du travail (ONU) en tête des pays avancés pour la violence au travail. L’INSEE estime, pour sa part, que sept millions de français sont concernés. La médecine du travail évalue à plus de 90 % les médecins ayant déjà eu connaissance d’au moins un cas de harcèlement au travail et 21 % d’entre eux considèrent ce phénomène comme fréquent. 97 % des victimes souffrent de complications morbides se traduisant par des insomnies, de l’anxiété, de la dépression, des troubles digestifs ou cutanés, etc. L’époque est heureusement à dénoncer l’essor du harcèlement mais les solutions avancées semblent se heurter... à la faiblesse de l’analyse. On veut croire que ce harcèlement serait le fait de «petits chefs» pervers ou de patrons obligés d’en user à cause des rigidités du droit du travail, bref on harcèlerait seulement les salariés dont on veut se débarrasser. Ce harcèlement pour exclure cache en fait une autre forme d’harcèlement. Le néo-capitalisme peut très bien fonctionner sans harcèlement sexuel ou «petit chef» pervers tout comme toutes les familles ne sont ni violentes ni incestueuses. Mais l’entreprise moderne ne peut exister, en revanche, sans ce nouveau type de harcèlement pour dévorer le personnel, car il constitue la fausse bonne solution inventée pour concilier l’inconciliable : la précarité avec l’implication au travail. L’entreprise ne donne plus au salarié les conditions lui permettant de s’intégrer. Il lui faut donc tenter de le motiver par des techniques agressives qui ressemblent fortement à de la manipulation mentale. Nous ne sommes pas dans l’entreprise pour faire des stages de survie ni pour sauter à l’élastique. Ce management est de type totalitaire. Nous ne devons pas davantage sous-estimer le nombre d’accidents au travail et l’importance des maladies professionnelles. J’appelle les salariés et leurs syndicats à être plus vigilants face à certains nouveaux risques comme ceux liés à l’informatisation à outrance.
« Cette taylorisation du sourire dans l’entreprise est le summun de la déshumanisation»
2/ Burn-out, arrêts maladie, tentatives ou suicides au travail... les nouvelles formes de management, de rendement, de productivité en sont-ils la cause principale ? L’idéologie managériale qui envahit toute la société est une idéologie dangereuse. Ces nouvelles pratiques sont imposées certes au nom des gains de productivité (bien qu’elles soient parfois contreproductives) mais l’objectif est avant tout d’imposer de nouvelles relations au travail et à son entreprise : on ne demande plus seulement au salarié de bien travailler et
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d’être performant mais de laisser croire qu’il aime son job et l’entreprise. Le but est d’empêcher les salariés d’agir, de penser, de rêver autrement que sa société. N’oublions jamais que pour que le manager puisse se croire tout-puissant, il faut parallèlement que les salariés soient pensés et produits comme impuissants…. L’entreprise moderne en a certes fini avec le paternalisme d’antan mais elle développe aujourd’hui un maternalisme encore plus pervers, car fondé sur une logique de dévoration de ses personnels, cadres compris. Le patronat déploie pour cela toute une stratégie de harcèlement pour casser les identités collectives, pour empêcher les salariés de travailler comme ils pensent nécessaire de le faire pour bien travailler justement. Le néo-management ne supporte plus le moindre écart entre le travail prescrit et le travail réel, le salarié doit accepter d’appliquer des normes auxquelles il ne croit pas, il doit respecter des procédures qui ont pourtant fait la preuve de leur inefficacité…Le néo-management est une entreprise monstrueuse de dépouillement des identités professionnelles, des façons de faire traditionnelles, bref de l’autonomie et de la dignité des salariés. Nombreux sont ceux qui confient ne pas aimer le travail qu’on leur demande de faire. Pensons à ces postiers qui refusent d’être transformés en VRP. 3/ Pourtant on travaille moins, à l’exemple des 35 H, dans de meilleurs conditions, dans des environnement soit-disant plus agréables, adaptés, confortables... On travaille moins d’heures mais les cadences sont plus fortes et la pression psychique aussi. On travaille moins d’heure mais on emporte avec soi et chez soi une partie du travail. L’impact de l’informatique est à cet égard déplorable tout comme on sous-estime le fait que presque tous les salariés ayant aujourd’hui une fonction intellectuelle, cela les empêche de se déconnecter totalement de l’entreprise de retour chez eux. Les nouveaux modes de management se veulent donc certes plus sympathiques, mais ce management affectif est, en réalité, pervers car l’entreprise n’a de cesse d’infantiliser son personnel, cadres compris, pour mieux le dominer. Tout y concourt : les nouveaux modes d’organisation du travail qui brisent les cultures de métier ou organisent la transparence (bureaux ouverts, flicage en temps réel par l’informatique) mais aussi des techniques plus raffinées de manipulation des salariés qui, sous prétexte de développer la culture d’entreprise, imposent une même façon de travailler, de s’habiller, de sourire, de parler, de penser, etc...Cette taylorisation du sourire est le summun de la déshumanisation de la relation de travail, tout comme le fait d’obliger des salariés à exhiber leur prénom ou d’user un prénom autre que le leur dans le but de faire croire aux clients qu’ils ont toujours le même conseiller téléphonique en ligne… Conséquence : on passe très vite de l’amour à la haine. Commençons à dire que la reconnaissance ce n’est pas la tape dans le dos mais c’est d’abord de bons salaires, de bonnes conditions de travail, écouter ce que dit le salarié. La situation des entreprises américaines est symptomatique des évolutions en cours. Ce même patronat qui développe une politique de la terre brûlée face au syndicalisme n’hésite plus à exiger des salariés qu’ils deviennent des «militants de leur entreprise» allant parfois jusqu’à leur imposer de participer à des campagnes politiques que les «top-managers» jugent profitables aux intérêts de la
Ouvrages parus firme. Il est ainsi devenu de bon ton dans certaines sociétés transnationales de fournir de la propagande politique à son personnel ou de le convier à des réunions politiques sur le temps de travail et dans les locaux de la société. L’avenir est-il à dix ans de vie Auchan, suivis de 5 ans d’IBM, etc. ? Jusqu’où faut-il aller dans l’identification à son entreprise ? Faudra-t-il vivre son entreprise jusqu’à en dépendre existentiellement ? 4/ Quelles seraient selon vous les «sorties de secours», les pistes à explorer ? Doit-on aller vers «moins de travail», «moins de rendement», «moins de stress» ?... Nous ne pourrons réussir à ne plus être des forçats du travail que si nous choisissons aussi de ne plus être des forçats de la consommation. Le bonheur n’est pas dans le toujours plus : travailler plus pour gagner plus, gagner plus pour consommer plus. Ce constat est plutôt une bonne nouvelle car ce choix du toujours plus n,’est même pas jouissif. Il suffit de constater le surconsommation médicamenteuse. Il ne s’agit pas de vivre la même vie avec moins…mais d’inventer d’autres façons de vivre. Nous avons besoin d’inventer un slow management comme il existe un slow food. Nous avons besoin de ralentir, de relocaliser, de redonner du sens à ce que nous faisons. Nous devons dénoncer la faillite humaine du modèle actuel qui repose à la fois sur la remise en cause du plein emploi et sur des emplois de qualité (CDI). Cette insécurité sociale ne bouleverse pas la droite qui a renoué avec le mépris des faibles. Le sort des naufragés lui inspire davantage de dégoût que de pitié (Eugène Buret, 1840). Songeons à la phrase de Jacques Séguéla : « si a 50 ans on n’a pas de Rolex, on a raté sa vie ». Cette maxime n’est pas seulement une « immense connerie » (sic), c’est tout le mépris pour les gens de peu qui s’y exprime. La majorité de la gauche entretient, elle, l’illusion d’un retour possible au plein emploi pour tous. Elle n’a pas compris que nous avons changé d’époque. Nous devons donc apprendre à fonder la citoyenneté sociale sur autre chose que la centralité du travail, nous devons fonder nos revenus sur autre chose que le salaire. C’est non seulement nécessaire socialement mais indispensable écologiquement car la planète crève littéralement de notre système économique. C’est pourquoi je considère que le grand combat pour le 21e siècle ce n’est pas de manifester pour le pouvoir d’achat mais de défendre et étendre la sphère de la gratuité. Ce ne peut être bien sûr la gratuité de n’importe quoi mais seulement celle de ce qui est considéré comme un droit pour l’ensemble des humains. Traduction politique : je suis pour l’adoption d’un revenu garanti inconditionnel couplé à un revenu maximal autorisé. Revenu garanti qui pourrait être versé en partie en monnaie nationale, en partie en monnaie régionale à inventer pour faciliter la relocalisation des activités économiques et en partie en droits d’accès sur les biens communs. Je suis donc partisan de la gratuité des services publics : gratuité de l’eau vitale, gratuité des transports en commun, gratuité de la restauration scolaire, gratuité du logement social. Gratuité des services funéraires, etc. L’avenir est à la gratuité du bon usage face au renchérissement ou à l’interdiction du mésusage 5/ Vous êtes en France un des colporteurs de la Décroissance... ce mouvement avait-il raison avant tout le monde ? Le temps des crises est avéré, le temps des croissances infinies est-il venu ? Les Objecteurs de croissance ne sont ni des durs à jouir ni des professeur foldingue. Nous disons pourtant qu’il faut en finir avec le culte de la croissance quelle que soit sa couleur. Einstein disait que tant qu’on a la tête sous forme de marteau, on voit tous les problèmes sous forme de clous.
Tant que nous aurons la tête formatée par l’économisme (c’est-à-dire cette idée que plus serait nécessairement égal à mieux) , nous irons chercher la solution à tous les problèmes dans le « toujours plus » : « toujours plus » de production et de consommation, toujours plus loin, toujours plus loin, toujours plus grand. Conséquence : notre société a totalement sombré dans la démesure. Nous avons perdu la capacité à nous donner des limites. Lorsqu’un individu n’est pas capable de se donner des limites, il va les chercher dans le réel : conduites à risque, toxicomanie, suicide, etc. Lorsqu’une société n’est pas capable non plus de se donner des limites, elle va aussi les chercher dans le réel : épuisement des ressources, réchauffement planétaire, explosion obscène des inégalités sociales. Pour nous la grande question est donc de renouer avec le sens des limites. Je sais aussi que ce n’est pas en culpabilisant les gens qu’on y arrivera. On ne peut changer le monde qu’en donnant envie de changer. Le grand enjeu est aujourd’hui est de susciter le désir, de créer un désir authentique, qui ne soit plus le faux désir de travailler toujours plus et de consommer toujours plus. Ce vrai désir ne peut être qu’une croissance en humanité contrepartie à une décroissance économique. C’est ce que résume notre slogan « moins de biens, plus de liens… ».
La simplicité volontaire contre le mythe de l’abondance La découverte, février 2010 Harcèlement au travail ou nouveau management Editions Golias, octobre 2010
6/ N’y a-t-il d’autre issue que par la «simplicité volontaire» et donc la prise de conscience individuelle que vous prônez ? Le temps des politiques et de ses lois est-il lui aussi obsolète ? Les Objecteurs de croissance ne sont pas des écologistes plus hard que les autres. Je ne suis pas venu à la décroissance parce qu’il y a avait le feu à la planète mais parce que ce système est foncièrement injuste envers les plus faibles, parce que les modes de vie liés au « toujours plus » ne me sont jamais apparus jouissifs, bien au contraire. Il y a pour moi autant d’aliénation dans l’hyper-consommation que dans le culte du travail. J’ai fondé le 14 juillet 2007 le Sarkophage (journal d’analyse politique) parce que nous sommes nombreux à penser que l’effondrement environnemental est foncièrement lié aux effondrements énergétiques, sociaux, politiques, culturelles, psychiques. Les ContreGrenelle ont déjà été l’occasion de dire qu’il n’y aurait pas d’Union Sacrée possible pour sauver la planète : il y aura nécessairement des gagnants et des perdants. Les objecteurs de croissance ont choisi leur camp : celui des plus pauvres, ici et dans les pays du sud. Les contre-Grenelle ont été aussi un coup de gueule nécessaire contre le « capitalisme vert » c’est-à-dire contre cette volonté d’adapter la planète (avec notamment l’usage de techniques de modifications artificielles du climat) et si besoin les humains (avec les thèses en faveur du « transhumanisme » c’est-à-dire le projet d’un humain augmenté) aux besoins du productivisme. Il faut en finir avec l’économisme, c’est-à-dire cette idée que « plus » serait forcément égal à « mieux ». Les objecteurs de croissance sont des militants du « moins » mais « mieux »… On peut nourrir sept milliards d’humains mais avec une alimentation relocalisée, resaisonnalité, moins gourmande en eau, assurant la bio-diversité, etc. Nous ne pourrons en finir avec la dictature de l’économisme que si nous faisons primer la culture et la politique. La culture car elle nous immunise contre les fantasmes les plus archaïques (culte de la toute-puissance, idée d’un monde sans limites). La politique car elle est d’abord la définition de la loi, ce qui pose bien sûr la question du contenu de cette loi.
« Le grand combat du siècle c’est de défendre et d’étendre la sphère de la gratuité »
Propos recueillis par Philippe Gagnebet
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Fr tes et ratures
La rose
et le serpent
C
ette nuit j’ai rêvé que, de sa petite main potelée, ma mère me montrait la route du soleil. Au réveil, j’ai eu très envie de la voir. Je n’ai pas dit non bien que, entre nous, j’aie mille autres chats à fouetter. Ma mère est assez à cheval sur mon apparence, aussi j’ai soigneusement choisi mes vêtements : jean millésimé, chemise en coton à petit crocodile, veste en tweed gris signé B… et baskets à virgule en cuir fraîchement cirées. La veste en tweed je l’aime beaucoup, elle me donne bon genre et puis, soi dit en passant, je me sape tout le temps comme si j’allais tomber sur mon boss à chaque coin de rue. J’ai sauté dans ma voiture, un petit joyau pour lequel j’ai épargné longtemps, et que je n’ai pu m’offrir qu’à mes trente printemps –Spitfire Mk4 jantes blanches, passepoil bleu et sellerie noire, la plus puissante de sa catégorie. De Grenade à Toulouse, quartier des Minimes, trente-deux kilomètres exactement, autant dire rien, une bagatelle. Et me voici donc en face de ma mère, qui regarde ailleurs et que j’observe du coin de l’oeil. Le dos voûté, le corps lourd et le visage rond comme celui d’un poupon, elle est debout et semble scruter autre part, loin là-bas. Je regarde aussi mais je ne vois rien, c’est plutôt loin dedans qu’il me faudrait aller la chercher. Elle dit : - Il m’est arrivé une chose étrange aujourd’hui : je pelais un poivron et j’ai trouvé une chenille à l’intérieur. Elle dit aussi, en scannant des yeux chaque parcelle de mon corps : - Tu as maigri, viens manger. J’ai dévoré et comme je ne pouvais plus rien avaler, j’ai repousse le café qu’elle me tendait avant de me diriger vers l’ascenseur, histoire de mettre le pied à l’étrier et d’aller constater par moi-même tout ce qu’elle venait de me conter. J’ai fouiné par ci par là, rien de notable, il faut dire que quand ma mère voit un chat, elle dit toujours que c’est un lion. Désoeuvré, j’ai fini par m’asseoir au pied de l’immeuble. Tout en haut le ciel, sous mes pieds la terre et droit devant moi, juste entre les deux, un homme assis sur un banc. J’ai tout de suite vu que lui se fichait de son extérieur comme de l’an quarante : un pantalon marron en velours côtelé, un hideux polo à manches courtes rouge et des baskets vert caca d’oie, sans doute achetées une ou deux boules dans un surplus de l’armée. Je crois que je me serais endormi si je n’avais vu l’homme se lever, s’éloigner, faire demi tour, repartir puis tout à coup se diriger droit sur moi. Son comportement erratique m’a intrigué, je l’ai observé tandis
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qu’il approchait. Bien m’en a pris car en quelques secondes seulement, j’ai réussi à mettre un nom sur son visage : Eric Pauquet, celui la même avec lequel, jadis, j’ai commis tous mes petits larcins. A cette époque, je me serais tué rien que pour lui ressembler, j’allais même, pour mieux le capter, jusqu’à le suivre en douce pendant des heures. Pour l’heure il avait l’air triste, légèrement hagard. Tout laissait à penser qu’il venait de frôler l’abîme, et qu’il aurait suffi d’une seule pichenette pour l’y faire retomber. Pour preuve les gros anneaux autour de ses yeux, si cernés que tant que nous sommes restés ensemble, il n’a presque pas osé me les montrer. Il semblait hanté par une question qu’aucune réponse ne pourrait jamais satisfaire. J’ai même pu deviner, par instants, des embryons de sanglots bravement retenus à sa frontière glottique. Je ne lui ai rien demandé ou alors à peine, comme ça, du bout des lèvres, pressentant que d’une façon ou d’une autre, il finirait par se mettre à table. Bien joué, le voilà qui se met à parler. Les mots lui viennent enfin, cadence hachée et ton plutôt curieux, trop uniforme. Une étrange compote rythmée par de longues pauses, pauses qui ont pour effet de restituer à ses mots leur quintessence, leur sel simple, quelque chose d’un suc premier. Il me dit, en fourrageant dans ses cheveux – et sous son aisselle je peux apercevoir un petit tatouage, représentant une rose rouge et un serpent noir étroitement enlacés : - Tu dois te souvenir de Sofia, me dit-il. La fille du gardien, celle dont on était tous enkiffés. Rez-dechaussée, immeuble F, il reprend avec un petit soupir et en me regardant tout à coup droit dans les yeux. Comme pour se rapprocher de moi, mieux m’entraîner avec lui sur un terrain connu de nous seuls, comme surtout pour évacuer les volutes de nuit qui flottent sur ses prunelles pâles. - Inoculé, je l’étais. Encore longtemps après que tu sois parti d’ailleurs, et jusqu’au caillou. Mais le plus étrange, c’est que je n’ai jamais osé la toucher. J’aurais pourtant tout donné pour pouvoir, ne serait ce qu’une fois, passer ma main dans ses cheveux et respirer la petite odeur de transpiration qui perlait toujours, là, sur le duvet de son front. J’ai dû longuement la travailler au cœur pour pouvoir approcher son corps, elle m’aura appris la patience. Des mois et des mois à ravaler ma langue, stratégiser, ostensiblement l’éviter. Elle arrivait je partais, elle partait j’arrivais. Mais un beau jour, elle a fini par se rendre. Ce jour là je l’ai quittée sans même me forcer, et je me souviens être rentré avec l’impression de chevaucher le temps sur un tapis volant. Quelque temps plus tard, j’ai réussi à la mettre dans mon lit. Je la revois encore, nue, allongée, les yeux fermés, les mains pudiquement posées sur ses cuisses. J’ai enfin pu attacher ma bouche à la sienne, caresser ses joues, effleurer le bout de ses seins. En m’enfouissant dans son odeur, j’ai cru
tomber dans un abîme. Lorsqu’elle a rouvert les yeux, j’étais en train d’ôter mon tee-shirt. C’est alors que je l’ai vue, la bouche tordue par un cri qui n’est jamais venu. J’ai été si surpris que je n’ai pas essayé de la retenir. J’étais sonné, et je n’ai rien entendu d’autre que la porte d’en bas claquer, et puis ces drôles de crissements sur le gravillon… Il se tait, longtemps. Je me lève mais il me prend par la manche et me force à me rasseoir, son histoire n’est pas finie. Il m’aura presque fallu lui donner une gifle pour le faire parler, à présent je meurs d’envie de lui en donner une autre pour le faire taire. Mais il vire au gris, je lisse ma manche et me rassieds. Ce qu’elles en charrient de la mousse les vagues de son cœur, une écume qui lui remonte jusqu’aux yeux pour y déposer, par petits traînées, un voile tantôt brun tantôt lacté. La couleur du sort, je me dis, ce n’est pas souvent celle que l’on a choisie. Il reprend avec une voix moribonde, presque intérieure : - J’ai fini par réagir, reprend-il. J’ai escaladé la grille car je me doutais que si elle s’était réfugiée quelque part, ce ne pouvait être qu’auprès de son vieux. Je suis entré, il était seul, assis, le front posé sur la table de la cuisine. Il avait dû rester dans cette position longtemps parce que j’ai noté que le motif de la toile cirée y était resté imprimé. J’ai cru qu’il priait, mais non. Il m’a longuement dévisagé avec rien dans ses yeux, et puis il m’a demandé de partir. Son regard était si vide, son ton si assuré que je n’ai rien pu faire d’autre qu’obéir. J’ai eu tort car je ne les ai plus jamais revus, ni elle ni lui. Mais tu sais bien qu’ici, tout finit toujours par s’ébruiter. Alors j’ai cherché, et j’ai trouvé. A savoir qu’il y quelques années, un peu
avant que tu t’en ailles, Sofia a fait une mauvaise rencontre dans la cage d’ascenseur. Un homme seul et duquel, tout le temps qu’il a œuvré, elle n’a presque rien pu voir. Ça s’est passé dans la nuit, pratiquement sur le seuil de la loge de son père. Tout ce qu’elle a pu dire, c’est que cet homme avait un petit tatouage tout près de l’aisselle, un serpent et une rose entrelacés. Un tatouage pareil au mien, au même endroit que le mien... Sa voix s’est terriblement cassée, et l’obscurité est tombée. Il pleurait à présent, des petits sanglots qui lui détricotaient le dos. Il s’est levé, s’est mouché le nez avec la paume de sa main, d’un coup sec, puis il s’en est allé. Je l’ai regardé s’éloigner, il ne s’est pas retourné une seule fois. Il marchait lentement, les épaules rentrées et le nez collé au bitume, comme s’il avait perdu quelque chose qu’il lui fallait absolument retrouver. Je suis resté là jusqu’à ce que la nuit tombe, noire, plombée, après ça j’ai repris l’ascenseur. Ma mère était dans la cuisine, toujours à la même place. Sans doute attendait-elle que je lui livre mes impressions mais je n’avais pas envie de parler, je l’ai donc laissée seule avec tous ses mots et j’ai filé jusqu’à la chambre. Minuit, l’heure où le jour devient la nuit, la nuit devient le jour. J’ai ôté ma veste, mon jean et ma chemise. Lentement, pour ne pas les froisser. Les bras encore au dessus de la tête, j’attaquais le tee-shirt quand je me suis vu dans la glace de la grosse armoire. Une vision étrange s’est alors offerte à moi : là, sous mon aisselle, un joli tatouage, délicat, coloré, représentant un serpent et une rose étroitement enlacés. Ce soir là, bien que ma mère m’y ait longuement exhorté, je n’ai rien mangé. Et cette nuit, de sa petite main potelée, je ne serais pas étonné qu’elle me montre le chemin de l’obscurité.
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Nadia Berquet, novéliste et écrinaine est l’auteur de La Cité des fleurs (Le mot fou éditions), La sale idée du bonheur et La guerre des fleurs (HB éditions). Elle vit à Toulouse.
ncisives
Ecohameaux
pourquoi ça ne prend pas ?
Eco-hameau d’Andral (Lot). 24 maisons bio-climatiques individuelles, une maison commune et des équipements collectifs vont voir le jour sur 1,5 Ha.
Des dizaines de projets dans la région. Eco-construction, habiat partagé, intégration dans le paysage... mais pour le moment, tout n’existe que sur plan...
I
Éco-villages, éco-hameaux, ces nouvelles formes d’habitat écologiques sont-elles viables pour réduire l’impact énergétique ? Oui, mais… En Midi-Pyrénées, quelques projets sont en cours, beaucoup ont été abandonnés. Petit état des lieux local à travers trois expériences d’éco-hameaux, censées servir d’exemple…
Il y a cinq ans, parler d’écohameaux en France relevait de la pure utopie. Pourtant, certains se sont lancés dans l’aventure, convaincus d’être sur la voie d’un futur plus enviable : constructions écologiques, utilisation et partage des énergies renouvelables, agriculture biologique, systèmes collectif de retraitement des déchets, récupération des eaux de pluie, etc.
appel à des professionnels pour les démarches juridiques et architecturales. En décembre 2008, le permis de lotir est finalement accordé par la mairie, mais les candidats ont déserté… Seul, Gérard Vivès préfère aujourd’hui se concentrer, avec l’aide de deux architectes, à des ventes sur plan de 4 à 5 maisons écologiques, vendues clé en main, pour 250 à 300.000 euros…
L’Isle Arné : le facteur humain en question
Cazeneuve Montaut : le spectre de la secte
En 2005, Gérard Vivès, habitant de la petite commune de l’Isle Arné dans le Gers, met un terrain d’un hectare et demi, dont il a hérité en plein cœur du village, à contribution d’un éco-hameau, constitué d’un village d’artisans, d’habitats sociaux, d’un centre de formation, d’une épicerie bio, etc... Le groupe d’habitants constitué, des « néo ruraux », on discute de l’avenir des 10 parcelles à habiter. Mais, sur le terrain, les idéologies ne se fondent pas dans le paysage. Écolos purs et durs contre paysans réfractaires, les critiques fusent, le maire se désolidarise. « Il faudrait qu’il y ait plus de locaux sur un tel projet, j’étais seul face à des personnes qui ne se souciaient pas de la réalité locale », regrette encore Gérard Vivès, qui reconnaît que la gestion humaine est la raison principale de leur échec. À cela s’ajoutent le manque de financement des futurs habitants et leur refus de faire
Depuis 2005, le projet de Cazeneuve Montaut dans le Comminges, épaulé par François Plassard, concepteur des éco-hameaux (lire interview), en collaboration avec la mairie, n’a pas non plus trouvé preneur auprès des locaux, qui ne voyaient pas d’un bon œil l’implantation de lotissements sociaux, même écologiques, tout comme l’arrivée d’une population « communautaire, qui ne se serait pas intégrée au village ». François Blanc, ex-coordinateur du projet, pointe lui « le manque de pédagogie des élus envers les habitants ».
environnement
Verfeil sur Seye : imbroglio judiciaire À Verfeil sur Seye, près de Toulouse, depuis 2004, la situation est différente mais toute aussi bloquée. Soutenu par le conseil municipal, la préfecture, le Pays Midi-Quercy (le projet est inscrit dans sa
charte de développement ainsi que dans sa charte paysagère), l’Ademe, la région Midi-Pyrénées, le CAUE (Conseil en architecture urbanisme et environnement), FNE 82 (France Nature Environnement de Tarn-et-Garonne), l’éco-hameau, pourtant en constructio, se heurte à une association de voisins très procédurière. Cette dernière prétend que ces logements porteraient préjudice à ses propriétés et s’acharne à contester en justice toute décision municipale. Résultat : constructions suspendues et plus de 10.000 euros de frais de justice pour les acquéreurs. Des élus d’Europe écologie ont apporté leur soutien au maire, Daniel Durand, qui compte bien « se battre jusqu’au bout »… Dommage, c’est pourtant le projet le plus abouti en région. Peut- être sera-t-il devancé par l’éco-hameau d’Auzas dans le Comminges qui vient de se lancer dans les démarches depuis el mois de mars dernier ? Affaires à suivre. Ariane Mélazzini-Déjean
Des voisins s’acharnent à contester toute décision municipale. Résultat : constructions supendues. 08
interview
« Les éco-hameaux n’ont pas trouvé de soutien politique »
François Plassard Docetur en économie, ingénieur agronome, concepteur de la démarche «Eco-hameaux».
Pourquoi ne trouve-t-on pas de projets d’écohameaux viables en Midi-Pyrénées, peut-on parler d’un coup d’arrêt ? Il y a, effectivement, un coup d’arrêt sur les démarches collectives de co-habitat dans cette région. Mais cela n’est pas forcément dû aux projets en eux-mêmes. Car, en MidiPyrénées, comme dans toutes les régions de France subissant la crise sociale et la baisse du pouvoir d’achat, l’autoconstruction individuelle se porte bien, mais nous voulons apporter une valeur ajoutée en passant l’autoconstruction collective, comme une alternative aux lotissements, qui ont enlaidi les villages. L’idée d’un écohameau est d’apporter de la vie dans les villages, en réunissant des gens qui délocalisent leur activité, en emmenant un urbanisme de hameau sans voiture au centre, une mixité d’âge et sociale, des maisons bioclimatiques, La démarche humaine n’est ni communautariste, ni une démarche de marché, ce n’est pas non plus de l’éco-village mais du co-habitat, une logique intermédiaire. C’est sans doute pour cela que notre association (A.E.S., Auto-éco Constructeurs de l’Economie Solidaire) a reçu le prix CIME Balise Midi Pyrénées national 2003 sur le thème du développement durable, pour le concept des éco-hameaux. Mais la vraie raison de notre échec est essentiellement politique, puisque cette reconnaissance n’a été suivie d’aucune volonté politique. Ce n’est en rien un échec idéologique sur l’urbanisme puisque nos éco-hameaux participent à une économie de coûts en réalisant des habitats bioclimatiques à des prix 30 % inférieurs aux prix du marché.
sée tout net par la Parti socialiste, qui n’a pas donné un centime aux projets. Nous les avons rencontrés, organisé des réunions à la Région, c’était « Niet ! ». Un élu PS m’a même dit : « On ne veut pas d’éco-hameau, c’est la filière et la spéculation du marché ou la filière HLM ! ». À la campagne, notre démarche est tout à fait appropriée car le coût du foncier est moins élevé qu’en ville. Certains se plaignent que le message ne pas au niveau de la population locale… À Verfeil, nous avons monté un Groupe local d’accueil de 9 personnes, avec le président, la bibliothécaire, le président du festival culturel, qui s’est réuni, tout le monde était emballé, enthousiaste. Le groupe a présenté le projet à la population, a reçu les candidats, je ne connais aucun promoteur privé qui aurait fait 1% de ce que l’on a fait en termes de transparence et de communication ! Toute notre construction tient
valeur ajoutée : huit maisons pour les retraités, une maison des aïeux, 3 maisons pour jeunes avec enfants et une maison d’accueil pour les invités des retraités. Une même initiative va sortir de terre à 10 km d’Agen, à Clermont-Dessous, avec comme projet la thérapie par les abeilles. Il y aura une chambre d’hôtes pouvant accueillir 15 clients du centre de thérapie par les abeilles, ce sera le 2e en Europe. Mais ces projets ne viennent pas de Midi-Pyrénées, alors que cette région nous attribué un Prix sur le développement durable, c’est un comble !
Quels sont les clés de leur réussite ? Nous travaillons d’abord avec les mairies, qui doivent donner leur accord. Une fois que la municipalité a trouvé le terrain, nous accompagnons la démarche, pendant deux ans au minimum, en matière d’ingénierie financière, architecturale et urbanistique ainsi que de l’ingénierie de formation et d’accompagnement, ce sont les 3 clés qui font le succès d’un éco-hameau. Le problème de fond est que la question de l’accès au logement s’aggrave. Avec cette démarche, nous voulons prouver qu’un éco-hameau intégré au territoire est accessible au plus grand nombre.
« Je me suis découragé et je m’intéresse aujourd’hui à d’autres régions »
Comment expliquez-vous ce refus ? Nous étions soutenus par les Verts à l’époque, mais notre démarche transversale, sous l’aspect urbanistique et humain, a été refu-
compte d’un kilowatt heure par mètre carré et par an, inférieur à 40, avec un faible rapport humain, mais là on se heurte à de la jalousie locale, c’est du Clochemerle, c’est dommage !
Avec un appui politique, ce serait passé ? C’est évident. Nous et le maire aurions été appuyés politiquement par un Parti Socialiste qui se serait impliqué en disant : « Voilà du neuf sur l’organisation sociale en milieu rural, voilà des liens possibles ville-campagne avec de l’éco-bâtir, dont on va avoir de plus en plus besoin, à cause de l’inflation, voilà du développement local et territorial, etc. » Malheureusement, la féodalité du PS n’en veut pas ! Et pourtant dans les réunions d’économie solidaire, on discute d’éco-hameau, le PRG, le parti radical et le PS en parlent dans leurs plaquettes, mais ce n’est que du blabla électoraliste ! Une élue m’a même avoué : « Ce n’est pas notre boulot de conseiller régional d’aider à développer des éco-hameaux alternatives aux lotissements. » Je me suis découragé et je m’intéresse aujourd’hui à d’autres régions. Y a-t-il des projets qui avancent en France ? À 40 km de Rennes, nous sommes en train de monter un éco-hameau sur le même modèle que Verfeil sur Seye, qui va servir d’exemple et qui devrait fonctionner. Sa
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Existe-t-il un label “Éco-hameau” ou “Écovillage” ? Nous avions déposé l’“Éco-hameau” comme marque commerciale, car je ne voulais pas que les promoteurs tels que Bouygues se proclament “Éco-hameau” en mettant quelques arbres de plus dans un lotissement. Le sous-titre est « groupement d’habitats bioclimatiques groupés sans voiture ». En France, nous avons été tellement formatés par l’individualisme qu’il vaut mieux parler de co-habitat que d’éco-village. Pour certains politiques, éco-village signifie communauté et nous sommes vite catalogués comme une secte ! Combien d’éco-hameaux en fonctionnement actuellement en France ? Il y a des écolieux, mais très peu d’éco-hameaux, on peut les compter sur les doigts des deux mains ! C’est la preuve, selon moi, de la difficulté de la société civile d’inventer des démarches à l’écart du tout-marché, de toute cette chaîne de production qui va du promoteur à l’usager final et qui fait monter les prix vers le haut à chaque étape. Propos recueillis par Ariane Mélazzini-Déjean
mémo res noires
(Aveyron)
Decazeville
la vie après le charbon
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On l’appelle toujours le bassin. Il porte encore les stigmates de l’intense activité industrielle qui fit son heure de gloire. Collines noircies et pelées, bâtiments décrépis, densité d’un habitat disparate blotti le long d’une vallée étroite ; malgré une intense reconversion, les entrées de Viviez et de Decazeville n’incitent pas à l’arrêt touristique et tranchent d’emblée avec les charmes de la campagne environnante. « Les jeunes pâtissent de cette représentation de la ville, de ce regard négatif de l’extérieur, constate-t-on à l’association des jeunes 2KZ. Le bassin est à part du reste du département, il est stigmatisé, avec un paysage qui valide cette impression ». « La cessation d’activité a créé un changement d’échelle, tout un pan de l’économie s’est réduit. On se sent en décalage », confie un ancien travailleur de l’industrie déchue. Ville-champignon établie à la fin du 19e siècle dans une vallée déserte, Decazeville a perdu il y a cinquante ans sa raison d’être.
environnement
Née pour le charbon, dévastée par la perte irréversible de son industrie, Decazeville n’est pas une ville comme les autres. Mais si la rupture fut douloureuse, ce n’en est pas pour autant une agglomération sinistrée. L’énergie, à défaut d’être fossile, se retrouve aujourd’hui dans la vitalité de ses habitants. Le bassin fut l’un des premiers sites miniers à fermer en France, après avoir représenté l’un des plus importants gisements de charbon d’Europe. Il a subi de plein fouet la fermeture des mines et de son complexe sidérurgique dés les années 60, jusqu’à l’arrêt de la « découverte », l’immense mine à ciel ouvert, en 2003. Non par manque de charbon, qui est toujours là, à fleur de sol, mais parce que la politique industrielle de la Société Européenne du Charbon et de l’Acier en avait décidé autrement. « C’est une ville en crise, explique JeanFrançois Marriot, de l’association Mescladis. Après le départ massif d’une grande partie de la population, c’est toujours une
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cité de transition, qui a peur de disparaître aussi vite qu’elle est apparue ». Outre la crise économique, le charbon et la sidérurgie ont dispensé leur lot de risques : certains sols sont pollués en profondeur, la présence de cadmium dans les cours d’eau est avérée et, si la silicose ou le saturnisme n’ont plus lieu d’être aujourd’hui, il reste comme ailleurs le cancer dû à l’amiante.
Economie en renouveau Des métiers difficiles, des coups de grisou, et une histoire de lutte qui ont incité les habitants à s’unir. Des années 1860 où la troupe tirait sur la foule aux grandes grèves dont Decazeville va fêter en 2012 le cin-
C’est ici qu’est née la formule «Vivre et travailler au pays»
Jean-Louis Calmettes (adjoint au maire), l’association 2KZ, David Gisau (CGT), association PIBD... tous se battre pour reconvertir leur bassin
quantenaire, une culture du bassin est née, pour laquelle la solidarité n’est pas un vain mot. L’attachement des habitants à leur travail les a conduits depuis longtemps à s’adapter et à rebondir, pour défendre leur emploi, leur cadre social, bref leur lieu de vie. « Cette culture permet qu’on se retrouve dans les moments difficiles, et il y en a eu beaucoup », affirme David Gistau, responsable syndical CGT. C’est ici qu’est née la formule « vivre et travailler au pays », la même qui prévaut aujourd’hui lorsqu’il s’agit de défendre l’hôpital et les services publics. « Le bassin est un endroit où les gens ont envie de travailler, ce n’est pas qu’un lieu de lutte, ajoute-t-il. On veut simplement vivre ici, à la campagne, on est là pour dire qu’il y a toujours un espoir sur ce bassin ». Mais, après 180 ans de monoculture industrielle, la reconversion est difficile. Si l’économie du bassin est en plein renouveau, notamment grâce à la volonté d’industriels locaux, beaucoup d’entreprises de reconversion ont su à une époque profiter de la situation en bénéficiant d’aides sans pour autant pérenniser leur activité. D’autre part, la reconversion d’anciens mineurs vers d’autres métiers n’a pas toujours été simple. De nombreux chantiers restent ouverts : la dépollution et la reconquête d’immenses friches industrielles en nouvelles zones d’activités, la dégradation de l’habitat du centre-ville, la reconversion énergétique d’équipements qui se chauffaient au charbon jusqu’en 2002. « On utilisait l’énergie en circuit court », ironise Jean-louis Calmettes, adjoint à la mairie. Culture de l’énergie héritée de son passé ? Toujours est-il que Decazeville fut l’une des
premières collectivités en Midi-Pyrénées à mettre en place un plan climat local et un plan global de déplacement. Son Agenda 21 vise les économies d’énergies et les renouvelables, le projet de centrales photovoltaïques sur d’anciens sites miniers et la conversion au bois sont envisagés.
Y trouver son compte Conserver et mettre en valeur le patrimoine industriel est une autre manière de rebondir. Grâce au travail de l’ASPIBD (Association de Sauvegarde du Patrimoine Industriel du Bassin de Decazeville), qui n’a de cesse de collecter et de sauvegarder le patrimoine local, la mémoire fait figure de projet d’avenir. « La principale richesse du bassin est aujourd’hui dans sa ressource humaine et sa culture », assure l’association. Outre un riche patrimoine bâti aux noms évocateurs (le Bâtiment des souff lantes,
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l’Allée des ingénieurs, l’Hôtel des célibataires…), d’anciens sites miniers, sur lesquels la nature reprend vite ses droits, sont reconvertis en espaces naturels et de loisirs. La fameuse « découverte », à deux pas du centre-ville, devient un lieu de détente de proximité, fièrement orné de l’unique chevalement rescapé, emblème de la mine. C’est aussi le brassage culturel et le mélange d’une trentaine de nationalités, arrivées au fil du développement industriel, qui font l’esprit du bassin. Le milieu minier fut pour cela un facteur d’intégration, même si l’étranger n’était pas toujours envoyé au meilleur endroit de la mine. « Tout le monde ici se sent issu de l’immigration, proche ou lointaine », explique Jean-François Marriot, de l’association Mescladis dont le nom signifie « bric à brac » en occitan. Des premiers anglais amenés pour leur savoir-faire industriel aux derniers immigrés maghrébins des années 80, cette mixité est ressentie ici comme une fierté, notamment de la part des anciens. Cet héritage multiculturel, l’association 2KZ en fait un outil pour amener les jeunes à s’approprier l’histoire de leur territoire. En interviewant des anciens, de nouveaux arrivants, et surtout des personnes de différentes générations, l’idée est de mettre en valeur le parcours de chacun autour de la mine, de la mémoire et de la multiculture. « Les jeunes manquent de quelque chose, et souffrent du regard de leur ville. On les confronte ici au discours positif des anciens, de ceux qui sont reconnaissants à ce territoire, qui y ont trouvé leur compte », explique Nicolas Viala, animateur de l’association. Le résultat de ce travail sera projeté à l’occasion de la 9e Fête des langues, les 2 et 3 juillet prochains. Sans renier son passé, le bassin de Decazeville perpétue sa tradition du « tous ensemble » et n’oublie pas que la matière première, c’est l’énergie humaine. Textes et Photos Christophe Pélaprat
En arrivant à Decazeville, tout rappelle le passé houiller. Usines désaffectées, anciens bâtiments ouvriers et surtout la «Découverte», la mine à ciel ouvert.
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Ni Quercy,
ni ailleurs Ils avaient prévu le Larzac, la mobilisation lotoise les a surpris. Collectifs, réunions publiques, large opposition des élus, le permis d’exploration dit « de Cahors » suscite une vive opposition, qui perturbe les ambitions de la société 3 Legs Oil&Gas, en attente de l’autorisation préfectorale.
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« Ils vont arriver ! Les machines arrivent ! », prévient sans ambiguïté Laurent Cougnoux, animant l’une des nombreuses réunions publiques tenues depuis le mois de janvier dans le Lot. Après la projection de Gasland, le film de Josh Fox, l’émotion est tangible dans la salle. Les paysages criblés de puits de forage, les robinets d’eau qui s’enflamment, les ballets de camions ne laissent pas de marbre un public largement déterminé à défendre la qualité de son cadre de vie. « On a été surpris par la mobilisation locale, des centaines de personnes sont venues dès les premières réunions, des gens qu’on n’a pas l’habitude de voir dans les réseaux militants. Il se passe quelque chose, on touche à l’émotionnel », explique Laurent Cougnoux. Rédacteur en chef du Lot en action, bimensuel d’information fer de lance de cette mobilisation lotoise, il fut l’un des premiers lanceurs d’alerte. Lui-même pris de court par l’urgence de la situation, il n’a de cesse, depuis son numéro du 20 janvier, d’alimenter l’information sur le sujet. Si le permis d’exploration lotois n’est pas encore signé, sur la zone dite de Cahors de
environnement
promis jusqu’au 15 avril par l’Etat, en multipliant les réunions publiques et les interpellations auprès des élus. Nathalie KosciuskoMorizet, en visite à Sarlat le 17 février, a dû recevoir une délégation et, le 24 février, le collectif lotois a pu remettre au préfet une demande en faveur de l’arrêt du permis de Cahors et des explorations sur l’ensemble du territoire français. Une mobilisation qui semble avoir surpris autorités publiques et compagnies pétrolières, pour lesquels le Larzac restait l’indicateur privilégié de la résistance citoyenne. Des communes (Boissières, Gourdon, Alvignac) ont voté des motions s’opposant à l’exploration, les élus départementaux, certains parlementaires, le Parc naturel régional des Causses du Quercy se sont clairement positionnés contre l’exploitation des gaz de schistes. Mais la vigilance reste de mise, l’apparente volonté des élus locaux n’offrant que peu de poids face à l’omerta nationale qui les a jusqu’ici ignorés. « Il va falloir s’opposer physiquement aux puits », prédit le collectif, conscient de la détermination des chercheurs d’or noir. Dés lors, des appels à la vigilance sont lancés sur l’arrivée éventuelle de premiers matériels de forage. « Dans les réunions, même des papys viennent nous voir avec la volonté d’en découdre », s’étonne Laurent Cougnoux.
5710 km2, le Lot se voit largement confronté, sur la quasi totalité de sa superficie, aux permis d’exploration du gaz de schiste. Comme partout ailleurs, habitants et élus sont laissés dans la plus totale ignorance, qui alimente d’autant plus les peurs de voir apparaître les premiers forages. Déjà, en 1994, une intrigante installation interpellait l’automobiliste de passage sur les Causses : durant plusieurs mois, Elf Aquitaine avait sondé le sous-sol du village de Sabadel pour trouver du gaz, mais en vain. « Les techniciens ont foré jusqu’à 3 400 m, et ils ont arrêté », se souvient l’ancien maire de la commune. Prémices d’explorations futures, ces investigations ont laissé une plate-forme inutilisée.
S’opposer physiquement Aujourd’hui, dans la lignée des premières alertes ailleurs en France, on s’organise dans le Quercy : le Collectif citoyen lotois « Non aux gaz de schistes », le Collectif citoyen de Gourdon, le Cercle de Gindou… Autant d’espaces d’information et de débat qui tentent de mettre à profit le sursis du moratoire
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Mais l’opposition aux gaz de schistes ne se limite pas à un simple refus de proximité, c’est un vrai appel à l’indignation énergétique : ni ici, ni ailleurs. Dans les débats, la maturité des interventions surprend, en faveur de la décroissance énergétique, du rapport à la consommation d’énergie, de la nécessité d’engager un débat national. « Il y a quelque chose de profondément indécent à se battre contre la venue de ces pollueurs si nous ne sommes pas capables, dans le même temps, de nous positionner clairement en changeant nos comportements. Quelque chose qui relève du « Continuez à polluer, mais pas chez moi », explique-t-on au collectif. A propos, qu’en disent les principaux intéressés ? Alexander Fraser, de 3Legs Management Services, se veut rassurant dans La Dépêche : « Il y a beaucoup de malentendus autour du gaz de schiste. Nous avons désormais un très bon niveau technique pour aller extraire le produit. Les tuyaux qui permettent de percer sont parfaitement étanches, et ils traversent sans les polluer les zones aquifères, pour aller beaucoup plus en profondeur extraire le gaz. … Pour le reste, effectivement, il y a des produits chimiques, mais ce sont juste des produits utilisés couramment dans la vie quotidienne… Nous cherchons le dialogue, c’est absolument indispensable. Quand les gens verront ce que nous faisons, ils constateront qu’il n’y a aucune raison de s’inquiéter. Nous allons rapidement nous lancer dans un grand travail de communication. »
PLANclimat
LA COMMUNAUTÉ URBAINE DU GRAND TOULOUSE S’ENGAGE DANS UN PLAN CLIMAT ÉNERGIE TERRITORIAL. - Photo © Laurent Moynat
OBJECTIF : lutter contre le changement climatique en réduisant de plus de 20% nos émissions de gaz à effet de serre dès 2020. MOYENS : ateliers thématiques pour échanger et travailler ensemble à l’élaboration des propositions d’actions dans tous les domaines : déplacements, urbanisme, déchets, énergie, consommation, biodiversité, eau, technologies vertes, pollutions, loisirs, santé publique, partage, solidarité… ÉCHÉANCES : t ateliers de travail : février à mai 2011 ; t diagnostic climat : avril 2011 ; t retranscription des ateliers (livre blanc) : juillet 2011 ; t adoption du Plan climat : fin 2011
QUIZ : E R T O N À Z E U JO r
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Léa et Tom relaxés
La cour d’appel de Toulouse a relaxé jeudi 19 mai Léa et Tom, ce jeune couple de l’Ariège poursuivi pour avoir érigé une yourte et habité à plein temps cette tente traditionnelle des nomades d’Asie centrale sans permis de construire. Tom Laporte, 29 ans, et Léa Lefèvre, 28 ans, avaient été condamnés en première instance à Foix à 200 euros d’amende pour défaut de permis de construire, avec obligation de démonter l’objet du délit sous astreinte de 10 euros par jour de retard.
Pour rappel, le 17 février s’était tenu à Toulouse en appel le procès de Léa et Tom, ces deux jeunes qui ont le seul tort d’habiter dans une yourte installée sur la commune d’Arrout (Ariège). Au moment où la loi Loppsi 2 était votée, c’est l’encadrement et l’interdiction de ces habitats alternatifs qui était en jeu. Pierre Samson, notre dessinateur, avait assisté à l’audience.
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Guide gratuit du Conseil régional, disponible en librairies, offices de tourisme, boulangeries, supérettes, sites culturels et de loisirs, Maison Midi-Pyrénées à Toulouse.
www.midipyrenees.fr