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3) Une pensée à plus long terme

qu’il s’agit d’intégrer cette réalité dans un contexte plus large et d’accepter l’existence et la légitimité de ce cadre élargi. En fin de compte, une vision bien conçue et bien exécutée, pour créer de la valeur à long terme, est une bonne chose pour les actionnaires. »

De même, pratiquement aucun-e participant-e à l’enquête n’avance qu’une entreprise devrait négliger la grande importance de réaliser des profits. En fait, plusieurs soulignent que les entreprises sont soumises à une immense pression d’atteindre leurs objectifs financiers trimestriels et de générer des profits.

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Par exemple, un-e chef-fe d’entreprise affirme que les profits sont essentiels à la poursuite de son travail : « En fin de compte, c’est bien beau tout ça, et vos programmes d’ESG ont beau être les meilleurs, si le cours de votre action n’est pas performant, vous êtes dans le trouble. » Hassan Yussuff commente : « Assurez-vous que l’entreprise soit prospère et cela vous permettra de réaliser plein d’autres choses. » John Bragg mentionne simplement : « Faites attention à l’entreprise. Atteignez vos chiffres. » Un-e chef-fe d’entreprise est d’avis qu’« à moins que les règles du capitalisme et ses notions sous-jacentes ne soient complètement réécrites – et je ne crois pas que cela se produise de sitôt –, vous devez performer ».

Toutefois, la plupart des participant-es à l’enquête reconnaissent que la réalisation de profits pour les actionnaires, les fournisseur(-euse)s de capitaux ou les propriétaires, quoique cruciale au succès de l’entreprise, ne sera plus suffisante pour être considérée comme une réussite ou pour maximiser la création de valeur à long terme. Ils et elles prédisent que le rôle futur des entreprises dans la société ira au-delà de la génération de profits et inclura la création de valeur et l’apport de bienfaits à la société en général. Selon Martin LeBlanc, « il faut définir ce que signifie être une entreprise qui ne se limite pas à la simple croissance des profits ». Le très honorable David Johnston estime qu’un tel modèle est nécessaire : « Il faut voir plus loin que le résultat net, le profit et la récompense des actionnaires. Il faut envisager quelque chose de plus durable. »

À cet égard, les termes « malavisé », « manque de vision » et « mauvaise approche » ne sont que quelques-unes des réactions négatives exprimées par les participant-es lorsque nous sollicitons leur opinion sur l’idée selon laquelle « les dirigeant-es d’une entreprise doivent se concentrer d’abord sur la génération de profits; s’ils ou elles réussissent, ils/elles pourront alors envisager de soutenir d’autres causes qu’ils/elles considèrent comme importantes, comme l’environnement et les défis sociaux ».

La réaction des participant-es à cette affirmation est un autre indice du rôle futur des entreprises dans la société, à l’encontre du postulat de Milton Friedman selon lequel la seule responsabilité sociale d’une entreprise est de « s’engager dans des activités destinées à augmenter ses profits ».31

3) Une pensée à plus long terme

« La pensée à courte visée est souvent problématique, mais plusieurs investisseur(-euse)s ne choisiraient probablement pas une entreprise qui ne produit pas de rapports trimestriels. » – Helen Antoniou, mentore exécutive et présidente du conseil d’administration de l’Université Concordia

Les actionnaires peuvent exercer une pression considérable sur les dirigeant-es et le/la chef-fe de la direction d’une entreprise. Ils et elles investissent après tout dans une entreprise donnée – souvent pour une courte durée – afin de voir fructifier leurs capitaux investis. Vu cette dynamique, les actionnaires placent une pression énorme sur les dirigeant-es d’entreprise et les chef-fes de la direction afin qu’ils/elles se concentrent sur la maximisation des profits, ce qui peut favoriser des priorités et des visées à plus court terme dans l’ensemble de l’organisation.

De fait, la « pensée à court terme » a été citée comme étant l’un des plus grands défis à surmonter, pour les chef-fes d’entreprise, afin que leur entreprise soit davantage axée sur une mission sociale. « Tout le système d’une société publique est orienté vers le court terme », met en garde un-e chef-fe d’entreprise. « Vous n’avez pas besoin d’une mission pour les 90 prochains jours ou pour le prochain trimestre », note André Beaulieu.

Quoi qu’il en soit, de nombreux(-ses) participant-es à l’enquête estiment que les chef-fes d’entreprise seront poussé-es à accorder une plus grande importance à la pensée à long terme. Un nombre considérable de participant-es à l’enquête font valoir qu’il faudra que les entreprises pensent davantage à long terme pour que le monde puisse relever les défis auxquels il fait face. Certain-es affirment que plus le public sera préoccupé par les défis mondiaux, plus forte sera la pression sur les entreprises pour qu’elles changent leurs méthodes et pensent à plus long terme. Upkar Arora prévient : « Vous ne pouvez pas, par une pensée à court terme, résoudre les problèmes systémiques fondamentaux à long terme que sont le changement climatique et les inégalités de revenus. »

Certain-es participant-es à l’enquête sont d’avis que, pour que les chef-fes d’entreprise ne donnent pas autant la priorité au court terme qu’ils/elles le font actuellement, les entreprises devront renoncer à leur fixation traditionnelle sur les profits, pour accorder plus d’attention aux autres parties intéressées.

Si le profit est le seul critère de décision, ces mêmes participant-es craignent que les chef-fes d’entreprise gravitent inévitablement vers des intérêts à court terme – ce qui, dans le contexte d’une entreprise, est souvent celui de l’actionnaire qui veut voir ses profits gonfler. Christine Bergeron, cheffe de la direction par intérim de Vancity, observe : « On entend souvent parler des “parties intéressées”, dans le monde des affaires, mais ce à quoi les dirigeant-es pensent le plus lorsqu’ils ou elles prennent des décisions importantes, ce sont souvent les “actionnaires” et la valeur maximale que l’entreprise peut leur rapporter en profits. Cela influence la façon dont les dirigeant-es perçoivent le risque et le rendement. Je crois que nous devons aller plus loin et qu’il nous faut réfléchir aux moyens d’encourager des décisions qui garantissent un rendement raisonnable pour les actionnaires tout en incluant une vision à long terme des risques que nous devrions prendre pour bâtir le monde dont nous avons besoin. »

Paul Klein signale que la rémunération incite la pensée à court terme. Une grande partie des participant-es à l’enquête s’entendent pour dire que les structures de rémunération poussent souvent les chef-fes d’entreprise à se concentrer sur la maximisation des profits à court terme.

Pour permettre à un-e p.-d.g. de s’intéresser à des questions d’importance autres que les profits, et de diriger à long terme, Sophie Brochu suggère de modifier le rôle de celui/celle-ci en apportant une nuance légère, mais importante : « La responsabilité du/de la p.-d.g. est d’optimiser les profits et non de maximiser les profits. »

Certain-es participant-es à l’enquête sont d’avis que, pour qu’il se produise de véritables changements, il faudra probablement que d’autres parties intéressées exigent que les entreprises adoptent une approche à plus long terme. D’aucun-es vont plus loin en affirmant qu’il faudra que le gouvernement force la main des chef-fes d’entreprise pour qu’ils/elles adoptent une mentalité à plus long terme. Shawn Smith, cofondateur et directeur général de RADIUS, et professeur adjoint à la Beedie School of Business, commente : « Je pense que beaucoup de gens ont des leviers. Je pense que nous pouvons réfléchir à des incitatifs réglementaires et fiscaux qui aideront les entreprises à voir un peu plus à long terme. »

Les pressions à court terme compliqueront sans doute la tâche des chef-fes d’entreprise d’accorder une plus grande place aux considérations à long terme. C’est une mauvaise nouvelle pour ceux et celles qui souhaitent que les entreprises soient davantage motivées par une mission sociale.

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