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CONTEXTE GÉNÉRAL
Les violences sexuelles et sexistes à l’égard des enfants sont encore une réalité au Burkina Faso, malgré les divers lois, stratégies et plans d’action adoptés par l’État 5. Le manque de données officielles ainsi que les tabous entourant les violences sexuelles et sexistes rendent difficile le recensement de l’ensemble de ces violences, en particulier celles commises à l’égard des enfants en bas âge. Néanmoins, comme le présente la section suivante, nous pouvons affirmer que la prévalence de ces violences varie en fonction de certains facteurs propres à l’enfant, mais est exacerbée par le contexte social et culturel du Burkina Faso, ainsi que par les diverses situations de crise qui sévissent au pays.
3.1 LES VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES
Attouchements sexuels
Est entendu par attouchement sexuel tout acte de nature sexuelle exercé directement et intentionnellement contre un enfant6. Les attouchements sexuels contre les enfants sont généralement commis à l’école (27,8 %), à la résidence de l’auteur (17,3 %) ou à la résidence de l’enfant qui en est victime (14,9 %) (MFSNFAH, 2017, p. 45).
Viol
Mutilations génitales féminines
Selon les données de 2018, environ 0,5 % des enfants âgés de 12 à 17 ans avaient été victimes de rapports sexuels forcés. Les enfants victimes de viol ou de tentatives de viol ont nommé comme principaux responsables les voisins de sexe masculin, les amis ou camarades de sexe masculin et les partenaires ou petits amis (19,9 %) (MFSNFAH, 2017, p. 45, 48-49). En ce qui concerne les lieux de commission du viol, la résidence de la victime est le lieu le plus fréquemment cité par les enfants qui ont subi les rapports sexuels forcés, suivie par la rue, la résidence de l’auteur et le lieu de travail, notamment pour les filles domestiques ou encore celles travaillant sur les sites d’orpaillage (MFSNFAH, 2017, p. 51 et p. 43-44).
Les mutilations génitales féminines, bien qu’elles soient condamnées et criminalisées, sont une pratique traditionnelle toujours présente au Burkina Faso. En 2018, 63 % des filles et des femmes burkinabè (âgées de 15 à 45 ans) avaient été excisées (OCDE, 2018, p. 18). Plus précisément, l’Étude nationale sur les violences faites aux enfants a recensé que 18 % des filles âgées de 12 à 17 ans et 4 % des filles de moins de 11 ans avaient été excisées (MFSNFAH, 2017, p. 55 à 57). Cette persistance peut s’expliquer par un ancrage de la pratique dans l’identité des communautés concernées, qui la voient comme un rite de passage permettant aux filles de rejoindre la communauté des « femmes ».
Mariage d’enfants
Exploitation des enfants à des fins de prostitution
Au Burkina Faso, une fille sur deux est mariée avant l’âge de 18 ans (UNICEF, 2022). Le mariage de ces enfants se fait souvent au détriment du respect de leurs droits, en particulier le droit à l’éducation et à la santé des jeunes filles. Une fois mariées, ces filles sont susceptibles de mettre fin à leur scolarité et se voient ainsi privées d’une éducation qui peut contribuer à leur plein développement. Enceintes parfois très tôt, ces jeunes filles ont souvent des grossesses à risque, ce qui a des effets directs sur le taux de mortalité infantile et sur leur propre santé (MJDHPC, 2020, p. 27).
L’exploitation sexuelle des enfants se produit lorsqu’un individu ou un groupe d’individus profite du déséquilibre de pouvoir pour contraindre, manipuler ou tromper un enfant afin qu’il se livre à une activité sexuelle en échange d’un gain ou d’un bénéfice pour la victime et/ou en vue d’avantager financièrement ou socialement l’auteur ou un tiers. L’enfant peut être exploité sexuellement même si l’activité sexuelle semble consensuelle. L’exploitation sexuelle des enfants n’implique pas toujours un contact physique ; elle peut également se produire par le biais de l’utilisation de la technologie.
L’exploitation des enfants à des fins de prostitution est l’une des formes d’exploitation les plus répandues au Burkina Faso. L’argent (64,4 %), les cadeaux (21,6 %) et la nourriture (8,6 %) sont les contreparties les plus souvent reçues en échange de rapports sexuels avec les enfants âgés de 12 à 17 ans (MFSNFAH, 2017, p. 53).
Exploitation sexuelle en ligne
Le nombre d’utilisateurs d’Internet a considérablement augmenté au Burkina Faso au cours des dernières années. La facilité d’accès à Internet, au-delà de ses avantages, constitue un facteur de risque d’exploitation sexuelle en ligne pour les enfants (ECPAT, 2016, p. 17). Il permet aux enfants d’entrer facilement en contact, via des réseaux sociaux ou « chatrooms » (salle virtuelle de clavardage) avec d’éventuels abuseurs. Une fois le contact établi avec l’enfant et la confiance installée, ces arnaqueurs incitent les enfants, par exemple, à commettre des actes de nature sexuelle qui seront enregistrés et négociés avec l’enfant ou ses parents pour ne pas se retrouver en ligne (ECPAT, 2016, p. 17). Les chiffres concernant l’exploitation sexuelle en ligne démontrent que, de mai 2020 à juin 2022, 346 cas de victimes âgées de moins de 29 ans avaient été enregistrés par la Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité (BCLCC)7. Cela corrobore les témoignages recueillis auprès des enfants et de certains acteurs qui ont relevé le nombre croissant de filles et de garçons touchés par le phénomène.
En outre, les matériaux d’abus sexuels d’enfants en ligne sont de plus en plus courants au Burkina Faso, même s’il existe peu de données sur le phénomène. Le Code pénal burkinabè prévoit que toute personne qui accède à des documents de pornographie enfantine a l’obligation d’en informer l’autorité compétente, sous peine de poursuites judiciaires pour complicité8. Pour autant on note une croissance de films à caractère pornographique mettant en scène des jeunes, en accès libre au Burkina Faso (UNICEF, 2017, p. 117).
(suite)
7 Données collectées pendant l’atelier de validation qui s’est tenu les 22 et 23 août 2022 auprès du représentant de la Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité Cependant, la catégorisation des données statistiques de la BCLCC, soit de 0 à 14 ans et de 15 à 29 ans, ne permet pas de délimiter la situation des enfants, c’est-à-dire des personnes âgées de moins de 18 ans
8 Loi n° 25-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal, art 533-41
Violences
Les violences en milieu scolaire sont relativement répandues. Selon la perspective d’élèves sondés dans le cadre d’une étude sur le harcèlement sexuel des filles en milieu scolaire, ces violences seraient perpétrées majoritairement par des enseignants masculins. (ministère des Affaires étrangères de France, 2012, p. 13-14).
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Les enseignants profitent de leur position pour obtenir des faveurs sexuelles ou perpétrer des attouchements : « À l’école, le professeur de français et puis anglais, quand il veut taper une fille, c’est soit ses fesses ou bien son soutien-gorge qu’il attrape 9 » nous a expliqué une jeune fille. Les enfants nous ont partagé qu’« [i]l y a des enseignants qui font la cour aux filles. Ils utilisent par moment leur enseignement pour pouvoir faire la cour aux filles, ils font souvent du chantage aux filles 10 », ce que confirment les professionnels du secteur rencontrés.
Cela dit, les rencontres effectuées avec des enfants ont confirmé que, tel que le mentionne l’étude ci-dessus mentionnée, le personnel administratif se rend lui aussi coupable de VSS : « Le surveillant aussi fait pire 11 ». En outre, les VSS commises par des élèves sont récurrentes au point que les autorités scolaires prennent des mesures pour limiter les risques de viol :
« Nos enseignants nous ont dit de nous éloigner des garçons souvent, sinon ils peuvent nous violer. Ils ont divisé les WC garçons à part pour éviter qu’il y ait des viols dans les toilettes 12 » Les cas les plus récurrents de violences sexuelles commises par des enfants sont les viols collectifs, les attouchements et le harcèlement sexuel.
Ces situations peuvent entraîner, entre autres, des grossesses non désirées : « Nous voyons des professeurs enceinter des élèves, donc forcément il y a des violences. Entre élèves, on voit d’autres aussi enceinter leur camarade de classe 13 »
Les violences sexistes basées sur des relations de pouvoir et les normes de genre sont aussi présentes à l’école, telles que les moqueries des garçons contre des filles menstruées ou encore les moqueries des filles et des garçons contre d’autres garçons perçus comme faibles (ceux qui pleurent, ceux qui sont doux avec les filles, ceux qui sont efféminés, etc.). Selon les membres du personnel de l’éducation, ces violences en milieu scolaire se retrouvent dans l’ensemble du système scolaire burkinabè, aux niveaux primaire et secondaire, dans les écoles publiques et privées, ainsi que dans les zones rurales et urbaines.