Rue des Beaux-Arts n°65 – octobre, novembre, décembre 2018
RUE DES BEAUX ARTS Numéro 65 Octobre/Novembre/Décembre 2018
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Bulletin trimestriel de la Société Oscar Wilde
RÉDACTRICE : Danielle Guérin-Rose Groupe fondateur : Lou Ferreira, Danielle Guérin-Rose, David Charles Rose, Emmanuel Vernadakis On peut trouver les numéros 1-41 de ce bulletin à l’adresse http://www.oscholars.com/RBA/Rue_des_Beaux_arts.htm
et les numéros 42 à 64 ici.
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1 – Éditorial Par Danielle Guérin-Rose
Oscar et la Gentry
Les pièces d’Oscar Wilde fourmillent d’aristocrates. La upper class victorienne y est largement représentée, pas toujours à son avantage. On retrouve cette omniprésence de l’élite sociale dans ses contes (ou abondent rois, princes et princesses), dans ses nouvelles, comme « Le crime de Lord Arthur Savile », ou dans son roman « Le Portrait de Dorian Gray », où nous apprenons que le héros est le dernier petit-fils de Lord Kelso, que Lord Henry est le neveu de Lord Fermor qui, lorsqu’il était jeune, s’était mis « sérieusement à l’étude de l’art très aristocratique de ne faire absolument rien ». On loge à Mayfair, le quartier huppé de Londres, on fréquente la duchesse de Monmouth, le salon de Lady Narborough, on dîne chez Lady Agathe, la tante de Lord Henry. On va au théâtre et à l’opéra.
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Les aristocrates de tout poil pleuvent d’ailleurs, dans les pièces à succès d’Oscar Wilde : le comte de Caversham, son fils le vicomte Goring, le vicomte de Nanjac, le baronnet Sir Robert Chiltern et sa femme, Lady Chiltern, Lady Markby, la comtesse de Basildon, dans « An Ideal Husband » (Un mari idéal) ; Lord Windermere et sa femme, Lord Darlington, Lord Augustus Lorton, la duchesse de Berwick, Lady Agatha Carlisle, Lady Plymdale, Lady Stutfield, dans « Lady Windermere’s fan » (L’éventail de Lady Windermere) ; Lord Illingworth, Lady Hunstanton, Lord John Pontefract et sa femme Lady Caroline Pontefract, Lady Stutfield, Lord Alfred Rufford, dans « A woman of no Importance » (Une femme sans importance) ; enfin, la formidable Lady Bracknell, dans « The importance of being Earnest » (l’importance d’être Constant). Il est bien évident que les quatre jeunes gens de la pièce, Jack, Algernon, Gwendolen et Cecily, appartiennent eux aussi au meilleur monde.1 Quels sentiments Wilde nourrissait-il envers cette aristocratie qui hante ses œuvres ? Il n’est pas contestable qu’à l’instar de Proust (qui, sans jouir lui-même d’aucun titre de noblesse, ne cessa d’évoluer dans cette sphère brillante et privilégiée), qu’elle le fascine et l’irrite à la fois. Il en voit tout le charme et tous les travers.
Nous laisserons de côté des pièces comme « Salomé » qui met en scène une princesse de Judée, le tétrarque Hérode Antipas et sa femme, ou les pièces de jeunesse comme « Véra où les nihilistes » dont deux des héros sont le tsarévitch et le prince Paul Maraloffski, ou « La duchesse de Padoue », ces œuvres sortant du cadre de l’Angleterre victorienne. 1
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Wilde, dans sa jeunesse, fréquente un excellent milieu. On dit qu’il reçut son prénom en référence au Prince Oscar, frère du roi de Suède, qui devait plus tard lui succéder. Mais peut-être s’agitil d’une légende flatteuse.1 Quand Oscar eut dix ans, son père fut fait Chevalier en récompense de ses mérites, ce qui hissa la famille à un rang qu’elle n’occupait pas jusqu’alors. Il n’empêche que les Wilde étaient des bourgeois, pas des aristocrates ; et il existait un fossé entre les deux classes. Ce fossé, Wilde crut peut-être un moment l’avoir comblé, ou tout au moins pensa-t-il avoir jeté entre les deux mondes un pont qui lui permettrait de passer à sa guise d’un univers à l’autre et d’y évoluer comme un poisson dans l’eau. Ses succès littéraires, sa notoriété lui permirent de l’imaginer et peut-être sa liaison avec Bosie, fils d’un marquis, finit-elle de l’en persuader. La séparation était poreuse, il pouvait sans difficulté, grâce à son intelligence, à son esprit, à sa brillance, à sa célébrité, se jouer de ces règles sociales qui dressaient un mur entre les classes et les plier à sa guise. N’était-il pas l’ami intime de la maîtresse du Prince de Galles, la belle Lily Langtry, et ce dernier n’avait-il pas souhaité le rencontrer en disant : « Je ne connais pas M. Wilde, et ne pas connaître M. Wilde, c’est n’être pas connu. ». Il est bien permis de laisser le succès vous monter à la tête après une telle déclaration de l’héritier royal. À un moment béni de sa vie, Wilde se sentit pousser des ailes. Tout lui réussissait, le monde lui appartenait. Lady Jane, la mère d’Oscar, avait noué une vive amitié avec une jeune suédoise, Lotten Van Kraemer, fille du Baron Robert Fredrik von Kraemer, Gouverneur d’Uppsala, qui souffrait de problèmes d’audition et fut soignée par le docteur Wilde, un des plus grands spécialistes des yeux et des oreilles de l’époque. Quand il visita Uppsala, le roi Karl XV de Suède conféra au père d’Oscar le Nordstjärneorden (l’Ordre de l’Etoile du Nord). 1
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Il n’est pas totalement exclu que Wilde, au moment de sa rencontre avec Bosie, ait été séduit, non seulement pas son envoûtante beauté, mais par le prestige de son nom et de sa lignée. Le père d’Alfred Douglas, John Sholto Douglas, a beau être une brute, il n’en est pas moins le huitième marquis de Queensberry,1 membre d’une des plus anciennes et des plus nobles familles écossaises, « dont les membres avaient, au cours des huit siècles précédents, régné comme régents, remplacé des rois, épousé des princesses de sang royal »2 . Wilde imagina-t-il un moment qu’il y serait accueilli comme un pair, parce qu’il était devenu Oscar Wilde, dramaturge célébré, encensé, romancier scandaleux mais reconnu ? Crut-il que le succès effacerait de son sang la roture originelle, qu’il recevrait l’adoubement de ceux qu’il côtoyait maintenant dans les salons ? Wilde ne courait certes pas après un titre, mais il est à peu près certain qu’il se considérait à la hauteur de l’élite sociale qui l’accueillait chaleureusement parce qu’il était l’étoile du jour et qu’il décorait bien les dîners en ville. On ne s’ennuyait pas avec monsieur Wilde. Il était si disert et si spirituel. Les réceptions étaient rehaussées par sa présence. C’était l’attraction à la mode. Certes,
Wilde
noua
quelques
véritables
amitiés
avec
des
personnes socialement importantes. Il pouvait compter parmi ses intimes le couple des Asquith, dont le mari, Herbert Henry
Il peut arriver dans certains ouvrages que J.S Douglas soit désigné comme neuvième marquis de Queensberry. Une nouvelle numérotation de son lignage a été effectuée après sa mort, intercalant un nouveau marquis de Queensberry et le repoussant par là même d’une place. 2 Jacques de Langlade, Oscar Wilde, Biographie Mazarine, 1987 1
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Asquith, 1er comte d’Oxford et Asquith, devait devenir Premier Ministre du Royaume. Il dédia « Le pêcheur et son âme » à la princesse Alice de Monaco, protectrice des arts, qui ne se détourna jamais de lui et apporta à Constance une aide précieuse et jamais démentie, en lui offrant un
refuge
au
moment
du
désastre.
Elle
protesta
contre
l’inhumanité des traitements infligés à l’écrivain condamné et dans son autobiographie « Son of Oscar Wilde », Vyvyan Holland écrit : « une des personnes qui demeura fidèle à mon père était la Princesse Alice de Monaco.
Parmi ses amis indéfectibles, figure aussi Margaret Brooke, née Margaret de Windt au château d’Epinay sur Orge, petite fille de la baronne de Windt, et qui devait revenir la Ranee de Sarawak en épousant à vingt ans, Charles Brooke, qui avait le double de son âge et allait devenir rajah de Sarawak.
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Margaret Brooke, Ranee de Sarawak
Wilde l’avait rencontrée à Paris en 1891, et elle reçut la famille en déroute dans la villa qu’elle possédait en Italie, à l’est de Gênes. Elle apporta réconfort et soutien à Constance jusqu’à sa mort. Wilde lui avait rendu hommage du temps de sa splendeur en lui dédiant son conte « The Young King » (Le jeune roi). Mais, dans l’ensemble, au suprême moment de vérité, les mondains qui l’avaient reçu dans leurs salons éclatants, se détournèrent de lui avec dégoût. Les gentlemen qui, dans leurs public schools, s’étaient parfois livrés avec leurs camarades à des petits jeux pas si différents de ceux pour lesquels Wilde fut condamné, le rayèrent définitivement de la liste de leurs invités. Tout à coup, ils se souvinrent des coups de griffe que Wilde leur avait infligées dans ses écrits, de l’ironie avec laquelle il les avait
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traités, et qu’il les avait tournés souvent en ridicule en faisant rire à leurs dépens sur la scène des théâtres. On dit que plus que ses mœurs, ce qu’il ne lui avaient pas pardonné, c’était l’assurance conquérante avec laquelle il s’était introduit chez eux en se figurant leur égal, alors qu’il le regardaient sans doute comme un amuseur génial et de bonne compagnie, mais en aucun cas comme un des leurs. Leurs belles demeures lui furent closes à tout jamais, et tandis que Wilde entendait se refermer sur lui les sinistres portes de la prison, ils lui tournèrent le dos avec mépris et s’en revinrent à leurs chasses et à leurs bals, sans beaucoup de regret pour l’insolent qui avait manqué d’éducation au point de se faire prendre. Danielle Guérin-Rose
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2 – Publications Oscar Wilde et Elléa Bird – Le Fantôme de Canterville Album Editions Jungle – Octobre 2018 Jeunesse ISBN 978-2822225922
Oscar Wilde – Philosophie du vêtement Casimiro – Novembre 2018 ISBN 978-8416868957
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Oscar
Wilde
–
Le
fantôme
Canterville et autres contes J’ai Lu – Novembre 2018 Collection Librio ISBN 978-2290173879
Oscar Wilde – Salomé Flammarion – novembre 2018 ISBN 978-2081450769
Oscar Wilde – Salomé Gallimard – Novembre 2018 Folio théâtre ISBN 978-2070469765
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de
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Merlin Holland – Le Procès d’Oscar Wilde – L’homosexualité en accusation Edition établie et préfacée par Merlin Holland. LGF – octobre 2018 Collection Classique ISBN 978-2253183433
Et ailleurs… John Wyse Jackson and Emma Byrne – Best loved Oscar Wilde The O'Brien Press – Août 2018 Isbn 978-1788490771
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Colm Tóibín - Mad, Bad, Dangerous to know : The fathers of Wilde, Yeats and Joyce Scribner Book Company – octobre 2018 ISBN 978-1476785172 Dans « Mad, Bad, Dangerous to Know », Colm Tóibín pose un regard incisif sur trois des plus grands écrivains d'Irlande, Oscar Wilde, W.B. Yeats et James Joyce, et leurs premières influences: leurs pères.
Matthew Sturgis : Oscar, a life Apollo – octobre 2018 IBSN 978-1788545976
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Graham Price - Oscar Wilde and Contemporary Irish Drama: Learning to be Oscar's Contemporary Palgrave Macmillan – octobre 2018 Isbn 978-3319933443
Salome: Eine grafische Novelle – Oscar Wilde – O.P Kaye Langue allemande Books on Demand – juillet 2018 ISBN 978-3752838701
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3- Expositions Bohemian Beauty The Asthetic Movement and Oscar Wilde’s Newport
Bohemian Beauty explore le message d'esthétisme que Wilde a apporté à la ville balnéaire de Newport en Nouvelle-Angleterre. Il y avait été invité par Julia Ward Howe, originaire de Rhode Island, à parler au Newport Casino le 15 juillet 1882 sur «L’application pratique des principes de la théorie esthétique à la décoration extérieure et intérieure de la maison avec des observations sur les vêtements et les ornements personnels»
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Le frère de Julia Ward était, au moment de l'arrivée de Wilde à New York, le "lobbyiste social" le plus prospère de Washington, et venait de rentrer à New York, la ville où il était né. Au cours de sa carrière de 20 ans dans le lobbying, il était réputé pour avoir organisé les meilleurs dîners à Washington. Wilde a eu accès à la table de Ward au moyen d'une lettre de présentation de leur ami commun Lord Houghton, Richard Monckton Milnes, lui-même membre de la société londonienne, que Wilde avait sollicitée. Wilde a contribué à modifier la façon dont les gens comprenaient et acceptaient les concepts traditionnels de la masculinité. Dans ses conférences, il n’a pas parlé aux auditeurs mais les a engagés dans une conversation informelle, comme entre amis, et leur a conseillé d’être une œuvre d’art, soit de porter une œuvre d’art. Il a été son meilleur promoteur à travers des interviews de journaux et a décrit le mouvement esthétique comme «la science du beau». L'image de Wilde apparaissait partout: journaux, magazines, colonnes publicitaires, feuille de musique, affiches de théâtre, panneaux publicitaires, vitrines, cartes à collectionner.
19 mai – 8 octobre 2018 The Breakers, Chateau-sur-Mer, The Elms, Marble House, Rosecliff, Green Animals, Kingscote, Hunter House, Isaac Bell House and Chepstow.
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The House of Oscar Wilde – Dublin (as imagined by Arthur Cravan)
An art installation and performance at Trinity Oscar Wilde Centre. Cette exposition est un hommage à Arthur Cravan, né en 1887 à Lausanne, en Suisse, qui a disparu sur un voilier en 1918 au large de Salina Cruz, au Mexique. Poète, pugiliste, figure emblématique du mouvement Dada, il est, last but not least, le neveu d'Oscar Wilde. Ce 17
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projet est une installation multimédia : « La maison d'Oscar Wilde » (imaginée par Arthur Cravan) s’inspire des écrits du neveu de l'épouse d'Oscar Wilde, Arthur Cravan, sur la maison de Wilde à Londres. L’écrivain irlandais était bien plus pour Cravan qu’un oncle qu’il n’avait jamais rencontré. Il devint un modèle, un personnage dont il devait suivre les pas. La chasse au fantôme d’Oscar Wilde devint plus tard un élément fondamental du travail de Cravan. Les écrits qui ont inspiré cette œuvre ont été publiés en 1917, dans le quatrième numéro du magazine d'avant-garde de New York, The Soil, qui était presque entièrement consacré à Wilde; il contient un certain nombre de «documents jamais publiés auparavant», y compris une pièce sur la maison de Wilde à Londres. Ce texte comprend une description extrêmement précise, illustrée par deux esquisses, indiquant l’emplacement de chaque meuble, peinture et objets décoratifs dans la maison de l’écrivain. Comme il n’y a pas assez de documents ou de photographies qui permettent de recréer l’espace et les objets qui entourent l’existence quotidienne de Wilde, les textes de Cravan, bien qu’étant une œuvre de fiction, constituent un artefact de première importance. L'exposition est présentée au Centre Trinity Oscar Wilde pour l'écriture irlandaise, du 30 août (performance live et ouverture à 18h) au 6 septembre, avec des représentations en direct les 4 et 5
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septembre, suivies d'une projection de film et discussion le 7 septembre 2018.
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À Londres Du 3 octobre 2018 au 31 mars 2019 The Oscar Wilde Temple de New-York expose les travaux de McDermott & McGough’s au Studio Voltaire. La totalité de la galerie, une ancienne chapelle victorienne, est radicalement transformée pour créer un environnement qui célèbre entièrement le poète et auteur irlandais. Le papier peint d'époque, les vitraux, les tentures et les lustres et meubles du XIXe siècle ornent l'espace, évoquant la sensualité provocante du mouvement esthétique Ouvert du vendredi au dimanche Studio Voltaire - 1A Nelsons Row, SW4 7JR, London, UK
À Londres encore On peut aller à la Tate Britain où les portraits d’Oscar Wilde et de Bosie Douglas, par Marlene Dumas, font partie d’une exposition 20
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appelée ‘Walk through British Art: Sixty Years.’ Les deux portraits ont été peints en 2016 et plusieurs fois exposés.
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4. Opéra et Musiques, Mein Freund Bunbury A Leipzig
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Sans doute l’oeuvre de Gerd Natschinski s’assimile-t-elle plus à une comédie musicale qu’à un opéra. Cette adaptation pétillante de The importance of being Earnest est en tout cas très connue en Allemagne où elle est souvent jouée. C’est cette fois the Musikalische Komödie de Leipzig qui la reprend après une absence de trois ans. Elle est souvent vue comme une réponse directe à « My fair Lady ».
30 septembre et 3 octobre 2018 à 15H 30 décembre à 18H 1
Voir l’article de Tine Englebert en section 9 – « Mad Scarlet Music » 22
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31 décembre à 14H30 et 19H Musikalische Komödie de Leipzig
Salomé De Richard Strauss English National Opera
Mise en scène : Adena Jacobs Direction musicale : Martyn Brabbins Avec : Alison Cook
Salomé
Michael Colvin
Herode
Susan Bickley
Herodias
David Soar
Iokanaan 23
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Stuart Jackson
Narraboth
28 septembre au 3 octobre 2018 London Coliseum -
(7 représentations)
St Martin’s Lane, London WC2N 4ES
À Lyon Salomé (version de concert)
Orchestre National de Lyon Direction : Léonard Slatkin Avec : Lise Lindstrom, (Salomé) - Donald Litaker, (Hérode) Jane Henschel, (Herodias) - James Rutherford, (Jochanaan) Joel Prieto, (Narraboth) - Steven Ebel, (ténor) - Michel de Souza, (baryton)
Jeudi 8 octobre à 20H Auditorium – Lyon 3.
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5 – Théâtre La Ballade de la Geôle de Reading
Lecture conférence bilingue à deux voix. Avec Joanna Rubio et Rodophe Fonty On écoutera en alternance le texte en version originale et dans la belle traduction française de Christian Jambet.
Di 2 septembre 2018 – 17H Théâtre du Nord-Ouest – 75009 Paris
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Salomé
Par la compagnie Diversités Mise en scène Leonardo Alejandro Hincapié Assisté de Jean-Marc Dethorey « Une adolescente, qui demande comme récompense la tête d’un homme, a quelque chose de dérangeant. C’est ce que fait Salomé, fille d’Hérodias, princesse de Judée, auprès du roi Hérode, puissant vassal de César. La Salomé d’Oscar Wilde est bien éloignée de celle décrite par les Évangiles : elle ose défier l’autorité suprême, réclamer son dû. Et pour couronner le tout, elle affiche son désir amoureux. Voici une adaptation moderne de la pièce de Wilde. Tout en actualisant son drame, elle ne touche pas au texte épatant,
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écrit directement en français par l’auteur. L’action se déroule de nos jours : Hérode, ambassadeur, reçoit ses invités (le public) et les convie à un spectacle inouï... » Réservations 06 99 73 43 42. ou compagnie.diversites@gmail.com ou Billetréduc (ouvertes début septembre)
Du vendredi 26 Octobre au dimanche 28 Octobre, et du jeudi 8 Novembre au dimanche 11 Novembre 2018. (Du jeudi au samedi à 20h. Dimanche à 16h.)
Théâtre de Verre
–
12 rue Henri Ribière 75019 PARIS - Métro Place des Fêtes.
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Salomé
Compagnie des Mille Chandelles Mise en scène : Baptiste Belleudy Avec Agnès Afriat, Baptiste Belleudy, Melchior Carrelet, Saloom Darameh, Thomas de La Taille, Sébastien Ehlinger, Laurent EvuortOrlandi, Sophie Garmilla, Gil Geisweiller, Alain Khouani, Norman Paraisi, Gilbert Pascal, Jean-Baptiste Ponsot et Mandaakshai Daansuren (musicien) Soirée promotionnelle le 21 Octobre 2018
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Le Fantôme de Canterville
Mise en scène : Leila Moguez Avec : Leila Moguez et Antoine Brin
Du Samedi 1er septembre au Dimanche 4 novembre (les dimanches, mercredi et samedi à 15H jusqu’au 20 octobre – au
Et ailleurs...
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The Importance of being Earnest Au Vaudeville Théâtre de Londres Le Vaudeville Théâtre termine sa saison Wildienne avec la pièce majeure d’Oscar Wilde : « The importance of being Earnest », qui sera donnée du 2 août au 20 octobre 2018 Mise en scène : Michael Fentiman Avec : Sophie Thompson, Pippa Nixon, Fiona Button, Stella Gonet, Jeremy Swift, Fehinti Balogun, Jacob Fortune-Lloyd, Geoffrey Freshwater, Matt Crosby
Rappelons qu’elle succède à « A woman of no importance » (Une femme sans importance) (6 octobre au décembre 2017), Wilde Creatures (décembre 2018), « De Profundis » (3 au 6 janvier 2018), « Lady Windermere’s fan » (L’éventail de Lady Windermere) (22 janvier au 7 avril 2018), « The Selfish Giant » (Un géant égoïste) (2 au 14 avril 2018), « An Ideal Husband » (Un mari idéal), (20 avril au 14 juillet 2018). 30
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À noter, que pour la dernière de The importance of being Earnest, le 20 Octobre, les spectateurs sont invités à porter des oeillets verts, comme Oscar en portait lui-même à la première de la pièce.
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6 - Oscar Wilde et le Christ Par Emmanuel Halais
Dans ce qui suit, je m’intéresse à certains passages du De Profundis concernant la nature du Christ. Le De Profundis est un ouvrage mystique. La réalisation de soi ne fait sens que dans le cadre d’une conception religieuse du monde. En même temps, Wilde refuse tout dogme, et son « christianisme » est particulier. Il exclut, par exemple, une interprétation littérale des miracles. Il n’est pas question de vie après la mort. Et il parle beaucoup moins de Dieu lui-même que de Jésus. En Jésus, il voit le premier individualiste, en ce sens : celui qui, par son existence même, montre que le premier - et seul - devoir de l’être humain est d’être lui-même, d’obéir au principe de croissance qui lui est propre : cela revient au même que de comprendre que chacun a une âme, et que cette âme constitue la partie la plus précieuse de notre être, alors que nous pouvons l’ignorer - ce que nous faisons la plupart du temps. Cette 32
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compréhension est indissociable d’un plein exercice des facultés d’imagination et d’amour. Le Christ comme symbole On ne peut se contenter de vérités révélées. Les symboles, pour Wilde, doivent être « de sa propre création ».
Le Christ est un
« symbole », en tant qu’il synthétise et exprime. Le Dieu Juif était un Dieu unique : là où il y avait multiplicité, il n’y a plus qu’un être. De même, pour l’humanité : là où il y avait des hommes, et des « races séparées », il n’y a plus que l’humanité. Dans les deux cas, il y a unité du multiple. Et Jésus unifie lui-même ces deux synthèses : les deux, dieu et humanité, se sont « incarnés » en lui, voilà pourquoi, écrit Wilde, il se nomme indifféremment fils de Dieu ou fils de l’Homme. Nous sommes habitués à l’idée d’une double nature du Christ, à l’idée de la synthèse, en lui, entre l’homme et Dieu. Mais nous voyons ici à quel point cette synthèse est complexe : elle n’est possible que si elle est re-création. L’idée d’humanité n’existait pas avant. Ce qui est à l’œuvre : l’idée de l’unité du monde, ou ce qui revient au même de sa signification. Cette idée est transmise par l’image de celui qui porte l’ensemble : « Encore aujourd’hui, je trouve presque incroyable qu’un jeune paysan de Galilée se soit imaginé qu’il pouvait porter sur ses épaules le poids de tout l’univers : tout ce qui avait déjà été fait et subi, et tout ce qu’il restait à faire et à subir. » (144)
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Ce qu’il « porte sur ses épaules », c’est le poids tant des actions mauvaises, des personnages historiques (Néron) mauvais, que des âmes troublées, et celles de tous ceux qui souffrent. Il rassemble donc tout le mal et toute la souffrance. Mais ce faisant, il les transforme : il annule le péché et montre la beauté de la souffrance. Dès lors que l’on est « en contact avec sa personnalité », ces deux choses impossibles deviennent possibles. Nous avons ici une image particulière de l’âme, que l’on peut exprimer en termes de polarités, positive et négative. L’âme contient des choses basses, comme le mal et la souffrance. Mais elle est aussi mouvement, transformation, elle a la capacité d’annuler le péché et de donner signification à la souffrance. Mais elle ne peut le faire seule, elle a besoin d’une aide extérieure. Cette aide, c’est le Christ qui l’apporte, du simple fait de son « contact » : il symbolise ce qui donne forme et réoriente, pourrait-on dire, l’énergie négative en énergie positive, thème que l’on a déjà abordé concernant la « fonction nutritive » de l’âme. Le Christ et la recherche de l’âme Une autre caractéristique du Christ, que nous avons déjà relevée, est son individualisme, distinct de l’égoïsme. Nous pouvons voir à présent en quel sens : le Christ est révélateur d’une dimension de l’homme qui peut être ignorée : son âme. Le « Royaume des cieux » ne doit pas être pris au sens littéral, c’est une image de cette réalité recherchée, présente en chacun de nous. Wilde mentionne d’autres images employées par Jésus ; une « petite graine », une « poignée de 34
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levain », une « perle ». Les deux premières ont en commun l’idée de croissance, et partagent avec la troisième l’idée de préciosité. Les trois partagent en outre l’idée de petitesse (« little », « tiny »). Il y a là un contraste entre l’âme, ce qui est petit, et tout le reste, tout ce qui n’est pas soi, qui prend une grande place, et avec lequel on a plus facilement tendance à l’identifier : « La raison en est que l’on ne réalise son âme [one realise one’s soul] qu’en se débarrassant de toutes les passions étrangères [« alien »], de toute culture qu’on a acquise [« acquired »], et de tous ses biens extérieurs [« external »], qu’ils soient bons ou mauvais. » (147) Wilde dit du Christ qu’il « recherche » l’âme chez tous les êtres humains, qu’il la « découvre ». Nous avons vu qu’il ne le faisait qu’en exerçant une action sur elle. La même idée s’applique à notre propre perspective : on ne « découvre » pas sa propre âme comme on découvrirait un objet préexistant, avec toutes ses caractéristiques. « Découvrir », en ce sens, ne peut être distingué de « faire advenir ». Les « passions étrangères », ce sont les passions mondaines, qui détournent de soi. La « culture acquise » peut désigner une culture scientifique ou encyclopédique, la connaissance toujours croissante d’informations, la collection de faits, détachés de ce qu’il appelle par ailleurs la « sagesse », la compréhension de la vie intérieure. Les « biens extérieurs » (« external possessions »), Wilde en donne luimême des exemples, s’appliquant à son propre cas : le fait d’avoir un nom, une réputation, ou la richesse - autant de choses qui ne sont des « possessions » qu’en un sens secondaire, qui ne sont pas ce que 35
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nous
devrions
vraiment
posséder.
Certes
l’âme
est
« petite »
comparée à ce qui n’est pas elle ; « étranger », « acquis », « extérieur ». (Nous avons déjà mentionné son utilisation d’Emerson : nos vies sont la plupart du temps des copies ou des citations.) Pour autant, ces dimensions ont un tel poids dans notre existence terrestre qu’il peut sembler qu’elles épuisent la personnalité, qu’il n’y a rien d’autre à y trouver. D’où la nécessité de revenir à l’essentiel de notre être, à une forme de simplicité s’apparentant à une épure. C’est là le rôle joué par le « contact » avec le Christ. J’ai dit que « découvrir » l’âme était indissociable de lui donner forme, la faire advenir. Nous trouvons ici un autre aspect de cette « mise en forme » : ce que l’on pourrait appeler le recentrement, l’expulsion, en dehors de l’âme, de ce qui ne devrait pas s’y trouver. Ce que l’on obtient est alors l’âme « en son essence dernière » (« in its ultimate essence »), et sa simplicité, nous l’avons vu aussi, est celle de l’enfance. Ce qui entrave Rechercher son âme, à l’exclusion de toute autre chose, voilà qui peut sembler tout à fait synonyme d’un repli sur soi, incompatible avec la formule : « Ce qui arrive à autrui t’arrive à toi-même ». Pourtant, il y a différentes manières de porter notre intérêt aux autres, et Wilde insiste sans cesse sur ce que l’altruisme peut avoir de déplacé, y compris d’un point de vue moral. Il s’attaque à la philanthropie et aux « obscurantistes pétris de sentimentalité » (148) Ce qu’il leur reproche, c’est bien l’étroitesse de leur intérêt pour l’autre : ils ont certes de la pitié pour les pauvres, les défavorisés. Mais la pauvreté n’est qu’un des aspects de ce qui peut arriver de 36
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mauvais à une personne. On comprend alors ce que signifie « rechercher l’âme » pour le Christ : c’est voir plus loin que ce mal, certes le plus apparent, mais qui n’est pas le seul ni le plus essentiel. Avec son esprit provocateur, Wilde écrit que ce n’est pas cette détresse qui attirait le plus la pitié du Christ : « … il a infiniment plus de pitié des riches, des hédonistes au cœur dur, de ceux qui gaspillent leur liberté en devenant esclaves des choses, de ceux qui portent des vêtements moelleux et demeurent dans les palais des rois. » (149) Autrement dit, sa pitié va d’abord à ceux qui sont prisonniers de ces dimensions restant extérieures à l’âme et qui en interdisent l’accès. Ce n’est pas là, loin s’en faut, notre point de vue habituel, tant concernant la morale que concernant le Christ. Nous pensons volontiers que les gens riches ne sont pas à plaindre. Pourtant, insiste Wilde : « La richesse et le plaisir lui semblaient des tragédies plus grandes en vérité que la pauvreté et la douleur. » (149) Le riche est rendu esclave de ses richesses, l’hédoniste de sa poursuite du plaisir ; plus généralement, celui qui se consacre à la poursuite des choses du monde est condamné à ne jamais pouvoir se soustraire à leur empire. Par ailleurs, l’altruisme est lié au caractère : certaines personnes sont naturellement altruistes, tandis que d’autres ne le seront pas, sans que l’on n’y puisse rien changer : c’est « la vocation, non la
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volition qui nous détermine » : voilà une autre manière de dire que l’on n’éduque pas la volonté. Le bien pour soi Nous venons de voir que pour Wilde, l’altruiste est celui qui dirige mal son intérêt ou sa pitié : il y a des choses plus graves pour un homme que la pauvreté matérielle. Mais il va plus loin, en réinterprétant les commandements du Christ en des termes individualistes. Nous devons « pardonner à nos ennemis », et cette clémence peut être interprétée comme un geste dirigé vers l’ennemi, un acte de bienveillance. Selon Wilde, le geste est en réalité d’abord dirigé vers soi, parce qu’entretenir de la rancœur est d’abord mauvais pour soi. Quand le Christ donne ce commandement, « … c’est dans notre propre intérêt qu’il le dit, et parce que l’amour est plus beau que la haine. » (149) L’individu doit d’abord prendre soin de lui-même, c’est-à-dire de son âme. Ce soin est visible dans le rapport toujours individuel, particulier, de l’individu à la valeur : or la valeur la plus haute est celle de l’amour. Nous avons déjà examiné en détail la différence entre l’amour et la haine, et relié l’amour à l’imagination et la perception juste, globalement, à ce qui fait croître l’âme, là où la haine la dessèche et la détruit. C’est en ce sens que « l’amour est plus beau que la haine » ; et l’on peut voir que dans le pardon des offenses, c’est effectivement notre propre intérêt qui est en jeu.
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Bien entendu, une telle idée nous restera inaccessible, si nous persistons, comme cela peut être le cas, à ne considérer comme « moral » que ce qui vise juste le bien d’autrui, à l’exclusion totale de notre propre personne. C’est ce que l’on pourrait appeler la vision paranoïaque de la morale, inspirée grandement, sans doute, de Kant. De ce point de vue, l’interprétation de Wilde ne saurait être comprise que comme de l’égoïsme : on ne porterait au fond notre intérêt sur autrui que dans la mesure on l’on en attendrait quelque chose. Or, c’est bien là que le texte de Wilde est pertinent : il nous amène, pour ainsi dire, à redéfinir nos lignes conceptuelles ; en refusant que la morale soit assimilée à un effacement ou à un sacrifice de soi, il nous amène à comprendre que le bien fait à autrui est tout autant un bien pour soi1, par-là, c’est le concept même d’amour qui est modifié. Simplement, pour s’attaquer à ce modèle paranoïaque, il le prend exactement à contrepied, affirmant l’inverse de que l’on attendrait, c’est-à-dire en valorisant, dans le bien, ce qui est apporté à celui qui l’opère : non pas, cependant, parce qu’on en escompterait quelque chose, mais bien parce que « l’amour est plus beau que la haine. » De la même manière qu’il y a différentes manières de s’intéresser à autrui, il y a différentes manières de s’intéresser à soi, et on peut voir que l’ « intérêt » personnel dont parle Wilde dans l’acte du pardon
ne
saurait
être
assimilé
1
aux
récompenses,
même
L’idée est remarquablement synthétisée par Anne Rice. Dans L’heure de l’Ange, Malchiah dit à Toby, qu’il est venu convertir et convaincre d’aider les autres plutôt que de les tuer: « Pour toi, c’est la possibilité de faire quelque chose qui compte terriblement pour les autres tout en faisant uniquement le bien pour toi-même. C’est cela, faire le bien, tu le sais. » (62) 39
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psychologiques, qu’il pourrait apporter : ce qui est un bien pour l’âme ne peut être compris selon les catégories qui l’aliènent. Les deux trésors On retrouve cette idée dans diverses sources. Chez Wittgenstein, il ne saurait y avoir de récompense et de punition au sens éthique du terme, ou plutôt : la récompense doit se trouver dans l’action ellemême. Dans les Evangiles, on constate un détournement de l’idée de richesse. Dans l’Ancien Testament, la possession d’une abondance de biens matériels était un signe de la faveur de Dieu. Le Christ inverse l’idée, non pas en tournant le dos à la richesse 1, mais en réinterprétant son sens. Ainsi, une image du Royaume des cieux estelle celle d’un « trésor » enfoui dans un champ, qu’un homme découvre : il court vendre tout ce qu’il possède pour acheter le champ. L’image nous amène à distinguer deux types de richesses ; il faut échanger l’une pour l’autre, on ne peut avoir les deux. (Matthieu, 13.44sq) Cette distinction est aussi à l’œuvre dans l’image suivante, de la « perle fine » : le négociant doit vendre ce qu’il possède pour l’acquérir. La différence de valeur entre les deux types de biens recouvre celle entre un bien éphémère, corruptible, et un bien durable et éternel. Le trésor amassé sur la terre est la proie de « la mite », du « ver », des « voleurs », par contraste avec le trésor amassé
1
Cf. L’âme humaine : « Son Evangile ne signifiait pas que, dans une telle communauté, l’homme est avantagé s’il consomme des mets dégoûtants et malsains, se vêt de haillons malpropres, dort dans des logements répugnants et insalubres, et désavantagé s’il vit dans des conditions saines, agréables et décentes. » (29) 40
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« dans le ciel », qui est intouchable : « Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur ». (Matt, 6.19-21) Par ailleurs, Wilde soulignait dès L’âme humaine que la « richesse », pour le Christ, n’est pas toujours à prendre au sens littéral : lorsque celui-ci parlait de pauvreté et de richesse, c’est à la personnalité qu’il faisait allusion. La pauvreté est alors synonyme de personnalité ; être riche, ne pas avoir encore développé celle-ci. 1 Le jeune homme riche Dans L’Evangile selon Saint Matthieu, un jeune homme demande à Jésus ce qu’il doit faire pour « entrer dans la vie éternelle. » A la question de savoir ce qui est « bon », Jésus répond qu’il lui faut observer les commandements. Il les mentionne : « Tu ne tueras pas, tu ne commettras pas d’adultère, tu ne voleras pas, tu ne porteras pas de faux témoignage, honore ton père et ta mère, et tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Or ces commandements, le jeune homme les observe déjà. Il demande ce qu’il peut faire de plus, ce qui lui manque encore. Jésus répond : « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux ; puis viens, suis-moi. » Mais le jeune homme est riche, et n’est pas disposé à abandonner ses biens. (La Bible, p.1681) D’un
point
de
vue
superficiel,
on
pourrait
considérer
le
commandement de Jésus comme signifiant : tu possèdes de grands biens, il est de ton devoir de t’en servir pour soulager la misère des gens ; leur misère matérielle. Mais cette lecture résiste difficilement à 1
Cf. L’âme humaine, p.29. 41
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l’examen, si l’on considère le passage suivant, qui contient la célèbre remarque : il est « plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume des Cieux. » On voit que le problème ne porte pas tant sur la misère sociale à soulager, que sur l’incapacité des nantis à se séparer de leur argent, incapacité qui les entrave sur le plan spirituel. C’est bien là la lecture de Wilde, qui mentionne cet épisode où Jésus rencontre le jeune homme « qu’il aima dès qu’il le vit » (Cf. Marc, 10.21). Wilde nous livre les motifs de Jésus : « … ce n’est pas à la condition du pauvre qu’il pense, mais à l’âme du jeune homme, cette belle âme que la richesse était en train de gâter. » (149) Le commentateur écrit que si tous sont appelés à la perfection, Jésus a besoin de rassembler autour de lui un petit nombre de personnes très fiables, entièrement dévouées à la cause, et qui pour cette raison doivent abandonner famille et biens. Mais on pourrait aussi voir dans cette histoire l’expression d’une exigence de « perfection » absolue et radicale. En effet, le jeune homme honore déjà les commandements ; il peut déjà être considéré comme un homme bon. Mais ce geste supplémentaire, il est incapable de le produire, et on en voit la raison : cela reviendrait pour lui à changer totalement de vie, là où l’observation des commandements s’inscrit dans le tissu ou la continuité de celle, aisée, qu’il est habitué à mener. C’est pourquoi il s’en va, attristé - et cela attriste aussi Jésus, qui voulait en faire son disciple. La raison pour laquelle la lecture de ce texte peut aussi attrister réside dans le fait que le Christ ne perd pas ici un homme mauvais, 42
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mais un homme qui s’est arrêté à mi-chemin dans la voie de la perfection, et qui le sait. Or, dans cette voie, il n’y a en réalité pas de mi-chemin. Si bien que, à cause de cette vie d’aisance à laquelle il est incapable de renoncer - ce qu’il peut y avoir d’irréversible dans cet enracinement peut aussi nous attrister, nous pouvons nous y reconnaître, y reconnaître une aliénation qui nous est propre - son âme est en effet condamnée, comme l’écrit Wilde, à se « gâter ».1 C’est bien ce qu’écrit Wilde, dans un passage que nous avons déjà mentionné, où il décrit ainsi l’humilité : « De toutes choses c’est la plus étrange. On ne peut la donner et on ne peut la recevoir d’autrui. On ne peut l’acquérir qu’en renonçant à tout ce que l’on possède. C’est seulement quand on a tout perdu qu’on sait qu’on la possède. » (140) Si cette âme est gâtée, c’est que, comme Wilde l’écrivait déjà dans L’âme humaine, le jeune homme est incapable d’opérer la distinction entre l’être et l’avoir : de distinguer les véritables biens, ceux de l’âme - cette âme qui doit être cultivée - des biens matériels. 2 [Pour une interprétation critique de cette idée, i.e : le trésor spirituel reste un trésor, i.e. quelque chose que l’on veut posséder de manière tout aussi égoïste, cf. Salinger, Franny et Zooey, pp. 135-138]
Le sens propre
1
Cf. aussi Matthieu, 6,24 : « Nul ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent. » 2 Cf. p.30. 43
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Dans le passage qui nous intéresse, donc, Wilde tourne à la fois le thème du pardon des offenses et l’histoire du jeune homme riche d’une manière particulière : dans le sens d’un intérêt pour l’âme individuelle, ce qui peut la favoriser ou la gâter. La conception globale dans laquelle s’inscrit la démarche du Christ, tant dans ses exhortations que dans son existence même, est alors la suivante : chaque être particulier recèle une finalité, au moins idéale, un principe de croissance qui lui est propre et qui, selon les circonstances, peut être entravé ou favorisé. C’est la conception de l’ « expression » que j’ai cherché à expliquer dans la première partie de ce texte. Avant de revenir sur ce thème chez Wilde, je voudrais citer un texte qui me semble constituer un condensé de cette conception. Ce texte de 1918, « Opiniâtreté » appartient au recueil Guerre et paix de Hermann Hesse : « Toute chose sur terre a « un sens propre », toute chose simplement. Chaque pierre, chaque herbe, chaque fleur, chaque buisson, chaque animal croît, vit, agit et sent en fonction de son « sens propre » et c’est ce qui fait que le monde est bon, riche et beau. Le fait qu’il y ait des fleurs et des fruits, des chênes et des bouleaux, des chevaux et des poules, du zinc et du fer, de l’or et du charbon, tout cela vient exclusivement de ce que la plus petite chose dans l’univers porte en elle-même son « sens », sa propre loi, et la suit de façon absolument sûre et inéluctable. » (55) Seul l’être humain, poursuit Hesse, ne suit pas toujours cette loi qui lui est propre, obéissant plus volontiers à celle qui lui est dictée par l’extérieur, la conformité de la foule et son caractère « grégaire ». 44
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Celui qui y échappe, cependant, qui au sens strict fait preuve d’ « opiniâtreté », ne suit aucune autre loi que son propre principe de croissance, et le fait à ses risques et périls. Rien n’est plus rare, rien n’est plus aisément condamné par la multitude - paradoxalement, seuls les individus, en ce sens, sont loués, longtemps après leur mort, par cette même multitude. C’est bien cette idée d’une destination propre à chaque être, et de cette exception de la situation humaine, que l’on retrouve dans la « conception de la vie » du Christ, livrée par Oscar Wilde.
On voit que les êtres humains ont un
accomplissement qui leur est propre : dans le cas des artistes, qui l’occupe particulièrement ; « […] en fonction de la loi inévitable de l’accomplissement de soimême (« the inevitable loi of self-perfection ») le poète doit chanter, le sculpteur penser en bronze, et le peintre faire du monde le miroir de ses états d’âme… » (149) Cela signifie qu’il n’est pas accidentel, pour un poète, de « chanter », mais bien un acte qui répond à une pression de sa nature intime. C’est la forme qu’entend prendre celle-ci, son mode d’expression particulier ; tout comme sont des formes et modes d’expressions particuliers cette « pensée en bronze » du sculpteur, cette conception du monde comme miroir de ses états d’âme du peintre. Ce qui est rendu par-là évident, c’est l’adéquation d’un individu à sa propre nature. Quand cette adéquation a lieu, elle doit se traduire, à mon sens, dans la joie d’exister. 1 1
On trouve le thème de cette « joie d’exister », en lien avec l’adéquation à soi-même, dans le symbolisme du Graal, en particulier de manière négative lorsque – ce qui est le cas la plupart du temps – celui-ci est perdu ou hors de notre portée, cf. Barjavel, L’enchanteur, p.16 : « Car si nul ne sait ce que contient le Graal, du moins est-on assuré que lorsque les hommes s’en détournent, ils perdent la joie d’exister, car ils ne savent plus ce qu’ils sont, ni pourquoi ils sont. 45
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Je n’ai pas le sentiment que lorsqu’il écrit sur le poète, le sculpteur ou le peintre, Wilde ne se préoccupe que de la croissance de l’artiste, en négligeant l’homme du commun. Bien plutôt, il pense le mode d’être au monde de l’homme, de tout homme, à travers celui de l’artiste, son dynamisme. C’est aussi pour cette raison qu’il conçoit le Christ, on l’a vu, comme l’artiste primordial. Mais aussi, tout comme ce dynamisme est présent, selon Hesse, dans chaque brin d’herbe et chaque pierre, on le retrouve, selon Wilde, dans l’ensemble de la nature. Transposée, la nécessité de la réalisation de l’artiste se calque sur celle de la réalisation des phénomènes naturels : « … le peintre [doit] faire du monde le miroir de ses états d’âme, et cela aussi sûrement que l’aubépine doit fleurir au printemps et le blé flamboyer comme de l’or au temps de la moisson, et que la lune, dans son cheminement ordonné,
doit se changer de bouclier en
faucille et de faucille en bouclier. » (149)1 Microcosme, humanité
Ils cessent d’être vivants : ils sont seulement en vie. » Voir aussi la fin du roman, lorsque Merlin, après la victoire de Galaad, dit : « Le Graal s’éloigne. Il va s’éloigner pendant des siècles… Mais il reste toujours proche. Le chemin qui y conduit s’ouvre en chaque vivant. » C’est à mon sens la même idée qui est exprimée par Wilde dans le De Profundis lorsqu’il écrit que chaque homme est destiné à rencontrer le Christ au moins une fois dans sa vie, sur le chemin d’Emmaüs. 1 Chez Wilde comme chez Hesse, la réalisation de soi, évidente pour les phénomènes naturels, est contrariée chez l’humain en raison de son caractère social, poussant au conformisme. Pour les deux, l’individualisme est lié à une certaine compréhension du Christ : pour Hesse, le christianisme est un individualisme en ceci qu’il nous fait comprendre à quel point chaque âme est précieuse. Hesse entrevoit la possibilité terrible de la complète disparition de cet individualisme : « Il est possible que par là je fasse partie d’un monde déjà disparu, que déjà soit en train de naître un homme collectif dépourvu d’âme individuelle, qu’il existe déjà ici et là et qu’il fait table rase de toute la tradition autant religieuse qu’individualiste de l’humanité. » (p.147) On retrouve aussi chez lui le rejet des richesses et du pouvoir, qu’il interprète, non seulement comme des entraves au développement spirituel, mais comme des moyens de compensation pour celui qui ne sent pas en lui la vie se déployer ; comme des produits de la méfiance, de la conviction qu’en ce monde on ne peut gagner quelque chose qu’en le retirant à un autre. (cf. p.58) 46
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Il faut alors comprendre le lien entre cette conception de l’individu, inscrite, nous venons de le voir, dans une conception plus générale de ce que signifie, pour tout être singulier, se réaliser ou s’exprimer ; et la question du rapport à autrui. J’ai déjà insisté sur l’importance, pour Wilde, de la maxime « Tout ce qui arrive à autrui nous arrive à nous-mêmes. » Cette maxime, il enjoint Douglas d’y penser plus souvent, en raison de son terrible égoïsme. Or, ce qu’elle exprime ne contredit
pas
l’individualisme,
l’importance
accordée
à
l’âme
singulière, mais s’y relie intimement: « Mais si Jésus n’a pas dit aux hommes « Vivez pour les autres », il a souligné qu’il n’y avait pas la moindre différence entre la vie des autres et notre propre vie. » (149) L’idée est reliée à l’acte d’imagination par lequel, on l’a vu, Jésus pense et crée à la fois l’humanité comme unité – indissociable de la manière dont il rassemble en lui tous les péchés et toutes les souffrances du monde. Mais dans ce cas, la séparation, qui marque notre condition mondaine, est abolie. Sauf que cette conséquence est tout sauf simple. Voici ce que l’on peut dire. Le Christ se fait symbole de l’humanité dans son unité, identifie ainsi sa personne à toutes les autres, ou rassemble en sa personne toutes les autres. Ce faisant, il ne se contente pas de se créer pour lui-même, pour ainsi dire, une personnalité enrichie, étendue : agissant en symbole, justement, il donne
aux
notions
mêmes
d’ « individu »
ou
d’ « âme »
une
signification différente, qui dépasse leur signification (supposée première ou originale) de séparation. Or, cette signification dépasse d’emblée les limites de la personne réduite à ses propres intérêts et
47
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au point de vue fermé leur correspondant, ce qui est traduit chez Wilde par le vocabulaire de l’extension et de la divinisation : « Et il a, ce faisant, donné à l’homme une personnalité bien plus vaste, une personnalité de Titan. » (150) Jusqu’où va cette extension ? La conception de Wilde met en avant un lien entre l’existence de l’individu et celle du monde comme un tout, la possibilité d’une coïncidence entre les deux : « Depuis sa venue l’histoire de chaque individu distinct [« each separate individual »] est, ou peut devenir [« can be made »], l’histoire de l’univers [« the history of the world »]. » (150) Ce point demande explication car, semble-t-il, rien n’est plus facile à rejeter que ce genre d’affirmation. D’un point de vue terre-à-terre ou réaliste, on serait tenté de dire - pour peu que l’on ait suivi jusqu’ici son interprétation de la signification du Christ - qu’il ne s’agit que d’une conception mythique, et à rejeter en tant que telle. D’un point de vue plus rationnel, dira-t-on, un « individu » ne peut être adéquatement décrit comme ayant une « personnalité de Titan », nul lien de cette sorte ne peut être constaté entre un individu et « le monde » (pour peu que cette expression signifie quelque chose), et si l’on peut parler de l’ « extension » des intérêts au-delà de sa propre personne, cette extension devrait être examinée sous l’angle d’une psychologie empirique, et non sous celui d’une métaphysique de la réalisation. Il me semble pourtant que ce serait une réponse inadéquate.
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Pour le comprendre, il faut voir quelle notion de possibilité est à l’œuvre ici, dans des expressions comme « can be made », et quelle est sa relation aux faits. Les relations établies par quelqu’un comme Wilde concernent tant le rapport individu/humanité que celui individu/monde comme un tout. De ce point de vue, un individu « appartient » à l’humanité, mais pas seulement au sens « minimal » où un membre d’une espèce particulière appartient à cette espèce, partageant avec ses autres membres un certain nombre de propriétés dénombrables et descriptibles ; au sens où un objet particulier rentre dans une catégorie générale ; et ce parce que le rapport d’un individu humain à son humanité ne ressemble pas, sauf à être considérablement déformé, à ce rapport objet/classe. Et il me semble que tel est le cas, justement, parce que le caractère partagé ou partageable de l’humanité n’est pas quelque chose d’acquis, mais bien quelque chose qui est toujours en jeu ; ce qui est bien montré par l’image du Christ comme « créant » l’unité de l’humanité, une image indissociable de la manière dont chacun de nous, par exemple, donne à la souffrance une signification, une importance, particulière - ce qui est toujours indissociable de la possibilité de ne pas la lui donner. En cela, s’il y a bien un sens à parler de l’humanité comme unité, on comprend aussi que cette signification n’est pas indépendante de nos réactions particulières. Ce qui est une autre manière de dire qu’en aucun cas l’ « humanité » n’est quelque chose susceptible d’être établi par la description de faits empiriques ou « objectifs ». Dans l’idée même de l’humanité comme unité, il y a l’idée d’une donation de sens ; et chacun accepte ou non d’y procéder, selon des voies qui lui sont propres, en fonction 49
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de son histoire personnelle et de son expérience du monde, et ce de manière plus ou moins consciente et réfléchie. Ce qu’il y a de commun, de partagé, dans cette signification ne réside dans rien de plus, mais rien de moins non plus, que cela. Ainsi, un discours en termes
objet/catégorie
n’est-il
« minimal »,
justement,
qu’en
apparence : étant en fait dérivé d’un sentiment de la contingence de cette objectivité, il ne correspond à rien d’autre qu’à une angoisse devant cette contingence et à la volonté de la réifier en faisant appel au discours portant sur les « faits ». Pour en revenir à l’idée selon laquelle l’histoire de chaque individu peut devenir l’histoire du monde : c’est là une interprétation de la relation microcosme/macrocosme. Il y a un lien entre l’individu et le monde pris comme un tout : on retrouve en l’un les principales caractéristiques de l’autre, ou l’un est un miroir ou un reflet de l’autre. Maintenant, si l’on veut comprendre en quoi la morale de Wilde en est une de la compassion (une pensée qu’il attribuait aussi au Christ), il faut voir en quoi elle est indissociable de cette conception spéciale de l’individu. Pour le Christ, « il n’y a pas la moindre différence entre la vie des autres et notre propre vie. « (149) Je fais à nouveau appel à Hermann Hesse pour exprimer ce point : « « Tu ne tueras point » n’est pas le commandement rigide d’un « altruisme »
doctrinaire.
L’altruisme
est
quelque
chose
qui
n’apparaît pas dans la nature. « Tu ne tueras point ! » ne veut pas dire : tu ne dois pas faire de mal à autrui ! Cela veut dire : tu ne dois pas te dépouiller toi-même d’autrui, tu ne dois pas te porter tort à 50
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toi-même ! Autrui n’est nullement un étranger lointain, dépourvu de lien, qui vivrait pour lui-même. Tout, sur terre, les milliers d’ « autres », ne sont là pour moi que dans la mesure où je les vois, où je les sens, où j’ai des rapports avec eux. Ma vie n’est faite que de relations entre moi et le monde, moi et les « autres ». »1 La morale des exceptions Dans le texte de Wilde, ces « relations entre moi et les « autres » » doivent,
pour
exister,
être
investies,
nous
l’avons
vu,
par
l’imagination. Or, dans la perspective du Christ, il ne saurait s’agir d’une sorte de principe applicable à toute situation. Wilde lui attribue son propre « particularisme », celui de la morale des exceptions ; ainsi que l’idée d’une justice « poétique » (159). Dans Luc, 7,47 la femme pécheresse entoure le Christ d’attentions, lui arrose les pieds de ses larmes, les couvre de parfum, de baisers. « A cause de cela, je te le dis, ses péchés, ses nombreux péchés, lui sont remis parce qu’elle a montré beaucoup d’amour. » Ici, ce n’est pas tant le fait même de la rémission qui intéresse Wilde que le motif invoqué par le Christ. Voilà en effet qui pourrait sembler bien arbitraire. Cependant, selon Wilde, il valait la peine de mourir après avoir prononcé une telle phrase. La valeur de l’amour est telle qu’il efface le péché. Et ce qu’elle accomplit alors, son geste, fut exceptionnel ; même si ce caractère exceptionnel peut rester incompris de natures dénuées d’imagination : « Ceux qu’il sauva du péché ne sont sauvés que grâce à d’admirables moments de leurs vie. » (159) 1
Guerre et paix, p.15. 51
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Mais justement, les disciples, dans le cas de Marie-Madeleine, sont horrifiés ; tous ces produits étaient très chers, elle aurait du s’en servir pour aider les pauvres ! Mais Jésus, selon Wilde, ne partageait pas leur avis. Dans L’âme humaine, Wilde utilise la distinction biens matériels/biens spirituels pour justifier l’acte de la femme. Le Christ pensait… « … qu’en un moment divin, en choisissant son propre mode d’expression [« by selecting its own mode of expression »], une personne [« personality »] pouvait atteindre à la perfection. Et jusqu’à nos jours le monde a vénéré cette femme comme une sainte. » (32) Autre exemple de « justice poétique » : « Le mendiant va au ciel parce qu’il a été malheureux. Je ne peux imaginer de meilleure raison pour l’y envoyer. » (159) Sous-entendu ; là où nous aurions tendance à penser qu’il n’a rien fait, justement, pour le mériter ; tout comme, à première vue, la pécheresse n’a rien fait pour mériter le pardon, rien fait qui le justifie. Cependant, en un autre sens, quelqu’un qui est malheureux mérite mieux, mérite le soulagement de ses peines, mais c’est un sens qui ne peut être exprimé en termes d’action accomplie entraînant automatiquement telle ou telle rétribution. Troisième exemple, qui rend encore plus évident la disproportion apparente entre acte et récompense : « Ceux qui ont travaillé une heure dans les vignes à la fraîche reçoivent la même rémunération que ceux qui y ont travaillé toute la 52
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journée au grand soleil. Et pourquoi pas ? Sans doute aucun d’eux ne méritait-il rien. Ou peut-être s’agissait-il de gens différents. » (159) Ici, la signification de l’exemple paraît être : nous ne sommes pas bien placés pour juger de la valeur de nos actes, de la récompense à en attendre (Dans un autre passage, p.130, Wilde écrit qu’il faut être accepté d’être puni du bien que l’on fait et d’être récompensé du mal que l’on a fait, et que cela est « juste »1). Une bonne manière de reconsidérer tout cela est de penser qu’il n’y a rien à en attendre. « Sans doute aucun d’eux ne méritait rien », renvoie à l’idée, exprimée par Wilde, selon laquelle c’est une erreur - une erreur de perspective, liée à la vanité - que de se croire digne d’amour, qu’au sens strict, nous ne méritons jamais l’amour qui nous est accordé ; ce qui tourné de manière positive, revient à considérer l’amour comme grâce. « Peut-être s’agissait-il de gens différents » : nous ne sommes pas bien placés pour juger de la disproportion dans la récompense, parce qu’on ne doit pas seulement juger les gens selon leurs actes, mais selon le rapport de ces actes à leurs natures, à ce qu’ils sont. Or, qui peut prétendre connaître la nature des autres (i.e., mieux que le Christ, celui qui sonde les cœurs) ? De ces exemples disparates, Wilde tire l’idée d’une inanité des lois générales sous lesquelles subsumer les comportements particuliers, qu’il attribue à Jésus : 1
Ce qui est une manière de dire qu’il lui faut accepter le malheur qui lui a été imposé, son « destin ». De cela non plus nous ne pouvons « juger ». Un autre passage de L’heure de l’ange condense ce point à merveille : « Une autre pensée plus profonde me hantait, mais je ne pus l’identifier. Il était question du tissu que forment le bien et le mal, de la manière dont le Seigneur peut extraire ce qu’il y a de glorieux dans les apparents désastres de l’être humain. Cette pensée était trop complexe pour moi. Je sentis que je n’étais pas apte à la comprendre entièrement – seul Dieu étant en mesure de discerner comment les ténèbres et la lumière se mêlent ou se distinguent […] » (218) 53
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« Jésus trouvait insupportables ces règles mécaniques, tristes et sans vie [« the dull lifeless mechanichal systems »], qui traitent les gens comme des choses, et du coup traitent tout le monde de la même façon : comme s’il y avait au monde une seule personne, ou d’ailleurs une seule chose, qui fut identique à aucune autre. Pour lui, il n’y avait pas de lois, rien que des exceptions. » (159) Cette affirmation ne ressemble pas à : en éthique il n’y a que des cas particuliers, donc, tout ce que nous pouvons espérer atteindre, c’est une casuistique. Elle ressemble plutôt à une affirmation d’ordre esthétique : si nous pensons que les gens et les êtres peuvent êtres rassemblés sous des catégories générales, c’est que nous devrions y regarder de plus près ; dès lors que nous considérons deux choses – n’importe quelles choses – de la même manière, ou comme étant identiques, c’est que nous sommes probablement en train de passer à côté de détails, de caractéristiques mêmes infimes, qui permettent au contraire de marquer leur(s) différence(s), ce que chacune a d’unique. Une perception plus fine du détail du réel devrait nous dispenser de telles généralisations erronées. Je rappelle le principe de Pater, mentionné par Wilde : « Brûler perpétuellement de cette flamme dure, brillante comme une gemme, maintenir cette extase, voilà la réussite d’une vie. On pourrait même dire que la formation d’habitudes est à l’origine de nos insuccès : après tout, l’habitude renvoie à un monde stéréotypé, et c’est la grossièreté de notre œil qui nous fait croire à la similitude de deux personnes, de deux objets, de deux situations. »
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On peut voir ici les applications éthiques d’un tel principe. Indépendamment de Pater, Wilde estime que « ce qui est la note fondamentale de l’art romantique était pour lui [le Christ] le principe normal de la vie réelle. » (159)1 Autre exemple donné par Wilde : celui de la femme adultère. Cf. Jean, VIII, 2-11. Les scribes et les Pharisiens mettent Jésus à l’épreuve. Selon la loi, la femme adultère doit être lapidée. Mais Jésus leur oppose la célèbre fin de non-recevoir : « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ! » Wilde ne commente pas, se contentant de « Il valait la peine de vivre pour avoir dit cela. » Mais c’est bien l’idée de la justice comme application uniforme d’une loi qu’il rejette – bien sûr, ce qu’il y a aussi de « poétique » dans cette justice consiste dans le retournement inattendu, la condamnation implicite de l’hypocrisie des « juges », l’idée finalement - paradoxale d’une justice sans jugement. En définitive, c’est en raison de la nature même de l’âme, de la « personnalité », que celle-ci « échappe à tout jugement » : « La personnalité est chose fort mystérieuse. Un homme ne peut toujours être évalué selon ce qu’il fait. Il peut obéir aux lois, tout en ne valant rien. Il peut les transgresser en étant homme de bien. Il peut être mauvais sans jamais faire le mal. Il peut commettre un péché contre la société et pourtant, par ce péché, aboutir à sa véritable perfection. »2
1
Cf. aussi p.153, sur le contraste entre « ce qui est fabriqué de l’extérieur et selon des règles mortes » et ce qui « jaillit de l’intérieur, grâce à un esprit qui l’informe. » 2 L’âme humaine, pp.31-32. 55
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Comprendre cela, à mon sens, revient à comprendre que la question du bien et du mal ne peut être dissociée du « moment divin » où l’on choisit « son propre mode d’expression », comme dans le cas mentionné plus haut. Ce sont là des moments d’inspiration, où le geste est au sens strict exceptionnel ; il ne peut être ni prémédité, ni reproduit, ni par soi-même, ni par un autre. Il correspond à la situation de manière inattendue. On peut ne même pas savoir exactement ce que l’on est en train de faire. D’où l’idée d’une justice qui, en définitive, ne se pose pas non plus en termes humains, si par termes humains, on entend une pensée faisant l’économie du caractère exceptionnel de l’âme. Un modèle de vie Wilde attribue au Christ sa propre conception de la vie comme dynamique, que j’avais décrite dans Une certaine vision du Bien (pp.189-195). En voici les principales caractéristiques, que l’on trouve dans Le déclin du mensonge : la vie, ou l’énergie, est par ellemême informe. Elle est sans cesse à la recherche de formes, et celles-ci lui sont fournies par l’art. Contrairement à l’idée reçue, l’art n’ « imiterait » ainsi pas du tout la nature ou la vie. Au contraire. Ou encore : la vie est sans cesse à la recherche de moyens d’expression, désire ainsi réaliser son énergie. Dans le De profundis, p.154, il met en scène le Christ, qui parle de ceux qui, « comme lui, sont des forces en mouvement » (« dynamic
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forces »). C’est ainsi que Wilde lit le passage de Jean 3,8 : ils sont comme le vent : « Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit. » (Différence entre ce qui est né de la chair et ce qui est né de l’Esprit, nécessité d’une renaissance, le Vieil homme doit céder la place à l’Homme Neuf.) Le vent est libre, imprévisible, on ne peut ni vraiment le connaître ni l’arrêter dans sa course. Cf. passage apparenté (8,14) où Jésus dit qu’il sait d’où il vient et où il va, « mais vous, vous ne savez pas d’où je viens ni où je vais. » L’idée est reprise plus loin : « Il a senti que la vie est changement [« changeful »], flux [« fluid »], activité [« active »], et que la laisser se figer, se stéréotyper, c’est la tuer. » (158) Cette remarque est à lire en même temps que celles concernant la pétrification, celle indissociable de la « vie » en prison – qui est, en ce sens, une non-vie - et celle du cœur et de l’imagination [cf. Wilde I, pp.3-4]. Dans ce passage, cependant, elle a une application directement pratique. Pour celui qui dispose de cette compréhension de la vie, il n’y a plus d’intérêt pour les détails terreà-terre de l’existence : « Il [Le Christ] a compris qu’il ne faut pas prendre trop à cœur les intérêts matériels quotidiens ; que c’est une grande chose que de n’avoir pas l’esprit pratique ; qu’il ne faut pas se faire trop de souci pour les affaires. » (158) 57
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Il appuie cette lecture par des passages des Evangiles,
Matthieu,
6,34 : « Ne vous inquiétez donc pas du lendemain. » (… « demain s’inquiétera de lui-même. A chaque jour suffit sa peine. »). Selon ce passage, il faut laisser à la Providence le soin de s’occuper même des vêtements et de la nourriture. Il ne faut, pas plus que l’oiseau, s’inquiéter ; l’inquiétude qui pousse à thésauriser. (Evidemment, ça a l’air complètement irresponsable. On pourrait dire : comment peut-on donner ce genre de conseils aux gens sans s’attendre à ce qu’ils dépérissent et meurent s’ils les suivent ? Cependant, l’idéal de vie promu est contenu dans le passage que cite Wilde : « La vie [ou : l’âme] n’est-elle pas plus que la nourriture, le corps plus que le vêtement ? » Leur possession est en soi une chose merveilleuse,
nous
n’avons
pas
à
nous
préoccuper
de
leur
subsistance ou de leur protection, quelqu’un s’en charge et s’en chargera pour nous. Il ne s’agit pas ici de mépris pour le corps, ni d’ascétisme : le Christ ne dit pas que nous devons nous passer de nourriture et de vêtements (encore moins mépriser nos corps) mais que nous consacrons une énergie précieuse à nous assurer leur possession, et que cette attitude nous pousse aussi à amasser, à prévoir pour le futur, ce qui nous trouble, nous inquiète, et nous empêche de nous consacrer aux choses qui en valent la peine – chercher le « Royaume » et la justice. Or, nous sommes juste une âme et un corps, dans le présent, voilà de quoi nous devons nous préoccuper. Penser, comme il nous le demande, que le reste « nous sera fourni comme par surcroît », cela suppose une totale confiance en l’aide d’un esprit dont la présence constante est considérée 58
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comme allant de soi, familière, une présence avec laquelle nous vivons au quotidien ; à laquelle on peut s’adresser, demander des choses, se confier. [retrouver passage de Renan sur ce sujet] Cela demande aussi que nous apprenions, justement, à considérer ces choses comme du « surcroît ». Et que nous soyons capables, comme Wilde nous y enjoint, à voir notre parenté avec le lis ou l’oiseau, dénués d’artifices, dépendant comme nous de cet esprit et dénués du souci. C’est aussi pour cela que, par contraste avec une vie ritualisée, il « prêcha l’importance capitale qu’il y a à vivre entièrement dans l’instant » (161). Et il nous enjoint de faire de chaque instant de notre vie quelque chose de « beau »[« beautiful »] – dans ses termes, à être « toujours prêt pour la venue de l’Epoux » (161). C’est inséparable du rejet d’une connaissance académique qui alourdi l’âme ; et de la recherche de la gloire et du succès.) (Au sens strict, il y a de l’énergie spirituelle bien utilisée, et une autre mal orientée - gaspillée - qu’il faut réorienter.
Dans ce
passage de Matthieu, c’est visible dans la réflexion concernant la peur de la mort : « Qui d’entre vous d’ailleurs peut, en s’en inquiétant, ajouter une seule coudée à la longueur de sa vie ? », ou dans le fait de nous rappeler la caractère inéluctable du passage de la vie à la mort dans l’image de l’herbe qui demain « sera jetée au four », et qui dans l’entretemps, est parée par Dieu du plus magnifique des habits.)* Il faut entendre au sens strict le pouvoir créateur de l’imagination. Le Christ s’est créé lui-même, et plus globalement, reprenant Shakespeare, Wilde dit que le monde est « fait de la même substance » (155) –
Aussi bien, l’imagination doit être considérée 59
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comme un principe ontologique. Ce n’est cependant pas le principe ultime : elle peut être réduite à un autre, dont nous avons déjà signalé l’importance : « … pour Jésus l’imagination n’était rien d’autre qu’une forme de l’amour, et […] pour lui l’amour était seigneur au sens plein du terme. » (156)
Emmanuel Halais
Docteur et agrégé en philosophie, maître de conférences en philosophie du langage et de la connaissance à l’UPJV, membre du CURAPP, Emmanuel Halais est l’auteur de Individualité et valeur dans la philosophie morale anglaise (2006), Wittgenstein et l’énigme de l’existence (2007), Une certaine vision du Bien (2008) ; de traductions de la philosophe américaine Cora Diamond (dont L’importance d’être humain,2011) et d’Iris Murdoch ; d’articles, dont « Le scepticisme et la nature des valeurs » (Raison publique, 2016). Thèmes de recherche : philosophie de la connaissance, philosophie du langage, éthique, esthétique, métaphysique. Partant de la tradition de la philosophie analytique, sont abordées les grandes questions concernant la nature du monde, le rapport entre le langage et le monde, la signification, la vérité. Ces questionnements s’appliquent aussi à l’éthique et l’esthétique, notamment à partir de 60
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Moore, Wittgenstein, Schopenhauer et Iris Murdoch : quelle est la nature des valeurs ? Qu’est-ce qu’un point de vue esthétique sur le monde ? L’auteur a travaillé sur les liens conceptuels entre l’œuvre de Wittgenstein et celle de Schopenhauer. Plus récemment, il entreprend une réflexion sur l’expression, à travers sa notion de « ligne d’expression ». Il s’interroge aussi sur les liens entre philosophie et littérature, à travers des études, notamment, sur Hermann Hesse, Tennesse Williams, Oscar Wilde.
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7 - Oscar WILDE et les pierres précieuses Retranscription d’une conférence donnée par Jean-Marc Dethorey, le lundi 4 juin 2018 à l’Hôtel, rue des Beaux-Arts
Dans la pièce « SALOMÉ » d’Oscar WILDE, il y a une tirade du roi Hérode, que nous avons l’habitude, mon metteur en scène, Léonardo HINCAPIE et moi, d’appeler : « la tirade des bijoux ».Sans référence aucune à l’air des bijoux, extrait de l’opéra FAUST de Ch. GOUNOD, composé 30 ans plus tôt. WILDE n’était pas le seul de son temps à aimer les bijoux. Il est contemporain de deux mouvements littéraires qui, eux aussi, ont fait l’apologie des pierres précieuses : les Parnassiens, puis les Symbolistes. Les Parnassiens voient dans les pierres précieuses, une métaphore de leur théorie littéraire. Ils cherchent à atteindre une PERFECTION ESTHETIQUE ; c’est le fameux précepte de «
L’Art pour l’Art »,
autrement dit : la beauté se suffit à elle-même. L’art doit être
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affranchi de toutes considérations morales, libéré des conventions sociales. Et
cette
« irréprochable
beauté »,
cette
beauté
parfaite,
les
Parnassiens la trouvent, entre autres, dans les pierres précieuses. Autre objectif prioritaire chez les Parnassiens : ils veulent atteindre « le goût universel ». Ils veulent que leur poésie séduise tout le monde, que leur poésie réponde à l’aspiration de chacun vers la beauté. La poésie des Parnassiens veut agir sur nous comme le font les pierres précieuses : Elles séduisent tout le monde Tout le monde est attiré par la beauté des bijoux. Enfin, le poète Parnassien doit ciseler sa prose ou ses vers, comme un bijoutier taille un diamant. Parmi les Parnassiens, on trouve : Théophile GAUTIER, l’auteur de « Emaux et camées » LECONTE de LISLE, dont certains « Poèmes barbares » et « Poèmes antiques », décrivent de nombreuses parures luxueuses, ornées de pierreries Auguste de VILLIERS de L’ISLE-ADAM, dont voici ci-dessous un extrait tiré de sa pièce « La révolte ». Cette pièce s’est jouée récemment au théâtre de Poche-Montparnasse, dans une remarquable interprétation. C’est l’histoire d’une femme, mère et épouse exemplaire, qui, par ses qualités d’organisatrice et de comptable, a largement contribué à accroitre la fortune de son mari. Et pourtant, un beau soir, elle lui annonce qu’elle le quitte, parce qu’elle ne trouve pas dans son quotidien matérialiste, une aspiration vers la beauté. Voici le portrait que cette beauté froide fait d’elle-même. Elle choisit comme symbole d’elle-même….un CRISTAL. ELIZABETH (se détournant et lui montrant simplement un pressepapiers en cristal sur le bureau) : 63
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« Pourtant je vous laisse, en souvenir de moi, ce bloc de cristal. L’ombre de ces cahiers ne peut même pas le ternir…Toute la lumière, même celle de ce flambeau, se reflète dans ses profondeurs, avec mille feux merveilleux ! Réfléchir toute la lumière, c’est sa vie. Les angles en sont durs et tranchants ; il est poli, transparent et sincère ; il est glacé. S’il vous arrive de songer à moi, regardez-le, monsieur. » (Scène première. p.51 L’avant-scène théâtre éditeur. Collection des quatre-vents.) Autre courant littéraire, contemporain de WILDE, fasciné par les pierres précieuses : LES SYMBOLISTES Leur théorie : le monde qui nous entoure, le monde réel, le monde sensible, n’est qu’APPARENCES. Il existe un autre univers au-delà, META-PHYSIQUE, au-delà de la physique, plus mystérieux, plus complexe. Pour pénétrer ces autres mondes, il nous faut des passerelles. Les SYMBOLES sont ces passerelles pour appréhender l’invisible. Chez les Symbolistes, les pierres précieuses sont des symboles pour entrer en communication avec le monde poétique. HERODE, le personnage créé par WILDE, est un homme fasciné par les bijoux, et aussi par les effets surnaturels, la magie, les forces occultes. Mais Hérode est avant tout un homme de pouvoir. A ses yeux, les pierres précieuses représentent : De l’argent. Un trésor de guerre, un moyen de survie en cas de disgrâce Un moyen d’accroître sa domination sur autrui : soit en soudoyant, soit par des pratiques proches de la sorcellerie, où peuvent agir certaines pierres 64
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Mais ses pierres peuvent aussi agir comme protection contre les forces obscures. Car c’est un homme superstitieux, un angoissé. De nos jours, l’utilisation des pierres, (pas seulement précieuses ou semi-précieuses), se fait à des fins thérapeutiques. Elles peuvent agir sur le plan physique, émotionnel ou psychique. C’est ce qu’on appelle la LITHOTHERAPIE. Hérode, lui, utilise les pierres selon des croyances archaïques. Elles ne sont pour lui qu’un instrument de pouvoir. Hérode ne remet jamais en cause son besoin de domination. Les pierres précieuses sont pour lui un moyen de conquérir l’au-delà comme il a conquis la Judée : par la force et le marchandage. Or, les pierres que possèdent Hérode, qui sont citées dans la tirade qui va suivre, ne sont pas les mieux indiquées pour accroître un pouvoir TEMPOREL. Contrairement à ce que croit le tétrarque de Judée.
Le
pouvoir
des
pierres
que
possède
Hérode
vise
essentiellement à CALMER LES PASSIONS et à SE REMETTRE EN CAUSE. Voyons quelques exemples tirées de la « tirade des bijoux » : Hérode déclare : « J’ai une émeraude, une grande émeraude ronde, que le favori de César m’a donné. Si vous regardiez à travers cette émeraude, vous pourriez voir à une distance immense. César luimême, en porte une tout à fait pareille, quand il va au cirque. » S’il est certain que certaines pierres entrent dans le mécanisme d’instruments de précision, (montres à quartz, par exemple), et que 65
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WILDE peut imaginer qu’au premier siècle de notre ère, des savants utilisaient déjà des pierres comme loupe pour observer les astres, je n’ai pas trouvé trace d’émeraude utilisée dans ce but. Il est évident qu’Hérode ne voit dans cette émeraude, que le signe extérieur de richesse et de pouvoir. Par contre, les lithothérapeutes recommandent l’émeraude pour aider à acquérir de la patience et consolider le sentiment d’amitié, deux vertus très éloignées du tempérament impulsif de ce monarque. Plus loin, Hérode déclare : « J’ai des améthystes de deux espèces. Une qui est noire comme le vin, l’autre qui est rouge comme du vin qu’on a coloré avec de l’eau. » On sait que WILDE était attaché à une améthyste qu’il portait à son doigt. L’améthyste jouit d’une haute vibration universelle, c’est-àdire qu’elle a des liens puissants avec le cosmos et peut entraîner des états supérieurs de conscience. Mais surtout, outre ses qualités purifiantes et protectrices contre les ondes néfastes, elle protège des passions et des abus physiques.
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WILDE laisse entendre qu’Hérode, n’est pas seulement obsédé de pouvoir. Un valet déclare poliment : « Hérode aime beaucoup le vin » Comprenez : il est alcoolique. De plus, son harcèlement vis-à-vis d’une adolescente s’apparente à celle d’un obsédé sexuel. Or, l’améthyste peut soigner l’ivresse et la débauche. « Dans un coffret d’ébène, dit Hérode, j’ai deux coupes d’ambre qui ressemble à des pommes d’or. Si un ennemi verse du poison dans ces coupes, elles deviennent comme des pommes d’argent. (…) Ce sont des trésors de grande valeur ; ce sont des trésors sans prix ! » Là encore, Hérode ne voit que la valeur pécuniaire de l’ambre. Et reste fasciné par un phénomène chimique (l’ambre est une résine fossilisée et non un minéral), qu’il regarde comme un miracle, un phénomène surnaturel. Il est possible que WILDE ait entendu parler de la chambre d’ambre de Catherine II, au palais de St-Pétersbourg. (Cette chambre a été reconstituée à grand frais sous l’impulsion du président POUTINE en 2003) On sait que l’impératrice aimait à y travailler, convaincue de la stimulation de l’ambre sur l’intellect. Mais cette chambre tapissée d’ambre, aurait servi aussi à soigner un membre de la famille impériale atteint de problèmes nerveux. En effet, l’ambre a la réputation de neutraliser les tendances suicidaires et dépressives. Durant la pièce, Hérode passe souvent d’un état exalté à un grand abattement, ce que l’on peut apparenter à des troubles cyclothymiques. Hérode : « J’ai des bracelets garnis d’escarboucles et de jade qui viennent de la ville d’Euphrate ». Le jade est une pierre sacralisée sur des continents fort éloignés l’un de l’autre : la Chine et l’Amérique 67
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précolombienne. WILDE y ajoute une référence à l’épopée de GILGAMESH,
à
l’antiquité
de
notre
antiquité,
mystérieuse,
insondable par son éloignement dans le temps et ses connaissances spirituelles à jamais enfouies. Mais ce qui nous intéresse dans le pouvoir thérapeutique du jade, c’est qu’elle est la pierre de l’honnêteté liée au pouvoir, et sa capacité à ouvrir son cœur pour se rapprocher du divin. Des préoccupations fort éloignées de celles d’un dictateur… Hérode : « J’ai des onyx semblables aux prunelles d’une morte. » L’onyx atténue les peurs accablantes. Dans la pièce de WILDE, Hérode est terrorisé par l’idée de sa propre mort. Hérode : « J’ai des turquoises merveilleuses : quand on les porte sur le front, on peut imaginer des choses… qui n’existent pas. Et quand on les porte dans la main, on peut rendre les femmes stériles. » En fait, c’est la Chrysotile, (appelée aussi Œil d’argent) qui semble être la pierre chamanique la mieux indiquée à poser sur le « troisième œil », mais dans un but d’ancrage et d’équilibre des fonctions du corps. Ou bien, la Sélénite qui, placée sur le troisième œil, développe les habilités télépathiques. S’il est vrai que certaines pierres peuvent influer sur la fertilité (la turquoise n’en fait pas partie), elles ne peuvent en aucun cas être utilisées dans un but néfaste (comme rendre stérile). Sauf dans des cas de sorcellerie. Par contre, là où la Turquoise peut être bénéfique à Hérode, c’est qu’elle stabilise les changements d’humeur. De plus, elle est détoxifiante pour un corps imbibé d’alcool et un cerveau pétri de pensées négatives.
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Hérode : « J’ai des Topazes jaunes comme les yeux des tigres, des topazes roses comme les yeux des pigeons, des topazes vertes comme les yeux des chats. » Les topazes favorisent le lâcher-prise, dissipent les rancœurs et les colères, calment les angoisses. Hérode ne voit dans les opales qu’un feu tellurique mystérieux : « J’ai des opales qui brûlent toujours avec une flamme qui est très froide ; des opales qui attristent les esprits et ont peur des ténèbres. » Et pourtant, l’opale porte en elle la notion d’intérêt supérieur, d’intérêt DU PLUS GRAND NOMBRE. L’opale convient aux leaders qui perdraient de vue que leur rôle est d’être au service de la communauté et non d’asservir ceux qui les suivent. Enfin, parmi les merveilles dans cette collection de gemmes, on trouve la pierre des sages : le SAPHIR. « J’ai des saphirs grands comme des œufs ! » Hérode, un sage ? Rien n’est moins sûr… CONCLUSION WILDE a fait d’Hérode, un sanguin, un dépressif versatile. Nous constatons que toutes les pierres qu’ils possèdent visent : à calmer ses ardeurs à soigner sa mélancolie. WILDE a fait d’Hérode un homme non dénué de sensibilité artistique, faute d’avoir une sensibilité compassionnelle. En cela, Hérode est un poète, un double de WILDE, capable de dire : « J’ai des saphirs bleus comme des fleurs bleues. La mer erre dedans, et la lune ne vient jamais troubler le bleu de ses flots. »
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Les pierres précieuses que possède Hérode semblent l’inciter à faire un VOYAGE INITIATIQUE : l’amener à lâcher prise, à se détacher des richesses matérielles pour lui ouvrir, à la manière des symbolistes, les portes d’une AUTRE REALITE : les richesses spirituelles. Jean-Marc Dethorey
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8 – Bibliographie Les Illustrateurs de « The Importance of being Earnest » Illustrateur Cecil Beaton
Edition Folio Society
Année 1960
Tom Bouden
Mannerschwarm (Royaume-Uni) Atlas (Hollande)
2000
Festina Lente Edizioni (Italie)
2018
Lucas Debus
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2004
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Alan Lee
Frank Marsden Lea
Kevin McKain
Franklin Watts Ltd
1971
Look and Learn
1964
Compass Publishing
2009
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Jarrett Stephen Morrison
Bowler Press (Vancouver)
2008
Sam Norkin
John Stokes
Magdolna Terray
1947
Classical Comics
2014
BBC Learning English
2015
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9 – Mad Scarlet Music par Tine Englebert
“Mein Freund Bunbury” de retour à Leipzig en Allemagne Au moment où le Vaudeville Theatre à Londres ferme sa saison Oscar Wilde avec The Importance of Being Earnest, la Musikalische Komödie à Leipzig reprend son adaptation musicale allemande la plus réussie, Mein Freund Bunbury.
DDR Reissue LP 1974 NOVA 885031
Après une absence de plusieurs années la Musikalische Komödie Leipzig présente à nouveau Mein Freund Bunbury. Cette comédie musicale d’Helmut Bez et Jürgen Degenhardt se base sur L 74
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´importance d´être Constant d’Oscar Wilde sur une musique de Gerd Natschinski. La comédie d’une durée d’environ 2,30 heures a été créée le 2 octobre 1964 au Metropol-Theater de Berlin dans le cadre du Berliner Festtage, sous la direction de Werner Krumbein. Elle a depuis été produite dans plusieurs autres théâtres tant en Allemagne qu’à l’étranger. Le spectacle est souvent salué comme la première comédie musicale de la République Démocratique Allemande (RDA). Mais en réalité, les socialistes ne voulaient pas faire la distinction entre la comédie musicale et l’opérette. Au lieu de cela, ils ont parlé de "Musikalisches Unterhaltungstheater" et Mein Freund Bunbury était l’un des titres les plus réussis que l’ancienne Allemagne de l’Est a produit dans ce contexte. Un journal de théâtre ouest-allemand a écrit: "Ein amüsanter Stoff, spritzige Dialoge, flotte Texte, eingängige Schlager, elektrisierende Rhythmen [Une intrigue amusante, des dialogues étincelants, des paroles rapides, des hits entraînants, des rythmes excitants.]" On peut voir Mein Freund Bunbury comme une réponse directe à My Fair Lady de Frederick Loewe. Une traduction allemande de ce musical a été créée le 1er octobre 1961 au Théâtre des Westens de Berlin-Ouest. Au plus fort des tensions de la guerre froide, quelques semaines à peine après la fermeture de la frontière entre Berlin-Est et Berlin-Ouest et la construction du mur de Berlin, il s’agissait de la première représentation d’une comédie musicale de Broadway à Berlin.
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Beaucoup de gens soupçonnent que Natschinski voulait copier la célèbre comédie musicale de Loewe pour créer une alternative moins coûteuse pour les théâtres de l’Allemagne de l’Est. Pour présenter cette pièce occidentale il fallait payer beaucoup de royalties. Les théâtres l’ont fait à cause de la demande populaire. Pourtant, ils cherchaient une alternative moins chère. Mein Freund Bunbury était un remplacement parfait: jouée aussi en Angleterre, l’histoire originale d’Oscar Wilde a été mise à jour à peu près à la même époque que My Fair Lady. Les deux histoires traitent la société de classe britannique, présentant des personnages excentriques et un certain sentiment de nostalgie. Pourtant Natschinski a affirmé qu’il ne connaissait pas My Fair Lady avant de composer Mein Freund Bunbury. Bunbury est la seule opérette de l'ancienne RDA qui apparaîsse régulièrement après 1989 dans les salles des nouveaux Länder (Neue Bundesländer) d’ancienne Allemagne de l’Est. Peut-être parce que le spectacle n’est pas clairement politique ou socialiste, comme d’autres titres du canon du Musikalisches Unterhaltungstheater.
Une scène de la production de Leipzig de Mein Freund Bunbury (Photo: Musikalische Komödie) 76
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L’action de la comédie de Wilde est transposée d’une manière très libre, à Londres, entre 1920 et 1930. Ce ne sont pas seulement les Lords distingués, les dames amoureuses, les jeunes et les riches oisifs appartenant à la bonne société, mais aussi les salutistes qui “bunburysent”. Chacun trompe et dupe l’autre, ils cachent leur jeu et tout cela par soif d’argent. C’est un travail puissant qui est né de la comédie de Wilde. Les nombreux chants et danses sont écrits avec verve et sont composés avec un sens parfait de l’effet. Les différents milieux de l’Armée du Salut et du music-hall forment de jolis contrastes. Pendant la journée, Jack Worthing collecte pour l’Armée du Salut, le soir, il passera du temps avec un certain Bunbury. Mais en fait, Jack s’amuse dans la haute société. Cecily, son élève séduisante, vit de la même manière: l’enfant pieux de la journée se transforme en vedette musicale le soir. Et l’ami de Jack, l’auteur de polar Algernon Moncrieff,
utilise
également
une
histoire
similaire
pleine
de
mensonges. Le finale est plein de surprises et révèle la construction des gros mensonges autour de l’ami Bunbury. Etonnantes mais rassurantes pour les personnages, les révélations les rendent tous heureuw. Même Lady Bracknell y trouve son compte. Le besoin d’être différent de ce que l’on est, d’avoir donc une double vie et dépasser les apparences, reste un processus fascinant à tout moment. Gerd Natschinski, qui est également connu pour sa musique de film, a écrit une musique joyeuse et divertissante avec un sens de 77
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l’humour propre à la comédie musicale. Une combinaison de big band, d’orchestre et de danses de mode des Roaring Twenties (le Black Bottom, le Charleston et d’autres danses) garantissent l’absence d’ennui et le meilleur du divertissement! Les Lords et les Ladies de l’upper-class sont caractérisés par de vieilles sources musicales. Cecily, en tant que figure la plus progressiste qui tente d’échapper à une vie dans un environnement hypocrite, est soutenue par des éléments de la musique de danse contemporaine. Jack prétend être le soldat de l’Armée du Salut. Les formes musicales que Naschinski lui avait données, le tango et la valse, ne le discréditent certainement pas, mais lui refusent aussi de s’exprimer d’une manière moderne. La musique de Natschinksi a démontré un certain sentiment de swing que le public a aimé, en 1964 et après la chute du mur. La mélodie accrocheuse (Mein Freund Bunbury ist mein bestes Alibi [Mon ami Bunbury est mon meilleur alibi]) de la comédie musicale allemande la plus jouée, est surtout connue en Allemagne de l’Est, mais a gagné aussi en popularité en Occident. Après sa création en 1964 au Metropol-Theater à Berlin, la comédie animée a connu plus de 6.000 représentations en 170 productions en onze langues. En 1964, après la première, Berliner Zeitung écrivait : “Eine gelungene Musik, ein brauchbares Stück, wie wir deren in weit grösseren Zahl für unsere Operetten-Theater bitter nötig haben, und niveauvolle Unterhaltung, nach der unser Publikum hungert [Une musique réussie, une pièce appropriée, nous en avons besoin en beaucoup plus
grand
nombre
pour
nos
78
théâtres
d'opérette
et
nos
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divertissements raffinés, et divertissement de première classe, après quoi notre public est affamé]”.
Gerd Natschinski Gerd Joachim Natschinski, né le 23 août 1928 à Chemnitz et mort le 4 août 2015 à Berlin, était un compositeur et chef d’orchestre allemand. Il est l’auteur de 13 pièces pour la scène, d’œuvres orchestrales et de musique pour environ 70 films, 400 chansons... Il est l’un des compositeurs les plus célèbres de la République Démocratique Allemande. Dès la fin de 1948, il dirigait le grand orchestre de divertissement de la radio de Leipzig (Große Unterhaltungsorchester des Leipziger Rundfunks). Il donnait des concerts et dirigait régulièrement à la radio ses propres arrangements et compositions. De 1951 à 1953, il se perfectionnait auprès de Hanns Eisler à Berlin et à partir de 1952, il était chef d'orchestre à la Berliner Rundfunk. De 1978 à 1981, il est directeur du Metropol-Theater de Berlin. 79
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Beaucoup de ses compositions sont très populaires et font l’objet de retransmissions radiophoniques et d’enregistrements : Zwei gute Freunde (1957), Damals (1959) ou Rom-ta-rom (1971). Entre ses oeuvres principales sont les musiques de film pour Meine Frau macht Musik (1958) et Heißer Sommer (1968) et scores pour ‘das Heitere Musiktheater der DDR’ (Opérettes, comédies musicales,...) comme Messeschlager Gisela, opérette en un prologue et 4 actes de Jo Schulz et Johannes Schulz (1960), Servus Peter, comédie musicale en 3 actes (1961), une revue pour le Friedrichstadt Palast à Berlin sous le titre Die Frau des Jahres (1963), Mein Freund Bunbury, comédie musicale en 7 tableaux (1964), Casanova, comédie musicale en 2 parties (1976) et Caballero, comédie musicale (1988). En outre, Natschinski composait également des chansons populaires pour les enfants et la jeunesse. Gerd Natschinski a reçu de nombreux prix internationaux et le Prix national de la République démocratique allemande. Mein Freund Bunbury du 9 septembre à 31 décembre 2018 à
Leipzig, Musikalische Komödie. Représentations les 9, 29 & 30 septembre ; 3 octobre ; 30 et 31 décembre 2018 : https://www.oper-leipzig.de/en/programm/mein-freundbunbury/73934
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10 – Témoignage d’époque Une entrevue avec M. Oscar Wilde Par Louis Sérizier (Extrait du journal “Gil Blas”) « La scène est à Dieppe, où le romancier anglais a passé les derniers beaux jours avant de s'embarquer pour Naples qu'il a choisi, croyons-nous, comme station d'hiver. Un groupe de jeunes poètes et littérateurs parisiens entoure M.Oscar Wilde, qui répond avec une bonhomie teintée d'ironie ou d'amertume aux questions plutôt indiscrètes que nous lui posons. Oscar Wilde s'exprime avec aisance, en un français coloré, moderne, mâtiné
d'un
léger
accent
britannique
qui
n'est
pas
sans
charme. Quoiqu'il nie être Anglais et qu'il se targue de son origine irlandaise et
de
son
catholicisme,
il
faudrait
être
aveugle
pour
ne pas reconnaître de suite, dans sa contexture physique, un représentant authentique de la race anglo-saxonne. Sa haute et corpulente stature, le bleu gris de ses yeux, ses cheveux blonds, les maxillaires
puissants
qui
terminent
le
bas
du
visage
ne
laissent aucun doute à ce sujet. Quand il rit — il rit souvent, d'un rire d'ogre satisfait — ses dents apparaissent, redoutables, longues, larges, les brèches omblées de 81
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lingots
d'or.
Wilde,
très
fataliste,
porte,
au
petit
doigt
de chaque main, une bague enchâssée d'une émeraude. Ces pierres précieuses, gravées de signes cabalistiques, proviennent d'une pyramide égyptienne. Il attribue à l'émeraude de la main gauche la cause
efficiente
de
tous
ses
bonheurs,
et
celle
de
ses
malheurs à celle de la main droite. Sur mon observation — assez logique, crois-je — qu'il eût dû se défaire de la bague maléfique, il répondit d'une voix changée : « Il faut du malheur dans la vie pour vivre heureux.» Du reste, le vert est la couleur favorite d'Oscar Wilde : il la prône et en
fait
le
symbole
de
l'enfer.
Il
a
une
opinion
toute
spéciale à propos d'enfer. Il dit que le ciel est fait pour les braves gens, les honnêtes bourgeois et, en général, pour toute la médiocratie qui ignore les Vouloirs neufs. Le bon Dieu est bon, il est miséricordieux, il l'est trop ; saint Pierre a le cordon facile, mais Satan exige beaucoup plus de ses fidèles : avec lui il faut des formalités.
Pour
entrer
au
paradis,
on
n'a
qu'à
frap-
per un coup, mais il faut frapper trois fois pour entrer en enfer. Croyez-moi, aimez le vert, aimez l'enfer : le vert et l'enfer
sont
faits
pour
les
voleurs
et
les
artistes."
Oscar Wilde aime la France, parce qu'elle est seule, la courageuse du Dire, parce qu'elle est l'Aide du plus faible et qu'elle seule détient l'Aspiration vers les justices. Interrogé si l'on pourrait jouer devant un public anglais tel vaudeville français médiocre qu'il est inutile de nommer, il dit (et je donne cet avis à méditer aux auteurs qui travaillent pour l'exportation) : « On peut tout jouer devant les 82
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Anglais, tout excepté Tartuffe! » Cependant, son âme est vierge de rancune ; il admet, telle une Rédemption, sa condamnation et ses deux années de hard- labour, qu'il dénomme poétiquement son Exil. « C'est le péché d'orgueil qui perdit toujours les hommes : j'étais monté trop haut et je me vautrai dans la boue. » Il a une grande reconnaissance
pour
la
Presse
française
qui
plaida
si
chaleureusement sa cause. Sa gratitude va surtout à ceux qui prirent sa défense sans le connaître. A l'entendre, ce qu'il regretterait le plus, c'est de n'avoir pu assister à la représentation de sa Salomè que le théâtre de l'Œuvre joua lors de son internement. Il parle de bonne grâce des deux années perdues pour lui et des remarques faites sur ses codétenus dont il s'appliquait à mettre au point l'état d'âme. Il ne semble pas avoir beaucoup souffert physiquement, mais sa grande torture a .dû être celle de l'esprit et du coeur ; [...] Comme nous lui demandions dedire toutes les souffrances de sa détention, il répondit avec une épouvante dans la voix : « Excusez-moi, je ne parle jamais de cela. » A le voir si gai, si lucide, si vif à la ri- poste, nous finissions par oublier
les
terribles
épreuves
qu'il
avait
traversées.
Il connaît à merveille l'évolution littéraire moderne et ses facteurs, il en est même déconcertant : il nous citait des jeunes de demain que nous connaissions à peine de nom. Wilde fut, comme l'on sait, très lié avec Verlaine, qu'il considère comme un des plus magnifiques écrivains du dix-neuvième siècle, tant pour son œuvre poétique que par l'évolution qu'il sut imprimer à l'Art de son époque. Il prend plaisir à narrer les entretiens esthétiques qu'il eut avec lui au café François-Ier, sous l'œil bénévole de l'ineffable Bibi-la-Purée. Il 83
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voudrait que la statue du pauvre Lélian fût érigée non au Luxembourg, ni dans la rue, mais dans un des cafés où Verlaine passa sa vie, afin que son image fùt soustraite aux intempéries, surtout Il
pleure
à
la dans
pluie mon
que cœur
le
poète
comme
il
craignait pleut
sur
tant la
:
ville.
« La statue du héros doit être sur le champ de bataille de sa vie », nous a-t-il dit à ce sujet. Quant à M. Stéphane Mallarmé, M. Oscar Wilde préfère ce poète lorsqu'il écrit en français, — on sait que M. Mallarmé écrit également en anglais, — « parce qu'au moins, en français, Mallarmé est incompréhensible, et que, hélas, en anglais, il ne l'est pas » Et Wilde ajoute, comme un correctif peut-être de ce que sa critique peut avoir d'amer : « C'est un don que celui de l'incompréhensibilité, tout le monde ne l'a pas. Ainsi, tenez, ce pauvre Moréas ne l'a pas, mais Moréas existe-t-il vraiment? » Et, sur notre affirmation que le poète Moréas existait bien en chair et en os, Wilde ajoute avec un sourire : « J'ai
toujours
cru
que
c'était
un
mythe.
»
Et
il
nous
cite deux ou trois autres écrivains français dont l'existence lui avait toujours paru une légende, peut-être même une mystification. L'auteur du Portrait de Dorian Gray loue sans réserve Aphrodite, et, comme nous faisions un parallèle entre les romans de Pierre Louys et Salammbô, il nous in- terrompit, avec une sorte d'extase dans le regard : « Rien n'est beau comme ce livre ! Et les Goncourt, quels
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artistes ! Et fiers, et orgueilleux, et jaloux, à juste titre, de leur renommée. » Peu à peu, s'éteignit le critique, et Oscar Wilde nous parla de ses projets, de ses livres. Il doit en écrire un directement en français ; puis, il fera comme Mallarmé, il le traduira en anglais. Il dit le théâtre qu'il rêve, les pièces qu'il veut faire, et le culte sans pareil qu'il voua à la « princesse du beau geste et des attitudes », à Sarah Bernhardt,
sur
qui
il
compte
pour
incarner
une
de ses héroïnes. Il nous conte ensuite, avec verve, le scé- nario d'une pièce ironiste en trois scènes, qu'il projetait, mais qu'il a renoncé - à écrire, pour l'instant du moins. Ici, nous lui laissons la parole : « L'Evangile parle souvent de malades que le Christ guérit; nulle part,
dans
les
livres
saints,
il
n'est
fait
mention
de
ce
qu'ils devinrent. C'est une lacune que l'imagination d'un nouvelliste ou
d'un
auteur
dramatique
devrait
essayer
de
combler.
Voici une idée à moi : A la première scène, on voit un jeune homme couronné de roses s'enivrer de vin. Vient à passer le Christ, qui lui reproche son intempérance. Le jeune homme le reconnaît et, lui rendant hommage, dit : « Maître, je suis le paralytique que tu guéris. » Le Christ arrive, à la deuxième scène, en un lieu où un autre homme se livre à la débauche avec des courtisanes. Il lui reproche son vice. L'homme le reconnaît et, se prosternant, lui dit : « Maître, je suis le lépreux que tu guéris. » Alors le Christ, très triste, alla vers le désert (troisième scène) et voyant
un
jeune
homme qui
pleurait, 85
lui
dit doucement:
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« Pourquoi pleures-tu ? » Et le jeune homme, le reconnaissant, de répondre : « Maître, j'étais mort, et tu m'as ressuscité ! »—; Mais, a ajouté Oscar Wilde, en terminant, je ne crois pas que je donnerai suite à ce projet, car il faut respecter la majesté du Christ. [...] GEDEON SPILETT.1 (Louis Sérizier – reporter de guerre) Gil Blas - 22 novembre 1897
1
Gédeon Spilett est un personnage de Jules Verne dans « L’Ile Mystérieuse » 86
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11 – Wilde au théâtre To Hell in a handbag The Secret Lives of Canon Chasuble and Miss Prism Ecrit et interprété par Helen Norton et Jonathan White
La pièce, qui met en scène Miss Prism et le révérend Chasuble, deux personnages secondaires de la pièce majeure d’Oscar Wilde, «The importance of being Earnest », a été créée au Bewleys Cafe Theatre de Dublin, avec Helen Norton dans le rôle de la gouvernante, Miss Prism, coupable, d’avoir, par inadvertance, déposé Jack Worthing, bébé, dans un sac de voyage, abandonné dans une consigne de la gare de Victoria, et Jonathan White, dans celui du révérend qui nourrit un secret penchant pour elle. Elle fut à l’affiche du 12 au 24 septembre 2016, dans le cadre du Dublin Fringe 2016. Elle s’est ensuite jouée dans divers lieux, avec la même distribution : - Du 3 au 27 août 2017, à Edinburgh (Assembly Rooms)
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- Du 19 juin au 22 juillet 2017, à Dublin (à nouveau Bewleys Cafe) Puis en tournée : -
6 septembre 2017 - Town Hall Theatre, Galway 7 septembre 2017 - Droichead Arts Centre, Drogheda 9 septembre 2017 - Visual, Carlow 12 septembre 2017 - Linenhall Arts Centre, Castlebar 13 et 14 septembre -Pavilion Theatre, Dún Laoghaire 16 septembre 2017 - glór, Ennis 19 et 21 septembre 2017 -The Everyman, Cork 22 septembre 2017 - Garter Lane, Waterford (Culture Night) 23 septembre 2017 - Dunamaise Arts Centre, Portlaoise 27 septembre 2017 - Riverbank Arts Centre, Newbridge 28 septemnre 2017 - Backstage Theatre, Longford 29 septembre 2017 - Solstice Arts Centre, Navan 30 septembre 2017 - Garage Theatre, Monaghan 5 octobre 2017 - The Dock, Carrick on Shannon 12 octobre 2017 - Red Line Book Festival, Rathfarnham Castle
Et en 2018 – Au Royaume-Uni - 6 novembre - Gravesend The Woodville - 8 novembre – Hedge End The Berry - 9 novembre - Bridport Arts Centre - 14 novembre - Worthing Connaught Studio - 15 novembre - Canterbury The Marlowe Kit - 16 novembre – New Milton Forest Arts Centre - 17 novembre - Wallingford Corn Exchange - 20 novembre – Farnham Maltings (Great Hall) - 21 novembre - Hemel Hempstead Old Town Hall - 22 novembre - Colchester Lakeside - 23 novembre - Dorchester Arts Centre - 24 novembre – Ile de Wight Quay Arts
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12 – Une amourette américaine ? Dans la nouvelle biographie d’Oscar Wilde dont la sortie est prévue en octobre, l’auteur, Matthew Sturgis, attribue à Oscar Wilde un flirt avec une jeune américaine dont on ignorait tout jusqu’à présent, sinon qu’il la désignait dans une lettre sous le surnom d’«Hattie ». Matthew Sturgis est parti à la recherche de la mystérieuse inconnue, et il en est arrivé à la conclusion qu’il s’agirait de Harriet Crocker, la fille brillante d’un magnat du chemin de fer de San Francisco, alors âgée de 23 ans.
Harriet Crocker, peinte par Boldini
Les Crocker appartenaient à la gentry de San Francisco. Le père d’Hattie avait fait fortune au début des années 1860 avec le Central
Pacific
Railroad
et 89
il
avait
financé
un
building
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impressionnant dédié à la musique et aux arts . L’oncle de la jeune fille possédait une galerie d’art à Sacramento, que Wilde avait visitée, et les parents d’Hattie avaient assisté à la première conférence d’Oscar. Interrogé sur sa vie privée pendant sa tournée américaine, Wilde avait fait référence à une jeune fille séduisante rencontrée à Washington... mais Wilde rencontrait beaucoup de femmes séduisantes, avec lesquelles il ne dédaignait pas de flirter un peu. En quittant San Francisco, Oscar aurait déclaré cependant à un de ses amis qu’il avait perdu son coeur à San Francisco ; Etait-ce Hattie Crocker qui le lui avait dérobé ? C’est la théorie avancée par Matthew Sturgis. Mais c’est Constance Lloyd qu’il demandera en mariage l’année suivante, en 1883, et c’est elle qu’il épousera le 29 mai 1884.
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13 – Facsimilé de Dorian Gray Les éditions des Saints-Pères viennent de publier le manuscrit original de Dorian Gray, qui montre le texte de Wilde ainsi qu’il l’a primitivement écrit, avec une préface de Merlin Holland. Celui-ci révèle que Wilde s’est autocensuré et que, dans le contexte d’une Angleterre Victorienne prude et homophobe, il était bien conscient qu’il pouvait choquer. Il s’est donc efforcé d’atténuer l’ambiguité des relations entre le peintre Basil Hallward et son jeune modèle, Dorian Gray, en remplaçant certains mots et en barrant certains passages, supprimant parfois des phrases entières.
Il est particulièrement intéressant de pouvoir suivre ainsi le travail de l’auteur qui, malgré ses efforts pour détourner le scandale, allait susciter l’indignation au moment de la sortie du roman dans le Lippincott’s de juillet 1890, obligeant Wilde à retravailler son texte et
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à développer son intrigue. Pour le publier sous forme de livre, il rajouta six chapitres, et fit complètement disparaître l’aveu de Basil à Dorian:« Il est vrai que je vous ai adulé avec une ferveur infiniment plus forte que celle qu’un homme éprouve normalement pour un ami. Je n’ai jamais aimé aucune femme… j’avoue bien volontiers que je vous ai adoré comme un fou, sans limites, de façon absurde. »)
Editions des Saint-Pères – septembre 2018 – tirage numéroté de 1000 exemplaires – 200€.
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14 - Cinéma – Télévision - CD Rappelons que le film « The Happy Prince », mis en scène par Rupert Everett, qui retrace les dernières années d’Oscar Wilde à Paris et à Naples, devrait sortir dans les salles françaises le 3 octobre prochain.
En outre, le film figurera dans les cinq films en compétition au Festival de Dinard qui se déroule du 26 au 30 septembre 2018.
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CD Le 31 Août 2018, les spectateurs réunis dans l’auditorium du musée du Petit Palais étaient venus écouter le baryton franco- irlandais Edwin Crossley-Mercer donner un récital au programme curieux puisqu’il entremêlait des mélodies françaises et de larges extraits des Wilde Songs de Michael Linton. La plupart des textes mis en musique proviennent du recueil de Wilde « Poem », publié en 1881. Ils ont donné lieu à un disque, enregistré en 2017, avec les oeuvres suivantes : Santa Decca - In the Forest - La Fuite de la lune Beauty’s Taste - Taedium Vitae -Le Jardin des Tuileries- Quia Multum Amavi –Requiescat - Easter Day-Tristitiae –Phêdre Theocritus – A Villanelle -Ave Marie gratiá plena-Silentium Amoris -The Silent Spring –Epitaph. Edwin Crossley-Mercer, baryton Jason Paul Peterson, piano
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15 – The Oscholars www.oscholars.com abritait un groupe de journaux consacrés aux artistes et mouvements fin-de-siècle. Le rédacteur en chef en était David Charles Rose (Université d’Oxford). Depuis 2012, les membres du groupe sont indépendants, et le site, délaissé par son webmaster, ne reste plus sous le contrôle de M. Rose. THE OSCHOLARS est un journal / site de web international en ligne publié par D.C. Rose, consacré à Wilde et à ses cercles. Il compte plusieurs milliers de lecteurs à travers le monde dont un grand nombre d’universitaires. On pourra y trouver les numéros de juin 2001 à mai 2002 (archives), et tous les numéros réalisées depuis février 2007 jusqu’à Juillet 2010.
Les numéros de juin 2002 à
octobre 2003, et d’octobre 2006 à décembre 2007 sont abrités par le site
www.irishdiaspora.net.
Vous
y
découvrirez
une
variété
d’articles, de nouvelles et de critiques : bibliographies, chronologies, liens etc.
L’appendice ‘LIBRARY’ contient des articles sur Wilde
republiés des journaux. Les numéros jusqu’à mars 2010 étaient en 95
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ligne
ici,
mais plusieurs pages ont été détruites par le ci-devant
webmaster, et l’accès est interdit. Depuis l’automne 2012, on peut trouver THE OSCHOLARS sous cette adresse :
http://oscholars-oscholars.com/
en train d’y être republiées.
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et toutes les éditions sont
Rue des Beaux-Arts n°65 – octobre, novembre, décembre 2018
15. Signé Oscar Wilde Un homme ne peut être toujours évalué selon ce qu’il fait. Il peut obéir aux lois tout en ne valant rien. Il peut les transgresser en étant un homme de bien. Il peut être mauvais sans jamais faire le mal. Il peut commettre un péché contre la société et, par ce péché, aboutir à sa véritable perfection. (L’Âme de l’Homme sous le Socialisme)
A man cannot always be estimated by what he does. He may keep the law, and yet be worthless. He may break the law, and yet be fine. He may be bad, without ever doing anything bad. He may commit a sin against society, and yet realize through that sin his true perfection. (The Soul of man under Socialism)
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