FBA 1 Rendre juste ce qui est injuste

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Frères Bien

N° 1

Aimés

30 novembre 2001 _________________________________________________________________________ Thème de la réunion : « Rendre juste ce qui est injuste» Quelques pistes de réflexion l) Instruction aux apprentis « La justice, la vérité et la raison, servies par des hommes loyaux et désintéressés, profondément pénétrés du sentiment du Devoir, pourraient devenir les leviers d'un progrès matériel et moral d'abord insensible, bientôt considérable. »

2) Instruction aux compagnons « Levier, emblème de la volonté, qui devient irrésistible quand elle découle de l'intelligence droite et de la justice démontrée. La volonté n'est invincible, en effet, que si elle est mise au service du Droit. »

3) ARISTOTE. Ethique de Nicomaque « Par rapport à quels extrêmes la justice est bien le milieu ? » « La justice, c'est la disposition qui nous rend susceptibles d'accomplir des actes justes, nous les fait accomplir effectivement et désirer les accomplir. ll en va de même pour l'injustice qui nous fait commettre et vouloir des actes injustes. » « La justice et l'injustice admettent bien des définitions : Dans combien de cas peut-on dire de quelqu'un qu'il est injuste ? L'homme injuste est (... ) aussi bien celui qui agit contre la loi que celui qui veut posséder plus qu'il ne lui est dû, et même aux dépens d'autrui. Aussi est-il évident que le juste sera celui qui se conforme aux lois et qui observe l'égalité. Le juste nous fait nous conformer aux lois et à l'égalité. L'injuste nous entraîne dans l'illégalité et l'inégalité. Le juste, c'est ce qui est susceptible de créer ou de sauvegarder, en totalité ou en partie, le bonheur de !a communauté politique La justice (ainsi entendue), est une vertu complète, non en soi, mais par rapport à autrui. Bien des gens peuvent pratiquer la vertu, en ce qui les concerne personnellement, mais sont dans l'impossibilité de la manifester en ce qui concerne autrui... »


4) PLATON.

La République « La justice est une vertu commune à l'homme et à la cité. Dans la cité, elle se trouve, en quelque sorte inscrite en caractères plus gros, et par conséquent plus facile à déchiffrer. Aussi est-ce là qu'il convient de l'étudier d'abord. On cherchera ensuite à appliquer les résultats de cette étude à l'âme humaine, et au besoin, on les complètera ou on les modifiera... »  Passage de la cité de nature à la cité juste. « Si la cité que nous venons de fonder est parfaite, elle enferme les quatre vertus cardinales : sagesse, courage, tempérance et justice. Mais où siège cette dernière, et comment la distinguer des autres vertus ? La sagesse est la vertu suprême de l'Etat. Elle réside dans la classe des chefs, et par eux étend son action bienfaisante sur la communauté tout entière. Le courage a son siége dans la classe des auxiliaires de ces chefs : Les gardiens du dogme de la cité et les défenseurs de son territoire ; C'est par la vertu propre de cette seule classe que l'Etat sera réputé courageux. La tempérance n'appartient pas exclusivement à l'une des classes de l'Etat. Commune à toutes, elle établit entre elles un parfait accord, basé sur la prépondérance des éléments supérieurs et la soumission volontaire des éléments inférieurs. La vertu restante est donc la justice. Elle n'est autre chose que le principe de la division du travail et de la spécialisation des fonctions. Que chaque classe accomplisse la tâche qui lui est assignée, et que le recrutement de ces classes se fasse d'après les aptitudes naturelles de chacun, et la cité sera juste. La justice est la condition même des autres vertus. Génératrice d'ordre et de force, elle est à l'origine de tout progrès moral. Ce qui vient d'être lu en gros caractères dans la cité doit pouvoir se lire en petits caractères dans l'âme de l'individu. On peut distinguer dans l'âme trois parties : A la classe dirigeante correspond la raison, qui délibère et commande aux inclinations et aux désirs. La classe des gardiens a son pendant dans le courage, qui normalement est l'auxiliaire de la raison, comme les guerriers sont les auxiliaires des chefs. Enfin à la classe des artisans et des hommes de négoce, gens de peu voués aux besognes grossières, répond dans l'âme l'appétit sensuel, qui pourvoit aux besoins élémentaires de nutrition, de conservation et de reproduction. Par suite, si la justice consiste dans l'Etat à ce que chaque classe remplisse uniquement la fonction qui convient à sa nature, elle consistera dans l'individu à ce que chaque élément de l'âme se cantonne strictement dans son rôle, autrement dit à ce que !'élément appétitif ni le courageux ne se substituent au raisonnable pour le gouvernement de l'âme et la conduite de la vie. L'injustice provient précisément de cette substitution, qui s'opère par la révolte des parties inférieures contre l'autorité légitime de la partie la plus noble.


5) John RAWLS. Théorie de la justice « comme équité » « La justice est la première vertu des institutions sociales, comme la vérité est celle des systèmes de pensée » " Chaque personne possède une inviolabilité fondée sur la justice, qui même au nom du bien-être de l'ensemble de la société, ne peut être transgressée. Pour cette raison, la justice interdit que la perte de liberté de certains puisse être justifiée Par l'obtention, par d'autres, d'un plus grand bien. De même, une injustice n'est tolérable que si elle est nécessaire pour éviter une plus grande injustice." _______________________________________________________________________________________

Rendre juste ce qui est injuste. Qu'est-ce qui est juste ? Qu'est-ce qui est injuste ? Question que je trouve tout à fait subjective. Ce que je trouve juste ou injuste n'est peut-être, et même souvent, pas la même chose pour tout le monde. Ce qui est juste, est accepté avec raison et équité. Cela doit être fondé dans le respect absolu des droits d'autrui . Ce qui est injuste n'est pas conforme à l'équité : arbitraire, inique, partial. « L'homme injuste est celui qui fait de sa vie un contresens » disait Victor Hugo. J'avais une petite anecdote sur la vision du juste et de l'injuste : Jeune enfant de 12 ou 13 ans, j'allais en vacance tous les ans à la montagne avec ma mère. J'accompagnais mes cousins dans les alpages pour garder les vaches. Nous rencontrions souvent les guides de Luchon qui promenaient des groupes d'estivants. Nous nous croyions comme eux de véritables montagnards. La preuve ? Les deux plus âgés de mes cousins étaient des guides. Donc, une fin d'après-midi, je décidai de partir manger une crêpe à la Chaumière, auberge située entre Luchon et Super Bagnères, à une bonne heure de marche de Luchon d'après moi. Je trouvais tout à fait juste d'organiser cette expédition, et j'aurais trouvé tout à fait injuste que l'on m'en empêche....j'étais un montagnard, Je n'en parlai donc pas. '' Mais dans la montagne, les heures sont souvent plus longues et le temps très capricieux. Ce qui devait arriver arriva, l'orage apparut rapidement et le soir aussi, me prenant au dépourvu. J'étais habitué à la montagne, donc chaussé et vêtu chaudement pour supporter une intempérie, mais pas un orage et la nuit. Alerté par la famille de mon absence et de celle de mon matériel de montagne, mes cousins et mes amis guides connaissant mes lieux de balades et ma gourmandise, surent vers où se diriger et partirent à ma recherche. C'était juste puisque c'était leur métier, mais c'était injuste car ils allaient mettre leur vie en danger pour la lubie d'un enfant. Où sont dans ce cas le juste et l'injuste ? Bien sûr, ils me retrouvèrent tapi dans un abri de rochers, transi de peur et de froid. Il aurait été juste qu'ils me grondent et injuste que je leur en veuille. Pourtant ils ne le firent pas, car pour eux, il n'aurait pas été juste de me punir pour avoir eu le courage d'affronter la montagne tout seul mais bien équipé. Mais il était beaucoup plus juste de m'obliger à aller l'après-midi avec eux et de m'en faire comprendre les dangers. Je les ai rejoints quelques années après. Alors, comment rendre juste ce qui est injuste ? Par une vue de l'esprit, en raisonnant sur l'injuste, représenté par un fait ou une chose, mais par rapport à quoi ? La loi, la morale, la tolérance ?


Ce qui est injuste l'est toujours par rapport à quelque chose. Est-ce en la rapprochant le plus possible de ce référentiel que l'on rendra la chose plus juste ? La distinction du juste et de l'injuste, est-ce que de rendre juste ce qui est injuste peut vouloir dire « ajuster ce qui est par rapport à ce qui devrait être ? » Est-ce une façon de rendre juste ce qui est injuste ou simplement de l'améliorer sans en enlever l'aspect ou l'esprit inique ou partial qui y a présidé ? Est-il possible de rendre juste quelque chose qui a été injuste ? Le fait partial, inique ou arbitraire que peut représenter la chose injuste, reste, même si a posteriori elle est rendue plus juste. Lorsque le mal est fait, même si l'on guérit la douleur, la meurtrissure reste . On ne peut être juste tout seul, car à l'être tout seul, on cesse de l'être. Et comme le disait Corneille « A force d'être juste, on est souvent coupable ». Une chose qui m'a porté à réfléchir, ce sont les citations de Lautréamont et de Vauvenargues qui disaient : » On peut être juste si l'on n'est pas humain » et l'autre : »On ne peut être juste si l'on n'est pas humain ». Lequel a raison ? Quelqu'un qui n'est pas humain peut-il être juste ? Et ne vaut-il pas mieux être d'abord humain, mieux humaniste, qu'être d'abord juste ? L'homme humaniste est-il juste ? Si c'est le cas, c'est peut-être en l'humanisant que l'on rendra juste ce qui est injuste. Jean François _____________________________________________________________________________

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