Frères Bien
N° 17
Aimés
6 novembre 2003 _________________________________________________________________________
Thème de la réunion: La Table d'Emeraude
LA TABLE D’ EMERAUDE « Il est vrai, sans mensonge, certain et très véritable : ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ; par ces choses se font les miracles d’une seule chose. ………… » Le Créateur a voulu un monde matérialisé, tangible, intelligible, fruit d’une transposition du divin vers l’humain. C’est le Grand Oeuvre absolu, que nous ne percevons pas tant il nous imprègne, y baignant sans le percevoir. Cette sentence antique nous plonge immédiatement dans l’immensité du sujet sur un plan dogmatique. Hermès Trismégiste, vraisemblablement fils d’Egypte, est imprégné de l’intime interdépendance de la religion et de la science. Contrairement aux hellénistes qui envisageaient spécifiquement la compréhension du monde par réflexions et analyses, les enfants du Nil l’appréhendaient par la voie mystique. Sur cette base, nous pouvons imaginer que cette déclaration est le fruit d’une révélation, comme Moïse reçut les 10 Commandements de Dieu. Clairement, l’unité du Tout est affirmée. C’est la synthèse entre les mondes hellénistique et égyptien. Quant à la forme, l’idée va crescendo, chaque mot amplifiant le précédent, et dynamisant le suivant par le principe de l’analogie des contraires. « Et comme toutes les choses sont et proviennent d’un, par la méditation d’un, ainsi toutes les choses sont nées de cette chose unique par adaptation » Le Créateur a intériorisé le Verbe. Il est seul détenteur du pouvoir de création. Il est l’Unité, le Tout. De sa seule volonté est né le Monde. « Le Soleil en est le père, et la Lune la mère. Le vent l’a porté dans son ventre. La Terre est sa nourrice et son réceptacle »
Les quatre éléments sont invoqués. Mais dans la tradition, Thot est bien identifié à la Lune (EAUCelui/Celle qui sait)*, la Mère. Or d’un point de vue symbolique, le Soleil lui est hiérarchiquement supérieur. Ainsi nous pouvons-nous conclure dans cette approche que malgré les talents de Thot, une puissance supérieure était le Père de l’œuvre complète : RE (FEUCelui qui ose)*). Dans toute initiation, le passage par l’épreuve de la Terre (Par celui qui se tait)* consiste en la décantation avant la purification par le souffle (Par celui qui veut)* *: tétralogie des occultistes. « Le Père de tout, le Thélème du monde universel est ici. Sa force ou puissance est entière si elle est convertie en terre. » Le « Thélème », au sens de « parfait » ou « achevé », est d’une puissance incommensurable. Elle ne nous est cependant perceptible que pour autant qu’elle touche une matérialisation propice à stimuler la réflexion humaine, qui se satisfait difficilement de l’abstraction, et saisit mieux le rapport de force révérenciel, vis à vis de son créateur. Le Thélème fait désormais partie de ce monde. Mais il doit se rendre perceptible au commun des mortels. Aussi se manifeste t-il à travers sa création .
« Tu sépareras la terre du feu, le subtil de l’épais, doucement, avec grande industrie » C’est la réalisation du Grand Œuvre qui est annoncée. Qui d’Hermès, Bruno, Flamel, Fulcanelli ou d’autres, a réussi ce mimétisme divin. Au risque du péché d’orgueil ? Ou pour mieux relier l’humain au divin ? Par calcination, décantation, et maintes autres Opérations, Il procèdera à une séparation des éléments pour tirer la quintessence de chacun. Mais gare aux impatients (les souffleurs..) qui voudraient, par facilité accéder à la maîtrise sans suivre le chemin.
« Il monte de la terre et descend du ciel, et reçoit la force des choses supérieures et des choses inférieures. » Rappelons-nous le mythe de la caverne, le cabinet de réflexion, et la formule de Basile Valentin : « V.I.T.R.I.O.L » qui nous invite à nous recentrer sur notre « Moi » profond, et retrouver la Parole Perdue. Nous découvrirons ce que nous sommes intimement quand les préjugés seront balayés, le mensonge écarté, les masques tombés. Nous découvrirons des contours proches de l’âme, et pourrons prétendre à la Réintégration. Qui dit âme dit élévation, et retrouvons la voie d’Hermès, le Grand Psychopompe, Premier Hiérophante, qui initiera aux mystères de la création, et montrera le vrai sentier aux Alchimistes sincères, ignorant les « souffleurs ». « Tu auras par ce moyen la gloire du monde et toute obscurité s’enfuira de toi. » Le jour chassera la nuit. L’Emeraude percera les plus sombres ténèbres, et l’initiation touchera chacun. RE inondera le Monde. Les anges déchus et leur maître seront chassés. Le Maître Alchimique dominera le Monde comme il aura su dominer son ego, ses passions. « C’est la force, forte de toute force, car elle vaincra toute chose subtile et pénétrera toute chose solide. » Phrase paradoxale où par la répétition un même mot renforce l’idée. Par la Force, il est fait référence au symbole alchimique du Lion, dont le pictogramme est identique à celui du Soleil . Ensuite deux paradoxes consécutifs témoignent de la puissance de qui maîtrisera le Grand Œuvre, au point d’envisager l’inenvisageable : dominer l’insaisissable, pénétrer l’impénétrable . Tel est l’immense pouvoir du Tout : créer, ou laisser créer par qui le mérite. « Ainsi, le monde a été créé. De cela sortiront d’admirables adaptations, desquelles le moyen est ici donné. » Terre et Ciel ne font qu’un se renforçant mutuellement par leurs différences initiatiques. Le miracle de l’unité est accompli. Le principe d’analogie des contraires trouve ici son épanouissement. Le Monde est créé. Sous le regard bienveillant de son créateur, il pourra évoluer, s’adapter. Darwin n’aurait probablement pas renié cette origine des choses.
« C’est pourquoi j’ai été appelé Hermès Trismégiste, ayant les trois parties de la philosophie universelle. Ce que j’ai dit de l’œuvre solaire est complet. » Les trois partie de la philosophie universelle peuvent se décomposer selon trois hypothèses : A) Minérale Ŕ Végétale - Animale B) Alchimique ŔAstrologique - Magique C) Anthroposophique Ŕ Cosmosophique Ŕ Théosophique A défaut de certitudes, chacun puisera sa conviction à la source de sa sensibilité. Qui était vraiment HERMES? Nul à ce jour ne peut l’affirmer définitivement. Thot ? Apollonius de Thyane ? L’inconnu de la sépulture anonyme ? Il n’en demeure cependant pas moins qu’il a marqué d’une empreinte forte, une période charnière, entre la fin des polythéismes et l’avènement de nouveaux courants religieux fondés sur le monothéisme (christianisme, gnosticisme). Ses écrits sont les seuls à avoir perduré sur le plan philosophique ou religieux de ce que fut l’Egypte antique. La magie du support (Emeraude) n’est peut-être pas étrangère à cette postérité, par son pouvoir régénérateur. Cette déclaration est le fruit de la réflexion d’un homme qui pour s’exprimer ainsi, était digne d’être proche du monde Divin. La couleur de l’Emeraude(VERT) ne nous est pas étrangère, parant Saint Jean dans l’immense majorité des iconographies symboliques, mais dont le sens profond remonte à l’antiquité, la considérant dans son aspect mystique. Je terminerai par cet élément de conjonction entre Hermès et Saint Jean qui se retrouvent dans la doctrine du Verbe, du Logos, et les approches distinctes entre Dieu et démon, et qui ont en commun de constituer des pans entiers de l’essence de la Franc-Maçonnerie. D.M.
La Table d'Émeraude La première vision est sa couleur verte. La couleur est en premier lieu une vibration d'une certaine longueur d'onde, c'est une modulation de la lumière solaire. Revenons à la couleur verte, considérée comme la couleur de l'eau, elle se trouve dans l'arc-en-ciel entre le jaune couleur du soleil et le bleu couleur de l'air. Ces deux dernières couleurs composent d'ailleurs le vert. De plus dans les sept couleurs du prisme la couleur verte se trouve au milieu des trois couleurs de l'esprit : le violet, l'indigo et le bleu, et les trois couleurs de la matière le rouge, l'orange et le jaune. Elle représente l'agent magique qui unit l'esprit et la matière. La couleur vert émeraude n'est pas due au hasard, c'est la couleur du plan causal ou de l'intelligence cosmique, de l'intelligence magique des arcanes, c'est la mer d'émeraude qui entoure le trône du Dieu vivant de l'apocalypse, c'est la ligne verte des cabalistes qui entoure l'univers. Dans l'homme les couleurs violet, indigo et bleu représentent la nature supérieure et immortelle, l'individualité divine car c'est l'homme qui est Dieu. Les couleurs rouge, orange et jaune représentent la nature inférieure et mortelle, sujette aux transformations, c'est la personnalité formé d'un corps de volonté : le rouge, d'un corps de sentiment : l'orange et d'un corps de pensée : le jaune. Le vert est donc bien la couleur qui unit les deux natures de l'homme et le fait pénétrer dans l'éternité cosmique. « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ; par ces choses se font les miracles d'une seule chose. » La couleur verte de la table d'émeraude symbolise alors le lien qui unit l'esprit et la matière car les paroles d' Hermès Trismégiste gravées en elle contiennent le secret de la Pierre Philosophale et de la coupe du Saint Graal : l'homme divin. « Le Soleil est le père, et la Lune est la mère. Le vent l'a porté dans son ventre. La terre est sa nourrice et son réceptacle. » Le Jaune est la couleur solaire, il est la lumière, l'or du silence qui précède le verbe argenté de la Lune qui n'est que son reflet, active concordance des luminaires qui président a l'initiation. Bleu est la couleur azurée du ciel où préside Jupiter. Couleur apaisante qui dématérialise les choses. En s'associant, elles donnent le vert de l'eau tombée sur terre pour la fertiliser;il est la couleur de la terre couverte de végétation source de vie, de création, c'est la régénération, c'est Vénus. Vert et rouge, les deux couleurs symboliques de la vie ; l'une végétale avec la ch1orophyle, l'autre animale avec le sang;. Ainsi est fait 1'homme des quatre éléments ; la lumière qui nous apporte la photosynthèse, l'eau qui apure notre corps, 1'air qui nous apporte 1'oxygène et la terre qui nous fournit nos éléments nutritionnels. C'est aussi la couleur verte qui recouvre la terre car elle absorbe la lumière pour la transmettre à la terre, pour fixer l'esprit. C'est pour cette raison encore que la coupe du Saint Graal aurait été taillée dans une pierre d'émeraude, car elle possèderait le pouvoir d'attirer l'esprit vivificateur universel.
« Le Père de tout, le Thélème du monde universel est ici. Sa force ou puissance est entière si elle est convertie en terre. Tu sépareras la terre du feu, le subtil de l'épais, doucement avec grande industrie » Voilà en quoi consiste le véritable parcours initiatique que constitue une vie. Laisser le lourd, l'épais, le grossier, le matérialisme aliénant du périssable et du mortel au profit du léger, du subtil, du volatil, du spirituel, de l'esprit et de notre véritable nature immortelle. Le but de l'initiation est simple et ambitieux à la fois, dans le plus strict respect du libre-arbitre: offrir à chacun selon ses aspirations, harmonies, sensibilités, ouvertures d'esprit, intuitions, la possibilité d'exprimer et de partager ses richesses ésotériques et spirituelles dans l'échange de connaissances au travers de débats d'idées généreux, ouverts et fraternels. « II monte de la terre et descend du ciel, et reçoit la force des choses supérieures et des choses inférieures. Tu auras par ce moyen la gloire du monde, et toute obscurité s'enfuira de toi. C'est la force, forte de toute force, car elle vaincra toute chose subtile et pénétrera toute chose solide. » Nous insistons et persistons dans notre quête de la Vérité et de la Sagesse ; rien, jamais, ne doit nous faire abandonner notre indépendance, même si parfois nous devons la payer au prix d'une certaine solitude comme le Chevalier Jédï... Ne te laisses pas séduire par les FF des ténèbres qui te montrent la clarté obscure. La lumière réfléchie n'est pas la lumière solaire. Ne te laisses pas séduire par la lumière artificielle qu'on veut projeter vers toi pour te donner l'illusion que tu existes. Et bien que le pèlerinage sur les chemins de l'esprit soit, il est vrai, un acte solitaire et individuel, il n'exclut pas les rencontres et les partages. Partager des connaissances ancestrales, faire des rencontres qui éveillent notre esprit, c'est ce que nous avons choisi ; initiation : mise sur le chemin. « Ainsi le monde a été créé. De cela sortiront d'admirables adaptations, desquelles le moyen est ici donné. C'est pourquoi j'ai été appelé Hermès "Trismégiste", ayant les trois parties de la philosophie universelle Ce que j'ai dit de l'oeuvre solaire est complet » Et comme l'a écrit Crasselame un autre alchimiste : « 0 ! Vous du divin Hermès les enfants et les imitateurs, à qui la science de votre père a fait voir la nature à découvert, vous seuls, et vous seuls savez comment cette main immortelle forma la Terre et les Cieux de cette masse informe du Chaos ; car votre Grand Oeuvre fait .voir clairement que de la même matière dont est fait votre Elixir Philosophique, Dieu aussi a fait toute choses. » Pour finir, un poème d'un autre alchimiste inconnu, lui : " II faut plonger dans le gouffre obscur de la souffrance Pour renaître de ses ruines au beau milieu des cendres, II faut pouvoir subir les affres sombres de l'errance Pour avoir le sixième sens que possédait Cassandre Faire fi du monde et de ses viles excroissances Pour voir au-delà des simples apparences, Traverser les flammes et la douleur de l'abîme
Piétiner les drames, les haines illégitimes Pour la métamorphose opérée dans la chrysalide Tissée au fil des jours par le pouvoir de la volonté, Insipide et noir insecte qui deviendra translucide Et clair comme l'eau de la source limpide. Les épreuves forgent du cœur le métal liquide Dans le creuset, le plomb deviendra de l'or."
J.F.L.
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Traduction française de la "vulgate" latine par Hortulain (XIVe siecle)
La Table d'émeraude
d'Hermès Trismégiste père des philosophes I. Il est vrai sans mensonge, certain & très véritable. II. Ce qui est en bas, est comme ce qui est en haut: & ce qui est en haut, est comme ce qui est en bas, pour faire les miracles d'une seule chose. III. Et comme toutes les choses ont été, & sont venues d'un, par la médiation d'un: ainsi toutes les choses ont été nées de cette chose unique, par adaptation. IV. Le soleil en est le père, la lune est sa mère, le vent l'a porté dans son ventre; la terre est sa nourrice. V. Le père de tout le telesme de tout le monde est ici. Sa force ou puissance est entière, VI. si elle est convertie en terre. VII. Tu sépareras la terre du feu, le subtil de l'épais doucement, avec grande industrie. VIII. Il monte de la terre au ciel, & derechef il descend en terre, & il reçoit la force des choses supérieures & inférieures. Tu auras par ce
moyen la gloire de tout le monde; & pour cela toute obscurité s'enfuira de toi. IX. C'est la force forte de toute force: car elle vaincra toute chose subtile, & pénétrera toute chose solide. X. Ainsi le monde a été créé. XI. De ceci seront & sortiront d'admirables adaptations, desquelles le moyen en est ici. XII. C'est pourquoi j'ai été appelé Hermès Trismégiste, ayant les trois parties de la philosophie de tout le monde. Ce que j'ai dit de l'opération du soleil est accompli, & parachevé. _________________________________________________________________
Découverte aux environs de l'an mille, la Table d'Emeraude est l'un des textes fondateurs de l'alchimie. Longtemps considérée comme un texte magique très ancien, on croit savoir aujourd'hui qu'elle provient d'une succession de traductions d'un document initialement écrit en grec, puis traduit en syriaque, de syriaque en arabe, d'arabe en latin et, finalement, de latin en français. Ce qui a certainement contribué à le rendre de plus en plus énigmatique. Elle serait la conclusion d'un "Traité du Secret de la Création des Êtres", attribué à Apollonius de Laodicée, qui selon Paul d'Alexandrie, aurait accusé les Egyptiens de s'être trompés sur le zodiaque, c'est-à-dire sur l'organisation du monde. Apollonius commence son Traité par ces quelques phrases:
« Toutes choses sont composées des quatre qualités élémentaires: le chaud, le froid, l'humide et le sec, éléments de tout ce qui existe ; ces qualités sont combinées les unes avec les autres de telle manière que tout est emporté par le même mouvement de rotation et ne forme qu'un seul assemblage [...], un même corps, sans aucune distinction ou différence, jusqu'à ce que des accidents modifient ce corps dont les parties se séparent. Des êtres diversifiés se forment alors entre eux, à raison des différentes combinaisons des qualités élémentaires qui concourent à leur formation » [...]. C'est là le principe fondamental de la science qui permet de connaître la cause première de la variété des êtres. »
Puis la légende transmise raconte qu'Apollonius (appelé Bélénous par le traducteur arabe Ibn Ishak au IXème siècle ) trouva une statue d'Hermès, en pierre, sous laquelle on pouvait lire: « Si quelqu'un désire connaître le Secret de la Création des Etres, qu'il regarde sous mes pieds. Ceux qui regardèrent n'y virent rien de spécial. Bélenous comprit qu'il fallait creuser sous les pieds de la statue et mit au jour l'entrée d'un souterrain. Y descendant avec une lampe, il découvrit, assis sur un trône d'or, un vieillard qui tenait à la main une tablette d'émeraude sur laquelle on lisait : C'est ici la formation de la nature. »
Ce vieillard avait devant lui un livre que Belenous prit pour le faire connaître à tous. Ce livre était intitulé "Secret de la Création et des Êtres et la Science des Causes de toutes Choses". Ce livre renfermait la description des causes premières des corps célestes, des minéraux, des êtres animés et des hommes. Durant 60.250 ans, le chaos primitif se mit en mouvement et s'échauffa peu à peu, se constituant en couches différenciées allant du froid inerte en son centre, au chaud et agité à sa périphérie. De cet état instable surgit en 48 heures l'union du froid et du chaud, engendrant le sec et l'humide et de ces quatre qualités combinées se formèrent les quatre éléments, terre, eau, air et feu. Le feu assimilé au mouvement existait déjà. 96 heures plus tard les créatures des trois règnes apparurent.
Dans son second livre, celui de "la création des sept cieux et des sept planètes qui gouvernent toutes choses, Belenous évoque un rapprochement entre planètes et métaux. Hésiode en parlait déjà. Aux métaux sont associés des couleurs, jaune pour l'or qui évoque le Soleil, blanchâtre pour l'argent de la Lune, rouge comme le sang versé par le fer de Mars, bleu-vert des sels de cuivre de la planète bleue, Vénus… Cette analogie fut certainement à l'origine de la loi des correspondances entre le microcosme, notre monde, et le macrocosme, l'Univers. S'inspirant d'Aristote, et de sa théorie des deux exhalaisons, la fumeuse et l'humide, Apollonius concrétise ces dernières sous la forme du mercure et du soufre. C'est la première fois que l'on voit apparaître les deux principes alchimiques qui vont dominer et entretenir la pensée alchimique jusqu'à notre époque. Le troisième livre d'Apollonius traite de la formation des substances végétales, le quatrième étant centré sur les êtres animés et l'homme. Le cinquième est la copie de la Table d'Emeraude que tenait le vieillard en ses mains. Point de secret de Pierre Philosophale, dont on ne commencera à parler que vers le XIVème siècle, point de transmutation de métal vil en or, mais tout simplement une théorie du système du monde. Les savants arabes ont longuement commenté ce "Secret de la création des Êtres", mais les alchimistes latins l'ont pratiquement ignoré, ne conservant et ne révérant que sa conclusion appelée "Table d'Emeraude". D'autres légendes existent, notamment celle qui veut que ce texte ait été trouvé par les soldats d'Alexandre le Grand dans les profondeurs de la Grande Pyramide de Gizeh, qui ne serait autre que le tombeau d'Hermès. Celui-ci aurait lui-même gravé les quelques lignes qui composent la Table, avec une pointe de diamant, sur une lame d'émeraude (Cf. Jacques Sadoul: le trésor des alchimistes). Une autre légende raconte que ce fut Sara, femme d'Abraham qui la trouva dans le sépulcre d'Hermès qui était dans la vallée d'Hébron. Le cadavre d'Hermès tenait l'émeraude dans ses mains. Y était gravé une inscription phénicienne…
Toutes les légendes ne restent que des légendes, toutes partent de textes certainement transformés au cours des retranscriptions et traductions successives, et toutes ont donné lieu à des interprétations plus ou moins orientées, dans la mesure où les grilles d'analyse, qu'elles appartiennent aux domaines de l'alchimie, des tarots, de la Quabale ou de l'astrologie, ne permettent d'analyser que des mots pris dans leur singularité et non faisant sens avec la phrase ou l'ensemble du texte. Légende…ce qui doit être lu, mais nous ne savons ni lire, ni écrire, nous ne savons qu'épeler. Ce texte n'est donc pas lisible avec les yeux, ce qui constitue son hermétisme, mais peut être perçu intérieurement. C'est Ibn Arabi qui écrivait, en faisant parler le Créateur: "…Je suis la réalité du monde, le centre et la circonférence j'en suis la partie et le tout. J'en suis la Volonté établie entre le ciel et la terre.Je n'ai créé en toi la perception que pour être l'objet de Ma perception.Si donc tu me perçois, tu te perçois toimême, mais tu ne saurais Me percevoir à travers toi…" Il y a en ce texte les deux grands principes de la philosophie hermétique, soit d'une part l'unité de la matière (toutes les choses sont nées de cette chose unique par adaptation), et d'autre part, l'union du microcosme (c'est à dire l'homme) au macrocosme (c'est à dire l'univers). Par ailleurs, Zozime le Panopolitain, alchimiste d'Alexandrie dans ses instructions à Eusébie déclare: « Le grand soleil produit l'Oeuvre, car
c'est par le s'accomplit. »
soleil
que
tout
Il écrit aussi dans l'un de ses traités que l'un des fondateurs de l'alchimie aurait été un prophète juif nommé Chémès.
Or chémès en hébreu, langue qu'il ne pouvait ignorer, est le soleil. On ne peut que rapprocher cette phrase de la dernière ligne de la Table d'Emeraude :" Ce que j'ai dit de l'Oeuvre solaire est complet. " Jacques Sadoul en conclut que:" L'alchimie serait donc la science fondée sur les mystères du soleil, c'est-à-dire sur les révélations initiatiques faites par les prêtres des cultes solaires en Mésopotamie puis en Egvpte." Dans le sanctuaire qui se trouve au fond du grand temple de Ramsès II, à Abou Simbel, veillent dans la pénombre quatre statues assises taillées dans le roc, qui représentent Ptah, Amon Ré, Ramsès II et Ré-Horakhty. Deux fois par an, les 21 février et 21 octobre, les premiers rayons du soleil pénètrent jusqu'au fond du temple, venant "régénérer" les statues. Seule, celle de Ptah reste dans la pénombre, car diton, il règne, lui, sur les ténèbres. Ptah est "celui qui façonne", qui "mit d'abord au monde les dieux". C'est lui qui insuffle l'Esprit à tout ce qu'il a créé. Une stèle nous rapporte : "Car toute parole divine vient à l'existence selon que le cœur de Ptah a pensé et ce que sa langue a ordonné. Ainsi furent également créées les sources d'énergie vitale"… "C'est le cœur qui donne toute connaissance, c'est la langue qui répète ce que le cœur a pensé". La Terre et le Feu sont ses éléments. Les minéraux germent en son royaume à la chaleur de sa forge. Son temple à Memphis porte le nom de " la Forge de l'Or". Amon est " le souffle qui anime la création ". Il est le dieu caché, le dieu sans visage, inconnaissable mais résidant en toutes choses. Associé au vent, il a pour élément l'air. Rê est source d'énergie, de chaleur et de lumière à l'origine de la vie. Sa lumière a le pouvoir de diviniser les âmes.
Horakhty, "Horus de l'Horizon" fut assimilé par syncrétisme à une divinité unique, Rê-Horakhty, personnification du soleil au zénith, à l'apogée de sa puissance et de sa splendeur. C'est le symbole même de la lumière intérieure, la forme la plus secrète de Rê. Il a pour éléments l'air et le feu.
"J'ai, dit-il, beaucoup de noms et beaucoup de formes. Ma forme est dans chaque dieu; Atoum et Horus sont nommés en moi. Je suis celui qui a créé ciel et terre et qui y a mis les âmes des dieux. Je suis celui qui, en ouvrant les yeux, produit la lumière et, en les refermant, produit la nuit; celui sur l'ordre duquel le Nil apporte l'inondation et dont les dieux ne connaissent pas le nom. Je suis Khepri le matin; Rê à midi; Atoum le Soir." Khepri signifie : "celui qui devient" et symbolise le soleil du matin; Rê, le soleil dans toute sa splendeur à midi, c'est-à-dire au zénith; Atoum, "celui qui n'est plus", est assimilé au soleil le soir. Si l'on se souvient de l'énigme du Sphinx, on peut noter le principe de correspondance qui relie le divin à l'humain. Terre, air et feu sont représentés par les trois dieux. L'eau serait-elle l'élément attribué au Pharaon assis au panthéon entre l'air et le feu ? L'eau, élément attribué à Osiris. Osiris-Rê. Rê étant la manifestation d'Osiris dans le monde des vivants et Osiris celle de Rê dans l'empire des morts. "Tous les dieux sont trois: Amon, Rê, Ptah. Son nom est caché en Amon, il est perçu en Rê, son corps est Ptah". A l'extérieur du Temple, quatre statues colossales représentent Ramsès II, les yeux fixés sur l'horizon, dans la position assise, mains sur les genoux, tel celui qui attend paisiblement la mort.
Dans la première salle hypostyle du temple, huit statues représentant Ramsès II en Osiris jalonnent le chemin qui mène au sanctuaire. On ne peut oublier le texte hermétique attribué à Thot: "Je suis Un qui se transforme en Deux; Je suis Deux qui se transforme en Quatre; Je suis Quatre qui se transforme en Huit; Je suis Un après cela." Loi des concordances qui appelle à percevoir l'homme quaternaire, projection sur terre des quatre divinités. Dans le sanctuaire, ce n'est pas Ramsès II divinisé, mais Osiris qui va renaître en Ramsès II, et ce , intimement lié à lui pour l'éternité. Je fais appel au pouvoir du souvenir, semble penser le Pharaon, car je sais que je porte en moi le secret: "J'ai amené mon corps à l'existence grâce à mon pouvoir magique. Je me suis créé moi-même, je me suis constitué ainsi que je le souhaitais, selon mon désir". L'alchimie est avant toute chose la création de l'homme par luimême, la prise de conscience qu'il a la possibilité de maîtriser pleinement ses facultés et son avenir, de se transmuer pas à pas. A chaque instant, le Pharaon sait qu'il est Osiris, le dieu à la peau verte, qu'il est multitude de cycles, jour et nuit, flux et reflux des eaux, grain qui meurt et pourrit pour renaître. Il sait qu'avec Isis, il forme le Rebis, le couple du Grand Œuvre. Comme au dieu Hapy, qui est androgyne, père et mère, ces paroles lui sont adressées: "C'est toi l'image du Nil, dont une moitié est un homme et dont l'autre moitié est une femme; C'est l'eau qui est homme, c'est la terre irrigable qui est femme". Androgyne comme l'est aussi la déesse Neith, la Mère du Soleil, coiffée de la couronne rouge du Nord et à qui l'acacia est consacré: "Je suis ce qui est, ce qui sera, ce qui a été, et mon voile, jamais aucun mortel ne l'a soulevé. Le fruit que j'ai enfanté est le Soleil".
Le soleil en est le père et la lune la mère… Genèse de la Materia Prima, qui descend sur la Terre telle un cône de rosée issu d'un Point Primordial générateur d'où toutes les formes tirent leur origine. La rosée matinale (le " flos coeli " des alchimistes, appelé encore l'eau des deux équinoxes) ou bien un cône de lumière ?
Un texte de la Bhagavad Gita (IVème chapitre- 11ème verset) dit: " Quand la lumière brille dedans, à toutes les portes de cette demeure, quand la sagesse brille, alors on peut être assuré que la Substance a dominé". La Substance, c'est la "matière l'illumination", c'est la Materia Prima.
de
"…Ceux qui résident dans la Substance s'élèvent.." …Il monte de la Terre et descend du Ciel… Il existe, nous dit Eliphas Levi, une puissance cachée derrière les multiples voiles, puissance simple et indivisible en elle-même, tout en semblant être divisée en un entrecroisement inextricable de manifestations complexes, une Puissance appelée correctement " Lumière Intérieure", qui peut devenir réellement visible à l'appareil sensitif de l'alchimiste éveillé. C'est là le travail sur lequel nous nous penchons ensemble, faisant surgir petit à petit les étincelles de Lumière que nous avons su déceler en nous et que nous partageons, non pas pour faire montre de savoirs, mais pour que chacun puisse s'imprégner au contact des autres des gouttes de rosée qu'il n'aurait pu récolter. C'est le but de la Maçonnerie. ____________________________________G.H._________
Prochaine réunion le jeudi 4 décembre 2003. Thème proposé: la formation des Apprentis