15 minute read
97
« Les industries devraient reconnaître le concept, les technologies, l'application, le bénéfice de l'entreprise et la préparation de leur propre opération pour migrer vers l’Industrie 4.0 » M. Raymond Shan , Principal Consultant ( Sm art Manufacturing and Material s ) of Hong Kong Productivity Council
Interviewé par Said Zinnid
Advertisement
Dans le cadre de préparation de ce dossier important, Industrie du Maroc a tenté de faire intervenir des experts mondiaux dans l’Industrie 4.0. Nous avons sollicité Raymond Shan, epxert reconnu en usine connectée, pour nous faire partager ses opinions et points de vue sur la révolution Usine 4.0. Voici ce qu'il en pense.
Selon votre expertise, quels sont les facteurs fondamentaux que l’industrie doit prendre en compte pour une migration vers l’Industrie 4.0? En examinant la transformation vers l'industrie 4.0 (I4.0), les industriels doivent tenir compte des fac teurs internes tels que leur processus de production, le degré de numérisation, l'éducation du travail, l’aide à la gestion, la marge bénéficiaire, le produit / profil de service, l’état de la production (i1 .0, I2.0 ou I3.0); ainsi que des facteurs externes, comme les tendances du marché et les exigences du client per sonnalisé, l’importance de la qualité, les politiques nationales concernant l'environnement des affaires, etc. En outre, les industries devraient reconnaître le concept, les technologies, l'application, le bénéfice de l'entreprise et la préparation de leur propre opé ration pour migrer vers l’Industrie 4.0. Ils devraient commencer par une évaluation détaillée de leur fonctionnement existant afin de formuler une « stra tégie numérique » appropriée et conséquente.
Pouvez-vous nous donner une idée sur Hong Kong Productivity Council et ses principales tâches dans le niveau de l'industrie de Hong Kong? Le Hong Kong Productivity Council (HKPC) a été créé en 1967 pour soutenir les entreprises de Hong Kong afin d’adopter des pratiques qui améliorent la pro ductivité Ce qui leur permet d'utiliser leurs ressources
de façon plus efficace et novatrice afin d'augmenter la teneur en valeur ajoutée auniveau des produits et ser vices. Depuis près de 50 ans, HKPC joue un rôle crucial dans l'infrastructure de soutien à l'industrie de Hong Kong, en se concentrant sur l'approvisionnement, le développement et le transfert de nouvelles technolo gies et de la gestion du savoir-faire pour améliorer la compétitivité et la durabilité des industries de Hong Kong sur le marché mondial. Notre soutien de l'indus trie comprend un service de conseil, de formation, d’essais, de certification, etc.
En Juillet 2016, HKPC a organisé une conférence internationale sur l'industrie 4.0 pour sensibiliser les industriels de Hong Kong à y migrer. Quelles sont les actions concrètes prises par HKPC pour atteindre cet objectif? La Conférence internationale sur « Industrie 4.0 » a fourni aux participants des informations utiles sur les stratégies de mise-en-œuvre, et les modèles d'af faires de l’Industrie 4.0. À HKPC, nous avons initié l’ « Industrie Smart One » comme une stratégie de dé ploiement de l'industrie pour soutenir les industries de Hong Kong dans le but de devenir des entreprises intelligentes. Cette stratégie comprend la mise en place d'un consor tium pour construire une synergie et une dynamique pour l’Industrie 4.0 au niveau local; l'ouverture d'une nouvelle installation, «Smart Industry One", pour mettre en valeur le fonctionnement intelligent des usines et des services intelligents de l'avenir; et enfin, la fourniture d'un programme end-to-end de mise à niveau et un système de reconnaissance pour soutenir les industries locales à migrer vers l’usine 4.0. Déjà, pour le programme de mise à niveau end-toend, l'Institut Fraunhofer pour les experts certifiés de la technologie de production a, relativement à l’industrie 4.0, achevé un certain nombre d’évalua tion sur place pour les entreprises pilotes dans le plastique, les métaux, l'électronique, l'outillage et des jouets. Certaines de ces entreprises ont procédé à la mise en œuvre des projets pilotes I4.0 tels que l'Inter net des objets (IoT) des machines d'injection, IoT des machines CNC, la planification et la programmation avancées pour l'optimisation des temps de production rapide et réel, les données de capture en temps réel de la production, etc. Nous avons également fourni une formation pour équiper les travailleurs dans les entreprises pilotes avec la capacité nécessaire pour
Qui est Raymond Shan Expert en Industrie 4.0 et Consultant principal de Smart Manufacturing & Materials Technology au sein de Hong Kong Pro ductivity Council ; Raymond Shan est spécialiste expert dans le transfert des technologies innovantes, des technologies de produits et de fabrication intel ligentes, des systèmes avancés spécifiques, etc. Raymond Shan est membre honoraire de l'Institut de Technologie avancée et gestion de l'innovation (ATIM), président (technique) de Society of Auto motive Engineers - Hong Kong (SAE-HK), Directeur (Technology & Management) de Hong Kong Auto Parts Industry Associatoon ( HKAPIA), membre honoraire de Hong Kong Mould & Technology Association produit (HKMPTA) et consultant de la Fédération de l'Automobile Industrie service Hong Kong (FASHK).
une industrie 4.0. En outre, dans la mesure où l’Industrie 4.0 implique un énorme volume de flux de données à travers les différents processus, la sécurité de l'information est une préoccupation majeure pour toutes les parties. Afin d'accroître la prise de conscience globale de la cyber-sécurité parmi les entreprises de Hong Kong, HKPC organisera une série de conférence interna tionale sur la cyber-sécurité au début de 2017 et un programme de promotion de l’Industrie 4.0 pour les secteurs industriels des métaux, des plastiques, de l'électronique et des secteurs des machines. Vous envisagez d'ouvrir une nouvelle installation «Smart Industry One ». Quel est l'objectif majeur de ce projet et quelles en sont vos attentes? La « Smart Industry One » vise à mettre en valeur le fonctionnement intelligent et l'usine du futur, ainsi que les services intelligents de l’Industrie 4.0. La pièce maîtresse de «Smart Industry One » sera une démonstration vitrine de l'entreprise intelligente qui illustre un cycle end-to-end [Client - Fabricant - Client (C2C)] du futur modèle d'entreprise (Smart Enter prise), à partir des besoins du marché, la commande du client, l'ingénierie, la planification des ressources, la production, la logistique et l'expérience du consommateur. Avec l’ouverture prévue pour 2017,
dans l a mesure où l’Indus- trie 4.0 impl ique un énorme vol ume de fl ux de don- nées à tra vers les dif - fére nts proces - sus, la sécu- rit é de l'infor - matio n est une pr éocc u- patio n ma jeure pour to utes les par ties .
L'Industrie 4.0 se met en place, le Maroc sera-t-il à la ramasse ?
Pour cette grande question, nous avons jugé plus adéquat de ne pas la traiter en guise d’article journalistiques. Mais, plutôt, donner la parole aux experts et industriels nationaux et internationaux pour éclairer nos lecteurs sur cette révolution historique qui est en train de se mettre en place « intelligemment ». Pour ce faire, nous leur avons posé la même question: Comment à votre avis, un pays tel que le Maroc, pourrait tirer profit de cette révolution, afin de combler le fossé qui le sépare des pays industrialisés ? Voici leur réponse !
Vincent Champain , ( France ) directeur général de General El ectric Digital foundry Europe
Le digital industriel change totalement la carte des avantages compétitifs. Lorsqu’une start-up est capable en quelques semaines de développer une application logicielle pour améliorer la performance d’une machine, vous comprenez que le champ des pos sibles s’agrandit. Les barrières à l’entrée, sur certaines parties de l’industrie, baissent. Concernant les pays en voie de développement, nous leur faisons déjà confiance et nous y investissons. Par exemple, en Europe, la Hongrie concentre de nombreux talents de GE Digital qui travaillent dans les domaines de la santé ou de l’énergie. L’important est de favoriser l’innovation, la circulation des idées, de développer dès le plus jeune âge une culture de l’entreprenariat et de la collaboration pour tirer au profit au maximum de cette révolution digitale indus - trielle. Il n’y a malheureusement pas de solutions miracles mais au regard des enjeux en terme d’énergie, d’accès à l’eau potable ou de mobilité, nul doute que les pays en voie de développement joueront un rôle majeur dans la digitalisation des industries et même façonneront son évolution, car il faut insister sur le fait que nous en sommes qu’au tout début.
Raymond Shan ( Hong Kong ) , Principal Consultant ( Sm art Manufacturing and Material s ) of Hong Kong Productivity Council
L’industrie 4.0 offre une excellente occasion pour les pays en développement pour réduire l'écart avec leurs homologues développés. Mais, similaire au cas d'une entreprise individuelle, avant de prendre le chemin de I’Usine 4.0, il leur est important de bien évaluer l’état de préparation pour la mise en œuvre d’une Industrie 4.0. Cela implique la prise en considération de plusieurs facteurs : la technologie et l'infrastructure numé rique, l'environnement socio-économique, etc.
Eddy Nellis , ( Belgique Factory, Process Industries Drives
) , Vice President bij Siemens Digital
La digitalisation donnera naissance à une nouvelle vague d’innovations et débouchera sur des opportunités d’activité et de croissance totalement nouvelles. Il sera essentiel de comprendre ces développements technologiques explosifs, de les accepter et d’en tirer parti. Le timing est important. La transition vers de nouvelles technologies doit s’opérer au bon moment pour profiter au maxi mum de la valeur ajoutée qui en découle. De par leur nature disruptive, ces innovations peuvent émerger dans n’importe quel pays et ainsi combler le fossé entre les régions fortement industrialisées et les pays émergents.
Pierre Prigent , ( Maroc ) , Directeur de Thal es au Maroc
Aujourd’hui, il est possible de suivre gratuitement les cours des plus prestigieuses uni versités françaises, anglaises ou américaines, en disposant d’un simple ordinateur relié à une bonne infrastructure connectée à Internet. Demain avec les constel lations de satellites, il suffira d’un petit panneau solaire pour alimenter son ordinateur en énergie et d’une antenne grosse comme une casserole pour suivre les cours de Harvard depuis les Dunes de Merzouga. La révolution digitale qui est en marche réduit les distances géographiques, mais aussi toutes les distances du savoir. Cette quatrième révolution de par son carac tère à grande composante « virtuelle » réclamant peu d’investissements, permettra de réduire drastiquement les écarts avec les pays industrialisés qui avaient pris de l’avance en investissant depuis longtemps dans des moyens industriels couteux.
Rémy JEANNIN, Président de l a Division Savoye ( France )
ustement parce que l’industrie 4.0 permet cette ouverture, la localisa tion d’opérations qui font partie d’un processus industriel au Maroc ou ailleurs était sous tendue par la présence au même endroit de toutes les fonctions nécessaires à une « usine ». Cette entité phy sique vole en éclat : pourquoi ne pas localiser dans les bassins les plus compétents, et il y en a au Maroc, des opérations faisant appel à ces compétences. Par exemple un service de contrôle, de surveillance, au client d’une unité productrice située en Europe. Chez Savoye, nous avons, depuis 5 ans, localisé au Maroc une partie d’opérations qui étaient aupara vant en France mais qui sont effectuées en « continuum » de notre production.
« Siemens propose Digital Enterprise Suite pour l’Industrie 4.0 » M. Eddy Nellis , Vice President bij Siemens Digital Factory, Process Industries & Drives
Dans le cadre de préparation de ce dossier important, industrie du maroc a tenté de faire intervenir des experts mondiaux dans l’industrie 4.0. M. Eddy Nellis, Vice-President BIJ Siemens Digital Factory, Process industries & drives nous livre ses opinions.
Interviewé par Said Zinnid
Siemens montre com- ment l es mondes réel et virtuel s’entre - mêlent, pr éfi - gura nt l’usi ne di gita le de de mai n.
Quel regard porte Siemens sur la révolution industrielle qui est en train de voir le jour, avec l’Industrie 4.0 ? Les principaux enjeux pour le secteur manufacturier sont la réduction du « time to market » et l’augmentation de la flexibilité et de l’efficacité, et ce, en maintenant le niveau de qualité le plus élevé. Seule la digitalisation permet de relever ces défis avec succès, tout en donnant accès à des opportunités et des modèles économiques totalement nouveaux. La transformation digitale de l’industrie s’opère à deux niveaux : D'abord, les entreprises doivent revoir et adapter leurs propres processus. Ensuite, les fournisseurs de solutions doivent centrer leur offre sur de l’Industrie 4.0. Sie
mens propose déjà une gamme de solutions pour la mise en œuvre de l’Industrie 4.0 dans l’industrie manufacturière et des procédés, adaptée aux entreprises de toutes les tailles : ce portefeuille dédié est appelé« Digital Enterprise Suite ».
Avec le Concept Center 4 Industries (The Digital Enter prise), Siemens ambitionne de démontrer sa « vision de la digitalisation et de l’automatisation du futur ». Pouvezvous nous éclairer davantage sur ce concept ? Siemens a ouvert en 2015 son Concept Center 4 Industries, ou CC 4I en abrégé, au siège central de l’entreprise en Bel gique. Il est destiné à présenter aux clients la vision de la digitalisation et de l’automatisation du futur défendue par Siemens. Nous y faisons la démonstration, à l’aide d’éléments audiovisuels, de la manière dont ses concepts d’automatisa tion à la pointe de l’innovation et ses nouvelles plateformes logicielles ouvrent la voie à l’usine digitale de demain. Dans le Concept Center 4 Industries, Siemens montre comment les mondes réel et virtuel s’entremêlent, préfigurant l’usine digitale de demain. Le centre met fortement l'accent sur le développement de nouvelles plateformes logicielles, entre autres. Mais les visiteurs y découvriront aussi nombre de pro duits et de systèmes innovants de Siemens mis en scène de manière concrète, à l’aide d’éléments audiovisuels.
Depuis l’introduction du projet industriel, en 2010 à Ha novre lors du salon de la technologie industrielle (« CeBIT »), peu de pays ont établi une stratégie nationale pour aller de l’avant dans cette révolution industrielle 4.0. Or, chaque pays a sa propre vision. En tant qu’opérateur mondiale dans le secteur IT, quels sont les éléments clés qui doivent être pris en compte dans n’importe quelle stratégie nationale pour une Industrie 4.0, afin de réussir
cette transition industrielle majeure dans l’Histoire industrielle? Il sera nécessaire de mettre en place une approche multidis ciplinaire impliquant plusieurs acteurs et différentes technologies. Une interaction cohérente entre les pays est indispensable, ainsi qu’entre les organes de régulation. Les domaines d’action prioritaires sont : 3.La recherche et le développement Simplifier les processus de promotion de la recherche (inclu sion systématique de l’industrie et du business dans la définition des programmes de recherche, transparence accrue des sources de financement, réduction continue de la complexité des procédures). Mettre l’accent sur les innovations et les produits commer cialisables – une meilleure mise en réseau du monde académique et des entreprises doit être encouragée. 4.Soutenir la mise en place d’une infrastructure large bande régionale de pointe. 5.Instaurer un cadre légal pour la protection des données ainsi que pour la sécurité des données, des informations et des réseaux, notamment en prévoyant des mesures visant à protéger les infrastructures critiques – il faut impérativement veiller à la protection et à la sécurité des données tout en créant de nouvelles possibilités de les utiliser pour développer des modèles commerciaux basés sur les données. Il ne faut pas limiter, et encore moins exclure, les modèles commer ciaux innovants d’une future « économie des données » en imposant des règles trop restrictives à l’utilisation de volumes de données massifs. Les progrès technologiques – tels que l’anonymisation ou la pseudonymisation des données (per sonnelles) – offrent des solutions viables en vue d’une protection et d’une sécurité totales. 6.Adapter les programmes de formation et de perfectionne
ment et les centrer sur l’IT et les compétences en informatique. 7.Instaurer une culture d’intégration, particulièrement pour les travailleurs qualifiés. 8.Développer des stratégies d’information pour expliquer au public les avantages et les défis sociaux liés aux nouveaux processus de production basés sur internet. Nous sommes très conscients que le Maroc a pris un bon départ dans tous ces domaines.
Ces dernières années, le Maroc attire de plus en plus d’opérateurs mondiaux dans des secteurs clés de l’indus trie mondiale : automobile (avec les écosystèmes Renault et PSA ; l’aéronautique avec Boeing, Bombardier, Thalès et son usine 3D, etc.). Est-ce que Siemens est présent dans l’accompagnement du Maroc dans sa stratégie d’émer gence industrielle puisque ces secteurs sont au cœur de votre activité (IT) ? Si oui, comment ? Si non, pourquoi ? Evidemment, nous travaillons en étroite collaboration avec les principales industries au Maroc dans le secteur minier, portuaire, automobile, etc. Par exemple, le gouvernement marocain considère que l’industrie automobile représente un secteur clé pour sa croissance économique et pour l’ex portation. Siemens offre aux constructeurs automobiles des solutions innovantes permettant d’optimiser leur produit ainsi que le cycle de vie complet de la production : depuis la conception jusqu’à la production, y compris la maintenance de l’usine. Grâce à la technologie mise au point par Siemens, il est possible d’automatiser, de commander et de contrôler de manière intelligente les lignes d’assemblage, les ateliers de peinture et les ateliers de carrosserie. Pour vous citer un autre exemple , nous construisons actuellement une usine pour un impératif global des demandes croissantes de pales d’éoliennes dans le monde. Cette usine a été conçue prin cipalement pour l’export vers l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Europe. Le choix du Maroc n’est pas anodin. Premièrement, le Maroc possède un environnement économique et poli tique stable ainsi qu’une main-d’œuvre jeune et motivée. Deuxièmement, le pays a réalisé des investissements stra tégiques dans ses infrastructures, notamment les routes et les ports. La zone franche de Tanger était pour nous un choix évident vu l’infrastructure environnante telle que le port de Tanger. Tertio, le Maroc compte plusieurs institu tions qui soutiennent le recrutement ainsi que la formation. En outre, le gouvernement marocain a présenté un plan global visant à améliorer ses infrastructures énergétiques. Il ambitionne de couvrir 52 % des besoins énergiques du pays avec des énergies renouvelables (dont 20 % d’éolien) d’ici 2030. Notre stratégie est d’accompagner le Maroc au Maroc.
Grâce à l a technol ogie mise au point par Siemens, il est possibl e d’automatiser, de com ma nder et de co ntr ôler de ma nière inte lli- gente les lignes d’assem - blage, les ate - liers de pei nture et les ate liers de car - rosse - rie .