FBA 24 Mélanges

Page 1

Frères Bien

N° 24

Aimés

17 février 2005 _________________________________________________________________________

Thème de la réunion: « Mélanges »

Humanisme et humanité Notre civilisation, comme toute civilisation, est une conjuration. Quantités de minuscules divinités, argent, pouvoir, sexe, matérialisme, etc…, dont la puissance ne vient que de notre consentement à ne pas les contester, détournent notre regard de la face fantastique et magique de la réalité. Cette conjuration s'emploie à nous faire méconnaître qu'il y a un autre monde dans celui que nous habitons et un autre homme dans celui que nous sommes. Il faudrait briser le pacte, se faire barbare ou rebelle, mais surtout partir du principe que la réalité est une inconnue. Il nous faut user et même abuser librement des connaissances mises à notre disposition, mais de façon fantastique, en établissant entres elles des rapports inattendus, en accueillant les faits sans préjugés ni anciens, ni modernes. Nous devrions nous conduire, somme toute, parmi les produits du savoir, comme un esprit étranger, ignorant les usages établis, et qui cherche à comprendre.


Nous verrions alors surgir à chaque instant le fantastique en même temps que la réalité. Cette attitude, au fond, devrait être celle de la science, laquelle n'est pas uniquement ce que la tradition universitaire a fini par imposer sous couvert de rationalisme, mais bien avant tout ce que notre esprit peut prospecter, aussi bien à l'extérieur qu'en nous-même. Mais n'oublions pas l'inhabituel, sans exclure ce qui paraît échapper aux normes. Il est impossible de prévoir exactement ce que sera la connaissance plus tard. Ne fera-t-elle pas appel à des concepts que la science de maintenant néglige et que nos descendants cependant, découvrant l'importance et le rôle caché en nos personnes comme dans l'univers de ces énergies délaissées, rechercheront et interrogeront. Comme le répétait souvent Bergier '' Les esprits sont comme les parachutes ; ils ne fonctionnent que lorsqu'ils sont ouverts.'' Lorsque nous entrons en F.'. M.'. notre dessein, une fois initié, n'est-il pas de provoquer une ouverture maxima? Surtout dans ce domaine de l'humanisme et de la fraternité où va se mouvoir l'App.'. Là où la conjuration est le plus resserrée. On se trouve alors déposé dans un monde merveilleux de continuité de l'homme, son passé et son avenir liés ensemble. Tout cela cache de l'invisible complexe, parle d'infini que nous regardons avec humilité car nous sommes des particules modestes d'un univers immense qui chante la musique des sphères célestes. Je ne vais pas être très fraternel à l'encontre de mes frères humains, mais dans ce chaos réaliste et matérialiste, où tout n'est tourné que vers le profit immédiat, ils sont les rejetés, ceux qui étouffent et se désespèrent. Nous aussi, bien souvent dans leur cas, étions aussi dans les ennuis du monde moderne profane, en manque d'amour de l'intelligence et le coeur ignorant. Mais nous avons frappé à la porte et on nous a ouvert, et comme le dit un héros de Claudel: ''Ce monde est si beau qu'il faudrait poster à la porte quelqu'un qui soit capable de ne pas dormir.'' N'est-ce pas ce que nous avons fait F.'. Couvreur? Naturellement, notre façon de travailler ne va pas sans périls et inconvénients, que nos insuffisances de connaissances aggravent sans doute. Nous soulevons quantités d'hypothèses hasardeuses ou utopiques, nous brassons des poussières de faits, nous fouillons dans un fatras de songes ou d'erreurs. Cependant, nous sommes des bâtisseurs et il arrive que de ce chaos sortent des lumières, des directions insoupçonnées jusqu'alors, et d'une réelle utilité fantastique.


Ce fut rare ces derniers temps, mais cela peut revenir ; espérons, espérons, espérons… Pourtant, quoique nous ayons travaillé avec tout le sérieux dont nous sommes capables, l'essentiel n'est-il pas le témoignage d'ouverture que nous montrons, notre attitude de tolérance. L'essentiel est dans le désir d'une vision élargie, dans l'amour de ces réalités fantastiques qui montre l'entêtement de l'homme à vivre debout dans le monde avec une plénitude de fraternité et d'amour Et paraphrasant le Baron de Gleichen, Grand M.'. de l'ordre maçonnique teutonique sous Frédérick II '' Le penchant pour le merveilleux, inné à tous les hommes, notre goût particulier pour les impossibilités, notre doute sur ce que l'on sait, et notre respect pour ce que l'on ignore, voilà nos mobiles et nos moteurs.'' Le poète russe Valéry Brussov, contemporain de la révolution d'octobre, voyant un monde finir, un autre commencer, s'interrogeait ainsi aux environs de 1920 : '' Ces commencements de cultures aussi diverses et dispersées dans l'espace et dans le temps, en mer Égée, Égypte, Babylone, Étrusques, Inde, Mayas et Pacifique, comportent des ressemblances qui ne sauraient être uniquement expliquées par les emprunts et les imitations. Il faudrait chercher à la base, des cultures que nous pensons plus anciennes de l’humanité, une influence unique qui rende compte de leurs remarquables analogies. Il faudrait chercher, au-delà des frontières de l'Antiquité, un X, un monde de culture ignoré qui a mis en route le moteur que nous connaissons. Les Égyptiens, les Babyloniens, les Grecs, les Romains furent nos maîtres, mais qui furent les maîtres des maîtres ? En 50 ans, les découvertes qui se sont accumulées ont infiniment fait reculer dans le passé l'histoire des hommes et des civilisations. Et la question de Brussov n'a fait depuis le temps qu’acquérir de la légitimité. Et pourtant cette noble question est toujours fort mal logée, dans la soupente des spécialistes ou devant la porte des asiles d'aliénés. Où la récupérer : chez les fous ou les menteurs pleins de révélations occultes ? ou alors la reprendre au mépris ou à la gêne courroucée de maints archéologues ? L'archéologie, faisait remarquer un correspondant spécialisé du New York Herald Tribune, est moins une science qu'une vendetta. Souvent la grande affaire est de se venger sur le découvreur de n'avoir rien trouvé soi-même. On peut toujours creuser, encore que ce ne soit pas bien vu des plus grands qui font surtout pour ces questions d'humanité de la théorie. Creuser d'accord, mais à condition de ne pas approfondir du même coup quelques idées non convenues sur l'histoire humaine.


Car il n'est pas convenu de songer qu'au cours des millions d'années après l'apparition de l'homme l'intelligence et le savoir-faire humain aient connu des apogées. Pourtant l'homme n'a peut-être pas une si petite histoire, et toutes les civilisations ne sont pas mortelles. Cependant nous semblons en savoir si peu et c'est trop peu pour établir des lois scientifiques . Pourtant certaines civilisations semblent avoir été rayonnantes pendant des millénaires. Et enfin, si l'humanité au cours des âges engloutis a plusieurs fois tenté de se hisser sur les barreaux supérieurs de l'échelle qui mène à une très haute civilisation immortelle, elle a glissé et chuté. Pourtant, nous sommes peut-être en train de construire la civilisation qui connaîtra l'immortalité sur Terre ou dans les cieux. Peut-être sommes nous en train de réussir l'escalade ? 5 000 à 6 000 ans, c'est court dans la vie de l'humanité. Cette question optimiste et utopique peut faire sourire des gens pour qui l'humanisme est un détail, la mode étant aux profits immédiats, mais la mode se démode. Et l'humanité serait bien sotte de faire étape dans un aussi petit gîte au cours d'un si long et si beau voyage dans le Temps. Aussi mes FF.'. travaillons à cette Oeuvre commune qu'est l'humanité. Nous en sommes responsables pour nos enfants et nous avons le devoir de la construire, de l'élever et de la défendre. Bien sûr, cela commence par nous-mêmes pour le bien de tous, ce que nous sommes sensés faire depuis notre entrée en F.'. M.'., mais aussi cette oeuvre humaniste qu'est le Temple Universel dont nous découvrons degrés après degrés le profond fondement, son grand besoin de solidarité commune et l'attention permanente que nous devons lui porter. Je me dois à mes FF.'. comme à tout être humain et du moment que je me dois à eux j'ai une responsabilité envers eux et l'humanité. Je me dois de m'impliquer dans la mesure de mes moyens et de mes possibilités, seul dans le silence et l'humilité, au milieu des autres et avec les autres dans l'oeuvre commune du genre humain. J'ai dit. JFL


Le conte: Ceci est vrai, sans mensonge, certain et très véritable. Ainsi commence le DIT : EYIN se réveilla épuisé à l’aube de ce quatrième jour. La fatigue des recherches aussi bien que la tristesse qui l’accablait ankylosait tous ses membres. Ils avaient cherché pendant trois jours, jusqu'à ce que l’un d’entre eux, trouve ce tertre planté de frêles Acacias. Leurs branches manquaient encore de vigueur, on voyait bien que cela faisait peu de temps qu’ils étaient plantés. Pourtant leurs feuilles si sensibles, fermées hier soir, commençaient à s’ouvrir avec la clarté qui pointait à l’orient. Tout doucement, ils reprenaient force et vigueur. EYIN n’était que tristesse, son maître si cher avait disparu, les traces de lutte et de sang trouvés dans le temple ne laissaient que peu de doutes sur les évènements qui avaient dû se dérouler… Divers sentiments l’animaient et il oscillait entre la révolte, devant l’acte commis, et la tristesse d’avoir perdu son guide, son ami, son Frère. Qui répondrait à ses interrogations ? Qui lui montrerait le fil conducteur ? Qui l’aiderait à démêler ses idées ? Et le temple… comment achever sa construction si le mot, la parole créatrice était perdue ? Le soleil encore bas sur l’horizon n’arrivait pas à réchauffer EYIN qui regardait dormir ses deux compagnons. Les autres étaient repartis dès qu’ils avaient eu la certitude d’avoir trouvé la tombe de l'Architecte. Seuls eux trois étaient restés sur place, pour veiller sur la dépouille et la protéger des chacals. EYIN était tout à sa mélancolie quand il s’aperçut qu’Al BURACQ, leur mule, s’était détachée et s’éloignait en trottinant. Sans bruit, il se leva pour la rattraper, mais l’animal joueur prenait un plaisir visible à s’éloigner en quelques trottinements rapides dès qu’il voulait la saisir par son licou. Cette comédie dura assez longtemps, si bien que quand EYIN se mit à gronder Al Buracq ils étaient déjà tous deux loin du campement. Obéissant à la voix l’animal s’arrêta, se laissa attraper, et EYIN monta sur son dos.


Le soleil, un peu plus haut au-dessus des montagnes, commençait à chauffer la plaine et une légère brume s’élevait du sol, estompant le paysage. EYIN, que la course avait fatigué, sentit une torpeur l’envahir. Aussi quand Al Buracq s’arrêta brutalement c’est tout juste s’il eut le temps de se rattraper aux rênes pour ne pas tomber. Ils étaient devant l’entrée d’une caverne qui s’ouvrait sur le flanc de la montagne, et aussi loin que portait le regard, on ne voyait aucune trace du campement. Le soleil était au zénith, et la chaleur suffocante. EYIN mit pied-à-terre et pénétra dans la caverne pour chercher un peu de fraîcheur et réfléchir tranquillement à ce qui venait de se passer. Il était un peu hébété et tandis que les questions affluaient il remarqua sur les parois de la caverne une inscription qui disait : « Tempus fugit ». Cet endroit devait être habité, car tout le fond était masqué par des voiles bleus. Il appela. Pour toute réponse il n’eut que le galop d’Al Buracq qui s’éloignait à toute allure. Indécis EYIN hésita quelque peu avant de soulever prudemment les voiles. Un étroit couloir faiblement éclairé s’offrait à lui. Des marches irrégulières creusées à même la roche le menèrent en trois pas dans une pièce basse et longue d’où partaient trois énormes piliers de soutènement. Il eut l’impression d’être sous les fondations d’un immense édifice. De l’extérieur, et même dans la caverne, il n’aurait jamais pu imaginer l’existence d’une telle construction. A droite et à gauche, s’ouvraient des portes de tailles imposantes.

Il s’approcha de celle de gauche. Elle donnait sur deux longues galeries. Dans l’une étaient disposés des modèles et des exemples de toutes les inventions les plus rares et les plus excellentes, et de tous les livres les plus connus. Dans l’autre se trouvaient les statues des principaux


inventeurs et auteurs. Les torches accrochées aux murs renvoyaient une lumière orangée qui réchauffait l’atmosphère. EYIN referma la porte et se dirigea vers la porte de droite. Elle était entrouverte et laissait voir une pièce tendue de draps verts sur lesquels étaient brodés en fils d’or les récits des victoires des héros de tous les temps. Emerveillé EYIN passa un long moment à lire ces histoires. Au fur et à mesure de la lecture une grande lassitude s’empara de lui devant la répétition des faits d’armes. EYIN n’était pas violent. Une bouffée de tristesse s’imposa. Il repensait à son maître. De lui, il avait appris que l’exemple de la rectitude et de la tolérance était une force bien plus grande que toutes les machines de guerre réunies. EYIN quitta la pièce sans un regard en arrière. De retour dans la salle des piliers, il se dirigea résolument vers le fond de celle-ci. La lumière était faible, et il eut un haut-le-cœur en découvrant au dernier moment une immense fresque représentant des hommes enlisés jusqu’au nombril dans la terre. Ces hommes ne se débattaient pas, ne semblaient même pas se rendre compte de leur situation. EYIN, perplexe, contemplait la fresque quand une voix le fit sursauter : « C’est ce qui arriva au rabbi Ben Elisha et à ses disciples, dit la voix chaude et amicale dans son dos. Ils étudièrent le livre Jésirah et se trompèrent de mouvement. Ils marchèrent à reculons, s’enlisant eux même dans la terre jusqu’au nombril à cause de la force des lettres… Mais je ne me suis pas présenté. Je m’appelle Aboulafia. Tu as l’air perdu, et je peux peut-être t'aider… » Je voudrais sortir d’ici, dit EYIN. Retrouver ma mule et rentrer… Aboulafia se mit à rire… Rien de plus simple. Plusieurs chemins s’offrent à toi, et en disant cela il montrait en même temps les deux portes qu’ EYIN avait laissées derrière lui, et des escaliers qui se trouvaient en face. Le temps qu’ EYIN se décide, Aboulafia, tel un serviteur furtif, avait disparu.


C’est seul, mais encore imprégné de la chaleur transmise par les intonations bienveillantes d’Aboulafia, qu’ EYIN gravit les cinq marches qui le menaient à une porte jaune. Jaune aussi était la pièce suivante. Ses proportions étaient parfaites. Du plafond où était peinte une voûte céleste, pendaient des sphères qui tournaient lentement sur elles même, reproduisant les mouvements des planètes et du soleil. Les lents mouvements de ces atomes géants produisaient une musique cristalline qui faisait penser à un jeune torrent courant sur des graviers. EYIN suivit le torrent. Il était une goutte d’eau, une de ces sphères, un grain de poussière pris dans un tourbillon gigantesque. À la fois atome et étoile, il se sentait universel et unique.

Le temps s’écoula . Devant lui se déroulait le spectacle de la naissance du monde, de sa naissance. Le torrent s’enfla et EYIN fut irrésistiblement attiré vers la pièce suivante. Il lui suffit de soulever le voile situé sur sa gauche pour y pénétrer. Son entrée fit s’envoler un splendide oiseau couleur de feu qu’ EYIN reconnut pour être un Bennou venu d’Egypte. L’oiseau frôla le plafond puis redescendit en piqué vers le sol avant de disparaître par l’ouverture située sur la droite, en laissant derrière lui un sillage de feu. Stupéfait EYIN suivit le Bennou et se retrouva dans une pièce couleur du ciel d’un jour d’été. Une bouffée d’amour l’envahit tandis qu’il la traversait. Au dessus de l’entrée de la pièce suivante un frontispice annonçait qu’elle était le domaine du chevalier de la vengeance. Elle était éclairée par une lampe d’obscurité.


EYIN la traversa sans y rencontrer quiconque ni voir quoi que ce soit. Ce fut à tâtons qu’il trouva une porte de sortie. Elle était située au sud et l’amena dans une immense pièce que semblait éclairer la lune. Tout y paraissait blanc argenté, avec toutes les nuances de gris. Sur les murs, une grande fresque contait l’histoire d’un roi qui aimait tant ses frères, qu’il leur donnait sa propre chair à manger les rendant ainsi tous rois comme lui. EYIN était fatigué. Depuis son entrée trop d’événements se déroulaient hors de son entendement. Il avait faim, il avait soif, il s’endormit. Plus tard, en se réveillant, il remarqua que sa barbe avait poussé. À ce moment une femme apparut. Elle emboucha si puissamment sa belle trompette que la montagne en résonna jusqu'au fond, EYIN remarqua alors l’échelle qui se trouvait au nord. Il s'approcha. Chaque échelon était de couleur différente et il en gravit consciencieusement les sept échelons… La porte s’ouvrit toute seule et il fut abasourdi par la blancheur qui régnait dans la vaste salle qui s’ouvrait devant lui. La salle était vide, lisse. En son centre se tenait un vieillard à la tête blanche. EYIN ne pouvait pas distinguer totalement son visage, qui était en partie occulté, en partie manifesté. « Je suis ». Dit l’Ancien des Anciens. «Comment oses-tu venir ici ? » EYIN était pétrifié. Il n’arrivait pas à décrocher son regard de la couronne qui resplendissait sur la tête de l’homme au grand visage. Comment lui expliquer qu’il ne voulait que passer ? La voix de l’ancien résonna à nouveau. « Connais-tu le mot de passe ? » Le mot, la parole, bien sûr que non je ne l’ai pas, pensait avec effarement EYIN. Le mot, c’était le maître qui l’avait, et je suis seul maintenant…


EYIN calma les battements de son cœur, affermit sa voix et répondit le plus clairement possible: « Non…, non je ne connais pas le mot….» Alors d’une voix radoucie l’Ancien reprit : « Ma question était " as-tu le mot de passe"… et la réponse, la clef de passage, est bien "non", car le mot magique n’existe pas, mais nous ne le savons pas… Pourtant qui sait l’admettre peut savoir quelque chose car il est libéré. » A ce moment, ou plus tard, EYIN fut tiré de sa stupéfaction par un hennissement. Là, droit devant lui, la pièce s’ouvrait sur l’extérieur. EYIN s’approcha. Un vent chaud, chargé des odeurs de la nuit le surprit. En levant la tête il vit la lune pleine et brillante. Sous ses pieds, la terre avait déjà commencé à perdre la chaleur du jour. Une phrase, lue il y a longtemps, effleura son esprit : « Son père est le Soleil, sa mère la Lune ; le vent le porta en son ventre, la Terre est sa nourrice » Al Buracq attendait sagement. EYIN l’enfourcha et une respiration plus tard le campement était là. Ses deux Frères l’attendaient sans inquiétude, sans impatience. Un sourire de connivence flottait sur leurs lèvres, EYIN en eut chaud au cœur. Minuit arrivait, l’aube du septième jour n’allait pas tarder. Ainsi prend fin le Dit. E.S.


Au-delà du raisonnable ? Peut-être est-ce en lisant l'Apocalypse de Saint Jean, ou bien encore le Livre Tibétain des Morts, le Bardo-Thödol, la Bhagavad-Gïtä ou bien le Popol-Vuh des Mayas, que j'ai pris conscience un jour des "raisons" qui avaient poussé des hommes à écrire de tels textes hermétiques. S'ils avaient voulu montrer le chemin d'une simple règle de vie aux hommes misérables de leur époque, s'ils avaient même voulu leur montrer le chemin qui pouvait les mener à un dieu, pourquoi s'embarrasser de paraboles, de métaphores, d'emblèmes et de symboles ? Ne savaient-ils pas s'exprimer plus simplement, ou s'adressaient-ils à une certaine caste d'initiés, capable de comprendre l'ésotérisme de ces textes ? Comment pouvais-je me trouver, face à ces paroles sacrées, impuissant à comprendre leur sens, tout comme nous pouvons l'être en présence d'une personne qui a des hallucinations: elle décrit des choses qu'elle perçoit effectivement, qui existent dans sa vision de la réalité, mais qui n'existent pas dans la notre. C'est le philosophe KANT qui a révolutionné les conceptions que nous avions de la connaissance, en soutenant que nos pensées sont prisonnières de structures mentales, et que la réalité "en soi" nous est inaccessible. Entre l'empirisme (la connaissance dérivée de l'expérience) et le rationalisme cartésien (la pensée est l'expression d'une raison universelle et nécessaire), il a généralisé l'idée que pour connaître, il faut à la fois s'intéresser à l'objet étudié et à l'homme qui étudie cet objet. Il en est ainsi de la pensée scientifique, que l'on a coutume d'opposer aux modalités de pensée de tout un chacun, mais qui n'intervient qu'après l'acte de création et de conception. Elle n'est qu'une formalisation logique et un codage qui facilite la validation et la transmission d'un savoir savant dans une communauté particulière, celle des scientifiques d'une même discipline. Quant un scientifique pense pour lui, il pense comme les autres. La pensée scientifique est celle des sciences, et non des scientifiques.


On comprend alors qu'il serait vain de vouloir creuser un trou dans la mer avec une pioche, de vouloir jauger tout ce qui ne semble pas rationnel à l'aune de la raison. C'est qu'au-delà du Savoir qui peut être transmis, existe un Pouvoir qui ne peut l'être, un pouvoir sur soi-même qui ne peut s'acquérir que par notre propre effort, par un combat contre notre nature animale. C'est la difficulté de l'initiation. Placé sur un chemin par des maîtres qui ont chacun leur propre représentation de la réalité, je dois arriver à des étapes d'illumination par ma propre lumière intérieure afin de pouvoir relier par le biais du symbolisme, la représentation que je me fais de la réalité, qui est raisonnée mais pas toujours raisonnable, et la simplicité dépouillée de la connaissance de mon moi. Le soi-même, le "je suis" de la Présence, ne risque-t-il pas de se dérober sans cesse, au profit de la représentation de "ce que" je suis ? En d'autres termes, la représentation peut-elle donner accueil à la Présence, ou est-elle par nature un premier voile jeté sur le soi ? "Au commencement le Verbe était, et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu". Verbe est la traduction du mot latin. L'évangile de Jean, écrit originellement en grec, stipule "Logos". Logos ne signifie pas "la parole", au sens où nous l'entendons, mais prend ensemble le sens de parole et de raison. C'est ce qui dit le droit, l'authentifie, légitime l'action qui en procède, mais c'est aussi ce qui organise, de l'intérieur d'une poussée vivante. Le Logos, c'est la Raison vivante. Notre parole est plus particulière: c'est le souffle de la voix humaine en tant qu'il se fait porteur d'un sens, que tout d'abord il inaugure et qui, tout ensemble, se cache et se montre, ayant toujours à se chercher par delà son expression provisoire. Parole est le même mot que parabole, dont il est pratiquement devenu une contradiction. Parabole signifie: ce qu'on jette, ou que l'on lance, à côté de ce qu'on avait à dire, ou de ce qu'il y aurait eu à dire, et qui demande qu'on le rectifie sans fin.

La parole relève de la raison, la parabole de l'intuition, et plus l'une est présente, plus elle rend inacceptable l'autre.


Tant que nous sommes placés en dualité, face à la Raison ou face à l'intuition, nous jugeons celles-ci objectivement. La faute originelle, c'est la séparation, donc l'opposition de deux aspects complémentaires dont le confondement fait l'Unité. Un professeur de philosophie de Tokyo propose une approche de l'intuition: "Une fleur est une fleur, mais cependant elle n'est pas une fleur; une fleur est même le contraire d'une fleur; et d'ailleurs, une fleur, tout en étant une fleur, et aussi le contraire d'une fleur, n'est à vrai dire rien." Cette pensée paradoxale est à la fois la marche la plus haute de la Raison et la marche d'accès à l'intuition. On se retrouve dans l'apparent paradoxe de l'Evangile de Saint Jean, où Dieu se définit comme étant le créateur de tout le Verbe, et cependant comme étant le Verbe lui-même. Une fleur n'est à vrai dire rien : c’est la démarche la plus haute de la raison qui correspond à la démarche scientifique la plus avancée d'aujourd'hui et qui dit: "Si Dieu existe, il est l'énergie nulle, à la fois somme de toute l'énergie positive équilibrée par l'énergie négative de l'univers, mais aussi "séparateur" entre ce qui est (l'énergie non nulle) et le Néant." La raison et l'intuition sont donc bien deux approches complémentaires de notre univers, l'intuition se référant au Tout, à la synthèse, la raison au détail, à l'analyse. Pour la raison, les choses ont une existence. Pour l'intuition, les choses auront aussi une essence. La raison s'est développée lentement chez l'animal, et elle a supplanté peu à peu l'importance que l'homme accordait à l'intuition. Faut-il pour cela dénier la raison, vouloir un retour des choses ? Bien sûr que non ! Sans cette raison, aurais-je pu tenter de vous parler de ce que peut signifier aussi "rassembler ce qui est épars" et "le centre de l'union" ? Sans votre intuition, auriez-vous pu ressentir qu'il existait une autre logique différente de la notre, mais qui est partagée par plus de la moitié des hommes de cette terre ?


Je ne pense pas qu'une infinité de choses surpassent la raison, mais qu'à l'instar de chaque chose ou de chaque être, celle-ci est à la fois tout et à la fois rien. Ni noir, ni blanc, l'essentiel, l'essence de chaque chose ou de chaque être, se situant dans l'espace silencieux de leur soi. G.H.

Prochaine réunion le 17 mars chez Alain. Thème : « Les outils et leur symbolique » Et toujours, le téléchargement possible de FBA sur : http://coeurdeptah.free.fr


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.