«Close encounters»: les jeux de l’amour et de l’adolescence MIS EN LIGNE LE 14/05/2019 À 10:37 PAR CATHERINE MAKEREEL (/3773/DPI-AUTHORS/CATHERINE-MAKEREEL)
Au KunstenFestival, Anna Rispoli vous invite en tête-à-tête avec un ado pour parler d’amour, entre autres. Guidé par la voix d’un autre ado dans l’oreillette, vous recréez une conversation passée.
Anna Rispoli (premier rang, au centre) et ses « étudiants-performeurs » devant La Monnaie. - D.R.
A
nna Rispoli a l’art d’imaginer des dispositifs insolites. On l’a d’abord
découverte avec une œuvre d’art lumineuse qui impliquait 500 appartements d’un foyer bruxellois : en faisant clignoter la lumière à l’intérieur de leur appartement, les habitants lançaient un message en morse à la ville. Dans une autre édition, l’artiste nous faisait grimper en haut d’une tour, avec un point de vue imprenable pour observer notre condition humaine. La saison dernière, c’est dans un hôtel de passe que nous la retrouvions pour revivre une conversation entre des personnes qui n’auraient jamais dû se rencontrer : un ancien député libéral, une jeune footballeuse de Molenbeek, une artiste adepte du polyamour, etc. Pour sa nouvelle création, Close encounters , cette Italienne d’origine creuse toujours la même obsession : comment créer des espaces où remplacer la peur de l’autre par le désir de l’autre ? Cette fois, elle a travaillé avec les élèves de deux écoles différentes, l’Institut Dominique Pire dans les Marolles et l’Atheneum GO ! for business à Molenbeek.
Dans le cadre du projet The Class, organisé sur trois ans par le KunstenFestivaldesArts, ces étudiants ont d’abord assisté à des spectacles, puis participé à des ateliers artistiques avant de co-créer aujourd’hui une œuvre avec Anna Rispoli. L’idée, comme toujours, est de créer un espace de frictions entre des zones a priori éloignées. « Le rapport entre les générations fait que, en tant qu’adulte, on ne sait pas toujours comment parler avec les ados et inversement, sourit Anna Rispoli. D’ailleurs, entre nous, ça a été une exploration mutuelle puisque moi, je n’avais jamais travaillé avec des jeunes, et eux n’avaient jamais travaillé sur une création artistique contemporaine. On s’est découvert petit à petit et ça a parfois été une bataille, des deux côtés. »
Conversation intime Pour laisser éclore la parole des jeunes dans un cocon réconfortant, la metteuse en scène les a emmenés à La Monnaie, mais pas dans le décorum impressionnant du plateau, plutôt dans les coulisses, les loges, des couloirs cachés. « On a fait beaucoup d’interviews. On a joué, produit des textes, déliré. Puis on a sélectionné des fragments de conversation de jeunes à jeunes. Tout a été retranscrit et réenregistré par d’autres voix. Ce relatif anonymat a aidé à la libération de cette parole. L’idée n’est pas de casser des préjugés en montrant qu’ils sont sages ou équilibrés mais, c’est plutôt l’idée d’empowerment : donner voix à une jeunesse peu entendue. Faire une photographie proche du réel. Remettre au centre une parole minoritaire, une parole libre de bonnes intentions, sur l’amour, l’autorité, l’intimité. » Par créneau de 30 minutes, chaque spectateur rencontrera un étudiantperformeur. Une fois installé confortablement, le jeune offrira au spectateur une de ses deux oreillettes, lancera depuis son téléphone l’enregistrement d’un dialogue et invitera son partenaire adulte à le reconstituer ensemble. « Pendant que les deux répètent les mots suggérés dans le casque, le jeune et l’adulte s’étudient d’un regard prudent, jouent à deviner combien les propos prononcés correspondent à leur vision du monde, cherchent à combler le mystère que chacun représente pour l’autre : Qui es-tu ? Qui suis-je à tes yeux ? » Le tout dans l’intimité d’un balcon de ce théâtre à l’italienne qu’est La Monnaie : « Dans l’histoire du théâtre, les loges ont toujours représenté l’endroit idéal pour une conversation intime, pour partager des confidences et des secrets. » Les 18 et 25 mai à La Monnaie (Bruxelles), à 14h00 et 18h00. (https://www.kfda.be/fr/programme/close-encounters)