Les enfants du paradis

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LES FILMS SÉLECTIONNÉS – Édition spéciale Collection dirigée par Carole Aurouet


LES ENFANTS DU PARADIS [1945] de

MARCEL CARNÉ

CAROLE AUROUET


« J’ai fait vingt-trois films (exactement le même nombre que Carné), des bons et des moins bons. Eh bien, je les donnerais tous sans exception pour avoir signé Les Enfants du paradis ». François Truffaut, avril 19841

François Truffaut a fait cette déclaration en présence de Marcel Carné, en avril 1984 à Romilly-sur-Seine où deux salles de cinéma portant leur nom étaient inaugurées. Le Cinéma Éden possède toujours ces deux espaces : 212 places pour celle baptisée Carné et 124 places pour celle portant le nom de Truffaut.

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LA CARTE D’IDENTITÉ DU RÉALISATEUR

Nom Marcel Prénom Carné Né le 18 août 1906 À Paris, dans le XVIIe arrondissement Mort le 31 octobre 1996 À Clamart, dans les Hauts-de-Seine Enterré à cimetière Saint-Vincent, Paris

Filmographie visible

1929 : Nogent, eldorado du dimanche [court métrage] 1936 : Jenny 1937 : Drôle de drame 1938 : Hôtel du Nord 1938 : Le Quai des brumes 1939 : Le jour se lève 1942 : Les Visiteurs du soir 1945 : Les Enfants du paradis 1946 : Les Portes de la nuit 1949 : La Marie du port 1950 : Juliette ou la clé des songes 1953 : Thérèse Raquin 1954 : L’Air de Paris 1956 : Le Pays d’où je viens 1958 : Les Tricheurs 1960 : Terrain vague 1962 : Du mouron pour les petits oiseaux 1965 : Trois Chambres à Manhattan 1967 : Les Jeunes Loups 1970 : Les Assassins de l’ordre 1973 : La Merveilleuse Visite 1977 : La Bible

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LES ENFANTS DU PARADIS (1945)

Le générique tel qu’il apparaît à l’écran : Visa d’exploitation n°271 du 15 février 1946 Pathé Consortium Cinéma présente Arletty Jean-Louis Barrault Pierre Brasseur Et Pierre Renoir dans Un film de Marcel Carné Les Enfants du paradis Scénario et dialogues de Jacques Prévert Avec Maria Casarès Gaston Modot Fabien Loris Marcel Pérès Pierre Palau Étienne Decroux Jeanne Marken Marcelle Monthil Louis Florencie Habib Benglia Rognoni Jacques Castelot Paul Frankeur Albert Rémy Robert Dhéry Auguste Boverio Paul Demange Avec Louis Salou Et Marcel Herrand Découpage technique Marcel Carné Images Roger Hubert Décors Léon Barsarcq et Raymond Gabutti Costumes de Mayo Assistant artistique Pierre Blondy


LA CARTE D’IDENTITÉ DU FILM

Assistant technique Bruno Tireux Régie générale Louis Théron Prises de vues Marc Fossard Ingénieur du son Robert Teisseire Montage Henry Rust Musique de Maurice Thiriet Pantomimes de Georges Mouqué Exécutée par La Société des Concerts du Conservatoire sous la direction de Charles Münch Directeur de production Fred Orain Studios Pathé-Cinéma (Paris-Joinville), La Victorine (Nice) Tirage Laboratoires Pathé-Cinéma (Joinville-le-Pont) Production Société nouvelle Pathé-Cinéma Directeur de production Raymond Borderie Collaboration dans la clandestinité Décors Alex. Trauner Musique Joseph Kosma Origine : France Production : Pathé Cinéma Première sortie : 9 mars 1945 (Paris, Palais de Chaillot) Les principales distinctions : 1946 – Les Enfants du paradis reçoit le Désiré 1946 du cinéma au cours de la Nuit de l’Entraide du cinéma, ex-æquo avec La Cage aux rossignols de Jean Dréville. Le Désiré est destiné à récompenser les longs métrages sortis depuis la Libération. 1947 – Les Enfants du paradis est nominé par l’Academy of Motion Pictures Arts et Sciences dans la catégorie scénario. La célèbre statuette ne sera pas attribuée à Jacques Prévert. Ce sont les scénaristes Muriel et Sydney Box qui la remporteront pour Le Septième Voile de Compton Bennet. 1995 – Les Enfants du paradis est élu meilleur film du premier siècle du cinéma par 688 historiens et journalistes sur 822. Il faut attendre la cinquième place pour trouver un deuxième film français, en l’occurrence Casque d’or de Jacques Becker. Au patrimoine mondial de l’Unesco – Il est communément admis que Les Enfants du paradis est classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Quand le film a-t-il été classé ? Quels sont les critères de ce classement ? Quels avantages pour le film lui-même : une protection d’une colorisation, une restauration, etc. ? Or, à cette date, les institutions, les ayants droit des auteurs de ce film et toutes les sources contactées, Unesco y compris, n’ont pu répondre à nos questions.

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LES ENFANTS DU PARADIS DE MARCEL CARNÉ

Arletty – Garance

Jean-Louis Barrault – Baptiste Deburau

Pierre Brasseur – Frédérick Lemaître

Marcel Herrand – Lacenaire


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LA CARTE D’IDENTITÉ DU FILM

Louis Salou – Le Comte Édouard de Montray

Maria Casarès – Nathalie

Pierre Renoir – Jéricho, le marchand d’habits

Jeanne Marken – Madame Hermine


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Affiches de la première et de la deuxième époque des Enfants du paradis pour une réédition polonaise de 1987.


LA CARTE D’IDENTITÉ DU FILM

SYNOPSIS Les Enfants du paradis est constitué de deux époques : « Le boulevard du Crime » et « L’homme blanc ». L’histoire se déroule dans la première moitié du XIXe siècle. Le boulevard du Temple est le décor parisien principal du film ; il est surnommé le boulevard du Crime car il est peuplé de théâtres qui donnent des mélodrames, proposant leur lot de meurtres. Les Enfants du paradis offre en effet au regard les coulisses du théâtre, rendant hommage à cet art, ainsi qu’à la pantomime. Le film célèbre également le peuple modeste qui va se percher tout en haut, aux places les moins chères, dans le poulailler… c’est-à-dire le paradis ! Les enfants du paradis, ce sont donc les spectateurs du poulailler, le public le plus vivant et le plus sincère. Le sujet principal des Enfants du paradis est l’amour. Garance en catalyse plusieurs. Cette foraine – qui aime tout le monde, qui adore la liberté, qui clame « je suis comme je suis » et qui prétend « c’est si simple l’amour » – attire l’amour protéiforme de quatre protagonistes. Celui de Baptiste Deburau, le célèbre mime qui jouait au théâtre des Funambules, sur le boulevard du Temple ; Baptiste aime Garance d’un amour ardent, passionné, silencieux et rêveur. Celui de Frédérick Lemaître1, le grand acteur parlant de l’époque ; son amour pour Garance est sensuel et tout en paroles. Celui de Lacenaire, le poète-assassin, est plus cérébral. Celui du Comte Édouard de Montray est quant à lui corrompu et vénal. Parmi ces amours, un seul est vrai et réciproque : celui de Garance et de Baptiste ; il constitue l’intrigue principale. Autour de cette dernière les autres amours se greffent et se nouent, comme autant d’aventures périphériques. À la fin de la première époque, Garance est accusée de tentative de meurtre, à tort. Elle est alors contrainte de se placer sous la protection du Comte Édouard de Montray, et de quitter Paris… Quand Garance revient dans la capitale, six/sept ans plus tard, Baptiste est marié à Nathalie et a un petit garçon qui porte le prénom de son père. Pendant ces années, Baptiste n’a jamais cessé de penser à Garance, il l’aime toujours ; elle aussi… Ils vont se retrouver pour une nuit, avant d’être à nouveau séparés… L’orthographe du prénom varie : Frédérik ou Frédérick sous la plume du critique Jules Janin ; Frédéric dans la première étape scénaristique de Jacques Prévert ; Frédérick dans sa continuité dialoguée ; Frédérick dans le découpage technique de Marcel Carné et sur l’affiche insérée dans le film… Nous respectons l’usage des uns et des autres et nous optons pour Frédérick quand nous évoquons nous-mêmes le personnage.

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Affiche originale des Enfants du paradis (1945).


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INTRODUCTION

Voyageons dans le temps. Décembre 1965 : nous sommes cité Véron, dans l’appartement de Jacques Prévert qui surplombe les ailes du Moulin-Rouge dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Le poète, qui se livre avec parcimonie, a accepté de s’entretenir avec Hubert Arnault et Philippe Haudiquet pour la revue Image et son. Ses propos sont alors recueillis « éléctromagnétiquement », comme nous le précise la transcription, d’une manière qui nous semble aujourd’hui un peu désuète. Les trois hommes évoquent le cinéma : ce qu’il était, ce qu’il est, ce qu’il représente, ce qu’est l’écriture scénaristique, ce qu’on nomme les « grands » ou « petits » films… Et tout à coup, sans que la moindre question ne lui soit posée directement sur le sujet, Prévert déclare : « Moi, de tous les films auxquels j’ai travaillé, je préfère L’affaire est dans le sac1 et Les Enfants du paradis », avant d’ajouter : « Peut-être à cause d’Arletty ». Peut-être à cause d’Arletty… Ces quelques mots prononcés sans doute cigarette au bec, après une rapide aspiration de nicotine, détonent. Certes, Les Enfants du paradis est un film aux qualités multiples, que cet ouvrage tentera modestement d’appréhender dans toute leur variété, mais le choc des Enfants du paradis, c’est donc aussi le choc d’Arletty. Pour son amie comédienne, le poète invente ici l’un des plus beaux rôles féminins du cinéma français : Garance, « c’est le nom d’une fleur »… 1

L’affaire est dans le sac (1932), film de Pierre Prévert.


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Prévert a été soucieux de créer et de proposer à Arletty un rôle parfaitement adapté à sa personnalité, qu’elle pourrait incarner, avec force et charme, et servir par sa gouaille parisienne si singulière. L’actrice se souvient qu’elle a « passé la nuit à lire ce chef d’œuvre », et que le lendemain, elle s’est exclamée : « On n’a pas le droit de rater un truc pareil ! »2. Elle a donc eu de suite conscience que c’était « un merveilleux cadeau de monsieur Prévert ! »3. Avec le recul, elle déclarera même : « C’est vraiment le plus joli rôle de femme. Je n’en vois pas qui ait eu un rôle pareil. Greta Garbo n’a pas eu la chance d’avoir Les Enfants du paradis »4. Pourquoi Les Enfants du paradis ? Oui, peut-être à cause d’Arletty…

Affiche, dessinée par Jacques Fourastié en 1945, qui représente Arletty dans Les Enfants du paradis.

2 Michel Souvais, Arletty : de Frédérick Lemaître aux Enfants du paradis, Paris, Éd. Dualpha, 1999, 314 p., p. 102. 3 Ibid., p. 14. 4 Mon frère Jacques (1961), film de Pierre Prévert, DVD, Doriane Films, version restaurée par Catherine Prévert, 2004 et coffret augmenté, Doriane Films, 2020.


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PROLOGUE

Jean-Louis-Barrault, l’étincelle qui met le feu aux poudres créatrices Jean-Louis Barrault fut le déclic, l’étincelle des Enfants du paradis. Après Les Visiteurs du soir (1942), Marcel Carné et Jacques Prévert essaient de mener à bien un projet qui doit être interprété par Arletty, Pierre Brasseur et Louis Salou : Jour de sortie, ou La Lanterne magique. Le scénario du poète écrit en 1941, qui a pour particularité de mélanger le temps présent et le temps passé, raconte les aventures d’un projectionniste itinérant. Le producteur André Paulvé a, semble-til, été effrayé par la dureté du sujet, si bien que ce projet ne verra pas le jour1. Alors à Nice, où il a rejoint son épouse l’actrice Madeleine Renaud, qui tourne dans Lumière d’été de Jean Grémillon, d’après une adaptation et des dialogues de Jacques Prévert et Pierre Laroche, Barrault rencontre ses amis Carné et Voir le scénario présenté par Carole Aurouet, dans Jacques Prévert – Cinéma. Scénarios inédits, Paris, Gallimard, Coll. « Folio », 2017, 400 p., p. 223-240.

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Prévert sur la promenade des Anglais. Déçus et contrariés que leur projet ait avorté, ils sont à la recherche d’un nouveau sujet et demandent à l’acteur s’il n’aurait pas une idée de film. Or, à cette période, Barrault s’est pris de passion pour la vie du célèbre mime des années 1830, Deburau, et par ricochet pour l’acteur contemporain du parlant Frédérick Lemaître. Il raconte alors à ses camarades que le mime a tué d’un coup de canne un homme qui a insulté sa compagne, et que tout Paris s’est précipité à son procès pour l’entendre parler ! Carné est enthousiaste à l’idée de mettre en scène le boulevard du Temple de cette période. Quant à Prévert, il s’enflamme pour un personnage à peu près contemporain qui est alors évoqué, Lacenaire : le poète assassin, l’écrivain public, l’escroc, l’anarchiste dandy avant la lettre, celui qui se dit victime de l’injustice de l’humanité et qui a déclaré la guerre à la société. Le scénariste perçoit d’emblée une chance qu’il ne peut que saisir : « On ne me permettra pas de faire un film sur Lacenaire mais


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b

a

Charles Debureau [a] et Jean-Louis Barrault en Baptiste Deburau [b].

je peux mettre Lacenaire dans un film sur Deburau »2. L’aventure cinématographique est lancée ! Il va d’emblée de soi que le compositeur Joseph Kosma et le décorateur Alexandre Trauner seront de la partie. Seulement, nous sommes en 1943, et ces deux derniers étant juifs, ils n’ont plus le droit de travailler. Grâce à la solidarité courageuse de Carné, de Prévert et d’autres membres de l’équipe, ils vont œuvrer dans la clandestinité. Maurice Thiriet et Georges Mouqué travailleront avec

Joseph Kosma 2

Alexandre Trauner

Image et son, n°189, 1965, p. 11.

Kosma et signeront seuls la musique. Léon Barsacq et Raymond Gabutti œuvreront quant à eux avec Trauner et signeront les décors. Pour créer dans de bonnes conditions, mais surtout parce que la nécessité de protéger Kosma et Trauner est de plus en plus urgente, Prévert loue une demeure isolée, le Prieuré des Valettes3. Retirée, cette bastide se trouve à cinq kilomètres du centre-ville de Tourrettes-sur-Loup, non loin de Saint-Paul-de-Vence. Outre le fait qu’il soit excentré, le Prieuré des Valettes a l’immense avantage d’être doté d’une porte à l’arrière, pour fuir en cas de descente de police. Ainsi, tout se met en place avec la complicité du noyau dur des équipes de tournage. Bien sûr, cette attitude n’est pas sans danger. Trauner explique par exemple avoir découvert après coup que gravitait autour des Enfants du paradis un réseau d’informateurs alimenté entre autres par les chauffeurs qui montaient des studios de la Victorine de Nice à Tourrettes-sur-Loup4. Le premier titre envisagé pour le film est Funambules, du nom d’un des théâtres du boulevard du Temple. L’étude des contrats nous apprend qu’il a été modifié entre le 22 avril et le 1er juin 1943. Quant à l’étude de la presse de l’époque, elle 3 Mrs Johanna Miller a acheté le Prieuré des Valettes en 1969. Nous la remercions très chaleureusement pour les renseignements qu’elle nous a gentiment fournis sur la configuration et l’histoire de cette bastide. 4 Jean-Pierre Berthomé et Alexandre Trauner, Décors de cinéma : entretien, Paris, Jade/Flammarion, 1988, 236 p., p. 71.


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PROLOGUE

rue Saint-Honoré un magasin de jouets qui avait pour nom Le Paradis des enfants. Le titre serait donc né de ces deux sources.

Les sources textuelles des Enfants du paradis

Le Théâtre des Funambules en 1862, détail d’un tableau d’Adolphe Martial Potémont.

permet d’être encore plus précis, de resserrer davantage la période de ce changement : entre le 24 avril et le 16 mai 1943. Nous l’avons dit, Les Enfants du paradis rend hommage au théâtre et au peuple modeste qui va se percher tout en haut, au paradis. Précisons que c’est le public préféré de Prévert, constitué des vrais spectateurs, de ceux qui participent, dont les réactions sont régies avec sincérité par le cœur. Les écrits du critique du XIXe siècle Jules Janin permettent aux créateurs du film d’apprendre beaucoup sur cette période, et notamment sur le paradis. D’autre part, dans un entretien enregistré le 17 août 19905, Carné explique que se trouvait 5 Dans Children of Paradise, DVD, The Criterion Collection, 2012.

Une phase de recherche documentaire précède toujours l’imaginaire, et tout travail effectif. Ainsi, avant le stade de l’inscription sur le papier, de l’ « encrage » des différents aspects d’un film, il existe en effet une indispensable étape de quête, de sélection puis d’appropriation des sources. Concernant Les Enfants du paradis, ces recherches furent d’autant plus nécessaires que l’histoire se déroule, nous l’avons précisé, durant la première moitié du XIXe siècle, que Deburau, Lacenaire et Lemaître sont des personnages qui ont existé et que le boulevard du Temple sur lequel ils évoluent est alors un haut lieu de la vie parisienne. Cette phase de documentation se fait essentiellement au Musée Carnavalet, au cabinet des estampes. Prévert, Trauner, Kosma et le costumier Antoine Malliarakis, dit Mayo, sont dans la région d’Antibes, Nice puis Tourrettes-sur-Loup. Le travail commence activement au printemps 1943. Le Prieuré des Valettes est loué à partir du 8 avril ; il devient une sorte de phalanstère pour le noyau dur de l’équipe. Carné fait des allers-retours entre le Sud et Paris, et rapporte des documents. Il en consulte et en


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duplique environ deux cents6. Prévert aurait effectué lui-même des recherches fin juin 1943, alors qu’il rendait visite à sa compagne Claudy Carter, qui tournait dans Les Mystères de Paris de Jacques de Baroncelli. Ce fut peut-être aussi le cas dès février 1943 ; il assiste alors à la représentation de Deirdre des Douleurs de John Millington Synge au Théâtre des Mathurins (codirigé par Marcel Herrand), pièce dans laquelle jouait Maria Casarès qui interprétera Nathalie (rôle que Prévert avait écrit pour Marie Déa, mais cette dernière était indisponible). Barrault évoque les écrits de Jules Janin7, qui est entre autres l’auteur de Deburau, Histoire du théâtre à quatre sous pour faire suite à L’Histoire du Théâtre-Français8. Charles Deburau est le célèbre mime qui a créé, avec son père Jean Gaspard, le type « Pierrot » qui engendra le personnage de Baptiste Deburau dans le film. Quand Janin publie son livre sur ce dernier en 1881, les critiques indignées s’abattent sur lui. Que le plus célèbre des critiques tombe aussi bas, quel scandale ! Il faut Sur les sources visuelles, voir l’article de Laurent Mannoni, « Les sources d’inspiration », Les Enfants du paradis. Le catalogue de l’exposition de La Cinémathèque française, Paris, Xavier Barral, 2012, 264 p., p. 51-69. 7 Jean-Louis Barrault, Une vie sur scène. Entretiens inédits avec Guy Dumur, Paris, Flammarion, 240 p., p. 98-99. 8 Jules Janin, Deburau, Histoire du théâtre à quatre sous, pour faire suite à L’Histoire du Théâtre-Français, préface par Arsène Houssaye, Paris, Librairie de Charles Gosselin, 1881.

préciser que si le romantisme perçait, la tragédie était encore portée aux nues. Il fallut donc une bonne dose de courage à Janin pour consacrer un livre à Deburau, et pour le révéler comme un grand comédien. Dans la préface, l’atmosphère est posée ; ce sera celle des Enfants du paradis : « L’Art Dramatique allait en voiture autrefois, il va à pied de nos jours ; il portait le cothurne ou le brodequin doré, il est en pantoufles dans la boue ; […] aujourd’hui l’Art Dramatique mange des pommes de terre frites sur le boulevard du Temple, il raccommode ses bas troués à la porte de son théâtre, il s’enivre chez le marchand de vin ; il avait du fard autrefois, il a de la farine

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À l’avant-scène des Funambules : Deburau – 1840.


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PROLOGUE

à présent. Autrefois il s’appelait Molé ou Talma, aujourd’hui il s’appelle tout simplement Deburau. Tout se compense. Donc, ne dédaignons aucune face de l’Art ; ne passons sous silence aucun de ses accidents, aucun de ses hasards »9. C’est bien dans cette époque en pleine agitation artistique que va s’inscrire le scénario : « Vous êtes dans un jour d’ennui et vous voulez vous distraire sans fatigue, allez aux Funambules, allez voir Deburau, allez, ce n’est plus qu’aux Funambules que vous trouverez aujourd’hui ce plaisir sans fiel, cet intérêt sans mélange, ce rire sans obscénité, cette satire sans malice, que la comédie nous promet depuis si longtemps »10. Une anecdote de la préface d’Arsène Houssaye renforce encore cet aspect roboratif : Deburau déprimé se voit conseiller par son Docteur – qui ignore l’identité de son patient – de soigner sa tristesse, son ennui, son spleen, son horreur de lui-même et des autres, d’aller voir Deburau. Suite à quoi ce dernier s’exclame exaspéré : « Je suis Deburau, Docteur ! »11. Outre cette peinture de l’esprit d’une époque, le livre de Janin pose d’autres jalons que Prévert saura saisir. L’un d’entre eux est à relever ; il concerne les amours de l’acteur : « Nous passons sous silence d’autres amours qu’on nous a contées. Interrogez une loge d’avantscène, où venait s’asseoir une autre Héroïne, qui comprit Deburau une des premières. Elle aussi, chaque soir, Ibid., p. 7-8. Ibid., p. 69. 11 Ibid., p. VI. 9

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élégante et parée, oubliant le bal pour son amour, elle venait à cette avantscène encourager de son sourire notre Héros naissant. Comment cela finit-il ? On l’ignore ! »12. On pense bien sûr à Garance, au début de la seconde époque. Les éléments scénaristiques relatifs aux amendes et à leurs tarifs, ou encore les prix des entrées des théâtres, trouvent aussi leur source dans l’ouvrage de Janin, qui en dresse l’inventaire. Un autre texte du célèbre critique est incontestablement lu par Prévert : l’article « Frédérick Lemaître aux Folies-Dramatiques »13. Janin fait le portrait suivant de l’acteur : « […] comédien du peuple, comédien des faubourgs, comédien de toutes les

Caricature de Frédérick Lemaître, par André Gill, publiée dans La Lune du 16 juin 1867.

Ibid. Jules Janin, « Frédérick Lemaître aux Folies-Dramatiques », texte saisi et mis en ligne par la Bibliothèque municipale de Lisieux (02.IV.2001) : vol. 4, « Petite critique », des œuvres de jeunesse de Jules Janin, publiées en 1883 par Albert de la Fizelière à la librairie des bibliophiles [url : http://www. bmlisieux.com/curiosa/janin02.htm].

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LES ENFANTS DU PARADIS DE MARCEL CARNÉ

Lemaître – Lithographie de Léon Noël – 1833.

passions aux joues rubicondes, aux bras nerveux, aux reins solides, qui vont le voir, l’admirer, l’applaudir ! Il se rit de vous tous, grands comédiens ! Il ne voudrait endosser à aucun prix votre casaque bariolée ; il méprise vos dentelles fanées, et c’est à peine s’il daignerait faire porter à son chien caniche vos chapeaux ornés de peluche et vos gilets bordés verts et or […] il a mieux que votre théâtre, il a un théâtre enfumé sur les boulevards ». Et dans son étude sur Deburau, Janin note, toujours au sujet de Lemaître : « […] le seul Comédien qui ait compris le drame moderne, le seul qui sache le jouer, le seul qui soit fait pour lui et pour lequel il soit fait »14. Grâce aux écrits de Janin, le décor est planté et les deux artistes sont déjà en partie caractérisés. Une autre source sert de terreau au scénario ; il s’agit du compte-rendu de la pantomime de Cot d’Ordan, présentée au Théâtre des Funambules le 1er septembre 1842 dans la mise en Jules Janin, Deburau, Histoire du théâtre à quatre sous, pour faire suite à L’Histoire du Théâtre-Français, op. cit., p. 61.

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scène d’Anselme Deburau, écrit par Théophile Gauthier le 4 septembre 1842 dans la Revue de Paris. Cette source est mentionnée sur la partition et l’argument manuscrit. Avant le récit de la pantomime, Gauthier évoque un public que le scénario mettra à l’honneur : « […] un public en veste, en blouse, en chemise souvent, les bras nus, la casquette sur l’oreille, mais naïf comme un enfant à qui l’on compte la Barbe bleue, se laissant aller bonnement à condition d’être amusé, un véritable public, comprenant la fantaisie avec une merveilleuse facilité ». Puis il évoque aussi le « désespoir des grands écrivains », qui n’est pas sans rappeler celui de ceux férocement tournés en ridicule dans Les Enfants du paradis. Notre propos ne consiste pas à proposer une étude détaillée de l’adaptation que Prévert fait de ce compte-rendu, mais il est intéressant de relever que deux tableaux de la pantomime du scénario sont des créations du scénariste. Il s’agit du premier tableau de la première époque : la statue de Phœbé, dont Pierrot est amoureux, est animée par Arlequin ; Phœbé et Arlequin quittent le parc pendant que Pierrot somnole. Le gardien des lieux en déduit que Pierrot l’a dérobée et il le poursuit. Nuançons quand même notre propos en mentionnant qu’un film Pathé frères de 1910, Fumée d’ivresse, proposait une histoire similaire, résumé de la sorte dans Ciné-Journal le 6 août 1910 : « Pierrot ivre arrive aux pieds d’une statue dans un parc. Il s’endort. La statue alors s’anime et, devant les


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yeux éblouis de Pierrot esquisse des pas de danse. Mais lorsqu’il s’éveille, la statue a réintégré son socle » ; impossible d’affirmer que Prévert l’a visionné et qu’il s’en est inspiré mais la similitude est troublante. Autre création de Prévert, le deuxième tableau de la première époque : Pierrot voit Phœbé et Arlequin tendrement enlacés ; désespéré, il cherche à se pendre à un arbre, avec une corde que lui réclame respectivement une petite fille pour s’amuser, et une lavandière pour étendre son linge. Précisons que l’acte suicidaire est récurrent dans les scénarios de Prévert15. Le scénariste est donc très intéressé par Lacenaire. es deux principales lectures ont sans doute été les Mémoires de Lacenaire16 et Lacenaire ou le romantisme de l’assassinat de Jean LucasDubreton17. Il puise des éléments clés dans le second (qui semble avoir eu sa Voir Carole Aurouet, « Le suicide dans les scénarios de Jacques Prévert », dans Carole Aurouet, Daniel Compère, Danièle Gasiglia-Laster et Arnaud Laster (dir.), Jacques Prévert, frontières effacées, Actes du Colloque de l’université La Sorbonne Nouvelle, Lausanne, L’Âge d’homme, 2003, 215 p., p. 121-129. 16 Pierre-François Gaillard, dit Lacenaire, Mémoires, révélations et poésies de Lacenaire, écrits par lui-même à la Conciergerie, Paris, Chez les Marchands de nouveauté, 1836, deux volumes [repris dans Mémoires de Lacenaire avec ses poèmes et ses lettres, suivis de témoignages, enquêtes et entretiens présentés par Monique Lebailly, Paris, éds Albin Michel, 1968, 345 p.]. 17 Jean Lucas-Dubreton, Lacenaire ou le romantisme de l’assassinat, Paris, éds de la Nouvelle Revue Critique, 1930, 255 p. 15

Lacenaire – Lithographie de Junca – 1835.

préférence) : de la tentative d’assassinat ratée du garçon de recette Genevay qui tient sa sacoche et crie « Au voleur ! À l’assassin ! »18, aux informations sur l’enfance de Lacenaire (« À douze ans, racontera-t-il sans sourire, j’avais déjà beaucoup pensé »)19 en passant par la phrase « On dirait de lui désormais, il était poète et assassin »20. Dans cet ouvrage, Lacenaire se juge « incompris, inassouvis, tourmenté d’un génie en puissance, cherchant la voie et la trouvant fermée », « toute occupation, tout travail régulier lui répugne », « de là à déclarer la guerre à la société, aux hommes qui vivent selon la loi établie vaille que vaille, il n’y a qu’un pas ; et Lacenaire a une logique dont il tire une vanité féroce et qu’il expose à tout propos »21. Notons aussi cette anecdote significative, que Prévert a bien relevée et utilisée. Place des Terreaux à Lyon, Lacenaire enfant assiste avec son père à une exécution capitale. En lui montrant la machine, son père lui Ibid., p. 121. Ibid., p. 18. 20 Ibid., p. 155. 21 Ibid., p. 10-11. 18

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dit : « Tiens, si tu ne changes pas, c’est ici que tu finiras ! Propos maladroit, dangereux, qui avait “mordu l’âme” » de Lacenaire »22. Le propos est repris ainsi dans le film : « Pierre-François, vous finirez sur l’échafaud ». Cette anecdote inspira aussi à Prévert son poème « Le Retour au pays » (Paroles, 1946), publié sous le titre « Fait divers » le 18 mars 1937 dans le n°7 de la revue Soutes ; l’intérêt de Prévert pour Lacenaire est ancien. On apprend aussi dans Lacenaire ou le romantisme de l’assassinat que le poète-assassin est surnommé « La Demoiselle » à cause de « ses mains fines et blanches »23, une caractéristique physique utilisée dans le scénario. À cette présentation non exhaustive des sources, ajoutons Lacenaire après sa condamnation, ses conversations intimes, ses poésies, sa correspondance, un drame en trois actes24 d’Hippolyte Bonnelier et Jacques Arago. Le scénario y puise

Lacenaire à l’oeuvre, dans une illustration d’époque. Ibid., p. 21. Ibid., p. 79. 24 Hippolyte Bonnelier et Jacques Arago, 22 23

l’épisode avec M. Scribe (qui a inspiré celui entre Lacenaire et Lemaître), « un auteur heureux, à la mode, et dont les pièces, presque infailliblement, avaient du succès »25. Le poète-assassin veut lui soutirer de l’argent. M. Scribe lui donne deux louis. Bien lui en prit, il serait mort sinon. « […] si Monsieur Scribe m’avait refusé, il ne ferait plus aujourd’hui ni vaudevilles, ni opéras, ni comédies »26. Ajoutons qu’une lettre du 29 décembre 1835, de Lacenaire à Jacques Arago, aide à cerner le personnage auquel Prévert sera fidèle : « Que parlez-vous de fatalité, monsieur, c’est l’excuse du faible qui cherche à se justifier. Non, non, je ne suis pas la victime de la fatalité, je suis celle de l’indifférence et de l’égoïsme des hommes »27. La question de la liberté des individus et de leur capacité à prendre en main leur destin est prégnante. De façon moins flagrante, citons aussi quelques références bibliographiques qui ont probablement été consultées, moins pour la caractérisation des personnages que pour l’atmosphère générale : Le Théâtre des Funambules, ses mimes, ses acteurs et ses pantomimes, depuis sa fondation jusqu’à sa démolition de Louis Pericaud28 et Lacenaire : ses crimes, son procès ; suivis Lacenaire après sa condamnation, ses conversations intimes, ses poésies, sa correspondance, un drame en trois actes, Paris, éds Marchant, 1836. 25 Ibid., p. 95. 26 Ibid., p. 98. 27 Mémoires de Lacenaire avec ses poèmes et ses lettres, op. cit., p. 183. 28 Louis Pericaud, Le Théâtre des Funambules, ses mimes, ses acteurs et ses pantomimes, depuis sa fondation jusqu’à sa démolition, Paris, L. Sapin, 1897.


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de ses poésies, et chansons et de documents authentiques et inédits, recueillis par Victor Cochinat29. Enfin, précisons que Prévert aurait donné à Lacenaire certains traits d’un personnage éponyme qu’il avait envisagé dans un projet avorté : Milord l’Arsouille. Dans les années 1830, il fut l’une des célébrités du Carnaval de Paris. C’était un jeune parisien fortuné, de son vrai nom Charles de la Battut. En argot, un arsouille désigne un fêtard, un mauvais sujet.

Des artisans du cinéma à l’œuvre en parfaite symbiose L’intérêt d’être ainsi réunis en un même lieu est évident : les échanges sont facilités, la cohésion est optimale, favorisant l’inspiration et la dynamique créatrice, ce que confirme Carné : « Que l’auteur littéraire, le réalisateur et le décorateur soient réunis dans un même lieu, c’était en l’occurrence l’idéal. Nous travaillions vraiment en commun, chacun interrogeant l’autre dès qu’il sentait la nécessité d’avoir son avis »30. C’est Carné qui fait le plus d’allers-retours entre le Sud et Paris, au musée Carnavalet, pour ramener la documentation indispensable sur le boulevard du Crime des années 1830, Lacenaire : ses crimes, son procès ; suivis de ses poésies, et chansons et de documents authentiques et inédits, recueillis par Victor Cochinat, Paris, J. Laisné, 1857. 30 Marcel Carné, La Vie à belles dents, Paris, Jean-Pierre Ollivier, 1975, 482 p., p. 222. 29

sur Lacenaire, Lemaître et Deburau. Le matériau réuni est centralisé dans la salle à manger, transformée en atelier. Prévert écrit l’histoire. Kosma joue du piano et compose ses thèmes. Trauner dessine les décors, Mayo les costumes. Six mois sont nécessaires pour l’écriture du scénario. C’est un travail de longue haleine. Quand une journaliste lui demande combien de temps il a mis à composer cette histoire, Prévert répond : « Six mois. C’est long, mais le film aussi est long. »31. Comment l’a-til écrit ? Prévert ne sacralisait pas ses brouillons, si bien que beaucoup ont été égarés. Heureusement quelques-uns sont parvenus jusqu’à nous, permettant ainsi d’appréhender sa manière de créer. On constate que Prévert n’accordait pas d’importance à ses manuscrits. Son attitude à cet égard est en effet visible dans l’espace créatif même. Ainsi ses brouillons scénaristiques sont parsemés de facéties. Sur celui des Enfants du paradis est par exemple écrit : « MERDE À CELUI QUI LIRA. Ce qu’il est bête » et « DERNIÈRES NOUVELLES : Jésus-Christ est parti sans laisser d’adresses »32. Ces brouillons Action, interview de Jacques Prévert par Cécile Agay, avril 1945. 32 Voir la reproduction de ce document et son analyse précise dans Carole Aurouet, « De la planche enluminée au découpage technique, l’écriture du scénario », dans Laurent Mannoni et Stéphanie Salmon (dir.), Les Enfants du paradis. Le catalogue de l’exposition de La Cinémathèque française, op. cit., p. 75-89 ; voir aussi Carole Aurouet, Le Cinéma dessiné de Jacques Prévert, Paris, Textuel, 2012, 188 p., p. 108-113. 31


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Jacques Prévert.

contiennent aussi des trous de cigarettes, des ronds de tasses de café, etc., autant d’empreintes significatives d’une non sacralisation de la création. Ils constituent bien en revanche le témoignage capital et passionnant d’un travail en gestation. La première étape scénaristique des Enfants du paradis est une grande feuille de bristol quadrillée avec de petits carreaux, de format 61x80.9 cm. Prévert la cloisonne avec des lignes horizontales, tracées main levée. Il compartimente ainsi sa page pour se créer une trame sur mesure qu’il va remplir. Il use de façon récurrente de ce canevas initial, qui prépare et organise sa création. La plupart du temps, Prévert accroche ce support au mur, pour avoir constamment son plan sous les yeux. Un témoignage du réalisateur Claude Autant-Lara33 nous permet d’avoir connaissance de cette pratique. Il peut aussi arriver à Prévert de punaiser sa planche sur son bureau, sur sa table de travail. L’esquisse scénaristique des Enfants du paradis est en effet trouée aux angles gauches et au centre, en bas comme en haut. Il en fut très probablement Claude Autant-Lara, Le Coq et le Rat, Châtillon-sur-Chalaronne, éds Le Flambeau, 1991, 261 p., p. 64.

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de même aux angles droits, mais ces derniers sont déchirés. À l’extrémité gauche des lignes tracées, le scénariste indique les noms des personnages, par ordre décroissant d’importance. Plus le protagoniste endosse un rôle conséquent, plus la ligne qui lui est consacrée est large : 4 à 5 cm pour les premières, 3 cm ensuite, puis 2 cm pour celles des personnages plus secondaires. Éventuellement sont mentionnés les acteurs envisagés puisque Prévert conçoit ses rôles pour des comédiens, qui sont souvent ses amis. Il aime profondément les acteurs et il est attentif à les servir par des textes qu’ils pourront interpréter. Le scénariste s’occupe en grande partie de la distribution. C’est pourquoi on retrouve une sorte de bande à Prévert de comédiens. On note sa volonté de trouver un rôle à ses amis via la création de nombreux personnages secondaires ; la troupe des mimes est ici particulièrement révélatrice. Les acteurs Raymond Bussières, Maurice Baquet, Marcel Duhamel sont pressentis ; des amis de longue date qui appartenaient déjà au groupe Octobre34. Cette planche enluminée est si foisonnante et variée qu’elle peut au premier abord donner l’impression d’un immense fatras. Cependant, l’analyse de cette dernière révèle une logique récurrente de remplissage d’un cadre préétabli. Prévert s’invente De 1932 à 1936, Prévert est l’auteur de cette troupe de théâtre d’agitationpropagande. Il écrit alors une cinquantaine de pièces, de sketches et de saynètes. Voir Michel Fauré, Le groupe Octobre, Paris, Christian Bourgeois, 1977, 402 p.

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une méthode singulière de création cinématographique et débute ses scénarios par les personnages. Les lignes se remplissent avec des mots et des dessins, et viennent se positionner dans une architecture antérieurement créée. Ce remplissage se fait par digression, par addition, par expansion, par dilatations successives. On devine que Prévert revient souvent sur son travail, ce qui corrobore le fait qu’il ait besoin d’avoir une grande esquisse constamment sous les yeux. Sa première étape scénaristique est très visuelle ; elle dépasse en quelque sorte le stade littéraire pour entrer d’emblée dans l’univers cinématographique. La qualité principale du scénario de Prévert réside dans la densité de la structure dramaturgique. La multiplication des intrigues périphériques donne sa force à l’histoire, la rendant plus vivante et captivante. Elle est également le moyen de créer des personnages secondaires nombreux et variés. L’amour est donc le thème central, mais il permet d’aborder la question de la liberté individuelle et de la capacité des hommes à s’émanciper de leurs diktats sociaux. Ce qui frappe aussi dans ce scénario, c’est la présence de personnages féminins émancipés. Garance et Nathalie sont en effet différentes de la plupart des figures féminines cinématographiques de l’époque, souvent cantonnées aux rôles de faire-valoir des hommes. Enfin, les dialogues de Prévert font mouche, ils fonctionnent à l’émotion, avec une apparente simplicité pourtant fort

difficile à obtenir. Ils viennent du cœur et vont au cœur, et sont prononcés avec « des mots de tous les jours », pour reprendre une expression de Garance sur laquelle nous reviendrons dans le récit du film. Le peintre Mayo est un ami de Prévert et Trauner. À leur demande, il va se charger des costumes. Sa femme et sa belle-mère travaillent chez Lanvin, qui fournira des stocks de tissus. Mayo et Trauner dessinent et peignent l’un à côté de l’autre. Prévert travaille étroitement avec Mayo, dont c’est le premier film. C’est important qu’ils coopèrent pour concevoir cette seconde peau de l’acteur qu’est le costume. Chaque détail est signifiant : les boucles d’oreilles en forme de cœur de Garance, la croix

Maquette de Mayo pour le costume de Pierrot de Baptiste dans Les Enfants du paradis.


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que Nathalie porte autour du cou, les vêtements étriqués qui oppressent Baptiste, l’élégance de Lacenaire qui s’efface soudain devant celle du Comte Édouard de Montray, etc. Ces maquettes de Mayo sont en couleurs, pour un film en noir et blanc. Pour les costumes comme pour les décors, les maquettes en couleurs permettent de mesurer le niveau, la densité des gris de la future image en noir et blanc. Maquette d'Alexandre Trauner pour le Les interactions sont constantes. Prévert fait part de ses idées à Trauner, boulevard du Crime. qui les matérialise par des dessins, pour voir comment les lignes se apportant ainsi à son tour des éléments. coupent. De fait, il ne les affectionne La discussion est permanente et les pas. Et puis Trauner est peintre avant idées se nourrissent de ces échanges, d’être architecte. Le problème principal comme Trauner l’explique : « C’était rencontré par le décorateur fut qu’il une association qui nous a permis de fallait photographier Paris avec un ciel travailler dans une certaine forme de bleu du Sud, dégageant une mauvaise plaisir et de conviction. Luxe que très lumière. L’autre difficulté était la taille peu de gens peuvent se permettre du décor du boulevard du Crime : aujourd’hui entre techniciens. Le travail 80 mètres de long, auquel il fallut que nous avons fait alors a existé, c’est ajouter 20 mètres en trompe-l’œil, et défendable, on peut le projeter, il est là. une largeur importante pour que les Cela peut encore avoir lieu quelquefois, carrosses se déplacent parmi la foule car mais pas souvent parce que tout est il y avait jusqu’à 2 000 figurants sous tellement hiérarchique dans le sens où le feu des projecteurs ! Mais Trauner tout le monde veut être l’auteur. C’est excellait dans la construction de décors une erreur. On ne sait pas ce qu’est dits en « fausse perspective ». Et Carné un auteur exactement »35. Les décors savait employer l’optique appropriée, ont nécessité trois mois de dessin et soit un objectif à courte focale, pour autant de construction. L’élément le les optimiser. Léon Barsacq dirigera plus important fut le boulevard du l’exécution de ces décors que Trauner Crime. Les maquettes de Trauner sont était contraint de suivre depuis le des tableaux en couleurs. Il estime en Prieuré. Épisode malheureux : le décor a effet que celles en volume donnent une été endommagé par de violents orages : fausse impression car il est nécessaire 67 500 heures de travail ont alors été de se situer à un endroit bien précis nécessaires pour le reconstruire. 35

Positif, n°223, octobre 1979.


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Le réalisateur est très attentif à la partition naissante, ce dont témoigne Kosma : « Nous disposions là-haut d’un invraisemblable piano, duquel aurait pu naître la musique à un quart de ton si de hardis novateurs n’y avaient pas pensé avant nous. Carné écoutait les sons curieux et parfois inattendus qui sortaient de l’instrument, mais il a de bonnes oreilles et il savait ce qu’il voulait… »36. Kosma compose au piano. Même s’il s’est dirigé vers le cinéma par nécessité, il aime ce type de créations : « […] en dépit des mille servitudes auxquelles le musicien de films se trouve soumis, c’est une forme d’expression valable et moderne »37. À partir des extraits de la pantomime de Deburau, Chand d’habits, qu’il a insérés dans le long métrage, Kosma va reconstituer la pantomime dans son ensemble. De retour à Paris, il l’offrira à Barrault, qui la montera au théâtre Marigny sous le titre Baptiste.

Focus sur le travail du duo Carné/Prévert En 1956, François Truffaut évoque « des films de Jacques Prévert mis en image par Marcel Carné »38. En 1971, Arletty compare quant à elle Marcel Carné à un « Karajan du 7e art »39. Ciné-Club, n°1, décembre 1949. Maurice Fleuret (dir.), Joseph Kosma (1905-1969). Un homme, un musicien, La Revue musicale, 1989, p. 39. 38 François Truffaut : « Critique du Pays d’où je viens », dans Arts ; lettres ; spectacles : 31 octobre – 6 novembre 1956, p. 3. 39 Arletty, La Défense, Réédition Ramsay

27 Ces propos laissent entendre que Carné ne serait qu’un simple chef d’orchestre de la partition de Jacques Prévert. Cette ancienne idée reçue selon laquelle Carné ne serait qu’un imagier, un illustrateur du texte de Prévert, le journaliste de cinéma Pierre Philippe la nomme dès les années 1960 « la tarte à la crème des cinéclubs »40. Sans appréhender la collaboration de Carné et Prévert en termes de subordination et d’échelle de valeur, essayons de mettre au jour la manière dont ils travaillent sur Les Enfants du paradis. Lors du tournage, Carné veille à ne jamais altérer le dialogue de Prévert. Dans un entretien avec Robert Chazal41, le réalisateur confie : « La seule chose que je respecte scrupuleusement, c’est le dialogue. C’est pourquoi je n’accepte pas que les acteurs le modifient en cours de tournage ». Ce qu’il faut bien comprendre c’est que pour Carné, le découpage technique est le film à tourner. Il est un adepte du découpage définitif qu’il essaie de réaliser en l’état. Prévert quant à lui ne se rend pas sur les tournages. Il n’en éprouve pas la nécessité. Ni l’un ni l’autre ne sont des « réalistes ». Carné est à l’aise dans la recomposition, dans la reconstruction en décor. Il sait reconstituer et saisir l’atmosphère d’une époque en images. C’est un cinéaste de la minutie. Il donne

36 37

Poche Cinéma, 2007 (1971, La Table Ronde), 285 p., p. 166. 40 Cinéma 65, avril 1965. 41 Entretien inédit par Robert Chazal dans Robert Chazal, Marcel Carné, Coll. Cinéma d’aujourd’hui, Seghers, n°35, 1965, 191 p., p. 10.


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à voir l’apparence de vie quotidienne des scénarios de Prévert, qui propose en fait une vision très personnelle, un véritable monde intérieur, une position sur la vie. L’acteur Raymond Bussières explique que « Carné “encadrait” bien le délire de Jacques », mais il ajoute (la suite de la phrase a souvent été oubliée) : « Même si c’est Jacques qui racontait des histoires de prolos, d’ouvriers, de révoltés, c’est quand même Carné qui en a fait des films aux images inoubliables »42. Prévert est lucide, il sait qu’il n’est d’aucune utilité sur le plateau : il n’aime pas diriger les gens, et il en est bien incapable. Ce rêve de beaucoup de scénaristes de faire œuvre complète, jusqu’à la réalisation, n’est pas du tout celui de Prévert. Marcel Carné a les qualités d’un cinéaste : il sait agréger et diriger les talents. Ce n’est pas un scénariste. C’est un excellent technicien et meneur d’hommes. Prévert a parfaitement conscience des difficultés rencontrées par le metteur en scène. Carné en évoquera d’ailleurs certaines très explicitement dans le manuscrit du

Marcel Carné. Raymond Bussières, Les Cahiers de la Cinémathèque, n°5, 1975, p. 5.

discours qu’il prononcera à l’Académie des Beaux-arts le 14 mai 1980, à l’occasion de son installation comme membre de la section des Membres libres : « Pour œuvrer valablement l’auteur d’un film est contraint de faire appel à des moyens financiers, toujours plus importants, souvent considérables. L’insupportable est que ceux qui lui fournissent les dits moyens entendent intervenir dans le travail de création, aussi bien dans l’élaboration de l’œuvre que dans sa réalisation et sa finition. Je ne compte plus le nombre de fois où, au cours de telles discussions, il m’est arrivé d’envier la liberté de création d’un romancier devant sa page blanche, ou celle du peintre devant sa toile encore vierge… Certes, et je ne le nie pas, la commande existe également dans le domaine de la peinture et de la musique, et davantage encore dans celui de l’architecture, laquelle comme le cinéma exige des moyens matériels importants. Cependant, je doute que, la commande passée, le financier exerce un contrôle au cours de l’exécution de l’œuvre. Au cinéma, si. » Il existe bien ce que Carné appelle « une identité de vue et de réaction »43 entre Prévert et lui dans le travail. À l’œuvre, ils sont complices et complémentaires. Ils font front commun contre la censure, officielle et officieuse, celle qui ne dit pas son nom, les volontés des producteurs, les vetos de vedettes, etc. Carné sait s’emparer avec brio du scénario de Prévert. Les images qu’il invente naissent des dialogues et sont

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Robert Chazal, Marcel Carné, op. cit., p. 99.


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au service des mots. Il conçoit chaque plan en adéquation avec le verbe. Il est particulièrement doué pour les scènes de foule, pour le mouvement qu’il parvient à y insuffler. Et il excelle dans l’alternance des scènes d’ensemble et des plans rapprochés sur les visages, souvent de face, mettant à nu les personnages et leur solitude. Pour réussir une telle mise en scène et mener à bien un tel projet, il faut faire preuve de rigueur et de persévérance. Carné a la réputation d’être exécrable sur les plateaux mais peut-il en être autrement sur un tournage d’une telle ampleur, qui fut de plus intimement lié aux événements de la Seconde Guerre mondiale ? Le travail de Carné et Prévert était donc complémentaire et leurs qualités en parfaite symbiose. Prévert laissait Carné libre, à partir du moment où le scénario était terminé. Carné veillait à la lettre au respect du texte de Prévert. Avec des acteurs pour qui les rôles avaient été écrits sur mesure, et qui maîtrisaient leur art comme Arletty, Barrault ou encore Brasseur, Carné pouvait alors se concentrer sur cette gestion titanesque qu’est un tournage et sur la technique dans laquelle il était un maître.

Les productions DisCina et Scalera puis Pathé Les Enfants du paradis débute grâce au producteur André Paulvé. Il convient de lui rendre hommage car si son nom ne figure pas au générique (car Pathé reprit le projet le 14 octobre 1943) c’est quand

29 même grâce à lui que tout a commencé. DisCina est une société fondée en 1938. D’abord uniquement distributrice, puis productrice à partir de 1941, DisCina a passé un contrat avec la Scalera Film de Rome, contrat qui sera rompu avant l’exode, mais dont les liens resteront avec la filiale de Scalera à Paris. En 1942, DisCina coproduit avec Scalera Les Visiteurs du soir, le Carné/Prévert qui précède Les Enfants du paradis. À sa tête se trouve une personnalité majeure du cinéma des années 1940 : André Paulvé, son fondateur et son directeur. C’est un homme qui va faire tout son possible pour faire vivre le cinéma français, dans la délicate période de l’Occupation notamment. Il va se battre pour que le cinéma français existe en dehors de la Continentale et d’Alfred Greven, envoyé alors par Berlin pour contrôler la production française. Il déploie tous ses efforts pour produire un cinéma original et de qualité, malgré le contexte historique. Le projet se met en place. Paulvé est partant pour cette nouvelle aventure ! Le 17 février 1943, Prévert signe son contrat avec lui pour DisCina alors que le film a pour titre Funambules. En mars, avril et juin 1943, DisCina engage notamment Jean-Louis Barrault, Arletty et Louis Salou. En juillet 1943, DisCina fait construire des décors à Nice, au studio de la Victorine. Et Scalera loue à Pathé des studios rue Francœur à Paris. Les Italiens sont bien impliqués dans le projet. Les relations de Paulvé et DisCina avec Scalera permettent de produire Les Enfants du paradis, avec l’apport de capitaux italiens. Sans eux, Paulvé


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et DisCina n’y seraient pas parvenus. C’est une période de restriction de matières premières, la pellicule manque cruellement et la durée des films est limitée. Or, Les Enfants du paradis est un film long, en deux époques. Le 17 août 1943, le tournage débute avec les scènes de la première époque : celles au Grand Relais et celles entre Baptiste et Arletty sur la barrière de Ménilmontant. Le 8 septembre 1943, le tournage est interrompu. C’est un désastre pour le cinéma français. Désastre est le terme vraiment approprié. C’est l’Occupation. Le tournage des Enfants du paradis témoignait de la vitalité du cinéma national, après le triomphe des Visiteurs du soir. Le débarquement allié en Sicile et l’armistice signé par les Italiens avec les Britanniques et les Américains entraînent l’invasion de la zone sud par les Allemands, et leur installation à Nice. La production italienne n’est plus la bienvenue. Scalera interrompt toutes ses activités en France. Le tournage des Enfants du paradis est arrêté. Le 11 octobre 1943, Pathé s’engage à poursuivre la production. Le 9 novembre 1943, le tournage reprend. Il se terminera définitivement fin 1944. André Paulvé a donc été le premier producteur des Enfants du paradis. Il a échangé avec Carné et Prévert. Il a négocié et arrêté les conditions d’engagement de Carné, Prévert, Barrault, Arletty, Salou et des principaux techniciens. Il a contrôlé l’établissement du devis et du plan de travail. Bref, toute la préparation

du film s’est faite sous sa direction. Puis Pathé a repris le film et l’a mené à bien. Mais s’il n’y avait pas eu André Paulvé, un projet d’une telle ampleur, dans une telle période, aurait-il trouvé un producteur ?44 En 1943, un film revient en moyenne à 7 500 000 francs. Le 6 mai 1944, Pathé estime que Les Enfants du paradis a coûté 42 500 000 francs, sans les investissements initiaux de Scalera.

La sortie du film à la Libération La sortie du film est volontairement retardée jusqu’à la Libération afin d’être proposée au public dans une France délivrée qui devrait le recevoir avec ferveur. La première projection mondiale a lieu au profit des œuvres sociales du cinéma et du Livret du prisonnier et est donnée au Palais de Chaillot le 9 mars 1945 à 19 heures. Les places sont vendues entre 200 et 1 000 francs. Le 14 mars, Les Enfants du paradis est projeté en première exclusivité à Paris, au Colisée et au Madeleine-Cinéma, où 428 738 spectateurs iront le voir en 1945. Le prix des places est de 95 francs. C’est un véritable triomphe public. Avant la fin de l’année 1945, 27 copies pour la France et 14 pour l’étranger seront tirées. Voir l’article de Jean-Pierre Berthomé et Guillaume Vernet : « Des parents italiens pour Les Enfants du paradis », 1895, n°67, 2012, p. 32-61.

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L’accueil est enflammé et l’adhésion quasi générale45. Le 8 mars 1945, Léon Moussinac écrit dans La Marseillaise : « Sensibilité et intelligence, de la conception à la réalisation, du découpage à l’interprétation, du dialogue au décor, de la lumière à la musique, voilà ce qui règne dans ces images étonnantes. Il faudrait féliciter nommément tous les collaborateurs que Marcel Carné a su choisir et diriger ». Quant à Georges Sadoul, dans Les Lettres françaises du 17 mars 1945, il note : « Le chef d’œuvre de Marcel Carné, le chef d’œuvre de Jacques Prévert… Ils ont pu faire un film qui dure plus de trois heures et peindre ainsi les caractères et les situations avec une complexité généralement réservée aux seuls romanciers. Ils ont ainsi pu se réaliser pleinement et peut-être ne dépasseront-ils jamais ce point de perfection ». Mais des voix dissidentes se manifestent. Contrairement à ce qui est souvent dit, la réception critique n’est pas immédiatement unanime, même si elle demeure majoritairement élogieuse. Quant au public, il se montre dans l’ensemble plutôt emballé. Cependant, Carné raconte que lors de la première projection l’accueil des spectateurs était tiède : redoutant de rater le dernier métro, ils s’impatientaient devant la longueur du film ! Toujours est-il que Les Enfants du paradis est aujourd’hui considéré dans le monde entier comme l’un des plus grands films du cinéma français. Voir « La parole à la critique en 1945 » dans les Annexes de cet opus.

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Document promotionnel japonais – 1952.


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