Frères Bien
N° 30
Aimés
21 avril 2006 _________________________________________________________________________
Thème de la réunion: « Entrer dans le rituel »
Quelques mois se sont écoulés depuis la parution du dernier numéro de FBA. Non que nous ayons voulu faire une pause ou que l’ardeur de nos travaux ait diminué (il arrive toujours un moment dans la vie d’une équipe où la lassitude se fait ressentir, moment qu’il faut saisir pour rebondir sur d’autres idées, sur d’autres thèmes plus mobilisateurs)… Non, il ne s’agit nullement de cela. Peut-être nous sommes-nous sentis un peu seuls, comme des naufragés sur une île déserte qui jetteraient sur les flots du Net des bouteilles emplies de messages et ne recevraient jamais de réponse. Peut-être aussi n’avions nous pas su provoquer ces réponses….S’ils vivent heureux sur leur île,
que pourrions-nous leur apporter de plus ?
Peut-être attendons-nous un sourire en échange du notre, un signe, même symbolique ; que d’autres SS∴ et FF∴ nous fassent part de leurs réflexions, de ce qu’a changé en eux leur initiation ; que nos lecteurs encore profanes nous interpellent au sujet de nos propres réflexions. Travaillant sur quelques phrases de nos rituels, nous avons simplement préféré regrouper une série de travaux. Ils émanent de SS∴ et de FF∴ appartenant à différentes obédiences mais qui cherchent à rassembler ce qui est épars. De là la diversité de styles, d’impressions, au travers desquels chacun s’exprime selon sa part de vérité, selon son cœur, selon sa naïveté …au sens d’une absence d’artifice. Nous avons tous quelque chose à transmettre. Quoi ? A qui ? Pourquoi ? Ne sont-ce pas là les véritables questions ?
LL’’E EC CH HO OD DE EM ME EU UR RE ES SIILLE EN NC CIIE EU UX X (Sœur ou Frère) Second Surveillant, les abords du Temple sont déserts, l’écho demeure silencieux, nous sommes à couvert. - Vénérable Maître, les abords du Temple sont déserts, l’écho demeure silencieux, l’inviolabilité de nos Mystères est assurée, nous sommes à couvert, les Profanes sont écartés. Quand ces mots sont prononcés, j'imagine toujours le Couvreur qui sort, qui écoute attentivement, l'oreille aux aguets, et qui cherche à savoir si l’on n'entendrait pas le moindre écho, la moindre image d'un bruit lointain qui signifierait la présence d'étrangers au loin… Les profanes sont donc bien écartés. Rien, le silence, aucun bruit, puisque l'écho demeure silencieux, mais cela veut dire aussi qu'aucun son ne sort de la loge, autrement dit que ce qui se dit à l'intérieur ne filtre pas à l'extérieur. Ainsi personne ne nous entend de l'extérieur ; donc nos mystères ne tomberont pas dans des oreilles profanes, mais aussi les FF∴ et les SS∴ présents garderont le secret sur ce qui se passe dans la loge. C'est cette double protection qui elle seule peut assurer la qualité des échanges entre les FF∴ et les SS∴ de la loge. Revenons à notre phrase ; Temple, désert, écho silencieux, inviolabilité des Mystères, Profanes écartés... La première chose qui frappe l'esprit est l'image poétique puissante qui se dégage de ces quelques mots. Sans que cela ne soit évoqué directement, en deux phrases, on est transporté à mille lieues du quotidien. Le poète soufi Ibn Arabî dit que la poésie est le moyen privilégié de "voyager" dans le monde imaginaire dont elle véhicule les réalités spirituelles. Je le cite : " Dieu me fit entendre dans ma poitrine le grincement des Calames [qui inscrivent les destinées des créatures] ; c'était une mélodie à deux ou trois temps, selon que le rythme doit décroître ou croître. "Qu'est-ce que ce refrain?" demandai-je. "C'est l'audition poétique" me fut-il répondu. "Et qu'ai-je à faire de la poésie?"" Elle est l'origine de tout. Le langage poétique est l’essence immuable, … tandis que la prose est la conséquence immuable." Ce langage poétique dès l'introduction en faisant appel à l'intelligence du cœur fait pressentir de subtiles vérités sans les formuler ouvertement et distinctement. Et quelles pourraient être ces subtiles vérités?
Platon dans le mythe de la Caverne évoque cet écho. Dans ce mythe, des hommes sont enchaînés depuis leur enfance au fond d’une caverne face à une paroi sur laquelle défilent des ombres de figurines agitées derrière eux et ils entendent l’écho des paroles échangées par les porteurs de figurines. Voici un extrait de LA RÉPUBLIQUE de PLATON. C'est un dialogue entre Socrate et Glaucon : C'est Socrate qui parle en premier: « et si la paroi du fond de la prison avait un écho, chaque fois que l’un des porteurs parlerait, croiraient ils (les hommes enchaînés) entendre autre chose que l’ombre qui passerait devant eux ? Non, par Zeus, dit-il. Assurément, repris-je, de tels hommes n’attribueront de réalité qu’aux ombres des objets fabriqués." En effet comment ces hommes ne prendraient ils pas ombres et écho pour des choses réelles ? Or les ombres et l'écho ne sont pas la réalité,ce ne sont qu'une illusion de la réalité. Pour être désillusionnés il leur faudrait tourner la tête, prendre conscience de ce qui se passe derrière leur dos. Mais ils sont solidement attachés, leurs chaînes les empêchent de voir la réalité ils vivent dans l’illusion. Dans ce Temple tout à l'heure, deux FF∴ nous ont assuré qu'il n'y avait, ici, aucun écho, autrement dit que nous n'étions pas dans le monde de l'illusion mais que nous étions dans le monde de la réalité. Ainsi ces quelques mots réaffirment ce que l'on a proclamé haut et fort pour nous le jour de notre initiation: "Pourquoi ce profane demande t-il à entrer en F∴M∴? Parce qu'il est Libre et de bonnes mœurs" Aucune chaîne ne nous retient prisonnier, nous pouvons nous retourner et voir la réalité, notre quête lors de ce retournement est une quête de vérité. Ainsi en affirmant que l'écho demeure silencieux, le Couvreur et le 2ème Surv∴ affirment que l'on a quitté le monde de l'illusion pour le monde de la Vérité. Quelles illusions a-t-on quitté ou a-t-on dépassé? L'illusion créée par toutes les sirènes des médias qui nous enchaînent à de faux besoins nous faisant par là même passer à côté de l'essentiel? L'illusion de sérénité créée par la sécurité matérielle? L'illusion qui nous fait croire que nous sommes important, voire indispensable? L'illusion qui consiste à nous voir différent de ce que nous sommes?
En résumé, en affirmant que l'écho demeure silencieux nous affirmons que nous ne voulons plus rester au niveau des apparences, que nous voulons dépasser le niveau des illusions pour accéder à celui de la connaissance. Quelle connaissance? De soi bien sûr, n'est il pas écrit depuis longtemps sur le fronton d'un temple ancien : "Connais-toi toi même et tu connaîtras l'univers et les dieux" Alors pour cela au travail ! Car : Lorsque le soleil culmine sur les sables de Memphis, lorsqu’il est Midi, et que l’ombre est la plus courte, alors les Maçons confédérés ouvrent leurs Travaux, Vénérable Maître.
E. S-R
LA BEAUTÉ Quoi de plus subjectif que la beauté ? Quoi de plus passager ? On peut dire beau un objet ou un être vivant correspondant à un type idéal défini par un usage en cours, ou qui porte à un haut degré ces qualités intrinsèques ; mais le beau n’est-il que cela ? Platon a ironisé sur le fait qu’on puisse parler d’une « belle marmite » comme d’une « belle vierge » Le beau fait naître un sentiment particulier, le sentiment esthétique. Depuis l’Antiquité, on a cherché à formuler des règles, des équations mathématiques qui détermineraient les canons de la beauté : nombre d’or, proportions dorées, géométrie sacrée sont issus de cette recherche.
Depuis Platon, nombreux sont les philosophes qui se sont penchés sur la notion de BEAU. Kant définit le beau comme « ce qui plait universellement, sans concept », pour lui les beaux-arts comme la nature sont ainsi à même de nous révéler le beau.
Pour Hegel, par contre, le beau est la manifestation sensible du vrai. Les différentes formes d’art exprimant alors des moments particuliers de la conscience universelle. Ainsi pour lui le beau naturel doit être distingué du beau artistique. Seul ce dernier, le beau artistique, qui est issu d’une activité de l’esprit humain mérite pleinement la qualification de beau. À ces concepts du beau, qui ne font intervenir que la contemplation pour l’un ou que l’esprit pour l’autre, je préfère une définition que Raoul Vergez met dans la bouche d’un de ses héros, Comp.°. Charpentier :
« La beauté ne relève pas exclusivement de certains canons bien définis, mais elle surgit partout où la main a transformé le matériau sous l’impulsion d’un esprit éclairé » On y entend transformation et esprit éclairé. Par éclairé, il faut comprendre celui qui a reçu un enseignement initiatique qui, toujours selon Raoul Vergez, « s’adresse aux membres en même temps qu’au
cerveau ».
La beauté qui est demandée ici ne dépend ni des modes passagères, ni d’un souci de rentabilité : elle correspond à un état d’esprit, à une émotion, à un scintillement particulier du cœur. Compris ainsi, le pilier de beauté sera émotion, placée entre la force physique symbolisée par la lumière qu’allume le Premier Surveillant, et l’intellect, symbolisé par la lumière qu’allume le Vénérable Maître. De l’équilibre, de l’harmonie entre l’intellect, le physique et l’émotion naîtra le bâtisseur idéal, celui qui sera capable de bâtir son temple intérieur et le temple de l’humanité. La tâche est loin d’être achevée mais à chaque tenue, la phrase rituelle « que la beauté l’orne » est là pour ancrer, toujours plus profondément en nous le sens de la beauté et pour y développer le goût de l’harmonie, des proportions mesurées qui tiennent compte du visible et des lois cosmiques. Le sens de la beauté mobilise en nous l’exigence nécessaire à sa réalisation.
Extraite de la Terre, la pierre brute, colonne en devenir, devra être équarrie. Le ciseau, le maillet, l’équerre et la règle aideront l’ouvrier dans sa tâche. Le socle de forme cubique simple mais solide, posé de niveau sur les bonnes fondations, supportera l’ensemble. Le piédestal amorcera l’élévation, baguettes et gorges garniront la base, l’usage du compas sera alors indispensable. L’usage des outils étant acquis, l’ouvrier libéré du geste, pourra se consacrer à des travaux plus ambitieux, Viendront alors les éléments composant le fût de la colonne, montant par degrés parfaitement unis, invitant le regard à s’élever vers le chapiteau orné de feuilles d’acanthe si fines qu’elles attestent du parfait savoir faire de l’ouvrier.
La beauté de ses lignes toutes tendues vers la perfection, les proportions harmonieuses définies dans le respect des valeurs numériques qui symbolisent la structure cosmique, étonnent l’ouvrier lui-même. Alors la pierre brute devenue ouvrage vivant, dressée vers le ciel perpendiculairement à sa terre d’origine sera le lien avec le reste de l’univers.
Mais cette colonne tout aussi parfaite qu’elle soit, ne pourra pas à elle seule, supporter le poids de l’édifice, tandis qu’associée à d’autres de même qualité, elle permettra l’achèvement de l’ensemble. Voici en substance ce que dirait une planche d'App∴ Et pourtant, le sujet très MAc∴ n'a pas abordé quelques questions essentielles: Comment passe-t-on de la force à la beauté? Pourquoi la beauté est elle associée à la joie? Quelle est la couleur de la beauté? Retrouve-t-on la beauté dans le tarot? Et pourquoi la Séphira n° 6 est-elle associée à la beauté? Pourquoi est-elle située sur la ligne droite qui mène du royaume à la couronne? La Pierre Philosophale est elle belle? (Oui sûrement) Et moi dans tout cela? S. E.
Les « Trois Grands Piliers »
Ô Beauté éternelle, qui ordonnes et harmonises tout de par les Mondes… Que la Troisième lumière soit ! C’est par cette injonction que le Vénérable Maître demande au Maître de Cérémonies d’allumer le Flambeau « Beauté ». Il semble difficile, de prime abord, d’isoler ce flambeau par rapport aux deux autres qui représentent la Sagesse et la Force. Un ancien rituel maçonnique, le Manuscrit Wilkinson (1727) précise la fonction de ces trois colonnettes, autrefois dénommées « piliers » :
Q.
Comment votre Loge est-elle soutenue ?
R.
Par trois grands piliers.
Q.
Que signifient-ils ?
R.
La Sagesse pour inventer, la Force pour soutenir et la Beauté pour orner. Ces trois colonnettes soutiennent la Loge, qui est assimilée, au moment où leur Flambeau respectif est allumé, au Cosmos dont elle est l’image. Elles doivent être regardées comme un symbole tri-unique, projection sur cette terre de Celui qui soutient le Cosmos, celui que nous appelons le Grand Architecte de l’Univers. Sagesse, Puissance et Beauté n’étaient pas inconnues des Anciens, qui avaient désigné Athéna « déesse de la sagesse, de la guerre et des arts ».
Athéna était la protectrice de l’Etat, garantissait l’équité des lois et leur juste application . Elle veillait également sur l’agriculture, inventant les instruments aratoires devant permettre de meilleurs rendements. Elle protégeait la famille, veillant sur l’entente et la santé de tous (Athéna Hygieia). Elle apportait aux arts l’énergie et l’inspiration. Elle représente à elle seule le symbole divin de la civilisation grecque. Nos trois colonnettes sont situées aux angles du pavé mosaïque et dessinent un triangle rectangle. Lors de la création de la Loge, nous avons vu que ce Pavé mosaïque proposait, en notre voie symbolique, la perfection des relations établies entre la terre et le ciel, avec le désir des participants de participer à cette perfection. Souvenons nous du tracé de ce Pavé mosaïque, avec le cordeau à douze nœuds. Deux triangles rectangles apposés de côtés 3-4-5. Le nom divin « El Shaddaï » (le Tout Puissant) a pour valeur numérique 345 en hébreu. Sa décomposition en trois nombres, 3, 4 et 5, permet la construction du triangle pythagoricien, et partant, du Pavé Mosaïque, support des colonnettes, elles-mêmes soutenant le Cosmos. René Guénon nous rapporte qu’ « une loge opérative ne peut être ouverte que par le concours de trois Maîtres, ayant en leur possession trois baguettes dont les longueurs respectives sont dans le rapport des nombres 3, 4 et 5 ; C’est seulement quand ces trois baguettes ont été rapprochées et assemblées de façon à former le triangle rectangle pythagoricien que l’ouverture des travaux peut avoir lieu. »….. « A ce point de vue, « rassembler ce qui est épars » est la même chose que « retrouver la parole perdue », car en réalité et dans son sens le plus profond, cette « Parole perdue » n’est autre chose que le nom du « Grand Architecte de l’Univers ». » René Guénon signale par ailleurs l’existence d’une correspondance entre les trois colonnettes et les trois « Shakti » de Brahma, Shiva et Vishnu, la sagesse de Brahma étant assimilée à Saraswati, la force de Shiva à Parvati et la beauté de Vishnu à Lakshmi. Un autre auteur (Michel Vâlsan) signale quant à lui l’analogie entre le couple Abraham et Sara de la Bible et le couple divin Brahma-Saraswati de l’hindouisme. « Que ces Flambeaux, avant de se revoiler, déposent en nos âmes le Feu de leur Puissance et de leur Force »… Telles sont les paroles du Vénérable Maître avant la formation de la Chaîne d’Union Fraternelle.
« Que ta Sagesse, Eternel Architecte, soit toujours en nos esprits Que ta Force nous soutienne, Que la Beauté nous guide… » Les trois Feux, projection des trois attributs du Grand Architecte de l’Univers, sont déposés en nos âmes respectives….Car l’âme de l’Homme est la terre naturelle du Verbe… Ils n’en forment plus qu’un, telle une triple unité qui peut présider alors au retour de la Justice et de la Vérité en ce monde qu’il nous incombe de restaurer. G.
Egyptianisme ? - Maçons de la Terre de Memphis, la seule manière d’assister le Suprême Architecte de tous les Mondes est, pour le Maçon, de se comporter par toute la Terre comme un Homme de devoir, intégralement fidèle à celui-ci, et observant comme d’inflexibles lois, les impulsions de sa conscience. Car c’est par sa conscience que l’Homme est relié au Divin … … Premier Surveillant, cette règle s’est-elle perpétuée jusqu’à ce jour dans le cœur des Maçons de la Terre de Memphis ?
Le maçon qui participe pour la première fois à un rituel égyptien éprouve bien souvent la sensation de vivre, ou de revivre, une cérémonie qui aurait pu se dérouler il y a quelques milliers d’années. La mesure des mots, le rythme des phrases cadencé par les Nombres, les invocations au Suprême Architecte de tous les Mondes, confèrent à ce rituel quelque chose d’indéfinissable au prime abord. Religiosité, mysticisme, spiritualisme sont les premiers termes qui surgissent à l’esprit, mais il faut savoir que nombre de maçons du Grand Orient de France s’élevèrent très tôt contre « l’égyptomanie » qui envahissait la Franc-Maçonnerie. Il suffit de rappeler la tenue du Conseil de l’Ordre du 4 février 1887, au cours de laquelle le Frère Amiable, 33ème, fut chargé de démontrer la « mystification » de ceux qui prétendaient depuis plus d’un siècle faire remonter l’origine de la Francmaçonnerie aux antiques cérémonies initiatiques égyptiennes.
L’essentiel de sa démonstration s’appuyait sur le fait que le Livre des constitutions élaboré par Désaguliers et par Anderson ne contenait aucune trace de ce qu’il appelait « l’égyptianisme ». En 1988, un commentateur de cette tenue historique écrivait : « Tout cela devient, avec le XXe siècle, de l’égyptolâtrie grâce aux nombreuses affirmations de francs-maçons englués dans un occultisme effréné…Aujourd’hui, l’égyptomanie continue ses ravages dans la Franc-maçonnerie… ». Il omettait de dire que le Grand Orient de France avait intégré en 1862 le rite de Memphis dans son Grand Collège des Rites. Plusieurs Ordres s’inspirant de l’Egypte ou s’en réclamant, existaient bien avant la création de Misraïm et de Memphis. Le Rite Primitif, organisé en 1759 à Prague et amené à Narbonne en 1780, l’Ordre des Architectes Africains fondé en Prusse en 1767 sous les auspices de Frédéric II le Grand, l’Ordre Maçonnique des Philalètes, constitué à Paris en 1779, le Rite de la Haute Maçonnerie Egyptienne légué en 1781 par le Comte de Cagliostro mais dont on dit que les origines pourraient être plus anciennes… La transmission d’une Tradition maçonnique de provenance égyptienne mène à la création de l’Ordre Egyptien de Misraïm en 1801 à Venise et les Frères Bédarride l’introduisent en France en 1803. C’est Cagliostro qui avait opéré en 1788 le transfert des Arcana Arcanorum dans le Rite de Misraïm. Les Arcana Arcanorum sont « une voie alchimique interne, une voie de l’immortalité acquise sur terre par la constitution d’un Corps de Gloire ». En 1798, Marconis de Nègre, un officier italien de l’armée napoléonienne, fonde une loge qui travaille selon des rituels fortement teintés de traditions égyptiennes : Les pèlerins de Memphis. Tout au long du XIXème siècle on ne compte qu’une dizaine de loges pour Misraïm et trois ou quatre pour Memphis. Il faudra attendre 1881 pour que Garibaldi, élu Grand Hiérophante par les Souverains Sanctuaires américain, roumain, anglais et italien, unit les deux rites égyptiens et donne naissance à Memphis Misraïm. Occultisme, hermétisme et alchimie teintent fortement cette Maçonnerie « égyptisante » mais personne ne peut renier les origines mêmes de la Franc-maçonnerie et les Constitutions d’Anderson, où d’une part il est affirmé qu’ « il n’y a pas de doute, l’Art Royal fut apporté en Egypte par Mitsraim, le second fils de Cham… », et que d’autre part, « un Maçon est obligé, par son engagement, d’obéir à la loi morale, et s’il
comprend correctement l’Art, il ne sera jamais un athée stupide ni un libertin irreligieux ». Qu’y a-t-il de plus caché, de plus secret, de plus mystérieux, de plus occulte en un mot, que cette transmission de la connaissance par initiation ? Qu’y a-t-il de plus difficile à appréhender et à comprendre, de plus hermétique en un autre sens, que ce rapport de l’homme aux éléments, la terre, l’eau, l’air et le feu, à la nature ? Qu’y a-t-il enfin de plus complexe et de plus merveilleux que la transmutation de l’homme tout au long de sa vie et des possibilités qu’il porte en lui de se transformer et de transformer le monde, devenant ainsi co-créateur, « centre de l’Union »… « des hommes de bien et loyaux… » et cherchant à découvrir en lui la pierre cachée. Il faudrait être aveugle ou de mauvaise foi pour ne point accepter que toute la Maçonnerie moderne repose sur des fondements occultes, hermétiques et alchimiques. D’aucuns ironisent sur certains termes à résonance égyptienne qui ponctuent les rituels actuels, sans même voir que ces derniers se situent et nous projettent à la fois hors du temps et de l’espace profane, et qu’ils sont empreints, chargés, au-delà de leurs significations premières, d’un symbolisme ésotérique seul capable de relier l’homme à ce qui le transcende pour les uns, au divin pour les autres, le divin exprimant la perfection ultime. XXX Maçons de la Terre de Memphis… Memphis fut créée selon la tradition par le légendaire premier souverain d’Egypte, Menei, appelé Ménès par Hérodote. Son nom signifie « le mur blanc » en raison du redent d’un mur d’enceinte qui était en calcaire. La ville, qui devait être par la suite le lieu de résidence des Rois fut consacrée au dieu Ptah et un temple fut érigé en l’honneur de ce dieu. Le nom de ce temple, Hikouptah (demeure du Ka du dieu Ptah) fut transformé par les grecs en « Aiguptos » (nom donné au Nil par Homère), qui donna ensuite le mot Egypte.
Sans entrer dans la complexité des différentes cosmogonies égyptiennes, on peut signaler que selon la cosmogonie memphite, la naissance du monde commençait avec Ptah, qui était assimilé à Noun et Naounet, les deux principes créateurs mâle et femelle. Ptah est le créateur de toute chose et de tout être. Il est le père des dieux, apporte la culture aux hommes. Dans son temple, qui a pour nom « la Forge de l’Or », ce que l’on enseigne concerne la maîtrise de tous les arts opératifs. Chaque artisan qui réalise une œuvre reproduit l’acte créateur de son neter (dieu) protecteur. Voici ce que signifie « Maçons de la terre de Memphis ». nous devons nous considérer comme des artisans essayant d’atteindre la perfection dans nos réalisations respectives, sous les auspices de ceux qui nous ont précédés et nous ont transmis leurs connaissances. XXX Assister le Suprême Architecte de tous les Mondes… Le panthéon égyptien n’est pas un polythéisme. Il n’y a qu’un Dieu que l’on invoque sous des noms différents, des représentations différentes, qui sont fonction des lieux et des époques. Dans le chapitre 37 du rituel mortuaire égyptien, le défunt dit que les différentes parties de son corps sont identiques à celles de son Grand Dieu, représenté par l’ensemble des divinités associées, afin qu’aucun membre ne soit privé du Dieu Suprême. Les morceaux dispersés du corps d’Osiris ne forment qu’un seul corps tel celui du Grand Dieu invisible qui est composé de facettes multiples. " ma vraie forme est cachée en moi, car je suis l'inconnaissable … " C’est ce à quoi se rapporte la phrase de notre rituel : - Sagesse Ineffable, ô Dieu Inconnu des Temples de Memphis
Osiris reconstitue son corps pour vaincre la mort et devient Ré, la lumière et la vie. Osiris qui est le principe mort-renaissance. Osiris qui forme avec Isis le couple du Grand Œuvre alchimique, le Rebis. Osiris qui instaure la transmission de la tradition. « Osiris, tu es l’Âme divine, Ton Âme prend son vol à gauche et tu t’élèves comme l’image divine de Rê. »
Rê, source d’énergie, de chaleur et de lumière, mais qui durant les douze heures de la nuit devient Af, la pourriture, le Soleil Noir . Maçons de Tradition, nous venons ici même, en la terre de Memphis, ériger des Autels à la Vertu et creuser un tombeau pour les vices. Mais selon l’antique usage, nous devons aussi y apporter la Lumière ... XXX
Se comporter par toute la Terre comme un Homme de devoir, intégralement fidèle à celui-ci, et observant comme d’inflexibles lois, les impulsions de sa conscience. Car c’est par sa conscience que l’Homme est relié au Divin … «Je suis la conscience de Chou, le Dieu qui est venu à l'existence de lui-même. Je suis devenu le corps du Dieu qui est venu à l'existence de lui-même. Je suis devenu le corps du Dieu à la forme mystérieuse. C'est moi qui ai fait briller le ciel après les ténèbres, L'étendue du ciel est à mon pas, je suis la Conscience qu'Atoum Ré a créée, je suis destiné à cette place d'éternité. » Texte d’un sarcophage égyptien (Moyen Empire) Il y a une âme et un corps. Il y a un esprit. C’est cet esprit qui est relié invisiblement au Divin, à l’Esprit. Pour l’Egyptien, l’objectif est de faire reconnaître juste son âme, de manière à ce qu’elle soit admise à vivre dans la sphère de l’Esprit pur. Là, elle se confondra avec la divinité mais conservera sa spécificité propre.
Pour cela, il faut qu’elle se délivre progressivement de la matière et le seul moyen d’y arriver est de pratiquer le bien durant tout son séjour sur Terre. L’artisan, à l’égal du pharaon, devient l’Osiris N. Dans les Paroles à dire pour le salut de l'âme Osiris N.:
(CHAPITRE 170 -)
Thot lui-même vient à toi portant les Livres des paroles divines, il tend ta main vers l'horizon du ciel, vers le lieu que ton ka désire, c'est ce qui a été fait pour Osiris la nuit où il quitta la vie. •
Ah ! Osiris N. Atoum, père des dieux t'établit durablement pour l'éternité.
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Ah ! Osiris N. tu es un dieu qu'ont engendré les transformations, ta forme est parfaite, plus que celle des dieux, ton rayonnement est plus que celui des bienheureux, ta puissance est plus grande que celle des morts.
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Ah ! Osiris N. Ptah-qui-est-au-dessus-de-son-mur te redresse et rend une place prééminente plus grande que celle des dieux.
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Ah ! Osiris N. tu es Horus, fils d'Osiris qu'a engendré Ptah, qu'a créé Nout. Tu brilles comme Rê dans l'horizon quand il éclaire le double pays de sa beauté. Tous les dieux te disent " bienvenue, va voir tes biens dans ta demeure d'éternité "
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(Osiris N.) Je suis bien l'héritier du ciel, le compagnon de celui qui crée la lumière.
L’homme se fond alors en l’Être primordial. Il ne croit pas en un Dieu qui lui ressemblerait mais a fondamentalement une foi en un Esprit qui anime tout. Il peut alors dire :
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Salut à toi, Je suis (devenu) Atoum, Créateur du ciel, façonneur de ce qui existe, toi qui sors de la terre et produit les semences, Maître de ce qui est, toi qui mets au monde les dieux, Grand Dieu venu de lui-même à l'existence, Maître de la vie, toi qui fais prospérer les humains ! Salut à vous corporation des dieux qui êtes dans le cercle des eaux célestes … Voici je suis venu à vous pur, divin, fort, animé de vie, puissant et bienheureux. Je vous apporte l'encens et la résine de térébinthe pour purifier votre salive. Je suis venu à vous étant apparu en fils et en fille d'Atoum... CHAPITRE 79 - Formule pour faire partie de la corporation des dieux et prendre l'aspect du chef de l'assemblée divine. Paroles dites par N.
En fils et en fille d’Atoum, réintégrant ma nature primordiale à la fois mâle et femelle. En Noun et Naounet, les deux principes créateurs mâle et femelle. En Ptah. Atoum est le démiurge qui s’est créé lui-même en surgissant des eaux primordiales, matière éternelle, principe chaotique universel qui contient l’énergie nécessaire à l’ordre. Il crée le firmament, réservoir des eaux célestes, les Eaux d’en Haut, le Nil céleste. … Et comme les eaux du Nil fécondent la terre de Memphis, dans la saison Shâ et au mois de Thôt, ainsi les Eaux d’En Haut fécondent le Temple intérieur de l’Homme en la même mystérieuse Saison … Relié au Divin, je puis dire, comme l’âme du bienheureux Osiris N. : •
Je suis hier, l'aube (du présent) et demain (le toujours), je suis une autre fois le chef des naissances, la nature mystérieuse.
Et puis dire avec force : « cette règle s’est perpétuée jusqu’à ce jour dans le cœur des Maçons de la Terre de Memphis . » me rappelant la description de l’Egypte dans le Corpus Hermeticum : « Ignores-tu donc, Asclépius, que l’Égypte est la copie du ciel, ou, pour mieux dire, le lieu où se transfèrent et se projettent ici-bas toutes les opérations qui gouvernent et mettent en oeuvre les forces célestes ? Bien plus, s’il faut le dire, notre terre est le temple du monde entier. » G.H
« …Quittez l’Ordre, mes Sœurs et mes Frères et prenez place... » Il y a là deux injonctions faites par le Vénérable, en début de Tenue rituelle, qui paraissent, au premier degré, signifier une mise au repos, après les quelques minutes où Sœurs et Frères viennent de témoigner par leur attitude qu’ils sont tous Maçons authentiques et réguliers. En fait, en ce Temple où tout ce qui va advenir se déroulera « hors du temps et de l’espace », tous viennent d’être reconnus comme initiés, c'est-à-dire passés des ténèbres à la lumière, tout comme le monde le fut à son origine. Ce qui signifie que tel le Cosmos tiré du Chaos, où le désordre régnait, ils ont été tirés de l’état profane, et que tels les éléments non ordonnés de l’univers chaotique, ils portaient en eux, avant d’être initiés, ce que Fabre d’Olivet nomme, pour désigner le thohû va-bohû de la Genèse, « la puissance contingente d’être dans une puissance d’être ». René Guénon dit : « …l’état de l’être antérieurement à l’initiation constitue la
substance « indistinguée » de tout ce qu’il pourra devenir effectivement par la suite, car (… ) l’initiation ne peut pas avoir pour effet d’introduire en lui des possibilités qui n’y auraient pas été tout d’abord, pas plus que le « Fiat Lux » cosmogonique n’ajoute « substantiellement » quoi que ce soit aux possibilités du monde pour lequel il est proféré ». Il ajoute que « ces possibilités ne s’y trouvent encore qu’à l’état « chaotique et ténébreux » et (qu’) il faut l’ « illumination » pour qu’elles puissent commencer à s’ordonner et, par là même, passer de la puissance à l’acte ». Ce premier « Quittez l’Ordre » signifie au deuxième degré : « nous sommes encore dans le chaos, dans le monde profane, mais nous avons reconnu en vous les possibilités qui vont vous permettre de passer du monde profane à celui du sacré ». Le « prenez place » qui suit signifie au second degré que tous ceux qui ont ainsi été reconnus, doivent, chacun à leur place, conscients du rôle qu’ils vont avoir à jouer, chacun suivant ses possibilités et ses responsabilités propres, participer au mystère qui va se dérouler ; mystère du passage, de la transformation d’un lieu profane en lieu sacré, suivant un rituel où le Verbe et les gestes, les mots et les mouvements chargés de symboles, l’illumination du Temple au travers de l’allumage des étoiles, vont recréer « ici et maintenant » la scène primordiale de la naissance de l’univers.
Le Feu Sacré au centre du Naos préexiste au sein du Chaos ; trois Lumières se partagent le Verbe, le Vénérable et les deux Surveillants ; l’un se meut et agit : le Maître de Cérémonies ; un autre se tient immobile, à l’Ordre, pointe de l’Epée vers le ciel, quatrième Pilier assurant la transmission de « l’Esprit du Monde » et la projection sur Terre de « ce qui est en haut ». Quant à ceux qui sont sur les colonnes, assis, immobiles et silencieux, ils représentent ce que l’on peut imaginer du chaos avant la création : des potentialités d’êtres dans l’attente d’être mus à leur tour par le Verbe, attendant que le temple de la Sagesse soit Juste et Parfait. Ce Verbe vient : « Debout et à l’Ordre, mes Sœurs et Frères, face à l’Orient ! ». Puis quelques instants plus tard retentit le « nous ne sommes plus dans le monde profane….Quittez l’Ordre et prenez place ! ». Ce deuxième « quittez l’Ordre » ne va pas avoir la même signification au deuxième degré. Le Temple terrestre est devenu Respectable Loge où tous les membres sont unis par d’invisibles liens, par des forces universelles et indicibles qui vont leur permettre de ne pas s’entrechoquer, tout comme elles régissent les planètes de notre système solaire et les étoiles des galaxies. La sacralisation du Temple implique celle de tous ceux qui y sont assemblés. Dès lors il ne peut subsister de querelle entre eux, le moindre évitement de l’un envers l’autre perturbant le mouvement ordonné de tous les autres. Ce « quittez l’Ordre » ne signifie pas « retournons au chaos ». Ce Signe d’Ordre n’est en soi qu’une manifestation de notre sacralisation, mais il n’est nullement indispensable pour la réalisation de notre mission, de nos travaux, qui doivent demeurer conformes à l’Harmonie Universelle et n’avoir d’autres buts que la Gloire de l’Architecte Eternel, la Pérennité de la Vraie Maçonnerie et le Bonheur de tous les Etres. C’est Hermès qui dit :
"Ne te laisse pas trahir par ton corps, reste sur le chemin de la vibration de lumière. Abstiens-toi de succomber à la voie ténébreuse qui te trompe en te laissant croire que la lumière est extérieure à toi. Tu es lumière. Tu es soleil." Quelle place alors dois-je prendre ?
Je ne suis plus alors qu’une parcelle de lumière reliée à celle de l’Ordre, en tant qu’expression symbolique de la Franc-maçonnerie, bien au-delà de toute Obédience, simple manifestation du polymorphisme de la Maçonnerie historique. Je suis Soleil, je suis lumière, issu du Feu Sacré préexistant. Et ma place n’est plus une place assise, où je dois rester immobile et silencieux. En tant que lumière, il m’appartient de transmettre lumière et chaleur, selon mes possibilités. Et dans la Loge et dans le monde profane. En tant qu’être ayant pris conscience de ce qui confère à la nature son caractère sacré, je me dois, comme les Pharaons de l’ancienne Egypte, les mains sur les genoux, d’attendre la mort avec sérénité. Mais la loi de l’équilibre, qui implique la dualité en ce monde terrestre, nécessite à la fois l’immobilité et le mouvement. Je dois être à la fois l’Expert, l’Epée tendue vers le ciel, transmetteur de l’Energie Universelle, et en même temps le Maître de Cérémonies, qui allume les étoiles. « N’oublions pas que c’est en notre âme et en l’âme de nos semblables que nous devons semer le Verbe, afin qu’il produise des fruits de tout genre et de toute espèce. Car l’âme de l’homme est la terre naturelle du Verbe ». Je dois donc être aussi reflet du Verbe, tri unique co-créateur, et ma volonté est de me fondre un soir dans la Sienne, réintégrant ainsi l’Unité perdue. G.H
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