Se loger dans la Suisse à 10 millions

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Cahier thématique de Hochparterre, mars 2021

Se loger dans la Suisse à 10 millions

Comment les mégatrends de la mondialisation, de la numérisation, de la migration, de la démographie et du changement climatique feront évoluer l’habitat.

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La perspective du danger de mort avec l’éclair électrique menace si la densification de la maison individuelle n’est pas faite selon toutes les règles de l’art.

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Sommaire

Éditorial

4 Ainsi se loge la Suisse

Ainsi se logera la Suisse

Constats sociologiques, statistiques et typologiques du logement en Suisse.

8 Six mégatrends Les forces qui vont faire évoluer le territoire suisse au cours des prochaines décennies et comment elles le feront.

10 Perspectives dans les quatre types de territoire Centres urbains, espaces à caractère rural avec villes moyennes, Jura/Préalpes et territoires alpins en point de mire.

12 Des projets porteurs d’avenir Maison communautaire Ste Ursule de Brigue, Projet Soubeyran, une maison coopérative à Genève.

14 Biens communs, paysage, propriété et participation Réponses de planificateurs et de politiciens aux mégatrends de l’avenir de l’habitat.

18 Des projets porteurs d’avenir Quartier Oassis de Crissier VD, immeuble d’habitation avec crèche d’Auvernier / Milvignes NE.

2 0 Heidi n’aime pas la ville Comment l’aménagement du territoire a géré l’habitat en Suisse au cours du siècle dernier.

2 4 Des projets porteurs d’avenir Uptown Mels dans l’ancienne fabrique textile Stoffel de Mels SG, ensemble Burggarta de Valendas GR.

2 6 La zone villas à Genève Genève a de grands quartiers de villas où la densification se fera sans porter atteinte au paysage.

Dans leur tour en verre près de la gare de Neuchâtel, les experts de l’Office fédéral de la Statistique ( OFS ) prévoient une population de dix millions en Suisse d’ici 2040. Actuellement, elle est de 8,6 millions d’habitants. Ce chiffre n’est pas anodin car il guide la planification territoriale et autre dans la Confédération, les cantons et les communes. Sur mandat du Conseil fédéral, le Conseil de l’organisation du territoire ( C OTER ) a effectué une étude qualitative des tendances globales de l’aménagement du territoire. Le rapport sur les ‹ Mégatrends et développement territorial en Suisse › a identifié comme mégatrends ayant de fortes incidences sur le territoire la mondialisation, la numérisation, l’individualisation, la démographie et la migration et le vieillissement de la population ainsi que le changement climatique. Hans-Georg Bächtold, jadis planificateur cantonal à Bâle-Campagne, puis pendant de nombreuses années directeur de la Société suisse des ingénieurs et des architectes ( SIA ), était membre du COTER. Il incita à se questionner pour savoir comment les mégatrends vont faire évoluer l’habitat en Suisse et ce que le terme d’habitat recouvrira dans le monde de demain. C’est ainsi que le planificateur Bächtold et le sociologue Gantenbein se mirent en route pour un voyage dans l’avenir de la Suisse. Ils ont visité des immeubles d’habitation de Genève à Valendas GR en passant par Crissier VD, Milvignes NE, Brigue VS, Mels SG. Nous avons écouté une foule de planificateurs et de politiciens. C’est autour d’excellents repas accompagnés de vin rouge de la Seigneurie grisonne que nous avons compilé les informations et les rapports pour ce cahier voir quatrième de couverture. Et nous y avons pris un plaisir certain car nous sommes amis depuis quarante ans. Le photographe Jaromir Kreiliger s’est joint à nous – il sera dans la force de l’âge en 2040. Mais HansGeorg et moi-même nous fournirons une contribution à un mégatrend qui caractérise l’habitat – au vieillissement de la société.  Köbi Gantenbein

Impressum Maison d’édition  Hochparterre AG  Adresses  Ausstellungsstrasse 25, CH-8005 Zurich, Telefon +41 44 444 28 88, www.hochparterre.ch, verlag@hochparterre.ch, redaktion@hochparterre.ch  Directeur des publications  Köbi Gantenbein  Direction  Andres Herzog, Werner Huber, Agnes Schmid  Directrice des éditions  Susanne von Arx  Conception et rédaction  Hans-Georg Bächtold et Köbi Gantenbein  Photographie  Jaromir Kreiliger, www.jaromirkreiliger.ch  Direction artistique  Antje Reineck  Mise en pages  Barbara Schrag  Production  Thomas Müller  Traduction, relecture  Annie Jeamart  Lithographie  Team media, Gurtnellen  Impression  Stämpfli SA, Berne Publié par  Hochparterre, Zurich  Commandes  shop.hochparterre.ch, Fr. 15.—, € 12.—

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Ainsi se loge la Suisse Résultats sociologiques, statistiques et typologiques sur le logement en Suisse. Trois spéculations montrent ce que l’aménagement du territoire peut en tirer. Texte: Hans-Georg Bächtold et Köbi Gantenbein

Lorsque l’on spécule sur la mutation des styles de vie et des besoins en matière de logement, il faut avant tout savoir que la croissance des structures spatiales s’est faite sur une longue période. On doit aussi garder à l’esprit que les constructions et installations sont des biens immeubles. De plus, il faut prendre conscience de la lenteur des processus de l’aménagement du territoire due aux interdépendances et à la participation nécessaire de nombreux acteurs. Et avant de se projeter en 2040, on doit être conscient du présent voir graphique 1. De combien de zone à bâtir et de surface construite disposons-nous, combien y-a-t-il de bâtiments dans lesquels on pourra s’installer à l’avenir au cours des vingt prochaines années ? En étudiant les faits, en dépit de l’évolution actuelle des modes de vie et de travail à un rythme sans précédent – force est de constater une étonnante stabilité que seul un tremblement de terre pourrait anéantir. Les structures spatiales décidées démocratiquement sont construites en dur et profondément ancrées dans les esprits. Vouloir les modifier est un travail de longue haleine. Des zones à bâtir en nombre suffisant Presque la moitié du total de 232 038 hectares de zones à bâtir – 46 % pour être exact – sont des zones d’habitation. Cette surface est restée pratiquement inchangée de 2012 à 2017. L’habitat se trouve aussi dans des zones mixtes, des zones centrales et, de manière insignifiante, dans des zones d’activités. En 2017, quelque 8 des 8,4 millions habitantes et habitants de la Suisse vivaient à l’intérieur des zones à bâtir. La bonne nouvelle: selon la méthode de calcul, entre 25 700 et 40 500 hectares des 232 038 hectares de zones à bâtir en Suisse ne sont pas encore construits. Supposons que ces surfaces soient construites intégralement et avec la même densité que jusqu’à présent et qu’il n’y ait pas d’augmentation du nombre d’habitants hors de la zone à bâtir, elles offrent de la place pour 1 à 1,7 millions d’habitants supplémentaires. La surface de zone à bâtir par personne baisse alors d’aujourd’hui 291 mètres carrés à 242, une surface qui est actuellement déjà atteinte dans les cantons urbains voir graphique 2. Si l’on considère également, en plus de la population résidente, celle qui travaille dans les zones à bâtir, on obtient une valeur de 181 mètres carrés de surface de zone à bâtir par personne. La seconde bonne nouvelle: 93 % des zones à bâtir sont situés dans les villes, les agglomérations, les communes-centres et les communes à situation centrale voir graphique 3. En ce qui concerne l’habitat en 2040, cela signifie qu’il y a suffisamment de zones à bâtir non construites pour bien loger les dix millions de personnes qui vivront

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alors en Suisse. La densification et la mutation du secteur secondaire au secteur tertiaire qui nécessite moins d’espace augmentent la marge de manœuvre. Si l’on observe les types de commune, on voit que les plus grandes surfaces non construites sont situées dans les communes urbaines et périurbaines de densité moyenne. La mise en œuvre de la première étape de la loi sur l’aménagement du territoire ( LAT ) révisée en ans 2014 est en bonne voie de Carouge GE jusqu’à Val Müstair GR. Seuls des projets intelligents qui prévoient suffisamment d’espaces ouverts et qui mènent une démarche participative peuvent quelque peu s’opposer à la résistance contre la densification. Le développement vers l’intérieur réussit lorsqu’il n’y a pas beaucoup de perdantes et perdants, que les pertes soient réelles ou ressenties. Et la mise en œuvre demande du temps et de la patience. Valeur et propriété 2019, l’investissement en immobilier résidentiel était estimé à 1200 milliards de francs. Rien que les caisses de pension ont investi de 2004 à 2017 des produits d’épargne vieillesse de 97 milliards de francs dans des biens immobiliers. En moyenne, le rendement annuel dégagé était d’environ 6,5 % à Bâle, Berne et Genève et de près de 8 % à Zurich. Environ la moitié de ces rendements peut s’expliquer par le fait que le bien immobilier a gagné en valeur. En comparaison avec tous les autres placements, ce sont néanmoins des rendements attrayants et durables. C’est pourquoi, non seulement le standard élevé du joint de carrelage mais aussi la dalle du garage souterrain savamment bétonnée mais surtout le prix du foncier et le profit privé sont les moteurs des frais de logement élevés. L’Office fédéral du logement ( OFL ) constate dans un rapport de 2020: « Près d’un quart des ménages suisses vit dans des conditions de logement insatisfaisantes (  … ) parce que les coûts du logement représentent une charge trop lourde ou parce que le logement présente des insuffisances. » Jetons donc un coup d’œil sur les rapports de propriété actuels. En Suisse, en 2019, environ 57 % de tous les logements appartenaient à des particuliers. Un tiers des logements locatifs était la propriété d’investisseurs institutionnels, suivis par des coopératives ( 8 % ) et des sociétés immobilières classiques ( 7 % ) – mais 49 % appartiennent à des particuliers. Ce ne sont donc pas les investisseurs professionnels qui prédominent. Néanmoins, leur pourcentage a augmenté depuis l’an 2000 de 23 à 33 %. La Suisse est une nation de locataires ; seuls 38 % d’entre eux sont propriétaires. Selon les enquêtes, une grande partie ( 73 % ) des locataires veulent être propriétaires, mais seulement 12 % économisent pour atteindre cet objectif. Fin 2017, 2,2 millions de ménages ( 59 % ) se trouvaient dans un logement en location. Les cantons urbains de Bâle-Ville ( 84 % ) et de Genève ( 78 % ) présentent le plus haut pourcentage de logements locatifs,

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1  Croissance 1995 – 2018 Population Consommation d’électricité Nombre de voitures Nombre de kilomètres parcourus en voiture 0

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3  Part des zones à bâtir selon les types de communes, 2017 Communes urbaines et agglomérations Communes périurbaines Communes-centres rurales Communes périphériques rurales 0

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4  Croissance 2000 – 2018 ( Surface habitable et surface bâtie, estimation. Source: OFS / Republik ) Population Surface bâtie Nombre de logements Surface habitable 0

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5  Nombre de logements, 2019 ( Selon le nombre de pièces, total 4 582 272 ) 1 pièce 2 pièces 3 pièces 4 pièces 5 pièces 6 pièces et plus 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5  mio.

6  Augmentation selon la superficie du logement 2000 – 2018 Moins de 60 m2 60 – 79 m

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par contre les cantons du Valais ( 39 % ) et du Jura ( 42 % ) les plus bas. Si l’on considère les frais de logement, on observe des inégalités. Depuis 1998, la part du budget des ménages les plus défavorisés consacrée au logement a augmenté, depuis 2006 elle s’est stabilisée. En 2012 / 14, le pourcentage des frais de logement de ces ménages était de 31 % – pour ceux aux revenus les plus élevés, il n’était tout juste que de 10 % du budget disponible. 46 mètres carrés de surface habitable par personne Entre 1985 et 2009, les surfaces construites ont encore augmenté de 584 kilomètres carrés ; l’augmentation de la surface d’habitat a été disproportionnée par rapport à la croissance démographique voir graphique 4. Mais on observe en Suisse une lente densification de l’habitat. De 2012 à 2017, la surface moyenne de zone à bâtir par habitant diminua de 309 à 291 mètres carrés. Fin 2019, on dénombrait en Suisse environ 4,6 millions de logements voir graphique 5. La superficie moyenne de ces logements était de 102,3 mètres carrés ; ils disposaient de 3,7 pièces. La surface habitable moyenne par habitant était de 46 mètres carrés. Les Genevois, eux, vivent plus à l’étroit avec seulement 41,8 mètres carrés. Dans la région du lac Léman, les logements habités d’une superficie moyenne de 95 mètres carrés sont beaucoup plus petits que la moyenne suisse. Aussi ces petits logements accueillent-ils davantage d’habitants: tandis qu’en moyenne nationale, 1,9 personne habite dans un troispièces, à Genève ce sont 2,4 personnes. Les régions alémaniques, la Suisse du Nord-Ouest ( 106 mètres carrés ), la Suisse centrale ( 108,8 mètres carrés ) et la Suisse orientale ( 109,6 mètres carrés ) ont les superficies moyennes les plus élevées par logement habité. Pendant ces vingt dernières années, le pourcentage de création de grands logements a été proportionnellement plus élevé voir graphique 6. Il apparaît que plus la superficie du logement est grande, plus la surface habitable par personne augmente. 1e spéculation: la multirésidentialité est un défi Pour l’habitat en 2040, ceci signifie en matière d’aménagement du territoire: on peut partir du principe que la première étape de la révision de la Loi sur l’aménagement du territoire ( LAT 1, en vigueur depuis 2014 ) est mise en œuvre par les cantons avec une certaine pression sur les communes. Ceci veut dire qu’il n’y a que peu de création de nouvelles zones à bâtir dans des endroits centraux et avec des exigences particulières en matière de construction et d’espaces ouverts. Les zones à bâtir limitées et la hausse des prix de l’immobilier par suite de la raréfaction croissante de l’offre mais aussi des besoins et des formes d’habitat de type nouveau font stagner la surface habitable par personne à l’avenir à 45 mètres carrés. Une meilleure desserte grâce au développement des offres de mobilité connues et nouvelles empêche une poursuite du mitage du territoire. En dépit de la croissance démographique, l’augmentation de la surface construite et des zones résidentielles va continuer à décroître. Il ne faut toutefois pas négliger l’évolution de la multirésidentialité – du style de vie comportant le fait d’habiter et de travailler à plusieurs endroits. 28 % de la population suisse ont au moins une résidence secondaire et beaucoup de gens travaillent à plusieurs endroits et se déplacent de plus en plus. Ce train de vie dispendieux a des répercussions sur l’aménagement du territoire et la planification des transports, sur le développement urbanistique ainsi que sur l’architecture. La pandémie de coronavirus montre que les ­résidences ­s econdaires en dehors des villes →

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2e spéculation: la famille en voie de disparition Pour l’habitat en 2040, ceci signifie en matière d’aménagement du territoire: la maison individuelle reste l’élément structurant dans les espaces de type rural et périurbain. On peut tout à fait supposer un ralentissement de son essor mais absolument pas qu’il s’agisse de sa fin – malgré les coûts individuels et sociétaux élevés de cette forme d’habitat. Aussi y-aura-t-il une forte hausse des besoins de rénovation de ces maisons individuelles dont la plupart, réalisées dans les années soixante-dix et quatrevingt-dix, ont un besoin croissant de confort moderne et d’assainissement énergétique. Les maisons individuelles et leurs alentours constituent une importante réserve de zones à bâtir. Mais il serait erroné de considérer chaque jardin comme un endroit de densification potentielle. Trop souvent, la densification de quartiers de maisons individuelles se résume à une défiguration du tissu urbain et à la disparition des espaces ouverts et intermédiaires. Elle est source de plus grande mobilité avec un nombre croissant de places de parc. En matière d’aménagement du territoire, il est nécessaire de tester des possibilités d’extension jusqu’aux limites parcellaire avec le voisin pour créer de plus grands espaces ouverts. De plus, il faut construire des centres de quartiers avec des logements attrayants adaptés aux personnes âgées et des infrastructures sociales en rapport et à l’échelle du quartier. Dans les quartiers de maisons individuelles en voie de densification, l’accroissement de la mobilité et des places de stationnement exige

7  Type des bâtiments d’habitation, 2019 ( Total 1 756 927 ) Maisons individuelles Maisons plurifamiliales Bâtiments d’habitation avec usage annexe Bâtiments à usage partiel d’habitation 0 0,1

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9  Nombre d’étages des bâtiments d’habitation, 2019 ( Total 1 756 927 ) 0,9 mio. 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0

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10  Tailles des ménages, 2019 ( Total 3 833 594 ) 1 personne 2 personnes 3 personnes 4 personnes 5 personnes 6 personnes et plus 0

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8  Bâtiments d’habitation existants selon période de construction Maisons individuelles (total 1 000 700 = 100 %) Maisons plurifamiliales (total 475 801 = 100 %)

av an

→ vont ­devenir plus attrayantes. Les prix des terrains et des logements dans les zones de montagne ont sensiblement augmenté en 2020. Environ 80 % des bâtiments existants feront probablement encore partie du parc immobilier en 2040. Fin 2019, on a compté en Suisse 1,76 millions de bâtiments à usage d’habitation voir graphique 7. Le nombre de maisons individuelles dépassa pour la première fois le million ( 1  0 00 700 ). Mais seulement une ou deux personnes habitaient dans moins de la moitié ( 46 % ) d’entre elles. La Suisse est un pays focalisé sur la maison individuelle: 57 % des maisons sont des maisons individuelles où habitent 28 % de la population. Le pourcentage le moins élevé de maisons individuelles se trouve dans le canton de Zoug ( environ 33 % ). Le plus petit pourcentage de personnes dans des maisons individuelles – 12 % – est relevé à Bâle-Ville. Le canton-ville de Genève avec 57 % de maisons individuelles représente la moyenne suisse. Les enquêtes menées sur les souhaits d’habitat don­ nent des chiffres toujours élevés à la maison individuelle. C’est cette forme d’habitat qui a de loin le plus marqué la Suisse aussi bien au niveau structurel que mental. Cet ­essor jusqu’ici plus ou moins ininterrompu s’est instauré dès la fin de la seconde guerre mondiale voir graphique 8. Les familles avec des enfants sont nombreuses à préférer tout particulièrement une maison individuelle. C’est ainsi que près de 37 % de tous les enfants grandissent dans cette forme d’habitat. Considérons enfin les hauteurs des bâtiments. 88 % des maisons individuelles et 77 % de tous les bâtiments à usage d’habitation ont seulement deux ou trois étages. Plus des deux tiers ( 71 % ) des maisons plurifamiliales et des bâtiments avec usage annexe ont au moins trois étages. Mais plus de 90 % des bâtiments à usage d’habitation ont moins de cinq étages voir graphique 9. Le nombre de bâtiments à deux et trois étages a considérablement augmenté depuis l’an 2000. L’augmentation du nombre d’étages offre en fait un grand potentiel de densification.

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des solutions intelligentes, par exemple avec des garages collectifs. Et il revendique surtout de développer des formes innovantes et flexibles de l’offre de transports publics et de parvenir à bannir avec davantage de détermination la voiture privée de l’espace public et de nos esprits. Il n’est pas soutenable d’associer les avantages de la maison individuelle à la voiture privée. Fin 2019, la Suisse comptait environ 3,8 millions de ménages privés, la taille moyenne des ménages étant de 2,21 personnes. Mais avec 1,3 million, le ménage solo est l’unité de ménage la plus répandue. Cette forme d’habitat est de plus en plus délibérément choisie – même par des couples, ou elle résulte du décès du ou de la partenaire. Se distinguent tout particulièrement par leur taux de ménage solo: le canton de Bâle-Ville avec 47 %, suivi des cantons de Tessin et Neuchâtel avec 40 %. Par contre, Appenzell Rhodes-Intérieures, Fribourg et Genève ont le pourcentage le plus élevé ( 24 et 22 % ) de grands ménages avec quatre personnes ou plus. Un bon tiers de tous les ménages ne compte qu’une personne ; 16 % de la population résidente permanente vivent seuls. Près d’un tiers des ménages comprend deux personnes, 30 % de la population résidente permanente voir graphique 10. La transformation de la famille traditionnelle se reflète dans les statistiques des cinquante dernières années. Il y a aujourd’hui trois fois plus de ménages solo et plus du double de ménages monoparentaux avec des enfants qu’en 1970. La famille classique est certes une espèce en voie de disparition mais elle fait preuve d’une grande résistance: encore 72 % des ménages familiaux en Suisse sont composés de couples mariés avec des enfants. Cette proportion est restée constante. La deuxième forme de famille la plus fréquente ( 15,5 % ) est le ménage monoparental. Suivent ensuite avec 6,5 % les familles de première union, suivies par les familles recomposées ( 2,6 % ). Les couples de même sexe constituent, avec 0,1 %, une minorité en régression. Un constat frappant de sociologie de l’habitat et en même temps sans doute l’une des histoires réussies les plus impressionnantes de la Suisse – qui s’applique également à des pays de richesse similaire surtout en Europe centrale et du nord et au Japon – concerne les modes de vie des personnes âgées. En effet pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, elles adoptent un mode de vie qui leur est propre. En condensé, cela veut dire que les conditions de logement et le quotidien des personnes âgées se distinguent à peine de celui des plus jeunes, si ce n’est qu’elles ont plus de temps libre et qu’elles doivent combattre ennuis de santé et handicaps à l’aide de prestations de soins dont l’offre est en constante augmentation. Un nombre croissant de personnes âgées reste actif à temps partiel. Elles veulent continuer à vivre et habiter où elles en ont l’habitude. C’est la surface habitable des personnes âgées de plus de 80 ans qui augmente le plus par habitant. Elles habitent généralement aussi longtemps que possible dans des maisons individuelles dont elles sont propriétaires – avec pour corollaire le fait que, dans l’ensemble, moins de 10 % des personnes âgées de plus de 65 ans vivent en institution. Même pour celles qui sont âgées de plus de 80 ans, la proportion atteint à peine 16 %. Mais on observe également un fait nouveau. C’est que, comme jamais dans l’histoire de la Suisse, des personnes de plus de soixante ans peuvent, en toute autonomie, entamer un nouveau chapitre de leur parcours résidentiel – en emménageant dans une autre ville ou à la campagne. Toutefois, seule une infime minorité d’entre elles quitte la forme d’habitat qui lui est familière dans une grande maison individuelle pour un appartement.

3e spéculation: le vieillissement comme opportunité Pour l’habitat en 2040, ceci signifie en matière d’aménagement du territoire: la Suisse de 2040 sera marquée par le vieillissement de la société. La proportion des personnes âgées de plus de 64 ans ( 25,6 % ) représentera un quart de la population. Les personnes de plus de 80 ans constitueront environ 10 % de la population, c’est le double de 2015. Le vieillissement, présenté de temps à autre comme un poids, doit en fait être perçu comme une opportunité pour la société. De nombreuses inventions en matière de domotique, gestion du confort et d’assistance des personnes âgées vont faire évoluer les plans des logements. De nouveaux modes de vie, l’égocentrisme, l’individualisme, l’arrivée massive des femmes dans le monde du travail exigent de nouvelles formes d’habitat: la ‹ communauté à durée déterminée › remplacera l’habitat dans un petit appartement individuel dans un bloc anonyme. L’habitat communautaire parvient à s’imposer chez une proportion croissante de la population, la tendance à l’habitat intergénérationnel est également à la hausse. L’émergence de la solidarité avec laquelle les jeunes se sacrifient actuellement pour aider à protéger les aînés beaucoup plus vulnérables face à la pandémie de COVID-19 est un signe clair de cette tendance. De nouvelles formes d’habitat, cela signifie qu’il est tout à fait possible de vivre seul en tant que personne âgée tout en gardant des liens avec le voisinage. La qualité de vie des seniors s’en trouve améliorée grâce aux espaces communs et à la cohabitation qui favorise les échanges. La dynamique qui se dégage des maisons plurigénérationnelles a un effet stimulant qui dépasse largement le cadre du quartier. Mais l’on constate que les maisons de retraite et les foyers-logements sont voués à une lente disparition. La manière dont ils pourraient être ingénieusement transformés, par exemple pour des grands ménages, sera bientôt un vrai sujet. Les réponses au niveau de l’aménagement du territoire à ces évolutions se feront à deux niveaux. Premièrement, il faut des instruments pertinents qui mobilisent le marché du logement en mettant à disposition des personnes vieillissantes des offres attrayantes du point de vue économique et social, par exemple dans des centres de quartier ou dans des maisons plurigénérationnelles, pour réduire la consommation de surface habitable. Dans ce sens, les communes doivent oser élaborer une politique foncière ciblée et intervenir dans l’attribution des logements. Deuxièmement, cela signifie que l’environnement de l’habitat doit faire l’objet d’une planification beaucoup plus rigoureuse. L’instrument adéquat est la planification des espaces ouverts. Étant donné que les zones sont attribuées aux communes en principe sans guère pouvoir être agrandies ou modifiées de façon conséquente, la planification locale actuelle avec des révisions totales périodiques fera place à une gestion territoriale. Les possibilités de développement et d’aménagement seront analysées par quartier et discutées avec les propriétaires. L’instrument auquel on aura recours est la planification test. Mais il s’avère nécessaire d’intégrer les résultats des analyses au plan d’affectation général, selon la localité aussi avec des alignements des constructions sur les rues ; l’échange de terrains et la mise à disposition de terres à la commune pour créer des espaces ouverts attrayants sont essentiels. Pour les communes il sera indispensable de recruter des urbanistes non pas seulement pour dessiner l’avenir mais aussi comme ‹ gardiens › expérimentés et dédiés.

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Six mégatrends Le Conseil de l’organisation du territoire ( COTER ) identifie quelles sont les forces qui vont faire évoluer le territoire suisse au cours des prochaines décennies et comment elles le feront.

Individualisation L’individualisation est un mégatrend sociétal qui dépend des évolutions démographiques et économiques. Elle renforce la société à choix multiples. Les classifications sociétales traditionnelles comme, par exemple, la religion ou le sexe, perdent de leur importance. À cela s’ajoute la pleine intégration des femmes dans le monde du travail. La famille traditionnelle est de plus en plus remplacée par des partenariats et des formes de ménage à durée limitée. Certaines obligations qui incombaient autrefois à la famille sont désormais prises en charge par la société et l’État – garde des enfants, soins aux personnes âgées et garantie des moyens de subsistance et donc de la survie matérielle et sociale. C’est surtout dans les centres urbains que l’on assiste à un accroissement des services et des locaux dédiés. De plus en plus de personnes préfèrent vivre entièrement ou partiellement dans leur propre logement, même si elles sont en couple. Néanmoins, l’esprit de communauté, le bon voisinage et l’engagement local gagnent du terrain. Migration En Suisse, la population croît de manière constante depuis des décennies malgré un faible taux de natalité et grâce à l’immigration ; elle devient donc plus hétérogène. 37 % de la population résidente permanente de plus de 15 ans sont issus de la migration. Un peu plus d’un tiers de ce groupe de population ( 958 000 personnes ) possède la nationalité suisse. Mondialisation et croissance démographique Depuis 1865, la population résidente n’a cessé d’augmenter en Suisse et a pratiquement doublé depuis 1945. En 2019, la Suisse comptait 8,6 millions d’habitants. D’après l’Office fédéral de la statistique ( OFS ), en 2050 la Suisse passera à déjà 10,4 millions d’habitants. Que l’on lutte contre ou qu’on le conteste, les séries de données des chercheurs prédisent qu’il en sera ainsi. L’accroissement de la population se fera tout d’abord autour du lac Léman et au Nord-Est du Plateau et dans une ceinture qui va du canton d’Argovie jusqu’à Saint-Gall. Si cette croissance se poursuit à Genève, dans le canton de Vaud, Zurich, Schaffhouse, Zoug, Saint-Gall et en Argovie, dans trente ans, il y aura dans ces régions un peu plus de 650 000 habitants de plus que dans le reste de la Suisse. Par contre, il y aura moins d’habitants qu’aujourd’hui au sud et à l’est de la crête des Alpes. Au centre du Plateau et dans le canton de Berne, la hausse de la population sera inférieure à la moyenne. La croissance démographique qui est essentiellement liée au mégatrend de la mondialisation assure à la Suisse des gains de croissance certains. De plus, l’immigration contribue indéniablement à l’augmentation de la population. Selon le rapport du COTER, en réaction à la mondialisation et à la croissance démographique, le regain d’intérêt pour certaines valeurs comme celles de ‹ patrie › et ‹ d’ identité › se manifeste par la valorisation du patrimoine bâti local, la sauvegarde des sites construits à protéger et de la préservation des paysages intacts.

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Changement climatique Le changement climatique frappe la Suisse avec des périodes de canicule et d’évènements climatiques extrêmes. Ce sont surtout les espaces urbains qui sont touchés de manière jusqu’alors inconnue. Dans les montagnes, les éboulements de roches, les glissements de terrain et les chutes de pierres se multiplient. Les analyses des cartes des risques naturels des 26 cantons montrent que 24 % des zones à bâtir et plus de 30 % des infrastructures de transport en Suisse sont menacées par des inondations. Si, de plus, on considère les dangers liés au ruissellement, on observe que plus des deux tiers de tous les bâtiments et donc les logements de près d’un million de personnes sont menacés par les inondations. Cent écoles et dix cliniques se trouvent, entre autres, dans les régions les plus à risque. Numérisation La numérisation établit les bases nécessaires à l’industrie 4.0. Elle va contribuer à la relocalisation en Suisse d’emplois dont le transfert à l’étranger avait été opéré en continu pendant les dernières décennies. Elle fera évoluer la mobilité et impliquera de nouveaux modèles d’affaires et de travail. La numérisation est source de simplification et d’aide au quotidien. De nouveaux modèles de travail et de travail à temps partiel se multiplient. La mise en réseau des postes de travail permet d’effectuer le travail indépendamment du lieu. L’immobilisation de capital par les employeurs pour des postes de travail fixe va diminuer. Les besoins en espace de travail vont devenir plus flexibles ; les déplacements se répartiront pendant la journée. La numérisation et le fait connexe que les distances perdent de leur importance ouvrent de nouvelles perspectives aux zones périphériques qui deviennent d’attrayants lieux de retraite et de villégiature– grâce à la numérisation, la vie perd toute contrainte de lieu. Démographie Au cours du 20e siècle, la population suisse a considérablement vieilli. Cependant, les statistiques montrent que l’immigration de personnes majoritairement jeunes a quelque peu compensé le vieillissement de la population au cours des dernières années. Aujourd’hui, l’espérance de vie est de 81,9 ans pour les hommes et de 85,6 ans pour les femmes. Le pourcentage des plus de 64 ans est passé de 5,8 en 1800 à 18,1 en 2017. Selon les scénarios de l’évolution démographique établis par l’Office fédéral de la statistique, ce groupe d’âge constituera, en 2040, plus d’un quart de la population ( 25,6 % ), les plus de 80 ans représenteront près de 10 % de la population, ce qui correspond au double de 2015. Le vieillissement est moins prononcé dans les cantons urbains étant donné qu’il y a une arrivée continue de jeunes adultes et un départ de personnes âgées. Par contre, dans les cantons d’Uri, du Tessin, d’Obwald et de Nidwald, le nombre de personnes à l’âge de la retraite est beaucoup plus élevé, ce qui est dû au départ de jeunes adultes et à l’arrivée de personnes âgées aisées.

Recommandations de lecture Conseil de l’organisation du territoire ( COTER ): Mégatrends et développement territorial en Suisse, Berne, 2019. 812.117.f; Office fédéral du développement territorial, ­Tendances et défis – Faits et chiffres relatifs au Projet de territoire Suisse, Berne 2018, 812.110.f; www.publicationsfederales.admin.ch

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La maison communautaire Ste-Ursule à Brigue est aussi la maison des enfants qui peuvent jouer dans un jardin non clôturé voir page 12. Cahier thématique de Hochparterre, mars 2021 —  Se loger dans la Suisse à 10 millions — Six mégatrends

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Perspectives dans les quatre types de ­territoire En 2040, deux grandes villes sont le moteur de croissance. Des régions rurales avec de petites villes p ­ rospèrent, l’Arc jurassien continue à dormir et les Préalpes se réveillent. Texte: Hans-Georg Bächtold

En 2040, deux grands centres urbains – Zurich-Bâle et Lausanne-Genève – se sont constitués en intégrant leurs agglomérations aux caractéristiques urbaines et rurales fragmentées. Ce sont les moteurs de croissance de l’économie suisse. C’est dans le type de territoire urbain que se concentrent aussi les sites du savoir, de la recherche, du développement et des emplois. Les trois quarts de la population suisse vivent alors dans ces deux centres urbains et dans la région capitale Berne. Les zones à bâtir existantes et légèrement complétées à des endroits centraux sont épuisées. Les zones d’activité purement économique encore existantes qui ne servent plus sont réaffectées à un autre usage – à l’habitat et aux loisirs ; il en est de même pour les infrastructures de transport qui ne sont plus entièrement utilisées comme les gares de triage de Zurich Limmattal ou de Muttenz BL. Les planifications directrices cantonales ont renforcé les centres urbains. Des centres de quartiers ont vu le jour dans les communes. Une politique du logement qui s’ingère également dans la propriété privée a permis de réaliser peu à peu des déménagements pour quitter les zones villas. Les défis essentiels sont premièrement l’envolée des prix du foncier et de l’immobilier qui font qu’à long terme il y a trop peu de logements abordables. Deuxièmement, l’accroissement des inégalités, troisièmement le réchauffement des étés et quatrièmement le stress lié à la densité qui, même s’il est subjectif, déterminera le discours politique. La cumulation de ces facteurs provoquera une baisse d’attractivité des centres urbains.

et de nombreux espaces ouverts, un développement déterminé des transports publics et de la mobilité douce et une réduction massive du trafic automobile. Les efforts d’aménagement du territoire en matière de densité urbaine sur le Plateau et dans des régions périphériques comme le Valais, la vallée de la Reuss ou le Tessin portent leurs fruits. Les petites localités continuent certes à être marquées par des zones pavillonnaires fragmentées en micro-­ parcelles. Mais il y a aussi de nombreux exemples qui montrent comment leurs propriétaires se sont regroupés pour réaliser en commun des concepts de densification sensée et adaptée qui leur a permis de conserver le caractère propre à leur quartier. Les cœurs de villes et de villages traditionnels apportent à ces communes des repères identitaires. En 2040, l’ISOS – l’Inventaire fédéral des sites construits d’importance nationale à protéger en Suisse – est encore un instrument unique au monde de l’aménagement du territoire pour le développement de l’urbanisation. La construction effrénée lors du boom démesuré des vingt dernières années se voit confrontée à des planifications et des constructions qui peuvent répondre aux exigences de singularité, de marge de manœuvre et de flexibilité.

L’Arc jurassien s’endort, les Préalpes se réveillent Venons-en au troisième type de territoire. Dans le canton du Jura, la croissance de la population de 4,8 % pendant les années 2010 à 2018 est inférieure à la moyenne ( Suisse 8,6 % ). Le Jura reste caractérisé par les maisons individuelles qui représentent les deux tiers du parc immobilier et qui sont occupées par près de la moitié de la population. Il affiche en 2020 un taux de vacance de 2,5 % qui est supérieur à la moyenne. L’horlogerie de l’Arc jurassien a certes réussi à surmonter la crise des années 80 et produit aujourd’hui à nouveau des montres du segL’apogée de la petite ville du Plateau En bordure des grandes conurbations, il y a en 2040 ment haut de gamme pour le marché mondial. comme second type de territoire l’espace essentiellement Cependant, sa force et sa faiblesse restent la structure rural qui comprend des petites et moyennes localités et économique, fortement marquée par une grande spécialides petites villes, par exemple sur le Plateau ou au Tes- sation industrielle. On ne peut que constater le revers de sin. Ce type de territoire a de grandes réserves de terrain la médaille: l’économie résidentielle alimentée par les reconstructible. L’urbanisation va le mettre à rude épreuve, venus locaux et les nouveaux arrivants disposés à dépenon va assister à la disparition de petites localités dans ser est peu encouragée. Bien que bénéficiant d’une excelune monotonie uniforme. D’autres parviendront à accor- lente situation stratégique due à une très bonne desserte der croissance et qualité urbaine: avec un développement par voie autoroutière et ferroviaire à grande vitesse, les vers l’intérieur avec d’attrayantes zones résidentielles communes du Jura peinent à se développer comme choix plutôt que vers l’extérieur, une culture du bâti de qualité résidentiel. Le territoire entre les métropoles et les villes

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linéaires situées le long du pied sud du Jura reste une région qui correspond peu aux mégatrends. Avec ses paysages attrayants, l’Arc jurassien devient l’espace de ressourcement de proximité du Plateau. La condition sine qua non est cependant la coordination du développement territorial au-delà des frontières cantonales et de la fragmentation des structures institutionnelles. Les régions préalpines profitent d’une bonne accessibilité à partir des grands centres du Plateau et d’une baisse d’engouement pour des sites traditionnellement prisés – Obwald et le pays de Glaris en sont des exemples. Comme dans le Jura, la proportion de maisons individuelles prédomine encore largement dans le paysage. La question sur le sens qu’auraient des formes d’habitat urbain dans un espace rural n’a pas encore trouvé de réponse. L’Entlebuch et l’Emmental, le Toggenburg et le pays d’Appenzell sont devenus des lieux d’habitation éloignés et des espaces ouverts pour les régions urbaines voisines denses. La renaissance de la nature sauvage dans les Alpes Les territoires alpins constituent le quatrième type de territoire: en font partie les cantons d’Uri, d’Obwald, de Nidwald, de Glaris, des Grisons et du Valais et des parties des cantons du Tessin, de Berne et de Vaud. La superficie de ces cantons correspond à près de 50 % de la Suisse. Mais en 2014, seuls 12 % de la population suisse vivaient dans les cantons à l’intérieur des Alpes – en 2040, ils ne seront plus que 8 %. L’intégration sociale des territoires alpins dans la Suisse de l’abondance a été un incontestable succès de la politique territoriale suisse du 20e siècle. Mais la hausse des disparités entre les vallées périphériques et les régions à forte croissance dans les fonds de vallées va progresser. C’est ainsi qu’une ville linéaire trinationale aura vu le jour en 2040 entre Domat /Ems GR et le lac de Constance. Dans la vallée inférieure de la Reuss, un nouveau centre urbain se développe autour d’Alt­dorf dans le canton d’Uri ; dans le Valais, les deux villes alpines de BrigueViège et Sierre-Sion restructurées dans le cadre de la troisième correction du Rhône feront davantage ressortir la spécificité du canton. Au Tessin, l’attractivité des trois villes Bellinzone-Lugano-Locarno en passant par Biasca se fait sentir jusque dans les vallées alpines. Les inconvénients de la ville linéaire – la densité plus faible, l’absence de cœur de ville et de structures économiques denses de type cluster – parviendront à être compensés par de grands efforts urbanistiques. La numérisation et le fait connexe que les distances perdent de l’importance ouvrent des perspectives aux zones périphériques de repli. Suite au changement climatique, il convient aussi de noter le rôle croissant des communes montagnardes comme lieux de repli ou de villégiature pendant les mois d’été. On assiste à une renaissance du village dont la condition reste néanmoins un transfert substantiel de connaissances et de capital social et matériel. Et ce dont on a besoin, ce sont surtout des femmes et des hommes qui s’impliquent, qui identifient les marges de manœuvre et qui en font quelque chose. L’accent doit être mis sur la péréquation financière intercantonale et aussi au sein des cantons alpins. Et pourtant: certaines régions dans le pays d’Uri, au Tessin et dans les Grisons deviendront – également à cause des conséquences climatiques – des zones sauvages hantées par l’esprit des forêts, au paysage culturel envahi par les broussailles, devenues le terrain de chasse du loup, de l’ours, du lynx et du chevreuil sous le regard scrutateur du grand-duc.

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Le logement pour la Suisse des dix millions d’habitants Selon le scénario de référence de l’Office fédéral de la statistique ( OFS ), en 2040 la population suisse aura franchi le cap des 10 millions, ce qui va de pair avec une augmentation de la demande en logements. Que cela signifie-t-il pour la politique du logement? Je plaide pour que la politique du logement commence par elle-même. Elle doit se demander comment elle peut contribuer à un développement urbain durable et largement accepté. Je défends les cinq thèses suivantes: – 1. Des logements abordables: pour de nombreuses personnes, le logement est et reste l’un des principaux postes du budget du ménage. 15,5 % des ménages doivent dépenser plus de 30 % de leurs revenus pour le logement. La disponibilité de logements abordables reste un objectif essentiel de la politique du logement en Suisse, d’autant plus que la proportion de logements à loyers modérés dans l’offre de logement globale est plutôt en régression. – 2. La dimension identitaire de l’habitat: Les gens habitent là où ils se sentent chez eux. À l’ère de la mondialisation, beaucoup de gens recherchent un environnement qui leur procure un sentiment d’identité et de sécurité. C’est ce qu’ils créent chez eux dans leur logement. Par contre, ce sont les architectes, les urbanistes et les planificateurs communaux qui en sont responsables au niveau de l’aménagement des espaces extérieurs et des bâtiments. Ceci inclue également la création de conditions cadres appropriées et des processus participatifs. – 3. Un habitat axé sur le quartier: Le logement ne s’arrête pas à la porte de l’appartement. Les environs immédiats et un peu plus lointains font également partie de l’environnement résidentiel de qualité, c’est-à-dire où l’on a accès à pied ou à vélo aux produits de première nécessité, à des lieux et des espaces de rencontre. L’importance croissante du télétravail rend les possibilités de restauration – fixes et mobiles – également primordiales. Le quartier devient espace de vie et de rencontre. – 4. Un habitat flexible: Différents modes de vie caractérisent plus que jamais la société, également en raison de l’évolution démographique et de la migration. Les formes d’habitat sont censées conjuguer individualité et sentiment d’appartenance. Le travail et l’habitat sont à la recherche d’un nouvel équilibre. Les besoins en logement diffèrent dans chaque phase de vie. Ces constatations entraînent l’analyse des plans des appartements actuels, la recherche de formes d’habitat flexibles et de champs d’expérimentation. – 5. Un habitat respectueux du climat: Le changement climatique reste l’un des plus grands défis. Malgré des progrès indéniables, environ un quart des émissions de CO2 proviennent des bâtiments. L’objectif d’un approvisionnement basé sur les énergies renouvelables reste la priorité essentielle. À cela s’ajoute la gestion des périodes caniculaires: les quartiers résidentiels doivent être planifiés pour pouvoir être bien aérés et avoir suffisamment d’espaces verts et d’arbres. Martin Tschirren, directeur de l’Office fédéral du logement ( OFL)

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Maison communautaire

La maison communautaire Ste-Ursule qui comporte dix appartements pour des gens de différentes situations est située sur une prairie à la lisière de Brigue. Elle se distingue nettement des blocs monotones qui l’entourent. Un escalier et deux murs latéraux en béton maintiennent la maison de bois debout et la consolident. Le plan avec des cages d’escalier ouvertes, de grands couloirs, une buanderie commune et une salle communautaire dans les combles est axée sur les relations, les équilibres et les rencontres, la beauté de l’aménagement intérieur, le jardin, les cuisines spacieuses et les grands couloirs dans les appartements offrent une alternative au logement dans une maison individuelle. Il fallait un parc de voitures, la plupart du temps il est vide. Par contre, de nombreux vélos sont stationnés à l’extérieur. Les sœurs de Ste-Ursule ont investi dans ce projet une partie de l’argent qu’elles ont gagné avec la vente de leurs écoles au canton du Valais. Leur objectif, ce ne sont pas les rendements mais la création de beaux espaces de logement à prix abordable. En voici les valeurs d’avenir: plans axés sur la communauté et le voisinage, logement locatif comme alternative au logement en maison individuelle ou en logement en copropriété qui dominent au Valais, qualité artisanale élevée, loyer basé sur les coûts et l’utilisation. Grands espaces extérieurs communs. Maison communautaire Ste Ursule, 2019 Riedbachstrasse 26, Brigue Maître d’ouvrage:  Sœurs de Ste-Ursule, Brigue Architecture:  Walliser Architekten, Brig ; Architekturbüro Sona, Porto / PT ; Leentje Walliser Ingénieurs construction bois:  Makiol Wiederkehr, Beinwil am See AG Investissement:  5,6 millions de francs

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Immeuble coopératif

C’est à Noël en 2017 que les coopératives Équilibre et Luciole ont pu inaugurer leur grand immeuble d’habitation à Genève Servette, une réalisation du projet Soubeyran. Un bloc d’habitation composé de 38 appartements pour plus de 120 personnes, des locaux commerciaux au rezde-chaussée, une salle commune, une buanderie collective, des chambres d’amis, des chambres indépendantes qui peuvent être louées individuellement, une terrasse sur le toit pour tous et 160 places de stationnement de vélos mais seulement quelques places pour les voitures dans un parking obligatoire qui est devenu un bâtiment à usage professionnel. Cette construction répond aux normes de Très Haute Performance Énergétique (THPE) du canton de Genève. Une particularité est le remplissage et l’isolation de la façade avec des caissons remplis de paille, une autre la part importante de contribution personnelle des habitants. Les balcons devant les pièces de séjour de la façade sud sont placés en quinconce sur une rue interieure qui relie tous les appartements de chaque étage. Les liaisons internes sont, elles aussi, conçues avec des couloirs et des endroits pour les rencontres et les échanges. En voici les valeurs d’avenir: renaissance du mouvement coopératif, frais de logement bas, minimisation de la surface habitable par personne, haute densité des contacts sociaux, représentée sur le plan conçu en commun par les architectes et les habitants, autoconstruction comme facteur de diminution des coûts de construction. Le lien social et culturel de l’immeuble d’habitation avec le quartier et l’histoire des coopératives d’habitation de Genève est primordial.  Projet Soubeyran, 2017 7 rue Soubeyran, Genève Maître d’ouvrage:  Coopérative Équilibre, Coopérative Luciole, Genève Architecture:  Atba architecture + énergie, Genève, Stéphane Fuchs Investissement:  15,8 millions de francs

1  Maison communautaire Ste Ursule, rez-de-chaussée.

2  Projet Soubeyran à Genève, rez-de-chaussée.

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1  Les sœurs de Ste-Ursule à Brigue ont construit avec vue sur la communauté et le voisinage.

2  Le projet Soubeyran des coopératives Équilibre et Luciole à Genèvre-Servette a réalisé un immeuble pour 120 personnes. Cahier thématique de Hochparterre, mars 2021 —  Se loger dans la Suisse à 10 millions — Des projets porteurs d’avenir

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Biens communs, paysage, propriété et participation Les réponses de planificat eurs et des politicien s aux mégatrends de l’avenir du logement sont les biens ­communs et le paysage. Reste à savoir à qui appartient le sol.

Des laboratoires dans la Suisse rurale

La construction de logements n’est pas un sujet

« D es atouts pour l’avenir ? La plupart des gens peuvent choisir où et comment ils vivent et travaillent et de combien de mobilité ils veulent bénéficier pour cela. Le canton de Thurgovie saisit l’opportunité pour se définir comme lieu de résidence. Les mutations actuelles dues à la pandémie engendrent une disposition à repenser ensemble de manière ouverte les répartitions de fonctions et de rôles jusqu’aux représentations sociales. La priorité est d’aménager notre espace de vie pour qu’il soit durable et adapté de manière idéale et d’égal à égal avec l’espace métropolitain de Zurich. Les investisseurs qui s’intéressent à la qualité recherchent désormais des endroits pour de nouveaux modes d’habitat et styles de vie dans de plus petits centres. En association entre le canton et les communes, nous incitons non seulement à mener des planifications tests qui intègrent les connaissances acquises à partir des mégatrends et à vouloir ainsi inventer l’avenir de l’habitat. Mais nous nous engageons aussi pour qu’elles soient suivies par la réalisation de la construction – comme enveloppe pour des combinaisons d’usages durables à différentes échelles à différents endroits. »  Andrea Näf-Clasen est

« Lorsque nous parlons de durabilité, de viabilité future et de technologie, l’accent est globalement mis sur notre action dans et pour le domaine de la construction de logements: en fait, que faisons-nous, comment organisons-­ nous notre vie ? La Suisse devient une bulle. À l’arrière-plan, des banques créent de la richesse dont nous ne voulons pas connaître les sources en détail, les frères Freitag construisent une usine qui recycle des bâches en PVC, à Bâle il y a l’industrie chimique et sur le Plateau l’une ou l’autre entreprise hautement spécialisée en technique électrique ou mécanique. Nous sommes actifs dans le monde du design et de la conception, nous créons, nous ouvrons des restaurants branchés, nous sommes incroyablement créatifs et critiques. Et le tout avec un budget carbone largement dépassé par rapport à celui qui nous est dû et en ignorant tout à fait les conditions de vie du reste du monde. Nous ne pouvons quand même pas multiplier par trois les surfaces habitables, construire des cinémas multiplexes et des centres commerciaux sans nous poser la question de la contrepartie, de la valeur. Sans doute que ça fait longtemps qu’elle n’est plus créée dans l’échange commercial de produits mais au contraire qu’elle fait gonfler chaque année les bilans avec des valeurs immatérielles, en particulier avec une inflation des prix du foncier. C’est pourquoi, j’en appelle à vous: arrêtez de parler de construction de logements ! Les plans élaborés pour la construction de logements en Suisse sont peaufinés à un niveau unique au monde. Ils prennent déjà compte de quelques réflexions sur l’évolution démographique, l’économie du partage, les biens communs et le nouvel esprit communautaire dont d’autres pourront tirer quelques leçons. Maintenant la question décisive est de savoir pourquoi et dans quel but nous avons un logement et à quoi cela nous sert-il? Que faisons-nous en l’espace d’une vie, comment nous acquittons-nous de nos dettes coloniales et d’exploitation et quelle est notre contribution aux technologies durables? Mon espoir: en reparlant en Suisse de la recherche et de la production matérielle qui doit être numérisée et hautement spécialisée mais aussi en relocalisant des choses aussi banales que l’artisanat et l’agriculture, nous retrouverons aussi un respect mutuel au-­ delà des fossés socio-spatiaux, nous pourrons qualifier et apprécier la valeur de la ‹ S uisse de l’utilitaire ›, peu aimée, comme partie intégrante du pays et métamorphoser notre prospérité en une humilité porteuse d’avenir.»

aménagiste cantonale en Thurgovie.

Améliorons les processus « L’aménagement du territoire n’a pas grand-chose à dire sur l’avenir du logement. Au plan communal, il ne dispose d’aucun instrument efficace pour répondre aux méga­ trends, à part celui d’exercer sa force de persuasion en douceur. Il incombe aux promoteurs publics et privés de réagir avec leurs projets. L’aménagement du territoire peut définir un cadre avec des instruments stratégiques comme les plans directeurs communaux. Des prescriptions d’ordre urbanistique peuvent contribuer à promouvoir la qualité de l’habitat. Mais une amélioration des processus de planification s’impose. Jusqu’ici, la demande en logements a été solutionnée en périphérie des villes. Avec la première étape de la révision de la Loi sur l’aménagement du territoire ( LAT1 ), l’avenir de l’habitat est associé au développement vers l’intérieur. Ceci augmente non seulement le travail de coordination mais encore les conflits et les recours. Les projets n’avancent qu’avec la coopération des propriétaires fonciers et la participation de la population. Une tâche essentielle de l’aménagement du territoire est de les y inciter. Mais une politique du logement est également nécessaire. Et cela signifie une politique foncière qui assure suffisamment d’offre de sol aux pouvoirs publics avec des droits de préemption. »  Frank

Andreas Hofer est architecte et dirige le Salon international de la construction IBA ’27 Stuttgart.

Argast dirige le développement et l’aménagement du territoire à l’Office des constructions de la ville de Zurich et préside la Fédération suisse des urbanistes ( FSU ).

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Où est donc passé l’urbanisme ?

Le levier, c’est la propriété

« La population suisse devrait continuer à croître dans les prochaines années de 18 %. Nous voulons y répondre avec la densification vers l’intérieur. Mais l’État laisse aux promoteurs immobiliers dans une large mesure le soin de choisir la manière d’y parvenir. Ils décident s’ils procèdent à la densification avec des procédures risquées sur le plan politique ou s’ils préfèrent plutôt réaliser leurs projets selon la réglementation des constructions normalisées. Leur compétence en matière de planification s’étend jusqu’aux limites des parcelles si bien que derrière les limites beaucoup de choses sont laissées au hasard. Des centres animés ne voient pas le jour, pas plus que des espaces publics utiles et de qualité. Mais ces deux éléments sont la clé d’un urbanisme de quali­ té. Au lieu d’augmenter les indices d’utilisation du sol dans tout le pays, il faut que l’urbanisme reprenne enfin le dessus. C’est la tâche des pouvoirs publics et de procédures d’instances supérieures dans lesquelles une pesée d’intérêts finale a lieu. Nous qui construisons attendons pour cela davantage de sécurité juridique et en matière de planification, davantage de marge de manœuvre dans la parcelle et un aménagement du territoire doté d’une expertise en urbanisme, ce qui va bien au-delà d’une pesée d’intérêts effectuée avec brio. C’est également ainsi que nous pouvons argumenter face aux doutes de nombreuses personnes quant à la densification qui doit désormais se faire partout. Cela leur fait peur et bloque complètement toute marge de manœuvre. Par contre, les réponses aux mégatrends et à la construction de l’habitat d’avenir, je les attends des promoteurs et moins des responsables de l’aménagement du territoire. Il y a toujours des exceptions mais le secteur immobilier a prouvé sa capacité à répondre à l’évolution des besoins et à des exigences comme, par exemple, la gestion raisonnable de l’énergie. »  Balz Halter est président du conseil d’administration

« L’habitat est étroitement lié à la stabilité, même à l’avenir. La densification entraîne souvent des expulsions parce que vivre sur un terrain nouvellement construit devient plus cher. Bien évidemment que les gens s’y opposent. La densification ne peut réussir que si des règles contraignantes s’appliquent pour qu’ils ne se sentent pas privés de leur sentiment de sécurité et d’appartenance spatiale. Les coopératives montrent comment faire: leurs membres participent largement aux décisions pour les projets de nouvelles constructions. Ils ont la garantie que les logements sont abordables grâce au loyer fixé sur la base des coûts et que les locataires peuvent déménager avant une démolition. Un autre problème qui se pose est celui des maisons individuelles et des grands appartements. Leur usage s’avère insuffisant lorsque les gens vieillissent et les enfants sont partis. Les coopératives connaissent des processus bien rodés pour utiliser l’espace habitable de manière judicieuse, pour éviter la sous-occupation et pour que les gens aient tout de même des garanties. Les responsables de l’aménagement du territoire et d’autres politiciens qui gèrent l’habitat doivent reprendre à leur compte ces acquis s’ils veulent être capables de faire face à l’avenir. Et finalement nous ne voulons pas oublier le levier le plus puissant: la question du sol et de la propriété. Cela fait une grande différence si le sol relève de la propriété publique ou privée. »  Karin Schulte est présidente de la coo-

de la société Halter, l’une des principales sociétés immobilières et de construction en Suisse.

Un canton de maisons individuelles « La révision du plan directeur de 2015 a fixé 21 thèmes prioritaires concernant l’habitat dans le canton d’Argovie. La croissance doit y trouver sa place de manière concentrée. De plus, le plan directeur prescrit des valeurs de densité, et non pas des densités cibles, pour les zones à bâtir existantes. Les communes doivent démontrer qu’elles peuvent les atteindre d’ici 2040. C’est ainsi que la politique du logement sera coordonnée avec l’aménagement du territoire. Les communes peuvent orienter l’évolution de l’habitat. Le fait qu’elles le fassent ou non dépend de la volonté politique. Elles sont libres de gérer l’habitat aussi avec la politique foncière. L’une ou l’autre a remarqué qu’elle peut aussi se comporter, et justement aménager, tout à fait différemment en tant que propriétaire foncière. Le canton ne fait aucune prescription, il a lui-même pratiquement aucune réserve de terrains à usage d’habitation. Actuellement, il n’est pas question d’intégrer la croissance dans de nouveaux grands ensembles. En tant que véritable canton de maisons individuelles – un pavillon sur dix se trouve en Argovie – nous discutons avec les communes pour savoir comment on pourrait augmenter la densité d’occupation. On peut y parvenir en offrant aux personnes âgées des appartements attractifs et abordables près de leur lieu de résidence initial. Les limites des instruments d’aménagement du territoire sont ainsi atteintes. »  Daniel

pérative d’habitation familiale d’utilité publique ( FGZ ) de Zurich.

Prescrire la diversité des usages « C’est le mégatrend du changement climatique qui marquera le plus l’habitat urbain. Les fortes chaleurs vont nous mettre à rude épreuve. Le changement se fait rapidement, des mesures d’envergure sont nécessaires à court terme, ou plutôt seraient nécessaires. Car l’aménagement du territoire recherche des solutions avec une balance et une pesée des intérêts, ce qui est lent et compliqué. Un acquis de l’aménagement du territoire également pour l’habitat à l’avenir est qu’il y a maintenant un consensus à caractère contraignant qui s’applique de la Confédération jusqu’aux communes: le développement urbain est limité. Le canton de Zurich n’a accordé pratiquement aucun mètre carré de nouvelle zone à bâtir. La pression due aux divers usages n’est pas seulement dirigée vers l’intérieur mais aussi vers le paysage. Nous sommes encore loin des mêmes règlements contraignants pour tout le pays concernant ces zones de non-bâtir. Pour la densification, les plans de zone sont devenus obsolètes. Ils définissent ce qui est possible sur les parcelles mais il leur manque la grande échelle et une idée urbanistique. Et les plans d’aménagement établis à la suite les uns des autres ne sont pas non plus un tout cohérent – pour penser et planifier dans des paysages, l’aménagement du territoire manque d’expériences et d’instruments. Comme réponse aux mégatrends, il est bon de promouvoir la diversité des espaces et des usages, c’est-à-dire que les surfaces urbanisées ne doivent pas être systématiquement densifiées de la même manière. Densifier, c’est plus qu’entasser des logements sur une surface. Pour atteindre une diversité des usages, il faut des affectations plus contraignantes et des principes directeurs d’urbanisme. »  Wilhelm Natrup est aménagiste cantonal de Zurich.

Kolb est aménagiste cantonal en Argovie.

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Oublions la règle à calcul

Apprendre à densifier

« L’une des régions les plus dynamiques de Suisse se situe entre Olten et Oensingen. Les changements prévisibles d’ordre social, économique et écologique frappent ici une région qui ne cesse déjà d’évoluer quoi qu’il en soit depuis des décennies. La ‹ chaîne de villes attrayantes ›, citée par des experts de la Confédération pour décharger les grands centres urbains voisins de Zurich, Bâle et Berne est-elle en train de devenir réalité dans la Suisse des dix millions d’habitants ? En premier lieu, il convient de noter que l’aménagement du territoire n’est pas une science exacte. C’est pourquoi, oublions la règle à calcul, place aux joies de l’expérimentation ! Les responsables de l’aménagement du territoire sont priés d’y regarder de plus près. Ils sont priés d’écouter attentivement quels sont les besoins de la population et des travailleurs et les considérer comme étant ‹ de grande qualité ›. Et ils sont priés de soutenir activement les communes en tant que niveau étatique en charge de l’aménagement du territoire pour qu’elles trouvent leur orientation sur la voie de l’avenir. Et la Confédération ? Elle est invitée à poser ses cartes de transport sur la table. Car les transports continuent à être un élément central de l’aménagement du territoire. »  Sacha

« S’il y a de cela des années presque personne ne venait à une réunion qui traitait de l’aménagement du territoire, elles sont maintenant très fréquentées. Les gens se préoccupent de l’avenir de l’habitat. Mais dans la planification, le bâtiment individuel a bien trop d’importance par rapport à la décision stratégique au-delà des limites de la parcelle. De plus, la densité est pour beaucoup de gens un mot qui fait peur. En revanche, les villes anciennes affichent des indices d’utilisation du sol record et des prix élevés y sont payés en raison d’une perception subjective de qualité urbaine. La question est de savoir comment parvenir à transposer la qualité de la densité urbaine aussi à des zones de constructions nouvelles ? C’est là qu’actuellement l’aménagement du territoire a trop peu à proposer. Si nous ne prenons pas garde, la densification renforce la pression sur les zones de non-­ bâtir. Dans le canton de Fribourg, dans les années 2000 à 2015, environ 15 pour-cent de la forte croissance de population ont été enregistrés hors de la zone à bâtir. Cela n’entraîne pas seulement des dégâts au paysage. Nous produisons d’énormes frais induits pour la desserte en plus du fait que chaque appartement installé dans une étable implique trois autos. C’est une contradiction avec l’urgence de la lutte contre le changement climatique. Les instruments de contrôle dont nous disposons ne sont pas suffisants. Au lieu de cela, nous avons dépensé des milliards pour développer les infrastructures des transports publics sans améliorer la répartition modale. Une politique des transports visionnaire comme le doublement de la part des transports publics d’ici 2050 exigé par la Confédération commence avec une concentration de l’habitat et du travail axée sur une qualité de vie élevée – sinon, nous investissons pour des infrastructures de transports peu utiles ».  En tant que Conseiller d’État du canton de Fribourg,

Peter est aménagiste cantonal de Soleure.

L’importance des espaces ouverts « Lorsque nous parlons de l’avenir de l’habitat, des postulats comme ‹ abordable › ou ‹ adapté aux personnes âgées › sont incontestablement nécessaires. Mais dans l’aménagement du territoire, nous devons surtout mieux combiner le besoin de paysage qu’a la population avec le développement urbain. Si nous ne le faisons pas, nous ne pourrons pas réaliser de concepts d’aménagement de grande envergure pour quelque habitat futur que ce soit. Le canton de Zoug a déjà acquis des expériences dans la matière: une planification territoriale, bien que résultat d’un concours d’architecture, a été rejetée dans les urnes. Sur ce, on a tout d’abord fixé les structures de base du nouveau quartier avec la population: aménagement de lieux de rencontre, préservation et création d’espaces verts. C’est sur cette base qu’a lieu désormais le développement des différentes parcelles. La modification du plan de zone qui devint nécessaire passa sans problèmes lors de la seconde tentative. Le paysage, cela veut dire que nous pensons et planifions dans la globalité. Et surtout que les espaces ouverts peuvent être qualifiés et aménagés pour un usage collectif. Les ‹ biens communs › de forme contemporaine en sont une approche passionnante. Mais l’importance croissante du paysage entre en collision avec le mégatrend de l’individualisation – le paysage en tant que bien commun en est bien son contraire. Je ne sais pas comment l’aménagement du territoire doit résoudre cette contradiction. Mais ce que je sais, c’est que l’aménagement du territoire sous-estime l’importance des espaces ouverts et du paysage. S’il veut atténuer les conséquences du changement climatique, il doit faire en sorte qu’un nombre suffisant de grands arbres puissent grandir dans les lotissements. Ce ne sera bientôt plus possible en raison de l’exploitation toujours plus intensive du sous-sol. »  Martina Brennecke est aménagiste cantonale suppléante à Zoug.

Jean-François Steier est responsable de l’aménagement du territoire et est président d’EspaceSuisse.

Agenda Espace Suisse 2040 Les postulats et les pistes de réflexion des aménagistes, des investisseurs et des politiciens le prouvent: l’aména­ gement du territoire ne devrait pas ­seulement se préoccuper de l’utilisation mesurée du sol mais il doit également mettre en place une gestion territoriale intelligente, rechercher la coopération avec le secteur de l’immobilier, celui de l’architecture et les Offices du logement et anticiper la croissance ainsi que la transformation du monde du ­logement et du travail. Pour ce faire, on a besoin de ‹ l’agenda Espace Suisse 2040 ›. Chère lectrice, cher lecteur, Hochparterre crée cet agenda et vous invite à y contribuer. Le débat sera ouvert en ligne lors de la parution de ce cahier. www.hochparterre.ch

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Immeuble – coursive – jardin: Projet Soubeyran des Coopératives Équilibre et Luciole à Genève-Servette voir page 12. Cahier thématique de Hochparterre, mars 2021 —  Se loger dans la Suisse à 10 millions — Biens communs, participation, paysage et propriété

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Quartier

L’habitat du futur s’installe à grande échelle dans le no man’s land des agglomérations. Les géants du placement immobilier comme Patri­ monium qui investissent l’argent de douzaines de caisses de pension le font en s’appuyant sur les acquis de pionniers de la technologie, de l’habitat et de l’architecture: diversité des uti­ lisations, esprit de communauté, plans peaufi­ nés, jardins avec des arbres à haute tige et ins­ tallations solaires sur les toits qui fournissent une partie de l’énergie consommée par le quar­ tier. Les sept immeubles de quatre étages re­ groupés autour et en trois îlots paysagers sont à échelle humaine. Les espaces extérieurs sont spacieux avec un parc, cinq restaurants, des ma­ gasins, un centre de quartier avec bibliothèque ; un bâtiment communautaire relie le lotissement au grand quartier en devenir. Oassis, résultat d’un concours, a été réalisé sur une friche industrielle de Coop à Lausanne Ouest, l’une des zones de développement les plus ambitieuses de Suisse: 454 appartements en location et 56 apparte­ ments en PPE, 100 logements protégés, des bu­ reaux, des commerces, un centre médical, une crèche. Ce quartier propice à la mixité sociale ac­ cueillera 2500 personnes et sera relié par une ligne de bus Express au centre de Lausanne. En voici les valeurs d’avenir: haute densité à grande échelle dans un environnement paysa­ ger diversifié – jardins, espaces intermédiaires et de passage, sur une ancienne friche indus­ trielle ; diversité des utilisations ; optimisation de la mise en œuvre de technologie productrice et économe en énergie ; coopération de maîtrise d’ouvrage de la commune avec un géant de l’im­ mobilier. On se plaît à s’imaginer qu’Oassis se­ rait construit en bois.

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Immeuble communal

Depuis 2012, Auvernier fait partie de la commune de Milvignes dans l’agglomération de Neuchâtel. Ses caractéristiques: excellente situation au bord du lac, lieu résidentiel des classes moyennes avec de nombreuses grandes maisons indivi­ duelles. C’est le bureau d’architectes frundgalli­ na qui remporta le concours pour un immeuble d’habitation communal de dix appartements, une salle communautaire et une crèche. Les archi­ tectes ont structuré leur réalisation en une petite tour à l’esthétique très prononcée, la crèche oc­ cupe le socle, la salle communautaire se trouve dans un petit local indépendant juste à côté. Ils ont ainsi gagné un grand jardin comme espace ouvert. Ils négocièrent l’éloignement des places de parking obligatoires si bien que les voitures peuvent maintenant être garées sur quelques emplacements de surface. En voici les valeurs d’avenir: commune en tant que maître d’ouvrage, logements pour des personnes âgées qui trouvent une ­alternative at­ trayante à l’habitat en maison individuelle dans l’environnement qui leur est familier, mixité d’usage public et privé, architecture axée sur le paysage et le jardin, diminution du nombre de voitures grâce à la renonciation aux places de stationnement et grâce à la proximité immédiate de la station de tram et de bus. Immeuble d’habitation ‹ Maison, murs, cour et jardin ›, 2017 Auvernier / Milvignes NE Maîtres d’ouvrage:  commune d’Auvernier / Milvignes Architecture:  frundgallina, Neuchâtel Investissement:  5,6 millions de francs

Quartier Oassis, 2020 Chemin des Lentillières, Crissier VD Maîtres d’ouvrage:  Patrimonium / commune de Crissier Architecture:  Bauart Architectes et Urbanistes, Berne / Neuchâtel / Zurich ; KCAP, Rotterdam / Zurich Investissement:  env. 200 millions de francs

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3  Quartier Oassis de ­Crissier: situation

4  Immeuble d’habitation à Auvernier, Rez-dechaussée: Garage à vélos 1, maison communautaire 2, maison d’habitation 3 et crèche 4

3  Étage standard de la plus grande des cinq unités d’Oassis

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3  Quartier Oassis de Crissier: un équilibre harmonieux entre les immeubles, les espaces extérieurs et intermédiaires.

4  L’immeuble d’Auvernier combine un espace de vie pour les personnes âgées avec une crèche. Cahier thématique de Hochparterre, mars 2021 —  Se loger dans la Suisse à 10 millions — Des projets porteurs d’avenir

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Heidi n’aime pas la ville Au cours des siècles derniers, l’aménagement du territoire a assuré la gestion du logements avec plusieurs espoirs – de Heidi jusqu’au plan d’affectation spécial. Texte: Martina Schretzenmayr

Les Suisses vivent-ils dans les grandes villes ? Non ! En ville, Heidi tombe malade. Même l’amie de Heidi, Clara, élevée en ville, ne réapprend à marcher que lorsqu’elle lui rend visite sur son alpage dans les montagnes. Le message est clair: la ville est mauvaise, la campagne est bonne. Les objectifs de l’aménagement national suisse sont étroitement liés à Heidi: empêcher la croissance des grands centres urbains, protéger le paysage. Il n’est en fait pas surprenant que la notion de ville n’apparaît dans la Constitution suisse qu’en l’an 2000. L’espoir de la Suisse pavillonnaire Dans les années 30, Armin Meili, pionnier de l’aménagement du territoire, directeur de la Landi 39 et conseiller national, propage le concept de la « grande ville suisse largement décentralisée ». L’habitat devrait se faire dans des unités d’habitation de taille raisonnable séparées par des espaces verts. La revue de l’Association suisse pour l’aménagement national ( VLP-ASPAN ), fondée en 1943, relève dès son second numéro: « Dans l’Antiquité, le développement des quatre cités cosmopolites de Babylone, Athènes, Carthage et Rome, entre autres, nous enseigne quel destin est réservé aux complexes urbains surdimensionnés ». Il s’ensuivit l’exigence « de réguler la croissance démesurée fatidique des villes par l’autonomisation visible des villes satellites ». Le chemin de Babylone vers Sodome et Gomorrhe n’est pas loin ; il passe par la caserne locative dont on associe la misère du logement au risque d’épidémies, à la débauche et à la crainte des troubles sociaux. Dès 1894, le Journal illustré des artisans suisses s’emporte contre « l’activité de construction effrénée qui défigure la ville de Zurich  »: « D es parties de la ville  … souffrent considérablement dans de misérables casernes locatives dans le style de celles de Berlin. À cet égard, une révision de la loi sur les constructions s’impose absolument ». En Suisse, on assiste également, au milieu des années 90, à la lutte pour « la lumière, l’air et le soleil » et contre les cités-casernes en rapport avec la spéculation foncière et la course impitoyable au rendement. C’est l’époque à laquelle Ebenezer Howard a publié son livre Garden Cities of Tomorrow ( 1898 ) dans lequel il propose la construction de cités-jardins à échelle humaine. Ce livre qui est paru en 1907 en allemand incite à penser différemment le rapport entre villes et campagnes. Howard considérait la mai-

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son individuelle et son jardin comme l’unité de base de sa cité-­jardin. C’est cette idée de base que reprend la première coopérative suisse, le Freidorf de Muttenz qui a été construit près de Bâle en 1921 et qui comprend 150 maisons individuelles mitoyennes. Alexander Isler, conseiller municipal de Winterthour et créateur du premier règlement communal suisse sur les constructions et les zones, appelle à s’engager dans la lutte contre les cités-casernes: « En désignant la maison individuelle comme idéal du logement urbain ( … ), nous voulons fondamentalement constater que non pas la superposition mais au contraire la juxtaposition de l’habitat est la forme de logement à laquelle on devrait aspirer partout où cela est encore possible » ( 1903 ). Et après les années de famine de la première guerre mondiale, Hans Bernhard organise, avec son concept de colonisation intérieure, non seulement « l’agriculture  industrielle » mais encore se consacre également aux questions d’urbanisation. En 1920, il rédige une ébauche de loi d’urbanisation, exige un plan national d’urbanisation et promeut l’implantation de petites exploitations non agricoles ainsi que le transfert de population citadine et industrielle pour décentraliser la croissance à l’écart des grandes localités. En 1949, après la seconde guerre mondiale et la lutte pour l’extension des surfaces cultivées préparée par la colonisation intérieure de Hans Bernhard, parut le livre ‹ Städte, wie wir sie wünschen › ( L es villes telles que nous les souhaitons ). D’après celui-ci, les villes sont caractérisées par une concentration désordonnée et il faudrait les réorienter en une décentralisation ordonnée avec des centres régionaux. Les propositions présentées pour les grandes zones urbaines de Suisse partent du postulat de la maison familiale pour tous. L’idée développée est que la maison individuelle avec un jardin est, pour les villes comme nous les souhaitons, « la forme d’habitat correcte du point de vue personnel et social ». En bref – le postulat de l’habitat était et reste: la Suisse pavillonnaire, décentralisée ! L’espoir de promoteurs de l’aménagement Le miracle économique d’après-guerre n’aurait pas eu lieu sans la pénurie de logements. Ces deux facteurs ont donné suite à un impressionnant boom de la construction. Dans la seconde moitié des années 50, on mise dans le canton de Zurich sur l’idée des centres régionaux – avec une ville de l’Oberland autour de Wetzikon et une ville de l’Unterland autour de Bülach. L’idée est de canaliser la croissance en l’éloignant de Zurich. Mais le Conseil d’État prend ses distances de ce concept et c’est l’échec

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des centres régionaux. En raison de la forte demande en logements, les promoteurs du secteur de la construction prennent désormais eux-mêmes les choses en main et créent un espace de fait: le Glatttal prend la place de la ville de montagne. En 1965, le Conseil fédéral réagit pour éviter à l’avenir des incidents de politique de planification et nomme l’entrepreneur Fritz Berger comme délégué à la construction de logements. La mission de Berger est dès lors d’assurer un nombre suffisant de logements de bonne qualité et à un coût abordable au bon endroit. Pour les construire « au bon endroit », Berger a besoin de l’aménagement du territoire et charge l’ETH d’élaborer des schémas directeurs d’aménagement régional qui disent au secteur privé où la planification officielle voudrait avoir des logements. Mais la Confédération n’a pas compté avec les cantons: l’essence des schémas directeurs d’aménagement régional disparaît en 1973 au fond d’un tiroir sous l’étiquette ‹ planification centralisatrice ›. Par contre, les ‹ Grandes lignes de l’organisation du territoire suisse › ( 1996 ) connaîtront plus de succès. Elles misent sur la mise en réseau de villes fortes. Adieu, Heidi ! L’espoir du plan de zone À l’époque des mutations mouvementées et de la frénésie de la construction après la seconde guerre mondiale, ‹ l’alpha et l’oméga des droits de superficie existants ›, donc les alignements, les distances entre bâtiments et les hauteurs de bâtiments ne suffisent plus. Une planification locale exige bien plus que des prescriptions de protection incendie et d’hygiène de l’habitat. Dans les communes, il faut des règlements de construction – et des plans de zone. C’est avec eux que nous fonctionnons jusqu’à nos jours. Posons donc la question culte de Ricola: qui l’a inventé ? Dans ce cas-ci, ce ne sont pas les Suisses. L’idée du règlement de zonage a vu le jour en 1891 à Francfort sur le Main et s’est rapidement révélée être un produit d’exportation phare. En Bavière, la ville de Munich adopte en 1904 le plan de densité échelonnée de Theodor Fischer, les américains reprennent le ‹ zoning › de Francfort pour la première fois en 1908 à Los Angeles ; en 1909, la Suisse suit avec Winterthour. En 1903, le Conseiller municipal de Winterthour, Alexander Isler, s’était engagé, dans ses thèses présentées lors de la Journée des villes suisses à Bâle, pour le nouvel instrument de planification en se référant explicitement au règlement de zonage de Francfort. Selon ses analyses, ce nouvel instrument porte « gravement atteinte aux droits de propriété », mais la lutte contre les dérives de la spéculation foncière et « l’exploitation néfaste des surfaces constructibles » peut difficilement se faire autrement qu’avec un règlement de zonage selon le modèle de Francfort. D’après lui, c’est la seule façon de s’attaquer aux « propriétaires avides de profit » et à la construction de cités-­ casernes dans lesquelles la population « est entassée, dans lesquelles l’amour de la patrie ( … ) doit s’éteindre ». Mais ce règlement de zonage dépassait largement la précédente ‹ exigence cardinale de l’hygiène › ou de règlements de police des constructions concernant la prévention des risques. Il s’agissait de différencier l’espace urbain quant à la hauteur des constructions et la densité de construction, donc selon la mesure de l’utilisation des sols et aussi sur le plan fonctionnel selon le type d’utilisation. Avec les règlements de zonage, l’idée était celle de la ville à densité échelonnée et décroissante graduellement vers l’extérieur: en ordre contigu au centre avec une densité élevée et en bordure la maison individuelle en ordre non contigu. Tandis que les règlements sur les

constructions s’appliquaient jusqu’alors de manière uniforme à l’ensemble du territoire de la ville, les plans de zonage pouvaient désormais tenir compte de la diversité des rapports et des particularités de certains quartiers. On était persuadé qu’avec les plans de zone « on avait fait le premier pas pour percer des trous dans le gabarit », que l’on avait échappé à la spéculation foncière. Au début de l’après-guerre, le plan de zone qui avait les villes comme point de départ s’était déjà établi en Suisse mais dans la seconde moitié des années 50, seuls 30 % des communes suisses avaient une réglementation sur les constructions. L’espoir de l’indice d’utilisation du sol La mise en œuvre pratique des règlements de zonage a fait comprendre avec le temps aux spécialistes que cet instrument de planification n’est pas, lui non plus, sans poser problème. La critique porte sur le manque de marge de manœuvre au niveau de la réalisation et de la hauteur uniforme à l’intérieur d’une même zone. Il en découle l’exigence du ‹ libre calcul › des dimensions de construction, également en hauteur. La réponse au schématisme des zones est l’indice d’utilisation du sol qui n’est pas non plus une invention suisse. Il a été introduit pour la première fois à Berlin dans le règlement sur la construction de 1925. Mais seul l’inspecteur du service d’urbanisme de la ville de Cologne, Anton Hoenig, fut à même de comprendre l’élégance de ce ratio factuel et la possibilité de contrôler ainsi l’extension spatiale des villes. Et c’est sur la base des ses réflexions que Walter Gropius a ensuite expérimenté avec le nouveau ratio pour le grand lotissement de Berlin-­ Haselhorst et qu’il exigea, lors du second Congrès International d’Architecture Moderne ( CIAM ) de Bruxelles en 1930, de contrôler à l’avenir la densité de construction à l’aide de l’indice d’utilisation du sol au lieu du nombre d’étages. Il perçut dans l’indice d’utilisation du sol un contrôle de la densité de construction grâce auquel la réalisation de constructions de grande hauteur et de faible hauteur dans une même zone fut rendue possible. En 1931, Walter Gropius réitère sa conference de Bruxelles, cette fois à Zurich, et son idée de briser le schématisme rigide de la hauteur des bâtiments dans les zones avec l’indice d’utilisation du sol comme outil de « possibilités de différenciation souple » se communique à la Suisse. Néanmoins, dans la Suisse pavillonnaire, l’enthousiasme cède vide la place au désenchantement. Ce que Walter Gropius avait pensé pour de grands ensembles contigus échoue sur les petites parcelles. Et la Suisse est petite. Tandis que certains exigent qu’il faille fixer un seuil supérieur de la possibilité d’utilisation, donc un indice d’utilisation du sol, pour chaque région comme première et plus importante norme, d’autres réclament déjà dans les années 90 des limitations d’étages comme norme dans les différentes zones – cependant qu’un autre nombre d’étages doit rester possible selon l’indice d’utilisation du sol au cas où certaines conditions urbanistiques sont remplies. Le combat ne s’est joué qu’en 1966 lorsque les directives pour la planification locale, régionale et nationale fixent: « l’indice d’utilisation du sol n’a qu’une fonction auxiliaire  ». L’espoir du bonus d’utilisation du sol L’idée de mettre fin au schématisme des zones avec l’indice d’utilisation du sol a échoué. Malgré la critique dont il a fait l’objet depuis les années 20, le système des plans de zone a été maintenu. Il s’ensuit dans les années 60 une situation d’urgence avec la pénurie de logements. Il est connu que le besoin rend inventif, ce qui nous mène aux plans d’affectation spéciaux et au →

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→ ­système d’incitation du bonus d’utilisation du sol. Le comité d’experts sur l’habitat de 1966 est convaincu que la construction de logements ne peut se faire « de manière rationnelle que sous forme de grands ensembles ». Le plan de zone fixe le principe de la construction normalisée et part du fait, comme le rapporte le futur juge fédéral Alfred Kuttler en 1963 « que la construction plus haute qui diverge du règlement uniforme sur les zones doit rester une exception ». Pour les projets de construction qui ne pourraient pas être résolus par la construction normalisée, la dérogation à la règle s’est établie. Ces solutions spéciales qui prendront bientôt le nom de grands ensembles d’habitation, prescriptions spéciales de construction, plan d’aménagement ou plan de quartier, sont loin d’être nouvelles. Dans le canton de Berne, par exemple, on connaissait depuis longtemps le plan d’alignement avec des prescriptions spéciales de construction, dans le canton de Bâle-Ville les ‹ plans spéciaux de grand ensemble ›. À Zurich dans les années 40, Albert Heinrich Steiner érigea de grands ensembles avec des plans de lotissement et a pu poursuivre sa trajectoire d’aménagement urbanistique avec des subventions. Les subventions cessèrent à partir de 1950. Il s’est alors avéré avantageux que l’exception à la règle, dans ce cas le plan d’affection spécial, ne constitue pas un droit – l’exception doit être méritée et accordée. C’est ici que le bonus d’utilisation du sol qui avait déjà été discuté dans les années 30 est entré en jeu ; il contribua à discipliner non seulement les personnes éligibles aux subventions mais aussi tous ceux qui veulent construire. On ne l’obtient que si la construction est de qualité.

zones à bâtir. Pour la planification dans les communes, nous n’avons aujourd’hui que la simple mention: « L es plans d’affectation règlent le mode d’utilisation du sol ». Un plan d’affectation général prescrit la réglementation fondamentale dans toute la Suisse et des plans d’affection spéciaux au niveau local créent des réglementations divergentes. Mais elles ne sont acquises qu’au prix de longs processus de planification et d’une densité régulatrice plus élevée. Elles ne doivent correspondre qu’à une réaction ponctuelle à une situation particulière. Seulement ponctuelle ! Alors que le plan d’affectation spécial était censé être une exception à l’ère de la « prairie verte », il est devenu la règle à celle du développement intérieur ! Et c’est pourquoi nous trouvons aujourd’hui des communes avec 10 000 habitants qui élaborent près de quarante plans d’affectation spéciaux pour réglementer comment planifier, construire et vivre ensemble. Heidi, à l’aide !

L’espoir de coopération La voie spéciale ne nous servira pas à grand-chose pour la densification car dès qu’il s’agit de densification, de construction dans une zone urbanisée − à la différence de la ‹ prairie verte › − tout est soudain cas particulier. Il y a maintenant de nouvelles approches pour une utilisation mesurée du sol, ce qui a en même temps un effet ordonnateur et structurant. Les plans d’affectation spéciaux veulent créer une bonne qualité urbanistique et peuvent, pour ce faire, diverger de la construction normalisée ; ils récompensent les efforts de planification avec une utilisation du sol plus intensive et sont la plupart du temps le résultat d’une planification coopérative. Même hors du plan d’affectation spécial rien n’y oppose. En association L’espoir de la protection du logement Au début des années 70, la pénurie de logements s’in- avec des plans directeurs communaux à caractère contraitensifie car l’immigration se poursuit de manière inces- gnant, cette procédure montre une voie à l’État et aux prosante dans les villes et les agglomérations et le secteur du priétaires fonciers pour améliorer la qualité de l’habitat. tertiaire se déploie jusqu’à l’intérieur des centres-villes. Heidi, il est temps de parler ! Martina Schretzenmayr est améNombre de logements se transforment en bureaux plus nagiste du territoire ETH / NDS, Senior researcher dans le réseau Ville et rentables. Avec l’éviction des habitants et sous la pres- paysage de l’ETH Zurich et est rédactrice en chef de la revue Disp – The sion de la pénurie de logements, la protection du logement Planning Review  vient s’ajouter aux objectifs de l’aménagement du territoire. C’est ainsi qu’en 1974 Berne a recours au plan d’affectation des zones et Zurich la même année à la loi de maintien du logement. Dans les années 80, cette loi est suivie par le plan des quotas de logements de la ville de Zurich qui met en place dans toutes les zones, à part la zone industrielle, le quota minimal de logements exprimé en pourcentage. Le plan d’affectation avec des quotas constitue une nouvelle restriction pour les propriétaires fonciers tandis que la ville acquiert de nouvelles possibilités pour l’aménagement du territoire. Elle peut désormais avoir davantage d’influence sur la mixité fonctionnelle pour stopper « l’évolution désastreuse dans les quartiers ». Pour les urbanistes, il est évident que ce n’est pas avec une loi que l’on obtient une « ville animée où il fait bon vivre ». C’est pourquoi, le département des constructions de la ville de Zurich lance en 1978 l’appel suivant: « Les efforts des autorités publiques ne suffisent pas à eux seuls. Les habitants eux-mêmes des quartiers, les propriétaires d’immeubles et les locataires doivent contribuer– même à petite échelle – à reconquérir l’espace de vie perdu dans l’environnement immédiat du logement.

L’espoir du plan d’affectation spécial La loi fédérale sur l’aménagement du territoire voit le jour également dans les années 70. Elle relève de la compétence des cantons mais la Confédération règle des questions clés comme, par exemple, celle de savoir ce qui doit être construit à l’intérieur et non pas à l’extérieur des

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L’étang de l’usine textile Stoffel qui n’est plus utilisé est devenu une piscine pour les habitants d’Uptown à Mels SG voir page 24. Cahier thématique de Hochparterre, mars 2021 —  Se loger dans la Suisse à 10 millions — Heidi n’aime pas la ville

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Ancienne usine textile

C’est il y a vingt ans que les lumières se sont éteintes dans l’ancienne usine textile qui surplombe Mels, telle les ruines d’un châteaufort. Un groupe autour de David Trümpler et de­ Marco Brunner qui transforment depuis de nombreuses années des usines en complexes résidentiels racheta les bâtiments de la filature et de l’usine de tissage désaffectée ainsi que la villa des fabricants. Ce sont les architectes Meier Hug qui furent les lauréats du concours pour la transformation et l’extension de l’ensemble. Plus de 200 appartements en location et en PPE sont en cours de construction ainsi que des bureaux, des ateliers, des magasins, un restaurant, des utilisations publiques comme une crèche et un jardin d’enfants, en plus d’un petit funiculaire pour se rendre au village et un grand jardin aménagé par Rita Illien. En voici les valeurs d’avenir: haute densité dans un paysage entre le village, la forêt et les prairies et un nouveau parc ; utilisation le plus possible du bâti ancien ; locaux communautaires ; lien entre espaces et utilisations publiques et privées, approvisionnement en énergie neutre en C02 avec du bois et de l’énergie hydraulique. Changement frappant d’un village dans la vallée du Rhin alpin avec résultats de l’expérimentation. Uptown Mels, 2021 Fabrikstrasse, Mels SG Maître d’ouvrage:  Alte Textilfabrik Stoffel, directeur: David Trümpler Architecture:  Meier Hug Architekten, Zurich Investissement:  120 millions de francs

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Ensemble dans un village

Il y a 15 ans, Valendas dans la Surselva était un village qui se meurt lentement dans les Alpes. Des autochtones et des étrangers au village mirent sur pied le concept ‹ Valendas Impuls › pour contrer cette évolution. Des maisons délabrées devinrent des logements de vacances au cœur du Patrimoine, l’ancienne école se transforma en un musée avec un appartement. Le ‹ Gast­ haus am Brunnen › fut créé et finalement l’ensemble Burggarta à l’entrée du village avec sept appartements, des ateliers et une salle communale – nommée ‹ Erlihus ›, en référence à la commune d’Erlenbach qui assure le soutien financier du projet. C’est l’architecte Gion Caminada qui a fait le plan de ces logements tempérés. La pièce la plus importante et la plus chaude au milieu des logements est la cuisine entourée d’autres pièces et d’espaces extérieurs non chauffés comme coursives. Une chambre avec sa propre salle de bains / WC peut également être louée. Une grande cour intérieure qui agrandit considérablement les appartements s’étend entre la maison, l’Erlihus et la rue. En voici les valeurs d’avenir: plan conçu sur la base du rythme des saisons ; continuum paysage, espace extérieur, espace intérieur ; maître d’ouvrage, architecte, corps de métier du voisinage immédiat ; modes de construction durables, facilement réparables et adaptables de manière flexible ; éminents soutiens de la plaine. Renaissance du village comme lieu d’habitation et de vie d’excellente facture architecturale. Ensemble Burggarta, 2020 Valendas GR Maître d’ouvrage:  Fondation Valendas Impuls Architecture:  Gion A. Caminada, Vrin / Cons Investissement:  5,1 millions de francs

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6  Ensemble Burggarta, Valendas, rez-de-chaussée, appartements: appartements avec la cuisine comme centre 1 , cour intérieure 2 , remises et ‹ Erlihus › 3.

5  Uptown Mels, rez-de-chaussée, usine de tissage 1, filature 2 et constructions nouvelles 3, funiculaire 4, villa du fabricant 5. Sur le plan, la seconde étape de l‘usine de tissage est placée en amont 6.

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5  La ‹ Stofflerei ›: Se loger dans le complexe textile en surplomb de Mels au lieu de préparer, filer et tisser le coton.

6  Les coursives, la cour intérieure et à droite les remises de la maison tempérée Burggarta de Valendas. Cahier thématique de Hochparterre, mars 2021 —  Se loger dans la Suisse à 10 millions — Des projets porteurs d’avenir

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La sécurité avec un chien électronique et une idylle de verdure dans la zone 5 à Genève.

La zone villas à Genève et l’évolution des modes de vie ont provoqué un morcellement croissant du paysage, jusqu’à tisser un tapis de maisons individuelles standardisées toujours plus étendu, provoquant à son tour un impact négatif sur l’environLa zone villas à Genève constitue un aspect important et nement. Trouver les voies et moyens d’une mutation de la déterminant du territoire genevois. La stratégie poursui- zone villas qui réponde aux impératifs environnementaux vie depuis plus d’un siècle par le canton pour son exten- et sociétaux, tel est le défi posé aujourd’hui et plus que jasion urbaine fait apparaître une conscience aiguë de mais à l’aménagement du territoire. l’étroitesse de son territoire mais aussi celle de la néUn canton-ville densément habité mais pas partout cessité de préserver la campagne et son riche paysage. Les quartiers jardins nés de cette vision ont jadis pu se Sans surprise, Genève, en tant que canton-ville, fifondre dans la beauté du paysage genevois ; puis, progres- gure en deuxième position, après Bâle, parmi les cantons sivement, ils se sont transformés. La croissance démogra- suisses les plus densément habités. En conséquence, phique liée à la dynamique socio-économique de la région chaque personne occupe en moyenne 37 m2 pour se loger,

La ‹ zone 5 › de Genève se compose essentiellement de villas. La densification doit s’y faire sans compromettre la beauté du paysage. Texte: Ariane Widmer Pham

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contre 52 m2 en Thurgovie, par exemple. Si cette densité confère à Genève une urbanité dont ses habitants sont fiers, force est de constater qu’elle est répartie de manière très inégale sur le territoire cantonal. Dans la zone à bâtir destinée au logement, près de la moitié de la surface ( 45 % ) est occupée par la zone villas dans laquelle il ne réside que 13 % de la population. La loi genevoise sur les constructions et installations diverses, qui date de 1929, découpe le territoire en cinq zones. Dans la zone 5, celle des ‹ des habitations rurales ›, la densité prévue est particulièrement faible et ne peut excéder, sauf exceptions, un indice d’utilisation du sol de 0,25 à 0,3. Dans certaines communes de la rive gauche, la zone 5 représente jusqu’à 95 % de la zone à bâtir destinée au logement. Le déséquilibre entre ville dense, mixte et équipée d’une part, et zone résidentielle d’autre part, généralement monofonctionnelle et dépendante de la voiture, se retrouve dans la répartition territoriale: la rive droite accueille les principales infrastructures routières, ferroviaires, industrielles et aéroportuaires ; la rive gauche est restée en grande partie intouchée par les grands équipements qui participent à la pulsation de la métropole lémanique. L’actuel plan directeur cantonal pose les bases qui permettent d’ébranler la monochromie et la faible densité de la zone villas genevoise. Il prévoit d’en détacher certains morceaux à densifier car bien desservis par les transports publics ( 11 % des 45 % ) ; il demande de « promouvoir l’extension de la ville dense par déclassement  » et de « favoriser une utilisation diversifiée de la ville en favorisant l’habitat individuel groupé ». Le plan directeur cantonal cherche à impulser un processus de densification progressive dans la zone villas afin de « créer de nouveaux quartiers denses d’habitat ou d’affectations mixtes » et de répondre aux besoins d’intérêt général. Une modification législative est venue se glisser, qui accélère ce processus, non sans effets spéculatifs et défavorables pour l’environnement. Elle a été déclenchée en 2013 par le Législatif genevois pour favoriser une densification plus importante « lorsque les circonstances le justifient ». Sous réserve de critères tels que qualité du projet, typologie de l’habitat, taille de la parcelle, avis favorable de la commune, il était désormais possible d’obtenir une dérogation permettant d’atteindre des indices d’utilisation du sol de 0,4 à 0,6. Cette nouvelle base légale a provoqué un engouement révélateur, non seulement de la forte demande d’habitat résidentiel mais aussi du potentiel de transformation du bâti existant. Plus de 4000 nouveaux logements ont été mis ainsi sur le marché en quelque cinq années. La densification rendue possible par cette ouverture a entraîné en revanche et malgré les précautions prises, de nombreux effets négatifs, tels que la fragmentation parcellaire, l’atteinte au patrimoine paysager et aux écosystèmes naturels ainsi que l’augmentation du trafic individuel. Surtout, sans planification en amont, elle n’a pas réussi à se dégager de la logique de l’individuel pour produire du collectif. Elle n’a pas réussi non plus à favoriser l’expérimentation en matière d’évolution des typologies d’habitat, afin de répondre à l’apparition de modes de vie nouveaux, plus mixtes et collectifs. Cette prise de conscience a amené le canton de Genève à suspendre momentanément la densification telle que rendue possible par la modification de la loi de 2013. Les travaux sont engagés actuellement en vue d’une reprise, à court terme, du processus de densification conduit selon des règles plus exigeantes. L’avenir de la zone villas et de l’habitat résidentiel reste, en revanche,

un chantier à ouvrir dans le cadre de la prochaine révision du projet de territoire et de la révision du plan di­ recteur cantonal.  Stratégies et pistes pour les travaux à engager 1. Nuancer la densification: Il y a zone villas et zone villas. Dans

le contexte genevois, ces zones sont situées de manière extrêmement diverse: certaines sous les lignes d’atterrissage et de décollage de l’aéroport de Cointrin, d’autres enclavées par des secteurs de ville dense, formant comme des poches de résistance, témoignages d’une autre épo­ que. Certaines s’inscrivent dans des paysages grandioses mais se trouvent cependant exposées à des routes de transit chargées, aussi bruyantes qu’infranchissables. Imaginer la transformation de ces différents territoires passe obligatoirement par une contextualisation fine. Il s’agit, dès lors, de comprendre les qualités paysagères et patrimoniales, de préserver les qualités naturelles, d’offrir des espaces partagés pour trouver des réponses spécifiques et justes. 2. Planifier en vue de l’intérêt général et tisser des liens: Les zones villas se caractérisent par l’absence d’un projet global, par l’absence d’une planification préservant l’intérêt général ou incapable de le défendre en l’absence d’accord entre voisins. Vues de l’extérieur, les zones villas apparaissent trop souvent comme des enclaves sans liens avec les quartiers environnants. Vues de l’intérieur, elles se montrent souvent une étanchéité décourageante. Tout déplacement à pied ou à vélo devient une course d’obstacles. Ici, il y a urgence de penser et d’agir à une échelle plus large: celle des chemins, des rues, des services. Pour inverser la tendance à une fragmentation toujours plus fine du parcellaire, une vision plus large, une pensée plus collective doivent précéder le projet de construction. Des mesures favorisant la mixité sociale, fonctionnelle et générationnelle, telles que des logements à loyer modéré et collectifs, des centres de quartier, des équipements et des services pourraient contribuer à la constitution d’une vie de quartier. 3. Des quartiers jardins pour préserver les écosystèmes: Afin de diminuer la volumétrie, les constructions dans les zones villas comportent généralement d’importants sous-sols qui s’étendent loin dans le jardin, du garage souterrain à la salle de jeux, au studio semi-enterré, en passant par la piscine. Les volumes excavés sont souvent aussi importants, si ce n’est plus, que les volumes apparents. Ils forment autant d’obstacles pour les réseaux souterrains ; ils empêchent l’écoulement des eaux et la croissance de racines. Oser des émergences plus importantes en accord avec les masses d’arbres présentes, les regrouper, penser l’occupation du sol à l’échelle du groupe de parcelles, mutualiser et regrouper des fonctions: telles sont les pistes à creuser. 4. En finir avec la volonté de mettre la plus grande distance possible entre soi et son voisin: Dans la zone villas, il est primordialement de

règle que la maison se trouve à la plus grande distance possible de celle des voisins. Cette règle s’exprime par la distance minimale de la construction à sa limite parcellaire. L’abandonner permettrait un changement de paradigme. À plusieurs titres: de nouvelles possibilités typologiques faciliteraient le regroupement et la mutualisation du bâti ainsi que la préservation des espaces verts. Elles éviteraient la fragmentation parcellaire qui provoque un durcissement foncier ensuite difficile à abandonner. Elles ouvriraient la porte à une transformation continue facilitant l’adaptation aux modes de vie. C’est donc un travail sur le cadre légal qui s’impose ici.  Ariane Widmer Pham, urbaniste cantonale, République et canton de Genève

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Se loger dans la Suisse à 10 millions Le Conseil fédéral a mandaté le Conseil de l’organisation du territoire ( COTER ) pour faire un rapport intitulé ‹ Mégatrends et développement territorial en Suisse ›. Ce sont la mondialisation, la numérisation, l’individualisation, le vieillissement et le changement climatique. Ce ­cahier thématique pose la question de savoir comment les mégatrends auront fait évoluer l’habitat dans la Suisse de 2040 et où dans les différentes régions suisses l’avenir se profile dès aujourd’hui dans l’habitat résidentiel. Un voyage de Brigue à Valendas GR en passant par Genève, Crissier VD, Milvignes NE, Mels SG avec des spéculations et des postulats concernant l’aménagement du territoire, la ­politique de l’habitat et l’architecture avec un reportage photo de Jaromir Kreiliger. Avec l’aimable soutien de: – Office fédéral de la culture ( OFC ) – Office fédéral du développement territorial ( ARE ) – Office fédéral du logement ( OFL ) – Service du territoire et des forêts, canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures – Office de l’aménagement du territoire, canton de Bâle-Campagne – Office de l’urbanisme, République et canton de Genève – Service du développement territorial et de la géoinformation, canton de Glaris – Office de l’aménagement du territoire, canton des Grisons – Office de l’aménagement du territoire et de la protection de la nature, canton de Schaffhouse – Office du développement territorial, canton de Schwyz – Service du développement territorial et de la géoinformation, canton de Saint-Gall – Office de l’aménagement du territoire, canton de ­Soleure – Office du développement territorial, canton de ­Thurgovie – Office du développement territorial, canton d’Uri – Direction générale du territoire et du logement, ­canton de Vaud – Office du développement territorial, canton de Zurich  – Office du territoire et des transports publics, canton de Zoug – Office de la construction et des infrastructures, de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, ­principauté du Liechtenstein – Service de l’urbanisme et de la construction de la ville d’Aarau – Service de l’urbanisme et de la construction de la ville de Lucerne – Office de l’urbanisme et de la construction de la ville de Schaffhouse – Office de l’urbanisme et de la construction de la ville de Saint-Gall – Espace Suisse, association pour l’aménagement du ­territoire – Fédération suisse des urbanistes ( FSU ) – Hansueli Baier, Coire – Coopérative de logement Bahoge, Zurich – Logis Suisse, Baden – Pensimo Management, Zurich – Swiss Life Asset Management, Zurich – Swiss Real Estate Institut, Hochschule für Wirtschaft Zürich ( HWZ )

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