CONCEPTS
L’espace, une nouvelle dimension des séminaires de réflexion participatifs
Let’s SEE L’idée de réunir en un seul lieu et pour quelques jours seulement des dizaines, voire des centaines, de personnes pour les faire réfléchir ensemble sur le même sujet a été mise en pratique pour la première fois dans les années 1960. Depuis c’est principalement aux Etats-Unis que les formats et les méthodologies pour ces séminaires de réflexion participatifs ont été développés. Strategic Experience Environments (SEE), entreprise française malgré son nom à consonance anglo-saxonne, propose de transformer ces réunions en une véritable expérience en créant des espaces très spécifiques pour l’exercice. Nous avons demandé à un membre du team de lancement de nous décrire les spécificités de cet environnement SEE.
’une manière générale les deux éléments déterminants de la réflexion participative sont les méthodologies de travail et les hommes (et leur génie de groupe). Quelques explications sur ces deux points avant d’en venir à la description de la nouvelle ressource spatiale.
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Les méthodologies participatives Les méthodologies participatives (et les techniques d’animation associées) reposent sur le postulat que l’implication d’un grand nombre de personnes améliore à la fois la qualité et la quantité des propositions générées par le groupe. De plus l’appropriation des solutions stratégiques ainsi « co-élaborées » est facilitée et la motivation des participants à les mettre en œuvre renforcée. Bien qu’elles diffèrent dans leurs formats, les méthodologies participatives font toutes appel à l’intelligence collective, stimulent la créativité et surtout reposent sur des méthodes et des techniques rigoureuses et
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éprouvées. Certaines d’entre elles mettent l’accent sur le partage d’idées et l’élaboration d’une vision collective, d’autres sur la résolution de problèmes, la co-construction de plans d’actions et la motivation collective indispensable à leur mise en œuvre. Les plus connues à ce jour sont le World Café du Massachusetts Institute of Technology (www.worldcafe.org), l’ASE –Accelerated Solutions Environment – de Cap Gemini (www.capgemini.com/ase), le Design Shop (www.mgtaylor.com) et le réseau Future Search (www.futuresearch.net). Mais un séminaire participatif n’a pas pour but de stimuler la créativité dans l’absolu ou d’enseigner aux participants les bienfaits du travail en groupe. Il a toujours pour but de produire un ensemble de solutions/propositions et un plan pour leur mise en œuvre ; le tout accepté et soutenu par l’ensemble des participants, fussent-ils plusieurs centaines. C’est pourquoi la méthode est spécialement efficace dans le cas des projets complexes à délais contraints ou pour le réajus-
1| Le logo de World Café
tement d’un projet complexe en cours d’exécution. Mais elle s’applique tout aussi bien à la construction d’une stratégie, la résolution de conflits lors d’une réorganisation ou d’une fusion, ou encore la construction de relations dans une organisation multiculturelle. Attention toutefois, les méthodologies participatives permettent certes la gestion structurée de larges groupes, mais elles ne sont en aucun cas une remise en cause d’un mode de management quel qu’il soit ou son remplacement par un système autogestionnaire style « Cour des Miracles ». C’est un processus tangible de création de valeur à l’issue duquel doit démarrer une mise en œuvre effective. Pour autant le groupe n’est pas transformé en instance décisionnelle et reste placé sous le contrôle de l’instance qui le convoque et en valide les résultats. L’expérience montre que plus rapidement est entérinée la décision de mise en application, plus longtemps dure l’enthousiasme des participants après la fin du séminaire.
2| Exemple de configuration plénière : les participants sont assis ; les échangeurs et les hyperdomes fermés sont en position périphérique.
Des hommes acteurs Dans un séminaire participatif, c’est chaque participant qui est sollicité afin de créer de la valeur. De récepteur, le participant devient un initiateur/acteur. Les techniques d’animation participatives donnent la possibilité à chacun de s’exprimer. Toutes les possibilités d’intervention sur la ressource spatiale (mobiliers, éclairage, tableaux interactifs, objets et matériaux) facilitent ce passage des participants d’un statut passif à un rôle actif. Une phase de réflexion et de production d’idées en mode individuel précède le travail en sous-groupes et permet à l’individu d’être force de proposition et de contribuer à la dynamique du groupe. La variété des zones doit ouvrir à chacun la possibilité de se détendre, se ressourcer, expérimenter, découvrir, ressentir, s’inspirer, s’étonner, échanger, se remémorer. Les ambiances lumineuses, visuelles, musicales varient selon les activités et les ateliers. Les participants ont toute latitude pour aller rechercher de l’information dans les bases de données, utiliser
les chemins de méditation ou les bulles individuelles pour se concentrer, les chemins de conversation pour échanger et approfondir certains thèmes. Elaborations d’idées, de stratégies, analyses, évaluations, synthèses, expérimentations, explorations, itérations, découvertes, choix, recherches de consensus, alignements, constructions d’un plan d’action, appropriations…Le travail en sous-groupes permet le partage, la synthèse et la structuration des idées produites. Il inclut également l’approfondissement et la hiérarchisation des solutions retenues. La restitution et le partage des travaux peuvent prendre la forme d’une présentation à l’ensemble des participants ou bien d’une restitution par rotation : chaque sous-groupe délègue un ou deux permanents pour expliquer ses travaux et ses résultats aux membres des autres sous-groupes. Un séminaire participatif ambitionne donc d’amener le groupe à une vision partagée, une co-création de solutions et une mise en action collective. Il s’articule autour de phases de travail individuel, de
travail en sous-groupe, de phases de restitution et de partage. L’environnement doit alors agir comme un révélateur de la motivation et de l’engagement individuel. Il doit être source d’inspiration et permettre de prendre du recul, d’ouvrir de nouvelles perspectives, et de stimuler la créativité.
La ressource spatiale (environnement, mobilier, équipements) Les espaces permettant d’accueillir des groupes de 30 à 150 personnes sont en effet pour l’heure rares et inadéquats. Les aménagements, mobiliers et équipements ne concourent pas à créer des environnements pratiques et dotés d’un confort optimum. Ils ne contribuent guère au bien-être physique et psychologique des participants ; l’atmosphère qu’ils dégagent n’est pas source de motivation et d’inspiration, et n’aide jamais à provoquer la surprise, voire des états « disruptifs » qui amènent des solutions radicale> ment innovantes.
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3| Exemple de configuration sous-commission/sous-groupe : les hyperdomes sont déployés, les échangeurs sont en position centrale.
4| Exemple de configuration en place de marché : les hyperdomes sont ouverts, les échangeurs sont en position périphérique et des zones de réunion informelle sont aménagées.
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5| Vue détaillée des échangeurs
> La conception d’un espace capable de supporter de nombreux acteurs, des comportements variés et des formes de travail très diverses requiert une approche plus transversale et holistique. Il convient de co-créer et de co-designer bien au-delà des silos habituels des disciplines que sont l’architecture, le mobilier, les équipements techniques et technologiques. Avant de passer à la phase de conception des aménagements, SEE a identifié les besoins et les attentes explicites et implicites des participants et les a articulés en cinq dimensions fondamentales : 1/ La dimension explicite : le besoin est exprimé de façon fonctionnelle et fait par exemple appel à des équipements classiques (sièges, tables, dessertes etc.). 2/ La dimension tacite : le besoin est la-
tent, non exprimé mais a été observé : il s’agit par exemple du détournement d’un mobilier pour l’adapter à une autre fonction que celle assignée au départ. Il peut s’agir aussi d’un participant se recréant une bulle exprimant ainsi un besoin de privatisation ou de confidentialité. 3/ La dimension expérimentale : il s’agit d’inciter les participants à s’approprier et à expérimenter des mobiliers et des artefacts innovants, inventant de nouveaux usages, de nouvelles fonctions; provoquant une expérience de « disruption ». 4/ La dimension sensorielle : la prise en compte des 5 sens, des perceptions (choix des matériaux et finitions, « effets de surprise », objets insolites), le confort physique et psychologique, le recours à la réalité augmentée permettent de sti-
muler les processus cognitifs, l’apprentissage et insufflent une nouvelle inspiration. 5/ La dimension symbolique : les qualités de l’environnement renvoient à l’imaginaire et à des univers de représentation symbolique, et transforment par leur regard sur l’essence même d’un séminaire de résolution de problèmes complexes. Dans un environnement SEE, les espaces et les équipements sont plus que de simples outils ou facilitateurs. Au delà d’optimiser les différents modes d’animation, ils ont vocation à servir de catalyseur et à créer et faire vivre une expérience qui soit un vecteur de transformation pour les participants. Les espaces doivent donc permettre de passer en un instant d’un mode de travail individuel à un mode de travail collec- >
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> tif et doivent être reconfigurables par les participants. Il doit exister une variété de zones pouvant accueillir différents modes de travail (se concentrer, se détendre, se ressourcer, rechercher des informations, échanger informellement). Les équipements technologiques doivent permettre d’afficher des informations, mais aussi en permettre le traitement, le partage, et aussi la création d’une vision partagée, la fertilisation croisée, la synthèse créative, la pensée latérale, systémique ou multidisciplinaire. De larges surfaces d’affichage doivent permettre de stimuler la production d’idées et de faciliter la construction d’une vision commune. L’utilisation de logiciels de mapping (diagramme représentant les connexions sémantiques de différentes idées) facilitera également le partage de différents cadres de référence, la production de nouvelles idées, leur structuration ainsi que l’accélération de la prise de décision. L’espace comme véritable ressource transforme une réunion de réflexion stratégique en une réelle expérience alliant intelligence rationnelle, intelligence émotionnelle, intelligence sensorielle et intelligence relationnelle. Françoise Bronner
A PROPOS DE SEE SEE Designs conçoit et réalise des environnements dédiés aux méthodologies participatives, aux séminaires de créativité et de change management. Le groupe de co-création mené par Françoise Bronner et Sandrine Petitpas s’entoure de talents extérieurs tels que Cyrille Cerceau (design), Kompetenz Center Märkte (Wilkhahn). Plusieurs installations d’envergure sont déjà en cours d’étude.