Les Lutins de la Ronde Conte
StĂŠphane Van Hoecke
Galos
Touvel
Perlouette
Stéphane Van Hoecke
Les Lutins de la Ronde Conte
Outil pédagogique Lutin Guides Catholiques de Belgique
Un conte de Stéphane Van Hoecke Avec la collaboration de Gaëlle Michel et de Céline Van Hée Illustrations : Véronique Hariga Réalisation graphique : Alice Bouillard Equipe Communication et publications GCB © Guides Catholiques de Belgique, Bruxelles, 2011 Toute reproduction, même partielle, de ce texte, par quelque procédé que ce soit, est strictement interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur.
Le village de la Ronde
« La Ronde ». C’est le nom d’un village. J’aime bien ce nom. Et si j’aime bien ce nom, c’est parce que j’aime bien ce village… Et aussi les gens qui y vivent… Parce que, dans ce mot, il y a comme quelque chose qui résonne doux et rond, comme quelque chose de chaleureux et d’accueillant… C’est un nom un peu particulier pour un village, mais il dit bien ce qu’il veut dire : la Ronde est vraiment ce lieu doux et rond, chaleureux et accueillant dans lequel tout le monde voudrait vivre. Toi, par exemple ? Et tu sais pourquoi il s’est appelé comme cela ? Attends, je t’explique. En ce temps-là, il y a longtemps, on avait oublié de lui donner un nom ! C’était un village comme tous les autres villages : avec ses maisons et ses habitants, ses rues et ruelles, ses magasins et 3
ses ateliers, son église, son école et sa plaine de jeux. Ce qu’il y avait de particulier, c’est que le centre du village n’était pas la place de l’église comme souvent ailleurs. Non, le centre, depuis toujours, se trouvait tout au sud, presque à sa sortie : là où il y avait un joli coin de terre et d’herbes courtes, entouré de grosses pierres. Un bel espace dégagé en forme de cercle, idéal pour se retrouver, discuter et s’amuser. C’est pourquoi on a donné le nom de la Ronde au village. Je vais encore te dire quelque chose de très important, mais pour cela, je t’invite à mettre la main sur ton cœur… Tu entends ? Il bat ! C’est grâce à lui que tu vis. Eh bien, c’est la même chose pour ce village. Ce qui fait battre son cœur, c’est un petit groupe de personnages extraordinaires… Des personnes formidables qu’on appelle les Lutins et qui se réunissent régulièrement à cet endroit ! C’est leur lieu, bien à eux… Et c’est maintenant, écoute-moi bien, que je peux te dire que ce lieu qui existe quelque part sur la terre, a en fait une histoire magnifique. Une histoire étonnante qui me fait dire que cet endroit est comme un coffre à trésors qui renferme des richesses uniques et magiques et qui déborde d’aventures extraordinaires ! J’ai encore une dernière information importante à te dire. Ce village n’existe pour personne d’autre que ses habitants ! Étrange, non ? Pourtant, il existe bien quelque part, et des gens y vivent, y chantent, y jouent… On n’y trouve aucune personne âgée, aucun homme, aucune femme. 4
Rien que des enfants, enfin… pas tout à fait comme on les imagine aujourd’hui ! Rien que… des Lutins !
Alors, tu as envie de me suivre ? Tu as envie de découvrir les aventures extraordinaires des Lutins de la Ronde ? Viens, je t’emmène sur le chemin magnifique de l’histoire des Lutins de la Ronde…
5
6
Les Habitants
Les Anciens Tout d’abord, il y a les Anciens. Certains disent que lorsqu’ils sont venus ici, il n’y avait rien. Il n’y avait rien d’autre qu’un espace abandonné, envahi par les herbes sauvages, autour de quelques vieux arbres un peu tristes. On dit aussi que ce sont ces Anciens qui ont construit le village. C’était au début, il y a longtemps, alors qu’ils étaient une bande de jeunes poussés par une grande envie de faire quelque chose ensemble, de faire quelque chose de bien… et de leur mieux ! Ces garçons et ces filles étaient venus de partout. Ils s’étaient rencontrés, un jour, sur la route, à la croisée d’un chemin. Ils avaient à peu près tous le même âge. Ils avaient aussi chacun leur caractère bien particulier. Ils aimaient la vie, la nature. Les gens et les animaux. Le ciel et la terre. L’eau et le feu. Ils aimaient chanter et rire, dessiner et construire. 7
Ils se sentaient bien, et très vite, ils ont voulu faire quelque chose ensemble. Aménager ou créer quelque chose de beau, de grand et d’amusant qui les rendrait encore plus heureux, eux et ceux qu’ils accueilleraient ! Alors ils se sont dit… - Et si on construisait un village ? - Mais, oui, pourquoi pas ? On est si bien ici, et si bien ensemble ! Ils ont tracé un cercle. Ils ont déposé dans ce cercle tout ce qu’ils avaient dans leurs poches. Et aussi tout ce qu’ils avaient dans leur tête : toutes leurs idées. Et aussi tout ce qu’ils avaient dans leur cœur : leurs désirs, leurs envies, leurs rêves…
8
L’un a dit : - Et si on faisait de ce lieu le cœur de notre village ? Ils se sont donné la main. Ils étaient maintenant unis les uns aux autres par cette ronde qu’ils formaient… Et avec ce que chacun avait apporté, « Lutin je suis, Lutin je suis né » avec ce que chacun était capable de faire, « Lutin je suis, Lutin de la terre » avec le rêve de chacun, «Lutin je suis, Lutin de l’eau pour l’un» avec le cœur de chacun, «Lutin je suis, Lutin du feu pour l’autre» avec ce que chacun essayait de faire, «Lutin je suis, Lutin de l’air» ils ont construit ce village. 9
Depuis, le petit cercle tracé au premier jour s’est agrandi. Il est devenu le centre du village. C’est là où les Lutins se réunissent encore et toujours pour parler de différentes choses. Pour partager des souvenirs et des envies. Faire part de leurs regrets et de leurs joies. Dire ce qui va et ce qui ne va pas dans la vie de la Ronde. Préparer ensemble une fête ou mettre sur pied un projet. Tout cela… autour du cercle… magique ! Et le temps a passé. Des Nutons sont arrivés. Les petits sont devenus grands. Les grands sont un peu restés, le temps de transmettre les règles du groupe. Puis ils ont quitté la Ronde pour aller ailleurs, vivre d’autres aventures, en compagnie d’autres aînés. Et de nouveaux Lutins sont arrivés…
10
La Sizaine Cette présence des grands a rassuré et rassure encore les sizaines. Oui, « la sizaine » de Lutins, c’est comme cela qu’on appelle les équipes de ces enfants bien vivants, actifs et courageux qui vivent dans le village. Depuis qu’un Lutin du groupe, plus grand, a rejoint les Anciens, ils sont une bande de cinq Lutins, dynamiques et entreprenants, joyeux et radieux comme les couleurs de la vie et les cinq doigts de la main. Ils sont tous différents, ils n’ont pas le même âge, pas la même taille, pas le même caractère… mais ils veulent vivre ensemble une belle et unique aventure. Parce que, dès le départ, il avait fallu s’organiser, s’entendre, et surtout… faire face aux imprévus ! Et même s’ils avaient pris le temps d’en parler et d’en discuter autour du cercle de paroles, ils ont eu des moments plus difficiles et des tas de surprises, bonnes ou moins bonnes ! 11
Dans cette grande réalisation, chacun réagissait selon ce qu’il était : son histoire, sa vie, ses forces et ses faiblesses, ses envies et ses rêves, ses couleurs et ses ombres. Comme tous les enfants de la terre, sans doute, petits et grands. Il y a d’abord GALOS, le Lutin des hauteurs. C’est le Lutin qui adore grimper aux arbres, sur les rochers, sur tout ce qui est un peu élevé. Et même sur le toit des cabanes ! Pour regarder de plus haut, voir au loin ce qui arrive… Il dit souvent : - Un niveau plus haut, les Lutins, hissez le drapeau ! Il peut tout à coup disparaître… sans rien dire. Tout le monde se met alors à le chercher, à l’appeler. Mais heureusement, il n’est jamais très loin, et comme un gentil petit diable sorti d’une boîte, tout à coup il est là, souriant : - Et hip et hop, me voilà tip top ! crie-t-il en réapparaissant dans le groupe des Lutins. Et chaque fois, tout le monde prend un air étonné et surpris, mais les Lutins ne peuvent s’empêcher d’éclater de rire pour cette farce que Galos arrive encore à faire une nouvelle fois. Et puis, grâce à lui, combien de problèmes n’ont-ils pas été résolus ? 12
Il y a aussi, dans la sizaine, un Lutin qui ne quitte presque jamais Galos. C’est TOUVEL, le Lutin des trouvailles.
Toujours vif et actif, sautillant et énergique, ce petit bout de Lutin curieux n’arrête jamais de regarder à gauche, à droite, ni d’inspecter le moindre petit coin du chemin sur lequel il marche. Il arrive à un endroit, ralentit, puis il repart d’un côté, et ensuite de l’autre. Il s’arrête à nouveau, soulève une pierre, une branche, puis il s’écrie : - Je vous l’avais bien dit ! Regardez ici ! Et il a ainsi montré aux autres Lutins une perle perdue par un ancien Lutin, un scarabée aux couleurs vert et bleu brillant, un morceau de bois en forme de nez de sorcière, une pierre lisse comme un miroir… Voilà Touvel et ses trouvailles… 13
Et comment ne pas parler de la plus grande, PERLOUETTE, le Lutin des liens ? Ah ! Quelle fille ! Toujours active, toujours présente, toujours attentive. Elle est la sizenière. Elle est responsable de la sizaine. Rapide et efficace, elle est toujours là quand il faut. Quelqu’un s’est blessé ? Et en un coup de baguette, voilà Perlouette avec ses pansements et ses pommades ! - Ça ira, regarde ! On ne voit déjà plus rien ! Tu vois la plaie ? Soignée, disparue, déjà réparée ! Et une autre fois : - Oh, tu pleures ? Tu es triste ? Avec une feuille de pissenlit qui lui sert de mouchoir, voilà Perlouette qui essuie les larmes de son amie ! C’est si bon de pleurer, c’est si bon d’être consolée ! Et Perlouette, précieuse comme une perle, légère comme une alouette, s’en va plus loin aider les autres… 14
Et que dire de TRICOLINE, le Lutin des couleurs ? Sans doute qu’une fée des montagnes et des vallées s’est penchée sur elle à sa naissance parce qu’on dirait que Tricoline et la nature ne font qu’un. La nature, pour elle tout particulièrement, c’est une richesse, un paradis, un coffre à trésors ! Tricoline sème les graines, repique des fleurs, récolte et distribue. Et elle n’a qu’une préoccupation : protéger la nature. Elle regarde les fleurs : elle connaît presque le nom de chacune d’elles…Et elle leur parle. On dirait même que les fleurs se font plus belles, plus colorées dès que Tricoline se penche sur elles… Elle parle aussi bien aux pierres qu’aux petits insectes qui volent, courent ou rampent sur le sol. Et la petite Tricoline déclare toujours : - Moi, Tricoline, je suis comme une petite souris coquine. Ou comme un trèfle à cinq feuilles, et mon cœur a toutes les couleurs de la nature ! C’est un peu comme si toutes les couleurs de l’arc-en-ciel s’étaient donné rendez-vous dans le cœur de Tricoline pour la rendre si belle ! 15
Et si LUNILA, le Lutin de la lune n’existait pas, le village de la Ronde ne serait pas pareil. Lunila, c’est le tout petit Lutin de la sizaine : un petit Lutin discret, tout sensible et gentil. Une fille lumineuse et souriante… Elle est la seconde de la sizaine. « Lunila, t’es là ? », c’est la question que les Lutins posent régulièrement au groupe : avant de partir, en chemin ou à l’arrivée. Elle est si discrète qu’on ne la remarque pas toujours. Et il arrive, souvent même, qu’on ne la trouve plus ! - Mais enfin, où est-elle ? Et tout à coup, venue de nulle part, une petite voix répond : - Euh… je suis là… quelque part, encore… sans doute dans la lune… ! Les Lutins regardent partout : devant, derrière, en l’air… mais bien vite voient que c’est elle qui leur a répondu ! 16
Une farce ? Non, elle est comme ça… Elle est souvent dans la lune ou plutôt dans ses rêves ! Elle peut s’endormir partout et voyager dans ses pensées… Elle rêve et rit… Mais quand elle réapparaît, alors elle est pleine d’énergie : elle se met à fredonner, à crier, à créer, à inventer ! Lunila aime chanter et c’est souvent elle qui invente les chansons ! Et dans les paroles de ses chansons, elle a toujours un petit mot pour chacun… Ce sont quelques petites phrases qu’elle a écrites sur un bout de papier pour dire les qualités de ses amis Lutins. Ensuite elle accroche ses morceaux de papier… à ses deux tresses ! C’est à cela qu’on la reconnaît tout de suite : à ces deux petits carrés blancs accrochés au bout de ses drôles de tresses rousses !
17
18
L’Accueil
La préparation Aujourd’hui, c’est un jour important. Galos l’avait annoncé : - Cette journée sera un grand jour ! On va bien s’amuser aujourd’hui ! Et il n’a rien ajouté de plus. Ce matin, le soleil dessine déjà un grand sourire dans le ciel. Sur le chemin qui mène au cercle de rencontre, les Lutins marchent vite… La sizaine arrive à l’endroit des pierres et s’installe dans le cercle de la tradition, comme ils l’ont appelé. Perlouette, la plus grande, celle qu’on appelle « la sizenière », prend la parole. C’est elle qui est la plus âgée et qui a la responsabilité de la sizaine. Chacun des Lutins est assis sur une pierre : chacun a la sienne, chacun est à sa place. Tricoline a peint sa pierre en bleu : - C’est pour reprendre la couleur de mes yeux ! dit la coquette.
19
Le visage de Perlouette est souriant et radieux ce matin. Elle nous annonce une bonne nouvelle : - Aujourd’hui, c’est un grand jour, vous savez ! Un nouveau Lutin arrive et va se joindre à notre groupe ! Les questions jaillissent de partout ! Tout le monde a envie de parler. On dirait tout à coup que chaque Lutin a une folle envie de dire quelque chose. - Aah ! Et comment est-il ? - Comment s’appelle-t- il ? - Est-ce qu’il aime les jeux ? - Il pourra venir s’asseoir à côté de moi ? Quelle impatience, quelle excitation ! Mais Perlouette demande le silence : - Écoutez ! Voilà ce que je peux déjà vous dire : le nouveau Lutin s’appelle Jodeau ! Et c’est un garçon ! Quelqu’un qui arrive pour la première fois dans la sizaine doit être bien accueilli ! Toutes les autres sizaines font cela aussi, c’est important. Et pour que cet accueil puisse être une fête, il faut le préparer ensemble et s’organiser. D’abord, il faut lui faire une place dans notre cercle ici. Touvel, tu te charges de trouver une belle pierre pour lui ? Le Lutin qui a l’œil sur tout et partout s’exclame : - J’ai vu une belle grosse pierre sur le chemin de la forêt du Sud. Je vais aller la chercher. Cette pierre est idéale pour lui. Perlouette reprend : - On va l’accueillir comme un grand prince. Pour cela, on va organiser une journée spéciale. Une journée 20
unique, particulière, celle qui est réservée à un nouveau Lutin ! N’oubliez pas, quand il arrive, on chantera et on l’applaudira. Chacun va alors se présenter. Et il le fera aussi. Il s’agit maintenant de préparer un grand jeu, et aussi, pour le retour du grand jeu, de lui préparer un délicieux goûter.
21
Chaque Lutin sait ce qu’il doit faire. Tricoline sera responsable du goûter. Galos et Touvel s’occuperont du jeu. Lunila, la seconde, préparera la table et le local avec la sizenière, Perlouette. Les Lutins vont et viennent… Ils s’affairent, chacun a sa tâche… Chacun fait de son mieux. Tout le monde a le cœur joyeux comme le soleil de midi. Ah ! Quelle joie d’accueillir un nouveau Lutin ! C’est la fête, youpie !
22
La journée Une heure après, tout est décoré : entre les arbres pendent des guirlandes de fleurs. Par terre, un tapis de petits cœurs en papier a été formé. Sur la pierre de tous les Lutins, le nom de chacun a été dessiné en couleur d’or ! Et c’est alors qu’on entend : - Il arrive ! Tous les Lutins se placent à l’entrée du chemin pour essayer de le voir en premier… Au loin, lentement, la tête un peu baissée, un Lutin approche. - Bonjour… Son bonjour est petit comme lui, un peu timide et réservé… Mais sur son visage, derrière ses petits yeux verts, et sous ses cheveux blonds bouclés, on devine un air gentil et agréable.
23
Et très vite, un grand sourire se dessine sur ses lèvres quand tout le monde s’écrie : - Bonjour à toi ! Bienvenue dans notre sizaine ! - Oui, sois le bienvenu ! dit Perlouette. Tu as décidé de te joindre à notre groupe de Lutins. Tu es accueilli comme tel, avec ce que tu es et tout ce que tu as ! Avec ton cœur, tes idées, tes demandes et tes envies. Ensemble, on fera de très belles choses, on passera de merveilleux moments. Te voilà Lutin parmi nous ! - Hourra, hourra ! Quelle joie de te rencontrer ! Tout le monde applaudit. Perlouette lui montre les lieux. Elle lui détaille ainsi chaque endroit, le sens et la disposition de chaque chose. - Et maintenant, à toi de te présenter ! Et le nouveau venu raconte… - Je m’appelle JODEAU, je suis le nouveau, le Lutin qui adore jouer ! Il explique qu’il vient de la « Chaumière », le village d’au-delà de la rivière, où sa famille a toujours habité. Et c’est en traversant chaque jour la rivière pour aller chez sa grand-mère que son goût pour les jeux et l’aventure lui est venu ! - Combien de fois j’essayais de passer la rivière sans me mouiller ! Sur les pierres glissantes ou sur un petit radeau de bois fixé par des cordes aux deux rives ou encore… 24
Et il ajoute que c’est comme cela qu’il trouve toujours des jeux à faire ! Les autres Lutins veulent lui poser des tas de questions mais Perlouette demande à chacun de se présenter en disant son prénom avec un mot qui commence par la première lettre de son prénom. Ce mot doit dire quelque chose de lui. - Moi, c’est Galos, le grrrrand qui grimpe aux arbres ! - Et moi, je m’appelle Touvel, et j’aime tout ce qui est nouvel ! - Ce qui est nouveau, on dit ! s’empresse de dire la sizenière Perlouette. Et elle ajoute : - Moi, mon prénom c’est Perlouette, et il commence par un P comme… Présente. Présente, parce que je suis la sizenière ! - C’est top, ce que tu viens de dire ! Toujours au top, comme moi ! Moi, c’est Tricoline ! Et toi, Lunila ? -Moi, Lunila, je pense à la lumière de la lune. Je regarde souvent, le soir, par la fenêtre de ma chambre, la lune, cette grosse boule qui éclaire la terre… Et pour le nouveau Lutin, Jodeau, quel mot pourrait-on trouver se demandent les Lutins ? Tout le monde réfléchit… - J comme Joie ! - J comme Jeu ! - J’arrive ! Et tout le monde s’écrie : - J’aime bien ! 25
26
Et tous les Lutins rient en applaudissant… La journée se passe comme dans un rêve. Quand on est heureux, on ne voit pas le temps passer. Avec tous les jeux, les fous rires, les découvertes des uns et des autres, du nouveau Lutin, des lieux… On parle beaucoup, on rit, on crie, on chante. On dirait même que la forêt participe à cette joie : les feuilles applaudissent quand la sizaine passe. Les oiseaux chantent bien plus fort, dirait-on. Et le soleil qui n’a pas hésité à briller aussi depuis le matin ! Mais s’il faut raconter l’essentiel de ce premier jour, il ne faut surtout pas oublier de dire ce qu’il s’est passé au retour du grand jeu, juste avant le goûter de départ… Le groupe revenait du bout de la forêt. Perlouette avait voulu que le jeu se fasse loin du lieu de conseil. Pour voir d’autres choses, pour découvrir de nouveaux endroits, beaux et mystérieux aussi…
27
Elle pensait sans doute à cet arbre majestueux, aux fruits étonnants, que les Lutins ont découvert là-bas : l’arbre aux pommes d’éléphant. C’est un arbre immense, énorme, géant qui porte des fruits immenses, énormes, géants et gros comme des éléphants ! Les feuilles de cet arbre sont toujours d’une couleur verte particulière, lisse et belle comme la nouvelle herbe de printemps. Mais… Mais la responsable de la sizaine ne devinait pas encore tout ce qui allait leur arriver sur le chemin du retour !
28
Le retour La petite équipe revient vers le village. Une journée magnifique, si vite passée ! Avec des jeux incroyables ! Les Lutins se sont bien amusés ! Quel bonheur de jouer ensemble et de faire découvrir une partie de la Ronde à Jodeau, le nouveau Lutin ! Ils sont tous un peu fatigués, mais ils sont surtout impatients de partager le goûter, pour fêter l’arrivée de Jodeau. Plus la sizaine avance dans la forêt, plus le chemin se rétrécit. Les Lutins marchent les uns derrière les autres, le sentier est trop étroit pour qu’ils puissent encore marcher côte à côte. Soudain, alors qu’ils arrivaient dans une clairière, ils entendent un cri qui se répand dans toute la forêt. Ils sursautent, s’arrêtent.
29
Galos se demande : - Qui a crié ? Vous avez entendu ? - C’est le cri du Cronak… Ne vous en faites pas ! dit Lunila. Quelques gouttes de pluie tombent sur la tête des Lutins. Vite, il faut avancer ! Les Lutins sont tellement heureux qu’ils repartent vers la Ronde en chantant et en se tenant par la main. Et au loin, bien au-delà de la forêt, à nouveau un cri se fait entendre… Tout à coup, quelques instants seulement après avoir quitté la clairière et pénétré dans la forêt, Perlouette s’arrête. La sizaine aussi. Devant eux se dresse un curieux petit personnage qui n’a pas l’air content du tout. Dressé sur ses deux pattes arrière, un étrange et bizarre petit lapin bleu montre ses dents pointues tout en grognant. Il leur barre la route.
30
Son air fâché et ses grognements font peur aux Lutins. Pourtant, il paraît si mignon avec ses petits poils bleus et ses deux oreilles blanches ! Perlouette rassure les Lutins et le présente à la sizaine. - Voici un de nos chers compagnons de forêt : un rongnon ! dit-elle. Elle le salue et propose à ses Lutins de le laisser là, et de revenir au plus vite dans le village pour clôturer cette journée d’accueil avec le gouter. La sizaine s’empresse de suivre Perlouette et de courir plus loin et plus vite… Ils arrivent enfin à leur cercle des pierres. Perlouette invite tous les Lutins à s’asseoir pour écouter les dernières paroles importantes de cette magnifique journée d’accueil. - Jodeau, tu as vécu ta première journée avec nous. Tu as découvert notre lieu, notre groupe, notre façon de vivre. Est-ce que tu t’es bien amusé ? - Oh, oui ! Je me suis bien amusé, j’ai beaucoup ri, surtout quand Galos est tombé en courant après moi ! J’ai eu un peu peur aussi… - Est-ce que tu veux revenir ? Est-ce que tu veux faire partie de notre groupe et alors participer à tout ce qui peut se présenter dans la Ronde ? - Oui, oui ! Et un jour, j’aimerais être comme toi, le responsable de la sizaine ! - Sois alors le bienvenu ! 31
Tous les Lutins applaudissent et enfin, ils retrouvent la belle table de bois, décorée par la sizenière et la seconde, en l’honneur de la venue du nouveau Lutin. C’est la coutume : toutes les autres sizaines sont invitées lors de chaque accueil. Un gâteau en forme d’étoile, recouvert de chocolat, des noisettes grillées, une salade de fruits… Que tout cela est délicieux !
32
Lunila a même inventé une chanson pour ce jour spécial. Et tandis que tous les Lutins terminent le chant, à nouveau, le cri du Cronak se fait entendre dans le lointain… Perlouette dit alors aux Lutins : - Notre ami a besoin de nous. Il a quelque chose à nous dire… mais j’aurai besoin de votre aide. Ce sera le départ d’une nouvelle aventure… Écoutez-moi… 33
Tout le long du sentier, tu découvriras les quatre éléments :
L’élément TERRE Tu viens d’arriver ? Tu es un nouveau Lutin ? Tu vas vivre ta première année dans la Ronde… Alors découvre cet élément, celui de la Terre. Et tu apprendras alors enfin pourquoi le Cronak appelle toujours, mais surtout, qui est cet étrange animal… et aussi tu découvriras pourquoi le rongnon grogne, montre ses dents et n’est pas content du tout… Pour découvrir l’élément Terre, va à la page 37
L’élément EAU Il y a déjà un an que tu es chez les Lutins ? Tu vas vivre ta deuxième année dans la Ronde… Alors découvre ce second élément, celui de l’Eau. Et tu apprendras pourquoi le Cronak appelle encore… Et tu partiras alors au pays de la pluie et de l’arc-en-ciel pour retrouver les traces de Touvel …
Pour découvrir l’élément Eau, va à la page 59
34
L’élément FEU Il y a déjà deux ans que tu es chez les Lutins ? Tu vas vivre ta troisième année dans la Ronde… Alors découvre ce troisième élément, celui du Feu. Et tu connaîtras alors pourquoi le Cronak appelle cette fois… Et tu verras que jouer au jeu de la carotte et danser la danse qui guérit fait sourire le soleil !
Pour découvrir l’élément Feu, va à la page 77
L’élément AIR Il y a déjà trois ans que tu es chez les Lutins ? Tu vas vivre ta quatrième année dans la Ronde… Alors découvre ce quatrième élément, celui de l’Air. Et tu sauras alors pourquoi le Cronak appelle une dernière fois…
Pour découvrir l’élément Air, va à la page 95
35
L’élément TERRE
Tu viens d’arriver ? Tu es un nouveau Lutin ? Tu vas vivre ta première année dans la Ronde… Alors découvre cet élément, celui de la Terre. Et tu apprendras alors pourquoi le Cronak appelle toujours, mais surtout pourquoi le rongnon grogne, montre ses dents et n’est pas content du tout… 37
38
C’est l’automne. Un petit rayon de soleil éclaire tous les Lutins rassemblés autour de Perlouette. La sizenière est bien sérieuse ce matin. Le conseil va commencer. Galos, d’habitude l’air assuré et « toujours au courant », se tait : il se demande ce qu’elle va bien pouvoir leur dire… Touvel, lui, regarde son ami, regarde le groupe, se lève, s’assied à nouveau. Il ne tient pas en place. Perlouette demande à chacun de bien écouter, parce que c’est très important. Son visage est tout soucieux quand elle dit cela. - Qu’est-ce qu’elle va nous dire ? se demande Tricoline. - Mes chers Lutins, une grande aventure nous attend. Nous devons partir à la rencontre du Cronak. Il a besoin de notre aide ! 39
Je ne sais pas pourquoi il nous appelle, mais il a besoin de nous. Il faut aller voir ce qu’il se passe. - Dis… tu parles de ce… « Gros », … euh, « Gronag », c’est ça ? Mais c’est qui celui-là ? Quand il crie, on dirait un gros chien qui pleure ! - Eh, mais… tu as bien deviné, Jodeau ! Le Cronak, c’est comme un très gros chien sauvage. Il vit autour de la forêt chez nous. Il a de longs poils bruns et la tête du petit de la vache : une tête de veau ! Dès le départ, c’est vrai, il m’a beaucoup impressionnée. Je ne savais pas s’il était gentil ou pas. J’avais peur… Quand je l’ai vu la première fois, le Cronak était dressé sur un rocher et me regardait avec ses deux gros yeux rouges. Il a poussé un petit grognement qui ressemblait plus à un ronronnement de gros chat... Puis il s’est mis à sourire ! - À sourire ? disent tous ensemble les Lutins qui sont là, bouche ouverte à écouter, tout étonnés et occupés à s’imaginer ce qu’ils viennent d’entendre… - Oui, j’ai bien vu un sourire ! Et cela m’a rassurée. Cette bête bizarre s’est approchée de moi, doucement, comme un gros chat qui vient se frotter contre les jambes. Vous connaissez cela, hein ? Je l’ai caressé… Il m’a dit alors qu’il ne mangeait que de l’herbe et des feuilles. Et qu’il est devenu plus grand et plus gros depuis qu’il ne mord plus… - Mais il crie quelques fois, non ? - Oui, quand il a peur. Et il a souvent peur… 40
Quand il est triste aussi. Et il est triste quand quelque chose ne va pas… - Mais alors… s’il a crié, c’est que quelque chose ne va pas… ? - Oui, et c’est bien pour cela qu’on est tous réunis ici maintenant. Il va falloir aller à sa rencontre. On va sans doute devoir l’aider. Et pour cela chacun devra s’y mettre…Mais pour cela, il faut s’organiser ! Et c’est dans une grande agitation que tous les Lutins se préparent… Chacun arrange son sac et met toutes ses affaires pour partir vers la grande aventure. Pour les plus jeunes de la sizaine, c’est la première fois ! Galos est là. Il est prêt. Le premier, comme souvent ! Touvel est à côté de lui ; c’est son habitude. Jodeau s’est joint à eux. Il est un peu impressionné. C’est nouveau pour lui. Voilà un trio prêt à découvrir l’inconnu… Et ils le disent en chœur : - Moi, si je pars, c’est parce que je pense aux autres ! Je vais semer la joie là-bas ! Et ça, c’est vrai, comme je suis vrai ! Je fais plaisir partout et toujours ! Ici et maintenant ! Là-bas et après ! Avant le départ, Perlouette et Lunila donnent les derniers conseils et rappellent les règles d’or des Lutins. Ces règles d’or seront les moyens indispensables pour arriver à remplir leur mission… 41
Et c’est parti ! La sizaine se met en marche. Les Lutins pensent au Cronak qui a sans doute bien besoin d’eux. Chaque Lutin accélère le pas et se dépêche : il faut aller voir ce qu’il se passe là-bas. Aider leur ami : voilà bien la motivation première ! Ils sont tout heureux de partir à l’aventure, de découvrir un pays nouveau, et surtout de rencontrer enfin le gros Cronak gentil. Mais leur cœur est quand même un peu serré à l’idée d’aller vers l’inconnu… Que s’est-il passé là-bas ? Qui vont-ils rencontrer ? Et s’il leur arrive quelque chose de grave sur la route, que vont-ils devenir ? Ils marchent, marchent et marchent encore… Les Lutins plus âgés sont habitués à faire de longues randonnées et les derniers arrivés à la Ronde apprendront bien vite. À un moment, Touvel s’écrie : - Regardez, venez par ici ! Et il montre une trace sur le sol. - Regardez, c’est une trace de… euh…, d’un…, du… En tout cas, il a de grosses pattes ! Là, dans la terre un peu molle du sentier, on voit imprimée une forme de patte avec de grosses griffes... - Oui, pas de doute, un Cronak est passé par là ! Touvel remarque aussi quelques poils bruns près de l’empreinte. 42
Lunila explique à Jodeau que, suivant le dessin de la trace, on peut savoir quel animal est passé par là. S’il est gros, grand, petit ou léger. Et aussi s’il était pressé, s’il courait ou s’est arrêté. Touvel a l’œil pour découvrir ces petites choses. Il explique à Jodeau tout ce qu’il a déjà découvert lors de ses promenades. - Tu sais, toi aussi, tu pourras nous dire aujourd’hui, ce que tu es capable de faire et que tu veux partager avec les autres. On a vraiment besoin des talents de chacun pour arriver à sauver notre ami Cronak. Tricoline, par exemple, connaît bien les insectes. Jodeau a les yeux émerveillés. Touvel est fier d’apprendre tant de choses et de les faire découvrir aux autres. Tricoline est souriante. Elle adore parler de ce qu’elle connaît bien. Depuis le début de la journée et de la marche, les Lutins n’ont toujours pas entendu le cri du Cronak. Perlouette a dû encourager 43
Touvel qui se sentait un peu fatigué. Elle lui a donné à grignoter une petite feuille de mentauge, une feuille qui donne de la force et du courage à ceux qui n’arrivent plus à avancer. Les feuilles des arbres ne sont plus aussi vertes qu’au début du chemin. Les branches retombent vers le sol, comme si elles étaient fatiguées, épuisées, elles aussi. Tout à coup, Galos crie : - Regardez, regardez là-bas ! La sizaine s’arrête net. Devant eux, une ombre s’approche. Une grosse masse de poils brun sombre occupe tout le chemin. Les Lutins reconnaissent vite le Cronak. On dirait un gros chien mal formé, un peu sauvage avec ses longs poils qui trainent dans la poussière. Mais il a l’air si gentil, même avec son grand sourire triste…
44
- Ah, vous voilà enfin ! Vite ! Il faut faire quelque chose, et le faire le plus rapidement possible, dit-il. Je vous explique. Le terrain du pays d’en bas s’est affaissé. La terre est partie comme s’il n’y avait plus rien en dessous d’elle ! Imaginez… Les arbres ont maintenant leurs racines à l’air. Ils ne tiennent presque plus. Ils risquent de mourir ! Les fleurs et les plantes ont disparu. Les taupes sont toutes perdues dans la lumière. Les rongnons sont furieux : leurs maisons n’existent plus. Tout s’est effondré ! Ils vont et viennent, perdus, comme des fous qui ne savent plus où aller. Et vous savez, mes chers amis, les Rongnons deviennent de plus en plus bleus : c’est un signe qu’ils ne vont pas bien du tout, qu’ils sont malades ! Et quand ils sont malades, ils deviennent très méchants ! Et surtout… je ne retrouve plus mon ami l’Arkoule. Ce grand et bel oiseau a besoin de la nature et des fruits de la terre pour vivre ! Perlouette demande à tous de s’asseoir en cercle, comme s’ils étaient au village de la Ronde, et de réfléchir. Il faut faire des propositions. Que pourraient-ils faire ? Les Lutins s’asseyent par terre. Le Cronak se couche au milieu. Chacun réfléchit. Personne n’arrive à parler. Chaque Lutin se demande sans doute ce qu’il est capable de faire, comment il pourrait aider. Chacun réfléchit à tout ce qu’il connaît et à ce qu’il pourrait mettre au service de la sizaine. Ils se regardent tous les uns les autres. Touvel prend la parole le premier : - On pourrait noter dans un petit carnet tout ce qui se passe, tout ce qu’on trouve de bizarre. Toutes nos idées, aussi. On trouvera bien une piste ! 45
- Moi, dit Galos, je propose de raconter une histoire drôle chaque fois que l’un de nous est malheureux ! - Moi, crie Tricoline, je vais soigner ceux qui sont blessés. - Moi, ajoute Jodeau, je peux regarder les traces sur le sol et ainsi aider à retrouver ceux qui sont perdus ! - Je chanterai pour vous encourager, toutes et tous ! dit Lunila. - Il faudra avancer au plus près de l’endroit, dit Perlouette. Et aussi, faire quelque chose pour l’Arkoule. On y va ensemble, et ensemble, on y arrivera ! De notre mieux ! La sizaine se lève et repart en chantant. Le Cronak s’est aussi levé : il semble déjà en meilleure forme. Jodeau et Lunila n’ont pas hésité à grimper sur leur nouvel ami, pour être plus à l’aise, assis sur ses longs poils doux. Dès qu’ils seront un peu moins fatigués, ils laisseront la place à d’autres Lutins ! La sizaine avancent prudemment. La terre devient de plus en plus sèche. Les arbres prennent un aspect bizarre : leurs racines, qui sortent de terre, les poussent plus haut. Des petits cris lointains se rapprochent, deviennent de plus en plus nombreux et forts. Les Lutins entendent ces cris qui leur font mal aux oreilles. - C’est le cri des Rongnons en colère ! Méfiez-vous ! dit le Cronak. Le groupe se resserre aussitôt. Il y a de plus en plus de racines. Mais plus aucune fleur. Plus aucune herbe. Les arbres sont si hauts tout à coup. 46
Et c’est alors que les Lutins voient qu’il n’y a plus de terre, qu’ils marchent sur de la pierre. Une roche grise et lisse. Là ils se rendent compte que la situation est grave. Sans terre, plus de fleurs, plus de plantes, plus d’arbres. Et donc, plus de fruits, plus de nourriture. Et plus d’animaux non plus, plus d’insectes ni d’oiseaux puisqu’ils ne peuvent pas vivre sans abri, ni nourriture. Il faut faire quelque chose ! Mais quoi ? Et comment ? Sur le chemin, le passage devient très difficile. Le groupe doit se faufiler entre les racines, qui sont devenues énormes comme s’ils traversaient de sombres galeries. Ils se demandent même s’ils pourront avancer jusqu’au bout.
47
Galos, le Lutin des hauteurs, parvient, debout sur le Cronak, à grimper sur les racines, puis sur les branches. Ainsi il peut voir, du haut de sa position, le bout de la forêt : des centaines d’arbres déracinés et plus loin, sur un gros rocher noir, tout un rassemblement de rongnons bleus… Mais, au moment où il veut redescendre, il a comme l’impression d’être observé. Il regarde partout, ne voit rien. Il regarde encore, puis aperçoit… deux yeux ! Il y a quelqu’un qui est caché dans l’arbre en face de lui et qui le guette !
48
Galos s’approche et voit un vieil homme, grand et maigre, assis entre les racines. Il est tellement grand et maigre qu’il se confond presque avec les racines de l’arbre. Le vieil homme regarde ; il ne bouge pas. Ses yeux verts clignent de temps en temps et sa bouche se met à bouger. Et tout à coup c’est une voix caverneuse, que les Lutins entendent. - Regardez dans les arbres. Vous trouverez la solution. Les Lutins ne comprennent pas les paroles du vieil homme. Ils se regardent les uns les autres. - La solution est dans les arbres ? dit Galos. Il suffit de regarder, d’observer… Alors, que chacun fasse bien ce qu’il sait bien faire ! Lunila se met à chanter. Perlouette l’encourage et chante avec elle. - C’est dans les arbres de terre, et ron et ron les petits Lutons, c’est dans les arbres de terre qu’il y a une solution, rongnon ! Qu’il y a une solution, rongnon ! Lunila, en chantant, regarde les arbres. Très vite, elle remarque que le dernier arbre avant la sortie de la forêt est plus grand que les autres. Ses racines sont longues à n’en plus finir. Son tronc est énorme. Ses branches aussi. Et ses fruits sont gigantesques ! Lunila le montre à sa sizenière.
49
Perlouette ne peut s’empêcher de crier : - Mais… c’est l’arbre aux pommes d’éléphant ! Surtout, faites attention ! Ne vous mettez pas en-dessous. Si un fruit vient à tomber, vous risqueriez d’être écrasés ! Les Lutins regardent ces fruits aussi gros qu’une montgolfière ! Ils n’osent plus bouger : d’un côté, il y a le rocher rempli de rongnons méchants avec l’arbre-éléphant et de l’autre, « la forêt des racines ». Que faire ? À nouveau, ils s’asseyent en rond pour trouver une solution. Mais le Cronak les interrompt : 50
- Où est mon ami l’Arkoule ? S’il vous plait, trouvez-le ! Tout ceci est arrivé en même temps que sa disparition ! Perlouette leur dit que l’Arkoule est l’ange-oiseau qui aide la nature à vivre en harmonie. C’est un grand et bel oiseau, un peu comme un aigle, avec de grandes ailes blanches et légères, comme un ange… Il se nourrit aussi de sourires, de toutes les paroles gentilles et justes, de caresses, d’histoires drôles, de clins d’œil qui sont tous les fruits qui aident les Lutins à vivre ! Il va et vient pour aider, nourrir et sauver le monde qui se trouve en dessous de lui.Il va et vole et prend soin du monde d’en bas : là où vivent le Cronak et les Lutins, où poussent les plantes et les fleurs. Il s’occupe aussi du monde sous la terre : là où vivent les rongnons, les taupes, les insectes et les racines. Galos se lève d’un bond. - Mais voilà la piste à suivre ! Si l’Arkoule a disparu, c’est parce qu’il n’est plus nourri. Il est sans doute caché quelque part, malade et triste ! Il faut donc lui trouver les bons fruits ! Perlouette se retourne à nouveau vers le vieil homme des racines pour demander de l’aide. Il sourit. - La terre se transforme avec tout ce que vous faites de bon pour les autres. Les éléphants vous aideront. Il sourit, mais n’ajoute pas un mot de plus. Ce n’est pas facile pour Perlouette ! Ses paroles sont toujours des devinettes ! Ces éléphants, où sont-ils ? 51
Aussitôt, les Lutins s’y mettent… Chacun ramène près du groupe toutes les taupes perdues. Ils recueillent aussi tout ce qui se trouve sous la terre : insectes, racines de fleurs et de plantes, carottes et pommes de terre… Chaque Lutin s’occupe de ce qu’il peut faire, le mieux possible. Le Cronak les aide à porter leurs « trésors », à sauter au-dessus des rochers, à chercher partout…
52
53
Pour se donner du courage, ils chantent des chansons de soleil et de joie. Tout le monde est heureux. Même les petits animaux rient avec les Lutins ! Et toutes les feuilles des arbres reprennent petit à petit leur couleur verte. Plus les Lutins avancent, plus le ciel devient clair et les oiseaux reviennent se déposer sur les arbres… Mais toujours pas d’Arkoule… Les rongnons, eux, se sont petit à petit rapprochés d’eux, doucement, leurs oreilles un peu baissées… Ils voient bien ce que les Lutins ont fait pour eux et pour tous les autres habitants de la forêt. Les Lutins constatent que la couleur très bleue des petits lapins disparaît de plus en plus… Ces terribles rongnons grognons deviennent de plus en plus gentils et souriants… Mais le plus dur est de faire revenir la terre et de retrouver l’Arkoule. Tout à coup, un bruit énorme se fait entendre, et se répand dans toute la région où la terre a disparu. Puis un second, puis un autre, et encore un autre. Des coups bruyants, comme si quelque chose de lourd tombait sur le sol… - Mais, mais… ce sont les fruits de l’arbre-éléphant qui tombent ! Regardez, regardez, ils sont mûrs ! Ils se redressent, ils se lèvent ! Ils marchent… ? Mais ce sont de vrais éléphants ! Incroyable ! Et voilà que devant eux se déroule la réalisation de ce que 54
« le vieil homme des racines » avait prédit avec ses mots mystérieux… Les éléphants étaient prisonniers de cet arbre parce que plus personne ne respectait les fleurs, les plantes, les animaux. Parce que tous les sourires avaient disparu. Parce qu’il n’y avait plus aucun mot gentil entre les habitants de la région. Alors, la terre est partie, a glissé plus loin, plus bas… Les arbres n’avaient plus leurs racines dans la terre. Tous les animaux ont été pris au piège. Les éléphants sont devenus trop dangereux pour les autres et ils ont été transformés en gros fruits gris ! Galos, tout fier, s’est approché d’eux avec le Cronak et leur a dit : - Bon, maintenant que vous êtes là, au travail ! On m’a dit que vous étiez les animaux les plus forts du monde, alors je crois que vous pourrez nous aider à ramener toute la terre dans cette région. Et les éléphants se sont mis à travailler, à travailler dur et fort… Chaque fois qu’une petite taupe disparaissait sous la terre, pour refaire une petite maison et creuser ses petits chemins, une petite étoile filait vers le ciel… - Regardez, regardez ! s’écrie Lunila. Dans le ciel, à l’horizon, un grand et bel oiseau prend son envol. On dirait un ange avec ses ailes blanches et douces 55
comme des plumes. -Voilà mon ami, mon ami l’Arkoule ! s’écrie en pleurant le Cronak. Perlouette est contente : - L’Arkoule est revenu ! Il peut à nouveau se nourrir de toutes les paroles gentilles qui sont revenues, de nos sourires et de nos gestes bienfaisants et vrais… La seconde ajoute : - La terre a repris sa place et les arbres peuvent à nouveau se nourrir et se rafraichir… On peut repartir chez nous ! Les Lutins regardent le Cronak courir vers son ami l’Arkoule. Ils sont bien contents : tout est redevenu comme avant ! Jodeau s’approche alors de Galos et lui dit à l’oreille : - Et dire que je n’ai pas vu une seule trace de pas d’éléphant. Cela aurait été plus facile à reconnaître qu’une patte de souris, non ? Ah la la, la vie est dure quand même. Mais pas avec les Lutins ! Je l’ai appris en prenant ce premier sentier. L’automne est bien là maintenant, avec ses couleurs et ses odeurs… et le sourire de Lunila !
56
57
L’élément EAU
Il y a déjà un an que tu es chez les Lutins ? Tu vas vivre ta deuxième année dans La Ronde… Alors, découvre ce second élément, celui de l’EAU. Et tu apprendras pourquoi le Cronak appelle encore… Et tu partiras au pays de la pluie et de l’arc-en-ciel pour retrouver les traces de Touvel qui est allé chercher les bellavias, ces fleurs magiques… 59
60
Il pleut. Cela fait plusieurs jours qu’il pleut. Une pluie régulière, incessante, persistante. Une pluie qui mouille même sous les ailes des canards ! Et les chaussettes des Lutins, et les moustaches des chats, et… Tiens, un bruit ? Ce bruit, c’est plutôt un cri ! Malgré le bruit de la pluie qui tombe, les Lutins ont bien entendu ce cri, et ils ont reconnu ce meuglement puissant et prolongé qu’ils avaient déjà entendu en automne… - C’est le Cronak. Il appelle ! s’exclame Jodeau. Jodeau a pris de l’assurance. Cela fait un an qu’il est dans la Ronde, et il connaît déjà pas mal de choses. Il se souvient bien de cette étonnante rencontre avec cet ami des bois… Il a eu tellement peur des rongnons grognons ! Il a tellement ri avec ces gros éléphants qui tombaient des arbres, comme des fruits trop mûrs ! 61
Il sait maintenant que faire de son mieux l’aide à vivre ces aventures avec les autres de la Ronde . Perlouette a aussi entendu. - Et alors, qu’en dites-vous ? Il a peut-être un problème… On dirait que la pluie tombe encore plus régulière depuis une heure. Même si cette pluie coule dans le cou, chatouille et fait rire Lunila, elle est un vrai souci pour la sizenière. Pauvre Galos ! Il fait de la température depuis plusieurs jours. Il y a trois jours, tout à coup, ses cheveux se sont dressés… tout droit. C’est normal chez les Lutins. Tout cela montre seulement qu’il est très malade… La sizaine s’est réunie sur les pierres du conseil. La place de Galos est vide. Il est couché, à quelques mètres de là, sur un lit de feuilles de mentauges séchées. Perlouette l’a couché à cet endroit parce qu’elle pensait que cette plante l’aiderait à guérir. Mais elle a très vite constaté que Galos avait encore et toujours
62
de la fièvre… Ses yeux restaient tout brillants, il tremblait de la tête aux pieds, et il ne voulait pas manger. - Mais au fait, je sais que là-bas, sur les Terres d’Ocre, poussent les bellavias, ces plantes prodigieuses qui peuvent guérir les Lutins malades ! Perlouette a aussitôt demandé au Cronak s’il voulait aller chercher ces plantes. Touvel s’est proposé pour l’accompagner. Et ils sont partis à deux… Perlouette a aussi expliqué à tous les Lutins que les bellavias sont des plantes magnifiques et magiques… - Ce sont de très grandes plantes, aussi hautes qu’une maison de deux étages ! Leurs feuilles poussent facilement quand elles ont du soleil. Elles n’aiment pas du tout la pluie. C’est pour cela qu’elles poussent sur les Terres d’Ocre, le seul endroit où il ne pleut presque jamais… En fait, les racines de ces plantes vont chercher l’eau dans le sol, très profondément, là où coulent des rivières souterraines… À l’intérieur de la terre, on trouve des matières un peu curieuses, mais qui sont très utiles pour soigner les Lutins. Depuis trois jours, le Cronak est parti avec Touvel. Et toujours pas de nouvelles ! Mais depuis leur départ, il pleut… et il pleut vraiment beaucoup ! On a l’impression que la pluie s’étend même au-delà de la terre des Lutins et s’approche de les Terres d’Ocre, une terre sèche qui n’a pas vu l’eau tomber du ciel depuis tellement longtemps que personne ne s’en souvient, mémoire de Lutins !
63
Ce serait vraiment la catastrophe si la pluie arrivait jusque-là… Les bellavias mourraient et il n’y aurait plus aucun endroit pour cueillir leurs feuilles ! Et plus aucun remède pour guérir les Lutins malades ! Depuis que la pluie tombe, Perlouette est inquiète…
64
Elle a demandé à Jodeau, Lunila et Tricoline de se préparer : demain, ils partiront sur les Terres d’Ocre pour aller retrouver Touvel et le Cronak ! Ils doivent avoir rencontré un problème. Il faut les aider… Les Lutins se préparent donc pour partir à la recherche du Cronak et de Touvel. Un ami de la Ronde restera près de Galos pendant leur absence. Il s’agit de s’habiller contre la pluie, des pieds à la tête ! Et hop, les bottes… Et hop, le manteau sur lequel les gouttes glissent et galopent… Et hop, le bonnet qui empêche l’eau de rentrer dans le cou, et puis faire un guiliguili froid pas drôle du tout le long du dos ! Et ils sont partis. Tout droit, c’est tout droit… Perlouette en tête, suivie de Lunila, Jodeau et Tricoline. Ils avancent vers les Terres d’Ocre, le pays des bellavias. Ils savent qu’ils devront marcher longtemps, traverser plusieurs forêts, descendre plusieurs vallées avant d’arriver à l’endroit où poussent ces plantes qui guérissent. La pluie est devenue leur compagne de marche. Elle tombe, et tombe, et tombe encore et toujours… L’eau stagne sur le bord du chemin et sur les terrains qui entourent le pays de la Ronde. Cette eau envahit peut-être lesTerres d’Ocre et fait peut-être déjà mourir la plante tant recherchée pour soigner Galos ? Plus ils avancent, plus il y a de l’eau sur le chemin. 65
Et plus il y a de l’eau sur le chemin, plus c’est difficile d’avancer. On dirait même que l’eau reste et n’est plus absorbée par la terre. Les Lutins ne voient plus les bords du chemin, mais ils continuent de marcher, avec les pieds trempés ! Et il pleut encore et toujours ! Tous les Lutins se tiennent par la main pour ne pas se perdre. - Et si on construisait un radeau ? suggère Perlouette. On irait plus vite… Et puis, ce serait plus sûr, non ? Tous les Lutins approuvent la proposition de Perlouette. Jodeau a appris à faire des nœuds. Lunila connait bien la façon d’assembler les bois. Et elle le montre à Tricoline. Et tous ensemble, avec les bois trouvés sur le bord du chemin, ils construisent un beau radeau bien large et solide. La petite bande se faufile entre les arbres qui ont l’air, eux aussi, de s’enfoncer dans l’eau qui monte, qui monte… Soudain Jodeau perd sa rame. Il veut la rattraper, mais bascule dans l’eau, s’accroche au radeau… qui balance, chavire et se renverse dans l’eau ! Tous les Lutins tombent dans l’eau et sombrent avec la barque improvisée, comme aspirés par le fond… Ils tombent et tournent, tournent et tombent encore. Combien de temps dure cette descente tourbillonnante ? C’est comme s’ils glissaient dans un long tuyau… de silence. Puis tout à coup, ils entendent un grand bruit. Patatras, voilà qu’ils touchent le sol ! 66
67
Que s’est-il passé ? Où sont-ils ?Ce pays leur est inconnu. Ils voient devant eux les bords d’une rivière. Ils ne savent pas où ils sont. Ils ne reconnaissent rien. Que s’est-il passé ? Où sont-ils ? - Regardez ! Regardez là ! s’écrie Lunila. Un petit bonhomme tout maigre, tout vieux et tout habillé de noir s’approche d’eux. Il a un chapeau noir et une grande cape noire. Il n’a pas l’air content ! - Que venez-vous faire ici, saperlipipi ? Perlouette veut parler et dire quelque chose quand le petit monsieur en noir l’interrompt : - Et puis, vous n’avez rien à dire. Suivez-moi et plus vite que ça, saperlipapa ! Vous êtes ici au Pays des Larmes. Je suis le dernier serviteur qui peut encore parler au Roi. Je vais vous amener chez lui. Et vous irez lui expliquer ce que vous faites de ce côté, saperlipépé ! Jodeau s’approche de l’homme et lui dit : - Monsieur, nous nous sommes perdus. Nous avons été emportés par une grosse vague de pluie et nous nous sommes retrouvés ici ! Pourquoi ce pays est appelé le Pays des Larmes ? 68
Le petit bonhomme explique que le pays est en pleurs depuis la disparition du fils du Roi. - Il a un jour disparu, on ne l’a plus jamais revu. Tout le monde pleure : les hommes et les femmes, les enfants, les animaux et les plantes aussi ! Et depuis, avec tellement d’eau venue des larmes, il a fallu diriger vers un seul endroit toute cette eau tombée, pour ne pas être noyés ici ! Les larmes tombent maintenant vers le Pays de l’Autre Côté. Je me dis que les habitants de ce pays-là ne doivent pas du tout être contents avec toute cette pluie de pleurs ! Perlouette fronce les sourcils. On voit qu’elle réfléchit, puis s’écrie : - Mais, cette pluie chez nous c’était…, c’est…, mais oui, c’est bien chez nous ! Je comprends tout à présent. Et donc cette pluie, ce sont vos larmes qui nous ont inondés. - On est obligé de pleurer dans ce pays. C’est une décision du Roi. Depuis la disparition de son fils, il est devenu fou. On ne peut plus rire. Tout ce qui fait rire est interdit. Faire le clown ? Interdit. Les cirques ? Interdits. Sinon, c’est la prison ! La seule solution, ce serait de retrouver le fils du Roi. Mais comment retrouver son fils ? Les Lutins lui disent qu’eux aussi ont perdu quelqu’un et pourquoi ne chercheraient-ils pas ensemble les personnes disparues. Les voilà tous marchant en direction du palais du Roi. Ils regardent ce pays qui a l’air si sérieux et triste. Il n’y a plus de couleurs, tout est gris ! Tout est mouillé ! 69
Et tout en traversant le pays, les Lutins aperçoivent une grosse tache brune sous un arbre. - Mais… c’est le Cronak ! Que fait-il ici ? Tout seul ! Leur ami raconte que lui aussi, avec Touvel, il a été pris par la montée des eaux… Et qu’ils sont tombés jusqu’ici. Mais il n’a plus revu Touvel. Il ne sait pas où il est. Que faire ? Les Lutins décident de s’asseoir en cercle et de réfléchir… Qui a des propositions ? Chacun donne son avis. Perlouette propose d’interroger tous les gens rencontrés ici. Jodeau, lui, dit qu’il faut regarder les traces sur le sol. Lunila ajoute qu’il faut trouver des indices de leur passage. Tricoline n’a qu’un mot à la bouche : - Observez ! Mais le Cronak est trop impatient : - Avançons ! Il est important de se mettre en route ! Ne tardons pas ! La boue les empêche d’avancer plus vite. Tous regardent, à gauche, à droite, par terre, en l’air, ici, au loin… - Oh ! Regardez ! Tricoline vient d’apercevoir un arc-en-ciel dans le lointain. Elle aime les arcs-en-ciel : elle aime quand le mélange de pluie et de soleil dessine un pont de couleurs dans le ciel ! - Avançons jusqu’à cet arc-en-ciel ! On va peut-être trouver quelque chose qui nous aidera à retrouver Touvel et le fils du Roi ! 70
La fine équipe poursuit son chemin. Et les voilà devant l’arc-en-ciel. Quel spectacle ! Une fête de sept belles couleurs : rouge, orange, jaune, vert, bleu, indigo, et violet ! - Mais…, qui est ce personnage là-bas ? se demande Tricoline. Un grand garçon, tout habillé de blanc, se tient debout, les bras en l’air. Il porte l’arc-en-ciel. En voyant les Lutins et le petit bonhomme en noir arriver, il sourit. - Ah enfin ! Enfin, vous êtes là ! Ah, que je suis content ! Je suis le Prince perdu. Il m’avait bien dit que vous ne tarderiez plus à arriver, mais je vous avoue que le temps m’a paru long… - Tu es le Prince ! Oh la belle nouvelle ! - De qui parles-tu ? demande Perlouette au Prince. - Mais de l’autre ! Celui qui se trouve à l’autre bout de l’arc-en-ciel ! Le garçon qui dit qu’il vient de la Ronde. Il a dit qu’il est l’ami d’un certain Galos qui est malade et qu’il était parti pour le soigner ! 71
- Mais… c’est Touvel ! 72
Le Prince explique comment il a rencontré le Lutin perdu et il ajoute : - C’est lui qui a trouvé le petit arc-en-ciel caché, presque mort derrière un rocher ! Il l’a pris, l’a soulevé et m’a demandé de l’aider. Il fallait le porter chacun d’un côté de l’arc pour l’amener de l’autre côté du pays, là où le soleil se lève. C’est là qu’il pourra remettre les couleurs sur notre pays. Suivez l’arc-en-ciel et vous trouverez votre ami à l’autre bout ! C’est le Cronak qui prend l’arc-en-ciel à la place du Prince : il faut le porter, sinon, il risque de s’éteindre à jamais. Pendant ce temps, les Lutins, le Prince et le petit bonhomme en noir partent retrouver Touvel de l’autre côté du pont de lumière. Quelle joie de le revoir ! Mais vite, pas le temps de s’attarder, il faut s’y mettre ! Chacun fait alors de son mieux pour que le bel arc-en-ciel traverse le pays gris du pauvre Roi triste. Lunila chante la chanson de la joie retrouvée, Tricoline veille à les diriger par le chemin le plus facile et sans écraser les fleurs qui se remettent à fleurir. Et au fur et à mesure qu’ils avancent, le miracle se produit : les couleurs reviennent ! Chaque plante, chaque fleur, chaque insecte, tout ce qui va et vient et vit retrouve ses couleurs ! Les maisons redeviennent belles et accueillantes et les habitants de ce pays-là se remettent à sourire. Certains même se mettent à chanter avec les Lutins et à les applaudir au passage de l’arc-en-ciel. 73
Le Roi lui-même est sorti de son château et est immédiatement venu à leur rencontre ! Il a pris dans ses bras son fils retrouvé ! Le vieil homme avait même les larmes aux yeux ! Mais c’étaient des larmes joyeuses, pas les larmes tristes qu’il y avait autrefois sur chaque visage et qui ont inondé les Terres d’Ocre, le pays des bellavias, ces plantes dont les Lutins ont besoin pour guérir Galos ! Arrivés de l’autre côté du pays, Touvel et le Cronak déposent délicatement l’arc-en-ciel. Le voilà bien installé là où il doit être. Il pourra maintenant briller et donner toutes ses couleurs à chaque chose sur la terre. Le Roi a organisé une belle fête. Les Lutins sont venus au château pour saluer le roi et toute la famille royale, si heureuse d’avoir retrouvé le Prince ! Au moment où ils buvaient un verre d’eau, un grand vent s’est brusquement levé. Ils se sont sentis emportés d’un seul coup et ils se sont retrouvés sur le chemin qui menait aux Terre d’Ocre. C’est le chemin qu’ils devaient prendre pour cueillir les feuilles qui guérissent ! 74
Ils ont vu les bellavias. Ils ont cueilli les feuilles guérissantes si précieuses. Et ils les ont emportées avec eux… Galos a enfin retrouvé toute la bande des Lutins ! Il a pu être guéri grâce aux feuilles de Bellavias et à la force de toute la sizaine ! Les Lutins se sont réunis dans le cercle du conseil pour faire le point, pour se dire qu’ils ont à nouveau vécu une fameuse aventure ! Chacun en a parlé, en a discuté, s’est souvenu de tel ou tel détail… Jodeau ne veut pas oublier tout ce qui s’est vécu : c’était tellement passionnant, fascinant, captivant qu’il se dit que de telles aventures pourront encore arriver chez les Lutins et qu’il voudrait encore y participer ! C’est pour cela qu’il veut faire sa promesse. Il veut s’engager chez les Lutins ! Il les connaît maintenant. Il sait qu’il pourra vivre d’autres péripéties plus tard, mais aussi en venir à bout ! Avec tout le groupe, avec les talents de chacun !
Et vite, chacun prépare la belle fête de la promesse… Ce sera encore une grande étape pour les Lutins ! Va vite voir dans ton carnet Lutin !
75
L’élément FEU
Il y a déjà deux ans que tu es chez les Lutins ? Tu viens de faire ta promesse. Tu vas vivre ta troisième année dans la Ronde… Alors, découvre ce troisième élément, celui du Feu. Et tu connaîtras alors pourquoi le Cronak appelle cette fois… et tu verras que jouer au jeu de la carotte et danser la danse qui guérit fait sourire le soleil ! 77
78
Depuis trois jours, le soleil ne se couche plus. Les Lutins n’ont jamais vu cela ! Cela fait trois jours… qu’il fait jour ! Trois jours sans nuit… Le soleil est là, dans le ciel, bien à son aise et il brille, tranquillement. Il n’a même pas l’air de se fatiguer… On dirait que c’est son métier ! Sur la terre, les Lutins, les animaux, les oiseaux, tous sont un peu perdus. Il fait clair, trop clair même. Il fait chaud, trop chaud. Tous sont épuisés par cette chaleur. Les Lutins voudraient bien trouver un endroit plus agréable, profiter de l’ombre fraîche, se baigner dans une eau rafraîchissante. Même les arbres sont découragés : les feuilles jaunissent, certaines se détachent ; les branches fatiguées se penchent vers le sol… Certains fruits tombent, tout mous… Heureusement que les arbres-éléphants n’existent plus ! Si un fruit aussi gros 79
qu’un éléphant mou venait à tomber d’un tel arbre ? Ah ! le pauvre qui l’attraperait sur sa tête ! La poussière est partout, l’herbe a presque disparu. Pourtant, chose bizarre, quelques plantes poussent ici et là, belles et vertes, alors que tout est presque séché et assoiffé ! Et sur ces plantes, une fleur se développe : bien droite et fière, vigoureuse et gracieuse. Ces plantes ne portent qu’une seule fleur : rouge orangée, brillante, flamboyante, éblouissante… comme la flamme d’un feu ! Très vite, les habitants de la Ronde ont appelé ces plantes des fleurs-flammes. Parce qu’elles ont l’aspect et la couleur d’une flamme, et ont l’air de brûler sans se consumer. Elles sont grandes et belles, et ne faiblissent jamais. Elles ne donnent pas l’impression de souffrir de la sécheresse, du manque d’eau ou du surplus de lumière… Tricoline, qui connaît très bien les plantes, est étonnée de découvrir cette nouvelle espèce. Mais, prudente, elle prévient tout de suite les Lutins : - Ne touchez pas ces fleurs ! On ne sait jamais… Les Lutins voient aussi que les yeux des animaux brillent de manière plus intense que d’habitude. Disons même de façon un peu différente… C’est… comme s’ils avaient de la fièvre. Comme si quelque chose scintillait dans leur regard. Comme si une petite flamme brillait dans leurs yeux ! Et si une étoile était tombée dans l’œil de ces animaux ? C’est étrange, un peu bizarre, mais beau. Les animaux ont un regard magnifique. 80
Les Lutins n’ont pas revu le Cronak depuis leur dernière aventure. Sans doute qu’il se promène, regarde et aide d’autres amis qui vivent avec lui. Ils se demandent si lui aussi a les yeux brillants depuis que le soleil ne se couche plus, et si son regard si gentil est devenu encore plus tendre et doux… Voilà déjà trois jours que ce soleil ne veut plus se coucher… Et c’est justement le matin de ce troisième jour qu’ils l’entendent enfin, leur ami à quatre pattes : un hurlement bref, court et grave résonne à l’horizon. - Mais c’est le Cronak ! C’est lui, c’est lui qui crie ! Vous entendez ? - On dirait qu’il ne va pas bien… dit Lunila à Galos. - C’est vrai, c’est le cri de quelqu’un qui a mal ou qui est malade… Perlouette, elle aussi, est soucieuse. - Et s’il était vraiment malade, et s’il nous appelait pour l’aider ? Elle rassemble les Lutins pour que la sizaine puisse aller le rejoindre. Très vite, ils sont prêts et vont le retrouver. Quand ils arrivent près de lui… ils voient que quelque chose ne va pas. Le Cronak est là, sur le sol, couché sur le flanc, la bouche ouverte. Il pousse des petits cris essoufflés en tenant ses pattes serrées contre le ventre. Son poil n’a pas la belle couleur brune qu’il a d’habitude. Mais que se passe-t-il ? Les Lutins remarquent qu’il a, lui aussi, les yeux très brillants et 81
même plus brillants que ceux des autres animaux. Il tremble comme s’il avait de la fièvre. Perlouette se penche vers lui : - Mais que se passe-t-il, mon ami ? Tu es malade ? Qu’est-ce qui t’arrive ?
Le Cronak ne parvient même plus à dire des mots compréhensibles. On devrait plutôt dire « il grogne ». Touvel reconnaît cependant quelques mots : - On dirait qu’il parle d’une fleur… Et qu’il a mal depuis… - C’est ça ! Il a sans doute mangé une de ces fleurs-flammes ! s’écrie Galos. Ils doivent bien le constater : leur ami a mangé une de ces étranges fleurs et depuis, il est malade. On dirait qu’il a quelque chose qui lui brûle l’intérieur du ventre… 82
Mais que faire pour lui ? Est-ce dangereux ? Est-ce que son mal va durer ? Comment le soigner ? Les questions se bousculent dans la tête des Lutins. À nouveau, Perlouette leur demande de s’asseoir en cercle et de réfléchir à la situation : que chacun donne son avis, et propose des solutions. Galos propose de faire une recherche sur ces fleurs-flammes : - Il y a bien quelqu’un qui peut nous donner des explications sur ces fleurs ! Est-ce qu’elles sont dangereuses ? D’où viennent-elles ? Comment mieux les connaître ? - C’est peut-être dans un livre qu’on trouvera des explications ? réagit Tricoline.
83
- Et si on allait retrouver le vieil homme « des racines », celui qui nous a indiqué une solution quand la terre avait glissé et que les rongnons étaient devenus fous ? - Et si on demandait de l’aide aux lucioles ? propose Jodeau. - Mais il fait jour, on ne les voit pas ! Demandons plutôt à l’oiseau de feu ! dit Lunila. Après quelques discussions, ils décident que les Lutins partiront par deux, chacun dans une direction, avec l’objectif de récolter le maximum d’informations sur ces fleurs et trouver un remède pour soigner leur ami. Galos et Touvel partiront vers l’ouest, la direction où le soleil se couche. Lunila et Jodeau partiront vers le nord. Perlouette et Tricoline partiront vers l’est, là où le soleil se lève. Galos et Touvel sont tout heureux de pouvoir partir seuls, même s’ils ne sont pas très rassurés… Mais très vite, après une heure de marche, ils s’arrêtent. Ils regardent le sol, les arbres, le ciel. Ils trouvent la nature belle et colorée sous le soleil. Ils ont évité de s’approcher de ces curieuses fleurs… Mais ils n’ont pas hésité à remettre quelques escargots sous les feuilles, bien à l’ombre, pour qu’ils n’aient pas trop chaud. Et ils s’amusent ! Ils courent, ils rient et même ils chantent ! Une bande de rongnons les ont entendus et ils s’approchent des deux Lutins joyeux. Les terribles lapins bleus sont tout souriants en voyant Galos et Touvel : ils poussent même des petits cris de joie en les regardant ! 84
Galos les appelle et leur dit : - Bon, puisque vous êtes là, nous allons jouer au jeu de la carotte ! Vous devez d’abord avoir chacun une carotte avec vous ! Quand vous les aurez, je vous explique le jeu. Les rongnons sont pleins d’ardeur. Ils courent, galopent, sautent derrière les buissons et les arbres, disparaissent… Et après quelques minutes à peine, ils reviennent chacun avec une belle et grande carotte venue de leur réserve. - Vous devez déposer votre carotte sur votre tête, entre vos deux oreilles.Puis marcher en essayant de ne pas la faire tomber ! Celui qui laisse tomber sa carotte ne peut pas la ramasser. Il devra demander de l’aide aux autres et c’est un autre Rongnon qui devra la ramasser et lui remettre sur la tête. - Et sans faire tomber la sienne, bien sûr ! s’écrie Touvel. - Celui qui laisse tomber sa carotte demandera de l’aide en criant : « Et hip et hop, j’ai perdu ma carotte ! » Que c’est amusant de jouer comme ça ! On rit, alors les carottes tombent et vite le joueur appelle à l’aide. Et puis, il repart… Les rongnons se rendent compte que c’est très difficile de se pencher pour ramasser la carotte de l’autre sans faire tomber la sienne. Chacun, Lutin et lapin, fait de son mieux, essaie, réessaie et y arrive. Et tous rient à nouveau ! Mais pas trop… sinon la carotte pourrait tomber une fois de plus ! 85
86
87
Jodeau et Lunila partent vers le nord. Ce nord qui semble si sombre d’habitude, parce que le soleil n’y passe jamais… Ils se promènent, regardent à gauche, à droite, par terre, en l’air à la recherche d’un indice qui permettrait de mieux connaître ces fameuses fleurs-flammes. Plus ils avancent, plus il y a de fleurs autour d’eux. Cela demande beaucoup d’efforts pour ne pas s’approcher trop près d’elles, et ne pas les toucher. Quand Jodeau voit Lunila se glisser à gauche, puis à droite, sauter, se pencher, se tourner, il ne peut s’empêcher de dire : - Mais c’est comme si tu faisais une petite danse, non ? Alors… si l’on inventait la danse du feu ? - Oh oui ! Tu sais bien que j’adore danser ! On pourra alors l’apprendre aux autres Lutins ! Jodeau et Lunila vont et viennent, tournent sur eux-mêmes, se baissent et se lèvent dans un mouvement bien rythmé. 88
Au moment où chacun fait un tour sur lui-même, une fleurflamme pousse et fleurit à côté de lui ! Les deux Lutins continuent de bouger, tourner, sauter, autour des arbres. Et chaque fois, une fleur apparait. Ainsi, danser ferait apparaitre les fleurs ? Et les ferait grandir ? Tout se passe comme si les fleurs répondaient aux mouvements des Lutins… Un moment, Lunila se met à chanter, elle accompagne son chant d’un petit geste de la main. Aussitôt, les fleurs-flammes s’écartent, se rangent, se penchent… comme si elles devenaient toutes gentilles et obéissantes.
89
La danse et le chant nourrissent donc bien ces étranges fleurs et surtout… les maitrisent ! On pourrait alors faire quelque chose avec elles ? Voilà une piste intéressante… Perlouette et Tricoline partent vers l’est, là où le soleil se lève normalement chaque matin. - Et si le soleil lui-même pouvait nous aider et donner une solution ? S’il se tait, c’est que sans doute il a quelque chose de très important à dire, non ? - Ou qu’il y a quelque chose qui l’empêche de parler… - Ces fleurs sont apparues trois jours après le refus du soleil de se coucher… Il y a peut-être un lien entre eux ? - Allons demander de l’aide au soleil ! Les deux Lutins observent le soleil…Elles savent qu’il se lève et se couche et qu’il brille, même quand on ne le voit pas, derrière des nuages, une montagne, ou même l’horizon… Et qu’il réchauffe, donne la vie… Le soleil va, vient, s’approche et puis s’en va… Et si… Et si les fleurs étaient comme lui ?Sans doute alors, à un moment, elles partiront ailleurs ? Les deux Lutins l’espèrent… Et tout en réfléchissant à cela, elles regardent au loin un feu qui brule. Elles s’approchent… Quel beau feu ! Que de belles flammes ! 90
Au début, il était tout petit, timide. Puis elles voient que le feu prend de plus en plus de force… Et bientôt, il devient énorme, géant… Les flammes vont et viennent, tournent et se tordent : en un mot, elles dansent ! Parfois montent dans le ciel de petites étincelles, de petits bouts de bois légers qui brûlent en s’élevant dans l’air… Certaines montent si haut qu’elles deviennent des étoiles… - On dit que l’Arkoule est né comme cela, un jour, dit Perlouette. - Il est né d’une petite étincelle qui s’est envolée… Elle est montée ensuite bien haut dans le ciel, a grandi, et des ailes magnifiques, luisantes et puissantes, colorées de rouge, d’orange, et de jaune se sont déployées sur son corps doré… Parfois ses ailes deviennent blanches comme celles d’un ange… Sa queue bleue exceptionnelle a fait dire de lui qu’il était le Prince des oiseaux de feu. Et qu’il garde le secret du soleil… 91
- Mais alors… on pourrait… Tricoline n’a pas le temps de terminer sa phrase que Perlouette s’écrie : - Vite, il faut revenir dans le village de la Ronde ! J’ai compris ! Toute la sizaine est de retour dans le cercle de pierres, leur lieu de rencontre, de partage, de parole. Ils adorent ce lieu choisi pour pouvoir s’exprimer et raconter leurs aventures ! Ah, quel bonheur de se retrouver ! Chaque groupe présente le résultat de ses recherches. Le groupe de Galos raconte le jeu de la carotte qu’ils ont partagé avec les Rongnons. L’équipe de Lunila parle ensuite de la danse du feu, magique et magnifique ! Perlouette les regarde : elle est pensive… Puis elle sourit, et dit : - Ok ! C’est dans la danse du feu que la solution se trouve ! Jouons, amusons-nous, dansons la danse du feu ! Des étincelles naîtront… et deviendront nos messagers auprès du soleil, ils lui parleront comme les étoiles parlent au soleil pendant son sommeil… Et voilà bien ce qui devait être dit : c’est important de s’amuser, de chanter et de danser ! Jouer est aussi une belle façon d’apprendre ! Les Lutins retournent près de leur ami malade qui a l’air tout heureux en les voyant ! Les Lutins s’approchent doucement, en chantant, puis se mettent à danser autour du Cronak, qui 92
sourit, rit puis tousse, puis… rejette la fleur qu’il avait en lui ! Le voilà délivré de son mal ! Le voilà guéri ! C’est alors qu’une chose incroyable se passe… Même le soleil sourit : le voilà apaisé, détendu, on dirait... qu’il baille ! Et, aussitôt après, il va se coucher… Enfin ! Enfin, il va faire noir et plus frais ! C’était donc ça ! Le soleil ne voulait plus aller se coucher parce que son ami Cronak avait mangé une fleur-flamme ! Il voulait le voir guéri ! Et il devinait bien que la sizaine pouvait l’aider… Les Lutins regardent les fleurs-flammes s’éteindre une à une… laissant la place aux lucioles et à la nuit… - Vite, il fait presque nuit. Allons-y ! - Oui, il faut rentrer, les Lutins !
Et les Lutins de la Ronde s’en retournent tout contents en chantant dans le crépuscule aux couleurs magiques…
93
L’élément AIR
Il y a déjà trois ans que tu es chez les Lutins ? Tu as peut-être fait ta promesse. Tu vas vivre ta quatrième année dans La Ronde … Alors, découvre ce quatrième élément, celui de l’Air. Et tu sauras pourquoi le Cronak appelle une dernière fois… Et tu entendras le message unique et magnifique destiné aux Lutins du monde entier… 95
96
Les Lutins partent découvrir le Pays de l’Autre-Côté. Ils aiment marcher vers l’inconnu, découvrir de nouvelles choses. Il y a tant de belles choses sur la terre de la Ronde ! Et puis, ils se sentent forts ensemble, et bien soudés en équipe depuis leurs aventures vécues en découvrant les autres éléments. Ils ont eu peur en automne, ils ont eu froid en hiver, ils ont dansé au printemps ! Ensemble, ils ont ri de joie et crié d’inquiétude ! Ils ont pleuré de tristesse et de colère. Ils ont chanté leurs découvertes et leurs réussites. Et la marche, ils connaissent : ils ont escaladé des collines. Ils ont traversé des rivières. Ils ont sauté par-dessus des pierres et des rochers. Pendant des heures, pendant des jours. Les voilà à nouveau en route maintenant… Les Lutins sont partis très tôt le matin dans le soleil. 97
Lunila a très vite commencé à chanter, sur l’air de leur chanson Ensemble, pour dire la joie de la sizaine, et aussi pour se donner du courage : la route sera longue, et les surprises possibles ! Le Pays de l’Autre-Côté, on pourrait dire que c’est le pays mystérieux qui fait trembler chaque Lutin. Mais en même temps, c’est le pays que tout le monde a envie de découvrir… C’est là qu’est né le Cronak : il en a souvent parlé aux Lutins. Ah que c’était amusant de l’entendre raconter ses jeux de cache-cache avec ses frères et sœurs, ses petites blagues qu’il adorait faire aux rongnons grognons pour les voir un peu sourire ! Des lapins riants, c’est tellement plus rigolo ! Le Pays de l’Autre-Côté, c’est aussi le pays de l’Arkoule. Les Lutins ont envie de voir sa maison, ses enfants, son arbre… Et donc, ils sont partis, tôt le matin, avec tout cela dans leur cœur. Mais depuis un moment, le soleil a disparu ! Il joue peut-être à cache-cache avec les nuages ? On dirait qu’il perd la partie : de plus en plus de nuages le recouvrent. De gros nuages gris et sombres remplissent le ciel entier. Un orage se préparerait-il ? Soudain, le vent se lève. L’orage arrive, c’est sûr ! Tout en regardant en l’air, les Lutins voient dans le ciel devenu très sombre un vol bizarre. Ils ne parviennent pas à distinguer ce qui vole… Des oiseaux ? Des sauterelles géantes ? Des gros papillons ? 98
- Mais… ce sont des rongnons ! Regardez, ils volent ! - Oui, c’est incroyable ! - Regardez ! Ils utilisent leurs oreilles comme ailes ! Et certains les font tourner comme un hélicoptère ! - Incroyables, ils sont incroyables, ces lapins bleus, ils nous amènent beaucoup de surprises ! Devant les Lutins ébahis, sous les nuages gris, les rongnons volent comme une escadrille d’avions, bien disposés en ligne ! Les Lutins n’ont jamais vu cela, et pourtant… c’est bien ce qu’ils voient : des lapins volants ! Les Lutins voient aussi que les rongnons ne sont pas seuls dans le ciel… Des oiseaux volent et se laissent porter sans effort par le vent. On distingue bien les oies sauvages qui filent, en V, comme un trait de flèche. Elles sont tellement belles, avec leur vol régulier, leur majesté bien arrangée. Mais les Lutins voient aussi d’autres oiseaux voler. Des oiseaux qui n’ont pas l’habitude d’aller si haut, si loin… Ce n’est pas normal tout ça ! Dans le ciel, des poules, toutes grosses, des dindons, tout rouges, et des paons, tout fiers, avec leur grande queue : tous suivent les oies…Des papillons et des libellules sont emportés, entraînés. Ils ne sont pas du tout habitués à être poussés aussi fort par le vent. Ils tremblent de peur. Leurs ailes sont toutes fripées. 99
100
Heureusement, certains oiseaux, plus habitués à résister aux vents violents, les protègent en les prenant sous leurs ailes. Dans le ciel, des feuilles, des plumes, des papiers de toutes les couleurs volent également. Le vent les pousse, les soulève, les fait s’élever, tournoyer, planer, redescendre, aller plus loin. On dirait qu’il joue !
101
Les Lutins s’amusent en se laissant pousser et porter par ce vent, même si leur cœur est un peu serré par ces phénomènes assez curieux. Que se passe-t-il ? Soudain, un énorme coup de vent secoue la sizaine : les Lutins se retrouvent tous par terre ! Et tout décoiffés bien sûr ! Les uns rient, les autres ne rient plus du tout. Le vent souffle et hurle, secoue et bouscule tout sur son passage. Les Lutins continuent d’avancer, en tenant d’une main leur foulard, de l’autre la main des uns et des autres… Galos crie : - « Ensemble, on est plus fort ! » C’est en voyant les rongnons qu’ils se sont dit que cela ne tournait pas rond dans le ciel. Cette tempête est sans doute le signe de quelque chose de sérieux. Soudain, au beau milieu de tout ce qui volait dans le ciel, l’Arkoule apparaît. Le Prince des oiseaux est là au-dessus d’eux, avec ses grandes ailes colorées de feu orangé. - Avancez jusque là-bas ! On a besoin de vous dans le calme et le silence… Et je dois aussi vous dire… Mais l’Arkoule est à nouveau emporté dans le ciel sombre… Cet oiseau est un ange. Il vole dans les airs et les rêves. Il apporte toujours de si bons conseils, juste au moment où il faut les recevoir… 102
Mais que voulait-il encore dire aux Lutins ? Lentement, les Lutins se dirigent vers le sud, vers le Pays de l’Autre-Côté. 103
C’est de là que vient le vent chaud. Plus ils avancent, plus le vent se fait violent. Le vent souffle sur tout ce qui se trouve sur son chemin : il file, fort et furieux, comme un fou fier de faire tout envoler… Soudain, Jodeau arrête les Lutins : - Regardez ! Voilà maintenant que des chats miaulent de peur en l’air, des chiens aboient là-haut ! Les Lutins parviennent à se protéger du vent derrière un mur. - Et si le mur s’envolait aussi ? dit Tricoline. Perlouette la rassure : - On reste ici le temps de réfléchir. Le mur nous protège pour l’instant. Notre objectif est d’aller voir le Pays de l’Autre-Côté Il semble bien que le vent vienne de là-bas. Que peut-il bien se passer dans cette région ? Tant qu’on le peut, on continue… Les Lutins avancent contre le vent du sud qui souffle de plus en plus fort. Et après plusieurs heures de marche difficile, ils se rendent compte que le vent provient d’un endroit bien précis. Ils regardent… et ils voient, dressée au milieu d’une plaine bien dégagée, une porte, une énorme porte en fer. Ouverte ! Le vent sort de là ! Il y a là comme un courant d’air… Les uns après les autres, les Lutins se faufilent jusqu’au passage… puis, la tête baissée, difficilement, ils parviennent à passer de l’autre côté. 104
Et là, c’est étrange : ils n’entendent plus rien ! Que se passe-t-il ? Un impressionnant silence règne au-delà de la porte. Plus aucun bruit, ni cri d’oiseau ou d’animaux. Plus de bruit de feuilles dans les arbres. Plus de vent qui hurle et fait peur. 105
Très vite, les Lutins se rendent compte qu’il n’y a presque plus d’air… Ils commencent à respirer difficilement. Que faire ? - Là… Regardez… Des bols d’air ! En effet, sur un rocher plat, des dizaines et des dizaines de petits bols ont été déposés. Les Lutins se précipitent, prennent chacun un bon bol d’air, l’avalent goulument et… se sentent déjà bien mieux ! Mais jusqu’à quand ? S’ils doivent avancer dans ce pays sans air, cela deviendra vite très difficile, voire même impossible ! Les Lutins se sont assis et réunis autour d’un bol… et chacun pense à une solution. Ils ne disent pas grand-chose. Ils se regardent. Ils ont chaud. Ils ne veulent pas gaspiller le peu d’air qu’il leur reste dans des paroles non réfléchies. - Et surtout, pas de parole en l’air ! a soufflé tout bas Touvel. Et tout le monde rit ! - L’air s’échappe par la porte. Il suffirait de la fermer, non ? s’écrie Galos. - Mais pourquoi est-elle ouverte, alors ? se demande Lunila. - Il nous faut de l’aide. Quelqu’un nous dira bien ce qu’il s’est passé, et ce qu’il faut faire pour que l’air revienne ici. 106
107
- Et hip et hop, me voilà tip top ! Galos, qui ne tient pas en place, a grimpé à un arbre, pour voir plus loin, pour avoir des indices ! - Là-bas, regardez ! Il y a un homme avec les deux bras écartés. On dirait qu’il nous fait signe ! D’un bond, la sizaine se lève et se dirige vers le champ situé en hauteur, séparé par une clôture, là où se tient l’homme aperçu au loin. Un vieil homme a les bras ouverts. Il porte un chapeau de paille. On dirait qu’il leur sourit. Il ne bouge pas. Arrivés près de lui, ils voient que c’est un épouvantail ! - Ah, vous voilà ! J’ai des choses à vous dire… dit l’étrange vieil homme. - Mais, c’est plutôt nous qui devrions vous poser des questions ! dit Perlouette. - Quelque chose ne va pas. De l’autre côté de la porte, le vent est devenu fou… Ici, de ce côté, il n’y a plus rien, plus d’air… on est venu découvrir ce Pays de l’Autre-Côté, et nous découvrons un pays 108
vide et presque mort ! Vous qui êtes ici, aidez-nous ! - En fait, vous n’êtes qu’à l’entrée du Pays de l’Autre-Côté. Ici, vous êtes au royaume du Roi Padernido. C’est un personnage un peu fou qui ne veut pas n’importe quoi chez lui. Vous voyez, il n’y a pas d’arbre ici, ni de fleur. Il n’y pas de route, que des chemins. Beaucoup de légumes, mais pas de carotte, ni de poireau, ni de potiron. Les parents ne sont pas admis. Mais les enfants et les vieux, oui. - Et… pas d’école ? Pas d’écolier ? - Oui, c’est ça. - Pas de voiture, pas de vélo. - Je crois que je commence à comprendre… dit Tricoline. Et dans ce pays, on ne trouvera pas le Cronak, ni les Rongnons, c’est ça ? Seulement des Lutins ? - Oui, c’est bien ça le royaume du roi Padernido ! Perlouette voudrait avancer. - Bon, et maintenant, nous on veut des explications ! - La porte doit être fermée, sinon elle provoque de terribles courants d’air. Je devrais dire… ce vide d’air ici ! Ce n’est déjà pas rien pour nous, habitants du royaume où il n’y a pas d’air ni d’eau… mais plus loin, dans la vallée, c’est la catastrophe… L’épouvantail les emmène sur le haut de la colline. 109
De là-haut, ils aperçoivent le Pays de l’Autre-Côté, maintenant sans air… - Regardez, c’est rempli de fleurs ! s’écrie Tricoline. - Non, ma petite, ce ne sont pas des fleurs, ce sont des papillons. Ils sont tombés sur le sol, morts. Ils n’avaient plus d’air pour voler… - Et là ? demande Jodeau. - Mais… mais c’est notre ami le Cronak ! Regardez, il est couché sur le flanc… il dort. Les Lutins veulent aller près de lui. Ils veulent lui parler. Dire qu’ils sont venus voir son pays d’enfance. Le vieil homme les met en garde : - Vous ne pourrez pas arriver là-bas sans d’abord avoir fermé la porte. Cette porte a été ouverte par les rongnons. Les rongnons voulaient voler. Ils savaient qu’en ouvrant la porte, un immense coup de vent pouvait se produire et les emmener bien loin, bien haut, dans les airs… comme les oiseaux et tout ce qui vole ! Mais aussi, cela allait provoquer un grand vide d’air par ici… Et donc, très vite, la catastrophe pour le pays ! Vous ne pourrez la fermer que si vous avez ceci. Et le vieil homme enfonce son bras raide dans une de ses poches rapiécées. Il en ressort une pièce ronde en terre cuite, sur laquelle sont inscrites des lettres et des lignes. Touvel reconnait tout de suite l’objet : - C’est une rose des vents ! 110
Elle indique le chemin à prendre en fonction de la direction des vents. - Oui, mais celle-ci est magique, dit l’épouvantail. Avec cette rose des vents, on peut commander les vents. Celui-ci ira toujours dans la direction demandée. Elle vous aidera à prendre le bon chemin ! Perlouette confie la rose des vents à Lunila, la seconde. Très vite, les Lutins se retrouvent près de la porte. Perlouette demande au vent du sud de revenir et de repasser par la porte. Elle a à peine terminé sa phrase qu’un grand courant d’air les renverse à nouveau. Et les Lutins voient revenir tout ce qui volait… Les poules, les dindons, les paons se bousculent au milieu des feuilles, des plumes et d’autres objets volants. Partout des cocoricos, des coincoins, des glouglous, des piaillements, des craquètements et autres cris d’oiseaux se mêlent aux bêlements et beuglements des plus gros animaux revenus en masse désordonnée. 111
112
Les derniers, les rongnons se retrouvent près des Lutins, sur le sol, heureux et… confus ! Et sur l’ordre des Lutins, ils se dépêchent de fermer la grande porte. 113
- Maintenant, allons voir notre ami, dit Tricoline. Il a peut-être besoin de nous. Chaque Lutin, avec divers objets trouvés dans la nature, et sur le conseil de Touvel, a confectionné un cerf-volant, le moyen idéal pour s’élever dans les airs, et rejoindre plus vite leur destination. Puis chacun s’est accroché à son cerf-volant. Lunila a demandé à la rose des vents de faire souffler le vent en direction du Cronak. Et les Lutins se sont envolés… Ils se sont élevés 114
dans les airs, tirés par leur cerf-volant, guidés par la rose des vents. La magie continue… Après quelques instants seulement, les Lutins ont traversé la colline, survolé la rivière, puis sont descendus dans la vallée. Leur ami est là, à quelques mètres de la rivière, couché contre un arbre. C’est alors que l’Arkoule, le prince des oiseaux, apparaît. - Mes amis, leur dit-il, le Cronak, notre compagnon à tous, est parti. Il n’a pas résisté au manque d’air. Et l’Arkoule ajoute, d’une voix tremblante de tristesse : - Je ne pouvais pas vous l’annoncer. Le vent m’a emporté plus loin que prévu. Le Cronak s’est senti mal, il ne parvenait plus à respirer. Il m’a demandé de vous prévenir. Il voulait encore vous dire quelque chose… Les Lutins s’approchent et voient leur ami, les yeux fermés, la bouche entre ouverte. Le Cronak est mort. Il est revenu dans son pays natal pour s’en aller pour toujours. - Oh non! Ce n’est pas possible ! dit Galos. - Regardez, on dirait qu’il dort…, dit Tricoline. Les Lutins s’agenouillent près du Cronak, pour le caresser, pour l’embrasser, pour lui dire un dernier au revoir. Ils pleurent. 115
Les Lutins se sont tus maintenant. Il fallait qu’ils se rendent compte de cette découverte. Il fallait qu’ils l’acceptent. C’est la mort… C’est la vie… Et c’est dans ce silence apaisé que sont venus les derniers mots de leur ami le Cronak… Écoutez ceci… Un bruit fait sursauter tout à coup les Lutins. Ce bruit vient d’au-dessus d’eux. Un deuxième bruit suit directement après. Puis un troisième. C’est comme si des pétards en série éclataient. La sizaine lève la tête, et voit, en l’air, juste au-dessus d’eux, comme des grosses bulles de savon qui éclatent les unes après les autres. En éclatant, elles libèrent… les derniers mots du Cronak ! Leur ami, qui se sentait partir, a rassemblé ses forces, et a donné ses dernières paroles qu’il voulait dire aux Lutins dans ces quelques bulles d’air qui partaient du Pays de l’Autre-Côté. Et les Lutins peuvent alors entendre, et puis voir inscrits en belles grandes lettres d’or dans le ciel bleu, les mots de leur ami. L’Arkoule a déployé ses ailes et s’est envolé plus loin, plus haut, comme un ange du bonheur. Quel moment extraordinaire ! Les Lutins étaient là, les yeux grands ouverts, béats, heureux, ravis, remplis de tout ce bonheur vécu depuis des jours et des jours… Ils regardaient le ciel, éblouis, tout en sentant leurs pieds lourds et fatigués, mais si riches de ce contact avec la terre…
116
Un Lutin pense aux autres. Un Lutin cherche Ă faire plaisir.
Un Lutin sème la joie. Un Lutin est vrai.
117
118
Et après ?
J’ai vu alors les Lutins revenir chez eux, fiers d’avoir vécu toutes ces aventures. C’est vrai, leur cœur était encore tout gonflé de tristesse. Ils ont perdu un ami. Mais ils savent aussi qu’il restera toujours dans leur cœur, et qu’ils feront de leur mieux pour vivre dans la Ronde avec tout ce que le Cronak leur a enseigné. Et déjà, dans ce petit groupe de Lutins, on entend des rires et plein de questions. Bientôt, la sizaine partira à nouveau pour une passionnante aventure. Cette fois, ce sera pour vivre le camp. - Dix jours de découverte d’un endroit inconnu : voilà le projet ! a dit Perlouette. - Votre sac à dos sera bien plus gros que cette fois-ci ! a ajouté la seconde.
119
Alors, toi qui as déjà vécu un sentier de découvertes, ce chemin coloré par le fil des saisons qui a permis d’apprendre à vivre ensemble, imagine ce moment et cette chance d’avoir dans le groupe quelqu’un comme Galos ou Touvel ! Quelqu’un comme Tricoline et Jodeau… Ou encore comme la sizenière, Perlouette, et la seconde, Lunila. L’été est là. Le camp aussi : avec ses jeux et ses mystères, avec ses journées entières vécues ensemble, ses repas et ses nuits partagées. Ses moments de rire, ses moments joués, ses moments chantés. Avec le matin pour se lever, le soir pour regarder les étoiles. Avec la vaisselle ensemble, et les marches… Et la vie continue comme cela. Pour toi comme pour tous les Lutins avant toi, et ceux qui viendront après. Perlouette quittera la sizaine et Lunila la remplacera. Après l’été, on accueillera un nouveau Lutin, et on lui fera découvrir le pays de la Ronde, et on lui racontera toutes les belles aventures vécues au cours des saisons. Un jour, sans doute, comme moi, tu raconteras l’étonnante histoire de la Ronde autour de toi, aux nouveaux Lutins. Tu la rappelleras aux anciens et tu te diras, sans aucun doute : « Ah, qu’elle est belle la vie chez les Lutins ! »
120
Tricoline Lunila
Jodeau
Guides Catholiques de Belgique