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ART / EXPO

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CINÉMA

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TÊTE À TÊTE ARTISTIQUE

par AURORE DE GRANIER

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La Toilette d’Atalante de James Pradier, © MAH

Et si vous faisiez l’expérience de l’art autrement ? Le Musée d’Art et d’Histoire de Genève vous propose une expérience inédite : un tête à tête avec la personne de votre choix et une œuvre du Musée Rath. Durant trente minutes, vous-même et votre acolyte aurez l’opportunité de prendre en thé en compagnie d’une des trois œuvres sélectionnées pour l’occasion, présentées dans un espace intimiste. Les trois heureuses élues sont La Toilette d’Atalante de James Pradier, Métamorphose I de Markus Raetz et La Cascade de Giessbach de François Diday. Cette innovation culturelle fait de l’art une expérience à la fois intime et mondaine, proposant de faire la rencontre de ces œuvres dans un cadre à la fois intimiste et familier. Que l'œuvre choisie vous tienne compagnie en silence, ou que vous passiez ces trente minutes à l’admirer sans arrêter d’en parler, à vous de vivre ce moment unique comme bon vous semble ! Après tout, pour 30 minutes la pièce est à vous. Quand l’art de la table se mêle aux Beaux Arts…

Informations et réservations sur https://billetterie.mahmah.ch/content

BODMER EN SCÈNE

par AURORE DE GRANIER

WERNER STRUB (1935-2012), Mixte L’Oiseau vert dans L’Oiseau vert de Gozzi – MeS : Benno Besson. Théâtre de la Comédie et en tournée. 1982. Tissu, cuir, fourrure, plumes, corne, élastiques, fermeture éclair © Giorgio Skory

Trésor plus confidentiel de la Fondation Martin Bodmer, la collection de pièces liées au monde du théâtre est pourtant des plus impressionnantes. Dans une exposition inédite organisée en dialogue avec l’Association Werner Strub et les masques créés par l’homme en personne, nous découvrons le monde du théâtre comme nous ne l’avons jamais vu. Si la scène n’est pas de la partie, l’art est pourtant toujours des plus vivants. Masques & Théâtre nous entraîne sur les traces du passé, de l’Antiquité à Molière en passant par Shakespeare, entre écrits et visages. Première édition imprimée d’un certain Hamlet, manuscrit de Ménandre datant du IIIème siècle égyptien que l’on croyait à jamais perdu, la collection nous donne des frissons. En entrant en conversation avec l’artisanat scénique, ces écrits qui ont fait l’histoire des arts de la scène, et continuent de faire vibrer nos théâtres aujourd’hui, s’accompagnent de masques donnant vie à ces histoires, ces dialogues. Quand le temple du livre monte sur scène.

MANUSCRITS PRÉCIEUX Nous pensions que la Fondation Martin Bodmer nous avait révélé tous les trésors de sa collection, mais encore une fois nous nous trompions. Le théâtre, domaine à part entière dans le monde de la littérature qui a traversé les époques, les continents, les civilisations, constitue un nouveau pan de cette collection en grande partie inédite et dévoilée cette année au public. Parmi les pièces présentées lors de cette nouvelle exposition, nous retrouvons tous les grands noms des arts de la comédie et de la tragédie qui ont forgé la culture actuelle qu’ils influencent encore de nos jours. Véritable frise chronologique de l’art dramaturge, Masques & Théâtre nous emmène de l’Antiquité au 20ème siècle à travers des pièces d’exception. Martin Bodmer nous prouve une nouvelle fois son éclectisme en possédant dans son imposante collection une édition originale de Mann ist Mann par Bertolt Brecht datant de 1926, et parallèlement une édition princeps d’Euripide qui nous fait faire un bond en arrière jusqu'à 1503. Sophocle, JeanJacques Rousseau, Molière, et Shakespeare enrichissent à leur tour cette collection qui nous permet de faire un tour d’horizon de l’art de la scène, de ses plus anciens temps à l’aube de la modernité.

Mr. William Shakespeares Comedies, Histories, & Tragedies. Londres, printed by William Iaggard, and Ed. Blount, 1623, première édition collective dite «First Folio», un des mythes de la bibliophilie internationale Cologny, Fondation Martin Bodmer. © Giorgio Skory LES VISAGES DES TEXTES Mais sans représentation que seraient ces textes ? Les écrire est un début, les représenter une suite vitale. Et pour leur donner vie, théâtre et masques vont de pair. Ces émotions, ces personnages de la dramaturgie antique à la plus moderne, prennent alors vie à travers le travail de Werner Strub qui reste l’un des créateurs les plus importants de l’histoire de l’art scénique. Créateur de masques autodidacte, il commence sa carrière en 1959 avec ses premières créations en cuir, et travaille ensuite pour des productions majeures en Suisse, avant de s’établir comme constructeur de décors au Théâtre de Carouge. Sa carrière brillante et ses masques des plus extraordinaires le mèneront à la création de ces visages de papiers mâchés pour la Commedia dell’arte, l’entrainant encore dans de nombreuses collaborations de prestige. Et cet attrait pour son travail se comprend aisément. Son masque de L’Oiseau Vert reste l’une de ses plus célèbres créations, fait de plumes, de tissu et de cuir, il donne vie à ce personnage étrange sous des traits d’une rare beauté. Tantôt effrayant, à l’image d’Oedipe dans Edipo Tirano de Sophocle, tantôt d’un romantisme discret tel que le masque créé pour le personnage de l’Enfant conduisant Tiresias dans cette même pièce, il sait capter l’essence de ces personnages. Une collaboration unique et intime entre dramaturges du passé et créateur du présent qui nous rappelle que l’art de la scène n’est pas un monde solitaire. Au contraire, si l’écrivain est au départ de cette création, le théâtre demande tout un monde pour prendre vie, et Werner Straub a su donner corps aux émotions et histoires du passé, qui continuent avec grâce de traverser notre présent.

Masques et Théâtre jJusqu’au 8 août 2021, Fondation Martin Bodmer 19-21 Route Martin Bodmer, 1223 Cologny, Genève, https://fondationbodmer.ch

THE CLOCK : HEURES CHRONO 24

par MINA SIDI ALI

Christian Marclay, The Clock, 2010, Single-channel video installation, Duration: 24 hours © The artist – Photographie : White Cube (Ben Westoby)

24 heures. C’est la durée de l'œuvre audiovisuelle The Clock de l’artiste américano-suisse Christian Marclay. Vertigineuse, hypnotique, immersive le film est construit à partir de milliers d’extraits de cinéma et de télévision – de Orson Welles à Pulp Fiction en passant par Hitchcock, Twin Peaks ou Titanic – présentant des montres ou des horloges et qui indique l'heure en temps réel, minute par minute. Ainsi, si l'on regarde le film à 22 h 02, une image nous rappelle qu'il est effectivement 22 h 02, et ainsi de suite. Cette installation aura valu à l’artiste suisse le Lion d’or de la Biennale de Venise 2011. C’est direction LE PLAZA - fermé depuis 2004 - que le public genevois aura la chance de pouvoir expérimenter cette projection inouïe dès le 25 juin prochain. Synchronisation des montres ? C’est parti.

Christian Marclay, The Clock, 2010, Single-channel video installation, Duration: 24 hours © The artist – Photographie : White Cube (Ben Westoby)

Christian Marclay, The Clock, 2010, Single-channel video installation, Duration: 24 hours © The artist. Courtesy White Cube, London

LE PLAZA, conçu en 1952 par l’architecte Marc J. Saugey a longtemps été menacé de trépas, avant d’être sauvé par la Fondation PLAZA, créée en 2019 et placée sous la présidence de Jean-Pierre Greff. L’été 2021 marque le début de la renaissance de cette salle de cinéma mythique vouée à un projet inédit de Centre culturel cinéma et architecture prévu pour 2024. En attendant la réouverture, plusieurs événements et interventions artistiques feront vivre le bâtiment classé, reconnu en tant que 279ème objet d’exception du patrimoine bâti de Genève. Ainsi, cet été, à partir du 25 juin, le public genevois pourra se plonger en entrée libre dans une expérience immersive et méditative avec l’installation de Christian Marclay : The Clock. Présentée à la Biennale de Venise en 2011, où elle a permis au Suisse d'origine américaine (il est né en 1955 en Californie) de recevoir le lion d'or de l’artiste, l’œuvre déroute par sa durée : 24 heures.

En effet, l’installation a été réalisée grâce à des milliers de séquences de films existants où apparaissent les heures, les minutes et les secondes, que l'artiste a montées en temps réel. Autrement dit, si l'on regarde le film à 22 h 02, une image nous rappelle qu'il est effectivement 22 h 02, et ainsi de suite. Ici, l'œuvre offre également un portrait cinématographique de notre époque, un voyage dans l'histoire du cinéma, en quelque sorte. L'œuvre se fait le vecteur d'une mémoire collective qui s'est formée autour du cinéma et de la télévision. L’artiste touche-à-tout y orchestre des milliers d’extraits de films, puisés dans toute l’histoire du cinéma pour composer cette mécanique qui indique l’heure en temps réel. Des comédies en noir et blanc aux séries B, des films d’avant-garde aux films à suspens, tous rendent visible le temps qui passe à travers la succession des plans d’horloges, de réveils, d’alarmes, de montres, d’actions ou de dialogues illustrant cet implacable écoulement du temps. Il est peu probable qu'une seule personne reconnaisse toutes les références, mais il est impossible de n’en reconnaitre aucune !

Afin de réaliser cette œuvre, il aura fallu faire preuve d'une grande méticulosité. Christian Marclay et ses six assistants mettront 3 ans à compiler toutes les images. Au-delà du défi de trouver des extraits présentant les différentes heures recherchées, l’artiste a dû réfléchir à une transition entre les pistes sonores des différents extraits. La bande son est composée d’inlassables tic tac de l'horloge, marquant un tempo régulier qui joue le rôle de transition entre chaque scène. Une vraie prouesse sonore.

Christian Marclay 2018 © Photographie : Dan Burn-Forti

Le passage du temps reste ici la thématique centrale avec un objectif, celui d’immerger le visiteur dans trois temps opposés et pourtant complémentaires : le temps de la fiction, avec ces nombreux extraits de films et séries, un temps passé et personnel, jeu de mémoire, qui souhaite ramener au statut de spectateur au cinéma et devant la télévision et un temps présent, analogique, avec le temps permanent dans la vidéo, qui passe à la même vitesse que le temps réel. À une époque où tout se consomme à toute vitesse, l’installation de Christian Marclay nous force à ralentir, à voir, observer, écouter et sentir différemment. Une expérience immersive et méditative sur le temps à aller découvrir quelques battements de cil, à plusieurs moments ou 24 heures durant.

The Clock de Christian Marclay Du 25 juin au 18 juillet 2021. Les mercredis et jeudis de 12h à 22h, non-stop des vendredis 12h aux dimanches 22h. Entrée gratuite. Le Plaza – Rue de Chantepoulet 1, 1201 Genève

ET SI ON ALLAIT CHEZ JEAN-JACQUES ROUSSEAU ?

par AMBRE OGGIER

Maison de Rousseau et de la Littérature

Depuis 2012, la Maison de Rousseau et de la Littérature accueille les amateurs de belles lettres et les érudits de la langue dans la maison natale du célèbre écrivain genevois. Après presque trois ans de travaux de rénovation, cette incontournable bâtisse historique de la Vieille-Ville fait peau neuve pour le plus grand bonheur des amoureux de la littérature. Peu importe que l’on soit un promeneur solitaire perdu dans ses rêveries, qu’on s’appelle Julie ou Héloïse ou que l’on soit un simple curieux, la MRL ouvre ses portes à tous en proposant un parcours interactif mettant en lumière la pensée et les idées de l’écrivain, mais aussi un café flambant neuf ainsi que divers événements littéraires.

Le 28 juin 1712, Jean-Jacques Rousseau voit le jour à Genève, au 40 Grand-Rue. Neuf jours seulement après sa naissance, sa mère décède soudainement. Ce tragique événement marquera à vie l’écrivain qui raconte dans ses Confessions : « je naquis infirme et malade ; je coûtai la vie à ma mère, et ma naissance fut le premier de mes malheurs ». Ainsi, il grandit en ce lieu avec son frère, son père et la sœur de son père Suzon, avant que la famille ne déménage en 1718 à l’ancien numéro 15 de la rue de Coutance, à l’emplacement actuel de Manor.

Aujourd’hui, la maison du 40 Grand-Rue est bien différente de celle qu’a connue le jeune Jean-Jacques Rousseau puisque la façade a été modifiée en 1788 lorsque l’immeuble fut jumelé à celui d’à côté. En 1912, une plaque est installée afin de souligner la particularité de ce lieu. Cette maison est la seule où Rousseau vécut à Genève qui n’a pas été détruite ou totalement reconstruite. À l’intérieur, la disposition originelle a été respectée autant que possible, bien que les espaces aient été soigneusement modernisés et adaptés aux nouvelles fonctions de ce bâtiment qui accueille depuis 2012 la Maison de Rousseau et de la Littérature. Au rez-de-chaussée, un charmant café à l’ambiance feutrée et disposant d’une bibliothèque a été aménagé, permettant à chacun de s’évader un moment dans un lieu intimiste à l’aura lyrique. Deux étages de la maison servent à accueillir les rencontres, débats et autres événements littéraires régulièrement organisés. Dans les combles, trois studios ont récemment été aménagés. Ils sont destinés à accueillir prochainement des écrivains en résidence. La MRL revient transformée et repensée afin d’encourager et de valoriser la littérature ancienne et contemporaine.

La maison où est né Jean-Jacques Rousseau en 1712

Situé au premier étage de la maison, le nouveau Parcours Rousseau propose une promenade à travers la pensée singulière et les différents écrits de cet écrivain toucheà-tout. Pensé avec l’architecte Tristan Kobler, le parcours est constitué de sept niches thématiques développant brièvement mais intelligemment les idées audacieuses et parfois contradictoires de cet homme aux multiples facettes. Confrontant les écrits de Rousseau à des questionnements et des problématiques actuelles, le parcours incite à redécouvrir la vie et l’œuvre de cet homme de lettres à la fois philosophe, botaniste, anthropologue, ethnologue et même écologiste avant l’heure. Afin de stimuler l’esprit, l’exposition mélange habilement des extraits tirés des différentes écrits de Jean-Jacques Rousseau, des vidéos réalisées par des étudiants du Master Cinéma de la HEAD et de l’ECAL, des animations d’Agnieszka Kruczek, des illustrations et des photographies, des musiques et divers objets dont un moulage du masque mortuaire de l’écrivain et un grand herbier. Une promenade captivante qui offre une nouvelle manière d’aborder l’œuvre de cet écrivain autodidacte à la profonde sensibilité et dont les écrits continuent d’inspirer les penseurs et littéraires modernes.

Maison de Rousseau et de la Littérature Parcours gratuit jusqu’au 30 juin 2021 Mercredi – vendredi 14h-18h Samedi – dimanche 11h-18h Grand-Rue 40 1204 Genève www.M-R-L.ch www.M-R-L.ch

UN INSTANT, ON REGARDE !

par ROCAYA RAMADHAN

Claudio Moser, Locatelli, 2012

Égarons-nous dans la ville, les terrains vagues, à mi-chemin entre périphérie urbaine et sous-bois à travers les yeux de Claudio Moser. Ses instantanés seront mis à l’honneur dans la prochaine exposition Chien Errant du Centre de la photographie Genève, du 23 juin au 22 août 2021. Sous forme de bibliothèque, Claudio Moser crée une rétro-prospective sur la base de ses archives photographiques et clichés à venir. Durant cet été, on pourra ainsi vagabonder hors de Genève avec le projet de l’artiste suisse. Plus besoin d’aller loin pour s’échapper du quotidien !

Claudio Moser, Versoix, 2016

Claudio Moser, Nazaire, 2017

Claudio Moser, Pellicano, 2014 La photographie : un moyen de capturer l’instant. Claudio Moser ne s’éloigne pas de la définition dans son travail, bien au contraire. Ses photographies racontent l’histoire d’un promeneur, un vagabond se déplaçant au milieu de paysages de tout genre, capturant ce qui se révèle à lui en passant : en un instant tout simplement. Ces clichés réalisés paraissent devenir, pour lui, un événement visuel. Ce va-et-vient entre ses pas et ses photographies est l’essence de son travail artistique. Il marche, il s’arrête, il photographie, il repart et il revient, son corps fait ainsi office de trépied. Et c’est un continuum d’images sélectionnées qui crée ses livres de photos. Son objectif est de collecter des tirages jugés publiables jusqu’au chiffre 50 et de les faire relier pour en faire un seul livre. A ce rythme, il obtient un livre par an édifiant une sorte de bibliothèque. L’artiste propose ainsi une rétrospective de son œuvre mais qui est également prospective avec un deuxième corpus de clichés pas encore réalisés. Claudio Moser est un artiste qui examine le monde en se promenant et qui produit une forme visuelle au résultat de cette exploration. A l’aide de son appareil photo, son regard se pose sur des lieux où un événement pourrait survenir ou qui a déjà eu lieu et dont il reste une trace. Entre nature et civilisation, il capte des éléments équivoques, loin du spectaculaire et du dramatique. Ses déambulations le mènent à la périphérie des villes, dans des zones peu séduisantes et où pourtant un récit peut se créer. La neutralité et sobriété qui dégage de ses œuvres provoque un certain mystère et engage ainsi le début d’une histoire. Cette objectivité est cependant loin d’être dépourvue de vie. En produisant ses œuvres avec les outils de la photographie et l’œil du caméraman, il voit un scénario dans chacune de ses captations. N’en révélons pas plus, c’est en allant découvrir ses livres au Centre de la photographie que nous pourrons nous-mêmes nous imaginer errer dans ces lieux.

Exposition Chien Errant Centre de la photographie Genève (CPG) Du 23 juin au 22 août 2021 www.centrephotogeneve.ch

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