Laboratoires territoriaux

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Cahier thématique de Hochparterre, août 2018

Laboratoires territoriaux

31 projets-modèles, huit offices fédéraux et un objectif: un développement territorial durable avec de nouveaux moyens.

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Des espaces comme celui-ci: la densification est un casse-tête – et pas seulement à Brigue-Glis.

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Éditorial

En route vers un espace cohérent Sommaire

4 Carte synoptique Vue d’ensemble des projets-modèles de 2002 à 2018.

6 La densification gagnant-gagnant Brigue-Glis implique les maîtres d’ouvrage.

10 « Si l’on veut innover, on doit aussi pouvoir essuyer un échec» Pourquoi on doit en finir avec l’esprit de clocher dans l’administration.

12 L’inspiration au bord de la rivière Un nouvel espace de détente et de loisirs voit le jour dans le Grand Genève.

16 Le bois, la pierre et l’esprit La vallée de Schams se dote d’une vitrine pour son économie régionale.

2 0 « Et maintenant, de l’huile de coude » Pourquoi une issue incertaine fait partie des expériences de planification territoriale.

2 2 Des paysans en périphérie urbaine Au nord de Lausanne, un nouveau guide de planification aide les exploitants agricoles.

2 6 Une mixité sociale renforcée Un vent nouveau souffle dans ce qui fut le ‹ petit Bronx › de Bellinzone.

3 0 « Un catalyseur d’idées existantes » Pourquoi l’Exposition Internationale d’Architecture de Bâle dépasse les frontières.

Pour les uns, l’espace est une ressource utilisable. Pour d’autres, c’est un bien digne de protection. Pour certains, c’est ni l’un, ni l’autre. Pour tous, c’est un espace d’activité et de vie. Lorsque l’on réussit à coordonner les nombreuses exigences et à faire un usage mesuré du sol, les planificateurs parlent de développement territorial durable. Le chemin pour y parvenir est entravé par plusieurs limites: Trois niveaux étatiques qui ne communiquent pas toujours ensemble. De nombreux domaines politiques dont aucun n’a une vue d’ensemble. Des limites administratives qui sont loin de la réalité. Donc, comment surmonter ces entraves ? A la recherche de réponses, la Confédération a créé, en 2002, les ‹ Projets-modèles ›. Pour la troisième génération entre 2014 et 2018, huit offices fédéraux ont accompagné et financé en commun 31 projetsmodèles. C’est à eux que se consacre ce cahier. Après avoir sélectionné un projet-modèle dans chacun des axes prioritaires, nous avons envoyé cinq auteurs aux quatre coins du pays. Leurs reportages illustrent comment les projets-modèles fonctionnent avec les acteurs des différentes régions: Brigue-Glis réduit les trop grandes zones à bâtir en périphérie en faveur de constructions plus denses à un d’emplacement plus pertinent. L’agglomération transfrontalière du Grand Genève développe le long de l’Arve un espace naturel et de loisirs et une piste cyclable et piétonne en balcon. Près de Bellinzone, une crèche et un ‹ concierge social › animent un quartier résidentiel en cours de transformation pour accueillir personnes âgées, handicapées et enfants. Dans la vallée de Schams dans les Grisons, une nouvelle zone industrielle et artisanale améliore les circuits économiques régionaux. Et au nord de Lausanne, urbanisation et surfaces agricoles se rencontrent. Trois entretiens viennent compléter les reportages. Deux représentantes de la Confédération discutent de ce qu’étaient et de ce que seront les projets-modèles, ce qu’ils sont censés être et comment ils fonctionnent. Le chef du service cantonal des constructions du canton d’Uri et l’urbaniste de Bienne expliquent pourquoi un projet-modèle n’en est souvent qu’au début. Deux planificateurs se penchent sur l’IBA Basel qui a été aussi soutenue par un projet-modèle de seconde génération et qui, depuis, a mis bien des choses en mouvement. Le photographe Gian Paul Lozza de Londres et Zurich a, lui aussi, sillonné la Suisse pour ce cahier. Ses photos montrent les lieux des projets-modèles présentés – notre espace de vie à tous d’ailleurs.  Palle Petersen

Photos de couverture: Au nord de Lausanne, d’anciennes terres agricoles se transforment en zone urbanisée.

Impressum Maison d’édition  Hochparterre AG  Adresses  Ausstellungsstrasse 25, CH-8005 Zurich, Téléphone +41 44 444 28 88, www.hochparterre.ch, verlag@hochparterre.ch, redaktion@hochparterre.ch  Éditeur et rédacteur en chef  Köbi Gantenbein  Directrice d’édition  Susanne von Arx  Conception et rédaction  Palle Petersen  Photographie  Gian Paul ­Lozza, www.lozzaphoto.com  Art Direction  Antje Reineck  Mise en pages  Sara Sidler  Produktion  Daniel Bernet, Thomas Müller, Anna Six  Traduction  Annie Jeamart  Lithographie  Team m ­ edia, Gurtnellen  Impression  Somedia Production, Coire Éditeur  Hochparterre en collaboration avec les offices fédéraux ARE, OFAG, OFEV, OFL, OFROU, OFSP, OFSPO, SECO Commandes  shop.hochparterre.ch, Fr. 15.—, € 10.—

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Projets-modèles pour un développement territorial durable Troisième génération 2014 – 2018 Mettre en œuvre l’urbanisation à l’intérieur du milieu bâti Participants:  ARE ( responsable ), OFEV, OFAG, SECO 1 Intégration urbaine des zones industrielles et artisanales de la région de Morges 2 L a population participe activement au développement urbain de Val-de-Ruz 3 Réseau coopératif pour le développement à l’intérieur du milieu bâti ( LU, BL ) 4 Arealplus – pour un aménagement axé sur l’économie en Suisse orientale 5 Développement territorial gagnant-gagnant à Brigue-Glis ( voir page 6 ) 6 Patrimoine bâti et protection du paysage de la vallée de Binn 7 E xploiter le potentiel d’utilisation des résidences secondaires dans la région de Bellinzona e Valli

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Aménager les espaces ouverts dans les agglomérations Participants:  ARE ( responsable ), OFROU, OFEV, OFSP, OFSPO, OFL 8 L’Arve transfrontalière au cœur du Grand Genève ( voir page 12 ) 9 Participation à la création d’espaces ouverts attractifs à Fribourg 10 Un espace pour les activités physiques et sportives dans la région Sursee-Mittelland 11 Mobilité douce proche du milieu bâti dans l’aire métropolitaine de Zurich 12 Développement intégré de l’espace ouvert dans l’agglomération de Schaffhouse 13 Des espaces propices aux activités physiques à Winterthour et Dübendorf 14 Revalorisation du milieu suburbain dans l’agglomération de Flawil – Saint-Gall 15 Faire de plaines inondables un espace de détente attractif dans l’agglomération de Locarno 16 Création du Parco del Laveggio dans la région du Mendrisiotto Favoriser l’économie dans les espaces fonctionnels Participants:  SECO ( responsable ), ARE, OFEV, OFAG 17 Des perspectives communes dans le Frenkental bâlois 18 Positionnement de l’espace métropolitain zurichois dans le tourisme d’affaires 19 P romotion économique axée sur les potentiels en Haute-Thurgovie 20 Développement entre régions de montagne et centres en Valais central 21 Création de valeur avec le géotourisme dans le Mattertal 22 L a zone industrielle, moteur du développement de la région de Val Schons ( voir page 16 )

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Offices fédéraux participants Office fédéral du développement territorial ARE OFAG Office fédéral de l’agriculture OFEV Office fédéral de l’environnement OFL Office fédéral du logement OFROU Office fédéral des routes OFSP Office fédéral de la santé publique OFSPO Office fédéral du sport SECO Secrétariat d’Etat à l’économie

Seconde génération 2007 – 2011

44 projets-modèles en 9 axes thématiques Participants:  ARE, OFEV, OFAG, SECO

Première génération 2002 – 2007 31 projets-modèles, aucun axe thématique Participants:  ARE, SECO

Utiliser et valoriser durablement les ressources naturelles Participants:  OFEV ( responsable ), ARE, OFROU, OFAG, SECO 23 Urbanisation et agriculture du Nord lausannois ( voir page 22 ) 24 Gestion intégrée des eaux dans le bassin versant de la Broye et le Seeland 25 Protection et exploitation des eaux dans la vallée de l’Aar et de la Gürbe 26 Utilisation de biomasse dans l’Entlebuch Créer une offre de logements suffisante et adaptée aux besoins Participants:  OFL ( responsable ), ARE Observateur:  Office fédéral de l’énergie 27 Des pistes pour un développement équilibré de l’offre de logements sur la Riviera 28 Potentiels de développement des lotissements des coopératives biennoises 29 Un habitat abordable pour les résidents permanents de la région touristique de Zermatt 30 Promotion de l’habitat entre le Gothard et la vallée de la Reuss 31 L aboratoire expérimental de Morenal à Bellinzone – repositionnement d’un quartier ( voir page 26 )

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La densification gagnant-gagnant

Pendant des décennies, la superficie de Brigue-Glis n’a cessé de s’étendre. Les premiers projets montrent désormais comment on utilise les réserves à bâtir internes. Texte: Pieter Poldervaart

Comme de nombreuses communes valaisannes, Brigue-Glis doit aussi déclasser de nombreux terrains à bâtir – le chemin est semé d’embûches.

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On la croirait presque sortie d’un livre d’images, la Oberdorfgasse qui grimpe le versant sud à partir de l’église de Glis. Quelques pièces rouillées et un véhicule tout-terrain mal garé troublent l’image idyllique. Cependant, les maisons valaisannes anciennes suscitent chez le citadin une sensation de vacances. Un panneau indique une « construction à pignon de la fin du Moyen-Age ». Quelques pas plus loin, c’est le clapotis d’une fontaine historique, taillée dans la pierre en 1899 par « J. Mutti », qui se fait entendre. Deux chats miaulent pour quémander des caresses ; dans l’étable à côté, brûlée par le soleil, des chèvres bêlent. Ici, au cœur du vieux village de Glis, ce sont le crépi à la chaux et les murs en moellons qui dominent. Ici, le Valais est encore intact. A quelques mètres de là, c’est brusquement la fin de ce monde préservé: de nombreuses maisons unifamiliales et multifamiliales de qualité douteuse ont été construites pendant les dernières décennies à la périphérie de la commune. Des rangées de maisons unifamiliales se succèdent sur la moitié d’une prairie qui faisait autrefois 350 sur 150 mètres à l’ouest de l’église. Ce n’eût été qu’une question de temps et les seize propriétaires auraient bâti sur leur parcelle encore libre – de manière bien individualisée bien sûr. Une structure de village Mais il y a eu l’intervention de Roland Imhof. Lorsque l’architecte qui a aujourd’hui 42 ans devient urbaniste de la commune de Brigue-Glis en 2011, il savait certes que les jours de la prairie verdoyante étaient comptés mais ce qu’il ne voulait pas, c’était laisser le champ libre au précepte incontrôlé selon lequel ‹ Tout le monde peut participer ›. Il invita donc deux bureaux d’architecture pour une planification test pour les seize parcelles encore vides. Il en ressortit deux projets très différents: D’une part un seul corps de bâtiment dominant qui a besoin d’être très espacé du cœur du village. D’autre part, une structure étalée de maisons unifamiliales qui prolonge les ruelles de la vieille ville en tant que voies piétonnes et qui nécessite une zone tampon moins importante. Il est prévu que prochainement, les seize propriétaires fonciers vont se rencontrer lors de la seconde réunion participative. L’option favorite reste la variante avec les maisons unifamiliales. Si les premières familles venaient à emménager dans quelques années, leurs enfants n’auront que quelques minutes à pied pour se rendre à l’école primaire. Peu d’argent de la taxe sur la plus-value La planification pour le développement du secteur ‹ Oberdorf West › fait partie du projet-modèle ‹ D éveloppement territorial gagnant-gagnant à Brigue-Glis ›. Pour ce projet, Imhof collabora avec le bureau Planteam S. Ensemble, ils avaient déjà élaboré une vision pour le ‹ D éveloppement territorial de Brigue-Glis › sur laquelle se base le projet-modèle. L’impulsion pour ce projet avait été donnée par l’acceptation en 2014 de la Révision de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire ( LAT ) contre laquelle, notons le, quatre-vingt pour-cent des Valaisannes et des Valaisans s’étaient prononcés. Après la votation, le Conseil municipal voulait savoir comment on pourrait se débarrasser d’un excédent de zones à bâtir de 39 hectares sur l’ensemble du territoire communal en tenant compte en même temps des intérêts supérieurs. Imhof admet que « ça n’a malheureusement pas marché de réunir les gagnants et les perdants de toute la ­commune ». →

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Thomas Imhof, urbaniste de Brigue-Glis, a grandi dans le Haut-Valais - néanmoins, il a la réputation d’être restrictif en matière de demandes de permis de construire.

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La prairie encore verte dans le centre ancien de Glis va être construite - mais les maisons unifamiliales prévues doivent reprendre la structure de ruelles de la vieille ville.

→ La motivation pour un échange de terrains à bâtir a fait défaut car il y a tout simplement un excès de terrains constructibles. Une leçon à suivre – pas seulement pour Brigue-Glis mais aussi pour de nombreuses communes valaisannes et suisses. En même temps, il manquait au Haut-Valais les moyens pour opérer avec la taxe sur la plus-value. Seulement près de la gare, il est prévu une tour dans la zone de triage qui n’est plus utilisée où on a partiellement puisé dans la plus-value que l’on a utilisée pour l’aménagement des espaces libres. A Brigue-Glis, le déclassement des zones à bâtir ne se fait donc que rarement sans perdants. Pour en amortir les conséquences, l’urbaniste mise le plus possible sur la coopération. Comme pour l’espace à ‹ Oberdorf West ›, qui est encore une prairie verte, il veut tirer des leçons des erreurs architecturales du passé et concevoir les projets de construction qui sont de toute façon imminents le plus denses possible et dans un climat de dialogue avec le centre du village qui est attenant. Souvent, le travail d’Imhof signifie réagir plutôt qu’agir. Pour en avoir un aperçu, il suffit de jeter un œil de la fenêtre de son bureau en direction de la route cantonale très fréquentée. On distingue une dent creuse sur le versant à la lisière sud de la commune. Lorsque la demande de permis de construire pour un luxueux aménagement en terrasses atterrit sur son bureau, Imhof intervint tout de suite. Car, depuis la révision de la LAT, on ne peut construire du neuf que lorsque trois conditions sont remplies: dent creuse, desserte déjà opérationnelle par une route et éloignement de trente minutes à pied maximum d’une école. Pour le projet des terrasses, la dernière condition n’était pas remplie. Maintenant, Imhof veut, dans le cadre d’entretiens individuels, inciter les six propriétaires du site à déclasser la moitié de la surface qui est constructible. En compensation, ils pourront utiliser le reste de la surface constructible le plus densément possible et jusqu’au bord de la route, ce qui conduit à une ruelle ain-

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si qu’au cœur limitrophe du hameau. « Les trois premiers entretiens se sont déroulés de manière positive », dit Imhof qui est originaire de Naters, commune voisine, et qui connaît bien les sensibilités locales. Le couvent et ses constructions sociales En périphérie de Brigue, un déclassement similaire a déjà réussi. Il y a trois ans, lorsque le couvent Ste Ursule a vendu sa piscine au canton, la manne financière devint un fardeau à cause des intérêts négatifs. Pour investir l’argent à titre caritatif, les Sœurs ont décidé d’investir dans la construction de logements sociaux sur une prairie d’une superficie de deux hectares et demi au-dessus du palais Stockalper. Cinq projets ont été présentés, Imhof devint avec succès le porte-parole de la variante compacte. « Les religieuses de 70 ans sont plus ouvertes aux nouveautés que beaucoup de jeunes à qui j’ai à faire », dit-il. Actuellement, le gros œuvre en béton sur la prairie verdoyante donne presque une impression de brutalité. Même Imhof, qui arbore sinon la plupart du temps un sourire de gamin, a un air perplexe. Mais il pense que, lorsqu’il sera achevé à l’automne, le bâtiment va très bien s’intégrer dans le paysage. Construit en bois de mélèze régional et isolé avec de la laine de mouton, il ressemblera à une grande grange valaisanne. A long terme, il est envisageable mais pas du tout prévu qu’il y ait trois autres corps de bâtiment qui clôtureraient la zone d’urbanisation. Toutefois, le succès majeur est qu’il y a maintenant une interdiction de construire sur la moitié des anciens terrains à bâtir. Pour la ville, le couvent est une aubaine. Mais les investisseurs commerciaux tiennent également de plus en plus compte, en plus de leurs rendements – et grâce à la légère pression de l’Office des constructions – des besoins de la communauté. Une caisse de pension a ainsi acheté une parcelle supplémentaire qui reste bel et bien verte mais en contrepartie des bâtiments individuels dans le plan de quartier ‹ Undri Glismatte › auront le droit d’être

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plus hauts. Un autre investisseur peut, lui aussi, densifier son projet dans le plan de quartier ‹ Wieri › – en contrepartie d’une interdiction de construire sur un espace non bâti ouvert près du château-fort de Supersaxo. Imhof tire le bilan: « Le bruit se répand que nous gérons les demandes de permis de construire de manière restrictive. Mais justement les architectes remarquent également que l’on peut négocier une densification si l’on procède en même temps à un déclassement de terrain à bâtir. » La première étape sur le chemin semé d’embûches de la réduction des surfaces à bâtir, la densification et le déclassement, est donc en bonne voie. La plus grande commune germanophone du canton du Valais, avec ses 13 000 habitant( e )s, peut ainsi compter sur le soutien non seulement de la législation fédérale et d’un urbaniste engagé, mais aussi d’un planificateur cantonal, Damian Jerjen qui a, lui aussi, suivi de près le projet-modèle et défend les résultats: « Nous avons appris de Brigue-Glis que bien des choses qui sont dures à faire passer au niveau communal sont possibles au niveau du quartier. » De plus, la communication avec les différents acteurs concernés est décisive pour le degré d’acceptation des planifications. Jerjen va également intégrer les expériences de Brigue-Glis avec les résultats des quatre autres projets-modèles valaisans dans des outils de travail qui seront mis à la disposition des communes valaisannes à partir de 2019. L’épreuve de vérité de la redéfinition La Confédération est également satisfaite des résultats du projet-modèle et de la poursuite de son développement: « Le fait qu’une compensation des terrains à bâtir n’a pas fonctionné sur l’ensemble du territoire communal n’est pas une catastrophe mais au contraire une leçon importante à l’échelon national du projet-modèle », dit Reto Ghezzi qui a suivi le projet à l’Office fédéral du développement territorial ( ARE ). On s’est aussi rendu compte qu’un échange a plus de chances de fonctionner lorsque seulement un propriétaire est concerné par le déclassement – surtout si l’argent de la taxe sur la plus-value fait défaut. Toutes ces solutions individuelles sont de belles réussites. Mais à long terme ces solutions ne permettent qu’un quart des déclassements nécessaires. C’est pourquoi, le Conseil municipal va bientôt s’attaquer à la définition de zone urbanisée – un sujet brûlant avec lequel on risque facilement de se brûler les doigts. Il s’agit de déclassements de l’ordre de centaines d’hectares. Une forte résistance est programmée.

‹ Développement territorial gagnant-gagnant à Brigue-Glis ›, 2014 – 2018 Axe thématique: mettre en œuvre l’urbanisation à l’intérieur du milieu bâti Offices fédéraux impliqués:  ARE, OFEV, OFAG, SECO Organisme responsable:  Commune de Brigue-Glis

Autres participants:  Planteam S, Association suisse pour l’aménagement na­tional, service cantonal du développement terri­ torial du Valais, agglomération de BrigueViège-Naters ( uniquement échange d’informations ) Budget:  Fr. 100 000.— ( contribution fédérale 50 000.—, commune de Brigue-Glis 34 000.—, canton du Valais 16 000.— ) Pour plus d’informations:   hochparterre.ch /  movo-brigglis-fr

Le gros œuvre donne une impression menaçante. Mais, une fois terminé, ce bâtiment de logements sociaux fera penser à une grande grange valaisanne – et permettra en même temps de laisser non bâtie une grande partie de la prairie.

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« Comment peut-on concilier les nombreuses exigences plutôt que de poursuivre le mitage ? »  Sabine Kollbrunner

« Si l’on veut innover, on doit aussi pouvoir essuyer un échec » Les projets-modèles sont des expérimentations par-delà les frontières administratives. Thème de l’entretien: comment ils ont vu le jour et comment ils pourraient être à l’avenir. Interview: Palle Petersen

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Actuellement, 31 projets-modèles sont en cours, regroupés en cinq axes thématiques. Quel en est le fil conducteur ? Sabine Kollbrunner: La réponse réside dans le nom ‹ Projetsmodèles pour un développement territorial durable ›. Car la situation est la suivante: L’espace se fait rare et chacun veut en faire usage pour servir ses intérêts. De ce fait, la pression urbaine augmente et les paysages de cultures et les paysages naturels en pâtissent. Comment peut-on concilier les nombreuses exigences plutôt que de poursuivre le mitage ? C’est dans ce but que les projets-modèles recherchent de nouvelles approches et méthodes. Melanie Butterling:  Ceci implique notamment qu’il y ait une coordination: entre les trois niveaux étatiques, la Confédération, le canton, la commune, par-delà les frontières administratives et entre les politiques sectorielles. Pour les régions d’intervention des projets, il s’agit de mettre en place de nouvelles formes de coopération et pour nous, les offices fédéraux, d’agir ensemble plutôt que les uns contre les autres. Le SECO fait la promotion économique, l’ARE le développement territorial, l’OFEV traite des questions en matière d’environnement et de ressources, l’OFAG celles de l’agriculture. Cette pensée cloisonnée fonctionne de moins en moins ! Désormais, huit offices fédéraux y participent. Comment en est-on arrivé là ? Melanie Butterling:  Lorsque l’ARE et le SECO ont réalisé la première génération de projets-modèles de 2002 à 2007, la coopération était centrée sur les agglomérations. L’OFEV et l’OFAG se sont joints à eux pour la seconde génération entre 2007 et 2011. L’attention a donc été portée également à la campagne, par exemple au tourisme durable ou aux systèmes de compensation des avantages et des charges. Dans la troisième génération, entre 2014 et 2018, les deux se rejoignent désormais. Nous faisons une séparation moins nette entre la ville et la campagne.

Sabine Kollbrunner:  Outre le projet de territoire Suisse, la politique des agglomérations a été entretemps actualisée et une politique pour les zones rurales et les régions de montagne a été adoptée. Tout cela a soulevé de nombreuses questions charnières. C’est pourquoi, pour la troisième génération, nous leur avons donné davantage d’importance et avons engagé les offices fédéraux des routes, de la santé publique, du sport et du logement – donc l’OFROU, l’OFSP, l’OFSPO et l’OFL. Revenons en arrière: Comment les projets-modèles ont-ils vu le jour ? Sabine Kollbrunner: En 1999, une modification constitutionnelle exigea que la Confédération prenne davantage en considération les villes, les agglomérations urbaines et les régions de montagne. Il en résulta en 2001 la politique des agglomérations de la Confédération. Elle comprend d’une part des mesures de coordination comme la Conférence Tripartite sur les Agglomérations ( CTA ), d’autre part des instruments de financement. Les projets d’agglomération qui mettent l’accent sur les transports et l’urbanisation sont l’instrument le plus important. Au total, ils sont de l’ordre de plusieurs milliards et doivent donc obtenir l’aval du Conseil fédéral. Melanie Butterling: Les projets-modèles sont plus petits et plus créatifs. Ce sont des expériences dans le cadre de la compétence budgétaire des offices eux-mêmes. C’est d’ailleurs là que les projets-modèles ont vu le jour. Nous nous sommes inspirés des ‹ projets-pilotes de l’aménagement du territoire › ( MORO ) en Allemagne. Avec une différence importante: Tandis que le ministère fait appel à des mandataires externes, nous accompagnons les projets nous-mêmes pour dégager directement des enseignements pour nos propres politiques fédérales. Vous dîtes que les projets-modèles sont petits. De quels montants s’agit-il ? Melanie Butterling:  Pour les projets de la troisième génération, nous avions 3,7 millions de francs. Parce qu’il n’y a pas de moyens alloués spécialement, cela fonctionne selon le principe: Chacun selon ses moyens et sa volonté. Nous partageons les frais généraux et les offices fédéraux

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« Il faut une coordination entre les niveaux étatiques et par-delà les frontières administratives. »  Melanie Butterling

financent et dirigent les axes prioritaires. Nous, au sein de l’ARE, nous participons à l’ensemble des cinq axes prioritaires et en dirigeons deux. Certains offices participent à un et n’en dirigent aucun. Sabine Kollbrunner: Approximativement, nous avions environ 100 000 francs par projet-modèle. En fait, 200 000 francs par projet-modèle sont possibles mais la plupart des organismes responsables demandent entre 50 000 et 100 000 francs parce qu’ils doivent eux-mêmes faire un apport d’au moins le même montant. Cela se justifie car ce n’est que lorsqu’une région elle-même soutient un projet-modèle qu’il aura un effet sur le long terme. Melanie Butterling:  Il est intéressant de constater que cet effet est à double sens. La perspective d’une subvention fédérale est souvent l’argument décisif pour que la région finance l’autre moitié. Qu’est-ce-que les projets-modèles apportent aux régions, à part de l’argent ? Sabine Kollbrunner:  C’est une sorte de label et souvent aussi une motivation pour les communes qui, sinon, n’aiment pas trop communiquer entre elles et coopérer. Il s’agit bien souvent tout d’abord de mettre en place des canaux de communication et des réseaux. C’est un travail de fond qui se traduira plus tard par des résultats tangibles. Melanie Butterling: Mais tangible ne veut pas dire obligatoirement que les projets-modèles déboucheront sur des projets formels. Souvent, il y a des guides ou des fiches techniques à la fin d’un projet-modèle. Dans les demandes de projets, il y a toujours des idées sur les possibilités d’intégration de ces documents, une fois le projet achevé. Parfois, on y parvient bien: Dans la vallée de la Frenke, sur la base d’une planification test, onze communes ont adopté une vision d’avenir commune avec des champs d’action et une déclaration d’intention. Parfois, cela réussit moins bien: Dans la Riviera vaudoise, on a élaboré une charte pour la construction de logements mais personne ne la signe. On assiste donc à l’échec de nombreux projets-modèles ? Sabine Kollbrunner: Cela dépend de ce que l’on entend par échec. Quatre-vingt dix pour-cent des projets-modèles n’atteignent pas les objectifs tels qu’ils sont définis dans la demande de projet. Ce n’est pas non plus l’intention car ensemble nous changeons les objectifs pendant la durée du projet-modèle. Un projet-modèle n’est pas un exemple de bonne pratique avec le label de qualité de la Confédération mais au contraire une démarche commune et une expérience à l’issue incertaine. Même si quelque chose ne réussit pas, après nous sommes plus intelligents. Si l’on veut innover, on doit aussi pouvoir essuyer un échec. Melanie Butterling:  Quoi qu’il en soit, nous espérons parvenir à des conclusions qui peuvent s’appliquer dans d’autres régions avec une situation de départ similaire. Andermatt

et Zermatt, par exemple, n’ont toutes deux pas suffisamment de logements abordables pour les salariés dans le domaine de la restauration et de l’hôtellerie. Désormais, les communes échangent entre elles. C’est le genre de choses que nous ne pouvons pas imposer mais encourager. Chaque année, il y a un échange d’expériences par axe prioritaire, en partie en relation avec des visites de projets. Ici, les porteurs de projets se mettent en réseau. Que faîtes-vous pour que les résultats ne finissent pas au fond d’un tiroir ? Melanie Butterling:  Des consultants externes écrivent un rapport d’approfondissement avec les principaux enseignements pour chaque axe thématique. Nous le diffusons parmi les porteurs de projets et sur les plateformes et les listes de diffusion des offices fédéraux. De plus, il y a le site internet www.projets-modeles.ch qui effectue un travail médiatique ciblé. Sabine Kollbrunner: Reste la question de savoir ce qui se passe dans les régions des projets elles-mêmes lorsque les projets-modèles sont achevés. Souvent, les projets-modèles ne constituent qu’un premier pas et ensuite ce sont les soutiens politiques qui sont importants. Cependant, lors de l’échange annuel d’expériences, nous voyons souvent seulement des collaborateurs des bureaux de planification et des hautes écoles mais rarement des représentants des communes. Il faudrait les intégrer davantage aux projets-modèles. On dirait un constat pour une quatrième génération. Y-aura-t-il d’autres projets-modèles et si oui, qu’y-aura-t-il de différent ? Melanie Butterling: Il y a bien sûr de nombreuses instances pour échanger entre les offices fédéraux. Mais les projets-modèles sont uniques en tant que programme d’encouragement dans lequel nous accompagnons des projets concrets par-delà les frontières des offices et des départements. C’est pourquoi en décembre dernier, tous les huit offices ont décidé qu’il doit y avoir une quatrième génération. Depuis ce printemps, nous sommes en train d’élaborer les nouveaux axes thématiques et tirons au clair la question du financement. En 2019 suivront l’appel d’offres et l’adjudication. En 2020, c’est parti ! Sabine Kollbrunner: De nombreux points d’interrogation subsistent. Éventuellement, d’autres offices viendront s’ajouter, d’autres pourraient n’obtenir qu’un simple statut d’observateur. Sur le fond, il est clair que nous ne traiterons pas des mêmes thèmes que dans la génération actuelle. Une approche possible est l’encouragement de la capacité stratégique régionale. Un autre sujet primordial est la numérisation. Que provoque-t-elle spatialement et qu’est-ce-que cela signifie sur le plan politique ? Ce ne sont pas les questions passionnantes qui manquent !

Sabine Kollbrunner ( 38 ) est géographe et depuis 2008 collaboratrice scientifique auprès du Secré­tariat d’Etat à l’économie ( SECO ). Dans le secteur Politique régionale et d’organisation du territoire, elle est chargée, entre autres, du développement cohérent du territoire et des programmes de coopération transfrontalière. Melanie Butterling ( 38 ) est géographe et géoinfor­maticienne. Depuis 2007, elle travaille à l’Office fédéral du développement territorial ( ARE ) et est coordinatrice du programme Projetsmodèles pour un développement territorial durable. En outre elle est responsable de la thématique adaptation au changement climatique et développement territorial.

Cahier thématique de Hochparterre, août 2018 —  Laboratoires territoriaux — « Si l’on veut innover, on doit aussi pouvoir essuyer un échec »

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L’Arve serpente sur 17 kilomètres dans la région du Grand Genève en traversant neuf communes. Petit à petit, le paysage fluvial devient un espace de détente et de loisirs.

L’inspiration au bord de la rivière

Texte: Gabriela Neuhaus

L’Arve à Genève, peu avant qu’elle ne se jette dans le Rhône: la nature en pleine ville.

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Sentant le rugissement menaçant d’un poids-lourd dans son dos, la cycliste se presse tout près du mur et attend que le danger soit passé. La route de Carouge à Veyrier est étroite, la circulation intense. Aussi le soulagement est-il immense, une fois que l’on arrive à l’embranchement pour emprunter un large chemin de terre. C’est aussitôt le calme ! On a le temps de regarder autour de soi et de profiter de sa balade à vélo. A gauche les maisons plurifamiliales d’un nouveau lotissement, à droite une grande friche qui s’étend jusqu’à la route principale bordée de chênes. Derrière, des rangées de maisons unifamiliales à perte de vue. Le chemin en terre vient d’être transformé en piste cyclable pour garantir aux enfants des quartiers voisins un chemin sécurisé pour se rendre à l’école. C’est aussi un investissement pour le futur: Là où le regard se pose aujourd’hui sur la friche, 1 200 nouveaux logements vont être construits au cours des prochaines années. De part et d’autre de la frontière, le Grand Genève compte près d’un million de personnes, dont environ 200 000 rien que dans le bassin-versant de l’Arve entre Annemasse et Genève. Et ce chiffre ira croissant. Un espace ouvert dans l’agglomération La piste cyclable fait partie du projet-modèle ‹ L’Arve transfrontalière au cœur du Grand Genève ›. Elle continue à travers champs vers le hameau voisin de Sierne. L’ancienne résidence de campagne avec ses impressionnants bâtiments historiques se situe en haut d’une colline qui domine la rivière. Des moutons paissent tout autour, l’Arve scintille dans la vallée entre arbres et buissons – et au sud, on pourrait presque toucher le grandiose paysage rocheux du Mont Salève qui surplombe Genève. « Cette piste cyclable traverse une belle zone d’excursions pour les habitants des environs immédiats: En quelques minutes, on a quitté la ville en vélo pour un tout autre monde. Le long de l’Arve, non seulement il y a beaucoup de nature mais encore de nombreux coins accueillants, des monuments historiques et des cœurs de village nostalgiques à découvrir et où flâner », c’est ainsi qu’Anne-Lise Cantiniaux, responsable de la gestion du paysage et de l’espace forestier auprès du canton de Genève, commente ce changement de décor soudain. Elle dirige le projet paysager le long de l’Arve qui a pour objectif de valoriser le paysage fluvial en tant qu’espace de détente et de loisirs et de l’ouvrir à la mobilité douce. A partir du hameau de Sierne, on continue sur un chemin naturel cahoteux qui descend vers l’eau. Deux bornes au bord du chemin indiquent que l’on se trouve maintenant en France. Sur un court tronçon, les berges deviennent sauvages et romantiques. Le chemin passe par des bancs de sable, le long d’un étang bordé de roselières – un couple de canards vole au-dessus de l’eau, un pêcheur lance sa ligne. Ce genre d’endroits n’existe pratiquement plus du côté genevois, dit Cantiniaux. Sur de longs tronçons, le cours de l’Arve a été maîtrisé et rectifié. Des deux côtés de la frontière, on trouve maintenant des centres sportifs, des stations d’épuration et des entreprises industrielles à proximité de la rivière. A quelques centaines de mètres seulement en amont, une exploitation a extrait du gravier de manière intensive de 1945 à 1974. Il a fallu un énorme travail de persuasion, raconte la cheffe de projet, pour empêcher la construction d’un grand centre commercial sur les surfaces que la nature s’est réappropriées depuis. →

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La vallée de l’Arve offre un espace nature et détente d’importance vitale dans une zone urbanisée en pleine expansion.

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1 Genève 2 Carouge 3 Troinex 4 Veyrier 5 Chêne-Bougeries 6 Chêne-Bourg 7 Thônex 8 Gaillard ( F ) 9 Ambilly ( F ) 10 Etrembières ( F ) 11 Annemasse ( F ) 12 Vetraz Monthoux ( F )

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Espace public Sport et loisirs Parc urbain Espace naturel de détente E space naturel à dimension écologique et pédagogique E space naturel à dimension écologique Agriculture Eaux existant planifié

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Renouvellement urbain Extension urbaine Piste cyclable sur le ‹ parcours en balcon › planifiée Voie de mobilité douce sur la ‹ promenade basse › planifiée

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→ Dans le cadre du projet d’agglomération, les autorités et les experts de la région avaient élaboré en 2007 un plan paysage pour la protection de l’Arve – pour contrebalancer l’extension de l’urbanisation. Le périmètre va d’Annemasse ( France ) jusqu’au centre-ville de Genève. L’Arve prend sa source près de Chamonix et se jette dans le Rhône. « A cette époque, on venait juste de reconnaître que la nature ne s’arrête pas à la frontière », dit Bruno Beurret, responsable du projet auprès de la Direction cantonale des travaux publics. Sur la base de ce premier projet transfrontalier, un plan détaillé de mise en œuvre fut élaboré de 2012 à 2014. Comme trait d’union, on choisit deux mesures clairement définies au signal fort: La création d’un ‹ parcours en balcon › comportant un itinéraire cyclable et pédestre avec une vue sur le paysage fluvial qui relie Annemasse et Genève et l’aménagement d’une ‹ promenade basse › piétonne au bord de l’eau. Grâce au soutien de la Confédération dans le cadre des projets-modèles, l’organisme responsable a pu mettre en œuvre les premiers projets partiels entre 2014 et 2018. Une publication qui vient de paraître met en évidence de manière exemplaire comment le projet paysager a évolué au fil des ans et où il faut fixer les priorités à l’avenir. Ce qui paraît logique et simple est, en fait, compliqué: Différents partenaires avec différents intérêts sont responsables de la mise en œuvre des nombreuses mesures spécifiques. Chacune des neuf communes de part et d’autre de la frontière fixe ses propres priorités, sans parler des processus de prise de décision qui diffèrent en France et en Suisse. « C’est un projet à long terme qui n’avance qu’à petits pas », dit Anne-Lise Cantiniaux qui aimerait accélérer le processus. La sécurité sur la véloroute laisse encore fort à désirer, de nombreux endroits continuent à être trop dangereux pour une excursion en famille.

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La forte rotation du personnel au niveau des autorités fait partie des difficultés typiques de ce genre de projet. C’est ainsi qu’au début le projet de l’Arve a fait l’objet d’une grande attention du canton grâce à l’implication d’une cheffe de département qui faisait partie des Verts ; plus tard, sous la direction des démocrates-chrétiens, c’est sur le thème de la mobilité que l’accent a été mis. La coopération entre les spécialistes des différentes instances administratives est d’autant plus importante pour faire vivre le projet de paysage. Une équipe d’environ vingt personnes qui, entretemps, est bien rôdée, se réunit au moins deux fois par an, échange sur l’état actuel des travaux et continue à faire évoluer le projet. A maintes reprises, les géographes, les aménagistes et les architectes paysagistes sautent sur les occasions qui se présentent à eux. C’est ainsi, par exemple, qu’ils ont obtenu, dans le cadre de l’assainissement imminent et de l’extension de la station d’épuration de Thônex, l’élargissement du chemin naturel sur les berges pour créer de la place pour compléter la balade au bord de l’eau. En attendant, la piste cyclable passe, ici aussi, encore par l’étroite route principale très fréquentée. Bruno Beurret résume cela en ces termes: « On a besoin d’une dose d’utopie, d’une dose de réflexion et il faut saisir les opportunités ». Certains projets sont réalisables relativement facilement parce que leur financement est déjà assuré – comme, par exemple, la liaison ferroviaire Annemasse-Genève. Par contre pour d’autres, on se heurte à des résistances. Pour des raisons politiques, parce que l’argent fait défaut ou parce que les propriétaires fonciers ne suivent pas. Sur un total de 120 mesures envisagées, actuellement trente sont en bonne voie et quelques-unes sont déjà réalisées, dit Beurret. Une check-list avec des informations sur chaque intervention spécifique – parmi lesquelles de nombreuses

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mesures de sécurisation le long des voies piétonnes et cyclables mais aussi des projets de renaturation et de parc ou de futurs nouveaux passages de rivière – donne un aperçu d’ensemble et une impression de chaque projet partiel. Y figurent de plus l’état actuel d’avancement de chaque mesure spécifique ainsi que chacun des partenaires impliqués. Utiliser et optimiser ce qui existe A partir du pont à Thônex, la route de Florissant monte raide dans le quartier de villas de Conches et Chêne-Bougeries. Arrivés au point culminant, on peut admirer la magnifique vue en se reposant sur l’un des bancs en bois. Le nouveau ‹ Parc des Falaises › se blottit contre le versant au bord de la rivière. Seules les ruines d’un escalier et quelques arbres exotiques nous rappellent la villa qui se dressait ici jusqu’à ce qu’il y eût un glissement de terrain. Le canton, après avoir acheté le terrain, l’abandonna à la nature. Pendant des décennies, une forêt touffue barrait la vue sur le fleuve et au loin jusqu’à ce que l’année dernière l’architecte paysagiste Séraphin Hirtz transforme en parc ce terrain d’une superficie d’environ mille mètres. Aujourd’hui, des groupes d’arbres sont éparpillés sur le versant, un large chemin forestier descend vers le point de vue. Des hôtels à insectes, des ruches, des sièges et des jeux en bois brut font partie de l’inventaire. « Nous avons travaillé avec ce qui existe.  C’est un parc quasiment naturel qui a vu le jour et qui continuera à se développer de luimême », c’est ainsi que l’architecte paysagiste décrit son mandat. Et la maîtresse d’ouvrage Anne-Lise Cantiniaux d’ajouter: « Le Parc des Falaises n’est ni un parc, ni une forêt mais un espace public à enjeux paysagers. L’endroit naturel qui a été aménagé est important pour les gens des quartiers environnants à forte densité de population. »

‹ L’Arve transfrontalière au cœur du Grand Genève ›, 2014 – 2018 Axe thématique: aménager les espaces ouverts dans les agglomérations Offices fédéraux impliqués:  OFROU, ARE, OFEV, OFSP, OFSPO, OFL Organisme responsable:  Canton de Genève ( direction du projet: AnneLise Cantiniaux, département de l’environnement, des transports et de l’agriculture ( cheffe de projet ) ; Bruno Beurret, département de l’aménagement du territoire, de l’urbanisation et de l’énergie )

Autres acteurs: Grand ­Genève, agglomération franco-­valdo-genevoise, Annemasse Agglo, La Haute école du paysage, d’ingénierie et d’archi­ tecture de Genève ( HEPIA ), ADP Dubois Paysage ­Urbanisme, Apaar, Viridis environnement, Indiggo, Artemia Budget:  Fr. 350 000.— ( contribution fédérale 150 000.—, organismes responsables 200 000.—, financement des projets partiels par les propriétaires et les communes ) Pour plus d’informations:  hochparterre.ch /  movo-genf-fr

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Six communes de la vallée de Schams recherchent de la clarté au sujet des circuits économiques régionaux. Le but: établir une nouvelle zone industrielle et artisanale.

Le bois, la pierre et l’esprit

Texte: Julian Reich

Lieu saint et destination touristique: l’église Saint-Martin de Zillis.

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Située entre les gorges de la Viamala et celles de la Roffla, la vallée de Schams dans les Grisons est depuis toujours une région de transit. Cela fait longtemps que le passage par les cols de Splügen et du San Bernardino fournit un revenu d’appoint bienvenu aux autochtones. On vivait de ce qui en restait. Mais plus les routes sont devenues rapides, plus le transport des marchandises se fait, lui aussi, rapidement et moins il en restait. Aujourd’hui, le trafic de transit international traverse la vallée en déferlant sur l’A13. On travaille avec ce qui est disponible: la pierre, le bois et l’esprit. Des camions livrent les roches dans le monde entier. Des sylviculteurs coupent du bois et le vendent aux plus offrants. Des cars entiers de touristes viennent admirer les peintures vieilles de 900 ans du plafond de l’église de Zillis. Le bois: discussions et implication personnelle Domenic Mani est assis sur un chariot élévateur et décharge une livraison de bois qui a été scié et traité en dehors du canton. Plusieurs centaines de milliers de francs échappent ainsi de la vallée, dit le constructeur bois – et il veut changer cela. Il y a bientôt dix ans que Mani a reconstruit son établissement. L’architecte du cru Ivano Iseppi lui a conçu une audacieuse construction avec des pentes de toit imbriquées. L’entreprise compte désormais onze employés. « C’est juste assez petit pour que je puisse encore mettre moi-même la main à la pâte », dit le chef à l’allure juvénile dont les mains n’ont pas du tout l’apparence de celles de quelqu’un qui dépérit au bureau. La zone industrielle ‹ Zups › dans laquelle se trouve l’entreprise de Mani est située au nord d’Andeer. C’est l’une des trois zones d’activités du pôle industriel et commercial régional de la vallée de Schams. La deuxième est ‹ Runcs › qui se situe près de la gravière à proximité de la carrière, au sud d’Andeer. La troisième, ‹ Nislas ›, se trouve en contrebas de l’église mondialement connue de Zillis. Il y a un concept précis pour chaque zone: de petites entreprises dépourvues de vastes entrepôts et de parvis doivent s’installer à Zups, des entreprises de plus grande superficie et qui produisent davantage d’émissions à Runcs et celle de Niklas doit servir de vitrine à la région. En 2014, le pôle industriel et commercial régional a été fondé comme établissement autonome de droit public des communes Andeer, Casti-Wergenstein, Donat, Ferrera, Lohn, Mathon et Zillis-Reischen. Mais parce que l’on a réalisé qu’une économie régionale puissante exige davantage que de nouvelles zones, des conduites et des accès, on a postulé – toutefois sans Donat – pour un projet-modèle de la Confédération. Cette initiative a été prise par Carmelia Maissen qui était à l’époque développeuse régionale de la région de Viamala et plus tard, en tant que collaboratrice de la société de gestion de projets Sofies-Emac, responsable opérationnelle du projet-modèle. Carmelia Maissen dit: « Nous ne voulions pas tout simplement effectuer des classements en zones à bâtir et laisser le reste au hasard. » Donc, comment faire pour mieux valoriser des ressources naturelles comme base d’un développement durable de l’économie ? On a élaboré des diagrammes de flux de matières qui illustraient schématiquement comment les ressources – surtout la pierre et le bois – sont utilisées et transformées et on s’est demandé: où y-a-t-il des synergies ou des failles ? Qui pourrait coopérer avec qui ? A la recherche de réponses, on a misé sur la participation. Des groupes de travail avec des commerçants et artisans

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Un maillon de la chaîne de valorisation du bois: les ateliers de l’entreprise de construction bois Mani dans la zone industrielle et commerciale de Zups à Andeer.

locaux sont censés créer de nouvelles solutions et de nouveaux produits. C’est ainsi que l’on a accumulé un important savoir tacite et que chacun a porté un regard nouveau sur sa propre action. L’un des participants aux discussions était le constructeur bois Domenic Mani. « Une bonne expérience » dit-il « mais on peut aussi parler trop, à un moment donné il faut mettre la main à la pâte. » Les échanges ont bientôt révélé un potentiel dans la chaîne de valorisation du bois et on a examiné la faisabilité d’une installation de séchage. Maintenant, Mani planifie tout d’abord une nouvelle scierie à Zups, ensemble avec un hôtelier local qui exploite accessoirement une scierie. Une tour de séchage doit également suivre pour un jour transformer sur place le bois de provenance locale. La pierre: friche industrielle et expérimentation Nous allons vers le sud et traversons Andeer vers les carrières de pierre et la gravière. De temps à autre, le bruit d’explosions retentit dans la campagne. Entretemps, toute l’Europe met en œuvre le granit au coloris vert si caractéristique. Ici on ne cache donc pas sa satisfaction avec les activités dans ce domaine. Et parce que l’on n’espérait pas obtenir du projet-modèle des réponses aux défis du secteur, comme les émissions et le manque de personnel spécialisé, les propriétaires des carrières et de la gravière ne participèrent pas aux discussions. La zone de Runcs était de toute façon intégrée au pôle régional. Actuellement, on est en train de préparer la superficie d’environ 16 000 mètres carrés. La gravière procède à l’extraction du gravier qu’elle prépare pour la vente, puis au remblaiement du site. Jusqu’ici, la zone n’est pas encore bâtie bien qu’un entrepreneur en construction planifie une aire de stockage. Les mauvaises herbes continuent à pousser sur la friche aride.

Il y a donc suffisamment de place et ceux qui désirent s’installer devraient parler avec Remo Kellenberger. Il est directeur du parc naturel régional Beverin qui dirige le secrétariat de l’ensemble de la zone industrielle et commerciale. Cela paraît bizarre aux personnes extérieures: Un parc naturel qui s’occupe du commerce et de l’artisanat ? « L’économie est l’un des trois piliers d’un développement durable », explique Kellenberger, « c’est pourquoi la zone industrielle et commerciale fait partie de nos tâches. » Impliqué dès le début dans le projet-modèle, il dresse un bilan tantôt réaliste, tantôt positif. Tandis que l’on a pu obtenir des résultats avec la chaîne de valorisation du bois à Zups, ailleurs on a moins avancé qu’espéré. Il est peu réaliste d’envisager des nouvelles implantations d’entreprises d’autres régions et des grands coups. Il explique toutefois: « Nous avons toujours eu conscience que le projet-modèle est une expérience et que tout ne peut pas réussir tout de suite.  » L’esprit: développement et nouveau départ Zillis aussi attend le succès. La zone de Nislas est encore un austère parking sur lequel ce jour-là quatre remorques-citernes, un camion et quelques voitures sont stationnées. C’est la fermeture hivernale du petit bistrot en bois et plastique. Derrière se trouvent les ateliers d’une menuiserie et d’une entreprise solaire. On entend souvent dire que Nislas est un non-lieu. Pendant la saison estivale, jusqu’à 20 000 personnes descendent ici pour admirer le plafond peint de style roman de l’église Saint-Martin de Zillis. Les visiteurs sont à la fois une bénédiction et une malédiction. Sans leur droit d’entrée, on ne serait pas en mesure de réaliser les travaux de restauration. Mais en même temps, ils génèrent une humidité indésirable à l’intérieur de la nef. →

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La friche est prête: ce terrain attend d’être construit dans la zone de Runcs près d’Andeer.

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Vue au loin sur la commune d’Andeer dont la richesse est la pierre.

‹ La zone industrielle, moteur du développement de la région de Val Schons ›, 2014 – 2018 Axe thématique:  favoriser l’économie dans les espaces fonctionnels Offices fédéraux participants:  ARE, OFEV, OFAG, SECO Organe responsable:  Communes d’Andeer, de Casti-Wergenstein, de Ferrera, de Lohn, de Mathon, de Zillis-Reischen

→ La morosité des constructions improvisées est en flagrant contraste avec la beauté du plafond de l’église. Il semblait donc logique de développer la zone de Nislas de même que Zups et Runcs. On voulait y installer une vitrine pour les secteurs économiques locaux, avec des salles d’exposition, un petit café et un centre d’accueil. Le groupe de travail ‹ IG Nislas › a été créé dans ce but à partir du projet-modèle. L’idée a été développée dans le cadre d’un projet de Nouvelle Politique Régionale ( NRP ) et soutenue par Sofies-Emac. Plusieurs projets de constructions nouvelles ont déjà été élaborés en coopération avec les étudiants en architecture de la Haute Ecole Technique et Economique de Coire. Mais tout s’est passé autrement. Otto Steiner, un scénographe de Sarnen, a rejoint le groupe et a tout fait basculer: Pourquoi construire du neuf aussi loin à l’extérieur du village alors qu’il y a déjà suffisamment de locaux vacants dans le village ? « L es gens viennent à cause de

Autres acteurs: Région de la Viamala, parc naturel Beverin, Corporaziun de la vallée de Schams, Office cantonal de développement du territoire, Office cantonal de l’économie et du tourisme, Sofies-Emac ( direction du projet: Carmelia Maissen )

Budget:  Fr. 240 000.— ( contribution fédérale 115 000.—, communes de la vallée de Schams 30 000.—, financement propre des communes et des entreprises 35 000.—, Corporaziun de la vallée de Schams 10 000.—, parc naturel Beverin 12 000.—, région de la Viamala 8000.—, offices cantonaux 30 000.— ) Pour plus d’informations:  hochparterre.ch /  movo-valschons-fr

l’église », telle fut sa première constatation, « et il faut en tirer partie pour le village. » Dans une salle de réunion à Zillis, il explique aux représentants de la commune et de la région comment cela pourrait se faire. Il ne parle pas seulement de Nislas, ses idées vont plus loin: Il faudrait au moins remplacer le kiosque à côté de l’église. On pourrait réaffecter les étables vides. Ou pourquoi pas un parc qui comprend tout l’espace près de l’église et qui donnerait vie aux animaux fabuleux du plafond peint sous forme d’objets à trois dimensions – un jardin sculptural pour ceux qui veulent voir davantage que le plafond ? Les autochtones sont enthousiastes tout en étant néanmoins prudents. Ils parlent de fortes résistances au village et d’individus qui se montrent critiques envers la nouveauté. Mais ils voient quand même ce qui a commencé avec le projet-modèle comme une chance – non seulement pour le village mais aussi pour toute la région.

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« Nous voulons augmenter le pourcentage des logements coopératifs de seize actuellement à vingt jusqu’en 2035. »  Florence Schmoll

« Et maintenant, de l’huile de coude » Le personnel du complexe touristique d’Andermatt va-t-il faire revivre les villages ? Les Biennois vont-ils densifier ? Un entretien sur des expériences à l’issue incertaine. Interview: Palle Petersen

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On dirait que le projet-modèle de Bienne aussi bien que celui d’Andermatt veulent aiguiller une dynamique existante. Florence Schmoll:  À Bienne, nous voulons plutôt déclencher quelque chose. Nous avons 31 coopératives avec environ 4500 logements. La plupart des lotissements sont situés sur des terrains de la ville, la densification y est faible, deux tiers datent d’avant 1970 et font partie de l’inventaire des sites construits à protéger ( ISOS ) voir ‹ Cultiver son identité ›, cahier thématique de Hochparterre, août 2017. On est en présence de deux choses. D’une part, nous voulons augmenter le pourcentage des logements coopératifs de seize actuellement à vingt jusqu’en 2035. D’autre part, d’ici-là, environ la moitié des 200 contrats de droit de superficie vont expirer. La ville peut donc initier un nouveau développement avec les nouveaux contrats, mais où et combien ? Que veut-elle demander pour quel lotissement ? Nous avons eu besoin ici d’une base de discussion. Marco Achermann:  Dans le canton d’Uri, le complexe touristique d’Andermatt apporte une dynamique phénoménale. Par comparaison: Les communes de la vallée de la Reuss ont subi un déclin, au cours des cinquante dernières années de près d’un quart, celles de la vallée supérieure de la Reuss de près de la moitié. Aujourd’hui, environ 3000 personnes vivent dans six villages et les centres des villages se vident. Dans cette situation, le complexe touristique accueillera à long terme environ 1500 personnes, surtout des employés dans le domaine de la restauration et de l’hôtellerie. Beaucoup d’entre eux vont habiter à Andermatt, d’autres dans un périmètre de 30 minutes de Flüelen à Airolo. C’est une opportunité: Peut-on profiter de la demande pour projeter des résidences secondaires dans les centres des villages et valoriser des constructions anciennes ? Peut-on faire une utilisation spatio-fonctionnelle du potentiel de développement local ? Pour trouver des réponses, nous avions également besoin d’une base pour les entretiens avec les communes et les propriétaires. Cela semble impliquer un travail complexe d’analyse et d’inventaire. Que s’est-il passé ? Marco Achermann: Tout d’abord, nous avons analysé les communes avec la Haute École de Lucerne et établi des fiches d’information. Il y est question de choses tout à fait

profanes: Quelle est la qualité de la desserte par les transports publics ? Y-a-t-il un magasin dans le village, un distributeur automatique et une école ? Realp et Hospental, par exemple, n’en ont pas, seulement quelques cafés. De plus, nous avons fait la liste des bâtiments qui sont vacants ou qui sont sous-utilisés dans les centres des villages. Rien que dans de tels édifices valant la peine d’être assainis, des logements pour 400 personnes pourraient voir le jour à moyen terme. A cela s’ajoute, selon la commune, un pourcentage entre 33 et 56 pour-cent de résidences secondaires qui pourraient souvent devenir des résidences principales avec peu de moyens. Nous avons quantifié toutes ces opportunités. Florence Schmoll: En collaboration avec des architectes et des urbanistes, l’architecte de la ville et le service municipal des monuments historiques, nous avons évalué les lotissements. Premièrement, la valeur d’usage: situation et pollution sonore, densité de construction et surface habitable par habitant, identification et cohésion sociale. Deuxièmement, la valeur de conception: signification en matière d’urbanisme et d’histoire contemporaine, qualité des espaces ouverts et intégration dans l’environnement. Troisièmement, la qualité de l’architecture: typologies d’habitat et conception des façades, niveau d’aménagement et espaces extérieurs privés, état de la substance bâtie et consommation énergétique. Ensuite, nous avons soupesé ces facteurs les uns par rapport aux autres et nous avons, dans chaque cas, esquissé le potentiel de développement que nous voyons. Bien sûr, nous souhaitons vivement avoir sur nos terrains le plus grand nombre possible de logements de qualité. Mais finalement, la place est aux compromis intelligents qui tiennent aussi compte du bâti existant et des gens qui y habitent. Que disent les coopératives et les communes au sujet de vos idées ? Florence Schmoll:  Les coopératives ont été impliquées dans la globalité du processus et confirment fondamentalement les résultats. Nous sommes à peine en désaccord sur les endroits où nous voulons conserver ou légèrement agrandir des lotissements, plutôt sur ceux où nous proposons un remplacement partiel ou par étapes. De nombreuses coopératives sont plutôt conservatrices et surtout les plus petites veulent en premier lieu conserver leurs lotissements. C’est compréhensible, finalement beaucoup travaillent à titre bénévole. Dans ce contexte, de grandes étapes sont aussi de grands défis.

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« Le potentiel pour de nouveaux logements réside surtout dans des constructions a ­ nciennes sous-utilisées. »  Marco Achermann

Marco Achermann: Chez nous, c’est similaire. Pour beaucoup de politiciens de milice, la densification et les flux de navetteurs ne sont pas forcément les thèmes les plus urgents. En outre, la conscience des problèmes et des opportunités pour les centres des villages est plutôt faible et ce serait naïf d’exiger des magasins de villages ou des distributeurs bancaires là où ils ne généreraient pas suffisamment de chiffre d’affaires. C’est pourquoi, le développement des centres des villages est un sujet vraiment difficile, de même que la transformation de résidences secondaires en résidences principales. Surtout à Andermatt, il est tout simplement plus lucratif de les louer temporairement plutôt qu’à l’année. Il est difficile d’aller à l’encontre de ce type de faits économiques. C’est pourquoi, je crois aussi que le potentiel pour de nouveaux logements réside surtout dans des constructions anciennes qui méritent d’être assainies et qui sont sous-utilisées. Dans cet objectif, vous avez lancé l’analyse d’immeuble. A Appenzell, ce fut une réussite, à Uri aussi ? Marco Achermann: Les premières expériences ont été tout à fait positives. L’analyse d’immeuble est un instrument génial que nous avons repris du ‹ Réseau vieille ville ›. Pour seulement 6000 francs – le canton prend en charge la moitié des frais, la commune et le propriétaire chacun un quart – le propriétaire ne reçoit certes pas de projet concret de construction mais une analyse rudimentaire de faisabilité. Avec des esquisses de plans simples et un calcul de rentabilité, elle montre avec quels moyens un changement d’affectation est possible et ce qu’il apporte. Nous avons réalisé cinq analyses et deux immeubles sont maintenant en cours de transformation. Dans un immeuble à Göschenen où vivaient auparavant deux personnes et dont une partie était inhabitable, maintenant quatre petits appartements sont en cours de réalisation pour au moins cinq habitants. Et à Bienne, les coopératives transforment assidûment et densifient leurs lotissements ? Florence Schmoll:  Ce serait souhaitable. Je vous explique en bref le contexte: Le projet-modèle a abouti à un plan directeur pour toute la ville. Ce plan définit les grandes lignes urbanistiques qui servent de base pour promouvoir la construction de logements d’utilité publique. Parallèlement au projet-modèle, la ville a adopté, en 2016, un Règlement sur l’encouragement de la construction de logements d’utilité publique ( RLog ) avec pour objectif les 20 pour-cent mentionnés plus haut jusqu’en 2035. Nous travaillons maintenant sur l’ordonnance qui doit définir des détails importants – par exemple, comment se calcule la rente de droit de superficie et à quel moment il y a des déductions. De plus, depuis 2017 nous avons un nouveau contrat de droit de superficie qui a déjà obtenu 46 signatures. Il ne contient pas seulement le volet financier mais aussi une convention d’objectifs. En coopération

avec notre département et sur la base du plan directeur, les coopératives doivent élaborer, dans les cinq ans, une stratégie de développement et d’assainissement de leur lotissement. Comme on le voit: Le terrain est préparé. Et maintenant, on a besoin d’huile de coude. Tout de même, vous avez un réel moyen de pression – le terrain. Si la rente de droit de superficie est élevée, ne sera-t-il pas difficile pour les coopératives de Bienne de ne rien faire ? Florence Schmoll: C’est exact. Mais, même si ce que je vais dire paraît être très diplomatique: Le plus important, c’est le chemin à parcourir ensemble. Nous voulons être des partenaires pour les coopératives et les inciter à prendre des mesures courageuses. Pour de grands changements, il faut, le cas échéant, adapter le Règlement de construction ou organiser un concours d’architecture. En cas de telles procédures complexes, nous pouvons aider. En février 2018, nous avons actualisé la Charte commune et depuis l’année dernière il existe un fonds spécial de cinq millions de francs pour soutenir des projets de planification importants. Lorsque des projets pilotes de qualité montrent ce qui est possible, cela motive d’autres coopératives à oser faire quelque chose avec leurs lotissements. Bon, à Bienne il reste encore beaucoup à faire mais l’argent et les ressources sont là et la voie est tracée. N’en est-il pas autrement à Uri ? Marco Achermann:  Bien sûr, nous espérons bien que le travail ne devienne pas un tigre de papier. Mais le projetmodèle n’est pas intégré à un processus de plus grande envergure. Il se termine par une plateforme en ligne de promotion du logement. Nous y avons rassemblé beaucoup d’éléments: Il y a une check-list des fonds d’encouragement et des services de consultation pour simplifier la marche à suivre par les propriétaires qui souhaitent faire des transformations. Il y a également des fiches pour les propriétaires de résidences secondaires et les communes qui montrent ce qu’une réaffectation en résidences principales peut apporter aux deux. De plus, il y a un modèle de cahier des charges pour les responsables mandatés pour les centres de village qui, eux, peuvent faire avancer de manière ciblée les thèmes importants: renouvellement du bâti, encouragement de résidences secondaires, développement des espaces ouverts, transports publics régionaux etc. Toutefois, aucune commune n’a créé ce poste jusqu’ici. Même pour les analyses d’immeubles, le canton a encore de l’argent pour environ vingt analyses. Au printemps, quatre bureaux d’architectes de la région ont fait une formation appropriée et depuis, nous proposons l’analyse d’immeuble dans douze communes rurales. L’utilisation de cet instrument à long terme et dans quelle mesure n’est bien sûr plus de notre ressort. La balle se trouve désormais dans le camp des communes et des propriétaires.

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Florence Schmoll ( 38 ) dirige depuis 2015 le département de l’urbanisme de la ville de Bienne et a accompagné le projet-modèle ‹ Potentiels de développement des lotis­sements des coopératives biennoises ›. Auparavant, l’ingénieure en environnement a dirigé à Bienne différents projets et a ef­fectué des formations continues en développement territorial et Public Management. Marco Achermann ( 39 ) est depuis 2012 planificateur cantonal d’Uri et a accompagné le projetmodèle ‹ Promotion de l’habitat entre le Gothard et la vallée de la Reuss ›. Auparavant, l’aménagiste diplômé a travaillé dans le développement de projets et planification dans le secteur privé et a effectué une formation continue en Public Management.

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Là où l’extension urbaine se fait dans les paysages ouverts, les paysans ont la vie dure. Le guide ‹ Urbanisation et Agriculture › a pour objectif de faciliter cette cohabitation.

Des paysans en périphérie urbaine

Texte: Gabriela Neuhaus

De la gare, le bus de la ligne 21 traverse le centre ville animé de Lausanne et monte en serpentins jusqu’au plateau de la Blécherette. Un avion léger vrombit au-dessus de la ferme au bord de la piste d’atterrissage avant de se poser et de s’immobiliser devant le vieil hangar. La façade de la construction datant des débuts de l’aviation est classée monument historique. Par contre, en face, l’ensemble de bâtiments proches du service des automobiles doit prochainement faire place à un écoquartier. Dans la commune voisine de Romanel-sur-Lausanne, le canton de Vaud a réservé 28000 mètres carrés de terres cultivées pour la nouvelle construction du Service cantonal des automobiles et de la navigation. La route cantonale qui mène de l’arrêt de bus la Blécherette vers l’est a été récemment déplacée pour laisser la place, côté ville, au nouveau stade de football de la Tuilière. Un vaste centre sportif et d’affaires verra le jour tout autour du stade dont à ce jour seuls quelques piliers en béton se dressent vers le ciel. Les nombreux terrains d’entraînement le long de la nouvelle route cantonale sont déjà terminés. L’année dernière, les champs de maïs et de céréales dominaient encore là où l’on voit aujourd’hui briller le gazon artificiel de couleur verte. L’écoquartier qui est prévu juste à côté de l’aéroport permettra de créer des logements et des emplois pour environ 11 000 personnes. D’autres lotissements vont suivre. Les prévisions tablent pour 2030 sur 75 000 habitants de plus qu’aujourd’hui dans la région de Lausanne-Morges. C’est pourquoi, le ‹ S chéma directeur du Nord lausannois › élaboré dans le cadre du projet d’agglomération ‹ PALM 2016 › définit les futures mesures d’urbanisation et infrastructurelles et clarifie les questions liées à la mobilité et à l’environnement. Ce qui fait toutefois défaut dans ce volumineux instrument de planification, c’est l’agriculture. Des conflits d’utilisation en milieu rural « D epuis des années, nous nous adaptons aux conditions qui changent constamment », dit Eric Ménétrey qui exploite, à Mont-sur-Lausanne, une entreprise familiale de 28 hectares. Il est président du ‹ Groupement des Agriculteurs du Nord Lausannois › ( GANL ) qui représente les intérêts des agriculteurs du Nord Lausannois et qui a pris une part déterminante à l’élaboration du Guide ‹ Urbanisation et Agriculture ›. L’impulsion pour le regroupement des agriculteurs et pour le nouvel instrument de planification a été initialement donnée par le ‹ S chéma directeur du Nord Lausannois › ( SDNL ). Le chef de projet est le géographe Loukas Andriotis qui avait déjà analysé la question de l’agriculture en zone urbaine pendant ses études. Andriotis résume ainsi le problème de fond: « Plus les agriculteurs sont proches de la ville, plus la gestion de leurs exploitations est difficile. Alors que les questions de l’environnement sont toujours très présentes chez les planificateurs, jusqu’à très récemment il n’y avait pas de planification du développement pour l’agriculture. » Sur le plateau de la Blécherette, on assiste au morcellement des terres agricoles par les lotissements et les routes. Pendant la seconde moitié du vingtième siècle, les douze communes du SDNL ont subi le phénomène du grignotage effréné du territoire connu dans toute la Suisse: des immeubles résidentiels et des maisons individuelles dans la verdure, des parcs commerciaux et industriels, des centres commerciaux, des infrastructures de loisirs ainsi que des lignes haute tension s’étalent dans le doux paysage vallonné jusqu’à l’horizon et la circulation gronde →

Les piliers en béton du futur stade de football de la Tuilière.

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Eric Ménétrey gère une exploitation bio du Mont-sur-Lausanne et s’engage pour la cohabitation entre urbanisme et agriculture.

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Une idylle trompeuse: Le long de la route cantonale qui est en même temps une bretelle d’accès à l’autoroute, les conflits entre le trafic de transit et l’agriculture font partie du quotidien.

→ sur la route cantonale et l’autoroute A9 en direction de Vevey et Yverdon. Pendant que les agriculteurs dans les villages aux portes de la ville se sentent particulièrement à l’étroit, ceux qui sont plus loin au nord ont un peu plus de latitude. Dans l’ensemble de la région concernée par le SDNL, actuellement il y a encore 83 exploitations actives. Elles cultivent 2500 hectares qui représentent la moitié du périmètre du SDNL. Les parcelles d’un seul tenant sont de plus en plus rares. La plupart du temps, les agriculteurs ont été amplement indemnisés pour les ventes de leurs terrains mais ils doivent aujourd’hui faire de grands détours avec leurs engins agricoles pour arriver à leurs parcelles désormais isolées. A cela s’ajoute un voisinage composé de nouveaux arrivants de culture citadine qui s’avère de plus en plus difficile. Il arrive régulièrement que des chiens fassent leurs besoins dans les champs, que des gens se plaignent des odeurs nauséabondes du lisier ou du bruit des machines de récolte par une douce soirée d’été, relate l’agriculteur Éric Ménétrey pour en même temps relativiser: « Dans notre magasin de ferme, nous avions beaucoup de clientes des quartiers environnants, y compris des jeunes qui aimaient parler d’agriculture avec nous. » Il a quand même abandonné cette branche d’activité parce qu’elle n’était pas assez intéressante financièrement.

est une catégorie à part entière », dit Étienne Fleury, ingénieur et, en tant que membre du Conseil communal de Cheseaux-sur-Lausanne, responsable de la planification. Il y a quelques années, il a repris la ferme parentale qu’il exploite en tant qu’agriculteur à temps partiel – comme de nombreux exploitants de la région. Il se félicite de la parution du nouveau guide bien que celui-ci vienne beaucoup trop tard: « Ce type d’instrument nous aurait déjà fait du bien il y a dix ou quinze ans », dit-il et espère qu’à l’avenir les terres cultivables pourront être ainsi mieux protégées des dommages collatéraux de l’urbanisation. Pour qu’il soit tenu compte à l’avenir des besoins spécifiques de l’agriculture du Nord lausannois, les agriculteurs ont tout d’abord dû élaborer une vision pour l’avenir de leurs exploitations dans cette zone de plus en plus urbanisée. Ceci s’est fait dans le cadre d’ateliers en coopération étroite avec les autorités municipales et des experts agricoles. En 2012, le SDNL a formulé, sur la base des résultats de ce processus, onze mesures pour la protection des exploitations agricoles dans la région – notamment la publication d’un guide pour des projets de planification qui concernent des terres agricoles cultivables.

Un instrument de travail pragmatique Pour la mise en pratique du projet, qui a été soutenu La recherche d’une vision d’avenir par la Confédération de 2014 à 2018 en tant que projet-moDu point de vue des exploitants agricoles, pendant dèle, les agriculteurs ont dû communiquer leur point de longtemps les autorités se sont trop peu préoccupées vue aux spécialistes de la construction et de la mobilité des besoins de l’agriculture en périphérie urbaine si bien lors d’une prochaine étape. Ceci était un terrain inconnu que les agriculteurs ont essayé de s’accommoder de l’iné- pour les exploitants agricoles concernés aussi bien que luctable. « On a tout d’abord dû saisir que l’agriculture pour les planificateurs. Andriotis résume le processus en

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ces termes: « Au début, il a été difficile de tous les réunir autour d’une table et de trouver un langage commun ». Et Éric Ménétrey se rappelle avec plaisir d’une réunion pendant laquelle il a fait un exposé en tant que seul agriculteur devant rien que des planificateurs: « Pour eux, notre façon de concevoir était tout à fait nouvelle. Ensuite j’ai dû répondre à une quantité infinie de questions. » Finalement, c’est un guide en trois parties, fruit d’une collaboration interdisciplinaire, qui a vu le jour. La première partie présente une vue d’ensemble des principaux défis pour la planification et la construction en zone agricole. Il s’agit de la protection des surfaces agricoles et de leur exploitabilité ainsi que de l’encouragement d’une interaction harmonieuse entre le développement de l’urbanisation et de l’agriculture et l’identification d’opportunités. La seconde partie énumère sous forme de check-list les questions qui doivent être posées lors de la planification et de la construction en zone agricole. Par exemple: Le projet se trouve-t-il à proximité de pâturages ? Le projet de construction compromet-il l’accessibilité de parcelles ? Enfin, la troisième partie contient un catalogue de possibilités de réponses et de recommandations, y compris des références aux bases et aux directives juridiques de planification comme le Plan directeur cantonal. Ce guide a pour objectif non seulement d’aider à éviter les erreurs et les dommages mais aussi à saisir les opportunités. ­Loukas Andriotis insiste: « L’interaction de l’urbanisation et de l’agriculture peut aussi conduire à des situations ­gagnant-gagnant. » Il y a déjà quelques magasins à la ferme dans la région. Mais pour vraiment exploiter le potentiel de la vente directe, les producteurs devraient davantage se regrouper pour livrer leurs produits locaux de manière plus efficace dans les nouveaux quartiers. Est-ce-que les autorités et les agriculteurs vont utiliser le guide et de quelle manière ? De nombreuses décisions qui concernent les zones agricoles ont été prises dans le passé et ne peuvent pratiquement plus être influencées. D’autant plus que le recours au Guide ‹ Agriculture et Urbanisation › est facultatif. Aucune commune, aucun maître d’ouvrage n’est obligé de l’utiliser. Pourtant les auteurs sont contents qu’il existe, comme le constate le directeur de projet Loukas Andriotis: « Le guide donne de la visibilité à l’agriculture régionale. » Lui, en tout cas, va l’utiliser lorsqu’il faudra prochainement discuter de l’extension du Chemin de la Sauge, une route secondaire peu fréquentée qui traverse la zone agricole sur le plateau.

‹ Urbanisation et Agriculture du Nord lausannois ›, 2014 – 2018 Axe thématique:  utiliser et valoriser durablement les ressources naturelles Offices fédéraux impliqués:  ARE, OFROU, OFEV, OFAG, SECO Organe responsable: ­ Schéma directeur du Nord lausannois SDNL ( Direction du projet: Loukas Andriotis )

Autres participants:  Canton de Vaud, Groupement des Agriculteurs du Nord Lausannois GANL, Agridea, Equiterre Budget:  Fr. 100 000.— ( contribution fédérale 50 000.—, service cantonal du développement terri­torial 15 000.—, service cantonal de l’agriculture 15 000.—, communes du SDNL 20 000.— ) Pour plus d’informations:  hochparterre.ch /  movo-lausanne-fr

Là où les axes routiers morcellent le paysage, l’exploitation des champs et des vergers devient un défi.

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Dans le quartier de Morenal, un concierge social apporte un souffle nouveau et une nouvelle construction y crée des logements pour des retraités et des handicapés.

Une mixité sociale renforcée

Texte: Marion Elmer

Le lotissement Morenal se situe à la périphérie du village de Monte Carasso.

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Jusque là, le soleil n’a pas la tâche facile, l’après-midi est grise. Le grand bâtiment en béton en forme de L ( Morenal 1 ) parvient certes à dissimuler la proximité de l’autoroute mais le bruit des voitures demeure omniprésent. Morenal 2, au caractère sobre, dresse quant à lui ses huit étages à angle droit du L de Morenal 1. Entre eux, les plates-bandes sortent lentement de leur sommeil hivernal. Pour que tout soit prêt pour le premier jour du printemps, un ouvrier monte une nouvelle balustrade en bois pour l’escalier. Morenal se situe à la périphérie du village de Monte Carasso, connu pour la planification locale exemplaire de Luigi Snozzi. Le plan d’aménagement du quartier résidentiel ‹ Morenal › est également signé Snozzi. La propriétaire du terrain, la famille Guidotti, a fait construire les deux bâtiments en 1995 et en 1997 par Snozzi et Guidotti Architetti. Mais, à la différence du village, le lotissement a toujours été caractérisé par une faible mixité sociale et une intégration insuffisante dans les structures communales. Le Bistrot: Le rendez-vous du village « L e vent souffle presque toujours dans les coursives extérieures », dit Rosmarie Oberti, 73 ans. Elle a pris place au Bistrot Morenal qui se trouve au bas du L ; elle se réchauffe les mains en buvant une tasse de thé. Cela fait quinze ans qu’elle habite à Morenal 2 et elle entretient de bonnes relations avec la plupart des habitants. Deux béquilles sont posées contre le mur. Avant, elle se déplaçait beaucoup, elle se promenait le long de la rivière Tessin ou sur les collines voisines. Depuis qu’elle a des difficultés à marcher, elle vient plus souvent au Bistrot. S’il faisait beau, la terrasse devant invite à s’y attarder mais aujourd’hui elle reste vide. Le lotissement Morenal est reconnu par la loi sur la construction et l’accession à la propriété de logements ( LCAP ) ; les habitants aux revenus modestes perçoivent des subventions. Etant donné qu’elles arrivent à leur terme d’ici 2021, en 2014 la famille Guidotti a postulé avec succès pour un projet-modèle avec lequel elle réorientait son offre de logements. A long terme, environ la moitié des logements devrait être occupée par des personnes âgées et handicapées: un accord a été conclu avec Pro Senectute pour offrir les logements vacants par priorité à des personnes âgées et pour mettre à leur disposition un ‹ concierge social ›. Un service de repas de midi pour les écoliers, une garderie et une consultation parents-enfants devraient contribuer à ouvrir le quartier et à le connecter davantage à la commune. Les offices fédéraux qui ont soutenu le projet saluent la manière dont le propriétaire privé s’est associé aux organismes publics et aux institutions sociales non étatiques pour ce projet. Au niveau architectural, seules quelques adaptations ont été nécessaires pour mettre en œuvre ce projet: aménagement de la salle polyvalente en dessous du bistrot et de quelques plates-bandes pour les locataires à la place de la pelouse entre les bâtiments ainsi qu’un coin pour s’asseoir avec une pergola. Rosmarie Oberti a manqué la rencontre des aînées ce matin, une amie l’a conduite à la physiothérapie à Sementina. Oberti possède une voiture mais n’ose plus la conduire elle-même. « C’est pourquoi Andrea, le ‹ concierge social ›, me gronde. » Sans auto elle est perdue: Le prochain arrêt de bus se trouve à environ un kilomètre, dans le village. « Heureusement, nous avons le Denner », dit-elle. Il occupe le rez-de-chaussée de Morenal 2. « Aujourd’hui, j’y achète tout », ajoute-t-elle en racontant que les employés de

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Le grand bâtiment en béton en forme de L ( Morenal 1 ) parvient à dissimuler la proximité de l’autoroute mais le bruit des voitures demeure omniprésent.

pharmacie et joue le rôle de médiateur en cas de conflits. « Avant, les gens n’avaient presque pas de contact entre eux », dit le concierge social. La situation a changé au cours des quatre dernières années. Ce sont des personnes âgées qui vivent dans une vingtaine des quatre-vingt appartements de Morenal, la plupart les ont étrennés. Le fonds immobilier tessinois Residentia qui a acheté le lotissement en 2016 va également poursuivre la collaboration avec les partenaires sociaux à l’issue du projet-modèle et continuer à développer l’offre de logements pour les seniors. C’est pourquoi, quelques-uns des duplex de quatre pièces et demie à Morenal 2 vont être transformés en plus petits logements. Au L’ange gardien: Plus qu’un simple concierge social sud du terrain, Guidotti Architetti construira d’ici 2020 « Mi dispiace », Andrea Probst présente ses excuses un troisième bâtiment avec quinze petits appartements. en nous tendant sa grosse main pour nous saluer. Il avait Et l’espace commercial à côté du bar est actuellement en oublié notre rendez-vous à cause d’une urgence dans le cours de transformation en deux salles: une pour les pervillage voisin. Ce grand barbu costaud est le ‹ concierge sonnes âgées et une pour la garderie. Probst s’en réjouit: social › qui s’occupe des résidents âgés. « Notre ‹ angelo « Nous aurons alors une salle accessible en permanence custode › », déclare Rosmarie Oberti, c’est-à-dire l’ange à côté de la salle polyvalente et nous pourrons l’aménagardien. Probst est employé par le canton et par Pro Se- ger selon les besoins. » nectute. Parfois treize seniors, parfois huit, viennent deux fois par semaine aux rencontres du matin dans la salle La garderie des petits cerfs-volants polyvalente. « Ce matin, le sujet principal était un homme Alex, Aris, Gioele, Jarno et Nathan ne connaissent pas qui s’est coupé trois doigts », raconte Probst. Le groupe se encore leurs futurs voisins. Les cinq petits enfants âgés compose majoritairement de femmes seules du sud de de quatre à six ans viennent avec une éducatrice du jardin l’Italie qui aiment bavarder et se divertir en jouant au jeu d’enfants du village à la garderie ‹ L’Aquilone › – en français de cartes de la Scopa. Probst rend aussi visite aux aînés le cerf-volant – qui se trouve encore actuellement dans dans leurs appartements. Il les aide avec leur courrier un duplex de Morenal 2. Ils sont maintenant assis avec la et leurs factures, les accompagne chez le médecin, à la directrice de la garderie pour le goûter. « Pourquoi les →

Denner portent à chaque fois ses courses jusqu’à l’ascenseur. On trouve également d’autres locaux commerciaux au rez-de-chaussée de Morenal 1, en plus d’un coiffeur et d’un salon de manucure. Mais ce qui manque, selon Oberti, c’est un guichet de la poste et une pharmacie. A 15 heures, le bistrot s’anime enfin mais seuls quelques clients viennent du lotissement. Son café est un rendez-vous apprécié des gens du village, dit le patron. Pourtant l’activité piétine à cause de la crise au Tessin. La salle polyvalente est plus difficile à louer qu’avant. Mais pendant la semaine, il vient régulièrement jusqu’à vingt enfants pour le déjeuner.

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Le trampoline sur le terrain de jeux du lotissement est extrêmement apprécié des enfants de la garderie L’ Aquilone.

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→ bananes sont-elles si vertes ? », demande le petit Nathan, blond comme les blés. « Est-ce-que je peux encore avoir un biscuit ? », réclame Alex. « Il y en a deux pour chacun », répond la directrice qui doit faire attention à ce que les gamins s’y tiennent. La garderie a commencé ses activités en 2016. Elle est ouverte avant et après l’école pour les enfants de trois à onze ans. Mais la douzaine d’enfants qui y vient régulièrement n’habite pas à Morenal mais ailleurs à Monte Carasso ou à Sementina. Pendant les vacances scolaires, des enfants d’autres quartiers de la grande commune de Bellinzone viennent ici. Il y a encore des places libres à la garderie. Il a fallu un peu de temps aux parents qui devaient avant s’organiser eux-mêmes pour se familiariser avec ce nouveau service, présume Anita Kitanova. Mais la jeune femme reste confiante. Elle se réjouit du déménagement dans de nouveaux locaux où le repas de midi sera dorénavant également proposé. « Qu’est-ce-que vous aimeriez faire ? », demande la directrice de la garderie à la ronde. « Bricoler ou aller au terrain de jeux ? » Entretemps, le soleil a réussi à percer. « Terrain de jeux ! », telle est la réponse unanime. A peine habillés et chaussés, casquette sur la tête, ils se précipitent dehors. Une fois sur le terrain de jeux derrière le bâtiment, les enfants ont vite fait de grimper sur le trampoline et de rebondir dans tous les sens. Le soleil et les joyeuses voix des enfants ont ranimé le lotissement. Un adolescent fonce en vélo à travers l’aire de jeu, en frôlant presque une vieille dame qui, tout d’abord, est effrayée puis finit par sourire doucement.

La retraitée Rosmarie Oberti habite ici depuis 15 ans et va de temps en temps au Bistrot Morenal.

‹ Laboratoire expérimental Morenal – Repositionnement d’un quartier dans l’agglo­ mération de Bellinzone ›, 2014 – 2018 Axe thématique: créer une offre de logements suffisante et adaptée aux besoins Offices fédéraux impliqués:  ARE, OFL Organisme responsable:  Morenal, Monte Carasso ( Direction du projet: Sabrina Guidotti ) Autres participants:  Pro Senectute Tessin et Moesano ; Association d’assistance et de soins à domicile, Bellinzone ABAD ( jusqu’à l’été 2018 ),

Office cantonal des personnes âgées et des soins à domicile, consortium maison de retraite, district du Tessin ; Pro Infirmis Tessin et Moesano, Office cantonal pour le soutien des insti­tutions et des activités pour les familles et les jeunes ; Association des familles d’accueil Sopraceneri ( AFDS ), Section cantonale du développement terri­torial  ; communes de Monte Carasso, Bellinzone et Sementina Budget:  Fr. 620 000.— ( contribution fédérale 150 000.—, partenaires 340 000.—, organisme responsable 130 000.— ) Pour plus d’informations:  hochparterre.ch /  movo-bellinzona-fr

Andreas Probst, le ‹ concierge social › aide les habitants âgés du lotissement avec leur courrier, les accompagne chez le médecin ou joue le rôle de médiateur en cas de conflits.

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« Nous lançons des projets, soutenons, mettons en réseau et coordonnons les acteurs. »  Guirec Gicquel

« Un catalyseur d’idées existantes » Un projet-modèle de la seconde génération a été le levier de ‹ l’IBA Basel 2020 ›. Un entretien sur son lancement, sur ce qui s’est passé jusqu’ici et ce qui suivra à partir de 2020. Interview: Palle Petersen

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Commençons de manière générale: Qu’est-ce-qu’une IBA ? Dirk Lohaus:  Les expositions internationales d’architecture sont originaires d’Allemagne. Les architectes connaissent celles de Darmstadt en 1901 et de Stuttgart en 1927 comme jalons de l’Art Nouveau et du modernisme. Dans les années soixante-dix et quatre-vingt, trois IBA à Berlin ont abordé les questions en rapport avec l’urbanisme de la reconstruction et de la réhabilitation urbaine. Puis, dans les années quatre-vingt-dix, l’IBA Emscher Park apporta un changement de démarche. Au nord de la région de la Ruhr où l’industrie s’était effondrée, ses projets représentèrent des milliards et elle donna l’impulsion à une gigantesque mutation structurelle. Depuis, les IBA sont des instruments de développement urbain et régional global – et c’est également ce que l’IBA Basel veut être. Néanmoins, elle a beaucoup moins de fonds propres et c’est la première IBA qui dépasse les frontières allemandes. La dynamique trinationale est un véritable pari risqué: L’agglomération bâloise compte 900 000 habitants dans 250 communes et il y a environ 70 000 transfrontaliers. Comment aménager ensemble cet espace et promouvoir le dialogue transfrontalier ? Comment peut-on, comme le dit son slogan, ‹ grandir ensemble, au-delà des frontières › ? La clé réside dans la coopération ; c’est pourquoi, l’accent de l’IBA Basel est mis sur les processus. C’est un catalyseur d’idées existantes, une machine de développement de projets proprement dite. Qui a eu l’idée de l’IBA Basel ? Dirk Lohaus:  Il y a différents mythes fondateurs. Mais l’IBA est sans doute née dans la sphère d’influence de l’Office de la planification de Bâle et de ‹ l’Eurodistrict Trinational de Bâle › ( E TB ) pour le prédécesseur duquel j’ai travaillé à partir de 2006. En bref: les Eurodistricts ont été lancés pendant l’ère Chirac et Schröder ; ils étendent la planification ré-

gionale classique à des thèmes comme l’énergie, la santé, le tourisme, la société civile etc. A l’ETB, nous avons donc élaboré la stratégie de développement ‹ Un avenir à trois ›. Finalement, de tels concepts sont des bases importantes mais abstraites – des nuances roses sur fond vert avec des lignes foncées pour les modes de transport. Mais que cela signifie-t-il dans l’espace pour les lieux concrets de demain ? Les projets de l’IBA nous fournissent des réponses. Mais que fait l’IBA et avec quels moyens ? Guirec Gicquel:  Actuellement, dix personnes de différentes disciplines travaillent à l’IBA dont la moitié, dont je fais partie, sur des projets. La structure est financée par des fonds européens et nationaux ainsi que par différentes collectivités territoriales des trois pays, de la petite commune au Land. Le travail de projet est à la fois la raison et le but. Nous lançons des projets, soutenons, mettons en réseau et coordonnons les acteurs. Nous conseillons les porteurs de projet sur le fond et nous les aidons pour leurs demandes de subventions et d’autorisations. Nous considérons ce travail de développement de projet comme une entité avec des processus de participation et de communication ainsi qu’avec des évènements. Et parfois, lorsque cela est nécessaire, nous accordons également un financement de lancement. Un exemple de financement initial de ce type ? Guirec Gicquel: Prenons le groupe de projets ‹ Rhin mon amour ›. Parmi les projets que nous avons sélectionnés pour l’IBA, plusieurs portaient sur le Rhin en tant qu’espace naturel et ouvert. Lorsque nous avons ensuite rencontré les communes, toutes parlaient de la même chose: la baignade, les parcours sportifs et les sentiers de promenade, valorisation et protection. Mais personne n’avait la légitimité ou la structure pour lancer une étude commune. L’IBA, elle, a pu le faire. Depuis 2013, nous avons dépensé 110 000 francs en tout. Pour un espace aussi grand et pour plusieurs années, c’est une somme infime. Mais elle a permis d’élaborer une vision commune sur le Rhin. Aujourd’hui, il y a un catalogue de mesures et un guide. Ils définissent un réseau de sentiers et d’importants

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« La question cruciale qui se pose est de savoir comment ce type de projets se met en marche lorsqu’il n’y a plus d’IBA. »  Dirk Lohaus

espaces clés comme le ‹ Canal d’Alsace › en tant que plus longue promenade en espace fluvial en Europe. Les mesures proposées vont de XS à L pour des belvédères, des points d’accès à la baignade ainsi que des améliorations pour la faune et la flore. En outre, il y a des directives de design pour des repères, des sièges, des bouées, des parasols etc. Il est tout à fait évident que si l’on commande plusieurs fois le même banc, le prix baisse et on obtient un ensemble cohérent. Dirk Lohaus: C’est typique de l’IBA: Elle assume le financement de lancement si nécessaire, par exemple pour un mandat de conseil ou une étude si bien que lorsqu’une idée se concrétise et gagne en visibilité, on trouve plus facilement de l’argent. C’est en fait comparable aux projets-modèles qui sont également souvent des leviers. Pour l’IBA Basel c’est bien aussi un projet-modèle qui a servi de levier si je ne me trompe ? Dirk Lohaus: C’est juste. En 2007, l’IBA était à peine plus qu’une idée et il était difficile d’obtenir des fonds. Par l’intermédiaire d’un projet-modèle de la seconde génération, nous avons obtenu 50 000 francs, la ville de Bâle et l’ETB ont apporté le reste d’un total de 165 000 francs. C’était le budget pour le processus de lancement. Nous avons ainsi financé un accompagnement pour le processus par des externes, des ateliers avec des communes et des groupes d’intérêt ainsi qu’un poste à l’Office de la planification de Bâle-Ville et mon poste auprès de l’ETB. Nous avons mis en place des structures, rédigé une ébauche de mémorandum et présenté des IBA passées et actuelles ainsi que nos plans pour l’IBA Basel à l’exposition ‹ IBA meets IBA ›. Finalement, nous avons fondé en 2010 le bureau de l’IBA en tant que filiale de l’ETB à Bâle et j’ai rejoint la nouvelle structure. C’est ainsi que le projet-modèle a pris fin et que l’IBA a débuté. Et quelle a été la suite après le projet-modèle ? Dirk Lohaus: Nous avons démarré avec un appel à projets délibérément ouvert. Parmi les quelque 130 projets soumis, le Comité Politique et le Comité Scientifique en ont sélectionné 45. Nous avons montré ce paysage de projets lors du ‹ Forum IBA › et les porteurs de projets se sont présentés en pecha-kucha. A ce forum, nous avons vu des premiers points communs et les porteurs de projet se sont mis en réseau. Ensuite, nous avons établi un processus de qualification avec des niveaux et des critères clairs pour des projets IBA: candidature, prénomination, nomination, labellisation. Guirec Gicquel: C’est un point important car, en plus d’une structure de coopération, l’IBA est surtout un label de qualité. Nous soutenons les projets là ou c’est nécessaire, en particulier par rapport à leur dimension transfrontalière. Certains se retirent lorsqu’ils ne peuvent pas ou ne veulent pas combler les lacunes de contenu. Quoi qu’il en

soit, le paysage de projets est constamment en mutation: un groupe s’est dissous parce qu’un projet n’était pas réalisable, qu’un autre avait pris du retard et qu’un troisième ne pouvait tenir les échéances de l’IBA. Au contraire, comme je l’ai déjà dit, le groupe ‹ Rhin mon amour › a vu le jour au fil du temps. Il en est de même pour le groupe ‹ Gravières 2.0 ›. Initialement, c’était un projet unique mais ses projets partiels étaient tellement complexes et pertinents que nous en avons fait des projets à part entière et que nous les avons rassemblés dans un groupe. Que se passe-t-il maintenant avec les gravières ? Guirec Gicquel:  Actuellement, il y a sept communes partenaires et c’est un processus de renaturation et de reconversion qui s’étalera sur plusieurs décennies. Environ cinquante gravières deviendront des espaces paysagers, avec des pistes piétonnes et cyclables, des biotopes, des lacs artificiels et des lotissements résidentiels. Ici aussi, nous avons financé une étude qui définit les types de gravières et les scénarios d’usage. Pour trois gravières, cela se concrétise et parmi elles, le ‹ Parc des Carrières IBA › en est le projet phare: onze hectares avec plusieurs gravières se trouvent dans une zone agricole et industrielle entre Bâle et Saint-Louis. La pression urbaine est énorme ; c’est pourquoi, il faut préserver les espaces ouverts. Ce territoire est facilement accessible à 40 000 personnes mais est presque inconnu. Cette ‹ terra incognita › se transforme donc en porteur d’identité: en 2014, les communes et les propriétaires fonciers ont signé une déclaration d’intention. En 2017, Saint-Louis a aménagé le premier corridor vert. Fin 2018, une association doit être fondée pour piloter le processus. Jusqu’en 2025, d’autres pistes piétonnes et cyclables et des corridors naturels verront le jour et au milieu un espace de jeu et de rencontre. Que se passe-t-il avec les autres projets lorsque l’IBA 2020 se termine ? Dirk Lohaus:  Les projets se sont développés de manière impressionnante et, au cours des prochaines années, il s’agira de mettre en place des organes stables et des modèles de financement. A cet égard, l’IBA me semble sur la bonne voie. Mais la question cruciale qui se pose est de savoir comment, de manière générale, ce type de projets se met en marche lorsqu’il n’y a plus d’IBA. Les dernières années ont mis en évidence le besoin d’une institution qui incite au lancement de projets transfrontaliers, les accompagne et qui est aussi mandatée pour cela. C’est pourquoi, l’idéal serait une gestion des projets, permanente et transfrontalière, qui accompagne les stratégies de développement régional que constituent, par exemple, les projets d’agglomération. J’en suis convaincu: une planification spatio-fonctionnelle a besoin d’institutions neutres qui soutiennent et mettent en réseau les acteurs existants. Même après l’IBA.

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Guirec Gicquel ( 38 ) est ingénieur paysagiste et planificateur. Il a travaillé pendant sept ans dans un bureau d’études en environnement spécialisé dans les gravières avant d’arriver à l’IBA en 2014. Jusqu’au printemps 2018, il y dirigeait le champ d’action espaces paysagers dont font partie les projets ‹ Gravières 2.0 › et ‹ Rhin mon amour ›. Dirk Lohaus ( 46 ) est urbaniste et planificateur urbain. Jusqu’en 2006, il a travaillé à ‹ l’Eurodistrict Trinational de Bâle › ; en 2010, il a changé pour l’IBA Basel et y est resté en tant que chef de projet et directeur général adjoint jusqu’en 2017. Aujourd’hui, il dirige le service de l’aménagement du territoire et de la planification des transports de la ville de Langenthal.

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Laboratoires territoriaux L’espace et les ressources sont rares, les terres cultivables et la nature sont sous pression. Comment concilier intelligemment ces nombreuses exigences ? Comment surmonter les frontières administratives, hiérarchiques et politiques ? De 2014 à 2018, 31 ‹ projets-modèles pour un développement territorial durable › ont cherché des réponses. Une publication sur les objectifs et les moyens, les expériences et les échecs, l’homme et l’environnement. www.projets-modeles.ch

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