Paquebots, pétroliers & navires marchands

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PAQUEBOTS, PÉTROLIERS & NAVIRES MARCHANDS


PAQUEBOTS, PÉTROLIERS & NAVIRES MARCHANDS ROBERT JACKSON

GREMESE


Titre original : Liners, Tankers & Merchant Ships Copyright © 2002 Amber Books Ltd

Chef de projet : Naomi Waters Conception graphique : Floyd Sayers Mise en pages : Graphic Art 6 s.r.l. – Rome

Traduction de l’anglais : Martine Capdevielle

En couverture : en partant du haut, dans le sens horaire, Matthew, Normandie, Wyoming, Jervis Bay En quatrième de couverture : JFK de Nul

Première publication française (avec le titre Paquebots, pétroliers et navires marchands) En accord avec Amber Books Ltd : Copyright Gremese 2011 © E.G.E. s.r.l. – Rome www.gremese.com

Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite, enregistrée ou transmise, de quelque façon que ce soit et par quelque moyen que ce soit, sans le consentement préalable de l’Éditeur.

ISBN 978-88-7301-725-7

Imprimé à Singapour


SOMMAIRE Introduction Premiers bateaux

7 14

Du Brick au Navire de croisade vénitien

Navires de charge

38

De l’Alexander au Yeoman Burn

Bateaux côtiers et fluviaux

93

De l’A. J. Meerwald à la Barge pour le transport du vin

Porte-conteneurs De l’Ever Globe au Nedlloyd Europa

139


Navires d’exploration et de sauvetage 146 De l’Acadia au X1

Ferries et paquebots

190

De l’Adriatic au Washington

Pétroliers et tankers

284

Du British Skill au Theodora

Yachts et voiliers

300

De l’Alma Doepel au Yeng He

Index

313


Introduction e livre est un recueil illustré des navires marchands les plus intéressants, innovateurs et marquants qui ont sillonné les océans ou parcouru lacs et rivières du monde entier, depuis les premiers temps : des barges fluviales de l’Égypte antique aux gigantesques porte-conteneurs et paquebots de croisière d’aujourd’hui. Ce guide complet des navires de commerce, toutes époques confondues, fournit également un aperçu des facteurs qui ont influencé la conception et le fonctionnement des bateaux au cours des siècles. L’évolution de l’architecture navale découle des progrès réalisés dans le développement de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques. Avant le début de la révolution industrielle, l’art de la construction navale, et les technologies connexes, n’ont évolué que lentement. Puis le monde entier a connu une transformation soudaine, et l’histoire maritime est entrée dans une ère nouvelle. Bien qu’il soit difficile de se prononcer sur l’année exacte, voire les années, où s’est produite cette rupture entre l’ancien et le moderne, il est clair que celle-ci est associée à l’introduction

C

Ci-dessus : Des boutres arabes au début du XXe siècle. Leur forme de base n’a pas changé au cours des siècles, et l’on peut encore en voir aujourd’hui. 7


de la coque en acier, de l’hélice, du moteur compound à vapeur vertical et de la chaudière aquatubulaire, dont l’apparition s’échelonne sur les trente dernières années du XIXe siècle. Avec le recul, il apparaît nettement que le bateau est, de tous les engins, celui qui a bénéficié le plus des avancées technologiques de cette époque. Toutefois, que peut-on dire des navires de l’ère de la vapeur si ce n’est qu’ils étaient fonctionnels, certes, mais aussi inesthétiques et privés de tous les attraits qui caractérisaient, par exemple, les bateaux des pharaons ou des Phéniciens. Ces bateaux dont la coque finement sculptée fendait impeccablement les flots, étaient des constructions sophistiquées et d’une grande beauté. Pour autant qu’on sache, ces peuples ne possédaient aucune connaissance en matière d’hydrostatique ou d’hydrodynamique, mais ils avaient observé à coup sûr les poissons et les mammifères marins et tenté d’en reproduire certaines caractéristiques. Les navires de l’antiquité n’étaient pas tous aussi élégamment conçus, car les hommes de la mer avaient déjà commencé à faire une distinction entre la coque des bateaux de commerce et celle des navires de guerre. Dès les temps les plus reculés, les bateaux transportant des marchandises tendaient à être larges et profonds, pour le transport de tonneaux, de balles et autre cargaison volumineuse. Ils étaient conçus plus dans un souci de contenance que de rapidité.

LE PASSAGE DE LA VOILE À LA VAPEUR À la fin du XVIIe siècle, le navire marchand européen avait subi une telle évolution qu’il pouvait parcourir de longues distances sur les océans, dans des conditions relativement sûres, voire dans un certain confort. L’ère des grandes explorations avait atteint son apogée ; grande partie de la surface planétaire avait été cartographiée, et le commerce maritime naviguait dans le sillage des intrépides explorateurs. Au cours des cent cinquante ans à venir, les changements en matière de construction navale allaient suivre un rythme plus lent, car le navire à voiles construit en bois allait atteindre ses limites technologiques et connaître des difficultés d’approvisionnement en matériau de base. En Europe, les forêts de bois dur arrivaient à épuisement, aussi les constructeurs de bateaux allaient-ils se tourner vers l’Inde et l’Amérique du Nord pour se fournir en matériau brut. Mais la grande innovation qui allait faire disparaître des océans les « murailles de bois » pointait déjà à l’horizon. Vers 1820, on commença à rencontrer régulièrement (voire communément) de petits bateaux équipés de moteurs à vapeur, tout d’abord sur les voies fluviales, puis bientôt aussi sur de brefs trajets en mer. Le fer avait déjà fait son apparition comme matériau de construction, tout d’abord sur les barges, puis peu après sur des bateaux à propulsion autonome. On est ainsi passé des voiliers en bois aux bateaux à vapeur en fer et en acier en un

Ci-contre : Le Sedov est un quatre-mâts barque construit à Kiel, en Allemagne, en 1921, sous le nom de Magdalene Vinnen. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, il fut remis aux autorités soviétiques. Rebaptisé Sedov, c’est le plus grand voilier du monde en activité et un navire-école à voiles très renommé. 8


9


laps de temps étonnement court. Malgré une déviation qui n’allait pas avoir de suite vers la roue à aubes, la transition s’est faite en moins d’un demi-siècle. Le changement a été plus rapide encore, et quasiment total, au sein des flottes militaires du monde entier. Le succès des navires marchands dotés d’un moteur à vapeur n’est arrivé qu’assez lentement, sauf sur certaines routes commerciales (la route nord-atlantique de Liverpool à New York, par exemple, et sur les brèves traversées comme celle de la Manche). La raison en est principalement que l’espace occupé par les réservoirs de combustible empiétait trop sur celui des marchandises. Ce n’est que lorsque d’importantes améliorations technologiques sur les moteurs à vapeur ont permis de réduire considérablement la consommation de combustible que les navires marchands à vapeur ont pris finalement le dessus sur les voiliers. Même si le bateau à vapeur pouvait effectuait trois voyages quand un voilier n’en faisait qu’un, cette supériorité n’était rentable que sur les routes commerciales les plus fréquentées du transport de passagers et de denrées périssables. Paradoxalement, l’introduction de nouveaux matériaux comme le fer et l’acier

Ci-dessus : Le porte-conteneurs Nedlloyd Africa sillonne aujourd’hui le monde. L’utilisation du conteneur a transformé radicalement la manutention portuaire et le type même de marchandises pouvant être transportées sur de longues distances. 10


dans la construction navale a donné aux voiliers un regain de vie, quoique de courte durée. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, les clippers construits en fer et en bois et destinés au négoce du thé ont joui d’un bref âge d’or. Ils ont été remplacés par des barques de quatre, cinq, voire six mâts, qui ont été maintenues en service jusqu’au XXe siècle, en particulier dans le commerce des engrais au nitrate au départ du Chili vers l’Amérique du Nord et l’Europe. DIVERSIFICATION CROISSANTE DES NAVIRES MARCHANDS Les trois dernières décennies du XIXe siècle ont été caractérisées par une forte réduction de l’encombrement des mécanismes propulseurs et par une remarquable augmentation de leur efficacité, grâce à la mise au point de nouveaux types de chaudières et de moteurs compound multi-cylindriques fonctionnant à des niveaux de température et de pression jusqu’alors impossibles. Ces moteurs ont trouvé leur application dans les navires de guerre et de commerce, apportant aux premiers une vitesse sans précédent et permettant aux seconds une économie de combustible. Lors de la 60e Revue navale de Spithead en 1897, un jeune ingénieur du nom de Charles Parsons époustoufla la Royal Navy par la démonstration inopinée d’un nouveau système de propulsion vraiment révolutionnaire, à savoir la turbine à vapeur. Disposant de nouveaux moteurs, beaucoup plus puissants, les architectes navals ont commencé à voir plus grand, et c’est ainsi que sont nées des légendes maritimes telles que l’infortuné Titanic. Le premier objectif de ces bâtiments était de transporter passagers et courrier à grande vitesse de l’autre côté de l’Atlantique, et avant que le Titanic ne vînt percuter tragiquement un iceberg en 1912, la conception de bateaux avait déjà emprunté d’innombrables voies spécialisées. Dès 1900, pétroliers, cargos frigorifiques et vraquiers étaient construits en très grand nombre pour naviguer parallèlement aux navires de charge traditionnels et aux paquebots. Lors de la Première Guerre mondiale, le trafic du commerce maritime enregistra une très forte augmentation, accompagnée d’une diversification encore plus grande du nombre et du type de bateaux. Suite aux programmes de construction navale lancés d’urgence dans les années 1914-1918, de nombreux navires marchands se retrouvèrent en surplus au terme des hostilités et furent proposés à bon prix sur les marchés, ce qui conduisit à la création de nouvelles flottes marchandes de par le monde. Après 1945, l’énorme afflux de navires au sein de ces flottes coïncida également avec une formidable augmentation de la production industrielle, en premier lieu, en Occident, puis en Asie, ce qui amena un ultérieur développement des opérations maritimes, en particulier dans le trafic des cargaisons. LES NAVIRES MARCHANDS DANS UN MONDE EN ÉVOLUTION Un changement progressif dans la conception navale s’est produit après la guerre, pour les paquebots comme pour les navires marchands, avec la tendance croissante 11


à placer les moteurs tout à fait à la poupe ou bien au trois-quarts vers l’arrière du bateau. Par conséquent, l’espace destiné à la cargaison était en majeure partie situé en avant de la salle des machines. La passerelle fut incorporée à la superstructure située à la poupe et se trouva ainsi positionnée beaucoup plus en hauteur, ce qui compensa dans une certaine mesure la perte de visibilité occasionnée. Une autre évolution eut lieu avec l’introduction d’une tour de navigation en remplacement de la traditionnelle passerelle, la visibilité vers l’avant étant renforcée par un écran de télévision installé dans l’étrave du vaisseau. La forme des cheminées fut également modifiée, la disposition des « cheminées » jumelles devenant un trait caractéristique à la fois des paquebots, des cargos, des pétroliers et des remorqueurs. Cette période n’a pas été propice en revanche à deux grands secteurs de l’activité maritime. Les avions de ligne offrant une alternative confortable et rapide au bateau, le transport de passagers sur longue distance a périclité, avant de disparaître presque totalement. Les quelques paquebots transocéaniques encore en service ont survécu un temps comme navires de croisière. Dans les deux dernières années du XXe siècle, c’est précisément l’industrie des croisières qui a redonné un coup de fouet à l’architecture navale avec la création de nouveaux bateaux aux formes élégantes. Des bateaux tels que le paquebot Club Med 1, conçu spécialement pour la croisière et doté d’un système de navigation assisté, illustre l’heureuse union de la technologie moderne et de l’élégance traditionnelle. Il peut naviguer sous la propulsion des voiles uniquement, un ordinateur contrôlant sa progression et enclenchant automatiquement la force motrice, si nécessaire. Le deuxième secteur touché est le trafic côtier de marchandises en général, dont la diminution a été provoquée par l’essor du transport routier. En revanche, le passage du charbon au fuel dans les foyers a entraîné une augmentation du trafic des tankers sur les côtes et à proximité des estuaires. Dans la seconde moitié du XXe siècle a eu lieu une révolution dans le transport du pétrole et du gaz naturel. C’est ainsi qu’a débuté l’ère des supertankers, qui s’est développée en réaction au chaos maritime causé par la fermeture du canal de Suez décrétée par le gouvernement égyptien en 1956, événement ayant déclenché l’intervention malheureuse de la Grande-Bretagne et de la France d’un côté, et d’Israël de l’autre. Les concepteurs des supertankers n’imaginaient sans doute pas les effets catastrophiques qu’un accident pouvait causer à l’environnement. Nous avons été depuis les témoins de tels effets en de nombreuses occasions partout dans le monde, de l’Alaska à la Grande-Bretagne, et nous avons assisté depuis au développement de bateaux spécialisés dans ces situations d’urgence. Des pas de géant ont été également accomplis dans les techniques de sauvetage et de récupération de navires, grâce à des bateaux conçus spécialement pour affronter toute situation d’urgence en mer.

12


Ci-dessus : Le super-paquebot le plus récent de la P&O, Aurora. Il a appareillé pour son voyage d’inauguration de Southampton le 1er mai 2000. Avec un tonnage de 77 219 tonnes et une capacité d’accueil de 1 874 passagers et 850 membres d’équipage, Aurora est le plus grand bâtiment de la flotte de la P&O. NOUVEAUX CHAMPS DE DÉCOUVERTE L’exploitation des ressources naturelles de la Terre a aussi inauguré une nouvelle époque d’exploration et une nouvelle génération de navires. À l’instar des explorateurs de l’époque du capitaine Cook qui cartographièrent la surface du globe, ces bateaux et leurs équipages sondent aujourd’hui les fonds marins, en dressant la carte du sol océanique et en examinant sa formation géologique, afin de détecter de vastes réserves de pétrole et de gaz à exploiter dans les années à venir. Ces bateaux de haute technologie et leurs équipages sont les équivalents modernes du navigateur Colomb parti à la découverte du Nouveau Monde. Aujourd’hui, ce nouveau monde gît sous la surface des océans. Dans ce livre, divisé en plusieurs grandes sections recouvrant tous les aspects des navires marchands, le lecteur trouvera quantité d’informations sur les différents types de bateaux, anciens et modernes, qui ont permis au commerce maritime de prospérer tout au long des siècles. 13


Premiers bateaux

Brick

e mot « brick » vient de l’anglais « brig », abréviation de « brigantin », qui tire sans doute son origine du mot « brigand », indiquant par là que ce bâtiment était utilisé par des pirates. Toutefois, dès 1695, le mot brigantin désignait un bateau muni de deux mâts dont le mât de misaine était gréé en carré et le grand mât en aurique. Basé sur cette structure, le brick fut gréé en carré et équipé d’une voile aurique montée sur un espar et d’une bôme à l’arrière du grand mât. Les deux termes furent utilisés plus tard pour désigner des navires à deux mâts, quel que soit le type de gréement. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le brick fut le navire à tout faire du commerce en mer du Nord : assez petit pour être manœuvré par un équipage minimum, mais suffisamment spacieux pour transporter une importante cargaison. Le modèle hollandais que l’on voit ici fut transformé aussi bien en navire marchand qu’en navire de guerre à 14 canons.

L

Pays d’origine :

Pays-Bas

Date d’origine :

1610

Longueur :

19,8 m

Maître-bau :

6m

Déplacement :

162,5 t (160 tonneaux)

Gréement :

Deux mâts gréés en carré, avec une basse-voile et un hunier

Équipage :

12

Routes principales :

Routes côtières de la mer du Nord

Cargaison :

Bois de construction, minerais, marchandises générales

14


Premiers bateaux

Caravelle

a caravelle est une évolution du bateau de pêche ibérique du XIIIe siècle, élargi, doté d’un pont et muni de deux mâts. Ce fut le plus beau navire de son temps, capable d’entreprendre des voyages d’une durée sans précédent sur les océans. Sa contenance, sa manœuvrabilité et son adaptation à tous les climats permettaient aux capitaines d’envisager de longues expéditions sur des mers inconnues. C’est sur une caravelle que Bartolomé Diaz contourna le cap de Bonne-Espérance en 1487. Grâce à Henri le Navigateur, elle connut une évolution très rapide. Gréés à l’origine en voiles latines, le mât de misaine et le grand mât furent souvent gréés ensuite en carré. C’est le cas de la Pinta et de la Niña, sur lesquels Christophe Colomb s’embarqua vers le Nouveau Monde. Elle fut plus tard remplacée sur les routes qu’elle avait inaugurées par des bâtiments d’une capacité supérieure.

L

Pays d’origine :

Portugal

Date d’origine :

1470

Longueur :

22,9 m

Maître-bau :

7,6 m

Déplacement :

61 t (60 tonneaux)

Gréement :

Trois mâts, voiles latines

Équipage :

12-20

Routes principales :

Côtes africaines

Cargaison :

Produits tropicaux, marchandises en vrac

15


Premiers bateaux

Caraque

u début du XVe siècle, les chantiers navals européens commencèrent à construire des trois-mâts. Le port de Gênes, spécialisé dans le commerce de marchandises en vrac, passe pour en être le lieu d’origine. Le nom de ce bateau est une énigme : s’il vient apparemment de l’italien caracca, les Italiens désignent toutefois ce genre de bâtiment par le terme générique de nave (bateau). La forme différait radicalement de ce qui avait pu être construit auparavant et marqua la première étape d’un processus d’évolution qui allait voir les navires doubler de dimensions en quelques années. L’un des tout premiers dessins d’une Krack (caraque) fut signé d’un artiste flamand vers 1470. La caraque fut pendant longtemps le « cheval de labour » des flottes marchandes européennes et contribua largement à la stabilisation des liens commerciaux entre les principaux ports européens.

A

Pays d’origine :

Pays-Bas

Date d’origine :

1470

Longueur :

34,1 m

Maître-bau :

10 m

Déplacement :

182,8 t (180 tonneaux)

Gréement :

Trois mâts ; voiles carrées au grand mât et au mât de misaine, voiles latines au mât d’artimon

Équipage :

20

Routes principales :

Routes de commerce, navigation au long cours

Cargaison :

Peaux, huile, minerais, vin, fer

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Premiers bateaux

Cat

onstruit dans le nord de l’Angleterre, le cat était pour l’essentiel une version plus grande du fluyt hollandais, que les Anglais avaient saisi en grand nombre comme butin de guerre entre 1652 et 1674, lors des guerres provoquées par les Actes de Navigation. Ces textes promulgués par les Anglais visaient à interdire l’importation de marchandises amenées par des bateaux étrangers. Robuste et arrondi, doté d’un pont ras et d’un fond plat, le cat transportait des marchandises en vrac. Utilisé surtout pour le commerce du charbon, il était muni de trois mâts et avait une surface vélique considérable. Les constructeurs avaient repris à leur compte une idée née dans les chantiers de l’Est, région autrefois placée au premier rang de la construction navale en Angleterre. L’expression catbuilt, « construit comme un cat », renvoyait aux formes arrondies et privées d’ornement à l’avant comme à l’arrière, ainsi qu’à la forme rectangulaire des coques, dont un grand nombre furent de nouveau gréées et resta en service plus d’un siècle.

C

Pays d’origine :

Angleterre

Date d’origine :

1680

Longueur :

36,6 m

Maître-bau :

9,75 m

Déplacement :

381 t (375 tonneaux)

Gréement :

Trois mâts ; voilures carrées au grand mât et au mât de misaine ; voiles latines au mât d’artimon avec un hunier

Équipage :

12

Routes principales :

Côtes anglaises et routes brèves en mer du Nord

Cargaison :

Charbon, bois, fonte

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Premiers bateaux

Bateau de Chéops

ateau le plus ancien qui nous soit parvenu depuis l’Antiquité, le bateau de Chéops a été trouvé en 1954, près de la Grande Pyramide d’Égypte. Construit presque entièrement en cèdre d’importation, sa forme montre que le bordé était monté avant la charpente intérieure. Il était dépourvu de quille, et les bordages supérieurs étaient maintenus solidement par des filins. Deux cabines, dont une principale formée de deux pièces et recouverte d’un auvent pour abriter du soleil, étaient aménagées sur le pont. L’embarcation est équipée de rames simples et de rames-gouvernail. C’était un bateau de cérémonie et les traces d’usure laissées par les cordes indiquent qu’il fut très utilisé. Chéops régna vers 2800 av. J.-C. ; on lui attribue la construction de la grande pyramide de Gizeh, hypothèse controversée par certains historiens, mais tous s’accordent à dire que l’Égypte ancienne était à l’époque au faîte de sa puissance.

B

Pays d’origine :

Égypte

Date d’origine :

2500 av. J.-C.

Longueur :

43,6 m

Maître-bau :

5,7 m

Déplacement :

95,5 t (94 tonneaux)

Gréement :

Un seul mât

Équipage :

12, plus les officiers

Routes principales :

Le Nil, Méditerranée orientale

Cargaison :

Aucune

18


Premiers bateaux

Jonque chinoise

écrite aux Occidentaux pour la première fois par Marco Polo en 1298, la jonque a connu sous différentes versions une longue carrière. Elle était le fruit d’une tradition chinoise pluriséculaire en matière de construction navale. Dans le domaine scientifique, la Chine avait réalisé des innovations qui ne gagnèrent l’Occident que tardivement. La jonque était caractérisée par la présence d’un seul gouvernail à l’arrière et par une coque de type ponton, divisée en 20 compartiments étanches et fermés sur le haut par le pont fixé sur une surface arquée. Le bordé, renforcé par une ceinture, était construit à franc-bord. La carène du vaisseau était plate, ce qui permettait au bateau de maintenir son assise en cas d’échouage. Une série d’écoutilles donnait accès aux compartiments étanches. Les quatre, voire cinq mâts dont deux amovibles, étaient gréés de voiles en nattes de jonc, tissées et renforcées latéralement par des lattes de bambous.

D

Pays d’origine :

Chine

Date d’origine :

XIIIe siècle

Longueur :

54,9 m

Maître-bau :

9,1 m

Déplacement :

Inconnu

Gréement :

Quatre mâts non haubanés ; gréement de type voiles au tiers, munies de bandes de ris du haut vers le bas

Équipage :

8-10

Routes principales :

Côte et fleuves principaux chinois

Cargaison :

Bois de construction, riz, métaux, tissus, produits alimentaires

19


Premiers bateaux

Curragh

l’exception du célèbre voyage de Brendan le Navigateur, qui aurait atteint TerreNeuve, les Celtes n’étaient pas de grands marins. D’anciens textes rapportent que les évêques irlandais avaient envoyé des hommes en expédition sur l’Atlantique, en quête d’une Terre promise « où les âmes pieuses auraient pu émigrer ». Sur la côte ouest de l’Irlande, les techniques de construction navale n’évoluèrent guère entre le Ve et le XIXe siècle. Le bateau type utilisé pour la pêche comme pour le transport de marchandises et de personnes était le curragh. Il était formé d’une charpente constituée de longues lattes fines recouvertes de peaux étirées et cousues entre elles, qui furent remplacées au XIXe siècle par des toiles goudronnées. Les curraghs étaient encore utilisés quotidiennement sur les lacs irlandais dans les années trente. Les premières pouvaient embarquer jusqu’à 40 personnes.

À

Pays d’origine :

Irlande

Date d’origine :

Ve siècle

Longueur :

9,1 m

Maître-bau :

1,5 m

Déplacement :

Inconnu

Gréement :

Mât démontable gréé en carré

Équipage :

4-8

Routes principales :

Côte ouest de l’Irlande, lacs irlandais

Cargaison :

Animaux, poisson, peaux

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Premiers bateaux

Navire marchand hollandais

e petit galion de la moitié du XVIe siècle était en réalité très bien armé. Il était équipé de sabords tout au long du pont principal et sur le gaillard d’arrière. Il transportait à titre défensif jusqu’à 30 canons. Par la forme arrondie de la poupe sous la dunette, ce bateau, de construction hollandaise, illustre la phase de transition entre le galion et le fluyt, apparu à la fin du XVIe siècle. Le faible tirant d’eau permettait à ces bateaux de circuler en toute sécurité dans les eaux côtières peu profondes. Par rapport à leur taille, ils avaient une excellente capacité de transport. Cette période connut une rapide expansion du commerce maritime hollandais : alors que les Britanniques et les Espagnols se concentraient sur l’inauguration de nouvelles routes de commerce vers les Amériques, les Hollandais se tournèrent vers l’hémisphère oriental, s’aventurant dans les océans Indien et Pacifique.

C

Pays d’origine :

Pays-Bas

Date d’origine :

1564

Longueur :

27,7 m

Maître-bau :

7,9

Déplacement :

Inconnu

Gréement :

Trois mâts ; voiles carrées sur le grand mât et le mât de misaine ; voile latine au mât d’artimon, voile divisée

Équipage :

30-40

Routes principales :

Mer du Nord, océans Indien et Pacifique

Cargaison :

Marchandises générales

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Premiers bateaux

Barge égyptienne

es gigantesques obélisques des temples qui ont rendu célèbres les Égyptiens de l’Antiquité étaient taillés dans le granit à Assouan et acheminés à Louxor et Héliopolis en descendant le Nil par bateau. Cette barge fut conçue pour transporter deux obélisques couchés l’un contre l’autre. C’était alors le plus grand bateau jamais construit. Ce vaisseau n’était pas armé, mais équipé d’une paire de rames-gouvernail de chaque côté de la proue. Un jeu de cordes fixées à l’avant et enroulées autour d’un guindeau à l’arrière empêchait le bateau de fléchir. Cette gigantesque embarcation était remorquée par 27 petits bateaux à rames, pour une main-d’œuvre totale de 900 hommes. Une barge de transport pour les obélisques, aussi imposante que l’exemple ci-dessus, et que l’on peut voir peint sur la pierre du temple de Deir-el-Bahari, fut construite pour la reine Hatchepsout qui régna sur l’Égypte de 1478 à 1458 av. J.-C.

L

Pays d’origine :

Égypte

Date d’origine :

1550 av. J.-C.

Longueur :

59,4 m

Maître-bau :

21,3 m

Déplacement :

700 t (688 tonneaux) ; 1 500 t (1476 tonneaux) chargé

Gréement :

Aucun

Équipage :

900 dont les équipages auxiliaires

Routes principales :

Le Nil

Cargaison :

Obélisques

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Premiers bateaux

Bateau égyptien en roseau

es restes de bateaux en roseau mis à jour en Égypte et en Amérique du Sud appartiennent vraisemblablement aux premiers bateaux jamais construits. Des reproductions de ce type d’embarcations figurant sur des rouleaux de papyrus remontent à environ 3200 av. J.-C. Dans le delta du Nil, où le bois de construction était rare mais où l’eau abondait, le papyrus était le matériau naturel pour la construction de bateaux. Si la durée de vie de ces embarcations n’était que de quelques mois, l’approvisionnement en roseaux, lui, était inépuisable, et l’on en construit encore de nos jours pour la pêche. Les techniques halieutiques n’ont pas changé au cours des millénaires, à l’exception des chats dressés pour plonger dans l’eau et récupérer le poisson. Grâce à ses expéditions sur le Ra I et le Ra II, l’explorateur Thor Heyerdahl a prouvé qu’un bateau en roseau pouvait traverser l’Atlantique.

D

Pays d’origine :

Égypte

Date d’origine :

Vers 2 500 av. J.-C.

Longueur :

16,5 m

Maître-bau :

2,7 m

Déplacement :

Inconnu

Gréement :

Aucun

Équipage :

Inconnu

Routes principales :

Delta du Nil

Cargaison :

Poisson, roseaux, céréales

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Premiers bateaux

Fluyt

out au long des siècles, on a cherché et on cherche encore aujourd’hui à augmenter la capacité, à simplifier les manœuvres, à réduire l’équipage et les temps de navigation. Pour un comptable du XVIIe siècle, le fluyt hollandais était un bateau idéal. Ses flancs renflés et son pont étroit minimisaient le montant des taxes proportionnelles aux dimensions du bateau, et réduisaient le péage dû au passage du détroit entre le Danemark et la Suède. Le premier modèle fut construit en 1595, à Hoorn en Hollande. Long par rapport au maître-bau, il possédait une grande cale sous son unique pont. L’étrave et l’étambot étaient presque verticaux, sa proue basse limitait l’exposition au vent. La poupe arrondie était une innovation, car sur les navires construits depuis l’apparition de la cogue, les poupes étaient rectangulaires. Destiné à naviguer dans des eaux pacifiques, le fluyt n’était pas armé.

T

Pays d’origine :

Pays-Bas

Date d’origine :

1595

Longueur :

32 m

Maître-bau :

8,5 m

Déplacement :

305 t (300 tonneaux)

Gréement :

Trois mâts ; voiles carrées sur le grand mât et le mât de misaine ; voile latine au mât d’artimon

Équipage :

20-30

Routes principales :

Mer du Nord et routes de commerce de la Baltique

Cargaison :

Bois de construction, minerai, marchandises en balles et en tonneaux

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Premiers bateaux

Galéasse

avire marchand à deux mâts, la Galéasse était utilisée sur les routes commerciales de la mer du Nord et de la mer Baltique. Modèle radicalement différent de la galéasse méditerranéenne, elle était à l’origine probablement gréée en carré. Toutefois, au tout début du XVIIIe siècle, elle fut gréée en aurique, munie seulement d’un hunier et parfois d’un perroquet : un précurseur du ketch. Avec sa poupe rectangulaire et sa tonture supérieure à celle du galiot, convenait davantage à la haute mer. La poupe rectangulaire et le pavois surélevé semblent indiquer la présence d’un gaillard d’arrière sous lequel pouvait être aménagé le logement de l’équipage. Dès 1700, le bout-dehors, auquel était fixé un clinfoc, avait fini par mesurer quasiment la moitié de la longueur du navire. La Galéasse a laissé son empreinte sur le commerce de la Baltique, le long des routes de la mer du Nord.

N

Pays d’origine :

Pays-Bas

Date d’origine :

1690

Longueur :

19,8 m

Maître-bau :

5,5 m

Déplacement :

86,4 t (85 tonneaux)

Gréement :

Deux mâts ; gréés en aurique, avec un hunier sur le grand mât ; voile d’étai, foc et clinfoc

Équipage :

4-8

Routes principales :

Côte du Nord de l’Europe

Cargaison :

Marchandises en balles et en tonneaux

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