L 12969 - 24 - F: 5,00 € - RD
[SOMMAIRE]
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A L’EST D’EDEN
C’EST LA GUERRE DANS LA CONFÉRENCE EST
34
LES 25
PERSONNALITÉS
UN CERTAIN NOMBRE DE PAGES ONT ÉTÉ VOLONTAIREMENT ENLEVÉES
L’AGE DE RAISON
30
LAMONT HAMILTON A BOY IN THE HOOD
58
ENTRETIEN
BILL RUSSELL
DIEUX DES ENFERS BRANDON ET TYREKE SONT TOMBÉS DANS LES LIMBES DE LA LIGUE, L’ENFER DU SPORT PRO.
Real, Black & Green
62
COMMUNICATION INTERROMPUE
66
KEVIN DURANT
78
GOOD OL’ DAYZ
JULIUS ERVING
CECI EST UNE VERSION PARTIELLE DE REVERSE
BASKET DE L’ANNÉE
40 RICKY RUBIO
52
ATTENTION
LA FIN DE L’ELDORADO RUSSE ?
74
LA COMM’ DU BASKET FRANÇAIS EST RESTÉE BLOQUÉE 20 ANS EN ARRIÈRE
[RUN&GUN]
[RUN&GUN]
ROANNE
SANS FAUSSE NOTE AVEC UN NOUVEAU GROUPE SANS STAR, MAIS OÙ CHACUN JOUE JUSTE, JEAN-DENYS CHOULET A RETROUVÉ LE SOURIRE.
A
Par Guylaine Gavroy
Photos Sébastien Randé
lors, il est content JeanDenys ? Célèbre pour ses coups de gueule et ses sorties virulentes, JDC avait traîné sa peine la saison dernière et porté un fardeau aussi lourd que les 142 kg qu’il soulève au développé couché. Cette saison, le coach de Roanne a retrouvé le moral et va même jusqu’à dire des amabilités sur son escouade. On est encore loin des déclarations dithyrambiques, mais Choulet se fait plus tendre quand il s’agit d’évoquer un groupe qui caracole fièrement dans le haut de tableau de la Pro A. Jamais, sans doute, la Chorale n’aura aussi bien porté son nom. A l’image d’un film « choral », où l’absence d’acteur principal confère une importance à chacun des interprètes, Roanne s’appuie sur un effectif riche et complet, sans joueur
star ou incontournable. « Chez nous, il n’y a pas de cinq majeur, mais un cinq de départ », s’amusait à préciser JDC dans les colonnes du Progrès. Chacun apporte son écot et participe à ce début de saison flashy. Les hommes du banc sont invités au festin et ce sont les plus forts qui terminent les rencontres. Uche Nsonwu, Marco Pellin, Nick Lewis, Souleyman Diabaté, Pape-Philippe Amagou, Tony Wiliams, Ralph Mims, David Noel, Samba Dia, Etienne Brower se partagent le temps de jeu et ça marche (7 victoires et 2 défaites pour commencer la saison) ! Sans renier son amour pour le beau jeu, porté sur l’offensive, le coach roannais peut compter cette année sur des chiens de garde teigneux en défense. Villeurbanne, Le Mans et Orléans en ont d’ailleurs tous fait la douloureuse expérience... Eternel dénicheur de pépites - on lui doit déjà Jerry Mc Cullough, Marques Green, Terrell McIntyre et, dans un passé récent, Dee Spencer et Brion Rush-, JDC a de nouveau frappé fort avec Mims, un arrière plein de talent comme il les aime tant, et Lewis, un joueur à tout faire, parfait relais du colosse Uche Nsonwu dans la peinture. Alors que les « gros » galèrent pour assumer leur statut, la Chorale récite son basket l’unisson. On comprend que Choulet ait le sourire …
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ANTHONY
35% Arthur Fonzarelli dit Fonzie Personne n’est plus cool que la star de « Happy Days », mais en NBA, le plus cool c’est Melo. Toujours la banane (pas la coupe, le sourire), toujours détendu, jamais stressé, Carmelo est un as de la cool attitude.
43% Jet Li 31 points de moyenne à 50% soit
8 points de plus que l’année dernière ! Melo est devenu plus tranchant que le sabre d’un maître Shaolin et s’est transformé en tueur plus redoutable que Wah Sing Ku et plus bondissant que Danny the Dog.
22% Véronique et Davina
On ne sait pas si Carmelo est passé entre les mains expertes des reines de l’aérobic, mais sa remise en forme spectaculaire en un été fait des jaloux dans les fitness clubs du monde entier.
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INTERVIEW PREMIÈRE FOIS
GEORGE EDDY
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« AVEC LES FILLES, ÇA M’EST ARRIVÉ DE PROFITER DE MON STATUT DE BASKETTEUR, MAIS... » .................................................................................................... Propos recueillis par Yann Ohnona Photo Patrick Sagnes REVERSE : Le premier match que tu as commenté… George Eddy : Un Boston-Knicks avec Charles Biétry, en janvier 1985. REVERSE : Le premier gros problème technique… GE : C’était un lundi soir, tard, pour un match de foot us, l’équipe technique fumait des pétards dans la régie. Et ils ont affiché le score final au début de la retransmission. Il a fallu meubler pendant deux heures… REVERSE : Le premier incident avec un coach ou un joueur, après un match… GE : Un jour j’ai critiqué Limoges lors d’un match contre Pau où ils avaient été mauvais. J’ai appris après que certains dirigeants du CSP avaient essayé de me faire virer ! Un choc.
REVERSE : La première fois que tu as vraiment pris ton pied en commentant un match… GE : A partir des JO de 92, parce que jusque-là j’étais nerveux. Biétry nous mettait la pression. Mais quand on a vu Thierry Rey en 92, qui avait le droit de tout dire, ça m’a aidé à me lâcher, à être plus moi-même. REVERSE : La première fois que tu as commenté une finale NBA sur place ? GE : 1991. L’éblouissement, après cinq ans en cabine à monter des matches vieux d’une semaine. Avec nous, il y avait l’Italie et le Mexique. On était des pionniers. Tout était encore à faire. REVERSE : Ton premier dunk… GE : Je n’ai jamais dunké, à part avec une balle de tennis ou de volley. Mais ça ne m’a pas
empêché d’être pro quinze ans (rires)… REVERSE : Ta première engueulade par un coach pro ? GE : A Bagnolet, au début, ils voulaient carrément me virer, ils étaient déçus par mon niveau. Ils m’ont même donné un billet d’avion pour les Etats-Unis, que j’ai jeté sur la table en jurant que je finirai par m’imposer. De toute façon, en gros, dès que je jouais mal ou peu, je faisais la gueule au coach (il se marre). REVERSE : Ton premier souvenir basket à la télé ? GE : J’avais 8 ans. Un voisin m’a invité un dimanche après-midi voir un match de NBA. Un duel Wilt Chamberlain/Bill Russel. Une révélation mystique. Depuis et pour toujours, Chamberlain est devenu mon joueur préféré. REVERSE : Ta première groupie ? GE : Ça m’est arrivé de profiter de mon statut de basketteur, mais j’ai vite compris les limites de ce type de relations. Une femme, j’en voulais une seule, belle, qui reste avec moi. La fille de Jean Galle, à Caen, a été l’un de mes grands amours. REVERSE : Ton premier gros achat avec l’argent de ton contrat ? GE : Une Golf GTI à Caen en 82. J’en avais marre des voitures pourries que les clubs nous prêtaient. REVERSE : Ton premier film porno ? GE : Moi j’allais plutôt acheter Playboy ou Penthouse en cachette. Les premiers, ç’a dû être ceux de Canal… REVERSE : Ta première paire de baskets ? GE : Mon père était un peu radin. Au début j’achetais des trucs sans marque. Ma première vraie paire, c’était des Converse Chuck Taylor All-Star. REVERSE : Le premier adversaire qui t’a marqué ? GE : Edward Jurkiewicz. Un ancien international polonais venu à Valenciennes finir sa carrière, en N3. Il mettait parfois 80 pts dans un match. La pureté de son shoot était incroyable. Quand on était opposés, c’était le duel des pistoleros. REVERSE : Ton premier titre ? GE : Après une jeunesse pleine de frustration, où je n’avais pas été retenu par les équipes de mon lycée et de mon université, j’ai remporté un tournoi de 1x1 de l’Etat de Floride. REVERSE : La première fois où tu as voulu abandonner ? GE : Je n’ai jamais eu envie d’arrêter, j’aimais trop ça. Pourtant chaque fois que j’étais le dernier à être évincé dans une équipe, mon père me disait que je n’y arriverais jamais. Mais j’ai persévéré. Retrouvez l’interview première fois dans son intégralité sur BasketSession.com
ON N’A PAS OSÉ >>> Dire trop haut que ce
serait quand même dingue qu’une équipe française réussisse à atteindre le Top 16 de l’Euroleague, mais pas à se maintenir en Pro A. >>> Demander à Bill Russell s’il avait vraiment fait
semblant d’être cool avec Wilt Chamberlain pendant toute sa carrière pour qu’il joue moins dur contre lui. Parce que, bizarrement, une fois à la retraite il n’a pas arrêté de l’allumer… >>> Imaginer qu’il puisse
y avoir un lien direct entre le fait que Shabtaï Kalmanovitch ait fait un doigt d’honneur à Pierre Vincent… et qu’il se soit fait dessouder en pleine rue quelques mois plus tard. C’est trop dangereux le basket féminin…
>>> Balancer celui qui vou-
lait titrer l’article sur Ricky Rubio « Le choix dans la date ». T’inquiète Flo, ça restera entre nous. Oups… >>> Imaginer les discussions au petit dèj entre Khloe Kardashian et Lamar Odom. Même Phil Jack-
son ne doit pas être assez zen pour encaisser ça. >>> Demander à George Eddy ce qui était le plus dur à l’époque, se lever la nuit pour commenter les matches ou supporter Eric Besnard pendant trois heures.
DOSSIER LA CHASSE AUX LAKERS
k?. +++
DOS+ + + + + + SPÉCSIER +++ + + IA + + +L
PAR JEAN-SÉBASTIEN BLONDEL
PHOTOS CHRIS ÉLISE, K-REINE & KEITH ALLISON
A
llez dire à Orlando, Cleveland et Boston que les Lakers étaient largement au-dessus l’an dernier et que la Conférence Ouest est plus forte que la leur. Ils auront le même regard vengeur. LeBron James se voyait déjà terrasser Kobe dans la finale la plus médiatisée de tous les temps. Kevin Garnett a dû ronger son frein pendant tous les playoffs à regarder les siens se cramer sans pouvoir les aider à conserver leur titre. Dwight Howard et son Magic ont puisé, tour après tour, dans les doutes émis un peu partout quant à leur crédibilité et à leur véritable niveau, pour finalement passer complètement à côté de leur finale et douter d’eux-mêmes. Les trois cadors de l’Est ont tous connu une terrible désillusion et ne veulent pas revivre ce calvaire en juin prochain.
DOSSIER LA CHASSE AUX LAKERS
DOSSIER LA CHASSE AUX LAKERS
ORLANDO BOOM
Stan Van Gundy sait que ses joueurs ne sont pas passés loin. Un lay-up de Courtney Lee, un peu plus de présence d’esprit sur le tir égalisateur de Derek Fisher dans le Game 4. Une bonne dose d’expérience. Un troisième move offensif pour Dwight Howard, aussi, tant qu’à faire, une vraie rotation intérieure. Et un peu plus de réussite en attaque pour le duo Rashard Lewis-Hedo Turkoglu. Comme tous ces « détails » ne suffisaient pas à occuper le front-office du club pendant l’été, celui de Los Angeles a décidé d’en rajouter une couche. Exit Trevor Ariza, pourtant excellent en playoffs, c’est le bouillonnant Ron Artest qui viendra jouer les intimidateurs pour stopper le scoreur adverse. Tant pis pour le noyau dur d’Orlando : les dirigeants comprennent tout de suite que, sans un changement majeur, leur équipe est condamnée, au mieux, à subir le même sort. Turkoglu en fin de contrat et désireux d’offrir ses services au plus offrant, le Magic décide de laisser l’artiste turc terminer sa partie de CluHedo avec Portland et Toronto et de lui trouver un remplaçant. Qui refuserait de jouer en Floride, dans un club ambitieux et avec un colosse comme D12 ? Le profil de l’heureux élu est simple. Le back-court manque cruellement d’un joueur explosif qui puisse attaquer le panier et se créer son propre tir, ce dont Lewis est totalement incapable. Orlando a besoin d’un vrai scoreur, au risque de ne pas remplacer le génie créateur de Turkoglu. Vince Carter, natif de Floride qui plus est, est le candidat idéal, et les Nets, comme les Raptors avant eux, sont prêts à le brader pour s’en débarrasser. Dans le jeu, Carter a tout pour résoudre le gros problème de scoring extérieur que les Lakers avaient posé à Orlando en finale, en emprisonnant Hedo et Rashard Lewis. Contrairement à eux, Vince est explosif, est capable de driver remarquablement bien quand il est motivé, et peut se créer son shoot n’importe quand, contre n’importe qui. Sa présence devrait aussi dissuader les défenses adverses de prendre le risque de double- et triple-teamer Howard en espérant que les extérieurs s’étoufferont avec leurs responsabilités. Et puis, en signant l’ex-Air Canada et Air Meadowlands, Otis Smith, le GM floridien, sait que son club prend une autre
Orlando a sorti Jason Williams de sa retraite. Résultat : 8 points, 5 passes en 25 minutes et un joli 42% à trois-points.
DOSSIER LA CHASSE AUX LAKERS
Cette année, Rashard peut se contenter de jouer les troisièmes options de luxe.
L.A.
TRILOGY
PT.1 S’ils devaient se jouer en
CARTER A TOUT POUR RÉSOUDRE LE GROS PROBLÈME DE SCORING EXTÉRIEUR QUE LES LAKERS AVAIENT POSÉ À ORLANDO EN FINALE. dimension, ne serait-ce que sur le papier. Avec Turkoglu, le Magic n’était pas totalement pris au sérieux. En le remplaçant par un multiple All-Star encore affuté, il envoie un message fort. Orlando avait besoin de cette crédibilité. Les médias américains ont parfois été durs avec lui, mais ils le respectent et connaissent sa valeur, les arbitres aussi. Turkogklu, avec son jeu atypique et son parcours en dents de scie, n’impose pas la même révérence. Mais le recrutement ne s’arrête pas là. Smith sait que pour avoir une chance de battre les Lakers, il doit équilibrer son roster, blindé d’extérieurs mais léger à la mène et dans la raquette. Alors, il casse sa tirelire pour resigner Marcin Gortat, met la main sur Brandon Bass, steale Matt Barnes et sort Jason Williams de sa retraite. Des transactions qui n’ont pas forcément l’air révolutionnaires, mais qui font instantanément d’Orlando l’équipe la plus équilibrée et la plus « profonde » de la Conférence Est… de loin.
LA VALSE DES RAGEUX
De leur côté, Cleveland et Boston n’ont toujours pas digéré leurs éliminations prématurées. Les Celtics savaient que la blessure de Kevin Garnett risquerait de leur être fatale, mais c’est en finale de conf’ qu’ils se voyaient perdre et contre Cleveland. Idem pour les Cavs qui s’imaginaient déjà au premier rang pour assister au duel Kobe-LeBron que tout le monde attendait. Les deux derniers finalistes étaient loin de penser que le Magic, avec ses 59 petites victoires en saison régulière, aurait de quoi les malmener et avancer la date de leurs vacances. Alors, les ex-favoris de l’Est se sont juré d’attaquer deux cibles au lieu de se concentrer uniquement sur les Lakers. Résultat, une course à l’armement qui risque bien de se prolonger toute la saison. Cleveland et Boston se sont déjà armés comme il faut pour rasseoir leur suprématie au sein de la Conférence. Les Cavs, comme Orlando, ont ratissé large, en ajoutant à leurs troupes un avion de chasse à court de munitions (Jamario Moon), un couteau suisse (Anthony Parker) et bien sûr un vieux tank rouillé mais toujours aussi destructeur. Le pari Shaq a clairement été tenté pour contrer Dwight Howard, le big man le plus monstrueusement puissant depuis O’Neal. Danny Ferry a probablement regretté de ne pas avoir pris le risque la saison passée pour finalement se faire manger dessous par D12. Le plus grand jockey du monde (après Manute Bol) a beau avoir vieilli et grossi, personne ne peut se vanter de pouvoir l’arrêter. Howard pas
Vince Carter s’est parfaitement intégré au collectif floridien. Il est actuellement le meilleur marqueur avec 19,3 points.
finale, voici quelles seraient les clefs d’une série Magic/ Lakers : >>> Avoir la confiance et l’arrogance d’une équipe qui sait qu’elle va gagner le titre. C’est aussi ce qui a manqué au Magic l’an passé. Mentalement, les joueurs n’étaient pas prêts à bouffer L.A. et à élever leur intensité et leur concentration. >>> Prier pour que Jameer Nelson soit à 100%. Jason Williams est un bien meilleur back-up que Rafer Alston, Anthony Johnson peut rendre de bons services, mais Nelson est le patron de l’équipe, et son adresse à mi-distance apporte un équilibre crucial entre les artilleurs de loin et la puissance d’Howard. >>> Trouver les mots pour expliquer à Vince Carter qu’un titre et une performance solide dans une finale NBA peuvent parfois être un bel objectif pour un basketteur professionnel. Une série contre Kobe serait la dernière chance pour Vinsanity de donner une autre image de sa carrière que celle d’un joueur talentueux mais soft. >>> Gagner la bataille inside. Le frontcourt des Lakers est plus fort encore que la saison dernière, or c’est là que s’était jouée la finale. Howard doit absolument limiter ses fautes pour rester longtemps dans le match, ses coéquipiers doivent mieux l’impliquer offensivement, et le reste de la rotation (Bass, Gortat, Anderson) ne peut pas se permettre de passer au travers. Sur le premier quart de la saison, Dwight Howard tourne à un impressionnant 65% de réussite aux shoots.
PORTRAIT LAMONT HAMILTON
PORTRAIT LAMONT HAMILTON
LAMONT HAMILTON
A BOY IN THE HOOD L’HISTOIRE DE LAMONT HAMILTON RESSEMBLE AU SCRIPT D’UNE SAISON DE THE WIRE, AVEC BROOKLYN EN BACKGROUND AU LIEU DE BALTIMORE.
LES GANGSTERS, LA DROGUE ET LE BASKET NE SE CÔTOIENT PAS QUE DANS LES FICTIONS. PAR SYRA SYLLA / PORTRAITS K-REINE
PHOTOS ST. JOHN’S ATHLETIC COMMUNICATIONS
4
mars 2007, à l’Université de St. John’s. Après 14 minutes de jeu dans la rencontre qui l’oppose à Providence pour le Big East Tournament, le coach du Red Storm, Norman Roberts, perd la clé de son équipe : Lamont Hamilton. Blessé au genou, Lamont quitte le terrain avec 7 points en 12 minutes et doit mettre prématurément un terme à sa carrière universitaire. Un sale coup du sort, le genre de crasse qui vous cloue au sol à jamais. Mais pas Lamont, « shit happens » comme on dit là d’où il vient. Dans tous les cas, on se reprend, on se relève et on repart. C’est comme ça qu’on survit à Brooklyn.
Heureusement, l’amour du jeu lui permet de se fixer une routine stricte et de ne pas déraper. « J’étais toujours en train de jouer. Dès que je passais une mauvaise journée, j’allais shooter pendant la nuit et je me sentais tout de suite mieux. Le basket m’aidait à être fort dans ma vie. Ça a fait de moi quelqu’un de meilleur, ça m’a évité plein d’ennuis. » « Dedication » et « hard work » deviennent ses maîtres-mots. Poussé par son oncle et son grand-père,
HARD KNOCK LIFE
Brooklyn, le quartier le plus célèbre de New York. Jay-Z, Mike Tyson ou Kelvin « 50 Cent » Martin, le vrai gangster auquel Fif’ a pris son nom, s’y sont tous rendus célèbres, chacun dans leur domaine. C’est là que Lamont a grandi, aux côtés de sa mère et de ses trois frères, sans son père, en taule. D’abord épris de foot américain, c’est finalement vers le basket qu’il se dirige à 13 ans. « Mon grand frère y jouait et, quand on est petit, on veut toujours faire comme ses aînés. Et puis j’étais déjà plus long que tout le monde », raconte-t-il. Une passion qui lui permet de rester loin de ce qui rythme la vie dans le ghetto de « Brooknam » : le deal, les vols, les embrouilles… Elevé dans un environnement où drogues et prison font partie du vocabulaire courant, Lamont s’accroche au basket de toutes ses forces pour fuir les conneries qui l’entourent : « Quand tu grandis dans un coin cramé de Brooklyn, tu vis au milieu de dealers et de drogués, et tu dois tout faire pour rester en dehors de ça. Ma mère m’obligeait à me concentrer et à rester à l’écart, ce qui n’est pas facile quand tes amis t’influencent et te poussent à les suivre. »
rappelle Hamilton. « Il me gardait loin de toutes les mauvaises choses que faisaient les mecs de mon âge. » La « Brooklyn Bullshit » comme dirait Joell Ortiz. Recruté par plusieurs écoles, Lamont choisit la Milford Academy, mais, un an et demi plus tard, Milford ferme ses portes pour raisons financières et le laisse sur le carreau. Il s’oriente alors vers la North Bridgton Academy pour finir la saison, et aligne 12 points et 6 rebonds de moyenne. Alors que les universités de Tennessee et de Connecticut cherchent à l’attirer, il décide finalement de retourner à ses racines et de rejoindre l’Université de St. John’s… à New York. Mais un incident extra basket lors de son année freshman lui vaut plusieurs mois de suspension. Aujourd’hui, il préfère passer cette histoire sous silence, même s’il a été prouvé depuis qu’il n’avait rien à se reprocher. L’année suivante, revanchard, il réintègre l’effectif et signe sa meilleure saison NCAA en compilant 13 points, 7,5 rebonds et 1,6 contre. Il prend du grade et franchit un nouveau cap. Il devient le leader d’une team qui monte en puissance. Lamont ne s’était pourtant jamais vraiment imaginé devenir basketteur professionnel. Du moins pas avant ce match où il affronte Kendrick Perkins et tient très bien sa place. « A l’époque, Perkins était un des numéros 1. Tout le monde disait qu’il irait en NBA. Et ce jour-là, je l’ai bien contenu et j’ai fait mon taf sur le terrain. Ça m’a donné confiance et je me suis dit pourquoi pas ?! » Tout semble enfin s’aligner pour lui.
STREETS IS WATCHING Sterling, qui devient son mentor et qui l’aide à traverser toutes ses épreuves et ses doutes, il progresse à un rythme soutenu. « Il s’assurait que je restais toujours du bon côté de la ligne, que je n’étais pas tenté par mes amis », se
L’été, loin de la fac, il retrouve ses repères dans la rue et foule l’asphalte new-yorkais aux côté de Kareem Reid et des membres de l’équipe Terror Squad. Kareem se rappelle d’ailleurs avec nostalgie de cette époque : « C’était un mec très respecté parce qu’il avait intégré St. John’s. Il a pas mal changé. Avant il ne voulait que dribbler
« QUAND TU GRANDIS DANS UN COIN CRAMÉ DE BROOKLYN, TU VIS AU MILIEU DE DEALERS ET DE DROGUÉS, ET TU DOIS TOUT FAIRE POUR RESTER EN DEHORS DE ÇA. »
TOP 25 DES PERSONNALITÉS BASKET DE L’ANNÉE
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25 PAU GASOL
personnalités basket de 2009 POUR LE MEILLEUR OU POUR LE PIRE, C’EST D’EUX QU’ON SE SOUVIENDRA QUAND ON REPENSERA À 2009. PAR THÉOPHILE HAUMESSER ET JULIEN DESCHUYTENEER PHOTOS CHRIS ÉLISE, K-REINE, EUROLEAGUE & FIBA
Pau a régné sur 2009 comme personne d’autre. Champion NBA et MVP officieux de la finale en juin, Champion d’Europe et MVP officiel du tournoi en septembre. Sur les 12 derniers mois, il a cimenté son statut parmi l’élite des joueurs mondiaux et s’est assuré une place de choix dans l’histoire, avec son monstrueux palmarès. Aucun Européen avant lui n’avait été aussi dominateur des deux côtés de l’Atlantique. Complètement injouable en basket FIBA et irremplaçable dans le collectif de L.A., il est actuellement au sommet de son art.
e
2
KOBE BRYANT
Kobe avait déjà trois titres NBA, un trophée de MVP et le respect de ses pairs, mais en remportant sa première bague sans Shaq, il est remonté d’une marche dans la hiérarchie des meilleurs arrières de l’histoire. En s’appuyant sur Gasol (un franchise player qui accepte parfaitement de jouer les lieutenants) et sur le collectif pour mieux prendre ensuite les moments chauds à son compte, KB24 a même réussi à altérer son image de croqueur invétéré.
e Zeljko
Obradovic
3
En gagnant sa 7ème Euroleague (record absolu), Obradovic s’est tranquillement installé au sommet de la pyramide du coaching européen. On se souviendra longtemps de ses duels avec Giannakis et Messina… et surtout de sa tête de possédé au moment de lui serrer la main après la finale. Ettore avait l’air plus choqué par cet échange que d’avoir perdu le titre.
e LeBron
James
4
Les muppets l’avaient annoncé un peu trop tôt en finale, mais, malgré ce contretemps, LBJ était partout en 2009. Son titre de MVP a pesé lourd, tout comme ses progrès en défense, ses actions d’éclat, la sortie de son film sur ses années lycées et les mises en scène inaugurales de ses Cavs. Au passage, il détient actuellement la 3ème plus grosse moyenne de points de l’histoire !
e Sandrine
Gruda
Soyons clair, elle s’est fait voler le titre de MVP de l’Euro ! C’était la joueuse la plus dominante de la meilleure équipe d’Europe (9 victoires, 0 défaite) et elle ne remporte pas le trophée ? En tout cas, s’il y avait une joueuse européenne plus dominatrice qu’elle cette année, on ne voit pas qui...
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PORTRAIT RICKY RUBIO
AVEC SA DÉGAINE D’ADOLESCENT FAN DE ROCK MOU DU GENOU, LE MENEUR ESPAGNOL DRIBBLE SUR LES BASES D’UNE PERFORMANCE INÉDITE :
DEVENIR LE MEILLEUR EN EUROPE, AVANT DE DOMINER LA NBA. PAR FLORENT BODIN GRAPHISME MOCHOKLA PHOTOS EUROLEAGUE
C
’est l’histoire d’un gamin qui réussit un quadruple-double en demi-finale du Championnat d’Europe des moins de 16 ans en 2006. Le surdoué du basket espagnol saute alors à la gorge des retardataires. Ricard Rubio Vives dit « Ricky » est bel et bien un animal, catégorie jeune fauve. 51 points, 24 rebonds et 7 interceptions lors du match suivant, la finale remportée face à la Russie après une prolongation qu’il a arrachée... par un tir du milieu du terrain. Le gosse fait tout plus vite que les autres, à tel point que deux ans plus tard, il semble déjà prêt pour la grande ligue (sa défense sur Jason Kidd à Pékin séduit l’Oncle Sam). « Je ne sais pas si les Jeux m’ont rendu plus fort, mais en tout cas ils m’ont rendu plus célèbre », racontait le médaillé d’argent à REVERSE en février dernier. Elève irréprochable, le genre de fayot à qui on lance des gommes une fois le prof retourné, Rubio avance sans brûler les étapes, au point de refuser l’offre de Minnesota en NBA pour rejoindre l’armada du Barça cet été. Une décision pleine de bon sens.
Trop cher pour la NBA ?
« Ricky pourrait rester un ou deux ans de plus en Europe. C’est le scénario le plus probable. » Le meneur de Badalone vient juste d’être drafté en 5ème position et déjà son père confirme la rumeur dans la presse espagnole. Une déclaration qui vient alimenter les doutes des fans des Timberwolves, apparus quand Minnesota choisit, en 6ème position, un autre meneur de jeu, Jonny Flynn. « J’ai sauté de joie quand nous avons drafté Rubio, et donc forcément j’ai été extrêmement triste d’apprendre qu’il faudrait qu’on attende une ou deux saisons pour le voir, si jamais on le voit un jour… », nous rapporte Dave
Kelsey, chroniqueur sur TwolvesBlog.com. Et son collègue Mike Reynolds de surenchérir : « Cet été, c’est devenu vraiment stressant de suivre et de comprendre toute cette histoire. A un moment, on nous a dit qu’un accord avait été trouvé entre Minnesota et Rubio, mais au dernier moment il a changé d’avis. Personne ne pouvait prédire ce qui allait se passer et ce n’est que lorsque la nouvelle a été annoncée officiellement qu’on a compris ! » En cause, la franchise évidemment. Depuis cinq ans maintenant, les loups des bois ne font plus peur à personne, et même le petit chaperon rouge serait capable de les étaler un par un façon Chuck Norris. Minnesota n’a plus fait les playoffs depuis 2004 et l’organisation n’a pas l’envergure pour accueillir la jeune vedette européenne, qui mérite de jouer pour un gros marché. David Khan, le président des opérations basket met alors les choses au clair face aux médias américains : « Personne ici, moi en particulier, ne va taper du point sur la table pour dire ‘Il doit venir !’. C’est un dossier très compliqué. On n’a pas toutes les clés par rapport à sa clause de départ. J’ai dit à son agent que si une équipe était prête à attendre une saison, voire deux, pour qu’il vienne, c’était bien nous ! » A l’image d’un Steve Francis qui avait refusé de jouer pour les Vancouver Grizzlies, Ricky Rubio ne s’engage donc pas avec les Wolves. Mais contrairement à l’ancien meneur des Rockets, l’Espagnol est encore sous contrat avec une équipe professionnelle au moment de sa draft. Et c’est là que la stratégie du clan Rubio semble parfaite ou presque. En se présentant à la draft à ce moment précis de sa carrière, le joueur de Badalone garde toutes ses options ouvertes. Choisi par une franchise prestigieuse (les Knicks par exemple), Ricky aurait fait le forcing pour traverser l’Atlantique et pousser
[HOOP CULTURE]
[HOOP CULTURE]
STREETBALL p46 / HOOP BABE p48 / KADOUR p49 / CROSS OVER p50
Les équipes sont composées de 4 joueurs (dont un remplaçant). Physiquement affutés, c’est techniquement que les joueurs ont été impressionnants. Les 17 équipes étaient réparties en 3 poules où chacune rencontrait l’autre durant 8 minutes avant des phases éliminatoires le dernier jour. La sélection russe (Mikhail Gunter, Ivan Mayorov, Aleksei Zorin, Pavel Morozenko) championne en titre était survoltée pour le match d’ouverture face à des Allemands qu’ils ont corrigé 21-7, avant de s’incliner par excès de confiance face à l’Ukraine (14-18). La foule et l’enjeu leur ont permis d’engranger 3 victoires successives le lendemain pour prendre la tête de la poule A en compagnie de l’Ukraine qui affichait aussi 4 victoire pour 1 seule défaite. D’autres nations comme la Lettonie et la Serbie ont réussi à tirer leur épingle du jeu en remportant 4 victoires sur 5 possibles, laissant loin derrière les pays de l’ouest (Hollande, Allemagne, Italie et Pologne). Les Américains, venus à trois, n’ont pas réussi à terminer en tête de leur poule. Emmenés par leur arrière dunker Dennis Chism a.k.a. Spyda - célèbre pour sa participation aux AND1 Mixtape Tours -, les USA ont perdu contre la Lettonie suite à une bagarre (21-13). Spyda a été expulsé pour avoir mis un coup de poing et, sans remplaçant, les USA ont terminé le match à deux ! Au final, ils n’ont pu remporter que 3 rencontres. La Serbie, trop grande, trop physique et omniprésente, au rebond a infligé aux Ricains une seconde défaite.
Pénétration dans le trafic de Marlon.
Spyda de l’équipe US Final Day : L’Ukraine championne Après les matches de poule, la Hollande, bonne dernière, n’a pas pu participer aux playoffs. Les 16 équipes ont donc joué des matches éliminatoires écourtés à 6 minutes en raison des pluies incessantes. Au jeu des chaises musicales, quelques grosses têtes d’affiche et leaders de poules sont tombés dès le premier tour comme la Slovénie, la Slovaquie, les EtatsUnis et la Lituanie. La Pologne a fait un parcours inattendu jusqu’en demi-finale en arrachant ses victoires de justesse. Quant à L’Ukraine et la Russie, ils ont simplement confirmé la nette suprématie affichée la veille en enchaînant 5 victoires de suite pour se retrouver face à face en finale. L’Ukraine a été portée à bout de bras par Timur Arabaji et ses tirs longue distance assassins
mais la Russie a remporté l’une des plus belles rencontres du tournoi en demi-finale en raccrochant au score dans les derniers instants face à la Lettonie et en arrachant la prolongation. Les Russes avaient l’opportunité de prendre leur revanche face à l’Ukraine. Menés au score, ils sont même revenus à égalité (13 : 13) à 13 secondes du terme, avant qu’Arabaji ne laisse le temps s’écouler et ne plante un fade away sur son défenseur pour remporter la finale au buzzer (15 : 13). Il a logiquement été élu MVP. A l’instar des autres grands tournois, l’Open de Moscou a mis en scène les meilleurs rappeurs locaux et avait également organisé un concours de dunks, remporté par Alexander ‘’Shal’’ Shalyngin (vainqueur de l’Euro Dunk Contest). Aujourd’hui, les organisateurs espèrent voir d’autres nations - et particulièrement la France - participer aux prochaines éditions. Avis aux amateurs...
MOSCOU NOUVELLE CAPITALE
DU STREETBALL
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ET SI LE CŒUR DU STREETBALL BATTAIT DÉSORMAIS EN RUSSIE ? PAR ALMAMY SOUMAH PHOTOS Courtesy of Moscow Open
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epuis trois ans désormais, la Russie organise à chaque rentrée scolaire un tournoi de 3 x 3 dans sa capitale. Si, pour certains, le basket en Russie se résumait au CSKA, Ekaterinburg ou encore à son équipe nationale, elle est en réalité une grande nation de notre sport aux niveaux amateur et professionnel. Pour sa troisième édition, l’Open de Moscou a attiré pas moins de 17 pays tous venus pour un seul et même objectif : remporter le tournoi en terre russe et empocher la coquette somme de 10 000 dollars. Les organisateurs, qui ne sont autres 18
REVERSE XXIV
que les représentants de la Fédération Russe de Streetball, ont mis tous les moyens en œuvre pour offrir un superbe cadre aux participants et permettre à l’événement de s’inscrire dans le paysage européen comme l’un des tournois de 3 x 3 les plus relevés... L’Open de Moscou est en quelque sorte le tournoi « élite » du streetball russe, mais un autre grand tournoi, accessible à tous celui-ci, se joue en marge : le ‘’Sport Around’’. Plus de 10 000 joueurs et joueuses s’affrontent dans un challenge qui débute dans chaque région de la Russie avant de donner lieu à des finales
nationales dans la capitale. En Russie, de plus en plus de personnes pratiquent le basket dans la rue et le championnat de streetball est tellement bien structuré que les joueurs professionnels locaux y terminent même leurs carrières, car ils sont parfois rémunérés par des sponsors ou des particuliers fans de basket. DAY 1-2 : Tour de chauffe Chacune des 17 nations ayant fait le déplacement a envoyé de vrais soldats évoluant pour la plupart en 1ère division de leur pays respectif ou à un niveau semi-pro. JANVIER-FÉVRIER 2010
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L’ENTRETIEN BILL RUSSELL
L’ENTRETIEN BILL RUSSELL
BILL RUSSELL L’ENTRETIEN
REAL, BLACK & GREEN « QUAND J’AI PRIS MA RETRAITE DE JOUEUR, UN SONDAGE DISAIT QUE 93% DES AMÉRICAINS SAVAIENT QUI J’ÉTAIS. C’ÉTAIT PLUS QUE LE VICE-PRÉSIDENT DES ETATS-UNIS. »
SUR LE PARQUET, BILL RUSSELL A GAGNÉ PLUS DE TITRES QUE QUICONQUE ET A FAIT DES CELTICS LA FRANCHISE LA PLUS MYTHIQUE DU BASKET. LE TROPHÉE DE MVP DES FINALES NBA PORTE DÉSORMAIS SON NOM, MAIS LE JEU PORTE SA MARQUE DEPUIS DES DÉCENNIES. e e e e e e e e e e e e e e e e e e e e e e e e e e PROPOS RECUEILLIS PAR XAVIER D’ALMEIDA ET SYRA SYLLA PORTRAITS K-REINE
I «
l y a deux catégories de superstars. L’une qui se met en valeur aux dépens des autres types qui sont sur le terrain. L’autre, au contraire, permet aux autres d’avoir l’air meilleurs qu’ils ne le sont. C’est à cette catégorie qu’appartient Bill Russell. » - Don Nelson Dur de ne pas être intimidé en voyant débarquer la grande carcasse d’un type qui a tellement dominé le jeu. Un joueur qui a marqué son époque et le basket en général en remportant 11 titres en 13 saisons avec les Celtics, dont 8 de suite ! Un type immense qui a côtoyé des géants du jeu comme Bob Cousy, Oscar Robertson, Jerry West, Rick Barry ou Wilt Chamberlain, et qui les a tous battus, année après année. Et puis le vieux Bill se met à parler, tout en gentillesse, ponctuant ses réponses de son rire de géant vert. Et quand Bill Russell parle, on écoute… REVERSE : Pendant l’Eurobasket, vous avez été présenté à la foule de Katowice, en Pologne et vous avez reçu une belle standing ovation. Pourtant, la majorité des spectateurs présents ce jour-là ne vous avait jamais vu jouer. Comment expliquez-vous cette popularité ? Bill Russell : Je suis un personnage de fiction (il explose de rire). Quand j’ai commencé ma carrière aux Celtics, la NBA n’était pas une grande Ligue. C’est nous, les joueurs, qui l’avons élevée au niveau des sports populaires de l’époque comme le base-ball ou le football. On a été les premières vraies stars du basket quand il est devenu un sport majeur en termes
d’exposition médiatique et de salaires. Je suis allé en Pologne en 1964, et cette année, quand j’y suis retourné, j’ai retrouvé des joueurs contre lesquels j’avais joué à l’époque ! Je peux vous dire qu’ils ont sacrément vieilli (il rigole). En fait, ma notoriété s’est construite petit à petit, avec le temps. Quand j’ai pris ma retraite de joueur, un sondage est sorti qui disait que 93% des Américains savaient qui j’étais. C’était plus que le vice-président des Etats-Unis, et ça, ça m’avait fait rire. Je crois que si je suis aussi connu, c’est aussi parce que j’étais assez actif politiquement, notamment dans le mouvement de défense des droits civique des Noirs. Or, à l’époque, on n’avait pas l’habitude que les sportifs s’engagent autant en politique. REVERSE : Justement, on a souvent critiqué les grandes stars du sport, Jordan notamment, pour leur manque d’investissement social et politique. Est-ce que vous trouvez cette critique juste ? BR : Non, je ne le perçois pas ainsi. Il faut comprendre que les époques étaient très différentes. L’être humain réagit de façon différente selon les contextes auxquels il est exposé. Michael Jordan a réagi à un contexte très différent de celui que j’ai vécu à mon époque. Je vous explique : quand j’avais 18 ans, j’ai rejoint l’université de San Francisco. Mais si j’avais tenté de rejoindre North Carolina, il y aurait eu des émeutes dans la ville. En revanche, quand Michael Jordan a terminé son lycée, lui, on l’a supplié de rejoindre North Carolina. Les temps changent, et tant mieux. Son North Carolina était devenu très différent de
celui que j’ai connu. Il ne peut donc pas avoir le même engagement que moi parce qu’il n’a pas vécu la même chose. REVERSE : Mais parvenez-vous à vous reconnaître dans la nouvelle génération de joueurs qui gagnent des millions, parfois sans avoir encore rien prouvé ? BR : La plus grande partie de l’argent va aux agents et pas tant que ça aux joueurs ! Pour la plupart des joueurs, c’est la compétition la principale motivation, pas l’argent. On le sent à leur façon de jouer. Pour moi, c’est ça qui est le plus important : la passion du jeu. REVERSE : Pourtant, vous avez une réputation de joueur tourné vers la défense, à l’opposé de ce qui est mis en avant dans le jeu actuel… BR : J’ai cette réputation parce qu’en 13 saisons aux Celtics, j’ai été 13 fois le meilleur rebondeur de l’équipe. Lors de ma première saison, j’ai manqué 25 matches (sur 72 à l’époque - ndlr) parce que j’étais aux Jeux Olympiques. Et bien, malgré ça, j’ai rattrapé tout le monde au total des rebonds sauf trois types. Mais mon jeu ne se résumait pas aux rebonds. On oublie que sur ces 13 saisons, j’ai aussi été 12 fois le deuxième meilleur passeur de l’équipe ! John Havlicek m’a d’ailleurs dit que je lui manquais plus en attaque qu’en défense parce que tous les systèmes passaient par moi. Et puis, je mettais quand même près de 15 points par match. C’était exprès que je ne menais pas l’équipe au scoring, c’était parce qu’on voulait être collectif. On avait quand même sept gars qui marquaient entre 10 et 21 pts !
ROOKIE SENSATION JENNINGS & EVANS
ROOKIE SENSATION JENNINGS & EVANS
BRANDON ET TYREKE SONT TOMBÉS DANS LES LIMBES DE LA LIGUE,
L’ENFER DU SPORT PRO,
MAIS LEUR TALENT DEVRAIT VITE LES EN EXTIRPER, EN FAISANT REJAILLIR UN PEU DE LUMIÈRE SUR DEUX FRANCHISES TOTALEMENT SINISTRÉES. PAR JEAN-BAPTISTE DOS RAMOS / GRAPHISME GUYOM
L
e soir de la draft 2009, Brandon Jennings (1,85 m, 10ème choix par les Bucks de Milwaukee) et Tyreke Evans (1,98 m, 4ème choix par les Kings de Sacramento) auraient eu de quoi tirer la tronche. Ils venaient de tomber dans un trou plus noir qu’un album d’AC/DC. Comment ? En devenant membres des deux franchises les plus foireuses de l’histoire, Clippers mis à part. Mais les deux rookies ne sont pas de ceux qui baissent les bras. Car qui aurait cru, il y a à peine un mois, que Sacramento et Milwaukee (re)deviendraient des franchises plus qu’acceptables ? Qui aurait cru que les deux teams parviendraient, sous l’impulsion de leurs recrues, à devenir bankable ? Qui aurait un jour cru se dire « Cool, ce soir c’est SacramentoMilwaukee à la téloche » ? Et pourtant, l’impossible se déroule sous nos yeux. Quand la réalité dépasse la fiction…
YOUNG BUCK
Le 15 novembre dernier, la tête enfarinée par un réveil réglé bien trop tôt pour un dimanche, un événement, un chiffre, a suffi à mettre le fan de NBA lambda la tête hors de l’eau. 55, comme le nombre de points collés aux Warriors par le rookie Brandon Jennings. Même contre les défenseurs pathétiques de Don Nelson, il faut le faire ! La prestation du gamin en ferait presque tomber le croissant dans le café. Le bedonnant technicien californien était visiblement impressionné : « C’est certainement la meilleure performance d’un rookie que j’ai vue en plus de 30 ans de coaching ». Effectivement il faut viser haut pour trouver trace d’une telle perf’ à cet âge. En fait, en cette soirée d’anthologie, BJ est allé titiller LeBron James sur son terrain, lui qui avait claqué 56 points un soir de 2005, à tout juste 20 ans. Et, chose nouvelle, les Bucks gagnent ! Sur les dix premiers games, ils affichent un bilan reluisant
de 7-3. Soit un début de saison pas vu dans le Wisconsin depuis près de 40 ans. Le gamin, tant décrié depuis quelques mois, a fermé des millions de babines en l’espace d’une nuit, cerise sur le gâteau d’un début de saison en boulet de canon (25,2 pts à 48%, 4,6 rbds et 5,9 pds en 35 min). Une preuve précoce que la cuvée 2009 est riche en point-guards de qualité. La course au titre de ROY semble même d’ores et déjà pliée. Quoique…
C’EST QUI DÉJÀ, KEVIN MARTIN ?
Car son homologue de Sacramento, Tyreke Evans, se dit lui aussi que, finalement, Blake Griffin étant blessé, il y a moyen d’aller glaner un laurier. Alors, T-Rex Evans met la gomme. On pensait la franchise propriété du smooth Kevin Martin, mais l’ancien de Memphis University a montré qu’à à peine 20 ans, il était déjà un basketteur accompli et prêt à s’imposer en NBA. Il a même profité de la blessure de Martin pour poser réellement son empreinte sur la franchise. En témoignent ses stats depuis le début de la saison : 18,8 pts, 5,1 rbds et 4,8 pds. Pour faire simple, Evans est à peu près capable de tout bien faire sur un terrain. Poster son adversaire direct s’il joue meneur, driver violemment ou défendre sur des 2 bien zikfis. Et la jeune garde (Hawes, Greene, Casspi) s’engouffre dans le sillon tracé par Evans. Physique mais fin dans son jeu, Evans est un combo-guard talentueux qui donne déjà des cauchemars à son coach Paul Westphal, en prévision du retour de Kevin Martin. Qui aligner dans son backcourt ? Martin le patron grailleur ou Evans, qui, en plus de compiler, à l’heure de ces lignes, 6 games d’affilée à plus de 20 points, a fait retrouver son basket à Beno Udrih ? L’association avec le Slovène donne satisfaction et une vraie connexion s’est créée. « Tyreke n’est pas un gars borné. Il est à l’écoute, il veut apprendre »,
affirme d’ailleurs Udrih. Pourtant, Tyreke Evans se considère davantage comme un meneur de jeu que comme un arrière shooteur. Prémices d’une association sans nuage avec le top-scoreur des Kings ? L’avenir le dira rapidement car K-Mart sera bientôt sur pieds.
BRAQUAGE À L’ITALIENNE
Jennings et Evans sont bel et bien en train de transfigurer leurs franchise respective. Pourtant, on n’attendait pas les deux joueurs si haut, si tôt. Et pour cause, leur parcours jusqu’en NBA a été riche en remises en question. Brandon Jennings était annoncé comme la nouvelle star en 2008. Quelques vidéos circulant sur le net avait fait du meneur d’Oak Hill la nouvelle sensation. Sa décision de franchir l’Atlantique pour aller se frotter au monde pro du Vieux Continent (et aux liasses d’euros) avait fait s’interroger nombre de spécialistes, mais, finalement, on s’était dit que le minot mettait en marche la révolution. Arrivé à la Lottomattica Roma, BJ s’attendait à terroriser l’Europe. « C’est l’un des plus gros talents que j’ai jamais vus », lâchait même Dejan Bodiroga, GM de la Roma et accessoirement ex-énorme joueur. Malheureusement, la baudruche s’est rapidement dégonflée. 6,5 pts à 38% et 2,0 pds en
Jennings s’impose déjà comme la locomotive des Bucks et celui par qui viendra le salut médiatique de la franchise Wisconsin .
ANALYSE LA COMMUNICATION DU BASKET FRANÇAIS
ANALYSE LA COMMUNICATION DU BASKET FRANÇAIS
COMMUNICATION
INTERROMPUE LA COMM’ DU BASKET FRANÇAIS EST RESTÉE BLOQUÉE 20 ANS EN ARRIÈRE, À L’HEURE DU MINITEL ET DES CONNEXIONS MODEM. Y’A-T-IL DE L’ADSL AU BOUT DU TUNNEL ? EXPLICATION ET ANALYSE. PAR ROMAIN LEROY
GRAPHISME MOCHOKLA
O
n ne va pas vous resservir le sempiternel refrain, bien usé et passé sous tous les angles, qui dit que le basket pro français est carencé sur l’aspect de la communication, et de sa capacité à se vendre. On a pourtant envie d’en parler un peu… mais différemment.
Un passé lourd de conséquences
Allez sur la boutique en ligne de la LNB si vous souhaitez acheter des pin’s. Par contre, bonne chance si vous cherchez des produits dérivés ou des maillots…
Il faut déjà savoir qu’historiquement, le basket n’a été « reconnu » en France qu’en 1920. Il a dépendu de la fédération d’athlétisme jusqu’en 1932, date de la création de la FFBB. Mais le vrai démarrage s’est fait dans l’après-guerre par le biais des patronages. En plus de la façon très spécifique dont la France gère son mouvement sportif, cet aspect est un élément déterminant de la situation actuelle de notre sport. Qu’ils soient laïques ou catholiques, ces patronages font pour certains encore partie de la vie sportive actuelle, même si les valeurs et organisations institutionnelles de départ ont souvent disparu. Le CSP (Cercle Saint-Pierre) Limoges ou la JL (Jeunesse Laïque) Bourg-En-Bresse, en sont par exemple des illustrations notoires. A l’époque, c’était souvent les instituteurs qui tenaient les rênes du « mouvement basket », sorte de sport de l’Education Nationale, comme l’est le hand aujourd’hui. Des générations entières ont « fait carrière » sous l’influence originelle d’un Gérard Klein du basket. De cette tradition « patronages/instits » viennent en partie ce côté très fermé de la gestion des clubs et le relatif immobilisme dans lequel était enlisée notre fédération au début des années 90 : le côté « basket pour tous », s’il est important, est un des plus gros freins à main qui soit. Alors bien sûr, on ne dit pas que tout le basket est géré comme dans les années 50, ce serait une énormité plus imposante que l’arrière-train de Glen Davis, seulement certaines habitudes ont laissé des traces. La communication, le marketing, par exemple, étaient des notions totalement étrangères au fonctionnement associatif, qui caractérisait même le haut niveau il n’y a pas si longtemps encore.
Le développement des salaires, l’arrivée progressive du professionnalisme ont changé le basket, et lui ont permis de franchir un cap. La création du Comité des Clubs de Haut Niveau, qui deviendra la LNB à la fin des années 80, est une étape fondamentale. L’arrivée d’Yvan Mainini à la tête de la FFBB en 1992 sera l’autre élément déterminant du grand saut vers le « basket business » à la française. Même si ces deux derniers termes semblent parfois aussi antinomiques que « Chris Dudley » et « lancer-franc » ou « Shawn Kemp » et « abstinence ».
Une ligue en mutation
La gestion associative « traditionnelle » est essentielle pour tout sport. Seulement, pour aller vers le plus haut niveau, il faut aussi des pros. A chacun son domaine. Et n’en déplaise à ses détracteurs, c’est Mainini qui, le premier, a insufflé cette nouvelle vision. A l’époque, la LNB était d’un très bon niveau, avec des joueurs US référencés (Michael Young, Bill Jones, George Montgomery, …), mais les dissensions internes entre progressistes et conservateurs faisaient que le basket peinait à trouver un juste équilibre. Pire, à une époque où Canal + poussait encore la Pro A, le rugby se pointe et arrive à éjecter le basket, en se vendant comme le détenteur unique de pseudos valeurs, qui sont en fait les mêmes que dans tous les sports ou presque : fair-play, convivialité, engagement, etc. Derrière une approche très professionnelle, les experts de l’ovalie ont su rafler la mise, et ils sont toujours là ! Ainsi naît le complexe vis-àvis des autres disciplines qui bloque plus qu’il ne motive. « Le rugby nous bouffe », oui, c’est bien, mais après ? Se comparer aux autres, est-ce la solution, surtout quand les contextes de pratique et d’implantation sont différents ? Dire sans cesse que le foot est en position d’ultra monopole, n’est-ce pas un peu tourner en rond ? Plutôt que de complexer, ne faudrait-il pas innover ? Le Hand s’est pris les pieds dans le tapis en organisant sa Coupe de la Ligue à Miami, mais a eu le mérite de tenter un gros coup médiatique. Ce ne sont pas les dirigeants qui sont visés ici, mais le milieu en général, car tout le monde a un rôle à jouer.
L’arrivée d’Yvan Mainini à la tête de la FFBB en 1992 a été un élément déterminant du grand saut vers le « basket business » à la française.
ENQUÊTE L’ELDORADO RUSSE
LA FIN DE L’ELDORADO RUSSE ?
CORRUPTION BASKET ET MAFIA AU PAYS DE LA VODKA EN RUSSIE, LE BASKET FÉMININ EST ROI, MAIS POUR COMBIEN DE TEMPS ENCORE ? PAR SYRA SYLLA GRAPHISME GUYOM
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avril 2003 à Bourges. Face à l’USVO, Ekaterinburg vient de remporter son premier titre Euroleague. Une victoire qui sonne le début d’une nouvelle ère. Recrutements de prestige, conditions de vie de luxe : les nouveaux propriétaires des clubs russes n’hésitent plus à sortir les dollars pour que leurs équipes tutoient les sommets du basket européen.
A LA CONQUETE DE L’EUROPE
Ekaterinburg, CSKA, Dynamo Moscou, Spartak Moscou : quatre équipes qui sont devenues les joujous de milliardaires prêts à tout pour flamber. La notion de « salary cap » n’a aucun sens au pays de la vodka et les salaires explosent. « Il n’y a aucune limite de budget. A Ekat’, ils ont investi jusqu’à 12 millions d’euros dans le salaire des joueuses. Au Spartak, ça a déjà atteint 16 millions d’euros », confie l’agent de joueuses Jérémy Medjana. Pas de chiffres exacts mais pour vous donner une idée : en quatre mois à Ekaterinburg, Caroline Aubert s’est fait plus qu’en plusieurs saisons à Mondeville. Dans la même équipe, le salaire de l’une des joueuses avoisine le million d’euros par an !
« RIEN NE NOUS DIT D’OÙ VIENT L’ARGENT QUE L’ON TOUCHE. C’EST UN CHOIX LORSQUE L’ON PREND LA DIRECTION DE LA RUSSIE. »
Chaque club a sa propre histoire. Ekaterinburg est la propriété d’Andreï Kozitsyn qui a fait fortune dans la sidérurgie-métallurgie. « Quand j’étais encore à Valenciennes et qu’on rencontrait Ekat’, on jouait dans un espace de l’entreprise avec terrain et tribune aménagés pour l’occasion », se souvient Laurent Buffard, qui a depuis coaché ce club. Le Spartak, lui, a été monté de toutes pièces par Shabtaï Kalmanovitch, homme d’affaire (qui a fait de la prison en Israël dans les années 80s, accusé d’avoir espionné pour le compte du KGB) connu pour son comportement dingue et excessif
pendant les matches. Deux choses lient ces personnes qui balancent des millions de pétrodollars sans compter : leurs inépuisables portefeuilles et leur passion démentielle pour le jeu. Pourquoi se contenter d’une partie de NBA 2K ou d’un poker entre ennemis quand on peut se faire une partie d’échecs grandeur nature ? Abramovitch a choisi Chelsea, Mikhaïl Prokhorov a poussé le vice en rachetant les New Jersey Nets, Kozitsyn et consorts ont choisi le basket féminin. Si ces proprios sont fortement intéressés par le sport, c’est d’abord
EN RUSSIE, IL N’Y A AUCUNE LIMITE DE BUDGET. AU SPARTAK, ILS ONT INVESTI JUSQU’À 16 MILLIONS D’EUROS DANS LE SALAIRE DES JOUEUSES.
le statut du basket féminin en Europe qui en fait un investissement fiable. « Les propriétaires cherchaient un moyen de toucher au haut niveau européen. La Russie a un trop gros retard dans les autres sports. En foot, l’Espagne et l’Angleterre dominent déjà. Le basket masculin a de quoi tenir la dragée haute mais le basket féminin est beaucoup plus accessible car c’est un marché plus ouvert », raconte Medjana. Les équipes russes émergent et squattent très vite le haut de tableau des compétitions européennes. « Lorsqu’Ekat ’a gagné l’Euroleague à Bourges, personne ne pensait que ça durerait », avoue Audrey Sauret. Pourtant depuis 4 ans maintenant, chaque Final Four compte au
moins deux équipes russes. Et c’est la course à l’armement entre deux, trois gros clubs devenus injouables pour les autres.
OPERATION SEDUCTION
Pour attirer les joueuses les plus talentueuses dans leurs filets, les proprios ont de la ressource. « Si le Spartak recrutait une joueuse, deux jours après il fallait en recruter une meilleure à Ekat’ », confie Laurent Buffard. « On signait même des joueuses pour qu’elles n’aillent pas ailleurs. » Mais faire venir des stars ne suffit pas : quand on a une Diana Taurasi, il faut savoir la garder. Au Spartak, Shabtaï, très proche de ses joueuses, savait les satisfaire. Restos, voitures, vacances, cadeaux inattendus, tout était fait pour qu’elles ne pensent pas à aller voir ailleurs. Niveau structures et confort, les grosses cylindrées russes rivalisent avec la WNBA. « Ekat’, c’est 65 personnes à temps complet, 6-7000 spectateurs. L’organisation est extraordinaire. La salle est tout le temps pleine avec des shows à l’américaine. Tous les déplacements sont faits en avion privé. On est logé dans des hôtels de très grand standing, pareil pour les restos », ajoute Buffard. Caroline Aubert, qui a pu goûter à tous ces avantages lors de sa pige à Ekat’, nous raconte que « le club paye même le voyage à une bonne centaine de supporteurs ».
BLACK MONEY
Autant d’argent qui transite amène forcément à se poser des questions sur sa provenance. Particulièrement dans un pays où mafia et corruption sont monnaie courante. Pour les joueuses, cela ne semble pas poser de problème, comme l’explique Audrey Sauret : « Rien ne nous dit d’où vient l’argent que l’on touche et c’est un choix lorsque l’on prend la direction de la Russie. On y va, on fait son
GOOD OL’ DAYZ JULIUS ERVING
GOOD OL’ DAYZ JULIUS ERVING
« SI VOUS N’AVEZ PAS VU JOUER JULIUS ERVING EN ABA, ALORS VOUS N’AVEZ JAMAIS VU LE MEILLEUR DE LUI. » AL BIANCHI
DR J A PAVÉ LE CHEMIN POUR TOUTES LES SUPERSTARS D’AUJOURD’HUI,
EN ÉLEVANT LE JEU AU-DESSUS DU CERCLE ET EN FAISANT DÉCOLLER LA NBA AVEC LUI. PAR THÉOPHILE HAUMESSER GRAPHISME GUYOM
F
lash-back, été 1987. Les Lakers de Magic et Jabbar viennent de remporter le titre en venant à bout des rugueux et haïs Boston Celtics. Le goût du champagne n’a pas encore quitté les papilles des Angelenos que déjà Pat Riley promet un « back-to-back » au public californien. De l’autre côté du pays, Michael Jordan vient de conclure la saison la plus prolifique offensivement qu’on ait vu depuis Wilt Chamberlain (37,1 points de moyenne à 48,2% de réussite aux tirs), personne n’a fait mieux depuis. Pas encore légendaire mais déjà extra planétaire, MJ avait à cœur d’oublier la saison précédente, presque entièrement manquée suite à une vilaine fracture du pied, et de rattraper le temps perdu en punissant les défenses adverses. Et pourtant, malgré tous ces faits marquants, l’essentiel était ailleurs, du côté de Philadelphia, où l’un des joueurs les plus charismatiques que le basket ait connu venait de prendre sa retraite : Julius Erving. LA PREMIÈRE SUPERSTAR NBA Aujourd’hui, son nom évoque, au mieux, quelques images spectaculaires de dunks, de ce grand type fin à l’afro gigantesque et aux mains de géant, dans lesquelles la gonfle ressemblait plus à une balle de handball qu’à un ballon de basket. Mais lorsqu’il prend sa retraite, à 37 ans, Erving n’est pas simplement considéré comme « l’un » des grands joueurs à avoir laissé sa marque sur le jeu, il est véritablement « Le » joueur à l’aune de qui tous les autres devront être comparés. Il est d’ailleurs celui à qui ils espèrent tous un jour ressembler. Scottie
Pippen, Vince Carter, Jordan ou même LeBron James, qui affirme vouloir porter le numéro 6 dès l’an prochain pour lui rendre hommage, tous ont été profondément marqués par ses exploits, y voyant autant de prescriptions distribuées par le bon Docteur J. Classieux et élégant, sur les terrains comme à la ville, Julius Erving aura littéralement illuminé la NBA durant ses onze saisons passées avec les Philadelphia 76ers. En dépit d’un shoot extérieur peu fiable, il est devenu l’un des ailiers les plus prolifiques de l’histoire (24,2 pts, 8,5 rbds et 4,2 pds par match, 30 026 points en tout, seuls Jabbar, Malone, Jordan et Chamberlain ont fait mieux), allant jusqu’à redéfinir le poste de numéro trois. Mais au-delà des victoires et des trophées (MVP en 1981 et champion NBA en 1983), ce qui différencie réellement Erving des autres grands joueurs passés ou à venir, c’est qu’il fut le premier à avoir sublimé son sport au point de devenir une véritable superstar et d’acquérir une notoriété comparable à celle des grandes figures d’Hollywood. Son aura et son jeu haut en couleur lui auront notamment permis de décrocher de gros contrats de sponsoring, que ce soit pour Converse ou Spalding, ce qui était encore plutôt rare à l’époque. « Julius a été le premier joueur à réellement devenir le porteparole de la NBA », se souvient son ancien coach aux Sixers, Billy Cunningham. « Il avait très vite compris ce qu’était son rôle et à quel point il était important pour lui d’agir comme le représentant de la ligue. Il est le premier sportif dont je me souvienne à avoir transcendé son sport au point d’être connu de tout le monde par son seul surnom : The Doctor. »
ORIGINAL HUMAN HIGHLIGHT FILM N’en déplaise à Dominique Wilkins, qui n’a d’ailleurs jamais caché toute l’admiration qu’il lui portait, Julius Erving était déjà un « Top 10 » ambulant quand ‘Nique ne touchait pas encore l’arceau. Doté d’une détente ahurissante et d’une envergure de condor, Dr. J a été le premier à élever le jeu dans les airs. Des joueurs comme Elgin Baylor ou Connie Hawkins étaient eux aussi connus pour leur jump et pouvaient à l’occasion faire se lever les foules grâce à leurs exploits, mais aucun n’avait, comme le Doc, la capacité d’électriser systématiquement le public à chaque fois qu’il touchait le ballon. Tous ceux qui l’ont vu jouer à l’époque ont la mémoire tatouée à jamais de ses actions d’éclat. Le vénérable Hubie Brown, qui était déjà coach, se souvient qu’il avait donné des instructions très précises à ses joueurs quand ils devaient affronter Erving. « Je leur avais demandé de faire systématiquement faute sur lui dès qu’il se trouvait en position de contre-attaque, même s’il était à 10 m du cercle », raconte-t-il. « Sinon, Julius risquait de faire quelque chose de tellement spectaculaire que nos propres fans se mettraient à l’encourager, lui. Je ne plaisante pas, c’est déjà arrivé ! Je me souviens notamment d’un de ses moves qui mettait le public en délire. Il pénétrait sur le côté droit du cercle en prenant la balle à deux mains et montait pour la taper contre la planche au niveau de l’angle supérieur du carré blanc, avant de finalement la smasher. Est-ce que vous réalisez à quelle hauteur il faut monter pour réussir un truc pareil ?! » Bien avant que Jordan ne reprenne le flambeau, Dr. J avait cette capacité unique à subjuguer à la fois supporters et adversaires, en inventant
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