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LES ACTEURS DU SYSTÈME
DE PROTECTION DE L’ENFANT ET LA MISE EN ŒUVRE DES DROITS DE L’ENFANT VICTIME
Les acteurs du système de protection de l’enfant jouent un rôle fondamental dans la prévention des violences à l’égard des enfants, ainsi que dans la mise en œuvre des droits des enfants qui en sont victimes. C’est pourquoi i
5.1 FORMATION DES ACTEURS DU SYSTÈME DE PROTECTION
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Selon ses engagements internationaux envers les enfants, le Burkina Faso doit prendre toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, dont les violences sexuelles et sexistes41. L’État doit donc veiller à ce que les acteurs du système de protection soient formés et outillés adéquatement pour intervenir auprès des enfants qui ont été victimes de violences sexuelles ou sexistes.
Sur le plan professionnel, une formation sur les droits de l’enfant et leur mise en œuvre, permet l’acquisition de compétences essentielles et de techniques d’intervention appropriées en matière d’interaction avec les enfants. Le Comité des droits de l’enfant a d’ailleurs spécifié que l’État se doit d’assurer une formation continue, de portée générale et spécifique, à tous les acteurs (professionnels ou non) qui travaillent avec et pour des enfants. Cela comprend, entre autres, les membres du corps enseignant à tous les niveaux du système éducatif, les travailleurs sociaux, les médecins, les infirmiers et les autres professionnels de la santé, les psychologues, les membres de la magistrature, les policiers, les agents de probation et le personnel pénitentiaire, les travailleurs communautaires, le personnel des institutions d’accueil, les fonctionnaires ainsi que les agents de l’État42. Si des efforts ont été fournis pour former les différents acteurs en matière de droits des enfants au Burkina Faso, il reste encore du travail à accomplir.
41 Convention relative aux droits de l’enfant (1989) (R – 31 08 1990), article 19
42 Observation générale no 13 du Comité des droits de l’enfant, Le droit de l’enfant d’être protégé contre toutes les formes de violence, CRC/C/GC/13 (18 avril 2011), paragr 43 i)
Les enfants
La CDE prévoit que l’État doit activement renseigner les enfants sur leurs droits43. Cependant, le cursus scolaire des enfants au Burkina Faso n’inclut pas de cours portant spécifiquement sur les droits des enfants. C’est plutôt dans le cadre du cours d’éducation civique et morale et dans le cours de sciences de la vie et de la terre (biologie) que les élèves reçoivent des enseignements qui abordent leurs droits et les violences sexuelles.
En parallèle, le ministère de l’Éducation a créé des structures comme le Conseil national de la prévention de la violence à l’école et le Secrétariat permanent de la promotion des langues nationales et de l’éducation à la citoyenneté, qui organisent respectivement des activités de sensibilisation sur les questions de violences en milieu scolaire et sur les enjeux en lien avec les violences.
Au-delà des enseignements reçus dans le cadre scolaire, les enfants peuvent acquérir des connaissances sur leurs droits et sur les enjeux en lien avec les violences sexuelles et sexistes dans le cadre d’activités de sensibilisation ponctuelles menées par les acteurs du présent projet. Ces activités comprennent, entre autres, des causeries éducatives et des campagnes de sensibilisation. Comme ces activités ne sont généralement offertes que dans les écoles et occasionnellement sur les sites d’orpaillage, tous les enfants burkinabè n’ont pas accès à ces enseignements.
Les professionnelles et professionnels de l’éducation
Les professionnels de l’éducation sont formés par différents instituts. Les enseignantes et les enseignants du primaire étudient à l’Institut national de formation des personnels de l’éducation (INFPE), et ceux du secondaire dans deux écoles relevant du ministère responsable de l’Enseignement supérieur : l’École normale supérieure (ENS) de l’Université de Koudougou et l’Institut des sciences (IDS). Le personnel administratif est, pour sa part, formé à l’École nationale d’administration et de magistrature (ENAM). L’INFPE, l’ENS et l’Institut des sciences offrent, lors des formations initiales, un cours de base qui brosse rapidement les aspects fondamentaux concernant les droits des enfants. Par ailleurs, une fois en fonction, le personnel de l’éducation reçoit ponctuellement des formations de la part de certaines organisations non gouvernementales. Au moyen de ces activités de renforcement des capacités, le personnel de la vie scolaire ainsi que les enseignants sont formés aux droits des enfants et aux différentes formes de violences dont ils peuvent être victimes ainsi qu’aux modalités de leur prise en charge.
Les Forces de sécurité
La formation initiale du personnel de la gendarmerie et de la police comprend un cours sur les droits de l’enfant. Ce cours est donné dans les écoles de gendarmerie, à l’ENP et l’AP par des formateurs certifiés par l’IBCR. L’introduction de ces modules de formation étant récente, les cohortes formées précédemment et actuellement déployées sur le terrain n’ont pas suivi de cours de base relatif aux droits des enfants. Les acteurs du secteur des FDS rencontrés s’accordent d’ailleurs sur la nécessité d’offrir des formations continues élargies destinées à l’ensemble des FDS qui sont sur le terrain et qui n’ont pas suivi les cours sur les droits de l’enfant. Par ailleurs, bien que des membres des FDS rencontrés disent avoir reçu des formations continues sur les violences sexistes, lors de l’atelier sectoriel, une des autorités présentes a affirmé que « si l’on demande aux policiers ce qu’est une violence sexiste, 9 policiers sur 10 ne trouveront pas la réponse44 ». Enfin, l’insuffisance de compétences des acteurs de la Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité (BCLCC) en matière de droits de l’enfant représente un défi pour le ministère responsable de la Sécurité.
Les militaires
Il existe quatre écoles de formation pour les militaires : le Groupement d’instruction des forces armées, l’École nationale des sapeurs-pompiers (ENASAP), l’École nationale des sous-officiers d’active (ENSOA) et l’Académie militaire Georges Namoano (AMGN).
Au cours de leur formation initiale, les militaires du rang (GIFA), les sous-officiers (ENSOA) et les officiers (AMGN) reçoivent une formation de 4 heures sur les droits de l’enfant et des informations sur la prise en charge des enfants en temps de conflit ainsi que sur la situation des enfants associés aux groupes armés dans leurs cours de droit international humanitaire. Ces formations sont dispensées par des sous-officiers supérieurs ou des officiers. Par ailleurs, une formation continue est offerte dans les écoles et les centres qui forment les militaires pour accéder à un grade supérieur. Les sous-officiers et les officiers reçoivent ainsi 10 heures d’enseignement centré sur les droits des enfants et la protection des enfants dans le cadre des cours de droit international humanitaire.
Le personnel de justice
Le personnel de justice reçoit une formation de base sur les droits des enfants dans le cadre de sa formation initiale à l’ENAM et à l’ENGSP. Cette formation est délivrée par des formateurs certifiés qui utilisent la trousse de formation initiale sur les droits de l’enfant et les pratiques adaptées à l’enfant destinée au personnel de justice du Burkina Faso, développée par l’IBCR dans le cadre du projet 2015-2020. Selon certains professionnels du secteur rencontrés, le contenu de cette formation reste liminaire et n’aborde pas en profondeur tous les aspects de la protection et des droits de l’enfant auxquels le personnel de justice est confronté, dont les VSS.
Le personnel de l’administration pénitentiaire, quant à lui, reçoit un cours de 30 heures sur les droits de l’enfant et les pratiques adaptées à l’enfant. Dans le cadre du projet 2015-2020 de l’IBCR, une trousse de formation initiale a été produite pour le cycle des assistants de sécurité pénitentiaire, qui constitue le corps de première ligne au contact des enfants privés de liberté. Du reste, les formatrices et les formateurs certifiés par le projet l’ont adapté aux deux autres cycles que sont les contrôleurs ainsi que les inspecteurs de sécurité pénitentiaire. Le cours est donné sous forme de conférence aux trois cycles, et les personnes apprenantes sont évaluées.
Les travailleuses et travailleurs sociaux
À l’Institut national de formation en travail social (INFTS), les travailleuses et les travailleurs sociaux reçoivent une formation de base sur les droits de l’enfant. Il existe une trousse de formation initiale pour les cadres moyens (personnel d’exécution) et une trousse spécialisée pour les cadres supérieurs. Le contenu de ces trousses aborde les violences faites aux enfants de façon globale, y compris le sujet des violences sexuelles. Pour autant, il n’existe aucun cours portant spécifiquement sur les violences sexuelles et sexistes.
Des formations continues sont assurées par des expertes et des experts, souvent issus des secteurs de la justice ou du travail social, formés à la thématique. Ces formations ont lieu en fonction de la disponibilité des ressources et selon une programmation trimestrielle. Elles traitent, entre autres, des droits de l’enfant, de la traite des enfants, des violences faites aux enfants, des violences basées sur le genre ou de l’écoute et de l’accompagnement des enfants victimes.
Les membres des RPE et des associations
Les membres des Réseaux de protection de l’enfance (RPE) et des associations consultées disent recevoir régulièrement des formations en droits de l’enfant, même s’il est difficile de définir de manière précise leur périodicité. Ces formations portent, entre autres, sur les droits de l’enfant, la prise en charge des enfants en situation d’urgence, les violences faites aux enfants et les VBG. Elles sont délivrées par le ministère responsable de l’Action sociale, ou encore par des ONG et des organisations internationales45
Le personnel de la santé
La formation des infirmières et des infirmiers ainsi que des sages-femmes est assurée par les Écoles nationales de santé publique (ENSP). On en dénombre 13, à raison d’une par région. Outre ces écoles publiques, on compte également 47 écoles de santé privées sur l’ensemble du territoire, dont deux reconnues par l’enseignement supérieur : IFRISSE et Sainte Edwige.
Dans ces écoles, la formation initiale comprend un cours de 10 heures sur la santé sexuelle et reproductive des jeunes, et un cours de 12 heures sur l’approche genre.
Les médecins généralistes, quant à eux, sont formés à l’Université de Ouagadougou. Leur programme de formation n’intègre pas de cours sur les droits de l’enfant.
5.2 PORTRAIT DE LA MISE EN ŒUVRE DES DROITS DE L’ENFANT DANS LA PRATIQUE DES ACTEURS DU SYSTÈME DE PROTECTION
Les compétences et le savoir-faire des acteurs du système de protection ont une importance notable dans la mise en œuvre effective des droits de l’enfant. Par le biais de leurs interventions et de leur pratique, ils sont aux premières loges de la mise en œuvre des droits des enfants auprès desquels ils interviennent ou pour qui ils œuvrent.
Le manque de ressources financières, matérielles et humaines et les difficultés logistiques sont des obstacles généralisés qui entraînent des délais et ont des répercussions sur la qualité des services et la mise en œuvre des droits des enfants victimes de violences sexuelles ou sexistes.
D’une part, le manque de ressources matérielles oblige les acteurs à travailler avec des équipements et du matériel défectueux, insuffisants ou mésadaptés pour les enfants. Des membres du personnel de santé sondés ont déploré l’insuffisance d’infrastructures dédiées aux enfants, alors que le manque de places dans les établissements de placement a été souligné par les membres des RPE.
De plus, il est fréquent que le manque de ressources financières empêche de prodiguer des soins ou d’offrir les services nécessaires pour soigner adéquatement. Par exemple, il arrive que les FDS n’aient pas les moyens financiers pour payer les frais liés aux soins de certaines victimes. Le manque d’argent pour l’achat de carburant et le manque de personnel empêchent parfois les professionnels de se déplacer dans les régions plus reculées lorsque la situation l’exige.
Enfin, le manque de personnel ou la mobilité des effectifs (affectation ou promotion) occasionnent des délais et des lacunes dans les services offerts aux enfants victimes de VSS ainsi qu’une charge de travail considérable pour les acteurs du système de protection de l’enfance.
Respect de l’intérêt supérieur de l’enfant
Conformément à la CDE, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être la considération primordiale dans toutes les décisions le concernant. La pleine application de ce principe passe par une approche fondée sur les droits, qui concerne l’ensemble des acteurs du système de protection de l’enfant, afin de garantir l’intégrité physique, psychologique, morale et spirituelle de l’enfant et la promotion de sa dignité humaine46. L’appréciation de cet intérêt supérieur ne pourra jamais primer sur l’obligation de respecter tous les droits de l’enfant reconnus par la Convention47.
Lors de leurs interventions, certains acteurs accordent une importance primordiale à la cohésion sociale de la communauté, parfois au détriment de l’intérêt supérieur de l’enfant qui a été victime. En effet, bien qu’ils reconnaissent la gravité des violences commises envers l’enfant, les acteurs sont souvent encouragés à régler les cas à l’amiable au sein de la famille ou de la communauté, plutôt qu’à déposer une plainte officielle. C’est pourquoi la médiation ou la conciliation sont des modes de résolution privilégiés dans le but de préserver la réputation des enfants et de la famille. Ces médiations sont généralement menées par des autorités coutumières ou par des membres de l’action sociale. Cela peut créer des situations délicates où l’enfant doit continuer de côtoyer son agresseur ou même habiter avec lui, ce qui l’expose ainsi à des risques de récidive ou de représailles. De tels contextes questionnent l’effectivité de la participation de l’enfant ainsi que la prise de décisions qui soient réellement dans son intérêt supérieur.
Les violences sexuelles revêtent un caractère tabou au Burkina Faso. L’Étude nationale sur les violences faites aux enfants au Burkina Faso révèle que le viol est l’agression sexuelle envers les enfants la plus fréquemment évoquée par les professionnels interrogés. Pourtant, rarement les enfants qui en sont victimes dénoncent les faits et leurs auteurs, ce qui pourrait résulter du fait qu’on attribue généralement une part de responsabilité aux victimes de telles agressions. En effet, lors des groupes de discussion menés avec des filles, des raisonnements du type « la façon de s’habiller en sexy peut amener les garçons à vouloir te violer48 », « si je vois une enfant habillée en sexy et si elle est petite, je vais lui dire de changer son comportement et de ne pas sortir la nuit49 » ou encore « il faut te préparer même si c’est un objet ou un caillou, il faut avoir ça en main50 » sont apparus fréquemment et démontrent que certains enfants considèrent que la victime a une part de responsabilité dans les agressions. Cela peut expliquer le sentiment de honte chez l’enfant victime de violences sexuelles et son entourage. Par ailleurs, compte tenu de l’aspect tabou des violences sexuelles et sexistes, certains parents ne dénoncent pas ce qu’a subi leur enfant ou refusent que le cas soit confié aux autorités telles que la police ou la justice.
La peur d’être stigmatisé et la volonté de préserver le vivre-ensemble nuisent à la répression des cas de violence sexuelle ou sexiste (voir encadré ci-dessus). Dans ce contexte, la collaboration des acteurs institutionnels avec les familles et les acteurs communautaires est essentielle. C’est d’ailleurs l’une des constatations de la SNPE, qui insiste sur la complémentarité des systèmes institutionnel/formel et communautaire/informel, qui doivent œuvrer en synergie pour la protection des enfants51
46 Observation générale n° 14 du Comité des droits de l’enfant sur le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale, CRC/C/GC/14 (29 mai 2013), paragr 5
47 Ibid., paragr 4
48 Transcription d’un Focus Group de filles
49 Ibid.
50 Ibid.
51 Stratégie nationale 2020-2024 de protection de l’enfant au Burkina Faso, paragr 39
Les acteurs du système de protection de l’enfance rencontrés ont tous mentionné l’impact décisif des leaders communautaires et religieux sur leurs communautés. La faible implication des leaders religieux et coutumiers dans la répression des cas de VSS envers les enfants nuit aux initiatives. En revanche, si ces leaders les appuient, les cas trouvent des résolutions parfois plus bénéfiques pour l’enfant.
Les pratiques judiciaires présentent un obstacle au respect de l’intérêt supérieur d’un enfant victime d’inceste. Il est coutume d’exiger que les deux parents ou tuteurs de l’enfant déposent conjointement. Or dans la pratique, il apparait que dans les cas où l’auteur des violences est l’un des parents, généralement le père, la mère refuse souvent de porter la plainte52
En outre, nous ne disposons pas des informations suffisantes pour établir quand et comment est invoqué l’intérêt supérieur d’un enfant par les juges dans les cas de violences sexuelles. Cela dit, il est à noter que plusieurs acteurs du système judiciaire nous ont rapporté que ce principe était utilisé pour justifier de nombreuses décisions, sans que des arguments valables ne soient apportés. Nous n’avons pas non plus l’assurance d’une réelle participation de l’enfant dans la définition d’une solution judiciaire ou para-judiciaire qui soit dans son intérêt supérieur. De plus, nous n’avons pas d’informations suffisantes quant à l’exercice du pouvoir discrétionnaire des procureurs qui qualifient les actes de violences sexuelles commises envers un enfant. Rappelons que l’intérêt de l’enfant doit dicter la décision du procureur et que la qualification des faits en un crime de moindre gravité ou un délit ne peut être une pratique généralisée. Enfin, l’absence de certificat médical ne devrait pas constituer un obstacle à la prise d’une décision dans l’intérêt de l’enfant et ne devrait pas empêcher d’enclencher une poursuite pour crime de viol ou pour tout crime connexe. Il est maintenant notoire qu’une victime d’agression sexuelle, et de surcroît un enfant, ne signalera que très rarement l’agression dans les 72 heures. Au-delà des justifications évoquées plus haut, l’état psychologique dans lequel se trouve une victime l’amènera plutôt à se cacher, à se laver et à ne pas en parler.
Protection contre toute forme de discrimination
Tous les enfants doivent être traités de façon juste et équitable, quelle que soit leur situation personnelle ; c’est un principe de la CDE et un engagement pris par le Burkina Faso. Certains enfants ont des vulnérabilités particulières, et les acteurs du système de protection doivent s’adapter, afin de veiller à ce que les enfants reçoivent la même qualité de services et de protection, quelles que soient leurs spécificités. Le Comité des droits de l’enfant a publié, à cette fin, des observations générales sur la mise en œuvre des droits des enfants en situation de rue53, des adolescents54, des filles55, des enfants en situation de handicap56, des enfants en conflit avec la loi57, des enfants dans la petite enfance58 et des enfants non accompagnés ou séparés59. Cela démontre que la mise en œuvre des droits de l’enfant doit nécessairement tenir compte des conditions personnelles de
52 Atelier sectoriel justice et travail social, 1er et 2 février 2022
53 Observation générale no 21 du Comité des droits de l’enfant sur enfants en situation de rue, CRC/C/GC/21 (21 juin 2017)
54 Observation générale no 2 du Comité des droits de l’enfant sur la mise en œuvre des droits de l’enfant pendant l’adolescence, CRC/C/GC/20 (6 décembre 2016)
55 Recommandation générale/Observation générale conjointe no 31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et no 18 du Comité des droits de l’enfant sur les pratiques préjudiciables, CRC/C/GC/18/Rev 1 (8 mai 2019)
56 Observation générale no 9 du Comité des droits de l’enfant sur les droits des enfants handicapés, CRC/C/GC/9 (13 novembre 2007)
57 Observation générale no 24 du Comité des droits de l’enfant sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour enfants, CRC/C/GC/24 (18 septembre 2019)
58 Observation générale no 7 du Comité des droits de l’enfant sur la mise en œuvre des droits de l’enfant dans la petite enfance, CRC/C/GC/7/Rev 1 (20 septembre 2006)
59 Observation générale no 6 du Comité des droits de l’enfant sur le traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine, CRC/GC/2005/6 (1er septembre 2005) l’enfant. Il est donc indispensable que les professionnels sachent distinguer la situation spécifique de chaque enfant et adapter les mesures et procédures en conséquence et de manière équitable.
Les acteurs du système de santé, de l’éducation et du travail social ainsi que les RPE et les associations ont relevé l’importance d’être compétent pour fournir des services sexospécifiques et adaptés aux enfants lorsque nécessaire. Les travailleuses et les travailleurs sociaux ont également mentionné la nécessité d’offrir des services adaptés aux enfants handicapés. Par opposition, certaines réponses reçues lors de l’atelier sectoriel avec les FDS laissent entendre une mauvaise compréhension du concept de non-discrimination chez certains membres. Par exemple, lors de l’atelier sectoriel FDS, certains participants ont décrit la non-discrimination comme « l’écoute attentive des enfants sans discrimination » ou « le bon accueil à l’enfant sans discrimination60 ». Le principe d’équité était quant à lui principalement décrit comme le fait d’offrir le même service à tous les enfants quelles que soient leurs conditions personnelles, plutôt que comme le fait d’identifier et d’utiliser les mesures d’accommodement nécessaires aux particularités de l’enfant. Cela dit, certains acteurs rencontrés ont évoqué des exemples de la manière dont ils mettent en œuvre le principe de non-discrimination auprès des enfants victimes de violence :
Secteurs
Forces de sécurité
Justice
Exemples de mesures évoquées pour mettre en œuvre le principe de non-discrimination
Audition de l’enfant par un agent du même sexe lorsque c’est possible
Existence des chambres de justice qui ont compétence exclusive en matière de violences à l’égard des femmes et des filles
Prise en charge gratuite des enfants indigents
Santé
Éducation
Attention portée au fait qu’un enfant puisse avoir honte de s’exprimer devant tel ou tel agent
Implication effective des enfants vivant avec des handicaps dans des classes
Activités dorénavant offertes à tous les enfants et non en fonction de leur sexe (ex. : les garçons assistent maintenant aux activités en lien avec la gestion hygiénique des menstruations, et les filles participent aux cours d’éducation physique et sportive qui étaient autrefois réservés aux garçons)
Bien que certaines mesures soient prises par les acteurs du système de protection pour mettre en œuvre le principe de non-discrimination, l’ensemble des professionnels ont mentionné manquer de formation et de ressources pour intervenir auprès d’enfants présentant des profils particuliers, notamment les enfants qui ont été victimes de violences sexuelles et sexistes, ceux associés aux groupes armés, en situation d’urgence, en conflit avec la loi ou encore non accompagnés ou séparés61
60 Atelier sectoriel FDS, 13 et 14 janvier 2022
61 Pour accéder aux informations détaillées par secteur, consulter l’Annexe III – Besoins en formations identifiés par les professionnelles et les professionnels interrogés
Participation de l’enfant
L’enfant a le droit de s’exprimer, d’être écouté et de participer effectivement à la prise de décisions le concernant. Sa participation implique un dialogue entre les enfants et les adultes du système de protection au regard des décisions et des actions prises à leur égard62. De ce fait, la participation de l’enfant doit être effective, et ses propos réellement pris en compte. En résumé, l’enfant doit être un participant actif, et ceci se matérialise de façon continue dans sa trajectoire auprès des acteurs du système de protection, et ce, le cas échéant, jusqu’à sa réhabilitation.
« La présente loi garantit à l’enfant le droit de participer aux décisions le concernant. Il lui est donné la possibilité d’exprimer ses opinions et d’être écouté dans toutes les procédures judiciaires et administratives relatives à sa situation. Les opinions de l’enfant sont prises en considération en tenant compte de son âge et de son degré de maturité. »
Loi n° 015-2014/, article 4.
L’ensemble des acteurs considère important de faire participer l’enfant au processus, ce qui constitue d’ailleurs l’un des vecteurs de la Stratégie nationale de protection de l’enfant 2020-2024. Selon eux, mettre en application se principe consiste à expliquer le processus et les enjeux à l’enfant, dans un langage adapté à son âge, et de lui demander son avis sur les mesures à prendre. Toutefois, la mise en place de mesures pour prendre en considération l’avis de l’enfant dans toute prise de décision n’a pas toujours été démontrée de façon concrète par les acteurs sondés.
Dans sa dimension collective, le principe de participation demande à entendre l’avis des enfants sur les problèmes qui les concernent et à leur donner les moyens de trouver et de mettre en œuvre des initiatives et des solutions. Ainsi, les membres des RPE et du milieu de l’éducation ont affirmé que des enfants sont impliqués dans l’élaboration de leur plan d’action. Par exemple, dans les écoles, le bureau des élèves est impliqué lors des sessions du conseil de discipline, et les élèves des clubs deen-kan participent à l’élaboration des règlements intérieurs de leur école. Malgré tout, la participation de l’enfant reste un défi selon les acteurs du système de protection rencontrés. D’abord, l’insuffisance de ressources humaines, matérielles et financières représente une embûche à leur participation active. Dans les écoles, il peut ainsi y avoir uniquement une ou deux personnes responsables de la vie scolaire alors que l’institut accueille de très nombreux enfants. Dès lors, ce personnel n’a pas la capacité de s’occuper adéquatement de l’enfant et de le faire participer effectivement. D’autres professionnels ont de la difficulté à se déplacer pour rencontrer l’enfant au sein de sa famille et manquent de moyens pour assurer le transport. De plus, bien que les structures des RPE et le milieu scolaire tentent d’impliquer les enfants, ceux-ci ne disposent pas de suffisamment de temps pour participer aux activités, compte tenu de leurs obligations scolaires. Enfin, certains parents éprouvent des réticences à laisser leur enfant participer à ces activités ; ces parents estiment, par exemple, que l’école « gâte » les enfants, c’est-à-dire qu’elle les détourne de la tradition, des travaux champêtres et des pratiques traditionnelles. Les activités de sensibilisation sur les questions de violences sexuelles et sexistes rendent, selon eux, les enfants moins respectueux ou les amènent à adopter des comportements « occidentaux » qui feront que, par exemple, une fille refusera de se marier et de faire beaucoup d’enfants.
En tant que victimes de crimes, les enfants sont des acteurs cruciaux en cas de poursuites judiciaires. Pourtant, ces enfants sont souvent réticents à participer aux procédures. Pour le personnel de justice, cette réticence s’expliquerait par le manque de cadre juridique ou encore par les délais des plaintes, qui rendent difficile l’obtention de preuves médicales, car les marques physiques se sont estompées. Nous savons pourtant que de nombreux facteurs, y compris la lenteur du processus et sa complexité, peuvent pousser les enfants à vouloir se retirer des procédures judiciaires.
62 Loi n° 015-2014/AN portant protection de l’enfant en conflit avec la loi ou en danger (13 mai 2014), article 4
Droit d’être traité avec dignité et empathie
Nous le savons, et tel que le prévoit la Constitution, chaque enfant doit être traité comme une personne à part entière, ayant des besoins, des souhaits et des sentiments qui lui sont propres. Les personnes qui interviennent auprès des enfants doivent utiliser des techniques d’écoute et de communication appropriées à l’enfant ainsi qu’à son niveau de développement63. Ces professionnelles et professionnels doivent veiller à organiser un environnement sensible, adapté et centré sur l’enfant.
Compte tenu des perceptions associées aux violences sexuelles et sexistes au Burkina Faso, il est particulièrement important pour les acteurs du système de protection de l’enfance de traiter les victimes de VSS avec dignité et empathie. Cela dit, les professionnels de la santé se sont donnés pour défi de trouver les mots adéquats lors de leurs interactions avec les enfants, en particulier lorsqu’il s’agit de parler de violences sexuelles et sexistes. La crainte qu’ont les enfants de parler ou de se confier les pousse à dissimuler la gravité des violences subies ; c’est une situation à laquelle les professionnels de la santé et des autres secteurs sont fréquemment confrontés, sans pour autant être suffisamment outillés pour maîtriser les méthodes d’approche et d’intervention visant la protection des enfants contre les VSS.
L’ensemble des acteurs considèrent nécessaire d’être compétent pour interagir de manière adéquate avec les enfants, ou encore d’avoir une approche adaptée, humaine et spécifique à l’enfant concerné. Les acteurs rencontrés ont mentionné l’importance d’établir une relation de respect et de confiance avec l’enfant. Lors d’un groupe de discussion, un enfant interrogé a mentionné les lacunes de certains agents de police dans leurs communications avec les enfants : « Certains policiers sont agressifs envers nous, ils nous parlent mal 64 » Des policiers et des gendarmes consultés affirment d’ailleurs avoir besoin de formation supplémentaire en matière d’écoute active des enfants et de recueil de la parole des enfants. Ce désir semble partagé par les enfants interrogés lors des entretiens : « Nous voulons qu’ils essayent de comprendre les enfants, de les écouter pour pouvoir nous aider 65 »
Les enfants rencontrés ont fait part de failles du personnel éducatif en réponse aux violences entre ou envers les élèves. Selon un enfant, « [i]l y a des professeurs, quand tu viens pour faire des réclamations, ils te disent d’aller parler à ton père66. » Les surveillantes et les surveillants dans les écoles, qui côtoient régulièrement les élèves, ne disposent pas toujours de la capacité d’établir une relation de confiance qui pourrait s’avérer déterminante dans la protection de l’enfant. Selon une autorité du secteur de l’éducation, « les surveillants, il faut qu’ils soient vigilants. Il ne s’agit pas de voir seulement que l’enfant est rentré en classe, il faut suivre les enfants pour voir ce qu’ils ont, et les écouter souvent. La plupart du temps, si vous voyez que les enfants craignent d’aller vers les surveillants, c’est parce qu’il y a eu de la pression et ça dépend de comment vous traitez les enfants, ils n’ont plus confiance en vous. Ils se disent que lorsqu’ils vont vers ces derniers, ils vont s’énerver, donc ils se replient sur eux-mêmes67 »
La crise sécuritaire qui sévit au Burkina Faso a engendré de nouvelles réalités auxquelles les professionnels du système de protection de l’enfant doivent s’adapter. Les militaires consultés disent rencontrer beaucoup de difficultés lors de leurs premiers contacts avec des enfants ayant besoin d’appui en santé mentale. Ils ont également souligné manquer de compétences leur permettant d’interagir de façon adaptée auprès des enfants associés aux groupes armés et d’avoir une pratique adaptée à ce profil d’enfant lors de leurs contacts.
63 Résolution 2005/20 adoptée par le Conseil économique et social des Nations Unies Lignes directrices en matière de justice pour les enfants victimes et témoins d’actes criminels (22 juillet 2015)
64 Transcription d’un groupe de discussion de garçons
65 Transcription d’un entretien avec une jeune fille réalisé dans un centre accueillant les enfants en difficulté
66 Transcription d’un groupe de discussion de filles
67 Entretien avec la Direction générale de l’encadrement pédagogique, de la formation initiale et continue du MENAPLN
Droit à la sécurité
Les enfants rencontrés lors des ateliers ont une vision très contrastée des policiers, des gendarmes et des militaires. D’un côté, des enfants affirment au sujet des agents : « [Ils] se comportent bien avec nous. Ils assurent la sécurité des enfants contre ceux qui circulent mal en ville, surtout ceux qui soulèvent le devant de leur moto et se mettent à l’aise les deux mains à l’air68 » De l’autre, certains enfants considèrent que les FDS ont parfois des comportements inadéquats envers eux : « Par moment, quand ils arrivent, ils frappent sans même poser de questions. Ce que les policiers disent de ne pas faire, ils le font souvent69 » Une jeune fille a confié craindre les forces de l’ordre, car « quand tu passes pour aller au marché, ils t’appellent pour prendre ton numéro. Si tu refuses, au retour, tu ne peux pas passer là-bas70 ». Ce type d’interactions et de violences sexistes installe un climat de crainte chez les enfants : « Souvent, quand on voit les policiers, on a peur71 » Il en va de même pour les militaires : alors que des enfants affirment que les militaires « protègent les enfants et même le pays72 » et qu’ils « protègent contre les mauvaises personnes, [et] luttent contre les djihadistes qui nous détruisent73 », d’autres considèrent qu’« ils se mettent trop en colère rapidement74 ».
La population burkinabè fait preuve de méfiance envers les acteurs du système de protection appartenant aux forces de défense et de sécurité. Selon eux, la « crise de confiance entre les FDS et les populations » le sentiment populaire que les gendarme sont perçus comme fidèles à leur corps de métier et le personnel militaire comme des « des bourreaux » et des « traîtres autoritaires »75 constituent des obstacles à leur rôle de protection des enfants.
Ils ont également mentionné les « réticences des communautés dans la collaboration » et la « crainte des militaires » comme justifiant de l’« approche difficile » pour les militaires, allant même jusqu’à mentionner subir des « agressions par la population »76. Cela dit, la crise humanitaire redistribue les cartes en ce qui a trait à la perception des différents acteurs, ouvrant ainsi des opportunités de revalorisation du rôle de certains d’entre eux. Lors d’un atelier qui a rassemblé des enfants, certains commentaires plus positifs ont été formulés au sujet des membres des forces de sécurité : « [Ils] participent à la protection de l’enfant. Ce sont eux qui nous gardent maintenant, chaque nuit, on dort, on se réveille c’est parce qu’ils ne dorment pas. Ils nous défendent, par exemple, ils luttent contre les terroristes, ils veillent sur nous77 »
Par ailleurs, le personnel de l’éducation peut également représenter une source d’insécurité pour les enfants, particulièrement les jeunes filles. « [I]l y a de ces enseignants qui harcèlent leurs élèves en échange de bonnes ou de mauvaises notes78 », a confié un enfant. Les professionnelles et les professionnels présents à l’atelier sectoriel ont parlé de la « non-maîtrise des pulsions sexuelles » de certains collègues, aussi qualifiée de « petit avantage du métier »79. La réticence à dénoncer les violences sexuelles et sexistes commises par des collègues a été confirmée par certains des enseignants interrogés. Cela dit, il est important que les membres du corps enseignant sachent comment agir face à un manquement déontologique dans les cas impliquant un enfant, encouragent l’enfant à utiliser ses recours, et sachent reconnaître et dénoncer les lacunes de leur propre secteur, ce qui n’est pas toujours le cas. Au surplus, ils devraient s’abstenir de commettre eux-mêmes toute forme de violence, y compris à caractère sexuel et sexiste.
68 Transcription d’un groupe de discussion de filles
69 Transcription d’un groupe de discussion de garçons
70 Transcription d’un groupe de discussion de filles
71 Transcription d’un groupe de discussion de filles
72 Transcription d’un groupe de discussion de garçons
73 Transcription d’un groupe de discussion de garçons
74 Transcription d’un groupe de discussion de garçons
75 Décret n° 2014-328/PRES/PM/MESS/MENA/MATS du 2 mai 2014 portant création, attributions, composition, organisation et fonctionnement d’un Conseil national pour la prévention de la violence à l’école (CNPVE), article 6
76 Ibid.
77 Atelier sectoriel éducation, 14 et 15 décembre 2021
78 Transcription d’un groupe de discussion de garçons
79 Atelier sectoriel éducation
Droit à la vie, à la survie et au développement
L’enfant a le droit de disposer des ressources et des opportunités nécessaires pour se développer pleinement, et s’épanouir tant sur le plan mental que sur les plans physique, émotionnel, cognitif, social et culturel80. Le droit à la vie passe aussi par la nécessité d’assurer aux enfants la possibilité de grandir et de se développer dans un cadre favorable. D’une part, les acteurs du système de protection ont soulevé l’importance de retirer l’enfant d’un milieu pathogène ou dangereux lorsque son contexte familial a ou risque d’avoir des effets négatifs sur sa santé mentale, physique ou émotionnelle. La Loi n° 015-2014/AN portant protection de l’enfant en conflit avec la loi ou en danger octroie d’ailleurs aux juges le pouvoir discrétionnaire de prendre des mesures pour garantir la sauvegarde de l’intérêt supérieur d’un enfant qui est susceptible d’être en danger. Ces mesures comprennent, entre autres, le placement en famille ou en institution, afin de faire en sorte que l’enfant soit à l’abri de l’auteur des violences. Les juges peuvent également ordonner que l’enfant reste dans son milieu familial si tel est dans son intérêt supérieur.
D’autre part, l’enfant devrait pouvoir bénéficier du droit de recevoir les soins de santé appropriés lorsqu’il en a besoin. Cela dit, dans le milieu de la santé, l’insuffisance de ressources financières, matérielles et humaines entraîne des répercussions considérables sur les soins offerts aux enfants. Parmi ces carences, on note le manque d’infrastructures et d’équipements adéquats dédiés aux enfants. Certains établissements ne disposent pas d’infirmerie ou de ressources pour la prise en charge d’urgence des victimes de violences. De plus, les établissements ne disposent pas toujours des ressources et des moyens suffisants pour offrir un accompagnement adéquat aux victimes, notamment aux victimes de violences sexuelles. Il nous a d’ailleurs été mentionné que l’intervention du personnel de santé dépend parfois de la capacité à payer du patient, ce qui met en péril la santé des enfants : « Des fois, si un enfant part les voir, ils veulent l’argent et si tu n’as pas d’argent, ils ne te soignent pas81 » Cette pratique va à l’encontre du principe de non-discrimination.
L’insuffisance des ressources destinées à l’accompagnement des victimes entraîne souvent l’impossibilité, pour l’enfant victime, de bénéficier d’activités de réinsertion scolaire ou d’apprentissage professionnel. D’autre part, le nombre de places limité dans les écoles fait qu’il est souvent difficile de rescolariser les enfants victimes de violences. Certaines associations communautaires et membres des RPE doivent assumer les frais de certains services offerts aux enfants, « y compris la scolarité des enfants82 ».
Il est à noter que le soutien moral et psychologique fourni par les acteurs sociaux a un impact considérable sur le bien-être des enfants. En effet, selon ceux qui ont pris part au groupe de discussion de Koudougou, l’action sociale a des effets positifs : « Avec plusieurs de leurs actions, ils permettent aux enfants de s’intégrer dans la société, de se sentir aimés, de recevoir des conseils et surtout, par leur exemplarité, ils montrent aux enfants le droit chemin à suivre83 »
Droit au respect de la vie privée
« Sans préjudice des règles relatives à l’exercice de l’autorité parentale, l’enfant a droit à la protection de la loi contre les immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance et contre toutes atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. » LPE, Loi 015/2014, art. 5
Le droit au respect de la vie privée signifie que l’enfant a droit à la préservation de son intimité. Les acteurs du système de protection de l’enfance ne peuvent s’immiscer arbitrairement dans la vie de l’enfant ou poser des questions qui outrepassent les faits relatifs au dossier84. Par ailleurs, les
80 Convention relative aux droits de l’enfant (1989) (R – 31 08 1990), article 6
81 Transcription d’un groupe de discussion de garçons
82 Transcription des échanges tenus lors d’un groupe de discussion de garçons
83 Transcription des échanges survenus lors d’un groupe de discussion de garçons
84 Convention relative aux droits de l’enfant (1989) (R – 31 08 1990), article 16 acteurs ont un devoir de confidentialité par rapport à l’enfant. En d’autres termes, ils doivent veiller à ce que toutes les informations qui concernent l’enfant victime ou témoin ne soient accessibles qu’aux personnes dont l’accès est nécessaire et autorisé.
Certains acteurs85 ont souligné l’importance de limiter le nombre de personnes ayant accès au dossier de l’enfant victime et de ne partager que les informations strictement nécessaires au bon déroulement du processus. Cela dit, il nous a été rapporté que dans la pratique, les informations sont parfois relayées à des collègues qui n’en ont pas besoin pour accomplir leur mission ou même qui n’interviennent pas auprès de cet enfant.
Les professionnelles et les professionnels travaillant auprès des enfants ont mentionné l’importance d’écouter les enfants dans un lieu qui soit à l’abri des regards. Le personnel de la santé rencontré déclare avoir l’habitude de demander aux personnes accompagnant l’enfant de se retirer de la salle afin de pouvoir discuter en privé. Pourtant, il nous a été rapporté que dans la pratique, il s’avère souvent difficile d’avoir accès à un local assurant la confidentialité des échanges. Cette réalité est la même pour la majorité des secteurs. De plus, les dossiers sont fréquemment exposés à la vue de tous dans le bureau, et l’anonymisation des dossiers des enfants n’est pas une pratique courante.
Par ailleurs, les professionnelles et les professionnels travaillant auprès des enfants ont affirmé prendre des mesures concrètes pour assurer le respect de la vie privée des enfants et garantir la confidentialité des informations les concernant en précisant que pour nombre d’entre eux, il s’agit d’une obligation déontologique86 ; pour autant, il nous a été mentionné que plusieurs acteurs ne connaissent pas l’existence ou le contenu des textes qui exigeraient la protection des données personnelles des enfants victimes.
Lorsqu’un enfant est appelé à participer au processus de justice, en tant que témoin ou victime, sa participation doit rester confidentielle ; il n’est donc pas permis de faire connaître le nom de l’enfant impliqué ou de donner des renseignements qui pourraient permettre de l’identifier87. Dans le contexte des VSS, le processus judiciaire du Burkina Faso prévoit que lorsqu’un enfant est accusé d’avoir commis des violences sexuelles ou sexistes, le juge peut ordonner que l’audience se déroule à huis clos et interdire la diffusion de l’identité de l’enfant concerné dans les médias88. Cela dit, il n’existe aucune obligation de confidentialité et de protection de la vie privée de la victime lorsque son agresseur est un adulte et que l’affaire est entendue devant le système judiciaire pour adultes, ce qui est problématique.
85 Plus particulièrement les membres des forces de sécurité, des RPE ainsi que les travailleurs sociaux
86 Il en est ainsi pour les travailleurs sociaux, les forces de sécurité, le personnel de santé ainsi que les magistrats
87 Observation générale no 24 du Comité des droits de l’enfant sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour enfants, CRC/C/GC/24 (18 septembre 2019), paragraphe 67
88 Loi n° 015-2014/AN portant protection de l’enfant en conflit avec la loi ou en danger, article 74