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« Les parodontistes et les orthodontistes devraient développer, ensemble, des stratégies de protection »
Effet de l'orthodontie sur le phénotype parodontal « Les parodontistes et les orthodontistes devraient développer, ensemble, des stratégies de protection »
Pr agrégé Hector Rios | États-Unis Cabinet libéral à Holland, Michigan Département de parodontie et de médecine orale École de dentisterie, Université du Michigan
Propos recueillis par Verena Vermeulen
Le mouvement orthodontique des dents peut accroître l'incidence des déhiscences osseuses et des récessions gingivales. Le Dr Hector Rios, aux ÉtatsUnis, cherche comment minimiser cet effet. Nous lui avons parlé des conditions favorables au temps de traitement court et à la réussite sur le long terme.
Dr Rios, que se passe-t-il pour l'os lorsque les dents sont déplacées pour un traitement orthodontique ?
Dr Rios : Le mouvement orthodontique des dents a deux effets différents sur l'os. La compression entraîne une résorption osseuse. La tension favorise la formation d’os nouveau. Dépendant de plusieurs facteurs tels que l'ampleur de la force, la direction du mouvement des dents et l'anatomie locale, ces effets peuvent être physiologiques ou accroître la vulnérabilité du tissu environnant1 .
Le mouvement des dents a-t-il également un impact sur les tissus mous ?
Dr Rios : Oui. Les récessions gingivales sont souvent les signes les plus tangibles d’une cause sous-jacente, à savoir la perte osseuse.
Les problèmes sont-ils fréquents ? Si oui, lesquels et quand ?
Dr Rios : 20 à 35 % des patients développent une récession gingivale après un traitement orthodontique1. L'incidence des déhiscences osseuses et des récessions gingivales est supérieure au niveau des dents avec des phénotypes parodontaux fins2. Les incisives inférieures et supérieures sont particulièrement sujettes à la dégradation des tissus mous. La plupart du temps, les problèmes commencent des années après le traitement1 . La cause n'est donc pas évidente pour le patient.
L'orthodontie accélérée par chirurgie est une option thérapeutique relativement nouvelle. Qu'est-ce que cela signifie ?
Dr Rios : Ce n'est pas vraiment une option thérapeutique nouvelle, mais il est indiscutable qu'elle est plus demandée aujourd'hui. L'orthodontie accélérée par chirurgie inclut la décortication de l’os dento-alvéolaire. Cela accélère le mouvement des dents dans un certain délai après une lésion3. Beaucoup de traitements différents entrent dans cette catégorie. La décortication peut, par exemple, être associée à l'augmentation osseuse et/ou des tissus mous et peut être réalisée de manière minimalement invasive ou avec élévation d'un lambeau.
Quel est l'effet de la décortication ?
Dr Rios : D'une part, il y a évidemment un effet mécanique. L'os est légèrement lésé et une dent peut être mobilisée plus facilement dans cette zone lésée. Mais il y a également un effet biochimique. La lésion de la couche corticale induit la libération de cytokines pro-inflammatoires telles que l'interleukine 1-bêta ou l'antagoniste du récepteur à l'interleukine. Ces molécules provoquent une ostéopénie
FIG. 1 : Orthodontie accélérée par chirurgie et traitement de modification du phénotype.
A B
C D
FIG. 1 : | A Situation clinique préopératoire d'un patient sous traitement orthodontique. | B Des incisions gingivales verticales et interradiculaires sont pratiquées du côté vestibulaire de l'arcade mandibulaire, en commençant 2-3 mm sous les papilles interdentaires à une profondeur suffisante pour permettre au piézotome d'atteindre l'os alvéolaire. | C Un tunnel est créé pour permettre l’insertion de la matrice de collagène. | D Les sutures sont situées dans l'espace interproximal / interradiculaire et sont étendues sur au moins la moitié de la matrice de collagène.
transitoire. Dans ces conditions favorables, le mouvement des dents est accéléré3 .
Quel en est l'avantage par rapport au traitement orthodontique classique ?
Dr Rios : La plupart des adultes ayant un traitement orthodontique veulent une solution rapide. Cette option permet de réduire significativement le temps de traitement - d'environ 50 %4. Les patients signalent également une douleur moindre5. De plus, l'association d'une décortication de l’os dento-alvéolaire et d'une augmentation osseuse avec un substitut osseux — appelée SFOT (traitement orthodontique accéléré par chirurgie) ou PAOO (orthodontie accélérée par assistance ostéogénique parodontale) — peut créer un espace supplémentaire pour le mouvement des dents et préserver l'épaisseur de l'os vestibulaire après la décompensation mandibulaire. Cela peut être très bénéfique pour le plan de traitement global et éviter des extractions de dents inutiles. Enfin, l'orthodontie accélérée par chirurgie devrait réduire le taux de récidive orthodontique.
Le risque de séquelles iatrogènes est donc inférieur en comparaison du traitement orthodontique non chirurgical ?
Dr Rios : Oui. Tout récemment, une revue des meilleures preuves de l'American Academy of Periodontology a conclu que le traitement SFOT améliore la stabilité post-orthodontique des dents antérieures mandibulaires3. Toutefois, la perte tissulaire sur le long terme suite à un traitement orthodontique n'a pas encore été entièrement étudiée. Ce que nous pouvons dire aujourd'hui, c'est que le traitement orthodontique, en général, pourrait accroître la sensibilité tissulaire et qu'une meilleure compréhension des deux traitements les rendra tous deux plus sûrs.
Vous avez réalisé une étude sur l'association du SFOT et du traitement de modification du phénotype. Que recherchiezvous ?
Dr Rios : L'étude incluait 40 patients nécessitant un traitement orthodontique5. Ces patients ont été divisés en quatre groupes. Premier groupe : groupe témoin avec traitement d’orthodontie classique, deuxième groupe : orthodontie plus piézocision, troisième groupe : orthodontie plus piézocision plus matrice de collagène et quatrième groupe : orthodontie plus matrice de collagène sans piézocision. Ainsi, nous avons d'une part comparé le traitement orthodontique classique et le SFOT. D'autre part, nous avons cherché à savoir si l'association de la décortication et d'une matrice de collagène sur le périoste avait un effet positif (Fig. 1).
Comment ?
Dr Rios : Notre idée est que la couche spongieuse de la matrice de collagène sert de réservoir aux cytokines proinflammatoires qui sont produites dans l'os à cause de la corticotomie. Nous savons que le collagène a cette capacité. En stockant les cytokines et en les libérant sur une période plus longue, Geistlich Mucograft® peut favoriser et faciliter le mouvement des dents. D'autre part, la couche plus dense de la matrice devrait protéger le parodonte vestibulaire contre l'invasion par les fibroblastes des tissus mous Cela laisse aux fibroblastes du parodonte de l'espace pour devenir des cellules ostéoformatrices et favoriser ainsi la formation d'os nouveau. Il est bénéfique de séparer ces deux tissus pendant un moment pour que les nouveaux ostéoblastes ne soient pas éliminés par les fibroblastes des tissus mous dont la croissance est plus rapide.
Avez-vous observé cet effet ?
Dr Rios : Nous avons pu observer un effet positif sur la hauteur osseuse vestibulaire et l'épaisseur gingivale, et certainement un effet positif sur le temps de traitement5. Ce dernier était, dans le groupe matrice de collagène, encore plus court que dans le groupe SFOT sans matrice de collagène. Nous nous attendons à des améliorations supplémentaires, dans le temps, de l'épaisseur de l'os vestibulaire dans les deux groupes matrice de collagène. Mais nous n'avons pas encore les résultats.
Qu'est-ce que cela signifie pour la pratique clinique ? Conseillezvous de protéger l'os avec une matrice de collagène dans le cadre d'un traitement orthodontique ?
Dr Rios : Absolument. Et je pense qu'il est important que les parodontistes et les orthodontistes développent, ensemble, des stratégies de protection pour garantir un phénotype parodontal sain sur le long terme. Cela inclut des objectifs thérapeutiques standards pour minimiser l'accentuation de la vulnérabilité tissulaire par le traitement orthodontique. Cela exige également de voir les choses autrement pour passer de la correction des défauts à la protection des tissus.
Références 1 Renkema AM, et al.: Am J Orthod Dentofacial
Orthop. 2013 Feb;143(2):206-12. (Étude clinique)
2
3 Jepsen S, et al.: J Periodontol. 2018 Jun;89 Suppl 1:S237-S248. (Compte rendu de consensus) Wang CW, et al.: J Periodontol 2019 Oct 31. [Diffusion en ligne avant impression] (Revue des meilleures preuves)
4
5 Zimmo N, et al.: J Int Acad Periodontol 2018; 20: 153-62. (Revue systématique et méta-analyse) Données non publiées