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co
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Un hors-sĂŠrie de Hotellerie et Gastronomie Hebdo, avril 2012
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Impressum
Editorial
Editeur Hotel & Gastro Union Adligenswilerstrasse 22
Chères lectrices, chers lecteurs,
6002 Lucerne Tél. 041 418 22 22 (Lucerne) Tél. 021 616 27 07 (Lausanne) info@hotelgastrounion.ch www.hotelgastrounion.ch Rédaction Hôtellerie et Gastronomie Edition Adligenswilerstrasse 29/27 6006 Lucerne Tél. 041 418 24 40 Fax 041 418 24 71 jörg.ruppelt@hotellerie-et-gastronomie.ch www.hotellerie-et-gastronomie.ch Direction Philipp Bitzer, Michael Gollong (Directeur adjoint) Rédacteurs en chef Jörg Ruppelt, Ruth Marending (Rédactrice en chef adjointe), Christian Greder (Rédacteur en chef de Hôtellerie et Gastronomie Zeitung) Rédaction de Lucerne Marc Benedetti, Riccarda Frei, Mario Gsell, Ernst Knuchel, Ruth Marending, Rosaria Pasquariello (online), Giuseppe Pennisi (page italienne) Rédaction de Lausanne Patrick Claudet, Blaise Guignard (Directeur de la rédaction Hôtellerie et Gastronomie Hebdo), Laurent Schlittler
Il y a un peu plus d’un an, nous avons joint à notre hebdomadaire un premier horssérie intitulé glaces & co. Il était entièrement consacré à ces délices qui nous viennent du froid et mettait l’accent sur les dernières tendances et les nouveaux produits du marché. Dans notre deuxième horssérie, seafood & co, nous nous sommes ensuite intéressés au monde des poissons et vous avons présenté des recettes originales. Le troisième, bœuf, a lui aussi été très bien reçu par les professionnels de la restauration et leurs fournisseurs. Au vu du succès de ces publications monothématiques, que nous appelons aussi booklets, nous avons décidé de continuer sur notre lancée en 2012. Voici donc seafood & co, notre deuxième hors-série de l’année. Comme l’an dernier, il plonge dans l’univers aquatique, mettant à l’honneur lacs, mers, poissons, coquillages et crustacés. Je ne vais pas tout vous dire. Mais sachez que nous avons une fois de plus découvert des merveilles, qu’il s’agisse de méduses comestibles ou de sushis d’eau douce. Feuilletez ce numéro au gré de votre inspiration. Vous y trouverez notamment des conseils de pros pour les pros et des recettes étonnantes. Ainsi qu’un reportage sur un atelier qui produit non loin de Limoges de la porcelaine de rêve, idéale pour mettre en valeur poissons et fruits de mer.
Vente Jörg Greder (Chef des ventes), Gabriel Tinguely, Josef Wolf
Jörg Ruppelt Rédacteur en chef des magazines de Hôtellerie et Gastronomie Edition
Correcteur Blaise Guignard Traduction Bertrand Denzler Conception graphique et maquette Spot Werbung, St. Moritz
Sommaire
Impression AVD Goldach, Goldach Hôtellerie et Gastronomie Hebdo Hôtellerie et Gastronomie Hebdo est une publication de Hôtellerie et Gastronomie Edition, dont le siège est à Lucerne. Il s’agit de l’hebdomadaire le plus lu de la branche de l’hôtellerie-restauration suisse. Selon l’institut Recherches et études des médias publicitaires REMP, son tirage certifié est de plus de 25 000 exemplaires et il totalise plus de 100 000 lecteurs par semaine.
02 Quoi de neuf? 06 La Suisse, ses lacs, ses poissons 10 Salade de méduse 12 La reine de l’or blanc 18 La fraîcheur absolue sur commande
Booklets hors-série De temps à autre, Hôtellerie et Gastronomie Hebdo pu blie également des hors-série sous forme de booklets. Ce hors-série, intitulé seafood & co, s’intéresse aux poissons et aux fruits de mer. D’autres publications de ce genre, consacrées à d’autres sujets, suivront. Tous droits réservés. Toute utilisation des contenus rédactionnels doit préalablement faire l’objet d’une autorisation écrite de la rédaction. Les annonces fi gurant dans cette publication ne peuvent en aucun cas être copiées, retravaillées ou utilisées de quelque
20 Plaidoyer pour un produit de qualité 24 Les sushis freestyle du lac de Zurich 28 Le vin des Trois-Lacs 30 Lorsqu’un jeune fauve s’attaque au poisson 34 Ama, les femmes de la mer 40 Concours / A venir
manière que soit, intégralement ou partiellement, par des tiers.
Imprimé
en Suisse
S E A F O O D & CO // E d i t o r i a l & S o m m a i r e
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Quoi de neuf ?
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Truite, baudroie & co
Thon, saumon, plie ou pangasius, vous trouverez tout ce que vous voulez au rayon poisson frais de TopCC. L’offre est complétée par des produits de saison et vous pouvez commander des poissons, crustacés et fruits de mer n’y figurant pas habituellement. Toutes les espèces proviennent de la pêche durable ou d’élevages respectant le bien-être des animaux. Voici une vue d’ensemble de l’offre de base: saumon de l’Atlantique, dorade, perche, corégone, truite, plie, pangasius et thon. Et, suivant la saison: limande-sole, omble, baudroie, coquilles Saint-Jacques et sandre. Les produits sont disponibles en paquets de 1 kg ou, sur commande, en caisses de 3 à 6 kg. TopCC propose par ailleurs des promotions hebdomadaires et des prix de gros très intéressants. www.topcc.ch
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Spatule stylée
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Formes fonctionnelles Cette année, Seltmann Weiden fait une fois de plus la course en tête grâce à ses nouvelles gammes de porcelaine baptisées Laguna et Buffet Plus. Toutes deux permettent aux restaurateurs et aux hôteliers d’affirmer leur amour du beau et le respect qu’ils doivent à leurs clients. En mars dernier, ces collections ont fait fureur lors du salon Internorga. Malgré un langage formel original, elles se distinguent en effet par une fonctionnalité à toute épreuve, si bien que les cuisiniers peuvent laisser libre cours à leur créativité au moment de mettre en scène leurs plats. Une vaisselle idéale pour les poissons et les fruits de mer. www.seltmann-weiden.com
Avec la spatule à poisson Weber, large de 18 cm, retourner des filets ou des poissons entiers est un jeu d’enfant. Longue de 45,5 cm, elle est en acier inoxydable. Très pratiques eux aussi, les Wood Wraps sont de fins rouleaux en bois d’aulne dans lesquels vous enveloppez vos filets avant de les mettre sur le grill, ce qui leur confère un arôme fumé des plus délicats. Nous vous recommandons également le support pour poisson et légumes en acier nickelé pour les grillades fragiles. www.grillmeister.ch
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Frites douces
Le printemps est là et nous avons tous envie de nouveauté. Les Sweetatoes de McCain tombent donc à pic! Avec leur robe orangée et leur goût légèrement sucré, les Sweetatoes surprennent les papilles de vos hôtes. Parfaites pour accompagner la viande, le poisson et les plats exotiques, elles peuvent aussi être servies seules dans une barquette. Optez pour ces patates douces à la coupe crinckle cut: elles attirent irrésistiblement les gourmands! www.frigemo.ch
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Préserver les stocks de poisson Le 1er mars, le label fish4future a franchi un nouveau cap avec la création de l’association du même nom. En tant qu’organisation d’utilité publique, elle s’engage en faveur de la préservation des stocks mondiaux de poisson dans les océans, les mers, les lacs et les cours d’eau. L’accent est mis sur la sensibilisation et l’information des professionnels et des consommateurs, afin de favoriser une exploitation écologique de cette précieuse ressource. Elle assure par ailleurs la promotion de solutions concrètes dans la restauration. Le label fish4future a été créé en 2008. Il distingue les poissons et les produits de la mer issus de sources durables. Depuis son lancement, il a eu un impact considérable. C’est ainsi que des acteurs réputés du monde de la restauration ont modifié leur politique d’approvisionnement, que la part des poissons issus de sources durables a augmenté dans le commerce de gros et que, récemment, une entreprise renommée de l’industrie alimentaire suisse a lancé à l’échelle nationale un nouveau produit fish4future. www.bayshore.ch
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Mousse de rêve
Saveur raffinée
Les émulsionneurs Kisag transforment vos ingrédients en une mousse légère qui révèle leurs arômes naturels. Ils sont parfaits pour créer rapidement des desserts, des mousses et des sauces faciles à portionner, pouvant être conservés au frais dans l’émulsionneur pendant plusieurs jours. Voici une recette signée Daniel Sennrich:
Le thermomètre grimpe, les soirées s’allongent et le barbecue est à l’ordre du jour. Mais il n’y a pas que la viande dans la vie. Au grill, poissons et fruits de mer sont de vrais régals, à commencer par la dorade, le bar, les coquilles Saint-Jacques, le saumon, la truite et les brochettes mêlant morceaux de filet et crustacés, qui ont elles aussi de nombreux adeptes. Pour leur donner encore plus de saveur, rien ne vaut les condiments Parmadoro Giardino qui permettent de relever le goût des produits de la mer en un tournemain. Ou de préparer de délicieuses marinades. Ces condiments marient différentes herbes fraîches récoltées avec le plus grand soin et conservées dans un mélange d’huile et de sel. Chaque produit a un goût différent, intense et rafraîchissant qui confère à vos préparations un arôme relevé, une belle couleur et une personnalité originale.
Sauce cocktail pour 4 personnes 2 dl 100 g 30 g 100 g 20 g 10 g 1 g
de crème entière de crème fraîche de raifort de ketchup de cognac de sel de poivre blanc moulu un peu de poivre de Cayenne
Préparation Mixer tous les ingrédients, les passer au tamis et les verser dans l’émulsionneur. Introduire une capsule et secouer 8 à 10 fois. Cette sauce est parfaite pour accompagner les crevettes, les fondues à la viande et les crudités. www.kisag.ch
www.hero.ch
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Quoi de neuf ? 09
Filets de féra frits
Pour célébrer l’arrivée du printemps, Kadi lance en avril une nouveauté qui vient compléter son offre de filets de poisson frits: après les perches, les sandres et les pangasius, c’est au tour des féras d’être transformés en délices croustillants par la maison de Langenthal, connue pour la qualité de ses spécialités et sa compétence en matière de préparation et de surgélation de produits frits. En raison de leur chair blanche et ferme, les féras comptent au nombre des espèces autochtones préférées des vrais amateurs de poisson. De plus, les féras utilisés par Kadi sont tous labellisés fish4future, pour le plus grand plaisir de celles et ceux qui attachent de l’importance à la préservation de l’environnement.
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Beau livre
«Die See» (La Mer) – qui n’existe pour l’instant qu’en allemand – regroupe des articles de fond sur le poisson et la pêche, des recettes et des conseils pratiques pour les cuisiniers. Près de 80 poissons y sont présentés, avec force détails sur l’habitat de chaque espèce et leur importance dans le monde de la gastronomie. Illustrées de superbes photos, ces descriptions sont complétées par des explications concernant tout ce qu’il faut savoir au moment d’acheter le poisson et de le préparer. Sur plus de 100 pages, le livre contient par ailleurs des recettes proposées par de grands chefs comme Volker Drkosch, Ali Güngörmüs, Nils Henkel, Dag Stian Knudsen, Gilles Martin, Dieter Müller, Jörg Müller, Hakon Mar Örvarsson et Joachim Wissler. Grands classiques, idées originales et modernes, plats simples de la cuisine internationale – rien ne manque. A tout cela vient s’ajouter une vue d’ensemble détaillée des différentes méthodes et techniques de conservation. Edition Port Culinaire 312 pages ISBN: 978-3-86528-235-4
En plat principal, les filets de poisson frits Kadi sont tout indiqués pour être accompagnés d’une salade fraîche ou d’une assiette de légumes de saison. Ils sont très faciles à préparer puisqu’il suffit de les plonger quelques minutes dans une huile de friture à 180° C. Ils sont proposés en cartons pratiques de 2 x 2 kg. www.kadi.ch
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Boussole des condiments Dans la restauration et l’hôtellerie, choisir le bon assaisonnement et présenter les plats comme il se doit constituent le fondement du succès. C’est dans cet esprit que Knorr lance le troisième volet de sa boussole des condiments, consacré au poisson, qui comprend des informations essentielles, de savoureuses recettes et des conseils indispensables. Avec les deux premières parties de sa boussole, Unilever Food Solutions proposait aux professionnels de la restauration de précieux outils pour préparer les légumes et les accompagnements. Ce troisième volet leur permet d’élaborer une offre séduisante et équilibrée qui associe poissons de mer et poissons d’eau douce, sans oublier bien sûr les fruits de mer, dont de nombreux clients raffolent. Il contient non moins de 52 recettes qui feront le bonheur des gourmets et inspireront les cuisiniers, ainsi que des idées originales facilitant la tâche des chefs, comme la possibilité encore trop largement méconnue d’utiliser du Knorr Condi-Mix en lieu et place du sel, de la farine et des épices: cette technique permet en effet de gagner un temps précieux tout en donnant encore plus de goût au poisson. Mais ce n’est pas tout. Dans cette publication, vous trouverez également une foule de conseils judicieux et de suggestions ingénieuses, dont des exemples de présentation pour les plats à la carte, le free flow, les buffets ou les en-cas, ainsi que des précisions sur les poissons les mieux adaptés à ces différents domaines. A cela viennent s’ajouter des informations d’ordre général, très importantes lorsque l’on cuisine du poisson et des fruits de mer, complétées par des articles de fond et des détails sur le marché du poisson. www.unileverfoodsolutions.ch
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Fine lame du troisième Les huîtres et le homard font sans aucun doute partie des mets les plus prisés des gourmets. Mais, avant de pouvoir les déguster, il faut mettre la main à la pâte – si possible à l’aide d’outils appropriés, sûrs et qui procurent le plaisir que nous réservent les objets de qualité. Ceux-ci existent. Ils sont signés Triangle. Grâce à eux, préparer les crustacés et les fruits de mer devient un jeu d’enfant.
Force de caractère
As du poisson, vos merveilleux plats méritent une mise en scène parfaite. Optez pour la collection Character de Schönwald, qui se distingue par une structure en relief irrégulière, résolument organique, évoquant la nature et les émotions qu’elle nous procure. Grâce à leur grande taille, à leurs proportions idéales et à leurs larges bords, les nombreuses assiettes et les différents plats de cette gamme élégante vous permettent de laisser libre cours à votre imagination et de souligner le caractère de vos créations.
www.welt-der-messer.ch
www.victor-meyer.ch
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Fond en pleine forme
Pour préparer une sauce savoureuse, il faut un bon fond. Les cuisiniers le savent depuis la nuit des temps. Juste pour voir, demandez à 100 chefs de vous révéler le secret ultime d’une cuisine réussie. La plupart d’entre eux vous donneront la même réponse: au fond, tout est dans le fond. Le fond joue en effet un rôle clé dans de très nombreuses recettes. Mais un problème se pose: sa préparation peut prendre plusieurs heures. Sauf si vous optez pour les fonds Lacroix, grâce auxquels vous pouvez préparer en un tournemain des soupes et des sauces à se damner. A titre d’exemple, le fond de poisson Lacroix est idéal pour pocher les poissons, à commencer par les filets de sole ou de turbot, et pour confectionner les sauces qui les accompagnent ou des terrines. Son utilisation est d’une simplicité biblique: réduisez le fond de moitié et incorporez-y des flocons de beurre jusqu’à ce que la consistance vous convienne. Vous pouvez ensuite ajouter à votre guise du vin, de la crème ou des épices. www.gerig.ch
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Filets au bout du fil
La nouvelle offre de poissons frais de CCA Angehrn comble tous les amateurs de cuisine moderne: le grossiste alimentaire propose désormais non moins de 60 espèces d’une fraîcheur irréprochable. On y trouve à la fois des denrées rares comme les moules de bouchots ou les filets de claresse et de grands classiques tels que les cichlidés et les corégones du lac de Constance. De plus, passer une commande est aussi facile qu’un coup de fil: il suffit d’appeler CCA ou de leur envoyer un fax et le tour est joué. Le mardi ou le jeudi d’après, vous pouvez aller chercher votre poisson au petit matin dans le CCA le plus proche, où il vous attend dans sa frischfischbox qui le maintient au frais. «De nos jours, nombre de consommateurs veulent connaître la provenance de la marchandise», explique Bruno Weibel, responsable des produits frais. «C’est pourquoi nous proposons notamment des poissons et des fruits de mer labellisés MSC (Marine Stewardship Council), FOS (Friend of the Sea), Label Rouge et Bio.» Il ajoute par ailleurs que, si la demande augmente, l’offre sera encore élargie. «Le poisson frais a le vent en poupe et avec la frischfischbox, CCA offre à ses clients la possibilité de s’approvisionner rapidement en produits de premier choix d’une fraîcheur rare.» www.cca-angehrn.ch/fisch
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La Suisse
ses lacs, ses poissons
TEXTE Ruth Marending PHOTOS Claudia Link
Manque d’oxygène, phosphates, eau trop propre: l’état des lacs suisses fait les gros titres. Mais la situation est-elle vraiment critique? La Suisse produit-elle encore assez de poissons pour la restauration? Nous avons rencontré Silvano Solcá, président de l’Association suisse des pêcheurs professionnels.
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La journée des pêcheurs commence avant l’aube. Après avoir passé trois ou quatre heures sur le lac, ils doivent préparer le poisson à terre. En fonction des commandes, les poissons sont vidés, ébarbés, filetés et écaillés. L’association que préside Silvano Solcá regroupe 150 pêcheurs professionnels qui exercent leur métier sur les grands lacs suisses alémaniques et tessinois.
Silvano Solcá met le cap sur un bidon en plastique blanc qui flotte à la surface du lac de Bienne. «Nous y sommes, c’est l’un de mes filets», dit-il. Né à Gerolfingen, il n’a jamais quitté cette petite bourgade des bords du lac. Avant lui, son père et son grand-père étaient pêcheurs et c’est avec eux qu’il a appris le métier. «Nous sommes une dynastie de pêcheurs. Et, aujourd’hui encore, nous pouvons vivre de notre métier.» Nous sommes au printemps et la pêche est loin d’être miraculeuse. Mais Solcá est serein: «Nous faisons la plus grande partie de notre chiffre d’affaires entre juin et septembre.» Ce filet est celui qu’il a posé en dernier, la veille. Avec des gestes sûrs, il le tire lentement hors de l’eau. Les premiers mètres sont vides. «Il y a sûrement du poisson au fond. Ce matin, il n’y avait pas grand-chose dans les autres filets, mais ils n’étaient pas vides: huit kilos de bondelles, quarante kilos de gardons, cinq brochets, un sandre et sept ou huit lottes, je ne me souviens plus.» En hiver et au printemps, il vend presque toute sa pêche aux restaurateurs de la région. «Nombre d’entre eux sont des spécialistes du poisson et membres de la Confrérie du Poisson d’Or», poursuit Solcá. Cette confrérie a pour but d’encourager la préparation gastronomique du poisson dans la restauration. Elle regroupe
quelque deux mille amateurs de poisson, une centaine de cuisiniers et quelques douzaines de pêcheurs professionnels. Au total, neuf pêcheurs professionnels travaillent sur le lac de Bienne et tous peuvent vivre de leur métier. En été, ils pêchent chacun 100 à 150 kilos par jour. Les restaurants de la région n’absorbant pas tout, deux d’entre eux vendent environ 30 % de leurs prises à la coopérative Coop de la région et à Bell Seafood, à Bâle, qui les proposent aux consommateurs. Afin que la marchandise destinée aux Bâlois reste fraîche, les poissons sont acheminés par des camions frigorifiques jusque dans le Nord de la Suisse. Tandis qu’il nous explique tout cela, Solcá retire un crustacé de son filet. Il s’agit d’un petit crabe, vivant. En un tournemain, il le libère et le remet à l’eau. «Il n’y a que très peu de crabes ici. Dommage, car s’ils étaient plus nombreux, les cuisiniers de la région pourraient en faire des bisques.» C’est pour cette raison qu’il ne les garde pas. Le premier poisson, une bondelle, fait enfin son apparition. Solcá la retire du filet, mais elle se débat. Habitué, il réussit facilement à l’empêcher de replonger dans l’eau. D’un geste sec, il lui brise la nuque et la dépose dans un seau. Un
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peu plus tard, il ramène à la surface deux autres bondelles, un gardon puis une quatrième bondelle. Il continue à remonter son filet et y découvre une perche. Elle est trop petite, mais elle vit encore. Il la remet donc à l’eau, comme le crabe. C’est maintenant au tour de trois lottes, qu’il jette vivantes dans une bassine remplie d’eau. «L’un de mes clients cuisine des lottes fraîches», nous explique-t-il. Tout le filet est maintenant hors de l’eau. Solcá le remet en place. Il reviendra le vider demain. Puis il met le cap sur la rive, avant de livrer une partie de sa pêche au patron du restaurant Züttel, à Gerolfingen. Roland Züttel propose tous les jours des poissons frais du lac. «Je cuisine ce que Solcá m’apporte», précise-t-il. Son restaurant est connu pour cela et très apprécié des habitants de la ville de Bienne, toute proche. Solcá ramène les poissons restants chez lui où, avec l’aide de ses collaborateurs à temps partiel, il les vide, les filète et les découpe en fonction des commandes qui lui ont été passées. Pour finir, il congèle ceux qui n’ont pas encore trouvé preneur. La journée de Silvano Solcá est terminée. Nous nous installons pour discuter de la situation des stocks de poissons dans les lacs suisses. www.schweizerfisch.ch
Entretien avec Silvano Solcá, président des pêcheurs professionnels suisses
Silvano Solcá
Récemment, une étude de l’Institut fédéral pour l’aménagement, l’épuration et la protection des eaux de l’Université de Berne a montré qu’en raison de la teneur en engrais trop élevée des lacs suisses, des espèces de corégones étaient en voie de disparition et qu’il fallait donc protéger les lacs pauvres en nutriments afin de garantir la biodiversité. C’est le cas du lac de Brienz, non? Oui, le lac de Brienz abrite les mêmes espèces qu’il y a cent ans. Mais à quoi cela nous sert-il de pêcher des espèces de corégones vieilles de cent ans si les poissons sont trop petits et trop légers pour être vendus?
Slvano Solcá, y a-t-il encore assez de poissons dans les lacs suisses? Oui, bien sûr. En tant que président de l’Association suisse des pêcheurs professionnels, je connais surtout la situation des lacs sur lesquels travaillent nos membres, à savoir tous les lacs suisses alémaniques et les deux grands lacs tessinois. Les Romands ne nous ont pas encore rejoints. Aucun de ces lacs ne vous inquiète? Si, il y en a deux, le lac de Brienz et celui de Walenstadt. Les pêcheurs locaux sont très préoccupés.
Quel est donc leur poids aujourd’hui? Les «Brienzli», de petits corégones que l’on trouve dans ce lac, pesaient 180 à 200 grammes dans les années 1970. De nos jours, ils sont trois fois plus petits et ne pèsent plus que 30 à 40 grammes. Quant aux corégones communs, ils sont passés de 250 à 90 grammes.
Quel est le problème de ces lacs? Ils sont trop propres. Dans les années 1970, l’eau de neuf lacs suisses contenait trop d’engrais. On décida donc de les nettoyer à l’aide des stations d’épuration. Les phosphates ont bel et bien été éliminés. Mais les poissons ne trouvent plus de nourriture, car il n’y a plus assez de plancton.
Et vous ne voyez pas de solution? Malheureusement, le moratoire sur la déphosphatisation que nous souhaitons pour le lac de Brienz a été repoussé à plus tard, alors que l’augmentation de la teneur en nutriments qui en résulterait est essentielle pour les pêcheurs professionnels.
Les poissons meurent? Oui. Ou alors leur croissance est insuffisante et ils sont trop petits pour la pêche.
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Qu’en est-il du lac de Bienne? Les phosphates n’y sont-ils pas éliminés comme l’exige la loi sur la protection des eaux? Si, bien sûr. Mais ici, le bassin hydrographique est beaucoup plus grand que dans l’Oberland bernois et l’apport en nutriments est donc suffisant. Ici, il y a donc assez de poissons? Oui, et c’est également le cas dans le reste de la Suisse alémanique. Mis à part ceux de Brienz et de Walenstadt, tous nos lacs ont des stocks suffisants. Quelles espèces trouve-t-on dans ces lacs? Ils abritent tous des corégones. Dans la plupart d’entre eux, on trouve des perches, des brochets, des ombles et des truites. Par endroits, il y a aussi des silures et des poissons blancs ainsi que, plus rarement, des gardons, des vandoises, des tanches, des carpes ou des brèmes.
Infos Les principes de durabilité des pêcheurs professionnels suisses 1. Ne pêcher que des poissons qui ont atteint la
taille minimum préconisée.
2. Ne pêcher que des poissons qui ont déjà frayé
au moins une fois.
3. Respecter les dates d’ouverture de la pêche,
les zones protégées et les restrictions.
4. Faire contrôler les filets par les autorités cantonales
avant de les utiliser.
5. S’engager en faveur de la récolte du frai
pour contribuer à la conservation des stocks.
6. Limiter pour chaque lac le nombre d’autorisations
de pêche professionnelle.
7. N’autoriser que les petites entreprises
Il y a deux ans, on disait que la perche avait disparu des eaux du lac de Constance. Qu’en est-il aujourd’hui? La situation s’est améliorée dès l’an dernier. Qu’il s’agisse des perches ou des féras, la pêche a été bonne. Les poissons migrent et même lorsque l’on connaît bien un lac, il n’est pas toujours possible de savoir où ils se cachent.
et les entreprises familiales à pratiquer la pêche
professionnelle. 8. Distribuer à l’échelle régionale l’essentiel des poissons
pêchés, afin de limiter les distances de transport
parcourues.
Annonce
Equipementier et sponsor officiel de l‘équipe nationale suisse des cuisiniers.
www.bm-gastro.ch / tél. 021 983 25 00
Salade de méduse TEXTE Riccarda Frei PHOTO Blue Water Café
Les poissons sont menacés par la surpêche, mais les méduses prolifèrent. Les Asiatiques s’en réjouissent: pour eux, la méduse est un mets de choix.
Salade de méduse Blue Water Café Ingrédients pour 4 personnes Salade 250 g ¼ 1 cs 10 30 g 2 ½ ½ tasse 2
de méduse séchée en morceaux de tasse d’huile d’olive de jus de citron pois mange-tout en julienne de germes de haricot petites carottes poire asiatique (par ex. nashi) d’herbes (persil, basilic, coriandre) oignons verts en fines tranches
Marinade 1½ cs 2 cs 2 2 2,5 cm 2,5 cm 4 5 cs
de sucre de palme de sauce de poisson poivrons rouges en gros morceaux jalapeños rouges de gingembre en gros morceaux de bâton de citronnelle en gros morceaux branches de coriandre de jus de lime frais sel et poivre noir
Préparation Rincer les morceaux de méduse à l’eau froide. Les recouvrir d’eau chaude et les laisser reposer 10 minutes. Les rincer à nouveau et les laisser sous un filet d’eau pendant 30 minutes. Les égoutter et les sécher délicatement à l’aide d’un torchon de cuisine. Les déposer dans la marinade pendant une nuit, au frais. Le lendemain, mélanger la méduse marinée aux autres ingrédients, servir … et se régaler.
Les méduses nous médusent. Elles semblent planer dans l’eau, se reproduisent sans se toucher et ont le chic pour nous gâcher nos vacances en nous caressant avec leurs filaments urticants. Tandis que les méduses du monde occidental mènent une vie paisible, leurs congénères orientales finissent souvent dans une assiette. Considérée depuis des siècles comme un délice raffiné, la rhopilema esculentum est particulièrement visée par les Asiatiques, qui en raffolent. En moyenne, l’ombrelle de cette espèce mesure 25 à 45 cm de diamètre. Mais certains individus peuvent atteindre plus de 50 cm et peser jusqu’à 50 kg. Un jour, on a semble-t-il même attrapé une méduse aussi lourde qu’une VW Golf. Les méduses sont constituées d’eau à 95 %. Elles ont une saveur particulière qui ne ressemble pas à celle du poisson. Très pauvres en calories, en cholestérol et en lipides, elles sont riches en protéines et conviennent donc à celles et ceux qui veulent se nourrir sainement. «En Asie, nombre de restaurants servent des méduses. D’abord croquantes, elles ont ensuite une consistance un peu caoutchouteuse. Si on les prépare comme il se doit, elles ont un goût frais», explique Rolf Knecht, le chef exécutif suisse du Grand Hyatt Hotel de Fukuoka, qui propose régulièrement des méduses à ses clients, mais uniquement en entrée et seulement dans la salle du restaurant chinois de l’hôtel. «Nous n’en cuisinons que 300 kg par an. Quand j’étais en poste à Shanghai, nous en consommions des tonnes. J’aime beaucoup ce produit. Les méduses sont savoureuses, saines et faciles à préparer.» Knecht commande ses méduses en lamelles, salées et emballées sous vide dans des sacs d’un kilo. Dans cet état, elles ressemblent à de la choucroute grossièrement coupée ou à des tripes. Manfred Roth, chef des cuisines de l’hôpital universitaire de Bâle, a lui aussi découvert les méduses lorsqu’il travaillait en Asie. Il confirme qu’elles sont croquantes, mais il est d’avis qu’elle n’ont suffisamment de goût que si on les fait mariner dans de l’ail, du piment ou de la sauce soja. Il trouve par ailleurs qu’elles se marient parfaitement avec le sésame grillé. Malgré son intérêt pour les méduses, Roth ne pense pourtant pas qu’elles vont s’imposer chez nous: «C’est un plat trop exotique pour la plupart des Suisses.» Installé à Vancouver, le cuisinier allemand Frank Pabst n’a pas peur de servir des spécialités à base de méduse aux clients de son Blue Water Café. Les méduses en tranches surgelées qu’il fait venir du Japon sont ensuite conservées dans du sel et de la poudre d’alun, ce qui permet de les déshydrater et de rendre leurs filaments inoffensifs. Mais il n’utilise que les ombrelles, plus tendres que le reste de l’animal. «Nous commençons par les rincer à grandes eaux, nous les découpons en fines lamelles et les faisons macérer 48 heures, par exemple dans une marinade à base d’huile de sésame et de sauce soja agrémentée de shichimi togarashi, un mélange d’épices japonais», précise-t-il. Associées à de fines tranches de concombre et de radis chinois et parsemées de graines de sésame, elles
sont alors proposées comme amuse-bouche pour l’équivalent de 12 francs. A l’achat, les méduses coûtent moitié moins cher que le thon ou le saumon. Mais Pabst trouve que leur prix est encore beaucoup trop élevé si l’on considère qu’elles envahissent les mers. Il espère que leur cours chutera lorsque les Occidentaux découvriront à leur tour ce mets à la consistance originale autorisant toutes sortes de variations. L’un de ses plats préférés est d’inspiration vietnamienne et il est composé de méduse, de légumes crus, d’herbes fraîches et de mangue verte. Pour le préparer, on fait tremper la méduse dans une marinade qui marie poivrons, gingembre, ail, jalapeños, citronnelle, jus de lime et sauce de poisson. On mélange ensuite tous les ingrédients pour obtenir une salade fraîche, colorée et aromatique combinant des consistances très variées. Froide, la méduse est croquante. Si on la chauffe, elle s’attendrit un peu. La pêche à la méduse n’est pas de tout repos. Toutes les espèces ne sont pas comestibles et les bancs de méduses, qui peuvent mesurer jusqu’à 500 km de long, ont un comportement imprévisible. Au large, ces populations qui se laissent porter par les courants se cachent souvent à plus de 300 mètres de profondeur, ne remontant à la surface que la nuit. Contrairement aux bancs de poissons, ils ne sont donc pas visibles depuis un avion. Une fois que les pêcheurs ont réussi à attraper des méduses, ils doivent s’en occuper sur-le-champ, car elles s’abiment encore plus vite que les poissons. Par rapport à ce qu’elles rapportent chez nous, la pêche n’est donc guère rentable. Mais en Asie, la situation est différente. Car les amateurs sont prêts à payer jusqu’à 30 francs pour un kilo de rhopilema esculentum. Dans la mer de Bohai, un bras de la mer Jaune, on en pêche 50 millions par an. Afin de ne pas épuiser les stocks disponibles, les Chinois élèvent de jeunes méduses dans des bassins. Ils les relâchent ensuite pour qu’elles terminent leur croissance en mer. A l’échelle mondiale, on dénombre une douzaine d’espèces comestibles, dont cinq ou six en Méditerranée. Comme l’explique le magazine allemand Koralle, la Commission européenne serait favorable au développement de la pêche à la méduse commerciale, considérant qu’elle pourrait contribuer à combattre l’épuisement des stocks de poisson. Si la Méditerranée est aujourd’hui infestée de méduses, ce n’est pas uniquement en raison de l’augmentation de la température de l’eau, c’est avant tout à cause de la surpêche. Car moins il y a de poissons, moins les méduses ont de prédateurs. Pour l’écosystème, il serait donc souhaitable que l’homme rétablisse, en consommant des méduses, l’équilibre de la chaîne alimentaire qu’il a lui-même perturbé. Il suffit que nous surmontions nos préjugés. Côté plaisir, les recettes existent déjà. Et nos papilles en redemandent.
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www.bluewatercafe.net
“La Reine
de l’or blanc”
Sylvie Coquet ou la passion de la porcelaine TEXTE Philipp Bitzer PHOTOS Christian Kettiger (portrait) / Feeling‘s (produits)
Il y a dix ans, Sylvie Coquet a ouvert au cœur du Limousin son atelier de création porcelainière. Son crédo était simple, mais exigeant: «Back to the roots». Il s’agissait de revenir au fait-main pour proposer une qualité irréprochable. Les experts de la branche pensaient qu’elle ne tiendrait pas plus de six mois. Aujourd’hui, elle collectionne les prix d’innovation et fournit les plus grands chefs français.
Dans le monde de la restauration, le nom de Limoges évoque immédiatement la vaisselle haut de gamme. En 1768, d’importants gisements de kaolin furent mis au jour dans le Limousin, à 400 km au sud de Paris. Associée au quartz et au feldspath, cette argile rare, ne contenant pratiquement pas de fer, permet de produire de la porcelaine. Cette découverte catapulta la région, endormie depuis des siècles, dans les temps modernes et Limoges devint l’une des capitales européennes de la porcelaine, se spécialisant très tôt dans les arts de la table. Ce choix s’avéra judicieux. Car la vaisselle en porcelaine de Limoges, très prisée des rois et de la noblesse européenne, devint rapidement un symbole de réussite pour la grande bourgeoisie. Même après la révolution française, son prix resta donc très élevé. Au départ, la porcelaine était entièrement fabriquée à la main. La cuisson était réalisée dans des fours à bois. Au fil du temps, les procédés furent rationnalisés et perfectionnés grâce à la mécanisation de certaines étapes. L’arrivée des fours à gaz hautes performances et de nouvelles techniques permit peu à peu d’augmenter les cadences. Mais ce progrès eut comme souvent des effets secondaires néfastes. C’est ainsi
que plus le nombre de pièces produites augmentait, plus la qualité diminuait. Un précieux savoir-faire menaçait de disparaître. De nouveaux fabricants, pour la plupart asiatiques, commencèrent à inonder le marché avec de la vaisselle bon marché. Parallèlement, les coutumes de table devinrent moins contraignantes et la porcelaine se démoda. Autrefois d’une valeur inestimable, elle perdit de sa superbe et ses prix chutèrent vertigineusement. La crise de l’industrie porcelainière européenne fut progressive. Mais elle s’aggrava dramatiquement au cours des années 1980.
Une idée née de la crise C’est là que débute l’histoire de Sylvie Coquet. Aujourd’hui âgée de 48 ans, elle vient d’une famille de producteurs de porcelaine arrivée de Paris dans les années 1960, dont le nom est depuis longtemps synonyme de qualité dans la restauration. Mais il y avait un problème. Car l’ancienne entreprise familiale avait été rachetée par une grande manufacture. Le nom de Coquet continuait – et continue – d’être une marque reconnue, mais la philosophie des origines avait été mise à mal. Par la force des choses. Car il n’était plus rentable de proposer au prix fort des objets haut de gamme, alors qu’ils étaient
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concurrencés par des produits leur ressemblant comme deux gouttes d’eau et dont la piètre qualité semblait satisfaire les consommateurs, qui n’y voyaient que du feu. Malgré le rachat, Sylvie Coquet resta dans l’entreprise, mettant sa créativité au service des nouveaux propriétaires. Cependant, vers le milieu des années 1990, elle décida qu’elle avait mieux à faire. Elle voulait être indépendante afin de contrer cette évolution qui ne lui convenait guère. C’est ainsi qu’elle s’associa à son ami Jean-Pierre Cagin, un ingénieur issu de l’industrie porcelainière, pour fonder sa petite manufacture. Ou plutôt son atelier, comme on dit ici.
disputions souvent en raison de notre obstination. Mais nous avions – et avons toujours – un atout décisif: nous savons énormément de choses sur la porcelaine. Par ailleurs, notre four, que j’ai développé avec le père de Sylvie, est le seul de toute la région à fonctionner à l’électricité et non au gaz. Ceci nous permet de réaliser pratiquement toutes les idées de Sylvie, même les plus insensées! Avec ce four, nous pouvons régler la température avec beaucoup plus de précision. Et grâce à cela, il nous est possible de fabriquer des produits très fragiles, mais qui se distinguent par une qualité irréprochable, une belle sonorité, un toucher très agréable et une forme parfaite.»
Aux confins de la tradition et la high-tech
Les grands chefs français adorent Sylvie Coquet
L’atelier est situé sur une hauteur, en rase campagne, au cœur du Limousin profond. Sylvie et Jean-Pierre adorent raconter leurs débuts aux visiteurs de passage. «Lorsque nous nous sommes installés, les gens nous demandaient si nous étions devenus fous», se souvient Sylvie Coquet. «Ils faisaient des paris, l’enjeu étant de savoir combien de temps nous allions tenir. Toute la région se moquait de nous. C’était assez dur.» Et Cagin ajoute en souriant: «A vrai dire, ils ont bien failli avoir raison. Car nous avons beau être parfaitement complémentaires d’un point de vue professionnel, nous nous
Entre-temps, la marque Feeling’s est devenue une référence. Les meilleurs chefs français comptent désormais au nombre des clients de Coquet et Cagin. A commencer par Emmanuel Renaut, qui vient de se voir attribuer sa troisième étoile Michelin pour la cuisine de son restaurant Flocons de Sel à Megève. Sylvie Coquet ne signe pas uniquement la vaisselle de l’établissement, mais également une grande partie de la décoration, réalisée en porcelaine filigrane. Comme toujours, Sylvie n’a pas fait les choses à moitié. Lorsqu’elle collabore avec quelqu’un, elle veut tout sa-
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voir. Elle a ainsi demandé à Renaut de lui expliquer sa philosophie, de lui décrire sa vision, de lui présenter ses menus, de lui détailler son contexte professionnel, social et privé. Ce n’est qu’ensuite qu’elle a commencé à chercher des idées, à les développer et à les modifier – avec l’aide de Jean-Pierre Cagin, qui finit toujours par trouver une solution technique, même lorsque le problème semble insoluble. Au vu de cette passion et de ce savoir-faire, nous ne sommes guère étonnés d’apprendre que leur atelier se porte à merveille. Et que les moqueurs ont fini par se taire. Feeling’s est devenue une marque incontournable qui incarne le raffinement et la créativité. Conjuguant artisanat traditionnel et technologie de pointe, elle accorde une priorité à l’harmonie formelle. Les produits expriment le style et l’élégance. Résolument haut de gamme, ils ne sont jamais tape-à-l’œil. La sobriété est ici une constante. Et le maniérisme ou le kitsch n’ont pas droit de cité. Tout est dans la réduction et l’ingéniosité. Le raffi nement fait toujours sens et toutes les collections se distinguent par leur esprit ludique. Feeling’s a par ailleurs reçu le label «Entreprise du Patrimoine vivant», qui récompense les sociétés s’engageant de manière exemplaire pour faire vivre un héritage culturel. Les créations poétiques de Sylvie Coquet prouvent s’il le fallait que l’on peut y parvenir sans être passéiste. C’est ainsi que, pour les poissons et les fruits de mer, elle a imaginé des bols et des objets plaqués or ou platine en forme d’oursins, de crabes, de coquillages. Ou des assiettes rondes ornées de vaguelettes. Toutes ces réalisations sont à la fois esthétiques et fonctionnelles. Car malgré leur incroyable distinction, elles sont faites pour être utilisées au quotidien, ne craignant ni les fours ni les lave-vaisselle professionnels. Noblesse oblige. Même si, officiellement, la Révolution a eu lieu en 1789… S E A F O O D & CO // L a r e i n e d e l ’ o r b l a n c
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Infos La porcelaine – une culture historique La porcelaine a été inventée au 7e siècle en Chine. Son nom vient
Aujourd’hui, grâce aux techniques modernes, il est possible de pres-
de l’italien porcellana, qui désigne le coquillage cypraea, nommé
ser directement la pâte de porcelaine. Le recours à ces nouvelles
ainsi du fait de sa ressemblance avec la vulve de la jeune truie,
méthodes et la rationalisation des processus ont transformé la por-
qui se dit porcella en latin. Jusqu’au 15e siècle, nos voisins trans-
celaine en un produit de masse peu coûteux pouvant être fabriqué à
alpins étaient en effet persuadés que pour fabriquer la porce-
bas prix dans le monde entier. Ceci explique pourquoi, vers la fin du
laine, évoquée pour la première fois en Europe par Marco Polo,
siècle dernier, la plupart des manufactures traditionnelles ont connu,
les Chinois utilisaient la coquille d’un aspect lisse et brillant de
après des siècles de prospérité, une crise existentielle dont elles ne
ce mollusque. Sur le Vieux Continent, la porcelaine chinoise était
sont toujours pas sorties. Cette crise a été aggravée par le fait que
très prisée, mais on ignorait toujours son procédé de fabrication.
les coutumes de table se sont peu à peu relâchées, à tel point que la
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siècle que Johann Friedrich Böttger
vaisselle en porcelaine a peu à peu disparu de nos tables, même dans
et Ehrenfried Walther von Tschirnhaus découvrirent à Meissen le
les ménages bourgeois. De nos jours, on ne la trouve plus que dans
secret de «l’or blanc», comme on l’appelait en raison de son prix
les restaurants de luxe. Dans la haute gastronomie française, la mode
élevé. La porcelaine est une céramique fine composée pour moitié
est en effet aux assiettes et aux plats fabriqués comme autrefois: à
de kaolin, une argile ne contenant que très peu de fer, que l’on
la main.
Ce n’est qu’au début du
mélange à du feldspath et à du quartz en poudre. A l’origine, on diluait ces matériaux dans de l’eau et on plaçait la masse ainsi
Pour en savoir plus sur Sylvie Coquet, sur l’atelier
obtenue dans des moules. Plusieurs opérations complexes de
Feeling’s et sur les produits présentés ici, rendez-vous sur
cuisson permettaient alors de durcir et de vitrifier la porcelaine.
www.feelingsylviecoquet.com
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TEXTE Gabriel Tinguely PHOTOS Mérat
Livrer en un temps record des poissons qui viennent d’être pêchés constitue un véritable défi logistique. Mérat Viandes & Comestibles le relève et propose désormais du poisson frais. Préparer du poisson pané est à la portée de tous. Cuisiner un poisson frais pour le servir avec une garniture raffinée et une sauce délicate demande par contre un réel savoir-faire – et des produits de qualité. Depuis plus de 60 ans, Mérat Viandes & Comestibles propose aux restaurateurs suisses de la viande et de la volaille de premier choix. Et, depuis un an, du poisson et des fruits de mer surgelés. Aujourd’hui, afin de répondre aux attentes de ses clients, la société bernoise leur livre aussi du poisson frais. «De plus en plus de professionnels veulent pouvoir commander viande, charcuterie et poisson chez le même fournisseur», explique le directeur de l’entreprise Hans Reutegger. «En outre, ces produits ont des points communs: ils exigent une hygiène irréprochable et le respect absolu de la chaîne du froid.»
Les lois de la nature Lorsque l’on vend du poisson frais issu de la pêche, il faut faire preuve de souplesse et mettre en place une planification rigoureuse. Car les produits ne sont pas toujours tous disponibles, même quand le choix est vaste. Mérat propose en effet des poissons de mer et des poissons d’eau douce, des filets, du saumon sous diverses formes, des huîtres, des crustacés et des poissons fumés, certains étant labellisés Bio ou MSC. «Nous n’avons pas de stocks», précise Reto Maurer, qui dirige la plateforme de Bâle. Responsable du lancement de cette nouvelle offre, il précise: «La pêche dépend de nombreux facteurs. Les périodes de pêche ne sont pas les mêmes pour les différentes espèces. Et la filière est évidemment tributaire des aléas de la météo.» Lorsqu’il y a une tempête ou
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A quoi reconnaît-on le poisson frais? La fraîcheur des petits poissons est facile à constater. Leurs écailles sont brillantes, leurs yeux clairs et leurs branchies d’un rouge vif. Quand ils sont frais, les filets sans peau ont une chair ferme et élastique qui sent bon. «La plupart des cuisiniers cuisent le poisson à la vapeur, le pochent ou le sautent», dit Reto Maurer, qui donne aussi des cours de cuisine consacrés au poisson. La cuisson à la vapeur est celle qui permet de préserver au mieux la saveur du poisson. Il peut ensuite être aromatisé avec des herbes fraîches et des épices. Le sel ne se dissolvant pas dans la vapeur, il faut saler le poisson après-coup. Tranche de saumon
quand la mer est agitée, le rendement baisse. Parfois, les chalutiers ne peuvent pas rentrer au port et il y a rapidement une pénurie dans telle ou telle région. Quand la demande est élevée, par exemple à Pâques ou à Noël, certains poissons se font rares. «Par contre, nous garantissons une fraîcheur absolue», ajoute Reto Maurer. Ce qui signifie aussi que les clients doivent passer leur commande trois ou quatre jours avant la livraison. «Au départ, nous pensions que cela allait poser de sérieux problèmes. Mais il n’en est rien. La plupart de nos clients acceptent volontiers ces conditions.» «Le seul moyen de garantir la fraîcheur que nous visons est de transporter le poisson sur de la glace pilée dans des conteneurs en polystyrène.»
Lorsque l’on poche un poisson dans un peu de fond, Reto Maurer recommande de faire chauffer ce dernier avant d’y déposer le poisson. Ceci l’empêche de perdre son jus ou de devenir collant. Au terme de la cuisson, on peut passer le fond au chinois, le laisser cuire quelques instants et y ajouter de la crème pour en faire une sauce. Pour sauter à la poêle de petits poissons, des filets ou des morceaux de poisson, on peut utiliser de l’huile ou du beurre. Il faut les déplacer et les retourner régulièrement. De nombreux auteurs de recettes conseillent de fariner le poisson avant de le cuire à la poêle, afin qu’il n’attache pas et pour qu’il soit bien doré. «Personnellement, je pense que si l’on sèche bien le poisson avant de le mettre dans la poêle et que l’on utilise suffisamment de matière grasse, il n’est pas nécessaire de le fariner. Ainsi, il est plus savoureux.» Par contre, il est très important de saisir les filets d’abord côté peau. www.merat.ch
Cabillaud, baudroie, flétan, dorade royale ou lieu noir, les poissons de mer proposés par Mérat sont pêchés en Scan dinavie, au large de la Norvège, de l’Islande et du Danemark. Le merlu MSC, un grand classique de la cuisine méditerranéenne, provient d’Afrique du Sud. Sur demande, presque tous les poissons sont disponibles, a fortiori ceux qui sont pêchés en Suisse. «Nous entretenons d’excellentes relations avec les pêcheurs qui travaillent sur nos lacs et sommes donc en mesure de livrer des bondelles ou des truites suisses», dit Hans Reutegger. Trois fois par semaine, le poisson frais arrive par camion chez Mérat à Pratteln, où la marchandise est contrôlée avant d’être préparée pour la livraison. Afin de respecter la chaîne du froid, les poissons sont déposés sur de la glace pilée et emballés dans des conteneurs en polystyrène. Le poisson frais n’a ni le même goût ni la même consistance que le poisson surgelé et les temps de cuisson diffèrent. Après avoir été pêché, le poisson doit reposer pendant une douzaine d’heures pour que ses muscles se détendent. Il est alors plus facile à désarêter et à cuisiner, puisqu’il ne se déforme pas dans la poêle.
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Truite suisse
PLAIDOYER pour un produit de q ualité TEXTE Patrick Claudet PHOTOS Pierre-Michel Delessert
Le chef veveysan Denis Martin (2 étoiles Michelin, 18/20 GaultMillau) fustige les élevages de poissons et milite pour une plus grande transparence vis-à-vis de la clientèle.
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Si la cuisine de Denis Martin est estampillée moléculaire, ses bases sont classiques et sa démarche vise avant tout à valoriser le produit – ici cabillaud, asperges et lard colonatta.
Denis Martin aime les métaphores musicales. En cuisine, il penche davantage vers le rock que le classique, dit-il. Et ce qu’il aime par-dessus tout, c’est retrouver la patte du cuisinier dans un plat: «Deep Purple et AC/DC font les deux du rock, mais chacun a un son différent, et immédiatement reconnaissable.» Le choix des mots en dit long sur la personnalité d’un chef, et la manière imagée et enjouée qu’il a de s’exprimer colle plutôt bien avec ses créations, dans lesquelles «les goûts et les textures sont revisités à travers une cuisine ludique», comme il l’explique lui-même. Son approche juvénile, voire enfantine, de l’art culinaire, se traduit aussi par la présence sur les tables de «boîtes à meuh», dont le meuglement a pour but de dérider les convives. Et d’asseoir sa réputation de cuisinier rock’n’roll qui cherche à désacraliser la sortie gastronomique, laquelle devrait à ses yeux s’apparenter à un instant de partage simple et joyeux. Reste que si le décor surprend, et que l’approche tranche avec la tradition, le chef veveysan partage avec ses confrères étoilés la même exigence vis-à-vis du produit, qui reste à ses yeux la base de toute cuisine. «Un poisson d’élevage, qu’il soit cuit de manière classique ou moléculaire, reste un poisson d’élevage, c’est-à-dire un sous-produit. Souvent, les gens se focalisent sur ma technique parce qu’elle s’appuie sur des outils nouveaux comme l’évaporateur, et critiquent mon travail sans le connaître. Or, je suis un cuisinier avec des bases classiques. La transformation, à travers la cuisson ou l’assaisonnement, est au cœur de mon métier, au même titre que le choix scrupuleux des matières premières.» Le choix des produits, justement. Denis Martin y apporte une attention particulière, travaillant avec la maison lausannoise Mulhaupt depuis une trentaine d’années, ainsi qu’avec la Fédération internationale des pêcheurs amateurs du Léman (FIPAL), chez qui il se fournit en poissons du lac (omble, truite, brochet, etc.). Et quand il voit que des spécialités comme la dorade ou le loup, longtemps considérées comme des mets d’exception, sont proposées en plat du jour, il a un pincement au cœur. «Vu le prix des poissons de ligne, il s’agit forcément de poissons d’élevage. A mon sens, c’est une erreur que d’y avoir recours. Les produits
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En haut à gauche: St-Jacques crues, faux pain aux citrons et lyophilisé iodé. En haut à droite: Langoustine en mouvement, le flux et le reflux. En bas à gauche: Boya du Léman en croustille de riz soufflé. En bas à droite: Crevette sauvage, poivre Sarawak et pommade de yuzu.
de luxe doivent rester des produits de fête.» Son motto: éviter de recourir aux variétés d’élevage quand il existe sur le marché des poissons peu coûteux, qui, avec un peu d’imagination, peuvent être servis de manière attrayante. Pêle-mêle, il cite le maquereau, le merlan brillant, la sardine, la truite et la lotte du lac, la grosse perche nommée boya ou encore le pagre, injustement méconnus selon lui. Et Denis Martin de rappeler également l’importance du respect des saisons, non seulement pour les fruits et légumes, mais aussi les poissons: «Disponibles d’octobre à mai, les coquilles St-Jacques en provenance de la rade de Brest, de St-Brieuc ou d’Erquy sont des produits nobles et exceptionnels, mais ce n’est de loin pas le cas de toutes celles sur le marché. Je pense en particulier aux noix de St-Jacques américaines, livrées toute l’année mais de qualité médiocre, un vrai cauchemar. Il faut arrêter de vouloir manger ce type de produits en toute saison.» Pour Denis Martin, la solution passe en partie par une plus grande transparence vis-à-vis de la clientèle. D’une part, il suggère que les restaurateurs intègrent dans leur carte un calendrier des saisons par produit, afin de sensibiliser les consommateurs. D’autre part, il appelle de ses vœux une législation qui contraindrait les professionnels à mentionner la provenance de leurs poissons (sauvage ou d’élevage). Une démarche qui doit
aussi comprendre un volet sur la surpêche, imputable en grande partie aux chalutiers dont les filets ramassent les poissons par tonnes en les écrasant. «Tout le contraire de ceux qui pêchent à la ligne à bord de petits bateaux, et grâce auxquels nous sommes en mesure de proposer à nos clients des produits d’exception!» Quant aux techniques du chef vaudois qui focalisent souvent l’attention, elles sont certes en constante évolution – «Auguste Escoffier, s’il vivait en 2012, utiliserait les outils d’aujourd’hui pour sublimer les grands produits, j’en suis sûr» –, mais elles n’éclipsent pas le produit. La nouveauté pour la nouveauté n’intéresse pas Denis Martin, d’autant que la technique n’est qu’un élément parmi d’autres pour sublimer un produit: «Je réalise également des plats simples sans technique, des assemblages subtils mêlant l’acidité, l’amer et le doux.» En termes de cuisson, le modèle reste d’ailleurs un chantre de la tradition: Frédy Girardet, dont la cuisson du saumon à basse température a marqué Denis Martin à vie. Ce dernier garde d’ailleurs un souvenir précis de la visite de «Monsieur Girardet» en 1980 dans le premier restaurant qu’il a exploité avec son épouse Clara, le Central à Massongex. «J’étais évidemment mort de trouille, mais, au terme du repas, je me rappelle des mots aimables qu’il a eus pour moi. Il m’a dit de continuer à privilégier l’authenticité du produit et à cuire mes poissons comme je le faisais. C’est ce que je me suis efforcé de faire depuis lors!»
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Une recherche qui porte aussi bien sur le fond que la forme: St-Jacques de la rade de Brest, jaune d’œuf cryogénisé, truffes et Granny Smith.
Info Situé à la rue du Château, au cœur de Vevey, le Restaurant Denis Martin est ouvert uniquement en soirée du mardi au samedi. Baptisé Evolution, le menu unique varie de jour en jour, selon les saisons et les envies de la brigade, et comprend entre 22 et 25 plats. «Nous nous attachons à proposer à chaque fois une assiette qui soit construite, lisible et structurée, mais surtout qui dégage une émotion et donne du plaisir», résume Denis Martin. Quant au concept de la Soirée Passion, il permet aux gastronomes d’assister à une démonstration d’une heure et demi en cuisine et de déguster le menu Evolution.
www.denismartin.ch
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Les sushis freestyle
du lac de Zurich
Thomas SchwĂśrer, le spĂŠcialiste des sushis du lac de Zurich.
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TEXTE Jörg Ruppelt PHOTOS Gina Folly, M. Péclard restauration
Un lac tout bleu, une herbe bien verte et des sushis d’eau douce d’une fraîcheur incomparable. Où sommes-nous? Au Fischer’s Fritz, le fief de Thomas Schwörer à Zurich-Wollishofen. Tous les matins, le pêcheur professionnel Adrian Gerny accoste tout près du camping avec sa frêle embarcation.
Le nom de cet établissement rappelle la phrase allemande «Fischers Fritze fischte frische Fische, frische Fische fischte Fischers Fritz» qu’il s’agit de prononcer le plus vite possible, un peu comme «un chasseur sachant chasser doit savoir chasser sans son chien» en français. C’est à ce jeu que pensait apparemment Michel Péclard lorsqu’il a baptisé le restaurant de l’unique camping de la ville de Zurich, dont il a repris la gestion il y a bientôt trois ans. Ce restaurateur rusé, autrefois élève modèle de l’école hôtelière de Lucerne puis professeur de gestion dans cette même institution, est considéré dans la région comme la star montante de la branche. Péclard a un don pour repérer les sites qui attirent du monde. Il y a bientôt dix ans, il a ouvert le Pumpstation, un restaurant en plein air situé sur l’Utoquai qui propose de la bière, des salades et des saucisses. A l’époque, ses concurrents étaient morts de rire et ils ne donnaient pas cher de sa peau. Aucune banque n’ayant voulu lui avancer le moindre kopek, il eut l’idée de s’adresser à une marque de bière. Aujourd’hui, celle-ci se félicite de pouvoir servir son breuvage rafraîchissant dans cet établissement désormais ultra-fréquenté. Et les rieurs n’ont plus envie de rire. Même jaune. Péclard a réussi son pari. Outre le Pumpstation, son petit empire comprend de nos jours le café traditionnel Schober dans le Niederdorf, le Kiosk sur le port de Riesbach, le Coco Bar & Grill non loin de la Paradeplatz ainsi que, justement, le camping de Zurich-Wollishofen. Au moment de son attribution, nombre de restaurateurs espéraient reprendre le bail. Mais Péclard est arrivé, il a raflé la mise et a ouvert dans la foulée le Fischer’s Fritz. Sur son site web, le restaurant annonce qu’ici, le lac est plus bleu et l’herbe plus verte. On y apprend aussi que le pêcheur auquel fait allusion le nom de l’établissement existe bel et bien. Il ne s’appelle pas Fritz, mais Adrian Gerny et, en professionnel aguerri, il pose ses filets chaque soir.
Tout le petit monde frétillant qui s’y retrouve le lendemain matin finit illico dans les cuisines du Fischer’s Fritz. Il y a là des féras, des perches, des brochets et, quand SaintPierre est clément, de belles truites. A Wollishofen, les filets de poisson frits à la sauce tartare (CHF 26.50) sont des superstars. Mais, depuis un an, ils sont talonnés par les sushis confectionnés avec le poisson frais livré par Gerny et vendus dans une maisonnette du camping au prix de 23 francs les huit. Pendant la saison, on se les arrache. Les propriétaires de yacht accostent juste pour s’approvisionner en sushis frais. Des sushis avec du poisson d’eau douce? Sacrilège! S’ils apprenaient ça, les Japonais se feraient hara-kiri. Mais à Zurich, personne ne s’en offusque. Surtout pas Thomas Schwörer. Originaire de Schaffhouse, ce dernier fait partie de l’équipe de Péclard depuis de longues années et c’est lui qui, il y a un an, a commencé à préparer des sushis. Pour apprendre la technique, il s’est rendu à Osaka, dans les cuisines de l’établissement de luxe Swissôtel Nankai. «Michel Péclard connaît bien le directeur de cet hôtel, Christian Schaufelbuehl», raconte Schwörer. «Sous l’œil sévère de maître Edi, j’ai appris l’art des sushis. Le midi, pour les banquets, il me laissait faire. Mais, le soir, je me contentais de l’observer. Car les Japonais veulent que leurs sushis soient préparés par un Japonais.» Au bout d’un mois et demi, Schwörer est revenu en Suisse «la tête pleine d’idées» – et avec un couteau en acier damassé d’une valeur de 1000 francs. Il a tout de suite compris qu’il serait absurde de proposer des sushis classiques à base de poisson de mer. «Nous avons du poisson frais à nos pieds. Et, à l’exception des corégones, les poissons d’eau douce font de très bons sushis», explique-t-il. Il faut savoir que la loi sur les denrées alimentaires stipule que les poissons vendus crus doivent avoir été surgelés. Or, une fois congelés puis décongelés, les corégones ne retrouvent plus leur texture d’origine. «J’en fait donc du tartare», conclut le cuisinier.
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Thomas Schwörer crée des sushis avec les poissons qui viennent d’être pêchés dans le lac de Zurich.
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Les sushis de Schwörer et ses makis inside out, aussi appelés california rolls, sont des versions freestyle de ce mets traditionnel. Mais seuls les puristes y trouvent à redire. Pour ses petites merveilles, il utilise de la truite de lac, du tartare de corégone, de la perche, du brochet et parfois de la truite d’élevage. Ces poissons ayant un goût moins prononcé que le thon, il les mélange à des ingrédients aromatiques: avocat, piment, gingembre, mélange de Philadelphia et de wasabi, courge marinée, raifort, asperge sauvage, tout y passe. Parfois, il ajoute aussi des morceaux d’une omelette qui associe mirin, saké, lait, sauce soja, pâte de poisson, sucre, œufs, coriandre et piment. Infos
Reste le riz. Une science à part. Pour le préparer, Schwörer utilise du riz shinumai en provenance des USA ou d’Italie. Il le lave trois à quatre fois dans un bol, jusqu’à ce que l’eau soit claire. Puis il le cuit, avant de le déposer dans un récipient en bois appelé hangiri où il l’assaisonne avec du vinaigre mizkan et le mélange afin de faire disparaître les grumeaux et de le rendre lisse et brillant. Ensuite, il le met dans une boîte chauffante. Thomas Schwörer et Michel Péclard sont persuadés que la saison qui s’annonce sera aussi bonne que la dernière. «Qui sait», dit Schwörer, «peut-être que je serai à nouveau en cuisine de 14 à 22 heures pour rouler, rouler, rouler et envoyer, envoyer, envoyer!»
La carrière de Thomas Schwörer Né en 1977 à Schaffhouse, Thomas Schwörer a fait son apprentissage de cuisinier entre 1993 et 1996 dans une maison de retraite. Il a ensuite été commis au Grand Hotel Dolder, à Zurich, sous les ordres de Georges Angehrn, avant de travailler aux côtés de Hans Hediger dans les cuisines du Quellenhof de Bad Ragaz. Dans la foulée, il a été pendant un an chef saucier du The Manor, dans le New Jersey. De retour à Zurich, il a occupé le poste de sous-chef à l’hôtel Splügenschloss, a officié au Frieden sous la houlette de Kurt Truenz et a appris les bases de la cuisine thaï au Sukothai. Après un an et demi comme sous-chef de Markus Gass, du restaurant Adler, à Hurden, il a rejoint en 2003 l’équipe de l’entreprise de restauration zurichoise de Michel Péclard. Il a d’abord travaillé avec Marco Pero aux fourneaux du restaurant Tramstation et, depuis six ans, il partage son temps entre le Coco Grill & Bar et le Fischer’s Fritz.
www.fischers-fritz.ch
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Le vin des Trois-Lacs TEXTE Gabriel Tinguely PHOTOS Mises à disposition
On dit que le poisson doit nager trois fois: d’abord dans l’eau, puis dans la sauce et enfin dans le vin. L’eau ne manque pas dans la région des Trois-Lacs. Le vin non plus. Quant à la sauce, nous y renoncerons, car nous aimons trop le poisson frais.
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Il y a dix ans, la région des Trois-Lacs était en pleine effervescence. Lors de l’Expo.02, les curieux s’y rendaient par milliers pour découvrir les Arteplages d’Yverdon, de Neuchâtel, de Morat et de Bienne. Mais cette agitation ne dura pas. Ce qu’il en reste? Le souvenir de l’exposition et l’image idyllique de villages pittoresques lovés au cœur des vignes. Pourtant, les apparences sont trompeuses. En coulisses, les gens du cru ont travaillé dur. Sur les rives du lac de Bienne, à Gléresse, Douanne et Daucher-Alfermée, les vignerons se sont échangés des parcelles, ont nettoyé les terrasses et créé des surfaces de compensation. Allié à la rationalisation de l’exploitation et à une professionnalisation du personnel, ce remembrement a permis de faire baisser les coûts de production, contribuant à garantir des revenus durables aux vignerons. Une dynamique particulière a vu le jour sur les pentes du Mont Vully, 100 hectares étant situés dans le canton de Fribourg et 50 dans le canton de Vaud. Au terme de leurs études d’œnologie, neuf jeunes viticulteurs ont repris le flambeau de leurs parents et la qualité de leur vin s’est rapidement améliorée, à tel point qu’ils ne parviennent plus à satisfaire la demande. D’autres, encore en formation, devraient suivre leur exemple.
Autrefois, le canton de Neuchâtel produisait du chasselas, du pinot noir et de l’œil-de-perdrix. Mais ce dernier, très prisé, a été copié. Les vignerons n’ayant pas fait protéger cette appellation, de nombreux rosés suisses à base de pinot noir sont vendus sous ce nom. Le chasselas précoce, proposé «non filtré» dès le mois de janvier, a lui aussi été copié. Heureusement, la qualité du pinot gris, du viognier, du sauvignon blanc ou du chardonnay n’est pas aussi facile à imiter. A ce propos, saviez-vous que les premiers pieds de chardonnay de Suisse ont été plantés en 1964 sur une parcelle de Grillette Domaine de Cressier? Qui dit vin vaudois pense généralement aux crus produits sur les bords du Léman. Mais ce serait oublier que le canton de Vaud s’étend jusqu’aux rives du lac de Neuchâtel, où de nombreux domaines des régions viticoles de Bonvillars et Côtes de l’Orbe ont opté pour des cépages noirs comme le gamay, le gamaret et le garanoir, ainsi que pour des cépages blancs qui, grâce aux sols calcaires des pentes du Jura, donnent des vins fruités et minéraux.
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[ 1 ] Chardonnay Les Chipres en Vent 2009
[ 6 ] Freiburger 2011
Les Chipres est une parcelle dont le sol faiblement calcaire a une couleur sombre. Le vin vieillit pendant 18 mois dans des barriques en chêne français. Corsé, il se distingue par des arômes d’acacia, d’ananas, de noisettes et de beurre. Parfait pour accompagner le poisson, les fruits de mer et le foie gras.
Les viticulteurs du Mont Vully sont fiers de leurs spécialités et surtout du Freiburger, produit avec du sylvaner et du pinot gris. Le nez de ce vin puissant se compose d’arômes intenses de pomme verte et de miel. Il a les qualités de ses deux parents et semble avoir été créé pour accompagner la bouillabaisse d’eau douce.
[ 2 ] Pinot Noir Vieilles Vignes 2010 Né de vignes anciennes, ce pinot noir a un nez intense qui évoque la rose, la fraise et la framboise. Rappelant la griotte, son acidité vivante permet aux arômes fruités de persister en bouche. Un vin puissant mais harmonieux qui fait merveille avec les filets de poisson.
[ 3 ] Sauvignon Blanc Les Caderosses 2010 Tous les vins de Grillette sont des AOC. Les Caderosses sont des parcelles calcaires de sable pierreux qui donnent des vins éminemment fruités (cassis, litchi et lime) à la minéralité fumée. Vinifié avec une grande précision, ce sauvignon blanc ne doit pas être dégusté trop froid. Idéal avec les poissons agrémentés de sauces au goût prononcé.
[ 4 ] Blanc de Noir 2010 Un blanc à la robe dorée, velouté et fort, avec une légère note de douceur. Les raisins de pinot noir ont été pressés immédiatement avant de vieillir en fûts. Ce blanc de noir fruité et frais est idéal avec les asperges, les terrines de poisson et les poissons crus marinés.
[ 5 ] Pinot Blanc 2010 élevé en fût de chêne En général, Guy Cousin récolte le pinot blanc en dernier. Arrivé à maturité, le vin évoque la poire Williams, les noisettes grillées et parfois même le massepain et la lime. Le boisé est parfaitement intégré. Franc, il stimule le palais et sa finale est minérale et salée. Recommandé avec le poisson grillé servi avec une sauce au beurre.
[ 7 ] Fass No 3 Limited Edition 2011 Gutedel AOC Lac de Bienne La cuvée spéciale issue du fût de bois N°3 incarne mieux que toute autre le caractère particulier du chasselas. Vinifié sans désacidification biologique, ce vin frais à l’acidité vivante se marie parfaitement avec les filets de poisson au beurre.
[ 8 ] Garanoir 2010 Issu d’un croisement créé en Suisse (gamay x reichensteiner), le garanoir donne sur le terroir calcaire de Concise un vin aux arômes intenses de fruits rouges. Il vieillit dans des fûts en bois pendant 14 mois, ce qui lui permet d’absorber de légères notes de grillé et de cacao. Riche et rond, il se distingue par des tanins bien intégrés. Idéal avec des poissons comme le brochet, le sandre, le thon ou le rouget. Pour passer commande [ 7+4 ] Weingut Schlössli, Fabian et Irene Teutsch-Marugg Bielstrasse 155, 2514 Schafis BE, www.weingutschloessli.ch [ 2+6 ] A. Derron & Fils, Alain Derron, Ruelle des Vignerons 1 1787 Môtiers FR, www.derronvins.ch [ 5+8 ] Vignoble Cousin, Guy Cousin, Route de Provence 42 1426 Concise VD, www.vignoblecousin.ch [ 1+3 ] Grillette Domaine de Cressier, Matthias Tobler Rue Molondin 2, 2088 Cressier NE, www.grillette.ch
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Lorsqu’un
JEUNE FAUVE s’attaque au poisson
TEXTE Marc Benedetti PHOTOS René Frauenfelder
Agé de 26 ans, Frederik Jud est un jeune cuisinier très talentueux. Grâce à un menu qui comprenait notamment une entrée raffinée à base de silure, il a atteint la demi-finale du concours international «Junge Wilde 2012».
Deux Suisses parmi les neuf demi-finalistes En demi-finale, les neuf meilleurs sont répartis en trois poules de trois. Lors de l’édition 2011, Jud était l’un des deux Suisses qualifiés et il a terminé troisième de sa poule. L’autre cuisinier helvète, le champion du monde junior Thierry Boillat, a remporté la sienne, avant d’affronter en finale les vainqueurs des deux autres demi-finales. Boillat a failli gagner le titre. Mais, au terme de la compétition, il avait quelques points de moins que l’Autrichien Stefan Csar. Il a donc dû se contenter de la deuxième marche du podium – un classement remarquable mais parfois difficile à digérer. Frederik Jud est un battant. En 2012, il a retenté sa chance. Et il s’est à nouveau qualifié pour la demi-finale. Le 23 février, dans les cuisines de l’hôtel Relais & Châteaux Hanner de Mayerling, près de Vienne, son menu lui a valu la deuxième place de sa poule. Lors de cette épreuve, c’est son entrée qui a le plus impressionné le jury. Elle était baptisée «Silure Kakawa en manteau de blini, couteaux-gaines grillés, purée de panais, radicchio tiède et émulsion de pépins de courge». «L’an prochain, je veux aller en finale», précise Jud en riant.
«Junge Wilde», que l’on pourrait traduire par «Jeunes Fauves», voire par «Jeunes Sauvages», se définit comme «le concours de cuisine le plus cool d’Europe». Cette année, quelque 1900 jeunes cuisiniers allemands, suisses et autrichiens étaient en lice. Les critères de sélection? Originalité, innovation et perfection. Reconnaissable à son bandana de pirate, à ses grosses lunettes et à son bouc grisonnant, le président du jury n’est autre que Stefan Marquard, leader du «Jolly Roger Cooking Gang» et star du petit écran. La compétition est organisée par le magazine autrichien Rolling Pin, spécialiste de la restauration. «Chaque année, Rolling Pin cherche les meilleurs cuisiniers de moins de 30 ans, ceux qui ont une passion pour l’extravagance gustative et appartiennent ainsi au cercle fermé des jeunes fauves», écrivent les organisateurs. Or, à deux re- prises, le jury a remarqué les créations de Frederik Jud.
Les conditions sont réunies. Actuellement, Jud est souschef de l’hôtel-restaurant Kerenzerberg à Filzbach (GL), qui accueille régulièrement l’équipe nationale de ski. Toute la brigade le soutient, à commencer par son chef Rolf Rüfenacht, qui, avec l’équipe de cuisine glaronnaise, a participé jusqu’en 1998 à de nombreux concours et remporté plusieurs médailles. «Nous sommes très fiers de Frederik. Nous ne pensions pas qu’il irait aussi loin, car il avait énormément de choses à faire dans le cadre de sa formation de chef de cuisine», dit Rüfenacht. Originaire de Gommiswald (SG), Jud a un visage juvénile, mais de grandes ambitions. Il a toujours rêvé de devenir cuisinier. A l’origine, il était boulanger-pâtissier. Après un apprentissage de cuisinier au Frohe Aussicht, à Uznach, il a fait son école de recrues puis a suivi une formation de chef cuisinier. Il a ensuite travaillé trois ans au Roter Kamm, à Gockhausen (ZH). Et un jour, il a succombé à la fièvre des concours. «Ça a commencé à la Zagg, en 2010. Je me suis inscrit spontanément à la «Kocharena» et j’ai terminé deuxième», nous explique-t-il. La même année, il a également participé à «La Cuisine des Jeunes», une compétition organisée par Viande Suisse, dont il a été finaliste. En 2011, il a accédé pour la première fois à la demi-
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finale du concours «Junge Wilde», une prouesse exceptionnelle vu le nombre de concurrents. En demi-finale, les participants doivent réaliser un menu de trois plats. Les ingrédients imposés changent tous les ans. Et parfois, le poisson et les fruits de mer sont à l’ordre du jour. En 2012, les jeunes chefs devaient notamment cuisiner du silure et des couteaux-gaines.
Un entretien avec Frederik Jud Frederik Jud, pourquoi avez-vous pris part à ce concours? J’ai vu un reportage à la télé et j’ai immédiatement eu envie d’y participer! Au Roter Kamm, à Gockhausen, où j’ai travaillé pendant trois ans, mon chef, Stefan Schneider, adorait essayer de nouvelles recettes et il m’a aidé à concevoir les miennes. Un jour, alors qu’il était à la plage en Thaïlande, un de ses copains cuisiniers lui a dit que nous n’y arriverions jamais. Ça m’a encore plus motivé – et on a réussi notre coup! Faut-il vraiment être un «jeune sauvage» de la cuisine pour remporter le concours? On ne peut pas réinventer l’art culinaire, tout existe déjà. Mais on attend de nous de nouvelles associations. Et il faut prendre des risques. En 2011, j’ai tenté une soupe à la mousse de turbot avec des dés de turbot grillé dans un cornet à la seiche. Est-ce que, techniquement, le poisson exige des compétences particulières? Oui, le poisson n’est pas facile à cuisiner. En Suisse, la culture du poisson n’est pas aussi développée que celle de la viande. Mais j’aime vraiment travailler le poisson.
Comment est née l’idée de votre recette? A la maison, j’ai plein de livres de cuisine. Je les ai consultés pour voir quels ingrédients je pourrais associer. Je les ai notés, puis je les ai modifiés en fonction de mes goûts personnels jusqu’à ce que j’obtienne ce que je voulais. J’avais par exemple trouvé une recette de pâte à blinis dans un livre, mais j’ai remplacé les épinards par du chou car c’était la saison. J’utilise le plus souvent possible des produits de saison.
Pour quelle raison? Le poisson est une nourriture saine (rires). Et puis il nous oblige à changer nos habitudes. Quand on cuit de la viande, on n’est pas obligé de respecter la température au degré près, tandis qu’avec le poisson, c’est impératif. Cuisiner le poisson est plus difficile. Et, avec le poisson, on ne s’ennuie jamais. On peut le pocher, le cuire à la vapeur ou à la poêle, le préparer sous vide, le mariner comme on le fait pour le gravlaxs, le manger cru, le combiner à toutes sortes d’autres aliments et l’assaisonner de mille façons.
Qui vous a soutenu pour préparer ce concours? Mon chef, Rolf Rüfenacht, m’a permis d’utiliser les cuisines du restaurant pendant mon temps libre. En plus, il a lui-même participé à de nombreux concours et il sait donc ce que cela signifie. C’est le Grand Conseil du Canton de Zurich qui a goûté mon menu. En effet, le Canton est mon employeur car il est propriétaire du Kerenzerberg à Filzbach. Le Conseiller d’Etat Mario Fehr était là lui aussi. Et il m’a envoyé une lettre pour me féliciter. Ça m’a fait très plaisir!
En 2012, le silure faisait partie des ingrédients imposés. Aviez-vous déjà cuisiné ce poisson? Non, je n’en avais même jamais vu ni mangé. D’abord, il faut en trouver! Ça m’a pris un certain temps. Pour finir, j’en ai déniché un dans un C+C à Vienne. Il était énorme, alors j’ai dit au poissonnier: «Est-ce que vous pourriez me le découper en filets? Demain, je participe à un concours et je n’ai que quatre heures en tout et pour tout!» Et il l’a fait.
Comment décririez-vous l’idée qui a donné naissance à votre recette de poisson? D’abord, j’ai choisi les couleurs: le vert, le blanc et le rouge. Au niveau des saveurs, j’ai opté pour un aliment sucré, la purée de panais, et pour un ingrédient amer, le radicchio. Quant à l’huile de pépins de courge, elle rappelle un peu la noix. Le Kakawa Sol de Wiberg était imposé et il apportait une note épicée. C’est un assaisonnement qui se marie très bien avec le poisson et les fruits de mer.
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Est-ce que vous avez des idoles dans la profession? Oui, Roland Trettel, le chef exécutif de l’Ikarus, le restaurant du Hangar 7, à Salzbourg. Il a le meilleur job du monde: chaque mois, il invite un cuisinier différent. J’adorerais y faire un stage. Quels sont vos projets? En ce moment, je continue ma formation de chef de cuisine. Je conseille cette expérience à tout le monde. La Société suisse des cuisiniers nous apporte un soutien inestimable. Il ne faut jamais se reposer sur ses lauriers. Il est important de continuer à se perfectionner, sinon, on stagne. Un jour, j’aimerais bien ouvrir moimême un petit restaurant. www.jungewilde.eu
Voici la recette de l’entrée proposée par Frederik Jud dans le cadre du concours «Junge Wilde 2012». Vous trouverez une deuxième recette à base de poisson sur: www.hotellerie-et-gastronomie.ch/recettes
Silure Kakawa en manteau de blini, couteaux-gaines grillés, purée de panais, radicchio tiède et émulsion de pépins de courge
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Recette pour 10 Personnes farce au poisson 330 g 17 g 8 g ¼ 10 g ½ ct 150 ml 33 g 2
de filet de sandre (sans arêtes) de Noilly Prat de Pernod de citron de Kakawa-Sol de Wiberg d’ail finement haché de crème de crème fouettée oignons verts en fines tranches
Préparation Découper le poisson en gros dés et le faire mariner dans un mélange de Noilly Prat, de Pernod et de jus de citron. Répartir les morceaux sur une plaque et les congeler pendant 20 minutes. Les découper au cutter en très petits morceaux, ajouter le sel et l’ail puis, progressivement, la crème liquide. Filtrer la farce et incorporer la crème fouettée.
Pâte à blinis 416 ml 5 g 25 g 8 g 335 g 42 g 3 1 cs
de lait de levure sèche de sucre de sel de farine de beurre œufs d’encre de seiche
Faire chauffer un tiers du lait et y diluer la levure. Y incorporer le sel, le sucre, la moitié de la farine et le beurre ramolli. Ajouter les œufs, mélanger et laisser reposer la pâte au chaud pendant 20 minutes. Ajouter le reste du lait et laisser reposer à nouveau pendant 20 minutes. Répartir la pâte dans deux bols.
Verser l’encre de seiche dans l’un des deux et colorer la pâte. Faire cuire les blinis dans deux grandes poêles ovales des deux côtés, comme de fines crêpes. La pâte claire ne doit pas se colorer. La pâte foncée ne doit pas brunir. Découper les blinis en deux longues lamelles de 20 cm.
Silure 1 1,3 kg
grand chou de filet de silure Kakawa Sol
Blanchir brièvement les feuilles du chou dans de l’eau bouillante salée puis les plonger immédiatement dans de l’eau glacée. Les déposer côte à côte sur un torchon de cuisine propre de manière à former un rectangle de 24 x 32 cm. Etaler un peu de farce au poisson sur les feuilles. Déposer une à une les lamelles de blinis. Recouvrir avec du film transparent et retourner le tout. Retirer le torchon, déposer à nouveau une fine couche de farce au poisson. Poser le filet de silure légèrement assaisonné par-dessus et le presser légèrement. Emballer hermétiquement dans du film transparent et laisser mijoter à la vapeur pendant environ 8 minutes.
Couteaux-gaines 10
couteaux-gaines huile d’olive jus de citron
Bien laver les couteaux-gaines, ajouter quelques gouttes d’huile d‘olive et griller rapidement avec les coquilles. Ajouter un peu de jus de citron et de sel de mer, dresser.
Purée de panais 500 g 500 ml
de panais pelés de crème
125 g 2,5 cs 2,5 cs
de beurre de crème aigre de crème fraîche sel, poivre
Cuire les panais dans de l’eau bouillante salée jusqu’à ce qu’ils soient bien tendres, puis les mélanger aux autres ingrédients. Saler et poivrer.
Radicchio tiède 10 1
feuilles de radicchio prise de sel de mer fin un peu de balsamico blanc un peu d’huile de pépins de raisin
Laver les feuilles de radicchio, les sécher, les équeuter et les déposer dans une casserole. Les laisser mariner un moment dans le vinaigre balsamique blanc, le sel et l’huile de pépins de raisin puis les réchauffer jusqu’à ce qu’elles soient tièdes.
Emulsion de pépins de courge 80 g 2 cs 1 1 g 120 ml 120 ml
de jus de concombre frais balsamico blanc citron de gomme xanthane d’huile de pépins de raisin d’huile de pépins de courge de Styrie sel de mer fin
A l’aide d’un mixeur-plongeur, mixer le jus de concombre frais, le vinaigre balsamique blanc, le jus du citron et la gomme xanthane. Incorporer de la poudre de blanc d’œuf. Tout en continuant à mixer, ajouter en un filet continu l’huile de pépins de raisin et l’huile de pépins de courge et continuer jusqu’à obtenir une émulsion. Ajouter du sel de mer fin et laisser reposer au moins 30 minutes.
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Ama,
les femmes de la mer
Une ama juste après la plongée. Sa coiffe traditionnelle est censée la protéger des attaques de requins.
Sous l’eau, les plongeuses déposent leur prise dans de petits filets.
TEXTE Jörg Ruppelt, Markus Weckesser PHOTOS Nina Poppe
Jusqu’à un âge avancé, les ama bravent en apnée les profondeurs de l’océan pour ramener à la surface de précieux coquillages. Leur peau est tannée par le vent et l’eau, leur voix forte et grave.
Au Japon, la pêche aux mollusques est depuis toujours une affaire de femmes. Ce métier n’a rien d’une sinécure. Parfois, la température de l’eau ne dépasse pas les 12 degrés lorsque les ama plongent sans oxygène à la recherche de coquillages, d’oursins et d’algues. Equipées d’un masque et de palmes, elles arrachent à l’aide d’un pic les mollusques accrochés aux rochers sousmarins. C’est un travail risqué qui a coûté la vie à plus d’une «femme de la mer», traduction du mot ama. De nos jours, les ama continuent à jouir d’une aura particulière, liée à la dangerosité de leur profession et à l’érotisme qu’elles dégageaient lorsqu’elles plongeaient encore à moitié nues, vêtues d’un simple pagne. Aujourd’hui, leur quotidien n’a pourtant plus rien à voir avec les descriptions lyriques qu’en faisait en 1960 l’ethnologue et photographe italien Fosco Maraini dans son livre L’isola delle pescatrici (L’île des pêcheuses). Au 21e siècle, les ama se protègent du froid en enfilant des combinaisons en néoprène. Malgré cela, leur tâche reste épuisante. Et comme leur revenu est très modeste, leurs descendantes préfèrent partir chercher du travail en ville, abandonnant leurs grands-mères, dernières représentantes des femmes de la mer.
Au cours de l’été 2010, la photographe allemande Nina Poppe s’est rendue à plusieurs reprises sur la presqu’île de Shima dans le cadre d’un projet de livre consacré aux ama. L’une d’elles, âgée de 85 ans, lui expliqua pourquoi elle n’avait aucunement l’intention d’arrêter son activité: «Toute ma vie, j’ai plongé pour ramasser des ormeaux, des escargots de mer, des coquillages, des oursins et des algues.» De mai à septembre, cette vaillante octogénaire continue en effet de prendre la mer tous les jours, à bord du bateau de pêche qu’elle partage avec ses amies. Les plongeuses ne comprennent pas l’étonnement de la jeune allemande: elles font simplement ce qu’elles ont toujours fait. Les photos paisibles de Nina Poppe reflètent le calme des pêcheuses. Un cliché de son livre Ama ressemble cependant à la chronique d’une disparition annoncée. On y voit la surface de l’océan, lisse et immense, sous un ciel bas. Ce n’est qu’au deuxième coup d’œil que l’on découvre une bouée rouge ornée de deux petits fanions qui signale l’endroit où vient de plonger une ama, dont on ne distingue que les palmes. Au premier abord, emmitouflées dans leurs drôles d’habits, les ama semblent venir d’une autre planète. Elles portent
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des combinaisons moulantes noires, des leggings colorés, des gants oranges et une coiffe blanche censée les protéger des attaques de requins tout en permettant à leurs collègues restées sur le bateau de les repérer. Sans la moindre bouteille d’oxygène, elles descendent jusqu’à 30 mètres de profondeur afin de ramasser des abalones, considérés comme des mets de choix par les Japonais. Autrefois, le prix de ces délices était très élevé, si bien que les femmes de la mer étaient en mesure de faire vivre toute leur famille. Mais les choses ont bien changé. C’est grâce aux textes publiés sur son site web par la japonologue Ruth Linart que Nina Poppe a découvert la réalité économique et sociale actuelle des plongeuses. A leur lecture, elle a mieux compris comment les importations de piètre qualité en provenance de Chine et de Corée, la surpêche et la pollution ont fait chuter le cours des abalones, ce qui représente une lourde menace pour la tradition des ama.
Mais les ama continuent de plonger Celles qui n’ont pas de bateau plongent à proximité du rivage, armées d’une bouée dont elles se servent pour déposer leurs prises, la tâche restant tout aussi harassante. Dans ce monde, les hommes sont absents. Ici, on ne rencontre que des vieilles femmes et de jeunes fillettes. Nina Poppe nous présente cette communauté par le biais d’instantanés intimes tous droits sortis d’une utopie matriarcale, sans développer pour autant une quelconque théorie féministe. Avec légèreté, son livre trace le portrait d’une île vivant comme autrefois, en autarcie, loin du fracas et de la cruauté du monde moderne.
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Les mollusques sont triés et répartis dans différents filets avant d’être transportés jusqu’au marché. Les abalones, ou awabi en japonais, sont très prisés des gourmets nippons. Ils sont dégustés crus ou grillés. La maisonnette où se reposent les ama s’appelle amagoya. Après la plongée, elles s’y réchauffent au coin du feu et mangent ensemble.
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Le port de Katada. C’est d’ici que partent les ama.
Celles qui n’ont pas de bateau plongent depuis la rive. Epuisée par la pêche, une ama inspecte ses prises.
Infosi
Nina Poppe, est née en 1979. Photographe, cinéaste et commissaire d’exposition indépendante, elle vit et travaille à Cologne. Publié en 2011, Ama est son premier livre de photos. Ama 88 pages, 56 photos couleur, publié par les éditions Kehrer ISBN 978-3-86828-251-1
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CO N CO U R S
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Le complexe abrite un parc subtropical de plus de 30 000 mètres carrés, une plage privée de 3000 mètres carrés, une forêt de 200 000 mètres carrés et 111 suites et appartements avec vue imprenable sur le lac. Du point de vue gastronomique, vous avez le choix: les quatre restaurants à la carte, le bar Beach Lounge & Pizzeria, la Cava di Dievole et le Fun Pool Corner proposent des délices qui enchantent les gourmets. Côté détente et loisirs, nous vous recommandons le centre de bien-être. A moins que vous ne préfériez profiter des nombreuses possibilités offertes aux sportifs.
La gagnante du concours «glaces & desserts» est Margrit Maendli, 7205 Zizers. Elle gagne un week-end détente au nouveau Frutt Lodge & Spa.
Participez et gagnez! Veuillez répondre à la question suivante: Comment appelle-t-on au Japon ces femmes de la mer qui plongent en apnée à la recherche de coquillages?
A venir
A) Oma B) Ama C) Lama Envoyez-nous la bonne réponse avant le 30 juin 2012 avec la mention «seafood», soit par mail à booklet@hotellerie-et-gastronomie.ch, soit sur une carte postale adressée à: Hôtellerie et Gastronomie Edition, Concours «seafood», A l’att. de Nicole Kälin, CP 3027, 6002 Lucerne. Intitulé «viande», notre prochain hors-série paraîtra le 31 juillet 2012
Aucune correspondance ne sera échangée au sujet du concours. Tout recours juridique est exclu. S E A F O O D & CO // CO N CO U R S
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www.seafood.ch