Rdba 58

Page 1

Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

RUE DES BEAUX ARTS Numéro 58 Janvier/Février/Mars 2017

Expo Wilde – Petit Palais


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Bulletin trimestriel de la Société Oscar Wilde

RÉDACTRICE : Danielle Guérin-Rose Groupe fondateur : Lou Ferreira, Danielle Guérin-Rose, David Charles Rose, Emmanuel Vernadakis On peut trouver les numéros 1-41 de ce bulletin à l’adresse http://www.oscholars.com/RBA/Rue_des_Beaux_arts.htm

et les numéros 42 à 55 ici.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

1 – Éditorial Des Princes

À travers les œuvres de Wilde, et plus spécialement dans ses contes, on croise une jeune infante, quelques fils de rois, et une statue du Prince Heureux. On rencontre aussi un autre prince dans son unique roman, non pas de sang royal celui-là, mais de rang aristocratique, qui

n’a

de

princier

que

son

surnom :

« Prince

Charmant »,

anoblissement qui lui est accordé par la grâce de l’amour d’une jeune actrice shakespearienne, vite répudiée. De Dorian Gray, Sybil Vane ne connait rien d’autre que ce surnom de conte de fée. Il est celui, beau jeune homme élégant et mystérieux, qui apparaît le soir, dans le royaume faussement enchanté du théâtre, pour lui donner le baiser qui l’éveillera à une vie d’amour merveilleuse. Mais le baiser de Prince


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Charmant est vénéneux. C’est un poison violent qui la réduira au désespoir et la tuera. Le Prince Heureux du conte n’a pas de nom, lui non plus. Cette appellation générique recouvre en fait deux représentations bien distinctes : la statue, et l’homme mort qu’elle est censée célébrer. Car la statue qu’on a élevée au cœur de la ville, cette statue magnifique, couverte d’or fin, incrustée de pierres précieuses, a été érigée pour rendre hommage au souverain qui n’est plus et qui régnait sur la ville. Que savons-nous de cet homme ? Wilde nous en dit assez peu de choses, mais on pressent, ne serait-ce qu’au nom de son palais de Sans-Souci1, que le prince menait une vie égoïste de plaisir et d’insouciance, se désintéressant de ce qui se passait hors les murs du palais, refusant de voir la douleur et la misère de son peuple. « Quand j’étais vivant et que j’avais un cœur humain » – dit la statue à l’hirondelle – « Durant le jour, je jouais avec mes compagnons dans le jardin, et le soir, je conduisais la danse dans la grande salle. Autour du jardin, s’élevait un mur très haut, mais jamais je ne me souciais de demander ce qu’il y avait au-delà ».2 Le Prince vivant était insensible, et c’est sa statue qui, maintenant exposée en triomphe sur une haute colonne, va enfin ouvrir les yeux sur la réalité du monde qui l’entoure. En sa position dominante, elle peut voir ce qui se passe autour d’elle, n’étant plus enfermée dans l’univers chatoyant de jadis, où son modèle restait sourd et aveugle au malheur des autres. En passant de l’état d’homme (créature par définition sensible) à celui de statue (création par nature insensible), le Prince, devenu simple C’est aussi une allusion à l’ancien Palais d’été du Roi Frédéric II de Prusse, à Potsdam, qui était connu sous le nom de Palais de SansSouci. 2 Le thème du jardin ceint de hauts murs comme symbole de l’égoïsme, puisqu’il coupe celui qui s’enferme dans la beauté de tout contact avec les autres, est également un thème central du « Géant Egoïste ». 1


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

matière, s’est élevé non seulement dans l’espace, mais surtout émotionnellement et spirituellement. Comme souvent chez Wilde, les données sont totalement inversées1, le cœur de plomb éprouvant plus d’amour et de compassion que le cœur humain fait de chair et de sang. Dorian Gray, lui aussi, possède deux représentations qui englobent tout le personnage. Il est à la fois la vie et le portrait. La nature humaine et l’œuvre d’art. Tout comme le héros du conte au sommet de sa colonne. Mais les deux situations, si on peut y découvrir une certaine similarité, évoluent dans un sens totalement opposé. Si la statue contient le cœur battant et l’âme lumineuse du Prince rédempté, Dorian Gray, lui, perd la sienne pour le tableau le représentant dans tout l’éclat de sa jeunesse. L’un comme l’autre, la statue du Prince, et le portrait peint par Basil Hallward, connaissent un processus de dégradation irréversible, mais pour des raisons bien différentes. L’un et l’autre sont au départ auréolés de la splendeur de leur beauté. Celle de la statue est en principe indestructible, tandis que celle de Dorian est menacée. Mais Dorian conclut en quelque sorte un pacte avec le diable, échangeant sa beauté éphémère contre celle, permanente, du Portrait. Les voici, l’un comme l’autre, éternels, délivrés des outrages du temps qui flétrit et dégrade. Mais ils sont, le Prince d’or et l’homme splendide, entraînés vers deux aspirations contraires : l’un vers le bien, l’autre vers la déchéance du mal.

De la même façon, dans « Le Fantôme de Canterville », le spectre, dont la nature est de semer la terreur, est terrorisé par les habitants américains du château. 1


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Par charité, le Prince heureux accepte de se dépouiller de ses richesses.2 Avec l’aide désintéressée de l’hirondelle, il cède un à un tous ses trésors pour secourir ceux qui souffrent, acceptant de tout perdre, y compris son ami l’oiseau, qui finit par mourir de fatigue et de froid dans la neige. C’est une religion du sacrifice pour l’amour d’autrui. Inversement, Dorian, innocent et pur avant de se laisser pervertir par les théories pernicieuses de Lord Harry, s’enfonce de plus en plus dans l’abjection tandis qu’il amasse richesses et succès. L’un se dénude et s’élève vers une sorte de sainteté, l’autre jouit sans entraves et descend en flirtant avec la damnation. Chez chacun d’eux cependant, la ruine fait son œuvre, ruine exposée au regard de tous chez le Prince heureux qui, délesté de son or et de ses joyaux, n’est plus qu’une carcasse grise qui offense les édiles passant près de la colonne : « Le rubis est tombé de son épée, ses yeux ont disparu, et il n’est plus doré », dit le Maire ; « en fait, à peine vaut-il mieux qu’un mendiant ». La décision est vite prise de mettre à bas cette ferraille qui fait horreur à la beauté et nuit à l’image prospère de la ville. La ruine de Dorian est à la fois visible et cachée. Visible, et combien répugnante, sur le portrait défiguré par les stigmates hideuses du vice et de la cruauté (mais aussi cachée, puisque nul n’est autorisé à les voir, et que dans la mémoire de tous, sauf dans celle de Dorian, qui connait la vérité, le tableau est resté splendide). Ruine secrète aussi de l’âme de Dorian, dont il cache les ravages sous un visage d’ange inchangé, avant qu’à bout de résistance face à sa terrible duplicité, il

Le thème du dépouillement permettant d’atteindre le bien se retrouve également chez Wilde dans son conte : « Le jeune Roi » 2


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

veuille arracher ses masques, et anéantir l’insupportable reflet de son âme perdue, en poignardant le tableau maléfique. Au terme des deux œuvres, il ne reste plus des deux héros, si beaux et si brillants à l’origine, qu’un déchet, guère plus qu’une ordure. Une statue

desquamée

qu’on

envoie

à

la

fonderie,

un

vieillard

méconnaissable, mort au pied d’un tableau resplendissant, et qu’on ne pourra reconnaître qu’à ses bagues. Mais tout est-il perdu à jamais ? Le bien (en la personne du prince), comme le mal (en celle de Dorian Gray) ont-ils été vaincus sans possibilité de grâce ou de rémission ? Il y a, dans l’amas de fer fondu qui fut le corps de la statue du Prince, quelque chose d’infrangible, qui se refuse à cesser de battre : c’est ce cœur de plomb que le désir de bonté fait encore frissonner, et qui sera apporté à Dieu par les anges. Est-ce le cœur de la statue, est-ce celui du souverain mort racheté par le dévouement héroïque de son effigie ? Ce qu’il y a de plus beau au plus profond des êtres ne meurt pas. Il est sacré par l’éternité. Cette éternité que Dorian avait souhaité maîtriser et qui l’a perdu. Pour lui, la condamnation apparaît sans appel. Il semble qu’il n’y ait pas de rédemption possible pour Dorian, qu’il se soit jeté lui-même dans la gueule de l’enfer, sans possibilité d’y échapper. Mais la dernière scène d’assassinat, celle du portrait, et par-là même, celle du suicide du héros, n’est-elle pas le seul chemin de rédemption qui lui soit ouvert ? Si le poignard lacère le portrait, n’est-ce pas pour en extirper le mal, pour arracher le mal qui s’est emparé du cœur las de Dorian, fût-ce au prix de sa beauté et de sa vie ? Peut-être, dans le cadavre froid du vieillard hideux foudroyé au pied du portrait,


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

quelque chose s’est-il libéré : une âme renaissante qui recommence à frémir, du même battement imperceptible que le cœur du Prince Heureux faisait encore entendre, quand tout, sur cette terre, était fini, mais que s’ouvraient de grands espaces. Même pour Dorian le maudit, quelque part, au creux de la désolation, peut-être une petite flamme pâle refuse-t-elle de s’éteindre tout à fait, attendant qu’un souffle divin la purifie et la ranime.

Danielle Guérin-Rose


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

2 – Publications

Oscar

Wilde,

l’impertinent

absolu Sous la direction de Merlin Holland Préface de Charles Dantzig. Textes

de

Charles

Dantzig,

Robert Badinter, Pascal Aquien, etc... Illustrations

en

noir

et

en

couleurs Paris-Musées,

Paris

septembre 2016 ISBN 978-2-7596-0327-5


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Oscar Wilde, l’impertinent absolu Connaissance des arts, Paris – septembre 2016 Connaissance des arts hors-série – n°734 ISBN 978-2-7580-0719-7

Le Portrait de Dorian Gray Version non censurée bilingue Traduction de Christine Jeanney Publienet – 4 janvier 2017 ISBN 978-2371774759

INCLUDEPICTURE "https://images-na.ssl-images-

Ainsi parlait Oscar Wilde

amazon.com/images/I/41jqQylONKL._SX333_BO1,204,203,200_. jpg" \* MERGEFORMATINET

Arfuyen – 12 janvier 2017 ISBN 978-2845902435


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Et ailleurs… Philip Hoare - Oscar Wilde's Last Stand: Decadence, Conspiracy, and the Most Outrageous Trial of the Century Arcade publishing – janvier 2017 ISBN 978-1628726954

Michael Bennett – Philosophy and Oscar Wilde. Palgrave MacMillan – Mars 2017


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

ISBN 978-1137579577

Francisco Gijon - La Felicidad Vacante Octobre 2016 Edition espagnole


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

3- Expositions Autour de l’exposition « Oscar Wilde, l’impertinent absolu » Petit Palais – Paris

Petite promenade dans l’expo À l’entrée, le Petit Palais a pavoisé aux couleurs d’Oscar Wilde :


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

On entre, et Oscar, en majesté, nous attend :

On approche, on y est, le voici :


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Premiers pas dans le monde Wildien. Il ne reste plus qu’à ouvrir grands les yeux et à savourer. L’enfance

À gauche, l’enveloppe contenant les cheveux d’Isola, à droite la photo d’Oscar enfant en robe bleue et dans l’ombre, son gobelet de baptème.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Les années de formation

Double page manuscrite d’Oscar Wilde répondant à des questions comme : « à quelle époque auriez-vous aimé vivre ? – Le Renaissance italienne » - « Où aimeriez-vous vivre ? – À Florence et à Rome » - « Vos distractions favorites ? – Lire mes sonnets », etc…


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Au premier plan, le Saint-Sébastien de Guido Reni (v. 1616. Musei di Strada Nuova Palazzo Rosso, Gênes. © Musei di Srada Nuova) - à gauche, Ellen Terry en Lady Macbeth, peinte par John Singer Sargent, 1889 – au fond, Lillie Langtry, par Edward John Poynter – l’une et l’autre actrices étant de grandes amies de Wilde. Les aspirations artistiques


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

William Blake Richmond – Electre sur la tombe d’Agamemnon, 1874

John Roddam Spencer Stanhope (1829-1908), L’Amour et la jeune fille, 1877. Fine Arts Museum de San Francisco


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Wilde en Amérique

Les caricatures

Napoleon Sarony


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

13 portraits originaux de Napoleon Sarony sont exposés au Petit Palais – New York 1882 La famille

,


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Dans cette vitrine, on aperçoit une caricature d’Oscar entre les bras de son frère Willie, après l’échec de sa pièce « Véra » - à côté la célèbre photo de Constance avec son fils Cyril – On peut voir le fils cadet de Wilde, Vyvyan, sur la dernière photo.

Portrait d’Oscar Wilde par Harper Pennington (circa 1884) – Portrait de Constance Llyoyd, avant son mariage, par Louis Desange (1882)

Salomé Une salle est consacrée à la pièce que Wilde écrivit en français, avec une projection au sol d’un extrait de film avec Nazimova, les dessins de Beardsley et de Gustave Moreau.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Dessins orginaux d’Aubrey Beardsley

Le scandale

Carte déposée par le Marquis de Queenberry à l’Albemarle Club, Accusant Wilde de « pose au so(m)domite »)


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Et, bien sûr, les PENSÉES de Wilden fleurissant sur les murs…


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

INCLUDEPICTURE "http://www.loeil2fred.com/wpcontent/uploads/2016/10/DSCF3731.jpg" \* MERGEFORMATINET


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Les échos de l’expo à travers Paris Dans le métro


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Station Saint Lazare

Dans la rue


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Quartier Beaugrenelle

Dans les cafés


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Quartier Pigalle

Dans les librairies


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Vitrines de la librairie Galignani


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Joseph Gibert

Librairie Joseph Gibert


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Et à la boutique du Musée…


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Ceux qui y sont allés : les témoignages. Heureux Oscar Wilde qui a obtenu ce que Jules Renard, Octave Mirbeau et bien d’autres de ses contemporains se sont vus refuser : Un

hommage

publique

le temps

d’une

exposition

parisienne.

Heureuse littérature qui n’a ni frontières ni tabous. Moins encore de gardes-frontières. Le génie, lui, est intemporel. Rendez-vous compte : il a fallu plus d’un siècle pour passer du miteux hôtel d’Alsace aux ors du Petit Palais. Certains soirs des larmes de joie doivent couler, au Père-Lachaise. Aussi petit soit-il un palais renferme des trésors comme cette lettre envoyée d’Écosse, datée du 16 décembre 1884, la seule lettre d’Oscar Wilde adressée à sa femme Constance à avoir survécu : Chère bien aimée, Voilà où je suis pendant que vous êtes aux Antipodes. Ô exécrable vie, qui empêche nos lèvres de s’unir en un baiser, alors que nos âmes sont une. Que puis-je vous dire par lettre ? Hélas rien de ce que je voudrais. Les messages des dieux ne vont pas de l’un à l’autre par la plume et l’encre et, en vérité, votre présence corporelle ici ne vous rendrait pas plus réelle car je sens vos doigts dans mes cheveux et votre joue contre la mienne. L’air est plein de la musique de votre voix ; mon âme et mon corps me semblent non plus miens, mais fondus en une douce extase aux vôtres. Je me sens incomplet sans vous. Toujours et toujours, votre Oscar. Constance, si bien aimée et bientôt délaissée ! A-t-elle conservé cette unique lettre parce qu’elle était la plus belle ? On ne sait. Oscar n’a peut-être pas livré tous ses secrets. Tristan Jordan *


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Il était là enfin, Nous étions là aussi ; Dans les stations de métro, il est apparu ; sur les colonnes Morris, je l’ai vu ; J’ai marché jusqu’au Petit Palais, il était là ; Nous avons gravi les marches avec le cœur battant, comme s’il nous attendait ; Nous sommes entrés , nous, les fidèles, les amoureux du poète, du dramaturge et de l’homme qu’il était ; Au bout de la salle, il était là, immense , radieux, heureux ; Sarony avait su capter ce regard et cette attitude si caractéristiques du dandy qu’il était ; Oscar Wilde était enfin de retour à Paris ; Il était attendu dans cette ville qui le vit s’éteindre il y a maintenant 116 ans ; Tel un phénix, il renaissait de ses cendres,

admiré et honoré comme il se doit ; Exposition

magnifique dans un endroit exceptionnel qui m’aura permis de voir, de regarder tous les écrits et photographies originaux ; Certes, je connaissais presque tout pour les avoir lus et regardés dans tous les ouvrages que je possède, mais là dans cette exposition à l’éclairage intimiste, il y avait un plus, une âme, un respect qui flottaient audessus de nous ; Je suis restée immobile devant deux toiles sublimes : celle d’Oscar en pied et celle de Constance ; La visite de l’exposition s’est terminée dans une dernière salle où nous pouvions voir une vidéo de Merlin Holland, son petit- fils qui œuvre pour la diffusion du patrimoine artistique et littéraire d’Oscar ; Ce fut un moment intense, fort et magique entouré de nos amis wildiens de l’association Oscar Wilde. Danielle Morris Auteur de « L’ami de Bunbury, ou si Oscar Wilde m’était conté » 2004 « Sigmund Freud et le fantôme d’Oscar Wilde » avec Christian Morris 2015 Prédictions »2016 pièce de théâtre d’après Le Crime de Lord Arthur Savile

*


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Le petit Palais est un magnifique musée, très lumineux, quand l'on se dirige vers l'exposition on tombe nez à nez avec cette magnifique photo géante d'Oscar Wilde. De la lumière, on passe à l'obscurité. Mais, j'ai tout de même aimé la première salle où l'on voit Oscar enfant avec ses parents. Et deux très beaux tableaux qui m'ont touchée : celui d'Ellen Terry (pour qui j'ai une immense affection, elle a été aussi l'amie de Lewis Carroll), nommée la Sarah Bernhardt anglaise et la belle Lillie Langtry surnommée "Le lys de Jersey". Toutes les deux étaient des amies d’Oscar Wilde. J'ai apprécié la salle rouge dédiée à Salomé, la couleur rouge correspond à la sensualité que dégage cette pièce. J'ai été saisie et j'ai aimé voir l'Oscar Wilde esthète, amoureux de l'art, c'est l'image qui me reste dans le cœur ! J’ai moins apprécié le manque de lumière. La scénographie de l'exposition est trop sombre et manque de recul, elle ressemble à un tombeau. C'est bien dommage, me semble-t-il ! J'aurai préféré voir les couleurs suivantes : jaune des tournesols, vert des œillets, blanc crème des lys, couleur des fleurs qu'Oscar Wilde affectionnaient. Pour conclure sur une note positive c'est une exposition tout de même intéressante pour découvrir Oscar Wilde, et lui rendre hommage ! Alice Théaudière * La ville de Paris a enfin rendu hommage à Oscar Wilde par le biais d’une exposition dans un lieu à sa mesure, le Petit Palais. Il était temps ! Après avoir, il y a quelques années, promis de renommer une rue ou une place de la capitale du nom de Wilde pour ne finalement associer


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

son nom qu’à une petite bibliothèque de quartier, Paris a célébré Wilde dignement. Mais l’attente en valait la peine. «Oscar Wilde, l’impertinent absolu». Le titre de l’exposition est bien choisi. Il reflète bien la personnalité d’un homme qui a su être audacieux et insolent autant dans sa vie que dans son œuvre, avec talent, intelligence et style. Mais pas seulement. L’exposition cherche à aborder à la fois tous les aspects de la vie de Wilde, et à les présenter sur un parcours chronologique, biographique, de sa naissance (sa timbale de baptême) à sa mort, (les esquisses du tombeau au père Lachaise). En parcourant les petits salons thématiques, on découvre ainsi une sorte de «synthèse» de la vie de Wilde et de son œuvre. Forcément superficielle, cette évocation n’en est pas moins réalisée avec subtilité. En effet, le visiteur qui découvre Wilde avec cette exposition en aura un aperçu intéressant, qui, on l’espère, lui donnera l’envie de le connaître davantage, et le spécialiste pourra apprécier des pièces essentielles, dont certaines très émouvantes, comme les nombreux documents manuscrits, les dessins, les photos et tous ceux touchant à son incarcération et sa chute. Le dernier salon, qui les présente, est de loin le plus bouleversant: la carte de l’infâme Queensberry, le catalogue de la vente aux enchères des biens de sa maison de Tite Street, la pétition demandant sa libération anticipée etc... l’esthétique à l’atmosphère volontairement


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

sombre renforçant encore le sentiment d’oppression et d’horreur devant le sort réservé à Wilde. L’exposition s’achève ainsi, sur la monstruosité de la condamnation injuste d’un esprit brillant, et, ce qui est regrettable, sur une impression d’échec : Wilde n’a jamais recouvré sa créativité, et il est mort en paria, à l’étranger, sous un faux nom et désargenté. La tombe clos l’exposition comme la fin d’une tragédie un soupçon moralisatrice: avis aux rebelles, il pourrait leur en cuire. Certes, sa chute et sa fin tragique sont indéniables, mais il est dommage que cette belle exposition n’ai pu consacrer ne serait-ce qu’un petit espace à ce que l’on pourrait appeler la «Revivance Wilde». Après avoir été objet de dégoût, Oscar Wilde est à présent une icône, un modèle pour les artistes contemporains de toutes disciplines qu’il n’a pas fini d’inspirer; ses pièces sont jouées, adaptées, ses contes lus dès le plus jeune âge, ses aphorismes sont répétés avec gourmandise et il est indéniable que son martyre a eu, au bout du compte, un impact sur les consciences qui n’est pas étranger dans l’heureuse avancée de la cause LGBT. Ces aspects positifs, et qui rendent hommage autant à l’homme qu’à l’œuvre, auraient pu trouver leur place au sein de cette exposition, qui n’en demeure pas moins un moment de recueillement et d’enchantement incomparable. Isabelle Phillips * Le Saint Sébastien de Guido Réni m'accueille à l'entrée de l'exposition consacrée à Oscar Wilde, labyrinthique, parfois étouffante tant la foule des visiteurs est dense, bouleversante toujours. Six fois je suis entrée dans cet antre d'ombre et de mauve où les tableaux de John


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Singer Sargent, de Jacques Émile Blanche, de William Blake Richmond et d'Evelyn Pickering sont autant de repères de Beauté. Saint Sébastien d'abord, qui regarde le Ciel et meurt d'extase, ouvre le pèlerinage pour un écrivain qui visa la lune, tomba au milieu des étoiles, puis chuta dans le caniveau, perdu pour ses contemporains et que

les

générations

nouvelles

ré-épinglent

au

firmament.

Ce

firmament fut-il factice, car parmi la foule des dos qui se pressent autour des vitrines, qui a lu Wilde, qui a cherché à décrypter l'homme à travers ses bons mots et à saisir la profondeur de son discours derrière le glacis des paradoxes ? Devant le succès de cette exposition qui m'enchante à chacune de mes visites et m'émeut au-delà des mots quand je peux emplir mes yeux des détails des manuscrits des poèmes ou du Portrait de Dorian Gray, de la délicatesse de la couverture des poèmes crée par Charles Ricketts,

des photos

originales de Napoléon Sarony où la finesse de grain est telle que l'épaisseur des cheveux et les reflets des soies et des velours sont palpables, de l'exemplaire de Dorian Gray offert à Lord Alfred Douglas, des photos originales où les deux amants posent, insolents et sûrs de la fragile forteresse de leur amour, du De Profundis et des dernières photos prises à Rome, où Wilde, exilé et décrit comme misérable, pose avec l'impertinence de l'élégance et du chic, oui devant le maelstrom d'émotions qui m'emporte, je m'interroge sur la nature de ce succès. Et je pense aux mots d'Oscar dans le poème qu'il a écrit alors que se vendaient aux enchères les lettres d'amour de Keats. Keats, son modèle, son Endymion, dont il ne supportait pas que les lettres soient lues par des yeux incapables d'en saisir la beauté.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

La pose insolente et alanguie, fixée par Sarony pour les générations futures, et qui s'expose sur la façade du Petit Palais, perturbaient et hérissaient ses contemporains car elle affichait une liberté que très peu d'entre eux s'accordaient. Ils en firent un martyre, comme les soldats romains de Sébastien. Aujourd'hui, je crois que, parmi la foule de ses admirateurs, beaucoup voudraient s'enorgueillir d'une même liberté. Ils en font un fétiche. Alors que l'Impertinence soit ! Et que Wilde, qui en est l'essence, continue à drainer les foules d'admirateurs ou de curieux, et à leur donner des leçons de courage, d'élégance et de passion. Véronique Wilkin * OSCAR WILDE : THE SEVENTH ACT In 2000, the centenary of Wilde’s death was marked in London by a splendid exhibition at the British Library ‘Oscar Wilde : A Life in Six Acts’, curated by Sally Brown with the assistance of Merlin Holland. It has taken sixteen years for Paris to mount a sequel at the Petit Palais, ‘Oscar Wilde, L’Impertinent Absolu’, curated by Dominique Morel, again with the assistance of Merlin Holland and the participation of the Wilde collector Omer Koç. One might have supposed that a Paris exhibition would have placed Wilde’s French connection centre stage, with some further emphasis on the creation of Wilde’s tomb by the celebrated sculptor Jacob Epstein, now designated a national monument. This was not to be.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

While all the items on display are interesting, the choices forced on the curator by the availability of material (not all museums were willing to lend) and the geography of the Petit Palais exhibition space, gave the show something of a mixum-gatherum aspect, typified by the portrait of Henri de Régnier, who barely knew Wilde, rather than, say, Régnier’s brother-in-law Pierre Louÿs, dedicatee of Salomé.

Not

perhaps within the control of the curators was the range of books on Wide offered for sale in the museum shop, gratifying but also including the lamentable works by Isaure de Saint-Pierre and Herbert Lottman which had been better left in oblivion. This is, however, a criticism from a specialist point of view; the general public has attended the exhibition in large numbers, while the exhibition’s posters, displaying Wilde in his æsthete phase, seem to be everywhere in Paris. The supporting programme of talks and screenings has also been complemented

by

independent

productions

and

other

events,

including a full window display at the bookshop Galignani in the rue de Rivoli. Wilde has returned to his favourite city in triumph. David Rose * Merci à Tristan Jordan, Danièle Morris, Alice Théaudière, Isabelle Phillips, Véronique Wilkin et David Rose de nous avoir transmis leurs impressions et leurs élans du cœur. *


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

4. Opéra et Musiques

Salomé À Strasbourg et Mulhouse

Direction musicale : Constantin Trinks Mise en scène : Olivier Py Décors et costumes : Pierre-André Weitz Lumières : Bertrand Killy Avec Salomé : Helena Juntunen Hérode : Wolfgang Ablinger-Sperrhacke Hérodiade : Susan Maclean Iochanaan : Robert Bork Narraboth : Julien Behr


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Page d’Hérodiade : Yael Raanan Vandor Orchestre philharmonique de Strasbourg Ve 10, Lu 13, Je 16, me 22 mars 2017 à 20H Di 19 mars 2017 à 15H

Opéra de Strasbourg Ve 31 mars à 20H Di 2 avril à 15H

Mulhouse – La Filature * Rencontre avec Olivier Py et Pierre-André Weitz Strasbourg - Librairie Kléber, Salle Blanche jeudi 9 mars à 18 h

À Boston… Quatre opéras autour d’Oscar Wilde Dans le cadre des Wilde Opera Nights


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

 The picture of Dorian Gray de Lowell Lieberman

18 Novembre 2016 à 21H a semi-staged opera in collaboration with


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

The Boston Modern Orchestra Project Direction musicale : Gil Rose

Jordan Hall at New England Conservatory  The Importance of being Earnest Mario Castelnuovo Tedesco

17 et 19 mars 2017 Wimberley Theatre – Boston  The Dwarf (Le Nain) De Zemlinski d’après « L’anniversaire de l’infante », d’Oscar Wilde Opéra en concert

14 avril 2017 Jordan Hall – Boston  Patience De Gilbert et Sullivan

3 et 4 juin 2017 Boston University Theatre


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

5 – Théâtre L’importance d’être Constant

Mise en scène et lumières : Laura Gallery de la Tremblaye Distribution : Léa Arson, Gaël Berthier, Xavier Bril, Dan Cohen, Pauline Jonniaux, Camille Remy, Sarah Vallée, Valentin Tercinier Scénographe : Valentin Tercinier Costumière : Léa Arson

Les lundis, du 17 octobre 2016 au 5 décembre 2016 à 21H Théâtre Darius Milhaud – Paris 19e


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

L’Âme Humaine Lecture-Spectacle © Editions Arléa

Mise en voix : Michel Boy Régie générale : Brigitte Antagnac

Di 22 janvier – 17H – Lundi 23 janvier – 19H30 – Di 5 et 19 février – 17H Maison du théâtre et de la Poésie - Nîmes

Le Fantôme de Canterville


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

INCLUDEPICTURE "http://www.essaiontheatre.com/document/spectacle/affiche/grd_746.jpg" \*

MERGEFORMATINET Adaptation : Leila Moguez Mise en scène : Leila Moguez Avec Leila Moguez et Antoine Brin


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Du 30 novembre 2016 au 1er février 2017 (les me, sa et di à 16H) – Tous les jours à 16H pendant les vacances de Noël. Essaïon Théâtre – Paris 4e

Le Portrait de Dorian Gray INCLUDEPICTURE "http://www.billetreduc.com/f700-400-0/vz-815c9a79-9d1b-40ce-ad62-

f86bf4b79df1.jpeg" \* MERGEFORMATINET

Mise en scène : Thomas Le Douarec Musique originale et direction musicale : Mehdi Bourayou Paroles: Thomas Le Douarec


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Lumières : Stéphane Balny Costumes : José Gomez d’après les dessins de Frédéric Pineau Avec : en alternance Arnaud Denis ou Valentin de Carbonnières, Lucile Marquis ou Caroline Devismes, Fabrice Scott et Thomas Le Douarec.

Du 14 septembre au 31 décembre 2016 du mardi au samedi à 20H30 le samedi à 16H. Studio des Champs-Elysées – Paris

Je 12 janvier 2017 Théâtre Princesse Grace - Monaco Vendredi 16 mars 2017 – Salle Jean Gabin – Royan Jeudi 21 avril 2017 Théâtre du Vésinet Jeudi 27 avril 2017 Sèvres Espace Loisirs M

Le Portrait de Dorian Gray Par la Compagnie des Framboisiers Mise en scène : Imago


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

16 janvier au 22 mars 2017 Les mercredis à 20H30.

Théo Théâtre – Paris XVe


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

6 – Portrait du spectre vengeur en souffre-douleur dans « Le Fantôme de Canterville » d’0scar Wilde Par Makki Rebaï

Le lieu commun est un peu comme le phénix. On n’en a jamais fini avec lui ; il ne cesse de renaître de ses cendres […] Mais, emporté dans une oscillation perpétuelle, le paradoxe, qui s’élève contre le lieu commun, est vite rattrapé par le lieu commun, contre lequel se dresse un nouveau paradoxe, lequel n’est autre – cela arrive – que l’ancien lieu commun, et ainsi de suite […] L’intérêt inépuisable du lieu commun semble venir de son ambivalence incorrigible. À la fois il fait penser et il empêche de penser, il permet de parler ou d’écrire et il contraint la parole ou l’écriture. C’est la bête noire et en même temps, comme toute bête noire, un animal familier, apprivoisé, dont on ne pourrait pas se passer […] Le lieu commun est un critère de la littérature, peut-être le critère de la littérature […] Mais son ambivalence fait qu’on ne sait pas dans quel sens. Est-ce le lieu


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

commun qui fait la littérature ? Ou bien est-ce le renversement du lieu commun ?1 Écrite

en

1887,

la

nouvelle

d’Oscar

Wilde

« Le

Spectre

des

Canterville »2 relate l’histoire d’une famille américaine fraîchement installée dans un vieux château hanté d’Angleterre, et semble ainsi à première vue perpétuer la tradition du roman gothique et de la littérature fantastique. Mais contrairement aux attentes du lecteur plus ou moins familiarisé avec l’univers particulièrement stéréotypé de cette double tradition littéraire 3, le spectre vengeur, censé être le héros de la nouvelle et exercer son pouvoir maléfique sur les personnages, devient lui-même la risée et le souffre-douleur de la famille américaine, pragmatique et rationaliste à souhait 4. Le principal intérêt de cette courte nouvelle semble résider dans l’art avec lequel Oscar Wilde parvient à y exploiter, tout en les mettant à distance, par plusieurs moyens, diverses formes de stéréotypie. Une Antoine Compagnon, « Théorie du lieu commun », in Cahiers de l’Association internationale des études françaises, 1997, n°49, pp. 23-25. 1

2

Ou « Le Fantôme de Canterville », selon les traductions. Notre édition de référence est « Le Spectre des Canterville », in Contes et Nouvelles d’Oscar Wilde, traduction de Jules Castier, postface de Philippe Julian, Paris, Stock, « Le Livre de Poche », 1972, pp. 55-97. 3 Citons, parmi les plus célèbres romans gothiques, Le Château d’Otrante d’Horace Walpole (1764), Les Mystères d’Udolphe d’Ann Radcliffe (1794) et Le Moine de Matthew Lewis (1796). Voir à ce sujet le précieux livre d’Annie Lebrun, Les Châteaux de la subversion, Paris, Garnier frères, « Folio Essais », 1986. Il nous semble par ailleurs que la stéréotypie, si caractéristique du roman policier selon Jacques Dubois, est tout aussi caractéristique de cette double tradition littéraire, gothique et fantastique : « On peut même dire qu’il [le roman policier] porte à son comble la stéréotypie inhérente aux formes triviales en la soumettant à un codage subtil », Jacques Dubois, cité par Ruth Amossy et Anne Herschberg Pierrot dans Stéréotypes et clichés, Paris, Nathan, 1997, p. 81. 4

Wilde semble avoir lu la lettre de Pline le Jeune (62-114 ?) qui relate l’histoire d'une maison hantée que personne n’ose habiter. Un philosophe prend le risque de s’y installer. Nullement impressionné par l’apparition du fantôme, il pousse même l’audace jusqu’à le suivre, sans pouvoir toutefois l’attraper. Le lendemain, il revient et creuse là où le fantôme avait subitement disparu. C’est alors qu’il découvre un squelette qu’il enterre rapidement selon les rites. Le fantôme reposant désormais en paix, la maison jadis hantée retrouve miraculeusement son calme.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

lecture active du texte exigerait dès lors du récepteur de déceler d’abord les diverses manifestations plus ou moins explicites du phénomène de la stéréotypie, ensuite de mesurer et d’interpréter le travail

à

la

fois

subtil

et

complexe

de

distanciation

et

de

déconstruction que ces formes de stéréotypie subissent tout au long de l’œuvre. Commençons tout d’abord par signaler que nous emploierons la notion de « stéréotype » ou encore de « stéréotypie », qui a le mérite d’admettre un sens à la fois générique et fédérateur, en tant que large éventail recouvrant des formes possibles du phénomène. Nous optons d’autant plus volontiers pour ce terme générique que notre propos n’est pas ici de tenter de redéfinir, à la lumière de la nouvelle d’Oscar Wilde, les notions souvent confondues de « cliché », « lieu commun », « poncif ». Ce travail de définition et de classification a été si bien mené et approfondi par d’éminents chercheurs qu’il nous semble aujourd’hui assez vain de tenter de le refaire1. Toutefois, il serait tout de même utile de s’arrêter au préalable sur quelques définitions importantes de ces termes si souvent confondus.

1

Voir en particulier Ruth Amossy, Les Idées reçues. Sémiologie du stéréotype, Paris, Nathan, 1991 ; Ruth Amossy, Anne Herschberg Pierrot, Stéréotypes et Clichés. Langue, discours, société, Paris, Nathan, 1997 ; Michael Riffaterre, « Fonction du cliché dans la prose littéraire », in Cahiers de l’Association internationale des études françaises, 1964, n°16, pp. 81-95 ; Laurent Jenny, « Structures et fonctions du cliché », in Poétique, n°12, automne, 1972, pp. 495-517 ; Jean-Louis Dufays, Stéréotype et lecture, Liège, Mardaga, 1994 ; Umberto Eco, Lector in fabula ou la Coopération interprétative dans les textes narratifs, trad. de l’italien, Grasset, 1985 [1979] ; Michèle Weil, « Comment repérer et définir le topos ? », La Naissance du roman en France, Papers on French Seventeenth, coll. « Century Literature », 1990, pp. 123-137 ; Antoine Compagnon, « Théorie du lieu commun », op. cit., et, plus récemment, le volume « Stéréotype et narration littéraire » dirigé par Antononello Perli, des Cahiers de narratologie, 17, 2009, consultable en ligne à l’adresse : http://narratologie.revues.org/1070.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Vincent Stohler, dans un article documenté, tente de faire le point sur les principales définitions qui jusque-là ont été proposées de ces notions voisines : Pour éviter toute confusion, observe-t-il, certains théoriciens ont également proposé une terminologie précise qui permet de classer les stéréotypes en fonction du niveau d’abstraction de leurs composants : cliché, lorsque le stéréotype se situe sur un plan proprement linguistique et qu’il reproduit une structure syntagmatique ou phrastique ; poncif, lorsque le stéréotype agit sur un plan thématique ou narratif, reproduisant des thèmes littéraires (décors, personnages, actions, scénarios, schémas) et lieu commun ou idée reçue, lorsque le stéréotype agit sur un plan idéologique (représentations mentales, propositions, valeurs.) Le terme de stéréotype est quant à lui réservé pour qualifier l’ensemble du phénomène 1.

Loin de nous aventurer dans ces considérations théoriques certes importantes, nous nous limiterons à examiner la nouvelle d’Oscar Wilde à la lumière du concept opératoire de « stéréotypie », ou, plus simplement, de « stéréotype », terme qui nous semble susceptible, après Vincent Stohler, de « qualifier l’ensemble du phénomène ». Ces précautions définitoires et méthodologiques étant clairement prises,

seront

ici

analysées

les

modalités

selon

lesquelles

l’exploitation, mais surtout le détournement et la déconstruction habiles de nombreuses formes de stéréotypie dans « Le Spectre des Canterville »,

permettent

à

Oscar

Wilde

d’abord

de

fausser

l’hypothétique « pacte de lecture » fantastique, conférant ainsi à l’œuvre un statut générique incertain, ensuite de se détacher, plus Vincent Stohler in « Du type au stéréotype : analyse des modalités d’insertion des stéréotypes des physiologies dans Bouvard et Pécuchet », Cahiers de Narratologie, 17 | 2009, mis en ligne le 05 janvier 2011, consulté le 05 juin 2012. URL : http://narratologie.revues.org/1184 ; DOI : 10.4000/narratologie.1184. 1


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

profondément, de la tradition de la littérature fantastique et gothique, en recourant essentiellement au mode comique.

L’horizon d’attente bouleversé Le début de la nouvelle est très révélateur de la manière dont Oscar Wilde se propose de réinvestir la tradition du roman gothique et des récits fantastiques. Si dans le roman gothique la découverte du fantôme ou du spectre est délibérément retardée afin de lui conférer toute sa puissance d’évocation et tout son pouvoir d’épouvante, rien de tel ici chez Wilde : d’emblée, le secret de l’existence du Spectre est éventé par Lord Canterville, le propriétaire du château : Lorsque Mr. Hiram B. Otis, le Ministre américain, acheta le domaine de Canterville, tout le monde lui dit qu’il faisait une bêtise énorme, car il n’y avait pas le moindre doute que le manoir fût hanté. Cela est si vrai que Lord Canterville, scrupuleusement pointilleux en matière d’honneur, avait estimé de son devoir d’en dire un mot à Mr. Otis quand ils en arrivèrent à discuter les conditions de la vente 1.

Cette annonce abrupte change fondamentalement l’horizon d’attente du récepteur : en effet, à la simple découverte du titre de la nouvelle, « Le Spectre des Canterville », le lecteur pouvait s’attendre à un récit peu ou prou inspiré de la tradition fantastique ou gothique, à une histoire de revenants en somme. Mais à l’annonce, dès l’incipit, de l’existence du Spectre, ces attentes sont nettement modifiées : désormais, le lecteur ne se pose plus la question du moment précis de l’apparition inopinée du fantôme, mais s’interroge plutôt aussi bien sur le degré de véracité des propos de Lord Canterville (dit-il vrai quant à la réalité du Spectre ?) que sur les réactions éventuelles

1

« Le Spectre des Canterville », op. cit., p. 57.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

des nouveaux propriétaires américains du « manoir hanté »1 à la vue du fantôme. Devant la confirmation par Lord Canterville de l’existence du Spectre, Mr. Otis, qui représente, par opposition à la famille anglaise profondément superstitieuse, le type de l’Américain sûr de sa science et imperméable aux forces occultes, ne bronche pas et ne montre aucun signe d’inquiétude. Le lecteur, initié à la littérature de la peur, qu’elle soit d’inspiration gothique ou fantastique, peut être pour le moins

surpris

de

l’attitude

froide

de

l’Américain.

Mais

cette

impassibilité peut recevoir une explication rationnelle, car comme le fait très justement remarquer Charles Grivel : « JE N’AI DES PEURS DE MA COLLECTIVITÉ

BIEN PEUR QUE

[…] La fable constitue ses objets

d’angoisse […] sur la base du savoir social »2. Quoi qu’il en soit, le lecteur comprend vite que sans la concrétisation de cette apparition le récit perdrait son sens et son intérêt, et il en vient tout naturellement, et quelque peu cyniquement, à souhaiter le surgissement du Spectre, comme pour fissurer la carapace du ministre américain que rien ne semble effrayer. Ainsi, alors que la scène centrale du surgissement du Spectre est savamment

préparée

dans

le

roman

gothique

et

les

récits

fantastiques, et s’efforce de ménager vis-à-vis du lecteur un effet de suspense nécessaire à son efficacité dramatique, elle devient dans la nouvelle de Wilde une scène attendue, prévisible, souhaitée par le Ibid. Cité par Ruth Amossy et Anne Herschberg Pierrot dans Stéréotypes et clichés, op. cit., p. 81. 1 2


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

lecteur, désormais conscient que l’évolution de l’intrigue ne peut être assurée qu’en fonction de cette apparition décisive. Autre divergence notable entre le « modèle » du roman gothique et la nouvelle de Wilde, qui affecte l’horizon d’attente du lecteur, la description du lieu de l’action ne souligne pas particulièrement son aspect lugubre ou angoissant : Canterville Chase étant situé à onze kilomètres d’Ascot, la gare du chemin de fer la plus proche, Mr. Otis avait télégraphié pour qu’une wagonnette les y attendît […] C’était une splendide soirée de juillet, et l’air était embaumé de l’odeur des forêts de pin […]1.

Il est vrai que, quelques lignes plus loin, le narrateur fait remarquablement

coïncider

l’entrée

des

nouveaux

propriétaires

américains au domaine de Canterville avec un brusque changement climatique : Lorsqu’ils pénétrèrent dans l’avenue de Canterville Chase, toutefois, le ciel se couvrit de nuages, un calme bizarre parut s’emparer de l’atmosphère, un grand vol de corneilles passa silencieusement au-dessus de leurs têtes, et, avant qu’ils n’eussent atteint la maison, il était tombé quelques grosses gouttes de pluie2.

Mais le lecteur se rend vite compte du caractère trop prémédité et factice de cette concomitance et en vient à se douter de l’ironie du narrateur : celui-ci joue en réalité avec les attentes du récepteur qu’il ne se plaît à éveiller que pour mieux les décevoir, et c’est ainsi que ce changement climatique imprévisible, qui aurait pu augurer, dans la perspective du roman gothique, d’une aggravation de la situation des personnages, reste significativement sans suite dans la nouvelle de 1 2

« Le Spectre des Canterville », op. cit., p. 60. Ibid.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Wilde : « L’orage fut déchaîné toute cette nuit-là, mais il ne se produisit rien qui mérite d’être noté »1.

Le détournement du stéréotype ou le stéréotype à l’épreuve du comique Il est sans doute plus facile de miner le stéréotype de l’intérieur, d’en saper la cohérence et d’en exhiber le caractère conventionnel, que de s’y opposer frontalement et de tenter de le détruire 2. Dans la nouvelle de Wilde, le stéréotype n’est point l’objet d’une destruction, mais plutôt d’une déconstruction, ou, mieux, d’une mise à distance, d’une neutralisation. Mais dans cette mise à distance, la séquence ou la scène stéréotypée est à la fois exhibée, réécrite et déconstruite. L’humour apparaît comme l’une des armes les plus redoutables à cet effet. Nombreuses en effet sont les scènes dans la nouvelle où le ton comique

vient

dédramatiser

ou,

pour

ainsi

dire,

« dégonfler »

l’événement potentiellement inquiétant et couper cours à toute éventuelle orientation fantastique. Dans « Le Spectre des Canterville », ce ton comique, qui déconstruit et se réapproprie efficacement et subtilement le stéréotype tout en le laissant identifiable pour le lecteur, provient de l’exploitation de quelques situations et données exemplaires.

Ibid., p. 61. Selon Ruth Amossy et Anne Herschberg Pierrot, « il [le stéréotype] est constitutif du texte qui peut travailler à le déjouer mais non s’en passer », Stéréotypes et clichés, op. cit., p. 64. 1 2


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

L’opposition de deux mentalités face au phénomène surnaturel À plusieurs reprises dans la nouvelle, le narrateur souligne la divergence de positionnement face à l’univers surnaturel entre les Anglais et les Américains. Alors que les premiers demeurent superstitieux et très respectueux des traditions ancestrales, les seconds apparaissent volontiers matérialistes et sans illusions sur l’existence de forces occultes. Ainsi, nullement troublé par les propos de Lord Canterville lui révélant solennellement l’existence du Spectre, Mr. Otis, le ministre américain, répond avec une assurance implacable : Milord, répondit le Ministre, je suis prêt à prendre le mobilier et le spectre à leur valeur d’estimation. Je suis d’un pays moderne, où nous avons tout ce que l’argent peut acheter ; et, avec tous nos jeunes compatriotes actifs qui remuent le Vieux Monde, et qui enlèvent vos meilleures actrices et vos cantatrices de marque, je gage que si tant est qu’il y eût un Spectre en Europe, nous l’aurions bien vite chez nous, dans un de nos musées publics, ou en tournée pour l’exhiber1.

Le spectre, créature effrayante pour les Européens n’est en somme aux yeux de l’Américain rationaliste et ironique qu’une jolie prise exotique, pouvant avoir toute sa place dans une collection de musée. Dans un autre épisode comique exemplaire de cette opposition d’attitudes face au monde du

surnaturel, Washington Otis, le fils

aîné du ministre américain, tout aussi incrédule en la matière que son père, réfute en bloc les explications de la vieille servante – celle des Canterville en réalité – quant à la tache de sang ineffaçable, qui serait celle de Lady Eleanore de Canterville, prétendument assassinée 1

« Le Spectre des Canterville », op. cit., p. 58.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

par son mari Sir Simon de Canterville, qui, disparu depuis lors, continuerait de hanter, par son esprit, le vieux château : “Tout ça, c’est de la blague, s’écria Washington Otis ; le Super-Kinettoy et ExtraDétersif Pinkerton enlèvera ça en un rien de temps” ; et avant que la femme de charge épouvantée eût eu le temps d’intervenir, il était tombé à genoux, et frottait rapidement le parquet avec un petit bâton de ce qui ressemblait à un cosmétique noir. Au bout de quelques instants, on ne voyait plus aucune trace de la tache de sang1.

Cependant, la déconstruction amusée du stéréotype passe également dans « Le Spectre des Canterville » par l’exploitation d’une même situation narrative dont la répétition engendre un remarquable effet comique.

Le face à face déceptif et le renversement des rôles La première véritable apparition du Spectre laisse de marbre Mr Otis. Réveillé malencontreusement dans son sommeil par un bruit mystérieux venant du couloir, et ressemblant à un « tintement de métal », Mr Otis sort très calmement de sa chambre, prend même le temps de se tâter le pouls – précise malicieusement le narrateur –, dévisage le Spectre avant de lui offrir, dans un imprévisible élan de « générosité »,

un

flacon

de

lubrifiant

pour

huiler

ses

chaînes grinçantes : Quelque temps après, Mr. Otis fut réveillé par un bruit bizarre dans le couloir, à l’extérieur de sa chambre […] Il était exactement une heure. Il était très calme et se tâta le pouls, qui n’était nullement fébrile […] Il chaussa ses pantoufles, prit dans sa 1

Ibid., p. 61.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

mallette une petite fiole oblongue, et ouvrit la porte. Juste en face de lui il vit, au pâle clair de lune, un vieillard d’aspect terrible. Il avait des yeux pareils à des charbons rouges incandescents ; une longue chevelure grise lui tombait sur les épaules en tresses emmêlées [...], et de lourdes menottes et des fers rouillés lui pendaient aux poignets et aux chevilles. “Cher Monsieur, dit Mr. Otis, permettez-moi, vraiment d’insister auprès de vous pour que vous huiliez ces chaînes : je vous ai apporté à cette fin un petit flacon de lubrifiant”1.

Ainsi, le face à face crucial et tant attendu par le lecteur se meut ici en une banale rencontre de deux personnages où le premier s’adresse au second sur un ton neutre et poli et tente de lui apporter amicalement une aide insignifiante. La peur et la panique changent alors de camp et c’est le Spectre qui, décontenancé par le calme et l’ironie de l’Américain, prend soudain la poudre d’escampette : Un instant, le Spectre des Canterville, demeure absolument immobile, dans un accès d’indignation bien naturelle ; puis, lançant violemment le flacon sur le parquet poli, il s’enfuit le long du couloir, en poussant des gémissements sourds et en émettant une lueur verdâtre et fantomale2.

Le Spectre, qui ne désespère pourtant pas d’effrayer un jour la famille américaine,

tente

d’exploiter

à

cette

fin

son

fameux

« rire

démoniaque »3, arme qui s’était autrefois révélée d’une efficacité redoutable : Il lança donc son rire le plus horrible, tant que le vieux toit voûté en retentit à tous les échos ; mais à peine le dernier éclat se fut-il amorti, qu’une porte s’ouvrit, et que Mrs Otis sortit de sa chambre, vêtue d’un peignoir bleu clair. “Mais votre santé me 1 2 3

Ibid., p. 64. Ibid., pp. 64-65. Ibid., p. 68.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

paraît vraiment laisser à désirer, dit-elle ; aussi vous-ai-je apporté un flacon de teinture du docteur Dobell. Si c’est une indigestion, vous constaterez que c’est un remède tout à fait excellent”1.

L’analogie entre les deux scènes est frappante : dans un cas comme dans l’autre, c’est l’un des deux époux Otis qui sort paisiblement de sa chambre, va témérairement à la rencontre du Spectre pour lui fournir – comble d’humiliation pour ce dernier – quelque aide matérielle. Le Spectre n’effraie plus personne ; pire encore, il n’est même pas perçu comme un spectre, mais comme un pauvre hère de santé fragile, à qui il serait bon de venir en aide. Une autre étape dans la déconstruction du stéréotype par le comique est franchie lorsque le malheureux fantôme, sorti nuitamment de sa cachette pour effrayer le jeune Washington, est soudain pris d’une peur panique, à la vue d’un (faux) spectre épouvantable qu’on dirait tout droit sorti de l’enfer : Enfin, il atteignit l’angle du couloir qui menait à la chambre de l’infortuné Washington […]. Puis l’horloge sonna le quart, et il se dit que l’heure était venue. Il eut un rire intérieur, et tourna le coin du couloir ; mais à peine l’eut-il fait, qu’il recula avec un gémissement pitoyable de terreur, et cacha son visage blême dans ses longues mains osseuses. Juste en face de lui se dressait un spectre horrible, immobile comme une image taillée, et monstrueuse comme le rêve d’un dément !2

Le comble du comique – et de l’humiliation pour le Spectre – est enfin atteint lorsque le fantôme de Canterville, voulant se venger des deux jumeaux Otis, auteurs de mauvais tours particulièrement vexants à 1 2

Ibid., p. 69. Ibid., p. 72.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

son encontre, entreprend de se déguiser et d’emprunter « son rôle célèbre de « Théobald le Téméraire, ou le Comte sans tête »1: Désirant faire une entrée marquante, il l’ouvrit [la porte de la chambre] toute grande, d’un geste violent, lorsqu’un lourd broc d’eau tomba en plein sur lui, le trempant jusqu’à la peau, et manquant, de quelques centimètres seulement son épaule gauche… Le choc qu’en ressentit son système nerveux fut si grand qu’il s’enfuit dans sa chambre à toutes jambes, et le lendemain il fut immobilisé par un gros rhume. La seule chose qui le consolât, dans toute l’affaire, c’est le fait qu’il n’eût pas emporté sa tête, car s’il en avait été muni, les conséquences auraient pu être très graves2.

Le spectre humanisé Dans la tradition des récits gothiques et fantastiques, les spectres sont généralement dépourvus de tout sentiment. Mais Oscar Wilde imagine paradoxalement un fantôme humain, doté d’une conscience et même d’une sensibilité si bien que le lecteur, sensible à son calvaire quotidien chez les Otis, est près d’éprouver à son égard de la pitié et de la compassion. Le narrateur montre à plusieurs reprises le fantôme vexé et déprimé en train de réfléchir sur les raisons de son impuissance à effrayer les Otis, mais aussi sur tous les moyens dont il pourrait se servir pour y arriver : Dès qu’il eut atteint un petit cabinet secret dans l’aile gauche, il s’appuya contre un rayon de lune pour reprendre haleine, et se mit à essayer de faire le point de sa

1 2

Ibid., p. 76. Ibid., p. 77.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

situation. Jamais, au cours d’une carrière brillante et ininterrompue de trois cents ans, il n’avait été aussi grossièrement insulté1.

Dans cette même méditation, le fantôme apparaît comme un personnage prétentieux et imbu de lui-même, qui, pour se rassurer et se redonner du courage, se remémore nostalgiquement ses prouesses passées : Tous ses grands triomphes lui revinrent en mémoire […] Avec l’égotisme enthousiaste du véritable artiste, il passa en revue ses exploits les plus célèbres, et eut un sourire amer à son adresse en se remémorant sa dernière apparition comme “Ruben le Rouge”, ou le Nourrisson Etranglé […] 2.

C’est à la fin de la nouvelle que « l’humanité » du Spectre apparaît au grand jour, en particulier dans la longue scène avec Virginia, le seul membre de la famille Otis n’éprouvant pas à son égard de l’antipathie. Il confie alors spontanément à la jeune fille sa détresse et son angoisse, mais aussi la tentation de la mort qui l’habite depuis longtemps, et la supplie, dans un élan hautement lyrique et poétique, de l’aider à mourir : Je vous en prie, ne partez pas, Miss Virginia ! s’écria-t-il. Je suis si solitaire et malheureux, – et je ne sais vraiment que faire ! Je voudrais m’endormir, et ne le puis pas […] Oui, la Mort. Comme la Mort doit être belle ! Reposer dans la terre molle et brune, tandis que les herbes vous ondulent au-dessus de la tête, et écouter le silence… N’avoir pas d’hier, et pas de demain… Oublier le temps, oublier la vie, être en paix… Vous pouvez m’aider. Vous pouvez m’aider à ouvrir le portail de la maison de la Mort, car l’Amour est toujours avec vous, et l’Amour est plus fort que la Mort3. 1 2 3

Ibid., p. 65. Ibid. p. 66. Ibid., pp. 83-84.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Ces dernières paroles émues achèvent de métamorphoser le portrait du spectre vengeur. Le fantôme de Canterville apparaît en définitive aux yeux du lecteur comme une figure malheureuse, souffrante, maudite, au passé sombre et trouble certes, mais néanmoins sympathique et presque « fraternelle » : le renversement des valeurs est alors à son comble : le mauvais spectre est symboliquement absous grâce à l’intervention miraculeuse de la douce et angélique Virginia, qui lui donne enfin la sépulture dont il était jusqu’ici privé : Papa, dit Virginia avec calme, j’étais auprès du Spectre. Il est mort, et il faut que vous veniez le voir. Il avait été bien méchant, mais il a regretté sincèrement tout ce qu’il avait fait, et il m’a donné, avant de mourir, cette boîte de bijoux magnifiques1.

Stéréotype, pacte de lecture et statut générique La nouvelle de Wilde réécrit ainsi en profondeur la scène capitale et stéréotypée de l’apparition inquiétante du spectre vengeur, étape dramatique privilégiée dans la littérature gothique et fantastique. Le texte banalise et neutralise cette scène habituellement centrale et décisive pour la trajectoire des personnages. Toutefois, cette neutralisation n’est pas sans effet sur l’attitude même du lecteur de la nouvelle : au lieu d’attendre fébrilement l’apparition du Spectre, il finit par la prévoir et même par la souhaiter plus ou moins consciemment, pour qu’il puisse alors observer et apprécier les réactions de la famille américaine positiviste. Souvent passif, réduit à des réactions émotives dans la littérature gothique ou fantastique, le 1

Ibid., p. 90.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

lecteur joue dans l’univers fictionnel d’Oscar Wilde un rôle important et actif dans la construction de l’œuvre et de son sens. L’intérêt de la nouvelle de Wilde résulte dès lors en partie de ce détournement subtil et réfléchi des conventions narratives qui, tout en déstabilisant dans une certaine mesure les « réflexes de lecture » habituellement sollicités dans la littérature gothique et fantastique, tend à stimuler une nouvelle complicité avec le récepteur vigilant, favorisée par la prégnance d’une mémoire littéraire et culturelle commune. D’autre part, l’analyse des stratégies d’écriture mobilisées dans la nouvelle montre qu’Oscar Wilde ne choisit pas de s’opposer frontalement au stéréotype – entreprise vaine sans doute – mais plutôt de s’y mesurer en toute lucidité. Il utilise et exhibe ainsi les structures narratives conventionnelles pour mieux les détourner grâce, en particulier, aux multiples ressources de l’humour. L’originalité et la littérarité de la nouvelle tiennent à ce que, tout en faisant signe vers la double tradition littéraire du roman gothique et des récits fantastiques, elle la réinvestit en profondeur, avec beaucoup de liberté, d’audace et de désinvolture. S’il est vrai en général, comme l’observe Odile Gannier, que « le plaisir du lecteur repose probablement pour une part dans le constat flatteur de sa propre perspicacité et dans la reconnaissance du cadre familier »1 qu’impose le stéréotype, il faudrait néanmoins ajouter, à propos de la 1

Odile Gannier, « Editorial : Littérature à stéréotypes. Réflexions sur les combinatoires narratives », Loxias 17, mis en ligne le 14 juin 2007. URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=1741.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

nouvelle de Wilde, que le lecteur éprouve très précisément un malin plaisir de voir certains stéréotypes, trop usés et prévisibles du roman gothique

et

de

la

littérature

fantastique,

habilement

réécrits,

déconstruits et en définitive rajeunis et réinventés par le talent, l’humour et le goût du paradoxe caractéristiques de l’auteur irlandais. Par ailleurs, la déstabilisation du « pacte de lecture » potentiellement fantastique et la prégnance de la tonalité comique et, dans une moindre mesure, pathétique et lyrique, contribuent à conférer à l’œuvre un statut générique complexe, voire indécidable. « Le Spectre des Canterville » n’est ainsi à proprement parler ni une nouvelle fantastique ni une nouvelle inscrite dans le genre du merveilleux, ni même un conte de fées, classification générique pourtant tentante si l’on considère que l’œuvre figure dans un recueil de contes et nouvelles pour enfants. Mais est-il réellement utile de vouloir à tout prix assigner à une nouvelle qui semble défier toutes les grilles de classification un statut générique fixe ? La postérité littéraire du texte de Wilde tient au contraire, en grande partie, à ce qu’il est entièrement construit sur un brouillage des pistes généralisé, résultant en dernière analyse de cette déconstruction décapante du stéréotype dont il est le lieu. Makki REBAI

Bibliographie Amossy Ruth, Les Idées reçues. Sémiologie du stéréotype, Paris, Nathan, 1991.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

(avec Herschberg Pierrot Anne), Stéréotypes et clichés. Langue, discours, société, Paris, Nathan, 1997. Compagnon Antoine, « Théorie du lieu commun », in Cahiers de l’Association internationale des études françaises, 1997, n°49, pp. 2337. Dufays Jean-Louis, Stéréotype et lecture, Liège, Mardaga, 1994. Eco Umberto, Lector in fabula ou la Coopération interprétative dans les textes narratifs, Paris, Grasset, 1985 [1979]. Gannier Odile, « Editorial : Littérature à stéréotypes. Réflexions sur les combinatoires narratives », Loxias 17, mis en ligne le 14 juin 2007. URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=1741. Jenny Laurent, « Structures et fonctions du cliché », in Poétique, n°12, automne 1972, pp. 495-517. Perli Antononello (dir.), « Stéréotype et narration littéraire », dossier des Cahiers de narratologie, 17, 2009, consultable en ligne à l’adresse : http://narratologie.revues.org/1070. Riffaterre Michael, « Fonction du cliché dans la prose littéraire », in Cahiers de l’Association internationale des études françaises, 1964, n°16, pp. 81-95. Stohler Vincent, « Du type au stéréotype : analyse des modalités d’insertion

des stéréotypes

des physiologies

dans

Bouvard

et

Pécuchet », in Cahiers de Narratologie, 17 | 2009, mis en ligne le 05 janvier

2011,

consulté

le

http://narratologie.revues.org/1184

05

juin ;

2012. DOI

URL

: :

10.4000/narratologie.1184. Weil Michèle, « Comment repérer et définir le topos ? », in La Naissance du roman en France, Papers on French Seventeenth, coll. « Century Literature », 1990, pp. 123-137.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Makki REBAI Docteur ès lettres, auteur d’une thèse intitulée « Le Nocturne dans la poésie de Charles Baudelaire » (Université Blaise Pascal, Clermont

II,

2007),

Makki

REBAI

est

maître-assistant

au

département de français de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Sfax (Tunisie), membre du laboratoire de recherche Approches du Discours de l’Université de Sfax et membre associé du CELIS de l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand. Il est l’auteur d'articles consacrés à Baudelaire, Zola, Daudet, Thomas Mann, David Herbert Lawrence et Oscar Wilde. Ses recherches actuelles portent sur la poésie française moderne et contemporaine et, plus particulièrement, sur la nuit et le nocturne dans la littérature et les arts.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

7 – The critic as artist Les portraits de Dorian Gray, le texte, le livre, l’image De Xavier Giudicelli PUPS Presses de l’Université Paris-Sorbonne 2016 Par Liliane Louvel (Poitiers) INCLUDEPICTURE "https://images-na.ssl-images-amazon.com/images/I/61QWb4UahL.jpg" \* MERGEFORMATINET

Si l’ouvrage

de Xavier Giudicelli prend comme objet d’étude les

livres illustrés dédiés au seul roman de Wilde, The Picture of Dorian Gray, il n’en n’est pas moins lui-même un livre d’esthète. Ce très bel


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

ouvrage soigné, est également un ouvrage de haute tenue universitaire.

Les

nombreuses

illustrations

fournissent

un

accompagnement visuel serré au texte. Elles sont assorties de belles et fines descriptions et d’analyses d’images ou ekphraseis, qui sont des apports théoriques au propos. D’autres soutiens à la lecture sont fournis telle l’utilisation originale du « Focus », gros plan, qui constitue une idée originale de la mise en espace de documents d’annexe. Dédiés à des points nécessitant un éclairage particulier tel le « focus » sur les techniques de la gravure, ou le gros plan sur l’illustrateur historique, Aubrey Beardsley, voire le « focus » sur les différents illustrateurs du roman choisis pour l’étude ou encore celui dédié aux adaptations du roman, les « gros plans » viennent scander le rythme de la lecture de ce livre et l’enrichir. Les pages qui leur sont destinées sont serties de marges provenant de motifs de papiers peints de William Morris ceux-là mêmes qui figurent déjà sur la très belle couverture. Les titres des chapitres sont disposés verticalement (et non horizontalement en haut de page), le long des côtés venant témoigner aussi du raffinement accordé à la confection de l’ouvrage par les Presses Universitaires de la Sorbonne. Des tableaux récapitulatifs, comme celui de la page 107 concernant : « les principales œuvres illustrées étudiées », permettent de guider le lecteur et viennent fournir une vision claire et précise de la production de ces « portraits de Dorian Gray ». Au cours de son étude, Xavier Giudicelli montre comment les illustrations du roman prouvent à quel point il est bien un produit de cette fin-de-siècle qui fut perçue comme un moment de décadence esthétique sous l’influence des romanciers et poètes français que Wilde connaissait bien comme Théophile Gautier et


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Huysmans. La thématique du double et de la dualité structure le roman ce que fait bien ressortir l’étude, en particulier lorsqu’il s’agit de faire ressortir le lien entre l’objet-livre, l’œuvre et son époque. Pour parcourir « les » portraits de Dorian, Xavier Giudicelli choisit l’axe chronologique en tenant compte des contextes de production, de l’histoire de l’art, les questions du lectorat et de la réception de l’œuvre,

ainsi

que

les

nombreux

échos

intertextuels

et

interpicturaux contenus dans le roman. Un exemple d’écho interpictural est révélé dans l’étude consacrée à la représentation de « Dorian au livre » comme l’on pourrait intituler ce « moment pictural » aux pages 267 et 273 et aux pages 268 et 269. Le parallèle entre le portrait de Dorian proposé par Michael Ayrton et celui d’un jeune homme par le tableau du Bronzino déposé au Metropolitan Museum de New York est frappant. Les plus anciennes illustrations étudiées ici datent de 1909-1910 et s’échelonnent jusque 2009. A noter que l’œuvre elle-même n’a jamais été illustrée du vivant de Wilde. L’auteur ici inventorie soigneusement l’utilisation des illustrations, le choix de leur emplacement, comme aux « seuils » du texte, son début ou sa fin analysés par G. Genette, par exemple, ainsi que leurs fonctions. Il démontre comment elles peuvent en venir à constituer un véritable second récit, visuel cette fois, comme parallèle à celui du texte (voir page 111). De même, le goût pour les scènes mélodramatiques constituait comme un appel pour leur mise-en-scène/mise-en-images. L’influence du mélodrame victorien, de la scène, dans un ouvrage qui brouille les genres littéraires, le situent à la limite entre récit, théâtre, caricature et clichés. Ouvrage


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

protéiforme et fascinant, il se prêtait bien à la confusion des genres (dans tous les sens du terme) et des catégories. Xavier Giudicelli nous donne à savourer de subtiles analyses dans des ekphraseis précises, raffinées et fouillées, toujours utiles, comme

lors

de

ses

études

concernant

les

illustrations

de

frontispices. Il repère les différences et les ressemblances par rapport au roman et entre elles, puisque le choix des illustrations est révélateur tout comme leur mises en rapport avec les tensions du roman. Une astucieuse analyse concernant le travail de Majeska comme l’illustration 100 et l’illustration 63 montre comment la migration des rideaux de l’extérieur à l’intérieur du cadre reflète la fusion entre le texte et l’image, le récit et le portrait, puisque Dorian, encadré par les rideaux depuis l’intérieur du cadre devient un personnage de théâtre, un faux-semblant près à disparaître. Il s’agit là d’une vraie leçon d’illustration et d’une analyse d’image savante. L’étude n’épargne pas non plus la mise au jour des stéréotypes en accord avec l’idéologie victorienne comme en témoigne certaines représentations de personnages comme le propriétaire juif du théâtre où joue Sibyl, son Frère James, type du marin fruste, mais encore le « type » de l’homosexuel, du dandy. Stéréotypes et caricatures sont très marqués… Le travail de Xavier Giudicelli met en lumière ce livre des paradoxes, véritable concentré de paradoxes, et d’abord le premier de ceux-ci étant celui de son centre vide, ce portrait du titre, absent, puisqu’il ne fait jamais l’objet d’une ekphrasis. Le portrait de Dorian peint par Basil demeure invisible, seul subsiste le


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

portrait façonné par Dorian, une image de sa vie qu’il invente à la manière d’un portrait mais qui reste insaisissable car changeant. Le paradoxe est bien au cœur de l’écriture wildienne, et la figure du double y vient troubler les hiérarchies, mettre en péril les certitudes et menacer l’ordre (victorien) établi. Wilde en paiera le prix. Outre les précieuses recensions et l’impressionnant catalogage d’illustrations du portrait, l’ouvrage donne à réfléchir aux enjeux et aux apories de la relation entre le texte et l’image, aux problèmes qu’elle pose et aux solutions à trouver. C’est le cas de l’oscillation constitutive du rapport texte/image, du dialogue entre texte et image. Autant de questions de théorie de l’illustration conçue comme ce qui vient « illuminer » le texte-source d’une traduction intermédiale inévitable et aporétique. D’où l’importance cruciale du choix du moment à illustrer, de la méthode, de la technique (fin-desiècle à la Beardsley, réaliste, cubiste, expressionniste), celle du rapport entre temps et espace. La grande question de la séparation entre arts de l’espace et arts du temps, théorisée par W. G. Lessing, est ici remise au travail tant l’on voit qu’elle ne tient pas en ce concerne l’illustration spatiale d’ouvrages dédiés à des récits développés sur l’axe temporel. Les deux sont enchevêtrés et solidaires. Inséparables. On voit par exemple comment Lucille Corcos ou Michael Ayrton ont présenté de façon saisissante la dégénérescence

du

portrait

de

Dorian

comme

autant

de

photogrammes d’un film. Toutes sortes de questions théoriques et méthodologiques, voire stratégiques

se

posent

à

l’illustrateur

dont

le

travail

va

« réverbérer », c’est-à-dire faire retour, sur le texte. L’illustration


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

vient ainsi rétrospectivement porter un regard critique sur le texte, en proposer une interprétation qui développe certains aspects ou en dissimule d’autres, souvent selon les contextes de production et de réception, le lectorat jouant un rôle potentiel aussi. Certaines illustrations suggèrent ce qui n’est pas dit dans le texte, comme l’androgynie par exemple, clairement « illustrée », au sens de mise en lumière, chez Majeska et chez Keen. Ou encore le thème du morcellement du corps, qui correspond bien aux descriptions de Dorian, est figuré par les illustrations qui vont briser le portrait en autant d’éclats ou d’indices : les yeux bleus, les cheveux blonds, les lèvres rouges. Miroirs brisés, portraits dédoublés à la mode cubiste, dissimulés derrière des tentures, voire tableaux tournés n’offrant au spectateur que leur verso, sont autant de manières de figurer l’irreprésentable autour duquel tourne le secret du Portrait de Dorian Gray toujours en métamorphose, jamais figé, jamais unique. La postérité du roman est désormais longue et nombreuses les adaptations au cinéma, en bande dessinée, en roman graphique, en parodies. L’ouvrage de Xavier Giudicelli se conclut sur ces réécritures, reprises et modulations intermédiales. The Picture of Dorian Gray semble avoir acquis le statut de mythe culturel au même titre que Frankenstein, Dr Jekyll and Mr Hyde, et Dracula. La série télévisée Penny Dreadful en témoigne qui remet en jeu les poncifs

victoriens

réécritures

en propose

contemporaines

un

avatar.

romanesques

Les relectures sont

et

également

nombreuses et notable est Dorian, An Imitation, de Will Self qui offre une manière contemporaine de re-contextualiser le roman et de fournir une version explicite de thèmes qui restaient clandestins chez Wilde comme l’homosexualité, la drogue, la violence…


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

L’un des principaux mérites de l’ouvrage de Xavier Giudicelli est d’inviter son lecteur à un superbe voyage dans le temps la littérature et les arts visuels. On ne dira jamais assez quel plaisir du livre cet ouvrage procure, plaisir intellectuel, sensible et plastique. Le simple fait de le feuilleter déjà invite à la rêverie et la richesse des analyses, des illustrations, la précision du travail, toujours agréable à lire, font de ces nouveaux Portraits de Dorian Gray, un ouvrage de bibliophilie ainsi qu’un ouvrage qui porte à la vue, et de quelle manière, la recherche universitaire française. Liliane Louvel


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

8 – L’impertinent absolu dans les médias Par Danielle Guérin Rose

Presse française Journal

Date

Connaissance des Arts (horssérie)

Titre

Auteur

Oscar Wilde, l’impertinent absolu

Sous-titre À la découverte d’Oscar Une vie insolente Dandysme et transgression Œuvre littéraire Théories sur l’Art

Arts Magazine

SeptembreOctobre 2016

Oscar Wilde, l’impertinent absolu

Paris- Match

24 septembre 2016

Oscar Wilde, l’hymne à mon grand-père

Télérama Sortir

28 septembre 2016

Oscar Wilde, le destin romanesque d’un dandy provocateur

Le Figaro

30 septembre 2016

Oscar Wilde dans tous ses

Page 29

Anne-Cécile Beaudoin

Wilde prêchait l’individualisme, la rébellion, la sensualité. Il était punk avant l’heure.

L’écrivain a connu la gloire littéraire dans la seconde moitié du XIXe siècle avant d’être détruit par un procès infâmant. Retour sur une folle carrière à l’occasion de la première exposition française dédiée à Oscar Wilde qui s’ouvre au Petit Palais. Eric BietryRivierre

L'auteur du Portrait de Dorian Gray tient salon


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

éclats

au Petit Palais parmi ses tableaux préférés. Portrait à facettes d'un dandy qui inventa le star-système. (Le Figaro et vous)

Le Magazine Littéraire

Octobre 2016

Au-delà du Portrait

Le Monde

8 octobre 2016

Born to be Wilde

Roxana Azimi

Le Petit Palais, à Paris, rend hommage à l’écrivain irlandais Oscar Wilde. Un « impertinent absolu » au destin sulfureux

Libération

9 octobre 2016

Vie et Mots d’Oscar Wilde

Frédérique Roussel

Le Petit Palais dresse le portrait de l’écrivain irlandais enterré à Paris, mettant en perspective ses écrits et les œuvres d’art qui l’ont influencé.

Libération

9 octobre 2016

Merlin Frédérique Holland, Roussel expert et petitfils de …

Le descendant d’Oscar Wilde est devenu un spécialiste de son grand-père, au point d’avoir apporté son savoir scientifique au Petit Palais.

Les Inrocks

9 octobre 2016

« L’impertinent absolu » début de la première grande exposition française sur Wilde

Dans une exposition très visuelle malgré son sujet littéraire, le petit Palais retrace la vie fascinante de ce dandy irrévérencieux dans l’Angleterre victorienne, de la gloire à la chute.

Le Figaroscope

12 au 18 octobre 2016

Oscar Wilde, l’art de la chute

Légèreté et profondeur, grandeur et déchéance : toute sa vie, l’écrivain cultiva le paradoxe. Portrait à facettes du roi maudit

Page 29


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

des dandys Valeurs Actuelles

13 octobre 2016

De l’impertinence d’être Oscar Wilde

Laurent Dandrieu

Une exposition au Petit Palais retrace la vie de celui qui, avant d’être un génial écrivain, fut un people assoiffé de renommée, avidité de lumière qui finit par lui brûler les ailes PP 76-77 et 78

L’Humanité Dimanche

13 au 19 octobre 2016

Oscar Wilde, l’hommage de Paris au dandy absolu

Lionel Decottignies

Une exposition, visible jusqu’au 15 janvier, revient sur l’élégant et sulfureux parcours de l’auteur du « Portrait de Dorian Gray » qui vécut à Paris les dernières années de sa vie. P.59

Point de vue

Un grand-père idéal

Pauline Sommelet

Pour la première fois, Paris, la ville où il mourut, rend hommage à l’auteur du « Portrait de Dorian Gray ». Audelà de son image de dandy raffiné et sulfureux, son petitfils, Merlin Holland, nous raconte cet aïeul de papier qu’il a appris à connaître grâce à la littérature. PP 54-55-56 et 57

Côté Ouest

OctobreOscar Wilde, le Novembre 2016 dandy génial

Sonia Lazzari

Bohême, avantgardiste, libre, plaçant l’art au-dessus de tout, Oscar Wilde est un éléphant au milieu des porcelaines de la sévère Angleterre victorienne. Adulé à ses débuts, puis brisé, l’extravagant esthète


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

fait l’objet d’une exposition au Petit Palais – une première en France – et d’un livre célébrant ses aphorismes, édité par Hazan. Pp. 8 à 15

VSD Connaissance des arts

Born to be Wilde Novembre 2016 À Londres, chez Oscar Wilde

Pp. 46 et 47 Jérôme Coignard

Des demeures élégantes du West-End aux bouges infâmes de WhiteChapel, voici une promenade dans Londres en compagnie d’Oscar Wilde, à l’occasion de l’exposition que le Petit Palais à Paris consacre jusqu’au 15 janvier à l’écrivain et esthète. Pp. 90 à 96

Madame Figaro Supplément

Un dandy à Paris

11 et 12 Novembre

L’exposition consacrée à Oscar Wilde met nos pas dans ceux du plus francophile des écrivains britanniques.

Presse étrangère The Daily Telegraph

The Guardian

28 septembre 2016

Decadence and Despair in Oscar Wilde’s Paris

28 septembre 2016

Oscar Wilde Kim exhibition Willsher celebrating « insolence incarnate » opens

Harry Mount


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

in Paris Irish Times

3 octobre 2016

Paris goes Wilde over Oscar’s exhibition

Lara Marlowe

The TLS

25 novembre 2016

Wilde in Paris

Jonathan Bate

Intentions – N° 100

Novembre 2016

Oscar Wilde, L’Impertinent asbolu the Petit Palais, Paris

Donald Mead

New collection at Petit Palais celebrates the rebellious writer’s life and work

Télévision - Radio Chaîne

Emission

France-Culture

Le secret professionnel d’Oscar Wilde

Charles Dantzig Intervenant : Christophe Leribeau, directeur du Petit Palais

18 septembre 2016

France-Culture

Les émois 29 septembre 2016

Wild Wilde ou le lys souffrant

François Angelier

La première exposition française consacrée à Oscar Wilde (l’impertinent absolu) nous mène dans les entrelacs d’une vie où se croisent tragédiennes et bagnards, dandys et aristocrates fin-de-


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

siècle RFI

A l’écoute des mots

France 5

Entrée Libre

Danse des mots

Yves Amar Claire Chazal

20 octobre 2016 France Culture

La compagnie des auteurs 31 octobre

Oscar Wilde, un destin tragique et fabuleux

Matthieu GarrigouLagrange Daniel SalvatoreSchiffer

France Culture

La compagnie des auteurs 1er novembre

Oscar Wilde, homosexuel et martyr

Matthieu GarrigouLagrange Charles Dantzig

France Culture

La compagnie des auteurs 2 novembre

France Culture

La compagnie des auteurs 3 novembre

Oscar Wilde, la vie comme une tragique œuvre d’art

Matthieu GarrigouLagrange

Oscar Wilde, un théâtre de l’absurde

Matthieu GarrigouLagrange

Tzvetan Todorov

Alain Jumeau Pascal Aquien Europe 1

Au cœur de l’Histoire

Franck Ferrand

30 novembre

Dominique

Oscar Wilde au Petit Palais à Paris


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Morel

9 - La vie, l’œuvre : quelques considérations sur les échanges entre Oscar Wilde et André Gide. David Charles Rose (traduit de l’anglais par Danielle Guérin-Rose)

1ere Partie Quand Oscar Wilde, volcan éteint, revient à Paris en 1898, son ancienne vie s’étant enfuie à jamais, et n’ayant plus en vue aucun travail qu’il fût capable d’entreprendre, la pleine signification de la remarque qu’il fit à Gide trois ans plus tôt : « j’ai mis mon génie dans ma vie, et seulement mon talent dans mes œuvres», semble évidente. Cette triste évaluation de lui-même est si souvent reprise comme une épigramme, et si rarement comme la révélation d’une connaissance de soi-même, que son véritable sens nous échappe. Ceci soulève un certain nombre de questions que cet essai a pour ambition d’examiner et de chercher à résoudre. Il peut être utile de se concentrer sur la phrase pour comprendre les vues personnelles de Wilde sur son travail et l’attitude qu’il adopte à son égard. Et pourquoi pendant de si longues années, la vie de Wilde continua de fasciner, tandis que ses œuvres, bien que lues, traduites, jouées,

récitées,

enregistrées,

mises

en

musique

et

filmées,

n’attirèrent que rarement, et ceci jusqu’à une date récente, l’attention des critiques.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

La rencontre de Gide et de Wilde n’a nulle part été mieux explorée que dans le livre de Jonathan Fryer : André and Oscar : Gide, Wilde and the Gay Art of Living. Ici, on trouve la réplique sous cette forme : ‘As he says himself, and knows: “I have put my genius into my life; I have only put my talent into my works.

I know it, and that is the great

tragedy of my life”’. (115, les italiques sont les miens]. INCLUDEPICTURE "https://s­media­cache­ ak0.pinimg.com/564x/19/ec/27/19ec27a20641bb36c8d8d4e533f79ec9.jpg" \* MERGEFORMATINET

INCLUDEPICTURE "https://s­media­cache­ ak0.pinimg.com/564x/8f/a6/d5/8fa6d5ae45fbebd2e3638738edf5462f.jpg" \* MERGEFORMATINET


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

INCLUDEPICTURE "https://images-na.ssl-

images-amazon.com/images/I/5117CZ0Kt1L.jpg" \*

MERGEFORMATINET La version de Fryer est directement tirée de la version française, contenue dans une lettre que Gide écrivit d’Alger à sa mère, le 30 janvier 1895.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Et Wilde! Wilde!! Quelle vie plus tragique que la sienne!! S’il faisait plus attention, s’il était capable d’attention, ce serait un génie, un grand génie. Mais il dit lui-même et le sait: ‘Mon génie, je l’ai mis dans ma vie: je n’ai mis que mon talent dans mes œuvres. Je le sais, et c’est là la grande tragédie de ma vie!’ (Gide, Correspondance avec sa mère, 590. L’emphase de la ponctuation appartient au texte original.] Dans les biographies françaises, la version donnée par Jacques de Langlade (2005) est une transcription exacte de celle qui figure cidessus, quoiqu’elle n’ait pas été copiée du manuscrit, mais de J. Delay (volume II, 248). Les versions antérieures de Robert Merle (1948) et Philippe Jullian (1967) diffèrent légèrement de celle-ci : « J’ai mis mon génie dans ma vie, et mon talent seulement dans mon œuvre » (Merle, 87) et ‘Mon génie, je l’ai mis dans ma vie, je n’ai mis que mon talent dans mes œuvres et c’est la grande tragédie de ma vie’ (Jullian, 306) – et doivent être considérées comme défectueuses. Elles peuvent cependant dériver d’une variante de l’original : « J’ai mis tout mon génie dans ma vie; je n’ai mis que mon talent dans mes œuvres’ (Gide: Oscar Wilde, 1989, 12).1 Cette phrase légèrement altérée est tout ce qui reste d’une lettre à sa mère quand, en décembre 1901, Gide vient à écrire le second paragraphe de In Memoriam, à peine plus de douze mois après la mort de Wilde, et peut-être, si l’on en croit Justin O’Brien (1967, 74n.), faut-il le regarder comme une pièce commémorative de cet anniversaire. Il fut publié dans L’Ermitage en juin1902, et apparaît, privé de toute attribution, comme le premier 1

Il est curieux de voir comment, tant Merle que Jullian, citent de manière inexacte ce que Merle (sans mentionner Gide) qualifie de “paroles bien connues”.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

aphorisme sélectionné par Cecil Georges-Bazile dans son anthologie de 1925, avec une variante qui impose une majuscule au mot “Vie” 1, insistance lointaine et tendancieuse qui met l’accent sur la distinction entre la vie et l’œuvre. La version donnée par Jullian mérite une attention particulière en ce qu’elle a été traduite en anglais par Violet Wyndham, fille d’Ada Leverson, ‘the Sphinx’, et épouse de Francis Wyndham, cousin de Bosie Douglas. Les paroles rapportées par Jullian sont plus faibles que celles de Gide, et celles de Wyndham plus faibles encore. Et Wilde, quelle vie plus tragique que la sienne ; s’il était capable d’attention ce serait un génie.

‘Mon

génie, je l’ai mis dans ma vie, je n’ai mis que mon talent dans mes œuvres et c’est la grande tragédie de ma vie.’ And Wilde, what more tragic life is there than his; if he were capable of making an effort he would be a genius: ‘I have put all my genius into my life, I have put only my talent into my works.’ (1967, 306; 1969, 304).2 1

Oscar Wilde: Clamavi ad Te, suivi d’un Choix de Pensées sur l’Art, la Vie, la Société et l’Amour. Paris: André Delpeuch 1925 p.72. Dans cette anthologie, sélectionnée par Cécil George-Bazile, la phrase apparaît dans la section intitulée ‘Sur la Vie’. C’était la deuxième collection d’aphorismes wildiens publiés en France, le premier étant l’anthologie de Louis Thomas, L’Esprit de Wilde, Paris: Crès 1920. Quant à ‘Clamavi ad Te’, il s’agit de la traduction française des passages de De Profundis qui avaient été supprimés par Robert Ross, mais qui avaient été lus pendant le procès Douglas versus Ransome. 2 L’omission de la traduction de : et c’est la grande tragédie de ma vie est frappante. Dans l’introduction de cette édition, Jullian remercie Violet Wyndham pour ‘all the additions and improvements that Mrs Wyndham has made to my text’ (toutes les additions et améliorations que Mrs Wyndham a apportées à mon texte).


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Le livre de Gide et ses remarques révélatrices atteignirent vite un large public. En 1905 Franz Blei (qui traduisit aussi un certain nombre d’œuvres de Wilde en allemand) édita In Memoriam Oscar Wilde pour Insel-Verlag à Leipzig, et ce volume contenait l’essai de Gide, augmenté d’autres textes d’Ernest La Jeunesse, Arthur Symons & Blei lui-même. Le volume de Blei parut sous le titre de Recollections of Oscar Wilde. Boston: John W. Luce 1906. INCLUDEPICTURE "https://archive.org/services/img/recollectionsofo00poll" \*

MERGEFORMATINET

La

première

édition

commerciale

française :

In

Memoriam

atteignit trois réimpressions. Cela valut à Gide une lettre de Robbie Ross, qui lui écrivit ‘I am delighted that you have reprinted your brilliant Souvenirs of Oscar Wilde.

I have told

many friends, since your study first appeared in “L’Ermitage”, that it was not only the best account of Oscar Wilde at the different stages of his career; but the only true and accurate


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

impression of him that I have read’. 1 (« Je suis heureux que votre brillant Souvenirs d’Oscar Wilde ait été réimprimé ; Comme je l’ai dit à de nombreux amis, depuis que votre étude est parue pour la première fois dans « L’Ermitage », ce n’est pas seulement la meilleure description d’Oscar Wilde aux différentes étapes de sa carrière ; mais la seule relation précise et vraie que j’aie lue). En 1925, le texte avait été réédité douze fois. En 1946, il fut publié une nouvelle fois avec Le ‘De Profundis’ d’Oscar Wilde,2 avant une nouvelle édition en 1948.3 La réimpression photographique de 1989 est probablement la plus accessible des éditions françaises ;

1

Robert Ross to André Gide 21st March 1910, in English. Mes italiques. Ceci fut publié dans Si le grain ne meurt en 1921 et se trouve pp.327-8 de l’édition Folio Gallimard de 1997. En 1910, Robert Sherard avait déjà publié Oscar Wilde: The Story of an Unhappy Friendship. London: Greening 1905 et The Life of Oscar Wilde. London: T. Werner Laurie 1906, avait lui aussi consacré à Wilde les chapitres XXIV à XXVI de Twenty Years in Paris, being Some Recollections of a Literary Life. London: Hutchinson 1905. La lettre de Ross est également reproduite (mais pas in extenso) dans l’ouvrage de Jonathan Fryer: Robbie Ross, Oscar Wilde’s True Love. London: Constable 2000 pp.211-12. 2

Gide avait déjà lu De Profundis en allemand et en anglais, en avril [?] 1905 (‘ça me réconforte un peu’, écrit-t-il dans son journal) et Le ‘De Profundis’ d’Oscar Wilde fut d’abord publié dans L’Ermitage du 15 Août 1905; Gide note qu’il n’y a rien dit de nouveau. Gide 1967 pp.80, 89. Entrées dans le journal en dates d’avril [?] et 25 Août 1905. Gide demeure intéressé par De Profundis. Julien Green note dans son journal ‘Chez Gide, ce matin, vers 10H30. Je lui demande s’il a lu le De Profundis de Wilde […] et il me dit que oui et que ce qui l’a le plus gêné dans ce livre, c’est la manière dont Wilde compose son attitude devant la postérité (plus encore que les détails qu’il donne sur les sommes importantes qu’il a déboursées pour satisfaire aux caprices de Douglas).’ Julien Green: Journal 1928-1959. Entrée en date du 8 janvier 1950. Traduction anglaise par Anne Green. London: Collins / Harvill 1964 p.223. 3 In Memoriam (Souvenirs) d’André Gide fut également publié dans le Volume III et le ‘De Profundis’ d’Oscar Wilde dans le Volume IV des Œuvres Complètes publiées chez Gallimard en 1933. On les trouve maintenant dans l’édition de La Pléiade, i.e. André Gide: Essais Critiques. Édition présentée, établie, et annotée par Pierre Masson. Paris: Gallimard 1999.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

on la trouve toujours en librairie: la phrase en question se trouve p.12. Quoique la traduction de Fryer soit d’une précision méticuleuse, celle donnée par Stuart Mason, premier traducteur de Gide, est différente : ‘Would you like to know the great drama of my life? It is that I have put my genius into my life – I have put only my talent into my work’. (“Aimeriez-vous savoir quel est le grand drame de ma vie ? C’est que j’ai mis mon génie dans ma vie – J’ai mis seulement mon talent dans mes œuvres”)

Les épreuves

furent corrigées par Gide lui-même.1 Montgomery Hyde suit exactement Mason, y compris le tiret, mais apporte avec raison un changement au mot ‘work’, qu’il transforme en ‘works’ à la fin.2 Ni Ellmann ni Belford n’utilisent cette phrase, pas plus que Sammells, dans toutes ses références au ‘Wilde style’, même si Ellmann la cite comme tirée d’un récit d’Yvanhoë Rambosson, en date de novembre 1891, au Café Harcourt, sous la forme suivante: “J’ai mis seulement mon talent dans mes oeuvres. J’ai mis tout mon génie dans ma vie” – La traduction d’Ellman étant : ‘I have put only my talent into my works. I have put all my genius

André Gide: Oscar Wilde, A Study from the French. Traduction Stuart Mason. Oxford: Holywell Press 1905 p.49; Gide 1967 p.90. Date d’entrée dans le journal 2 septembre 1905. Mason, dont le vrai nom était Christopher Millard, est plus connu pour son œuvre A Bibliography of Oscar Wilde. Edinburgh: p.p. 1908; London: T. Werner Laurie 1914; rééditée avec une introduction de Timothy d’Arch Smith. London: Bertram Rota 1967; puis à New York: Haskell House 1972. 2 H. Montgomery Hyde: Oscar Wilde. A Biography. London: Eyre Methuen 1976 p.195. Cette version est également donnée par Merlin Holland dans sa Wilde Anthology. Glasgow: HarperCollins 1997 p. 245. 1


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

into my life’.1 La version d’Hesketh Pearson est pareillement emphatique, optant pour ‘all my genius’, qui reprend le ‘tout mon génie’ de Gide dans la version de 1901: ‘J’ai mis tout mon génie dans ma vie; J’ai mis seulement mon talent dans mes œuvres’. Il s’agit ici, selon Pearson, de la version authentique ‘puisque [c’était] une des remarques de Wilde [qui] furent répétées à d’autres gens’2 Comment ces variations ont-elles pu se produire? En 1903 ‘In Memoriam’ fut à nouveau publié dans Prétexte comme partie d’un texte contenant trois essais: sur Mallarmé (pp.117-21); sur Emmanuel Signoret (pp.122-4); et sur Wilde (pp.125-42). Gide, dans cette édition donne une version différente et enrichie: Enfin je m’irritai quelque peu de ses trop spirituels paradoxes: ‘Vous

avez

mieux

à

dire

que

des

plaisanteries,

commençai-je: vous me parlez ce soir comme si j’étais le public. Vous devriez plutôt parler au public comme 1

Richard Ellmann: Oscar Wilde. London: Hamish Hamilton 1987 p.322; Barbara Belford: Oscar Wilde, A Certain Genius. London: Bloomsbury 2000; Neil Sammells: Wilde Style: The Plays and Prose of Oscar Wilde. London: Longman 2000.Le titre adopté par Belford joue avec l’ambiguïté: elle suggère que Wilde était certainement un génie, que son génie est certain, garanti, même s’il est partiel, incomplet. L’absence d’utilisation de la phrase dans les études de Wilde peut signifier un refus de trop le privilégier – de la même façon, dans les pages qu’Eric Deschodt consacre à Wilde dans son étude de Gide, l’aveu de Wilde ne joue aucun rôle. Eric Deschodt: Gide, le contemporain capital. Paris: Perrin 1991, notamment pp.47-9. 2 Hesketh Pearson: The Life of Oscar Wilde. London: Methuen 1946. Edition révisée 1954. Harmondsworth: Penguin: 1960 p.276. On ne trouve pas d’autres exemples de cette phrase remarquable, et en fait personne d’autre que Gide ne semble avoir déclaré l’avoir entendue des lèvres de Wilde; Pascal Aquien, l’éminent spécialiste français qui fait autorité sur les études de Wilde, a suggéré que cette phrase ait pu être inventée par Gide.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

vous savez parler à vos amis. Pourquoi vos pièces ne sont-elles pas meilleures? Le meilleur de vous, vous le parlez; pourquoi ne l’écrivez pas?’ ‘Oh! Mais’, s’écria-t-il aussitôt, ‘– mes pièces ne sont pas de tout bonnes! Et je n’y tiens pas du tout … Mais si vous saviez comme elles amusent! … Elles sont presque toutes le résultat d’un pari. Dorian Gray aussi; je l’ai écrit en quelques jours, parce qu’un de mes amis prétendait que je ne pourrais jamais écrire des romans. Cela m’ennuie tellement d’écrire!’ – Puis se penchant brusquement vers moi: ‘Voulez-vous savoir le grand drame de ma vie? – C’est que j’ai mis mon génie dans ma vie; je n’ai mis que mon talent dans mes œuvres.’

1

Les différences frappantes entre la version donnée à la mère de Gide, comme si elle sortait toute chaude du four, et cette version, rédigée pour la publication, sont les transformations de ‘Je le sais, et c’est la grande tragédie de ma vie’ en ‘Voulez-vous savoir le grand drame de ma vie?’ et le changement du mot ‘tragédie’ en ‘drame’.

La traduction de Mason est tirée de ce passage, que

Fryer ignore (Prétextes ne figure pas dans sa bibliographie). La suppression de ‘Quelle vie plus tragique que la sienne’ est renforcée par l’usage du mot ‘drame’ à la place de ‘tragédie’. Beaucoup d’interprétations dépendent de l’utilisation de ‘grand drame’ / ‘grande tragédie’ et de leur traduction. ‘Grand drame’ / ‘great drama’ imprime à la remarque un caractère vaniteux; mais Gide 1963 p.133. Les trois essais d’‘In memoriam’ sont reproduits dans la section ‘Hommages’ de l’édition de La Pléiade. La conversation s’est certainement tenue en Français, puisque l’anglais de Gide, à cette époque, n’était pas assez bon. Il est permis de supposer que Wilde n’était pas tout à fait sérieux, alors que Gide l’était, sans aucun doute. 1


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

le mot « tragédie », employé originellement par Wilde, implique clairement un doute de soi-même, quoi que le sens de tragédie, tout comme celui de comédie, soit plus nuancé en français qu’en anglais1. L’expression « conflit dramatique » se rapprocherait peut-être mieux du sens. On notera, bien sûr, que Wilde ne se contente pas de décrire sa vie simplement comme ‘tragédie’ ou comme ‘drame’ : il faut encore qu’elle soit ‘grande’. La présence (ou non) de ‘Je le sais’ / ‘I know it’ joue un rôle très important dans la compréhension de soi révélée par Wilde. Quand cette affirmation d’introspection (‘je le sais’) se transforme en tactique de conversation (‘voulez-vous savoir’), transférant l’initiative de Wilde à Gide, l’axe directeur du passage est complètement altéré. Cette tension est présente dans une autre version, donnée par Klaus Mann dans son étude de Gide: ‘Vous savez quelle est ma véritable tragédie? J’ai mis tout mon génie dans ma vie; je n’ai mis que mon talent dans mes œuvres’.2 Ici ‘Vous savez’ s’avère encore plus faible que ‘voulez-vous savoir’, tandis que ‘tragédie’ est renforcée par l’adjectif ‘véritable’; mais quoique cette tension existe pour les lecteurs de l’édition française, il est nécessaire de reconnaître qu’il s’agit d’une traduction (de Michel-François Demet) de la version allemande : André Gide und die Krise des Modernen Denken, qui est elle-même une traduction (par Mann lui-même) de son André Gide and the Crisis of Modern Thought. 3 Mann (ou Demet) font référence à la confession de Wilde par Les deux volumes regroupant les pièces de Wilde traduites en Français par Albert Savine étaient respectivement intitulées : Théâtre I Les Drames, et Théâtre II Les Comédies (Paris: Stock, Bibliothèque Cosmopolite Nos XXXIII et XXXVI). 2 Klaus Mann: André Gide et la crise de la pensée moderne. Paris: Bernard Grasset 1999 p.93. Dans cette édition, Mann consacre les pages.91-8 à Wilde et Gide. 3 München: Edition Spangenberg 1989; New York: Creative Age Press 1983. 1


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

l’expression ‘cette remarque célèbre’. La version anglaise donnée par Mann est la suivante : ‘Do you know my real tragedy? I have put my genius in [sic] my life; in my work, just my talent’ (p.55), ce qui semble relativement faible par rapport à celle de Demet. On retrouve cette phrase dans le Journal de Gide, en date du 29 Juin 1913.1 Le passage, dans la traduction de Justin O’Brien, montre à nouveau que Gide ré-interprète encore une fois Wilde en opposant vie/œuvre : Le livre de Ransome me paraît bon – et même très bon par endroits. Peut-être admire-t-il un peu trop les parures dont Wilde aimait recouvrir se pensées, et qui continuent à m’apparaître assez factices – et par contre ne montre-t-il pas à quel point les pièces « Un Mari Idéal » et « La Femme de peu d’Importance » sont révélatrices – et j’allais dire : confidentielles, – malgré leur apparente objectivité. Certainement, dans mon petit livre sur Wilde, je me suis montré peu juste pour son œuvre et j’en ai fait fi trop à la légère, je veux dire : avant de l’avoir connue suffisamment. J’admire, en y repensant, la bonne grâce avec laquelle Wilde m’écoutait lorsque, à Alger, je faisais le procès de ses pièces (fort impertinemment, à ce qu’il m’apparaît aujourd’hui). Aucune impatience dans la ton de sa réponse, et même pas une protestation; c’est alors qu’il fut amené à me dire, et presque en manière d’excuse, cette extraordinaire phrase, que j’ai citée et que depuis on a citée partout : ‘J’ai mis tout mon génie dans ma vie ; je n’ai mis que mon talent dans mes

Il n’y a pas d’entrées dans le journal entre le 13 octobre 1894 et le 16 décembre 1895, non plus qu’entre 1896 et le 5 janvier 1902. Gide 1967, 1996. 1


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

œuvres.’ Je serais curieux de savoir s’il a jamais dit cette phrase à quelque autre que moi. Plus tard j’espère bien pouvoir revenir là-dessus et raconter alors tout ce que je n’ai pas osé dire d’abord.

*

Je voudrais aussi

expliquer à ma façon l’œuvre de Wilde, et en particulier son théâtre – dont le plus grand intérêt gît entre les lignes. [Gide 1996 pp.746-7.] “Certainly in my little work on Wilde I was not altogether just to his work and turned up my nose at it too readily – I mean before having known it sufficiently. As I think it over I wonder at the good grace with which Wilde listened to me when in Algiers I criticised his plays (very impertinently, it seems to me to-day). No impatience in the tone of his reply, not even a protest; it was then that he was led to say to me, almost as an excuse, that extraordinary sentence which I quoted, and which since then has been quoted everywhere: ‘I put all my genius into my life; I put only my talent into my works.’ I should be interested to know if he ever said that sentence to anyone but me. Later on I hope to return to the subject and relate everything that I didn’t dare tell at first. I should like to explain Wilde’s work in my own way, and especially his drama, of which the greatest interest lies between the lines.]”1 Ici, Gide semble plutôt citer les écrivains qui l’ont eux-mêmes cité : la phrase est plus sévère qu’elle ne l’est partout ailleurs Gide 1967 pp.189-90. On verra que la traduction de Justin O’Brien est très proche de l’original. Le ‘livre de Ransome’ est celui d’Arthur Ransome: Oscar Wilde: A Critical Study. London: Martin Secker 1912, qui amena Lord Alfred Douglas à poursuivre Ransome en justice pour diffamation. Gide le lut en anglais, puisque l’édition française, avec une traduction de Henry-D. Davray et Gabriel de Lautrec, n’avait pas encore été publiée (Paris: Mercure de France 1914). 1


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

dans les écrits de Gide, alors que l’insertion de ‘presque en manière d’excuse’ en altère considérablement la force.

La

traduction d’O’Brien ‘I put’/je mets, au lieu de la version prétéritée parfaitement acceptable de ‘j’ai mis / I have put’, permet néanmoins de lire la phrase comme si ‘I put’ était un présent, entraînant une autre élision du sens. ‘Only’ est un mot notoirement glissant, et la manière différente dont il est placé par Mason ou Fryer modifie aussi son accentuation. Patrick Pollard écarte la difficulté en traduisant : ‘J'ai mis tout mon génie dans ma vie; je n'ai mis que mon talent dans mes œuvres’, par ‘[…] all I have put into my work is my talent’, ajoutant la notion de l’Art comme second par rapport à la Vie.... Et évitant l’ambiguïté du terme “only”, qui ne figure pas, bien sûr, dans le texte français.’1 Cette traduction séduisante fait toutefois naître une nouvelle ambiguïté, puisqu’elle permet à Wilde de dire à la fois ‘everything that I have put into my work is my talent’, (tout ce que j’ai mis dans mes œuvres, c’est mon talent »), définissant ainsi le talent comme la somme de son travail » - formulation qui sonne alors comme une sorte d’autocongratulation - ; et aussi ‘I have put nothing more than my talent into my work’, (« Je n’ai rien mis de plus que mon talent E-mail adressé à l’auteur de cet article le 31 mai 2006. Patrick Pollard est l’auteur de : André Gide: Homosexual Moralist. New Haven & London: Yale University Press 1992. Le texte complet de l’e-mail du Professor Pollard était le suivant : ‘Cher David, En recevant votre email, j’ai réfléchi à la citation de Gide : il dit “J'ai mis tout mon génie dans ma vie; je n'ai mis que mon talent dans mes oeuvres”, ce que, n’étant pas un aussi bon épigrammiste que Wilde, j’ai traduit comme “...; all I have put into my work is my talent” – le sens de ceci étant que l’Art serait second par rapport à la Vie.... et ce qui évite l’ambiguïté du terme “only”, qui ne figure pas, naturellement, dans le texte français. Meilleurs sentiments, Patrick.’ Je suis très reconnaissant pour le début de cette nouvelle ligne de pensée. 1


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

dans mes œuvres ») qui rabaisse sans aucun doute le talent par rapport au génie. C’est, cependant, ‘genius’ qui se révèle le mot clef (dans le sens où Raymond Williams l’entend dans son exploration du concept de « mot clef » dans son livre éponyme1). Je ne crois pas que Wilde laissait entendre qu’il était ‘un génie’ dans le sens où le monde applique assez vaguement ce concept à Mozart, Einstein, da Vinci, etc…

Certainement, en France ‘on a du génie’ (‘one has

genius’), plutôt que d’‘être’ un génie, même si Gide’ utilise ce mot dans le second sens du terme. C’était le cas en anglais (ainsi, on avait de la personnalité, plutôt que d'être «une» personnalité). À propos de Wilde, Robert Ross et Max Beerbohm l'utilisent tous deux en ce sens. Ross remarqua qu'après 1897, Wilde choisit «une existence bohémienne, en complet décalage avec son génie et son tempérament», et Beerbohm se réfère à «cette période trop brève où le génie de M. Oscar Wilde a brillé, une comète dans le firmament théâtral».2 Il est vrai que Dorian Gray qualifie Sybil Vane de génie (provoquant la réponse de Lord Henry : ‘aucune femme n’est un génie’), mais aussi, plus emphatiquement, Dorian affirme ‘mais je vous dis qu’elle a du génie [...] Vous allez certainement lui trouver du génie’. De la même façon, Dorian dit à Sybil ‘Tu avais du génie ’ et Wotton dit de Basil Hallward ‘Naturellement, il avait un merveilleux génie pour la peinture’. Au 1

Keywords. London: Collins, 1976. New edition, New York: Oxford University Press 1984. Williams, unfortunately, does not discuss genius. 2 Robert Ross à Adela Schuster 23 décembre 1900. Merlin Holland (ed.): Oscar Wilde, A Life in Letters. Sélectionné et édité par Merlin Holland. London: Fourth Estate 2003 p.367; The Saturday Review 5 novembre 1898, dans Max Beerbohm: More Theatres. Londres: Rupert Hart-Davis 1969 p.76.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

regard de Wilde, le génie était davantage quelque chose à avoir que quelque chose à être. Les implications du mot ‘génie’ et de son adjectif ‘génial’ peuvent être explorées plus profondément en se reportant à la traduction de Béatrice Vierne, dans la collection Alvin Redman, The Epigrams of Oscar Wilde.

Le chapitre XXXVIII est intitulé ‘Le

génie’ et s’ouvre sur la phrase ‘Oscar Wilde ne douta jamais de son génie’, c’est-à-dire qu’il n’avait aucun doute quant à son génie, et non pas qu’il était sûr d’être un génie.

Avec le

développement suivant: ‘Sa tragédie, c’est qu’il a gaspillé le génie qui l’habitait’ – ‘his tragedy was that he squandered the genius that inhabited him’. [Redman 2000 p.243; ma traduction]. Wilde lui-même utilise le mot avec exactitude. Dans The Decay of Lying, il écrit : ‘M. Zola est déterminé à montrer que, s’il n’a pas de génie, il peut au moins être assommant’, et même quand il dit de

Richard Le Gallienne ‘Vingt-trois! C’est une sorte de génie

d’avoir vingt-trois ans,’ il nous indique encore que ‘genius’ est un attribut et pas une caractéristique. [Le Gallienne 1925] Quand Wilde proclame, avec certitude et précision qu’il ‘avait du génie’ 1 il est sémantiquement correct : comme érudit classique, Wilde savait que le mot dérivait d’ingenium, l’esprit d’intellect qui est en chacun de nous, quoi qu’il puisse prendre différentes formes. Il se pourrait bien que, s’il s’était exprimé en anglais, il n’aurait pas

Dans De Profundis : ‘J’avais du génie, un nom distingué, une position sociale élevée, l’éclat, l’audace intellectuelle’, ces choses, regroupées ainsi ensemble, étant ce que Wilde, dans sa cellule, chérissait le plus, alors que, sûrement, ‘éclat’ et ‘audace intellectuelle ‘ servent à définir son génie Merlin Holland & Rupert HartDavis: The Complete Letters of Oscar Wilde. London: Fourth Estate 2000 p.730. 1


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

usé du mot ‘génius’ mais de celui d’‘ingénuity’ (‘ingéniosité’ en français), en référence à son pouvoir d’invention. Bien sûr, Wilde se réfère aussi à son ingenium dans une autre phrase mémorable de De Profundis. ‘I became the spendthrift of my own genius, and to waste an eternal youth gave me a curious joy.’1 (Je dilapidai mon génie, et gaspiller une éternelle jeunesse me procurait une joie curieuse). C’est là un lien étrange, de connecter son génie avec une ‘éternelle jeunesse’, Oscar, écrivant à Bosie, s’identifie lui-même à Dorian Gray. Cela semble suggérer que Wilde n’a pas une définition très sûre du concept. Dans De Profundis il demande à Douglas ce que son article pour le Mercure de France était censé démontrer: ‘That I was a man of genius? The French understood that, and the peculiar quality of my genius, much better than you did’. [Holland & Hart-Davis 2000 p.718.]

Léo Lack le traduit ainsi : ‘Que j’étais un homme de

génie?

Les Français l’ont compris, ainsi que la qualité

particulière de mon génie’ tandis que la traduction de Jean Gattégno est la suivante : ‘Que j’étais un homme de génie? Les Français le comprenaient, et appréciaient la qualité spécifique de mon génie’. Mais Henriette de Boissard est la plus littérale : ‘Que 1

Holland & Hart-Davis 2000 p.730. Léo Lack traduit comme ‘Je dilapidai mon génie’, Jean Gattégno comme ‘Je dilapidai mon propre génie’ tandis que Henriette de Boissard préfère ‘Je devins prodige de mon propre génie’, mais aucun d’entre eux n’a de problème avec le mot ‘génie’ appréhendé comme une traduction directe de ‘genius’. Oscar Wilde: De Profundis. Traduit de l’anglais par Léo Lack. Paris Stock 1975; 7th impression 2001 p.116; Oscar Wilde: De Profundis, suivi par Lettres sur le prison. Traduit de l’anglais par Jean Gattégno: Paris: Gallimard 1992 p.123; Rupert Hart-Davies (ed.): Lettres d’Oscar Wilde. Traduit de l’anglais par Henriette de Boissard. Préface de Diane de Margerie. Paris: Gallimard 1994 p.298. La traduction de Gattégno a été révisée par Jean Besson pour l’édition de La Pléiade (Paris: Gallimard 1996), mais les citations dont il est question ici sont restées inchangées. On peut les trouver pp.609, 624-5.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

j’étais un homme de génie?

Les Français l’avaient compris,

comme ils avaient compris la qualité particulière de mon génie’. [Wilde / Lack 2002 p.88; Wilde / Gattégno 1992 p.101; HartDavies / Boissard 1994 p.283.]

Chaque traduction ratifie

l’utilisation spéciale que Wilde fait du mot ‘génie’, mais les changements de temps sont intéressants. On voit que Wilde prend ses distances quant à l’affirmation d’être un génie, et définit le génie en termes d'ingéniosité, propre au sens qui lui est spécial ou particulier. Son appel spécifique à la compréhension de cela par les Français amène une interaction entre genius and génie. De manière intéressante, Robert Merle traduit ‘I had genius, a distinguished name, a high social position’ par ‘le talent, un nom distingué, une haute position sociale’ [mes italiques] – Merle ne dit pas clairement s’il s’agit de sa propre traduction ou d’une citation de Henry-D. Davray 1 – permettant une certaine interchangeabilité entre talent et génie. Davray est également suivi par Léo Lack, mais dans le cas du premier (étant donnée sa relation personnelle avec Wilde, qui l’avait choisi comme traducteur de La Ballade de la Geôle de Reading), l’utilisation du mot ‘talent’ plutôt que celui de ‘génie’ indique, non seulement une variation de traduction, mais une intervention éditoriale.2 Oscar Wilde: De Profundis et La Ballade de la geôle de Reading. Traduction HenryD. Davray. Paris: Mercure de France 1905, réédité en 1923. Davray est également le traducteur des livres d’Arthur Ransome et Frank Harris’s sur Wilde. 2 Robert Merle: Oscar Wilde. 1948. Nouvelle édition: Paris: Editions de Fallois 1995 p.37. En général, Merle utilise l’édition de Davray, mais ne pas renvoyer à l’original anglais aurait certainement été étrange. Wilde / Lack 2001 p.115. De Boissard rejette ceci pour ‘J’avais le génie, un nom distingué’ etc. HartDavies/Boissard 1994 p.297. C’est un léger changement par rapport à la traduction antérieure de Jean Gattégno, ‘J’avais du génie, un nom éminent’, etc. Wilde/ Gattégno 1992 p.123. Davray a écrit qu’il était un des amis à qui Wilde a 1


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Par ailleurs, Wilde témoigne d’une certaine méfiance par rapport au concept de génie.

Dans ses quatre comédies, il apparait

seulement dans An Ideal Husband, où il est cité onze fois, généralement dans la bouche de Lord Goring. Goring, comme on le sait, est décrit en termes applicables à Wilde lui-même: en effet, dans la phrase que j’ai mise en italiques, semble bien se décrire lui-même. Enter LORD GORING in evening dress with a buttonhole. He is wearing a silk hat and Inverness cape. White-gloved, he carries a Louis Seize cane. His are all the delicate fopperies of Fashion. One sees that he stands in immediate relation to modern life, makes it indeed, and so masters it.

He is the first

well-dressed philosopher in the history of thought.’ Entre Lord Goring en habit de soirée, une fleur à la boutonnière. Il porte un chapeau en soie et un macfarnale. Ganté de blanc, il a une canne Louis XVI. Il représente toute l’élégance affectée et tous les raffinements de la Mode. On voit qu’il est en relation immédiate avec la vie moderne, qu’à vrai-dire il la crée, et qu’ainsi, il la domine. C’est le premier philosophe bien habillé de l’histoire de la pensée. (traduction Jean-Michel Déprats) Certes, il n’est pas facile d’identifier la philosophie, mais les références de Goring au génie peuvent au moins appartenir à son donné une copie de La Ballade. Henry-D. Davray: Histoire de la Ballade de la geôle de Reading. Paris: Mercure de France 1946 p.50.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

engagement avec l’histoire de la pensée. Goring ne tient pas le génie en haute estime : quand son père dit de Sir Robert Chiltern, ‘Il a plus que du cran, monsieur, il a du génie’, Goring réplique : ‘Ah! Je préfère le cran. Ce n’est pas aussi commun, de nos jours que le génie.’ Dans la bouche de ce dandy-aristocrate, ‘Commun’, ne signifie pas seulement ‘courant ‘, mais aussi ‘vulgaire’. Plus tard, quand Mabel Chiltern lui demande : ‘Voulez-vous dire que vous n’êtes pas venu ici expressément pour me demander en mariage ?’ Goring réplique : ‘Non; ce fut un éclair de génie’, et Mabel répond : ‘Votre premier.’

Non seulement ce philosophe

bien vêtu n’a fait preuve jusqu’à présent d’aucun génie, mais il tient à repousser toute idée qu’il pourrait jamais en avoir en rétorquant (avec détermination) : ‘Mon dernier.’ Goring a d’ores et déjà identifié le génie avec la vénéneuse Mrs Cheveley, la décrivant ainsi à Mabel : ‘Oh! Un génie le jour, et une beauté la nuit!’. Cette remarque est répétée par Mabel à Lady Basildon, qui s’exclame ‘Quel affreux mélange ! Et si monstrueux!’

Mrs

Marchmont ajoute alors ‘[de son air le plus rêveur.] : J’aime bien contempler les génies, et écouter les belles personnes.’

Les

Génies, par conséquent, doivent être vus et pas entendus. Mabel enregistre cela, disant à Lady Chiltern ‘Vous pouvez supporter les génies. Moi je manque totalement de caractère, et Robert est le seul génie que j’aie jamais pu supporter. En général, je trouve qu’ils sont absolument impossibles à vivre. Les génies parlent trop, n’est-ce pas? Quelle mauvaise habitude! Et ils pensent toujours à eux, alors que je veux qu’ils pensent à moi.’ Enfin, Lady Markby dit de Lady Bonar qu’ ‘Elle a découvert un nouveau


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

génie absolument merveilleux. Il fait . . . il ne fait rien du tout, je crois. Voilà qui est très réconfortant, n’est-ce pas?’ Bien qu’il existe un certain décalage entre la notion de génie et « un génie » en tant que personne de chair et de sang (de l’un ou l’autre sexe), ces références sont clairement dédaigneuses, et comme il a été dit, elles sont les seules que l’on puisse trouver dans les quatre comédies. De la même façon, cet autre dandy avatar de Wilde, Lord Henry Wotton, dévalue lui aussi le génie, le reliant à une simple accumulation de faits: ‘C’est une triste chose à penser, mais il ne fait aucun doute que le génie dure plus longtemps que la beauté. Cela explique le fait que nous prenions tant de peine pour nous instruire. Dans la lutte sauvage pour l’existence, nous avons besoin de quelque chose qui dure, et donc, nous emplissons notre esprit de déchets et de faits, [...] La Beauty est des formes du génie – plus haute, en vérité, car elle n’a pas besoin d’être expliquée.’ Le génie est donc seulement un aspect de mesure, et l’infinie capacité à prendre de la peine n’est rien d’autre que savoir le prix de tout et la valeur de rien. Si, comme je le soutiens, ces références 1 reflètent les propres vues de Wilde, du moins telles qu’il les a exprimées dans l’humeur du moment, ‘mettre son génie dans sa vie » pouvait peut-être en effet suggérer à ses yeux quelque chose de tragique. Fin de la première partie ***

Il n’y a aucune discussion, ni même aucune référence au génie dans Pen, Pencil and Poison, The Critic as Artist, The Decay of Lying, The Portrait of Mr W.H. ou The Soul of Man. 1


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

10 – Témoignage d’époque Dans son journal, Julien Green évoque Wilde et Lord Alfred Douglas dans le volume consacré aux années 1946 – 1950, en date du janvier 1950. « Chez Gide, ce matin, vers 10 heures et demie (…) Il va chercher un dossier qu’il ouvre devant moi pour en tirer une lettre de Lord Alfred Douglas datée de 1929, me la tend et me demande de lui en donner lecture. Elle est extrêmement grossière, violente. Douglas vient de lire Si le grain ne meurt… Il y a cette phrase que je retiens : (je traduis) : vous n’auriez jamais écrit une pareil livre si vous aviez été un gentleman. Il fait voir quel affreux mufle vous êtes en réalité… » Il nie qu’il y ait eu entre lui et Wilde des relations charnelles. Tout compte fait, il pardonne à Gide « parce que maintenant, je suis catholique », mais il ne l’en couvre pas moins de son mépris. (…) Gide me dit qu’il n’était pas beau, mais joli, « oui, joli, c’est le mot ». Me raconte la scène entre Douglas et Wilde (voir Si le grain…), Wilde tremblant de colère mais gardant le silence et disant à Gide, après le départ de Douglas : « C’est tous les jours comme ça. » Julien Green – Journal 5 – 1946-1950 – Plon - 1951


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

11 - Poème Le poète Québécois Claude Beausoleil nous fait une nouvelle fois l’honneur et le plaisir de nous offrir la reproduction dans Rue des Beaux-Arts d’un poème inédit qu’il a écrit en hommage à Lady Wilde. Merci à lui pour sa générosité et pour son talent, et bien sûr, pour sa dévotion à la cause wildienne.

ODE TO LADY WILDE à Béatrice, Margarita et Monique qui, avec grâce, ont joué le jeu

Les passions virevoltent si vives fougueuses ô vos passions et ce temps parlant d’éternité vous l’accueillez Lady vous le provoquez Speranza elle avec éclat l’écrit Des échos de voix aux accents irlandais rôdent dans le clair-obscur d’idéaux flamboyants de désirs que vous savez si bien orchestrer


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

dans votre salon de Merrion Square D’entre les rayons tamisés du soir vos mots lucides surgissent drapés d’une vibrante énergie complice des invités Lady Jane Francesca Wilde née Elgee renaissant d’elle-même en Speranza l’égérie engagée de tout coeur en poésie âme romantique déployée en d’ardents vers ouverts au rythme des musiques femme s’aventurant libre fière et sans filet Et c’est avec autant de panache my Lady que vos idées vos convictions vos poésies en trombes indignées face à la misère ou modulant des émotions plus intimes


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

traversent les ombres d’un théâtre bruissant de toutes les vanités Claude Beausoleil Poème inédit, signé et numéroté /30


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

12 – Wilde au théâtre A Trinity of Two D’Ulick O’Connor La pièce d’Ulick O’Connor met en scène le duel entre Edward Carson et Oscar Wilde au cours du premier procès. Elle fut créée à l’Abbey (Peacock Theatre) de Dublin la 29 mars 1988 et resta à l’affiche jusqu’au 7 mai. Elle était interprétée par Des Cave (Oscar Wilde) et Clave Geraghty (Edward Carson), dans une mise en scène de Thomas Mc Anna. L’action se déroule en trois lieux et à trois époques distinctes : au café Caliysa, à Paris, en 1900, à l’Athenaeum Club, Londres, en 1929, et à l’Old Bailey, en 1895, au moment du premier procès.

La pièce sera reprise en 1999, au Tristan Bates theatre de Londres, du 20 juillet au 7 août, dans une mise en scène de John Yule, avec Sean Kearns, dans le rôle d’Oscar Wilde et Harry Towb, dans celui de Carson


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

De nouvelles représentations eurent lieu à Dublin du 24 octobre au 12 novembre 2005, au Liberty Hall. Patrick Bergin jouait Carson, et Adrian Dunbar, Oscar Wilde. INCLUDEPICTURE "http://newsimg.bbc.co.uk/media/images/40985000/jpg/_40985774_actors203.jpg" \*

MERGEFORMATINET

La pièce a été traduite et adaptée en français par Raymond Gérome, sous le titre “Deux de la Trinité”


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

13 - Cinéma Dernières nouvelles du “Prince Heureux”, dont le clap de fin a été donné le 23 novembre à Deauville. Le tournage a voyagé entre la Belgique, l’Italie, l’Allemagne et la France. Ces derniers jours, après Paris, l’équipe se trouvait à Trouville, aux Roches Noires, avant de se transporter à Deauville, sa proche voisine, sur le quai des Yachts, où une partie du port de Dieppe (où débarqua Oscar Wilde quand il quitta l’Angleterre, à sa sortie de prison) a été reconstitué.

Hormis Rupert Everett, qui assume le rôle principal (rôle qu’il connaît bien puisqu’il a incarné Oscar Wilde au théâtre pendant plusieurs mois, dans la pièce de David Hare, « Judas Kiss »), la distribution est complétée par Colin Firth (Reginald Turner), Colin Morgan (Bosie),


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

Tom Wilkinson, Miranda Richardson, Emma Watson et Béatrice Dalle. Le film devrait sortir en salle dans huit mois.


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

14 – The Oscholars www.oscholars.com abritait un groupe de journaux consacrés aux artistes et mouvements fin-de-siècle.

Le rédacteur en chef en était

David Charles Rose (Université d’Oxford). Depuis 2012, les membres du groupe sont indépendants, et le site, délaissé par son webmaster, ne reste plus sous le contrôle de M. Rose. THE OSCHOLARS est un journal international en ligne publié par D.C. Rose, consacré à Wilde et à ses cercles. Il compte plusieurs milliers de lecteurs à travers le monde dont un grand nombre d’universitaires. On pourra y trouver les numéros de juin 2001 à mai 2002 (archives), et tous les numéros réalisées depuis février 2007. Les numéros de juin 2002 à octobre 2003, et d’octobre 2006 à décembre 2007 sont abrités par le site www.irishdiaspora.net. Vous y découvrirez une variété d’articles, de nouvelles et de critiques : bibliographies,

chronologies,

liens

etc.

L’appendice

‘LIBRARY’

contient des articles sur Wilde republiés des journaux. Les numéros jusqu’à mars 2010 sont en ligne

ici,

mais quelques pages ont été

détruites par le ci-devant webmaster. Depuis l’automne 2012, on peut trouver THE OSCHOLARS sous cette adresse : http://oscholars-oscholars.com/


Rue des Beaux-Arts n°58 – Janvier/Février/Mars 2016

15. Signé Oscar Wilde Reposer dans la douce terre brune, avec l’herbe qui ondule au-dessus de votre tête, et écouter le silence. Ne connaître ni hier, ni demain. Oublier le temps, oublier la vie, être en paix. (Le Fantôme de Canterville)

To lie in the soft brown earth, with the grasses waving above one's head, and listen to silence. To have no yesterday, and no to-morrow. To forget time, to forget life, to be at peace. (The Canterville Ghost)


*


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.