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« De l'espoir pour les sans espoir ! »

Résultat sur le long terme d'un traitement parodontal régénératif De l'espoir pour les sans espoir

Dr Pierpaolo Cortellini | Italie Via C Botta 16, 50136 Florence

Propos recueillis par Verena Vermeulen

Ces 20 dernières années, le Dr Pierpaolo Cortellini a montré qu'une « dent sans espoir » est tout sauf condamnée. Nous avons discuté des résultats sur le long terme, du rapport coût‑efficacité ainsi que des convictions et attentes raisonnables.

Dr Cortellini, vous avez sauvé tant de dents dites condamnées au cours de votre carrière – l'expression « dent sans espoir » signifie-t-elle encore quelque chose pour vous ?

Dr Cortellini (souriant) : Eh bien, ce qui est sans espoir dépend non seulement de l'état lui-même mais également du traitement que vous pouvez proposer. Ainsi, les dents que nous aurions qualifiées de « sans espoir » il y a quelques années ne le sont plus aujourd'hui. Nous avons, au fil du temps, développé de meilleures solutions thérapeutiques. Cependant, une résorption osseuse horizontale à 360 degrés atteignant le tiers apical continuerait bien sûr de rendre une dent non conservable, même pour moi.

Il est parfois dit qu'il y a « un retour de balancier » - la tendance n'étant plus au remplacement mais à la conservation des dents. Observez-vous cette tendance, vous aussi ?

Les patients ont plusieurs raisons pour préfèrer conserver leurs dents. Certains jugent cela holistique et « plus naturel ». D'autres ont entendu parler de la péri-implantite et leurs craintes sont justifiées. Chez les patients fragilisés sur le plan parodontal, le risque de péri-implantite est élevé.

Bonne nouvelle pour les parodontistes ?

Eh bien, la demande des patients augmente mais la spécialisation des praticiens diminue. Quelques spécialistes et scientifiques pourraient prétendre ramener la spécialisation en parodontie sur le devant de la scène, et cela serait bénéfique. Vous avez réalisé un essai clinique randomisé sur ce que l'on appelle les dents « sans espoir ». 25 dents non conservables ont été remplacées par des implants et 25 ont été traitées avec une approche régénérative. Combien ont survécu ?

23 sur 25. Ces dents présentaient des lésions endo-parodontales chroniques et/ou une perte d'attache jusqu'à l'apex ou au-delà. Au bout de 5 ans, leur pronostic est passé de « sans espoir » à « bon ». Sur la période d'observation de dix ans, il y a eu quelques patients perdus de vue et une dent a été perdue1, 2 .

Une seule ?

Dr Cortellini (souriant) : Oui. Il s'agissait d'une grand-mère qui a reçu un coup de pied de son petit-fils (bébé). Elle a perdu trois dents et l'une d'entre elles était incluse dans notre étude.

Ce pourcentage élevé de dents « sans espoir » sauvées pourraitil être obtenu dans d'autres cabinets dentaires ? Ou votre propre expérience des procédures de RTG est-elle plus prédictible ?

Oui. Pour des motifs économiques, par exemple. Nous venons de publier un article montrant que « sauver » des dents sévèrement atteintes revient moins cher que leur remplacement – à la fois dans l'immédiat et sur le long terme1, 2. Si une grande quantité d'os a été détruite et si des augmentations osseuses et de tissus mous sont nécessaires pour la pose d'un implant, le coût du remplacement peut être le double du coût du traitement de la dent existante.

« Chez les patients fragilisés sur le plan parodontal, le risque de péri‑implantite est élevé. »

Il y a plusieurs facteurs clés : l'expertise, c'est certain, mais aussi une équipe multidisciplinaire incluant endodontistes, hygiénistes, parodontistes et spécialistes en dentisterie prothétique. Mais le facteur le plus important est la sélection des patients. Vous ne pouvez pas obtenir un résultat prédictible chez un patient ayant une mauvaise hygiène bucco-dentaire, fumeur ou ayant un diabète non contrôlé. En outre, la sélection des patients inclut également le choix de la configuration de défaut appropriée - défauts osseux verticaux d'une certaine profondeur près d'une dent stable. Ce dernier point est également important. Si nous ne pouvons pas contrôler la mobilité dentaire, nous ne pouvons pas régénérer l'os. Avez-vous observé des différences en termes de satisfaction des patients lorsque vous réussissez à conserver une dent plutôt que de la remplacer ?

Les résultats déclarés par les patients concernant la santé, l'esthétique et la fonction étaient comparables dans les deux groupes. Mais les patients aux dents conservées étaient plus heureux. La plupart des patients ayant reçu des implants ont déclaré qu'ils auraient préféré garder leurs dents.

Outre la comparaison conservation / remplacement, vous avez également comparé les différentes approches thérapeutiques pour garder les dents - par exemple, débridement avec lambeau ouvert et traitement parodontal régénératif3. Qu'a révélé cette comparaison ?

Sur la période d'observation de vingt ans, nous avons perdu deux dents dans le groupe débridement avec lambeau ouvert et aucune dans le groupe régénération. Le débridement avec lambeau ouvert signifie que les surfaces radiculaires sont nettoyées après l'élévation du lambeau, mais le desmodonte n'est pas régénéré.

Par conséquent, les dents dans le groupe débridement avec lambeau ouvert présentaient des poches résiduelles plus profondes après le traitement et le gain d'attache clinique était inférieur. Nous avons mesuré 2,5 mm seulement contre 5,3 mm dans le groupe régénération. Ces dents ont donc été plus difficiles à conserver.

« L'idée de conserver les dents au lieu de les remplacer reçoit plus d'attention. » Discussion avec le professeur Cortellini à Florence. Qu'en est-il des coûts des traitements – quelle approche est rentable sur le long terme ?

Nous avons également analysé les coûts des traitements sur 20 ans3 . L'approche régénérative est certainement plus coûteuse au début que le débridement avec lambeau ouvert. Mais si l'on compare les coûts sur 20 ans, le débridement avec lambeau ouvert devient l'approche la plus coûteuse - il faut en effet traiter les récidives.

Maurizio Tonetti et vous avez développé un algorithme de la manière de procéder dans différentes situations. Quels traitements et matériaux y ont été inclus ?

Les techniques sont : débridement avec lambeau ouvert seul, substituts osseux, membranes résorbables, membranes de « à mémoire de forme » et protéine de matrice amélaire. En 1994, nous avons publié la première version de l'algorithme décisionnel puis nous l'avons légèrement modifié au fil du temps. La version la plus récente

figure dans un ouvrage de la Société italienne de parodontologie (Fig. 1). Globalement, c'est encore mon éventail de traitements, selon l'anatomie et la configuration du défaut.

Qu'est-ce qui constituerait une avancée majeure dans le traitement régénératif des dents ? Ou aucune autre avancée majeure n'est-elle nécessaire ?

La possibilité de régénérer les tissus de soutien parodontaux dans les défauts horizontaux serait certainement une avancée majeure. Nous n'avons pas l'expertise pour traiter les défauts avec zéro paroi – ou ce que l'on appelle les défauts horizontaux à 360 degrés. Nous devons tout simplement accepter cette situation. Quiconque proposerait quelque chose de cliniquement applicable pour résoudre ce problème trouverait un marché énorme.

Dernière question : encourageriez-vous vos collègues à conserver plus de dents plutôt que de les remplacer ?

Absolument. C'est ma conviction profonde depuis le tout début de ma vie de clinicien et de chercheur. Et, depuis, l'idée de garder les dents au lieu de les remplacer reçoit plus d'attention. Deux options s'offrent ainsi aux chirurgiens réticents à « sauver » les dents : orientez vos patients vers quelqu'un qui sait comment faire ou devenez vous-même un spécialiste.

Références 1 Cortellini P, et al.: J Clin Periodontol 2011; 38(10):915-24. (clinical study)

Cortellini P, et al.: J Clin Periodontol 2020; 47(6):768-776. (clinical study)

Cortellini P, et al: J Clin Periodontol 2017; 44(1): 58-66. (clinical study) FIG. 1 : Algorithme décisionnel pour le traitement parodontal régénératif

ACCÈS Largeur de l'espace interdentaire

≥ 2 mm

≤ 2 mm Crête édentée adjacente au défaut

TYPE DE LAMBEAU

MPPT

Technique de préservation papillaire modifiée SPPF

Lambeau de préservation papillaire simplifié Incision crestale

Défaut intra-osseux

Atteignant 1-2 paroi(s) radiculaires

Accès vestibulaire Atteignant 3-4 parois radiculaires, très sévère

Oui Non

STRATÉGIE DE RÉGÉNÉRATION

M-MIST

Technique chirurgicale mini-invasive modifiée MIST

Technique chirurgicale mini-invasive Lambeau étendu

Toute anatomie de défaut

Pas de matériau de régénération Défaut contenu Défaut non contenu Défaut contenu Défaut non contenu

DMA DMA Dérivé de matrice amélaire DMA + greffon DMA

Barrière Barrière + greffon DMA + greffon

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