Frères Bien
N° 25
Aimés
17 mars 2005 _________________________________________________________________________
Thème de la réunion: «Les outils et leur symbolique » Les outils maçonniques et leur symbolisme. Le sujet est trop vaste pour le traiter en son ensemble. Les outils sont multiples et les maçons plus encore, chacun d’entre eux donnant son propre sens au symbole qu’il recherche. Bien sûr, il y a le sens voulu par le mot qui le représente. Mais nous sommes à la recherche d’une vérité qui est nôtre ; terme d’un cheminement initiatique personnel. Loin devant nous, inaccessible et incommunicable. Une vérité à laquelle, paradoxalement, nous ne pourrions accéder qu’après avoir rassemblé ce qui est épars ; c’est à dire après avoir entendu, reconnu et accepté la parcelle de vérité détenue par chaque homme. Telle cette pierre que nous travaillons avec le ciseau et le maillet pour l’intégrer dans l’édification du Temple ; celui de l’homme et celui de l’humanité. Le travail que nous demandent ces outils dans le silence de notre méditation, c’est justement de les laisser s’exprimer. S’ouvrir au langage des outils et de leurs symboles, un langage que nous suivons, un sens que nous cherchons ; un retour au magique, au différent, à l’émergence du sacré ; le désir de transcender notre être, de l’élever dans ce temps sacré du mythe, du rêve et de la poésie. C’est un autre symbole que je trouve dans la pierre brute, le ciseau et le maillet, le côté divin, je dirais plutôt inspiré, plus que celui de l’artiste transformant la pierre brute en œuvre d’art. Pour moi cette pierre est l’image de la transcendance, de l’ascension de l’homme, de son élévation.
Là, dans son œuvre pleine, après avoir participé à la construction du Temple Universel de l’humanité, à celle personnelle de son temple intérieur, il l’embellit, se projetant dans l’instant mythique de la création. Je voudrais réagir plus sur le symbole que sur les outils que nous trouvons toujours sur notre cheminement de maçon tels l'équerre et le compas, esprit et matérialité. Il est bizarre en effet de remarquer qu’en ces lieux que sont les Temples Maçonniques placés sous la Lumière du Delta, triangle lumineux, tout est binaire. Autant les Francs-maçons que tous les autres hommes. A la fois origine et aboutissement, il me fallut du temps et la patience de mon regretté M.’. formateur, A. L., pour comprendre que le chemin que j’entreprenais pouvait et devait me ramener à l’Un puis au Tout. Parce que lorsque le cœur et la raison ne suffisent pas à l’homme pour accepter sa condition, lorsqu’il refuse de se soumettre à tout principe révélé, il devient ‘’ franc ‘’ et constructeur de sa liberté, ‘’ maçon ‘’ en quelque sorte. Il est le libre artisan de son évolution. Ce que me fit comprendre plus tard mon F.’. G en me parlant d’un texte de Jacob Boehme :
‘’ Ecoute-moi toi qui es aveuglé par la raison ! La voie ? Il faut que toimême tu la deviennes. Il faut que la vérité naisse en toi, il faut que ton esprit s’éveille et c’est intérieurement que tu contempleras les mystères.’’
Je ne certifie pas que cela soit exactement ce qu’il me dit, mais c’est le souvenir que j’en ai gardé et ce à quoi nos outils et les symboles qui s’y rattachent me font souvent penser. J’essaye de faire en sorte que mon travail traduise ce que je pense véritablement, j’écoute et je participe, n’oubliant pas ce que disait Herriot : ’’ La culture c’est ce qui reste quand on a tout oublié ‘’ ….et j’ai beaucoup oublié. J’ai remarqué de plus que les civilisations qui étaient les plus évoluées furent celles qui se servaient de symboles comme écriture : Mayas, Incas, Egyptiens ou Chinois. Nos outils sont là pour nous éveiller et nous questionner, ils sont notre travail et notre ligne de conduite, leur symbolisme est là pour émouvoir la sensibilité de notre personne. Chacun peut les interpréter à sa façon, mais ce sera toujours dans un contexte initiatique et selon le signe d’un certain sens. Pour connaître nos outils et leur symbolisme il faut savoir les regarder et les écouter raisonner en nous sans juger à priori.
Il faut savoir reconnaître face à eux ce qui n’est que la projection de notre pensée. Mais surtout il faut savoir être neuf et avoir un esprit frais. Chez nous tout est symbole, et parfois je me prends même à penser, que moi aussi je suis un symbole d’une certaine dualité de bon et de mauvais, non par une humilité surfaite, mais parce qu’un jour un F.’. m’a dit que pour avancer il fallait douter. Alors comme je veux avancer je doute, non pas de nos outils et de leur pouvoir sur notre évolution, mais de la signification que l’on peut leur apporter. C’est pour cela que je trouve qu’elle est personnelle et incommunicable ; chacun devant chercher la sienne. JFL
Soufflet de forge africain Transformation de deux souffles en Un
Ma pierre brute… En passant la porte du Temple pour la première fois, je pensais entrer dans une école de philosophie ou j'allais côtoyer des gens avec qui je pourrai partager une recherche métaphysique, travailler à une quête de sens à la vie et auprès de qui je pourrais trouver une aide fraternelle dans mes tentatives de me perfectionner. Mais, en fait, je n'avais pas la moindre idée de ce qu'allaient m'apporter les symboles et les rituels, et n’étais pas motivée par cet aspect des choses dont on m’avait pourtant parlé.
Je me disais que les symboles, il faudrait bien "faire avec", de même que les rituels, mais je n'imaginais pas qu'ils allaient effectivement me servir, devenir des outils efficaces pour ma quête. ... Et puis, petit à petit, je me suis rendu compte que je commençais à "rencontrer" effectivement certains symboles et à y découvrir concrètement quelque chose ; entre autres, des outils, des méthodes de travail qui m'étaient, auparavant, tout à fait inhabituels. Je n'ai accédé, cependant, que très progressivement à la capacité d'en utiliser certains ; l'apprentissage m'en a semblé long, jusqu’à pouvoir effectivement les utiliser dans cette fameuse quête de sens et de perfectionnement. Les symboles à découvrir sont si nombreux ! On ne peut sans doute pas tous se les approprier pour pouvoir en faire usage d'outils pour travailler sur soi-même. Ce n’est que petit à petit que l’on commence effectivement à se servir de ces outils pour améliorer tant la qualité et vigilance dans notre quête que la rigueur du travail de perfectionnement de notre Être. Outre le premier travail maçonnique, que nous avons tous symboliquement accompli, sur la Pierre Brute, il se trouve que mon atelier de rattachement s’appelle « La Pierre Brute », ce qui m’a forcément amenée à m’interroger tout particulièrement sur ce symbole. La taille de la Pierre Brute m’a donc semblé être le symbol-outil, le plus éloquent pour analyser le travail que tout M∴ est sensé faire sur lui-même à partir de son initiation.
Et pourtant, mon premier travail d’apprenti, j’ai eu bien du mal à l’accomplir. Je n’étais pas du tout habituée, dans ma vie profane et dans ma culture, à manier volontairement et consciemment des symboles. Le symbole maçon m'était caché derrière l'objet tangible et pouvait prendre plusieurs sens. J’ai eu, en fait, beaucoup de mal à me détacher de l'image des objets réels pour accéder à leur sens et usage symbolique. Ainsi, je me suis longtemps demandé, si je devais tailler ma pierre pour lui donner une forme prédéterminée, ou si je devais le faire pour pouvoir m'insérer dans l'emplacement du mur du Temple que je supposais me convenir ! J’ai aussi passé pas mal de temps à m’interroger sur la valeur de symbole que pouvait avoir la pierre à tailler pour des régions du Monde, ou l’on bâtit ses temples en bois, en terre, comme au Mali, ou en creusant le sol. J’ai donc commencé par être déroutée par les impasses où me menait ma propre réflexion, j'ai essayé de m'aider de premières lectures.
Un Maçon a écrit "... La Pierre est brute parce que sa destination nous reste à découvrir". (Jean Verdun) Or, je voyais la vie, en mouvement, et, le Mur du Temple, immobile. Je ne voyais donc ma possible insertion dans cet édifice, qu'une fois ma destinée accomplie. Ce n'est finalement qu'une fois ma vie achevée qu'il me serait possible de savoir "à quoi j'aurais servi".
Je me demandais si cela signifiait que cette insertion dans l'édifice ne pouvait être accomplie qu'avec la Mort ... L’humilité maçonnique a donc d’abord été pour moi : admettre que je ne sais pas ou je vais m’insérer. Je ne peux connaître, à priori, à quoi je vais servir, ni totalement le décider. Est-ce que je sais ce à quoi je suis destinée ? Et ai-je un destin tracé d’avance ? Un autre obstacle sur ma route a concerné ma distinction du travail sur soi même, que tout profane peut avoir à cœur d’accomplir, sans pour autant être M∴, du travail proprement maçonnique. On travaille sur soi-même bien avant d'entrer en maçonnerie, et parfois, j’ai eu du
mal à admettre que des M∴ plus jeunes que moi (en âge profane) puissent prétendre avoir des choses à m’enseigner. Il a fallu que je me souvienne qu’en me baissant pour passer la porte du Temple lors de mon initiation, je n'ai, à aucun moment, cru à l'existence d'une porte tangible. Je me suis cependant, baissée jusqu'au sol, et ceci, bien consciente que je signais, par ce geste, un pacte avec moi-même : celui d'accepter ici, des enseignements et des Maîtres alors que, justement, dans la vie profane, je m'étais toujours comportée en rebelle et avais eu tendance, face aux Maîtres (scolaires) à afficher des attitudes de défi plus que de soumission et de respect. Bien m'en a pris, car je me suis effectivement aperçu que l'écoute de Maîtres m’a été bien souvent très utile et m’a permis de contourner justement ces obstacles rencontrés dans le travail de ma Pierre. Comment puis-je, aujourd'hui, distinguer un travail qui serait proprement maçon, d’une recherche de perfectionnement profane ?
En quoi consiste donc, pour chacun, en maçonnerie, la taille de sa propre pierre ?
L'interrogation sur le sens de VITRIOL : Visite l'Intérieur de la Terre et en Rectifiant, tu trouveras la pierre cachée. Soit : rentre en toi-même recense tes sentiments, facultés et passions (connais-toi toi même)... puis, rectifie-toi, améliore-toi, découvre et cultives ce que tu as de meilleur, m’a également éclairée. Tailler sa propre pierre signifie donc s’améliorer en général pour que nos comportements soient toujours plus proches de ce que nous considérons comme "bon" ou "vrai". Il faut donc tendre vers ce que nous pensons être "le bien".
Si les symboles sont des outils de travail, beaucoup de symboles maçons sont euxmêmes des outils. A l’âge de pierre, dans la préhistoire, la pierre était à la fois maillet, ciseau et pierre à tailler ; elle-même devenait outil pour trancher ou arme. Ainsi, la pierre taillée a d’abord servi à l’Homme d’outil pour sa survie.
Puis, vint l’édification des premiers temples en pierres.
Nos outils de F∴ M∴ sont ceux des bâtisseurs ; ceux que nous utilisons, pour la taille de notre pierre, sont : le ciseau, comme force intellectuelle et force agissante et le maillet, en tant que volonté qui la met à exécution C’est l'union du ciseau et du maillet qui sert pour la taille de la Pierre Brute ; c'est cette association qui permet de progresser vers la vérité par l'alliance de la force et de la volonté qui lui donne sa direction de frappe. Sachant qu’ils sont à utiliser pour l'affinement de ce « MOI », objet de nos efforts de perfectionnement, il nous faut "Etre à la fois la pierre brute et le
tailleur de pierre. Il faut se tailler pour pouvoir s'insérer dans l'édifice".
L’initiation en Franc Maçonnerie permet d'être plus conscient, de participer à une vie plus étendue que celle qui commence à la conception et finit par la mort (ou le néant).
La Chaîne d'Union nous unit autant dans l'Espace que dans le Temps. C’est elle qui accompagne notre travail et lui donne son sens. Le travail de la Pierre Brute me paraît être le cheminement initiatique lui même. Tant que dure ce chemin, la taille de cette pierre brute est inachevée. La Maçonnerie doit nous permettre d’acquérir une vigilance et une exigence plus constante et plus efficace, plus « éclairée », aussi.
Armand Bédaride a dit: ... « Il faut beaucoup d’humilité pour s’accepter Pierre
brute, il faut une véritable ambition métaphysique pour se vouloir un destin personnel confondu dans le destin de l’espèce et pour passer du « connais-toi toi même » au « découvre à quoi tu sers »...
Le sens que l’on donne à sa vie dépend des valeurs que l’on privilégie.
La plupart des valeurs seraient éventuellement défendables intellectuellement
mais, qu’est-ce qui doit déterminer les choix d’un F∴ M∴ ? On rentre en Maçonnerie parce qu’on pense, à priori, défendre les mêmes valeurs que les
F∴ M∴ Le moindre de nos actes doit nous rapprocher toujours plus des valeurs que l’on s’est choisies, dans lesquelles on veut se reconnaître. Ce n’est pas forcément toujours facile.
Une qualité recherchée en Maçonnerie comme la TOLÉRANCE peut aussi générer par excès un mal : Chacun de nous est en quête de La Vérité, mais celle-ci est insaisissable. Chacun de nous en perçoit vaguement quelques facettes. Pour être tolérant, il faut admettre que les facettes de vérité qu’on aperçoit n’ont pas plus de
chances que celles qu’aperçoivent les autres d’être plus proches de la Vérité recherchée. Si l’on peut comprendre et relativiser des comportements qualifiables de mauvais, il faut cependant fixer des frontières entre le « Bien » et le « Mal ». Ces barrières peuvent cependant être perçues comme subjectives et relatives. Dans la mesure où il me semble que, personnellement, j'ai plus de difficultés à me fixer des limites à ce que je peux tolérer qu'à être tolérante, je crois devoir effectuer un travail de rectification des aspérités de ma pierre en améliorant ma vigilance quant à la rigueur de choix des valeurs que je souhaite finalement défendre. Pour quelqu’un, qui au contraire a un système de valeur très rigide, la taille des aspérités de sa pierre pourra, au contraire, l’amener à des efforts pour assouplir et relativiser ses valeurs et certitudes pour entendre celles des autres.
Ainsi, les pierres brutes des uns et des autres n'ont pas forcément les mêmes aspérités à éliminer. Chaque tempérament n'a pas les mêmes faiblesses à corriger ; de même que ce ne sont pas forcément les mêmes métaux que chacun de nous doit s’efforcer de « laisser à la porte du Temple ». Aux efforts de travail profane que nous faisions avant d’être initiés, doivent succéder des efforts méthodiques et « accompagnés », qui acceptent l’enseignement de Maîtres et s’exercent à l’utilisation d’outils spécifiques ainsi qu’à l’Art de les utiliser. Nous sommes, chacun, notre propre œuvre, notre propre pierre à bâtir ; notre travail de Franc Maçon doit être de participer à l'édification du Temple qui est l'œuvre commune des F∴ et des S∴ qui ont appris à travailler ensemble.
Tailler notre Pierre c'est apprendre à reconnaître ce qui constitue nos
faiblesses par rapport à la défense des valeurs choisies puis à travailler pour les combattre de façon à devenir plus efficace dans la construction (en nous et autour de nous) d’une Humanité meilleure. C’est effectuer un travail sur nous pour nous rendre plus pertinents dans une Humanité en progrès, c’est à dire : plus libre, plus égaux et plus fraternels.
Conclusion En ce qui me concerne, travailler sur la pierre brute m'a obligé à pas mal de réflexion, m'a beaucoup apporté et, en particulier, m'a fait comprendre que:
le symbolisme est une méthode, une somme d'outils de travail sur soi-même. c'est en travaillant notre pierre que l’on découvre sa forme, on ne la connaît ni ne la décide d'avance. la pierre brute de chacun est différente de toutes les autres et acceptée, voire aimée, comme telle. Elle n'est pas, intrinsèquement "moins bien" qu'une pierre taillée. Elle existe à un autre moment de la vie, elle est en devenir. le Temple est constitué d'hommes et de femmes qui cherchent à atteindre le maximum de leur capacité en conscience et en liberté. si je connais bien et maîtrise mes faiblesses, je connais et maîtrise aussi celles des autres tout en tolérant leur existence et je deviens plus efficace dans l’action. ce qui m’empêchait de voir certaines aspérités de ma pierre brute qui demandaient à être taillées, étaient des métaux et que se dépouiller de ceux-ci est difficile car, s’il est aisé de voir les métaux des autres, on est souvent aveugle sur les nôtres. Ce n’est pas qu’on refuse de les
ôter, c’est qu’ils se sont si bien incorporés à notre chair qu’on ne peut plus les voir.
il nous faut faire jaillir la pierre précieuse en taillant la gangue brute qui l’entoure car on porte tout son bien en soi. Aujourd’hui, il me semble avoir compris qu’une pierre taillée est un Homme (ou une Femme) libre, dont la conscience est guérie de ses conditionnements et de ce fait beaucoup plus capable de se dépouiller aisément de ses métaux et surtout, plus capable d’Amour. O.V.
La Matière, l’Ouvrier, les Outils
Le rituel du second degré de notre Rite nous fait approcher, d’une manière explicite, le sens caché des outils qui vont permettre à l’apprenti, puis au compagnon, de réaliser l’Oeuvre. Il tente « d’ouvrir des portes par où la Lumière
Supérieure doit un jour entrer à flots ».
Le Maillet et le Ciseau, qui ont servi à l’Apprenti pour transformer la Pierre Brute qu’il était en Pierre Taillée, nous révèlent qu’il en était à la fois « la Matière et
l’Ouvrier ».
Le Compas et la Règle doivent lui permettre de devenir mesuré, « sa
concentration et la canalisation des résultats (devant) renforcer l’édifice et conduire à la découverte réfléchie de la Vérité ». Mais les mots les plus importants et qui sont revêtus du voile de l’ambiguïté sont « quittant difficilement la dualité… ». Passer de la dualité au ternaire, ou tendre vers l’Un ? La concentration, qui implique le retour à un centre, et la canalisation, qui implique l’orientation dans une direction, devraient pourtant nous aider à passer de la notion d’emblèmes, tels que nous sont présentés les outils à chaque grade, à la notion de symboles. La Règle et le Levier vont l’aider dans « la conduite, le transport et la pose des matériaux travaillés », ce qui signifie que, toujours avec mesure, il devra : • se conduire, c'est-à-dire se comporter de la manière la plus seyante qui lui permette « d’atteindre la Réalisation de l’Oeuvre »,
•
•
se transporter, c'est-à-dire passer d’un milieu à un autre, ce qui pourrait signifier tout autant, passer de la ligne à la surface et de la surface au volume, que de l’exotérique à l’ésotérique. se poser, c'est-à-dire établir les fondements, à la fois de son propre temple intérieur mais aussi de celui de l’humanité.
« Aller vers la Sagesse, avec le refus du hasard, par la Mesure, qui engendre ainsi la Force. » L’Equerre et la Règle vont lui permettre, toujours avec Mesure, d’être
« occupé directement à l’élévation de l’édifice, (d’) en diriger l’ensemble et (de) vérifier la pose de l’Équerre pour terminer l’Oeuvre maçonnique ».
Robert Ambelain écrit : « Ainsi donc, en pratiquant la Maçonnerie, l’Homme
est sa propre règle, il s’identifie à l’Equerre, il devient celle-ci. C’est pourquoi les trois modes d’enlacements de la dite Equerre (image de l’Homme) et du Compas (symbole du Grand Architecte) ne font qu’exprimer la triple étape de l’identification du premier au second. » Les portes sont ouvertes et la Lumière peut entrer. Lorsque l’Esprit domine totalement la Matière, celle-ci s’efface, retourne à la poussière en se décomposant, retourne à la Nature, et le Maître relevé va, en un dernier pas, revenir à l’Un, projeté en un lieu hors de l’espace et hors du temps. Utopique et uchronique. Projeté en ce « non-lieu » actuel, en cet au-delà invisible où le temps fait place à l’éternité, il se fond en la transcendance qui l’habitait. Pour Mircéa ELIADE, il y a abolition du temps et de l'espace, projection de l'homme dans l'instant mythique de la création du Monde. Il s’agit de le faire naître de nouveau en le rendant contemporain de la naissance du Monde.
Il y a là expérience de "régénération" et de réintégration de l'homme à la totalité du sacré antérieur, expérience nécessaire pour l'édification de son propre temple intérieur et de celui de l'humanité. C'est-à-dire que pour édifier ces temples et réaliser l’Oeuvre, il est appelé à devenir co-créateur du Monde, ainsi qu’à unifier en lui la Matière, l’Ouvrier, mais aussi les Outils essentiels, la Règle, l’Equerre et le Compas, les trois Joyaux de la Loge sans lesquels « nous ne pourrions rien réaliser ». Joyaux à propos desquels le Vénérable proclame à chaque tenue :
« En conséquence, permettons aux trois Symboles de se manifester ... »
De se manifester, c'est-à-dire de se faire connaître, de co-naître en chacun de nous, nous transformant par là même en symboles vivants, nous transportant en un lieu hors du temps et de l’espace, uchronique et utopique, à l’instant de la première seconde de la création de l’univers, au moment où le ciel se sépare de la terre, l’invisible du visible, au moment où le Rebis des alchimistes prend corps, tenant l’Equerre en sa main gauche et le Compas en sa droite.
Mais comment chacun d’entre nous permet-il aux trois Symboles de se manifester ?
Il y a pour moi trois étapes dans la recherche symbolique:
1) comprendre le symbole par le symbole, c'est-à-dire le replacer dans une totalité homogène au symbole et faire apparaître la cohérence du système symbolique. Comprendre que l’association des emblèmes de l’Equerre et du Compas puisse symboliser une jonction, voire une intégration, de la Terre et du Ciel est une chose, mais, que faisons-nous de ces significations symboliques ? Que signifie la Terre et que représente le Ciel dans l’esprit de chacun ? Si les représentations que nous en avons diffèrent, où se trouve la cohérence du système symbolique dans lequel elles s’inscrivent ? 2) l'intelligence des symboles. Il nous faut sortir du champ de la description, des représentations analogiques et comprendre que la pensée symbolique reste vide et sans objet si nous ne vivons pas avec l'espoir d'être le centre de l'union, d'être dans notre vie les rassembleurs de ce qui est épars. 3) penser à partir du symbole. Le symbole est un révélateur de la conscience de soi. C'est aussi une manifestation du lien de l'homme au Sacré. En dépit du "connais-toi toimême", ce que nous connaissons le moins est ce qui se passe à l'intérieur de nous-mêmes. Notre esprit s'y sent comme à l'étranger, alors que la matière lui est familière, parce qu'il peut la dominer par la raison, et que chez elle, il se sent chez lui. La recherche symbolique doit nous mener à réinstaurer la suite du "connaistoi toi-même" ..."et tu connaîtras l'Univers et les dieux", parce que c'est en l'homme qu'est la transcendance. Elle doit viser à réintégrer l'homme dans une totalité, totalité transcendante du ciel, totalité immanente de la végétation, du dépérissement et de la renaissance. Il nous faudrait passer d'une vision "centrifuge" qui nous éloigne de nousmêmes, au point de ne plus être à même de comprendre ce qui se passe en nous, à une vision "centripète" qui installerait l'homme à titre préliminaire à l'intérieur de cette totalité qui le fonde. Ne pas tenter d'orienter notre recherche vers cet objectif nous contraindrait, comme le dit Paul ELUARD, à rester au bord de l'homme, comme ceux qui ont peur de tomber dans un trou. S'arrêter au bord empêcherait d’accéder à l’utopie et à l’uchronie.
Si je viens en ce temple pour observer les symboles qui m'entourent, pour les comprendre, pour vivre avec l'espoir d'être le centre de l'Union, je n'atteins que les deux premières étapes. Si je viens en ce temple pour me confondre, en tant que symbole vivant, cohérent avec l'ensemble des symboles qui m'entourent, je suis réellement hors de l'espace et hors du temps, je suis déjà au sein de l'utopie et de l'uchronie, et cette troisième étape n'est que le début d'un chemin très long qui me reste à parcourir pour tenter de réintégrer l'humanité dans la totalité transcendante que j'entrevois et de laquelle je participe. G.H.
Et toujours sur le blog : http://coeurdeptah.free.fr La prochaine tenue se fera autour du thème de « la Mixité » Et aura lieu le jeudi 21 avril en notre Temple