Crises et totalitarismes

Page 1

Chronologies des principaux événements à caractère violent conduisant à la Seconde Guerre mondiale et à la Shoah

PDF générés en utilisant les outils open source mwlib. Voir http://code.pediapress.com/ pour plus d’informations. PDF generated at: Mon, 28 Jun 2010 20:03:30 UTC


Contenu Articles Putsch de Kapp

1

Putsch de la Brasserie

2

Incendie du Reichstag

14

Loi des pleins pouvoirs

18

Autodafé

22

Nuit des Longs Couteaux

25

Nuit de Cristal

45

Anschluss

58

Campagne de Pologne (1939)

75

Shoah

87

Références Sources et contributeurs de l'article

147

Source des images, licences et contributeurs

148

Licence des articles Licence

152


Putsch de Kapp

1

Putsch de Kapp Le putsch de Kapp est une tentative de putsch réalisée entre le 13 mars et le 17 mars 1920 par une brigade menée par Wolfgang Kapp (1858–1922), fondateur en 1917 du Parti allemand de la patrie avec Alfred von Tirpitz, et le général Walter von Lüttwitz. Il s’inscrit dans la longue série de troubles intérieurs que connaît la république de Weimar jusqu’en 1924. En 1919, un Corps francs, la « brigade Ehrhardt », est créé. Mais, anti-républicains, ils représentent une menace pour la république de Weimar. Les Alliés exigent sa dissolution, acceptée par le Gouvernement du Reich.

Entrée de la brigade Erhardt à Berlin

Le 13 mars 1920, une brigade de 6000 hommes commandée par Kapp marche sur Berlin pour contraindre le gouvernement à revenir sur sa décision. L’armée refuse de tirer sur les insurgés (« La Reichswehr ne tire pas sur la Reichswehr »), et le gouvernement est contraint de s'enfuir à Stuttgart. Kapp forme alors un nouveau gouvernement provisoire. Mais il est confronté à une grève générale de quatre jours déclenchée par les partis de gauche (KPD, SPD et USPD) et les syndicats, qui bloque toute l’économie, et à la résistance des fonctionnaires berlinois. De plus, la Reichsbank refuse de financer davantage ses troupes. Le 17 mars, Kapp est contraint de fuir vers la Suède, mais revient néanmoins en Allemagne, où il est arrêté. Il décèdera en 1922, avant son procès.


Putsch de la Brasserie

2

Putsch de la Brasserie Le putsch de la Brasserie, ou putsch de Munich, fut une tentative de prise du pouvoir par la force en Bavière menée par Adolf Hitler, dirigeant du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP), dans la soirée du 8 novembre 1923. Elle se déroula principalement à la Bürgerbräukeller, une brasserie de Munich. Hermann Göring, Ernst Röhm, Rudolf Hess, Heinrich Himmler et Julius Streicher y participèrent notamment. Soutenue par le général Erich Ludendorff, et acceptée dans un premier temps par le triumvirat dirigeant la Bavière, composé de Gustav von Kahr, Otto von Lossow et Hans Ritter von Seisser, elle se termina dans la confusion et par un échec total des putschistes. Condamné à cinq ans de détention, Adolf Hitler ne passa finalement que moins de quatorze mois à la prison de Landsberg, mettant son incarcération à profit pour rédiger Mein Kampf.

Timbre commémoratif de 1935

Si l'épisode est en lui-même mineur dans l'histoire de la République de Weimar, il devint l'un des mythes fondateurs du régime nazi, qui organisa sa commémoration annuelle et érigea le Blutfahne au rang de symbole. Il constitua un tournant dans l'histoire et la stratégie du mouvement nazi. Hitler tira en effet toutes les leçons de ce fiasco, renforça son pouvoir sur le parti et tenta de bénéficier du soutien des milieux conservateurs et de l'armée, volonté qui s'illustra notamment par l'organisation de la nuit des Longs Couteaux.

Le contexte Le parti nazi Depuis le 29 juillet 1921, Adolf Hitler est le dirigeant incontesté du parti nazi : « il n'était alors qu'un agitateur de brasserie : une célébrité locale assurément, mais à peine connue ailleurs[1] ». Son parti est doté d'une aile paramilitaire depuis 1920, la section de gymnastique et de sport, créée et commandée par Ernst Röhm, rebaptisée Sturmabteilung (SA) en octobre 1921[2] . À l'instar de nombreuses autres organisations paramilitaires de droite et de gauche, elle entretient une violence politique endémique dans les premières années de la République de Weimar, notamment illustrée par l'assassinat de Walther Rathenau[3] . Adolf Hitler en tournée de propagande en 1923 Hitler ne dédaigne pas de participer aux actions de sa milice : à la suite d'une rixe destinée à empêcher la tenue d'une réunion du Bayernbund, une ligue séparatiste bavaroise dirigée par Otto Ballerstedt[4] , le 14 septembre 1921[5] , il est condamné en janvier 1922 pour attentat à la liberté de réunion et coups et blessures[6] , à une peine légère : trois mois de prison dont deux avec sursis, celui-ci étant subordonné à sa bonne conduite future[7] . De 1921 à 1923, Hitler renforce son parti, notamment avec l'arrivée de Julius Streicher, chef d'une importante organisation nationaliste en Franconie, d'Hermann Göring qui prend la direction de la SA en 1922, de Max Erwin von Scheubner-Richter, diplomate qui dispose d'un vaste cercle de relations, et, via Max Amann, d'Ernst Hanfstaengl, issu de la haute bourgeoisie munichoise[8] , qui assure le financement du parti. Les fonds recueillis par ce dernier permettent notamment d'intensifier la propagande nazie via le Völkischer Beobachter[9] . Par l'entremise


Putsch de la Brasserie de Rudolf Hess, Hitler est reçu par Erich Ludendorff en 1921, puis, grâce à Göring, noue des contacts, peu concluants, avec Hans von Seeckt et Otto von Lossow[10] . Début mai, il rencontre également Gustav von Kahr à la demande de celui-ci, sans résultat, les deux interlocuteurs cherchant mutuellement à se neutraliser et à s'utiliser l'un l'autre[11] . La marche sur Rome menée par Benito Mussolini le 28 octobre 1922 persuade Hitler qu'il peut accomplir en Allemagne ce que Mussolini a réussi en Italie[12] . Cette conviction est renforcée par l'élan nationaliste qui suit l'occupation de la Rhénanie et de la Rhur par les troupes françaises, en raison du retard pris par l'Allemagne pour payer les réparations prévues par le traité de Versailles ; cette occupation suscite une vague d'unité nationale, une politique de résistance passive impulsée par le gouvernement de Wilhelm Cuno[13] , et génère de Benito Mussolini lors de la marche sur Rome nombreux affrontements et attentats, comme ceux commis par Albert Leo Schlageter. Craignant que l'attitude du gouvernement et la protestation populaire ne lui coupent l'herbe sous le pied, Hitler rend les « criminels de novembre » responsables de l'invasion de la Ruhr et interdit à ses partisans de participer à une résistance active menée sous l'égide de l'unité nationale[14] ,[15] . Cette position « déplaît souverainement » au gouvernement bavarois et à la Reichswehr[16] . L'occupation de la Ruhr permet toutefois au parti nazi d'augmenter ses effectifs de 35000 recrues de février à novembre 1923, ce qui porte ses effectifs à 55000 membres et fait naître les premiers soupçons d'un putsch[17] . La crise économique et l'hyperinflation font elles aussi le lit du parti nazi[18] : en janvier 1923, un dollar vaut 17972 marks, en août 4620455, en septembre 98860000, en octobre 25260280000 et en novembre 4200 milliards[19] . En 1923, le parti nazi est l'élément le plus important du paysage politique bavarois, non en raison de son importance numérique[20] , mais pour sa nature et son potentiel, son rôle de catalyseur et sa capacité à la radicalisation[21] ; il est le parti le plus dynamique, le mieux adapté à une mobilisation populaire[22] . Le parti nazi n'a toutefois pas encore des moyens à la hauteur de ses ambitions. Sur l'initiative d'Hitler, il tente, avec d'autres organisations nationalistes regroupées au sein de l’Arbeitsgemeinschaft, d'empêcher par la force le défilé des forces de gauche à l'occasion du premier mai à Munich. Cette tentative se solde par un échec : les milices de l’Arbeitsgemeinschaft, encerclées par la police, ne peuvent effectuer aucune action[23] .

La radicalisation en Bavière Afin de rétablir l'ordre, le nouveau gouvernement de la république, conduit par Gustav Stresemann, accepte d'exécuter les obligations imposées à l'Allemagne par le traité de Versailles, ce qui constitue une trahison pour les nationalistes[24] . Dans le but d'éviter un soulèvement, le gouvernement bavarois nomme, le 26 septembre 1923[25] Gustav von Kahr commissaire général, qui forme un triumvirat avec le chef de l'armée bavaroise Otto von Lossow et le chef de la police, Hans Ritter von Seisser : le nouveau pouvoir interdit une série de réunions prévues par le parti nazi le 27 septembre 1923 afin de renverser le gouvernement de Berlin[24] . L'imbroglio entre autorités fédérales et régionales, entre décideurs politiques et militaires est complet : alors que Stresemann demande en vain au président Friedrich Ebert de proclamer l'état d'urgence[26] , la Reichswehr en poste Gustav Stresemann en 1925 en Bavière sous le commandement de Lossow refuse d'obéir aux ordres du chef de l'armée Hans von Seeckt, et soutient Kahr[27] . Lossow refuse également d'appliquer l'ordre d'interdire le Völkischer Beobachter, l'organe du parti national-socialiste[28] , ce qui fait dire à

3


Putsch de la Brasserie

4

Seeckt, le 22 octobre 1923, que la démarche du gouvernement bavarois est une ingérence dans le commandement militaire contraire à la Constitution[29] . À Berlin, Seeckt projette de mettre sur pied une « dictature légale » pour pallier la crise, ce que Stresemann refuse. Il perd l'appui de l'armée et Seeckt lui annonce : « Monsieur le chancelier, on ne peut mener la lutte avec vous : vous n'avez pas la confiance des troupes »[30] . Les 1e et 2 septembre 1923 à Nuremberg, Adolf Hitler participe, aux côtés de Erich Ludendorff, au Deutscher Tag, durant lequel défilent pendant plus de deux heures 100000 paramilitaires nationalistes, dont de nombreux membres de la Reichsflagge d'Ernst Röhm ; à la suite de ce rassemblement le NSDAP, le Bund Oberland et la Reichsflagge sont regroupés, sur l'initiative d'Ernst Röhm[31] , au sein du Deutscher Kampfbund (Ligue de combat allemande), dont la direction militaire est confiée à Hermann Kriebel, la gestion à Max Erwin von Scheubner-Richter et la direction politique à Hitler, ce qui ne lui donne que peu de pouvoir réel[32] . La rumeur d'une marche sur Berlin se répand le 3 novembre[33] . Seeckt fait part au ministre de l'Intérieur qu'il ne tentera aucune action contre l'armée bavaroise : « La Reichswehr ne tire pas sur la Reichswehr »[34] ,[35] . D'octobre à début novembre s'engagent des négociations en tout sens, qui mènent à un véritable imbroglio, alors que la radicalisation se poursuit : le 20 octobre 1923, Kahr déclare que « la Bavière considère comme son devoir d'être à cette heure la forteresse de la germanité menacée[29] ». Les autorités bavaroises nouent des tractations avec les milieux et organisations nationalistes berlinoises, comme le Stahlhelm, afin de renverser le gouvernement fédéral[36] , ce qui n'empêche pas le chef de celui-ci, Streseman, de chercher le soutien des dirigeants bavarois[37] . Ces contacts ne débouchent sur aucun résultat. Gustav von Kahr (à gauche).

Mi-octobre, Hitler[38] rencontre Lossow, qui lors d'une réunion d'officiers a sévèrement critiqué le mouvement nazi ; il le fait changer de position, Lossow déclarant peu après, lors d'une nouvelle réunion d'officiers que la Reichswehr soutiendrait les efforts nationalistes d'Hitler. Le 24 octobre, Hitler expose ses vues politiques à Seisser, pendant qu'à son insu, Lossow négocie avec les responsables militaires des organisations nationalistes. Le 25 octobre, Hitler et le Dr. Weber, responsable du groupe paramilitaire Oberland, ont une entrevue avec Seisser et Lossow : Hitler leur expose son projet de mettre en place un directoire, dont il fera partie aux côtés de Ludendorff, Lossow et Seisser, mais sans Kahr ; il affirme également qu'il sait qu'il ne peut rien entreprendre sans le soutien de la police et de l'armée. Ces pourparlers se poursuivent quelques jours, eux aussi sans résultat[39] . Le 6 novembre, Kahr, Lossow et Seisser organisent, en l'absence d'Hitler, une réunion avec les responsables du Kampfbund, qui regroupe les milices nationalistes : ils y affirment leur volonté d'empêcher par la force toute tentative de putsch en Bavière. Cette position est confirmée le 8, lors d'une rencontre entre Kahr et Ludendorff : le renversement du gouvernement doit venir de Berlin et non partir de Munich[40] .


Putsch de la Brasserie

Le putsch Les préparatifs Craignant d'être lâché par les paramilitaires[41] en cas d'inaction contre le gouvernement fédéral ou pris de vitesse par les nouvelles autorités bavaroises[42] , Hitler maintient ses contacts avec le triumvirat bavarois ; mais, fort du soutien de Ludendorff, dont l'incontestable savoir-faire militaire s'accompagne d'une niaiserie politique sans bornes[43] , il décide de tenter un coup de force à une date dictée par l'urgence mais aussi d'une portée symbolique : le 9 novembre, date anniversaire de la proclamation de la république en 1918[44] . Le putsch est préparé par Hitler les 6 et 7 novembre ; le 7 au matin, il rencontre Weber, Ludendorff, Göring, Scheubner-Richter et Kriebel, responsable militaire du Kampfbund. Le putsch doit se produire à Munich, mais aussi dans les principales villes bavaroises, Regensburg, Augsburg, Ingolstadt, Nuremberg et Würtzburg : les Erich Ludendorff groupes armés nationalistes doivent y prendre le contrôle des gares, du télégraphe, du téléphone et des stations de radio, des bâtiments publics et des commissariats ; les dirigeants socialistes et communistes et les responsables syndicaux doivent être immédiatement arrêtés[45] . À Munich, les putschistes disposent d'au maximum 4000 hommes dont moins de la moitié proviennent du parti nazi ou de la SA : en face d'eux, 2600 policiers et soldats, mieux organisés et mieux armés que les putschistes et disposant de réserves[46] . La préparation du putsch fait naître de nouvelles rumeurs sur une tentative de prise du pouvoir, après celles qui ont couru en août et septembre : si Lossow les prend au sérieux et donne l'ordre à ses officiers supérieurs de réprimer tout coup d'État, en mentionnant spécifiquement Hitler comme en étant l'instigateur, Seisser, confiant dans les assurances qui lui ont été données par Ludendorff, ne prend pas position et Kahr, persuadé qu'Hitler et Ludendorff n'entreprendront rien sans l'avertir au préalable, demande que les mesures de sécurité pour la réunion du 8 novembre à la Bürgerbräukeller soient aussi légères et discrètes que possible[47] .

À la Burgerbräukeller Le soir du 8 novembre 1923, vers 19 heures[48] , Kahr, accompagné de Lossow et Seisser, arrive à la Bürgerbräukeller, une brasserie de Munich[49] ,[50] . Conformément aux instructions de Kahr, le dispositif policier est léger : douze officiers de la police criminelle sont présents dans la salle, trente membres de la Hauptwache (police de réserve) assurent le maintien de l'ordre à l'extérieur, le gros des forces de police étant stationné à plusieurs centaines de mètres. La salle est rapidement comble et ses portes sont fermées vers 19 h 15 [51] : le public, 3000 personnes[52] , comporte de hauts représentants des autorités Réunion nazie à la Bürgerbräukeller, vers 1923 politiques, policières et militaires bavaroises et des membres de la bourgeoisie et des professions libérales. Peu après 20 heures, Hitler arrive devant la brasserie dont les alentours sont remplis de curieux. Surpris par cette affluence, Hitler demande aux policiers présents de faire évacuer les lieux : ceux-ci appellent des renforts, font dégager les abords de la salle, puis renvoient les renforts dans leur cantonnement. Les premiers camions chargés de membres de la SA arrivent vers 20 h 10, suivis, vers 20 h 30, par des membres de la Stosstruppe[53] . Au début du discours de Kahr, peu après 20 h 30, et alors qu'il prononce la phrase « Même l'homme le plus énergique, même s'il possède les pouvoirs les plus étendus, ne peut pas sauver le peuple, s'il ne reçoit pas du peuple

5


Putsch de la Brasserie un appui actif, inspiré par l'esprit national », il est interrompu par un grand tumulte. Dirigé par Adolf Hitler, un pistolet à la main, un groupe d'hommes en armes fait irruption dans la salle et place une mitrailleuse en batterie à l'entrée de celle-ci. Après s'être difficilement frayé un chemin au sein de la foule compacte, Hitler et une poignée de ses hommes s'approchent de l'estrade, sur laquelle monte Hitler après avoir ramené le silence en tirant un coup de feu en l'air[54] . Vers 20 h 45, il adresse quelques mots au public : « La révolution nationale a éclaté. La salle est occupée par six cents hommes armés. Si le calme ne s'établit pas immédiatement, une mitrailleuse viendra sur la galerie. Le gouvernement bavarois est renversé, un gouvernement provisoire est formé.» Par vantardise et pour impressionner la salle[55] , il affirme également que « les casernes de la Reichswehr et de la police du land sont occupées, la Reichswehr et la police sont en marche sous leurs étendards à croix gammée[56] . » Hitler entraîne Kahr, Lossow et Seissler dans une pièce attenante, réservée par Hess[57] , et leur explique qu'il compte prendre la tête d'un nouveau gouvernement dont il assume la direction et dont font partie Ludendorff – qui n'est pas encore arrivé à la brasserie –, à la tête de l'armée, Lossow comme ministre de la Reichswehr, Seisser comme ministre de la police, Kahr se voyant attribuer le poste de régent de Bavière[58] . L'objectif de ce nouveau gouvernement est d'organiser une marche sur Berlin pour renverser le gouvernement fédéral. S'engagent alors, dans un climat de forte tension et sous la contrainte, des discussions confuses au cours desquelles les membres du triumvirat bavarois tergiversent et cherchent à temporiser. Après quinze minutes de discussion, l'absence d'accord n'empêche pas Hitler de retourner dans la salle principale de la brasserie, où l'ordre est assuré par Hermann Göring, pour déclarer à la foule qu'un accord sera obtenu dans les dix minutes qui suivent[59] , puis de retourner négocier. Pendant ce deuxième entretien, Hermann Göring en uniforme SA des cris Heil! Heil! s'entendent venant de la grande salle, et Ludendorff fait son dans les années 1920 entrée dans la pièce où se tiennent les négociations. Il proclame son soutien au projet d'Hitler : « Il s'agit de la patrie et de la grande cause nationale du peuple allemand et je ne peux que vous conseiller : venez avec nous, faites la même chose[60] . » Tour à tour, Lossow, Seisser et Kahr acceptent. Les nouveaux acolytes montent à la tribune et s'assurent de leur soutien mutuel : Hitler enflamme la salle en prononçant un violent réquisitoire contre les criminels de novembre[44] . Le discours d'Hitler et les brèves allocution de Kahr, Lossow et Seisser suscitent un tonnerre d'applaudissements et l'approbation générale du public[61] . Celui-ci est ensuite autorisé à quitter la salle, à l'exception d'un groupe d'otages, dont des membres du gouvernement et les principaux dirigeants de la police munichoise, arrêtés par Rudolf Hess, à la demande d'Hitler[62] .

En ville Si tout se passe comme prévu à l'intérieur de la brasserie, l'impréparation des putschistes se fait sentir à l'extérieur. Wilhelm Frick, chef de la section politique de la préfecture de police, réussit à paralyser l'action des forces de police, déjà largement acquises à la cause nationaliste[63] ,[64] , et Ernst Röhm occupe le Wehrkreis (quartier général du district militaire) vers 22 heures[65] , mais ne pense à en contrôler le central téléphonique qu'après une heure et demi, ce qui permet aux autorités légales d'appeler des renforts militaires de province[66] .

6


Putsch de la Brasserie

Membres des milices nazies lors du putsch

7 Confiant dans le ralliement de la Reichswehr, des autorités et de la population à son coup d'État et à son projet de marche sur Berlin, Hitler néglige de faire occuper systématiquement les centraux téléphoniques, les gares, les ministères et les casernes, qui restent donc sous le contrôle des autorités bavaroises[67] . Alors qu'Hitler se rend en ville pour y suivre le déroulement des opérations, Ludendorff autorise Kahr, Lossow et Seisser à rentrer chez eux. Ceux-ci en profitent pour renier leur soutien au putsch, obtenu, selon eux, sous la contrainte, et prennent contact avec l'armée, la police et les médias pour contrer l'action d'Hitler[44] .

L'action des putschistes en ville est particulièrement confuse et mal organisée : le 3e bataillon du régiment SA de Munich se procure 3000 fusils cachés dans le monastère de la place Sainte-Anne, puis ne prend plus part à aucune action, à l'exception de l'un de ses pelotons[68] . L'une des organisations participant au putsch, le groupe Oberland, échoue à investir la caserne du 19e régiment d'infanterie et à s'y emparer d'armes[69] et connaît la même absence de résultat à la caserne du génie. Dans la nuit, et après son succès au Wehrkreiskommando, Röhm tente en vain de s'emparer du quartier général de la ville[70] . Si la majorité des élèves de l'école d'infanterie se rallient au putsch, tel n'est pas le cas de la 7e division d'infanterie[71] . Réfugiés dans la caserne du 19e régiment d'infanterie, Kahr, Lossow et Seisser envoient, peu avant trois heures du matin, un message de la Reichswehr à toutes les stations de radio allemandes désavouant la tentative de putsch. Lossow donne également ordre à différentes unités de l'armée bavaroise de marcher sur Munich pour écraser le coup d'État[72] . Lorsque Gustav Stresemann prend connaissance des événements, il les condamne immédiatement[34] et déclare que toute aide aux putschistes est un acte de haute trahison.

La marche sur la Feldherrnhalle et l'échec final Le 9 novembre 1923, il est clair que les forces armées et la police sont restées loyales au régime légal[73] ; quant aux projets et tentatives de coup de force dans le reste de la Bavière, ils n'ont pas vu le jour ou bien connu un échec rapide[74] . Si le coup d'État semble avoir échoué, la confusion règne encore : depuis l'aube, la ville est couverte de proclamations contradictoires émanant des putschistes et du gouvernement bavarois[75] . En fin de matinée, Hitler et Ludendorff, persuadés que la Reichswehr ne tirera jamais sur « le stratège de la Première Guerre mondiale[76] » La Feldherrnhalle, dernière étape du putsch. rassemblent 2000 putschistes. Avec Hitler et Ludendorff à l'avant, les manifestants s'avancent à douze de front avec, en tête, les membres de la Stosstruppe, des SA et d’Oberland, suivis par des étudiants de l'école d'infanterie et les membres du corps de cavalerie de la SA, qui n'ont jamais reçu d'ordre depuis le début de putsch[77] . Le défilé débute sous les acclamations de la foule et passe sans encombre un premier barrage de police sur le Ludwigsbrücke surplombant l'Isar[78] . Peu après midi et demi, à l'approche de la Feldherrnhalle, les manifestants sont confrontés à un deuxième cordon de police : dans des circonstances particulièrement confuses[79] , un échange de coups de feu éclate et les manifestants se débandent[80] . Göring est grièvement blessé à la jambe, Max Erwin von Scheubner-Richter tué et Hitler a l'épaule démise. On dénombre quatre victimes parmi les policiers et seize morts chez les putschistes dont seulement cinq membres de la Stosstruppe, la garde rapprochée du Führer, la future SS. C'est de cet épisode que naît le mythe du Blutfahne, drapeau qui aurait été taché par le sang d'Ulrich Graf[81] , un des gardes du corps de Hitler qui lui aurait servi de bouclier, arrêtant de son corps les balles qui auraient pu tuer le futur Führer. La police arrête immédiatement, entre autres, Ludendorff et


Putsch de la Brasserie

8

Streicher, alors que Göring parvient à s'échapper. Hitler, qui s'est enfui dès les premiers coups de feu[82] , est arrêté le 11 novembre[44] dans la maison de campagne d'Ernst Hanfstaengl, où il s'est réfugié. Encerclé par la Reichswehr, dont des éléments sont arrivés d'Augsbourg, dans le bâtiment du commandement de la région militaire, Rhöm, dont le porte-drapeau est Heinrich Himmler[83] , exige du général Franz von Epp et du général Jakob von Danner, qui veulent sa reddition, un ordre de Ludendorff. Après avoir appris l'échec de la marche sur la Feldherrnhalle et l'arrestation de Ludendorff, il accepte la demande de von Danner, qui lui propose que ses hommes puissent quitter la place avec les honneurs militaires ; désarmés, les putschistes quittent le bâtiment et seul Röhm est immédiatement arrêté[84] .

Le procès Le procès des dirigeants putschistes[85] ,[86] , accusés de haute trahison contre le gouvernement et du meurtre de quatre policiers, deux crimes passibles de la peine Ernst Röhm en 1933. [87] ,[88] er de mort , se déroule du 26 février au 1 avril 1924, en partie à huis-clos. Afin de pouvoir mieux contrôler le déroulement des débats, les autorités bavaroises obtiennent que le procès se déroule devant le tribunal du peuple de Munich, et non devant la cour du Reich à Leipzig[89] . Tant les juges que les procureurs manifestent une évidente sympathie à l'égard des accusés et déploient tous leurs efforts pour ne pas impliquer Ludendorff, le président du tribunal, Neithardt,[90] , estimant qu'il « est le seul atout de l'Allemagne » ; des témoins essentiels ne sont pas invités à déposer et des pièces fondamentales ne sont pas produites, notamment afin de ne pas évoquer la complicité de Kahr, Lossow, Seiser[91] et de la Reichswehr dans le projet de renversement du gouvernement de Berlin[92] . Ce climat permet à Hitler de transformer le procès en une opération de propagande, « un carnaval politique[93] » et d'y prononcer de véritables discours[94] ; « s'il s'est montré piteux face à la police, il [Hitler] révèle lors de son procès son écrasante supériorité oratoire ». Le premier procureur va jusqu'à affirmer : « Hitler est un homme hautement doué qui, parti de peu, a atteint par son sérieux et son travail acharné une situation respectée dans la vie publique. Il s'est totalement sacrifié aux idées qui le pénétraient et il a pleinement accompli son devoir de soldat. On ne peut lui reprocher d'avoir utilisé à son profit la situation qu'il s'est faite[95] ». Hitler revendique sa totale responsabilité dans la tentative de coup d'État et déclare lors de son procès : « Je ne suis pas venu au tribunal pour nier quoi que ce soit ou éviter mes responsabilités. [...] [Ce putsch] Je l'ai porté seul. En dernière analyse, je suis le seul à l'avoir souhaité. Les autres accusés n'ont collaboré avec moi qu'à la fin. Je suis convaincu que je n'ai rien souhaité de mal. Je porte les responsabilités pour toutes les conséquences. Mais je dois dire que je ne suis pas un criminel et que je ne me sens pas comme tel, bien au contraire[96] . »

Les principaux accusés

Les peines prononcées sont particulièrement légères : Hitler, le préfet de police Pöhner, Kriebel et Weber sont condamnés à cinq ans de forteresse, avec déduction de leurs six mois de détention préventive ; les autres accusés, dont Ernst Röhm sont condamnés à des peines si légères qu'elles sont absorbées par leur détention préventive : ils sont libérés sur parole à l'issue du procès. Ludendorff est acquitté. Le tribunal justifie sa clémence en arguant que les putschistes « avaient été guidés par un pur esprit patriotique et par la plus noble des volontés[87] ». De plus Hitler échappe à l'expulsion vers l'Autriche, pourtant prévue par la section 9, §2 de la loi pour la protection de la république[97] ,[98] , qui selon les juges ne saurait s'appliquer à un homme tel qu'Hitler « qui pense et sent en


Putsch de la Brasserie

9

allemand[99] ». Malgré sa condamnation avec sursis de 1922, qui rendait légalement tout nouveau sursis impossible, Hitler sort par anticipation de prison le 20 décembre 1924, mais reste interdit de parole en public dans la majeure partie de l'Allemagne jusqu'en 1927 et interdit de séjour en Prusse jusqu'en 1928[100] .

Les conséquences Le NSDAP est interdit dès le 9 novembre, interdiction levée en avril 1925 à l'instigation du ministre de la Justice Franz Gürtner. Devenu illégal, privé de son chef, qui en a confié la direction ad interim à un Alfred Rosenberg « totalement incapable d'acquérir une autorité quelconque », en proie à des querelles entre factions notamment suscitées par Ernst Röhm ou par Julius Streicher, le parti nazi connaît une véritable éclipse et est au bord de la disparition pure et simple[101] . L'une des conséquences de la tentative de putsch est un changement de stratégie d'Adolf Hitler. Selon Georges Goriely, dans les années qui suivent, il évite de se donner une allure de putschiste et s'emploie plutôt à mettre dans son jeu les puissances traditionnelles[102] . Cette analyse est partagée par Robert O. Paxton : « Un exemplaire de Mein Kampf le putsch manqué de la brasserie[103] fut écrasé si ignominieusement par les patrons conservateurs de Bavière que Hitler se jura de ne plus jamais tenter de s'emparer du pouvoir par la force. Cela signifiait que les nazis allaient devoir respecter, au moins superficiellement, la légalité constitutionnelle, même s'ils n'allaient jamais abandonner les violences ciblées qui étaient un élément central de leur pouvoir d'attraction, ni les allusions aux objectifs plus vastes qu'ils comptaient poursuivre une fois au pouvoir[104] ». Pour reprendre la formule de Joachim Fest, « il ne faut pas en déduire [...] qu'Hitler était prêt à accepter la légalité comme une barrière inviolable, mais seulement qu'il était décidé à développer l'illégalité à l'abri de la légalité[105] »[106] . À la prison de Landsberg, Hitler dispose d'une cellule spacieuse et confortablement meublée dans laquelle il reçoit plus de cinq cents visiteurs pendant ses treize mois de détention ; à la suggestion de Max Amann, il dicte à Emil Maurice et Rudolf Hess un compte rendu de sa vie et de ses opinions qui paraît en 1925 : Mein Kampf[87] . « L'année qui aurait dû être celle du bannissement définitif du spectre de Hitler vit au contraire la genèse de sa prééminence absolue au sein du mouvement völkisch et de son ascension vers l'autorité suprême. Avec le recul, l'année 1924 apparaît comme le moment où, tel un phénix renaissant de ses cendres, Hitler put commencer à s'extraire des décombres d'un mouvement völkisch éparpillé pour devenir le chef absolu, dominant sans partage un parti nazi réformé, plus solidement structuré et mieux soudé[52] ».


Putsch de la Brasserie

10

La commémoration Dès 1924, la propagande national-socialiste s'est appliquée à donner au putsch une dimension héroïque qui s'amplifie encore après l'arrivée des nazis au pouvoir. À partir de 1933 se déroulent chaque année à Munich des commémorations à la mémoire des victimes nazies qui deviennent de véritables martyrs de l'Allemagne et du mouvement[107] : « Notre mouvement est né de toute cette détresse, et il a donc dû prendre des décisions difficiles dès les premiers jours. Et l'une de ces décisions a été la décision de mener la révolte des 8 et 9 novembre 1923. Cette décision a échoué en apparence à l'époque, seulement, c'est du sort des victimes que le salut de l'Allemagne a pu venir »[108] . Hitler dédie aux seize victimes de son parti, les Blutzeuge (littéralement témoins de sang) le premier volume de Mein Kampf. La médaille que le Führer décerne à tous ceux qui ont participé au putsch, Hitler pendant le congrès du parti de 1935 à le Blutorden, est la plus haute distinction du NSDAP. Un véritable Nuremberg. Derrière Hitler on peut apercevoir le mythe est mis en place autour du putsch. Le Blutfahne (drapeau du Blutfahne et son porteur officiel Jakob sang), qui désigne le drapeau porté par Andreas Bauriedl lors de la Grimminger marche des putschistes est élevé au rang d'objet de culte. À partir de 1926, il est glorifié lors des congrès du parti et est utilisé pour consacrer les drapeaux du parti et les fanions de la SS. Jakob Grimminger qui avait participé au putsch est le porteur officiel du Blutfahne[109] . « Elles [les victimes] deviennent le noyau d'un mythe qui joue un rôle significatif dans l'arrivée du parti [nazi] au pouvoir. À travers elles, un échec ignominieux est transformé en un glorieux défi à la tyrannie[73] ». À Munich, sur la Königsplatz, Hitler fait ériger en 1935 deux mausolées pour les seize putschistes tués, dans lesquels leurs restes sont transférés[107] . Sur la Feldherrnhalle, Hitler fait poser une plaque devant laquelle est postée une sentinelle. Les passants doivent saluer la plaque du salut hitlérien à leur passage.

Un des mausolées en 1933

« Je me suis rendu à pied jusqu'à la Feldherrnhalle. On salue les morts. Acte solennel et somptueux. Le Führer leur rend un dernier hommage. Moment grandiose. Beau et efficace comme jamais. »

— Joseph Goebbels, 9 novembre 1935[110] . À l'arrivée des troupes américaines, les deux constructions de la Königsplatz sont dynamitées. Il n'en reste plus que les socles aujourd'hui. La plaque de la Feldherrnhalle est retirée en 1945 ; depuis 1993, une nouvelle plaque rappelle la mémoire des policiers tués.


Putsch de la Brasserie

Notes et références Références • (de) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en allemand intitulé « Hitler-Ludendorff-Putsch [111] » (voir la liste des auteurs [111]) (voir aussi [[|la page de discussion]]). [1] [2] [3] [4]

Ian Kershaw, Hitler. 1889-1936, Paris, Flammarion, 2001, p. 260 I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 265 Richard J. Evans, Le troisième Reich. L'avènement, Paris, Flammarion, 2009, p. 236—239 Né à Munich le 1er avril 1887, Otto Ballerstedt, dirigeant du Bayernbund, est l'un des rivaux politiques de Hitler en Bavière au tout début des années 1920. Il passe au second plan dès 1923 et cesse peu à peu toute activité politique notable. Cela ne l'empêche pas d'être arrêté lors de la nuit des Longs Couteaux et d'être assassiné le 30 juin ou le 1er juillet 1934 au camp de concentration de Dachau. [5] R. Evans, Le Troisième Reich, p. 236 [6] André Beucler, L'ascension d'Hitler. Du village autrichien au coup d'État de Munich, Paris, Éditions nationales, 1937, p. 214 [7] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 269 [8] André Beucler, L'ascension d'Hitler, p. 236 [9] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 249, 273, 288 [10] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 295-296 [11] Lionel Richard, D'où vient Adolf Hitler ? Tentative de démythification, Paris, Autrement, 2000, p. 151 [12] R. Evans, Le troisième Reich, p. 240—242 [13] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 291 [14] William L. Shirer, Le IIIe Reich, Paris, Stock, 2006, p. 77 [15] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 293 [16] André Beucler, L'ascension d'Hitler, p. 288 [17] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 290 [18] Elles suscitent également des insurrections menées par les communistes en Thuringe ou en Saxe, cf. I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 305 [19] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 304 [20] D'après un rapport de police, il compte cependant, à l'été 1923, 35000 membres à Munich et 150000 pour l'ensemble de la Bavière ; à titre ce comparaison, la Bund Bayern und Reich dispose de 60000 membres, nettement mieux formés militairement que ceux du parti nazi, cf. Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 64 et 110 [21] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, Princeton, Princeton University Press, 1972, p. 49 [22] Georges Goriely, 1933. Hitler prend le pouvoir, Bruxelles, Éditions Complexe, 1982, p. 52 [23] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 194-205 [24] Richard J. Evans, Le troisième Reich, p. 249—250 [25] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 306 [26] (de)Felix Hirsch, Gustav Stresemann 1878/1978, Berlin Verlag, Berlin, 1978, p. 49 [27] F. Hirsch, op. cit., p.49. [28] Jacques Delarue, Histoire de la Gestapo, Paris, Fayard, 1962, p. 19 [29] H. Möller, La république de Weimar, p. 182 [30] Christian Baechler, L'Allemagne de Weimar, 1919-1939, Paris, Fayard, 2007, p. 411-412 [31] R. Evans, Le troisième Reich, p. 247 [32] I. Kershaw., Hitler, 1889-1936, p. 302-303 [33] C. Baechler, L'Allemagne de Weimar, 1919-1939, p. 414 [34] C. Baechler, L'Allemagne de Weimar, 1919-1939, p. 415 [35] Seekt avait adopté la même attitude et tenu les mêmes propos lors du Putsch de Kapp, cf. H. Möller, La république de Weimar, p. 169 [36] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 246-251 [37] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 258 [38] D'après Beucler, Hiter, pourtant notoirement opposé à la restauration des Wittelsbach, aurait même tenté en vain, courant septembre, d'être reçu par le prince Rupprecht de Bavière, cf. André Beucler, L'ascension d'Hitler, p. 233 [39] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 252-255 [40] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 255-258 [41] Ceux-ci craignent notammet de ne plus percevoir de solde. Selon, Conrad Heiden, cité par A. Beucler, Ludendorff aurait déclaré à Lossow : « les troupes du Kampfbund meurent de faim et il devient difficile de les retenir », cf. André Beucler, L'ascension d'Hitler, p. 234 [42] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch,, p. 243-244 [43] Georges Goriely, 1933. Hitler prend le pouvoir, p. 52 [44] R. Evans, op. cit., p. 250-251 [45] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 259-260 [46] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 270-273

11


Putsch de la Brasserie [47] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 274-275 [48] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 282 [49] Cette section est basée, sauf mention contraire, sur Georges Bonnin, Le putsch de Hitler à Munich en 1923, Les Sables-d'Olonne, Georges Bonnin éditeur, 1966, p. 91-98, dont le récit se fonde sur le rapport rédigé par Lossow pour les autorités bavaroises en décembre 1923 [50] Si le rapport de Lossow est considéré comme fiable par Bonnin en ce qui concerne les faits, il doit être manié avec une grande prudence lorsqu'il évoque l'attitude de son auteur et celle de von Kahr et Seisser [51] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 282-283 [52] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 312 [53] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 283-284 [54] Il n'est pas certain qu'Hitler ait été l'auteur du coup de feu, qui a peut-être été tiré par un des membres de son entourage [55] William L. Shirer, Le IIIe Reich, p. 83 [56] Joachim Fest, Hitler. Jeunesse et conquête du pouvoir, Paris, Gallimard, 1973, p. 218 [57] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 286 [58] Selon Kershaw, Kahr se voit proposer le poste de chef de l'état (Landsverweser) et le préfet de police Pöhner celui de ministre-président, I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 313. [59] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 287 [60] Georges Bonnin, Le putsch de Hitler à Munich en 1923, p. 95. [61] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 289. [62] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 290. [63] Georges Bonnin, Le putsch de Hitler à Munich en 1923, p. 98-102. [64] Selon Lionel Richard, le préfet de police Poehner et son ajoint Wilhelm Frick soutiennent Adolf Hitler depuis 1920, cf. Lionel Richard, D'où vient Adolf Hitler, p. 151 [65] Georges Bonnin, Le putsch de Hitler à Munich en 1923, p. 124. [66] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 294 [67] Joachim Fest, Hitler jeunesse et conquête du pouvoir, Gallimard, Paris, 1974, p. 224 [68] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 292. [69] Georges Bonnin, Le putsch de Hitler à Munich en 1923, p. 102-106. [70] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 294. [71] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 302. [72] Georges Bonnin, Le putsch de Hitler à Munich en 1923, p. 95. [73] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 365 [74] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 366-388 [75] André Beucler, L'ascension d'Hitler, p. 247 [76] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 351. [77] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 353. [78] Georges Bonnin, Le putsch de Hitler à Munich en 1923, p. 113-124. [79] Si tous les auteurs s'accordent sur le fait que la fusillade a été déclenchée par un premier coup de feu isolé, ni le camp auquel appartenait le tireur, ni son identité ne sont établis avec certitude [80] Georges Bonnin, Le putsch de Hitler à Munich en 1923, p. 113-124. [81] La question de savoir qui a protégé le Führer et taché le drapeau de son sang a fait par la suite l'objet d'âpres débats au sein du parti nazi [82] Georges Goriely, 1933. Hitler prend le pouvoir, p. 53. [83] Joachim Fest, Hitler. Jeunesse et conquête du pouvoir, p. 226. [84] Georges Bonnin, Le putsch de Hitler à Munich en 1923, p. 124-127. [85] Sauf mention contraire, la présente section est fondée sur Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 479-485 [86] Trois autres procès furent organisés contre des membres de la Stosstrup Hitler qui avaient attaqué le Münchener Post, des participants au putsch ayant volé des billets de banque et les responsables d'un vol d'armes au monastère Sainte-Anne, cf. Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 475 [87] R. Evans, Le troisième Reich, p. 253 [88] Selon W. Shirer, la peine maximale était la détention à perpétuité, conformément à l'article 81 du Code pénal, cf. William L. Shirer, Le IIIe Reich, p. 93 [89] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 325 [90] Nommé par ministre de la justice bavaroise, le réactionnaire Franz Gürtner, Neithardt, connu pour ses convictions nationalistes, avait présidé les débats qui ont abouti à la condamnation d'Hitler à trois mois de prison, dont deux avec sursis en 1922, cf. R. Evans, Le troisième Reich, p. 252 [91] Tous trois ont démissionné le 18 février 1924, cf. H. Möller, La république de Weimar, p. 186 [92] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 323 [93] Joachim Fest, Hitler. Jeunesse et conquête du pouvoir, p. 229 [94] voir notamment, Georges Bonnin, Le putsch de Hitler à Munich en 1923, p. 148-162 [95] Joachim Fest, Hitler. Jeunesse et conquête du pouvoir, Paris, Gallimard, 1973, p. 231

12


Putsch de la Brasserie [96] Harold J. Gordon Jr., Hitler and the Beer Hall Putsch, p. 482 [97] Votée par le Reichstag, le 21 juillet 1922 et prorogée le 23 juillet 1927, cf. H. Möller, La république de Weimar, p. 116 [98] Cette loi n'est que partiellement appliquée en Bavière qui dispose de sa propre législation d'exception. C'est sur cette base qu'est notamment condamné, en octobre 1922, Felix Fechenbach, l'ancien secrétaire de Kurt Eisner, à onze ans de réclusion pour un délit de presse déjà ancien et qui aurait du bénéficier de la prescription, cf. Karl Dietrich Bracker, Hitler et la dictature allemande, Bruxelles, Éditions Complexe, 1995, p. 150 [99] I. Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 327 [100] R. Evans, Le troisième Reich, p. 257 [101] R. Evans, Le troisième Reich, p. 257 [102] Georges Goriely, 1933. Hitler prend le pouvoir, p. 53 [103] ou pour Paxton, « la conspiration de l'escalier de service » [104] Robert O. Paxton, Le fascisme en action, Paris, Seuil, 2004, p. 158 (ISBN 2020591928) [105] Joachim Fest, Hitler. Jeunesse et conquête du pouvoir, Paris, Gallimard, 1973, p. 233 [106] Ce concept de « l'illégalité à l'abri de la légalité » est notamment illustré par la nuit des Longs Couteaux au cours de laquelle Hitler élimine les principaux dirigeants de la SA, dont Ernst Röhm, et ôte à cette organisation toute indépendance, afin de conserver l'appui des milieux conservateurs traditionnels et de la Reichswehr. Il en profite également pour faire assassiner Kahr, l'un des responsables de l'échec du putsch. [107] William L. Shirer, Le IIIe Reich, p. 93 [108] (de)« Aus dieser ganzen Not ist unsere Bewegung entstanden, und sie hat daher auch schwere Entschlüsse fassen müssen vom ersten Tage an. Und einer dieser Entschlüsse war der Entschluss zur Revolte vom 8./9. November 1923. Dieser Entschluss ist damals scheinbar misslungen, allein, aus den Opfern ist doch erst recht die Rettung Deutschlands gekommen. » Discours d'Adolf Hitler du 9 novembre 1939 dans Bürgerbräukeller, cité dans : Philipp Bouhler: Der großdeutsche Freiheitskampf - Reden Adolf Hitlers vom 1. September 1939 bis 10. März 1940, Zentral-Verlag der NSDAP, Munich, 1940. [109] (en)Brian L. Davis / Malcolm McGregor, Flags of the Third Reich Party and Police Units, Osprey Publishing, 1994, p.4. [110] Joseph Goebbels, Journal. 1933-1939, Paris, Tallandier, 2007,p.256 [111] http:/ / de. wikipedia. org/ wiki/ Hitler-Ludendorff-Putsch

Sources • Joseph Goebbels, Journal (1923-1933), Tallandier, Paris, 2006. • Adolf Hitler, Mein Kampf, Les Nouvelles Éditions latines, 1934.

Bibliographie • Christian Baechler, L'Allemagne de Weimar, 1919-1939, Fayard, Paris, 2007, 483 p. (ISBN 978-2-213-63347-3) • André Beucler, L'ascension d'Hitler. Du village autrichien au coup d'État de Munich, Éditions nationales, coll. « L'histoire inconnue », Paris, 1937 • Georges Bonnin, Le putsch d'Hitler à Munich en 1923, Bonnin éditeur, Les Sables-d'Olonne, 1966, 230 p. • (de) John Dornberg, Der Hitlerputsch. 9 November 1923, Langen Müller, 1998. • Richard J. Evans, Le troisième Reich : L'avènement, Flammarion Lettres, coll. « Au fil de l'histoire », 2009, 800 p. (ISBN 978-2082101110) • Joachim Fest, Hitler jeunesse et conquête du pouvoir, Gallimard, Paris, 1974, 526 p. • (en) Harold J. Gordon, Hitler and the Beer Hall Putsch, Princeton University Press, Princeton, 1972, 666 p. (ISBN 0-691-05189-5)

• Georges Goriely, 1933. Hitler prend le pouvoir, Éditions Complexe, coll. « La mémoire du sièce », Bruxelles, 1985 • Ian Kershaw, Hitler, tome 1, 1889-1936, Flammarion, Paris, 1999 (ISBN 978-2082125284) • Ian Kershaw, Hitler : Essai sur le charisme en politique, Folio Histoire, 2001, (ISBN 978-2070419081) • Ian Kershaw, Le Mythe Hitler, Flammarion, Paris, 1987. • Host Möller, La république de Weimar, Tallandier, Paris, 2004, 367 p. (ISBN 2-84734-191-9) • Lionel Richard, D’où vient Adolf Hitler ? Tentative de démythification, Autrement, coll. « Mémoires, n° 64 », Paris, 2000, 3 p. (ISBN 2-86260-999-4) • William L. Shirer, Le IIIe Reich, Stock, Paris, 2006, 1257 p. (ISBN 2-234-02298-3)

13


Putsch de la Brasserie

14

• (de) Georg Franz-Willing, Putsch und Verbotszeit der Hitlerbewegung, November 1923 - Februar 1925, Preußisch Oldendorf: Schütz, 1977 La version du 18 septembre 2009 de cet article a été reconnue comme « article de qualité », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.

Incendie du Reichstag L’incendie du Reichstag, ou Reichstagsbrand en allemand, est l'incendie criminel du Palais du Reichstag, siège du parlement allemand à Berlin, dans la nuit du 27 au 28 février 1933. Immédiatement exploité par les nazis à des fins politiques, il est suivi par la proclamation de la Reichstagsbrandverordnung qui suspend sine die les libertés individuelles et par une campagne de répression dirigée contre les communistes allemands. L'identité du ou des incendiaires a fait l'objet de nombreux débats. Les historiens sont toujours partagés entre la thèse l'attribuant au seul communiste hollandais Marinus van der Lubbe et celle l'imputant aux nazis pour qui il s'agissait du « début de la révolte communiste » selon Hermann Göring.

Incendie du palais du Reichstag le 28 février 1933

Contexte politique Nommé chancelier le 30 janvier 1933, Adolf Hitler obtient du président Paul von Hindenburg la dissolution du parlement et l'organisation de nouvelles élections prévues le 5 mars 1933[1] . Si le NSDAP est le premier parti au Reichstag, avec 196 sièges sur 584, il dépend du soutien des partis de la droite traditionnelle et doit compter avec une forte opposition de gauche composée par 121 députés socialistes et 100 députés communistes. Si la SA fait régner la terreur dans les rues, la crainte d'un coup de force communiste est très vive chez les nazis, mais aussi dans la droite allemande[2] .

Les faits La fenêtre par laquelle Marinus van der Lubbe

Le 27 février 1933, vers 21h15, un étudiant en théologie passant devant serait entré dans le Reichstag le Reichstag entend le bruit d'une vitre brisée[3] . Il alerte le gardien du parlement qui aperçoit une silhouette courant à l'intérieur du bâtiment en y boutant le feu[3] . Les pompiers et la police arrivent rapidement sur les lieux où ils constatent de nombreux départs de feu[3] . « Dans la salle Bismarck, située au nord de l'édifice, un homme jaillit soudain, torse nu, ruisselant de sueur, l'air égaré, avec un regard halluciné.[3] » Cet homme, Marinus van der Lubbe, se laisse arrêter sans résistance et passe immédiatement aux aveux, affirmant que l'incendie est un geste de protestation et qu'il a agi seul[4] .


Incendie du Reichstag

Exploitation politique Rudolf Diels, chef de la police prussienne, arrivé immédiatement sur les lieux est alors persuadé que Marinus van der Lubbe a agi seul. Les nazis décident d'exploiter immédiatement l'évènement, et présentent l'incendie comme le signe avant-coureur d'un vaste « complot communiste ». « C'est un signe de Dieu, Herr Vice-Chancelier ! Si ce feu, comme je le crois, est l'œuvre des communistes, nous devons écraser cette peste meurtrière d'une main de fer ! » — Hitler au vice-chancelier von Papen, le 28 février 1933[5] . Dès le lendemain de l'incendie, le 28 février, Hindenburg signe un décret présidentiel « pour la protection du peuple et de l'État » : le Reichstagsbrandverordnung, qui suspend sine die les libertés individuelles et lance la chasse aux communistes. Dans la foulée, le gouvernement fait arrêter plus de 4000 militants du KPD, le parti communiste allemand, dont son président Ernst Thälmann, ainsi que plusieurs dirigeants socialistes et intellectuels de gauche, au total plusieurs dizaines de milliers de personnes. Le journaliste vedette Egon Reichstagsbrandverordnung du 28 février 1933 Erwin Kisch est aussi arrêté. Ces opposants sont internés dans les premiers camps de concentration nazis, essentiellement à Dachau. La peine de mort est introduite avec effet rétroactif. Ce décret qui marque la fin de la démocratie reste en vigueur jusqu'en 1945. Le procès s'ouvre le 21 septembre 1933 à Leipzig. Marinus van der Lubbe est condamné à mort et décapité le 10 janvier 1934. Le 21 avril 1967, un tribunal de Berlin, à titre posthume et symbolique, transforme la condamnation à mort de van des Lubbe à huit ans de prison pour « tentative d'incendie avec infraction ». En 1980, Robert Kempner, un des procureurs américains des procès de Nuremberg, convaincu de l'innocence de Marinus van der Lubbe, obtient son acquittement, mais ce verdict est cassé un an plus tard en appel. Finalement, le 10 janvier 2008, les services du procureur fédéral allemand, jugeant la condamnation officiellement « illégale » annulent le verdict soixante-quinze ans après[6] .

Les interprétations L'évènement a donné lieu à une longue controverse au sujet de l'identité des auteurs véritables de l'incendie.

Un complot communiste Dès l'annonce de l'incendie et avant tout début d'enquête, la radio affirme que les communistes ont mis le feu au Reichstag[7] . Cette thèse est immédiatement reprise par Hermann Göring et Adolf Hitler et sert de base au procès qui s'ouvre à Leipzig le 21 septembre 1933. Sur le banc des accusés figurent, outre Marinus van der Lubbe, l'ancien chef de groupe du parti communiste allemand, Ernst Torgler, et trois communistes bulgares, dont Gueorgui Dimitrov[8] , futur secrétaire général du Komintern et futur premier ministre du gouvernement communiste bulgare. Pugnace, luttant pied à pied, tenant tête par sa rhétorique à Goebbels et à Göring à qui il fait perdre son calme, Dimitrov, qui a appris l'Allemand durant les mois de prisons précedant la condamnation, fait voler en éclat la thèse officielle et transforme le procès en tribune antinazie[8] . Finalement, seul Marinus van der Lubbe est condamné, les quatre autres accusés sont acquittés[8] . Ce verdict, qui ôte toute base à la thèse officielle des nazis, ne les empêchera pas de maintenir leur interprétation.

15


Incendie du Reichstag

Une manœuvre des nazis La version officielle est immédiatement contredite, au cours même du procès, par l'accusé Georgi Mikhailov Dimitrov, ce qui lui vaut une renommée mondiale, Allemagne comprise[9] . Puis Willi Münzenberg dans son Livre brun[10] attribue la responsabilité de l'incendie aux nazis, ayant voulu par là se créer un prétexte pour déclencher une vague de répression. La parution du Livre brun est suivie, en septembre 1933, par un procès organisé à Londres par un comité antifasciste international, qui s'affirme selon les mots du procureur comme « un simulacre de procès [qui] ne saurait avoir de validité juridique et n'avait d'autre but que de servir la vérité que les circonstances empêchaient d'éclater en Allemagne »[11] . « Quel était à Berlin, le 27 février au soir, l'homme qui détenait les clés du Reichstag? Quel était l'homme qui en commandait la police? Quel était l'homme qui pouvait en activer ou en arrêter la surveillance? Quel était l'homme qui détenait la clé du souterrain par lequel on semble avoir pénétré? Cet homme, c'était à la fois le ministre de l'Intérieur de Prusse et le président du Reichstag : c'était Hermann Göring » — Me de Moro-Giafferi, Londres, 11 septembre 1933[12] . Pour Pierre Milza, Marinus van der Lubbe aurait été manipulé par les nazis[13] : « Utilisant le délire pyromane d'un jeune chômeur d'origine hollandaise, Marinus van der Lubbe, qui se dit communiste, les hommes de Göring l'ont laissé allumer un petit incendie dans le Palais du Reichstag, tandis qu'eux-mêmes inondaient les sous-sols d'essence[14] . » François Delpla penche lui aussi pour une manipulation de Marinus van der Lubbe par les nazis, par le biais d'un agent infiltré dans les milieux de l'ultra-gauche, lui faisant croire que l'incendie allait créer un soulèvement populaire contre Hitler. Il reproche aux tenants de la thèse de l'incendiaire isolé de croire que l'absence de preuves de complicités prouve l'absence de complicités[15] . Jacques Delarue estime que l'incendie a été perpétré par un commando de membres de la SA, dirigé par Karl Ernst et Edmund Heines, à l'initiative d' Hermann Göring[16] . Pour Gilbert Badia, il est impossible qu'un homme isolé comme van der Lubbe, dépourvu de tout soutien ait seul perpétré l'incendie, notamment compte tenu du fait qu' « on trouva dans le Reichstag assez de matériel incendiaire pour remplir un camion » et d'une déclaration de Göring au général Hadler lors de laquelle il affirme que « le seul qui connaisse bien le Reichstag, c'est moi ; j'y ai mis le feu »[17] . En 2001, en se basant à la fois sur les circonstances matérielles de l'incendie et sur des archives de la Gestapo conservées à Moscou et accessibles aux chercheurs depuis 1990, Bahar et Kugel reprennent la thèse selon laquelle le feu a été mis au Reichstag par un groupe de SA agissant sous les ordres directs de Göring[18] .

Un acte isolé En 1960, dans le Spiegel, puis en 1962, dans son livre Der Reichsbrand. Legende und Wirklichkeit [19] , Fritz Tobias affirme que la thèse du complot nazi est aussi infondée que celle du complot communiste. Il qualifie de fallacieux les documents du Livre brun qui servait de base au dossier antinazi[20] . Selon Ian Kershaw, les conclusions de Tobias sont désormais largement acceptées[21] . Selon lui, la surprise et l'hystérie qui s'emparent des plus hauts dirigeants nazis la nuit de l'incendie, à commencer par Hitler lui-même, est un signe du caractère inattendu de l'évènement et du fait que l'incendie est bien le fait du seul Marinus van der Lubbe[22] . « Les premiers membres de la police à interroger van der Lubbe, aussitôt appréhendé et clamant haut et fort sa « protestation », n'avaient aucun doute : il avait agi seul, personne d'autre n'était impliqué dans l'incendie. Mais Göring, dont la première réaction en apprenant l'incendie semble avoir été pour s'inquiéter des précieuses tapisseries du bâtiment, se laissa facilement convaincre par les autorités sur place que l'incendie était le fruit d'un complot communiste. Hitler, qui arriva vers 22 h 30, soit une heure environ après Göring, se laissa rapidement persuader de tirer la même conclusion. Göring lui expliqua que l'incendie était sans conteste l'œuvre des communistes. L'un des incendiaires avait déjà été arrêté, tandis que plusieurs députés communistes se trouvaient dans le bâtiment quelques minutes à peine avant l'embrasement[23] . »

16


Incendie du Reichstag L'analyse de Kershaw est vigoureusement contestée par Lionel Richard[24] . Pour Richard, « les analyses de Tobias, déjà fortement mises en cause par un groupe d'historiens quand elles ont été publiées, ne jouissent plus d'aucun crédit. Il a été démontré que son information documentaire n'était pas fiable. En l'occurrence, Kershaw aurait pu, au moins, prendre sérieusement en considération les travaux d'Alexander Bahar[25] . »

Voir aussi Bibliographie • Alexander Bahar, Wilfried Kugel, Der Reichstagbrand, edition q, 2001 • Jacques Delarue, Histoire de la Gestapo, Paris, Fayard, 1962 • Georges Goriely, 1933 : Hitler prend le pouvoir, Bruxelles, Editions Complexe, Coll. La Mémoire du siècle, 1985. • Nico Jassies, Marinus van der Lubbe et l’incendie du Reichstag, Éditions Antisociales, 2004, ISBN 2-9521094-0-0. • Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, vol. 1, Paris, Flammarion, 2001(ISBN 2082125297) abondante bibliographie sur l'incendie du Reichstag à la page 1010.

• Livre brun sur l'incendie du Reichstag et la terreur hitlérienne, Paris, Le carrefour, 1933 • Fritz Tobias, Der Reichstagsbrand - Legende und Wirklichkeit, Grote, Rastatt 1962 • Marinus van der Lubbe, Carnets de route de l’incendiaire du Reichstag et autres écrits, présentés par Yves Pagès et Charles Reeve, Éditions Verticales, 2003. • François Delpla, Hitler, Paris, Grasset, 1999

Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9]

Joseph Rovan, Histoire de l'Allemagne des origines à nos jours, Paris, 1999, p.652. Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, Paris, Flammarion, 2001, vol.1, p. 649. Jacques Delarue, Histoire de la Gestapo, Fayard, Paris, 1962, p.31 I. Kershaw, op. cit, p.650 I. Kershaw, op. cit., p. 651 Agence Reuters, dépêche du 10 janvier 2008, 18h08:23 J. Delarue, op. cit., p.32 J. Delarue, op. cit., p.66-68 « Il ne reste qu'un homme en Allemagne, disait-on alors, et cet homme est un Bulgare », Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem, page 306 de l'édition Folio, page 338 de l'édition Folio Histoire. [10] Traduit en 17 langues et tiré à des millions d'exemplaires. Gorielly, op. cit., p. 130. [11] J. Delarue, op.it., p.65 [12] J. Delarue, op. cit., p.66 [13] Pierre Milza, Les Fascismes, chap. 9, p. 286. [14] Serge Berstein, Pierre Milza, Histoire du XXème siècle, Tome 1, p. 317. [15] François Delpla, « Le terrorisme des puissants : de l’incendie du Reichstag à la nuit des Longs couteaux », paru dans : Guerre et Histoire n° 7, septembre 2002 (http:/ / www. delpla. org/ article. php3?id_article=62) [16] J. Delarue, op.cit., p. 68-76 [17] Gilbert Badia, Histoire de l'Allemagne contemporaine, 1933/1962, Paris, Éditions sociales, 1975, p. 15 [18] Alexander Bahar, Wilfried Kugel, Der Reichstagbrand, édition q, 2001 [19] Fritz Tobias, Der Reichsbrand Legende und Wirklichkeit, Rastatt, Baden, 1962. [20] Georges Goriely, 1933, pp. 131-132 [21] I. Kershaw, op. cit., p. 1011 [22] I. Kershaw, op. cit. p. 649 [23] I. Kershaw, op. cit., p. 650. [24] Lionel Richard, Goebbels. Portrait d'un manipulateur, s.l., André Versaille éditeur, 2008, p. 132 [25] Alexander bahar, Dieses Feuer ist erst der Anfang. Die Nazis und der Reichstagsbrand, in Bulletin - Berliner Gesellschaft für Faschismusund Weltkriegsforschung / herausgegeben von Berliner Gesellschaft für Faschismus- und Weltkriegsforschung,Berlin, Edition Organon, 2005, Heft 25/26, pp. 87-120

17


Loi des pleins pouvoirs

18

Loi des pleins pouvoirs La loi du 24 mars 1933 visant au soulagement de la détresse du peuple et de l’État (Gesetz zur Behebung der Not von Volk und Reich vom 24. März 1933), dite loi d’habilitation (Ermächtigungsgesetz) ou loi des pleins pouvoirs, est une loi allemande adoptée le 24 mars 1933 et qui donna à Adolf Hitler le droit légal de gouverner par décret, c'est-à-dire de promulguer des lois sans en référer au Reichstag. La loi des pleins pouvoirs fut déposée le 23 mars au Reichstag, dont les sessions se tenaient alors à l'opéra Kroll suite à l'incendie du bâtiment du Reichstag à l'instigation de Adolf Hitler. La coalition gouvernementale (NSDAP (288 sièges) et DNVP) (52 sièges) disposait d'une très large majorité avec 53 % des sièges (340), mais il lui fallait une majorité des deux tiers (66% soit 430 voix) pour modifier ainsi la Constitution. Il manquait donc 13%, soit 90 voix. Le quorum fut atteint grâce aux votes du Zentrum (72 voix), du BVP (19 voix) et des petits partis (14 voix pour six partis) lors d'une session, en présence de SA, de SS et de Stahlhelm en armes, gardant toutes les issues et entourant le bâtiment. Seuls les 94 députés sociaux-démocrates votèrent contre. Les 81 députés du KPD ainsi que 26 des 120 députés SPD n'étaient pas présents lors du vote car avaient été contraints d'entrer dans la clandestinité ou étaient internés.

Première page de la Gesetz zur Behebung der Not von Volk und Reich

La loi était promulguée pour une durée de quatre ans renouvelables. Faisant suite à la Reichstagsbrandverordnung, cette loi, en supprimant la séparation des pouvoirs, fut la deuxième étape de la Gleichschaltung ayant conduit à l'instauration d'un système totalitaire.

Texte Comme la plupart des lois promulguées pendant la Gleichschaltung, la loi des pleins pouvoirs est courte, surtout en regard de ses conséquences :

Dernière page, portant les signatures de Hindenburg, Hitler, Frick, von Neurath et von Krosigk.


Loi des pleins pouvoirs

19

Gesetz zur Behebung der Not von Volk und Reich Der Reichstag hat das folgende Gesetz beschlossen, das mit Zustimmung des Reichsrats hiermit verkündet wird, nachdem festgestellt ist, daß die Erfordernisse verfassungsändernder Gesetzgebung erfüllt sind:

Loi pour remédier aux besoins du Peuple et du Reich Le Reichstag promulgue la présente loi, avec l'assentiment du Reichsrat et en conformité avec les critères d'amendement constitutionnel, publiée ci-après :

Artikel 1 Reichsgesetze können außer in dem in der Reichsverfassung vorgesehenen Verfahren auch durch die Reichsregierung beschlossen werden. Dies gilt auch für die in den Artikeln 85 Abs. 2 und 87 der Reichsverfassung bezeichneten Gesetze.

Article 1 En plus des procédures prescrites par la Constitution [c'est-à-dire par décision du Reichstag], les lois du Reich peuvent être promulguées par le gouvernement du Reich. Ceci inclut les lois décrites dans l'article 85 alinéa 2 et l'article 87 de la Constitution1.

Artikel 2 Die von der Reichsregierung beschlossenen Reichsgesetze können von der Reichsverfassung abweichen, soweit sie nicht die Einrichtung des Reichstags und des Reichsrats als solche zum Gegenstand haben. Die Rechte des Reichspräsidenten bleiben unberührt.

Article 2 Les lois promulguées par le gouvernement peuvent enfreindre la Constitution pour autant qu'elles n'affectent pas les institutions du Reichstag et du Reichsrat. Les droits du Président restent inchangés.

Artikel 3 Die von der Reichsregierung beschlossenen Reichsgesetze werden vom Reichskanzler ausgefertigt und im Reichsgesetzblatt verkündet. Sie treten, soweit sie nichts anderes bestimmen, mit dem auf die Verkündung folgenden Tage in Kraft. Die Artikel 68 bis 77 der Reichsverfassung finden auf die von der Reichsregierung beschlossenen Gesetze keine Anwendung.

Article 3 Les lois promulguées par le gouvernement du Reich seront écrites par le Chancelier et publiées dans le Journal officiel du Reich. Elles prendront effet le lendemain de leur publication, sauf si une autre date est spécifiée. Les articles 68 et 77 de la Constitution ne s'appliquent pas aux lois promulguées par le gouvernement du Reich2.

Artikel 4 Verträge des Reiches mit fremden Staaten, die sich auf Gegenstände der Reichsgesetzgebung beziehen, bedürfen für die Dauer der Geltung dieser Gesetze nicht der Zustimmung der an der Gesetzgebung beteiligten Körperschaften. Die Reichsregierung erläßt die zur Durchführung dieser Verträge erforderlichen Vorschriften.

Article 4 Les traités internationaux qui affectent la législation du Reich ne requéreront pas l'assentiment des corps législatifs concernés. Le gouvernement publiera les règlements nécessaires à l'application de tels traités.

Artikel 5 Dieses Gesetz tritt mit dem Tage seiner Verkündung in Kraft. Es tritt mit dem 1. April 1937 außer Kraft, es tritt ferner außer Kraft, wenn die gegenwärtige Reichsregierung durch eine andere abgelöst wird.

Article 5 La présente loi prend effet le jour de sa proclamation. Elle cessera de s'appliquer le 1er avril 1937, ou lorsque le présent gouvernement sera remplacé.

Notes 1

L'article 85 détaille la façon dont le Reichstag et le Reichsrat approuvent le budget du Reich. L'article 87 restreint les possibilités d'emprunt par l'État. 2

Les articles 68 à 77 détaillent le processus législatif du Reichstag.

La Loi des pleins pouvoirs fut votée au Reichstag le 23 mars et proclamée par le gouvernement le lendemain. En accord avec les procédures constitutionnelles de législation, la loi fut contre-signée par le président Hindenburg, le chancelier Hitler, le ministre de l'Intérieur Frick, le ministre des Affaires étrangères von Neurath et le ministre des Finances von Krosigk.


Loi des pleins pouvoirs

20

Vote La loi des pleins pouvoirs avait pour but de permettre aux nazis de gouverner de façon absolue sans avoir la majorité du Reichstag et sans devoir négocier d'alliance avec des partenaires. En tant que loi qui modifiait les dispositions legislatives décrites dans la Constitution – sans toutefois être un amendement constitutionnel –, elle avait besoin d'une majorité des deux tiers pour être votée. Le Parti social-démocrate (SPD) et le Parti communiste (KPD) auraient voté contre quoi qu'il advienne, mais les partis de la classe moyenne, les Junkers, l'aristocratie terrienne et les industriels, eux, étaient fatigués de l'instabilité continuelle de la république de Weimar. Hitler pensait que ces partis voteraient des mesures extraordinaires qui mettraient fin au parlementarisme, ou qu'au mieux, ils n'opposeraient qu'une résistance de principe.

Le discours d'Adolf Hitler au Reichstag le 23 mars 1933 qui annonce la loi des pleins pouvoirs

Peu après avoir été nommé chancelier du Reich, le 30 janvier 1933, Hitler se retira de la coalition construite avec les partis centristes et demanda au président Hindenburg des élections pour le 5 mars. La campagne électorale qui suivit fut l'un des premiers exemples d'utilisation massive et moderne des médias pour des élections. Le ministre du Reich à la Propagande, Joseph Goebbels, écrivit[1] : « À partir de maintenant, il nous sera facile de nous battre, car nous pouvons compter sur toutes les ressources de l'État. La radio et la presse sont à notre disposition. Nous allons mettre en place un chef-d'œuvre de propagande. » Dans les jours précédant les élections, les nazis organisèrent la violence dans la rue pour intimider l'opposition et susciter la peur du communisme. L'incendie du Reichstag, six jours avant, devint l'élément pivot de la campagne électorale. Un forcené hollandais, ancien membre de l'ultra-gauche néerlandaise, avait été arrêté dans le bâtiment et servit de prétexte à présenter l'incendie comme un complot communiste. Se servant de la « menace communiste », Hitler persuada le président Hindenburg de promulguer les pouvoirs d'urgence par la Reichstagsbrandverordnung, qui supprimait les libertés fondamentales et l'habeas corpus. Grâce à ce décret, les membres du KPD furent pourchassés, ce qui éliminait l'une des principales oppositions au Reichstag. En dépit de 5 millions de voix supplémentaires (le NSDAP obtient 43,9 % des voix) et même en ajoutant les 52 sièges du parti nationaliste DNVP à leur coalition, les nazis n'avaient qu'une faible majorité le 5 mars, insuffisante pour faire avaliser par les députés la loi des pleins pouvoirs dont l'adoption nécessitait une majorité des deux tiers. Lors de la première réunion gouvernementale d'après les élections, le 15 mars, le premier point à l'ordre du jour était le plan pour obtenir les pleins pouvoirs de façon constitutionnelle. Hitler se décida pour une « loi des pleins pouvoirs » qui donnerait au gouvernement les pouvoirs législatifs pour quatre ans. La Reichstagsbrandverordnung avait déjà permis l'arrestation de députés de l'opposition, et Hitler avait confiance en sa capacité à convaincre le parti catholique du Zentrum de prêter ses voix et de parvenir ainsi à la majorité des deux tiers[1] . Hitler négocia avec le président du parti centriste, le prêtre catholique Ludwig Kaas, parvenant à un accord le 22 mars. Kaas accepta de soutenir la loi monnayant la reconnaissance des droits civiques des catholiques et l'instauration de quotas de fonctionnaires et d'écoles catholiques, ainsi que leur protection. Il demandait aussi le maintien des libertés fondamentales. Les débats au sein même du parti centriste se poursuivirent jusqu'au 23 mars, l'ex-chancelier Heinrich Brüning dénonçant la loi des pleins pouvoirs comme une loi inique, de la pire espèce, et demandant au Reichstag de remettre les délibérations jusqu'à ce que les esprits s'apaisent. Kaas persista à dire que des garanties écrites seraient fournies par Hitler. Fort de son expérience de Hitler, Brüning prévint Kaas de bien recevoir ses garanties écrites avant le vote, mais finalement accepta de maintenir la discipline de vote et approuva la loi.


Loi des pleins pouvoirs Plus tard dans la journée, le Reichstag ouvrit sa session. Le discours de Hitler, qui dura près de deux heures et demie et insistait sur l'héritage chrétien de la culture allemande, était calibré pour apaiser les sensibilités du Zentrum, et contenait presque mot pour mot les garanties que Kaas avait demandées. Kaas parla, affirmant le soutien du Zentrum alors que « la Patrie [était] dans le plus grand danger », et Brüning resta remarquablement silencieux. Seul Otto Wels, du SPD, s'opposa à la loi. Le vote commença sans que Kaas, convaincu par les paroles de Hitler, ait jamais reçu ses assurances écrites. La majorité qualifiée des deux tiers requise (361 voix suite à l'absence des 81 députés communistes et de 26 députés socialistes internés, en exil ou pourchassés) fut acquise selon le décompte suivant : • • • • •

288 députés NSDAP ; 52 députés DNVP ; 74 députés Zentrum ; 18 députés BVP ; 12 députés non inscrits.

Soit un total de 444 voix (83 %), bien au-delà de la majorité requise. Les votes opposés provenaient des 94 députés du SPD présents, qui votèrent non à l'appel de leur chef de groupe, Otto Wels. Le Reichstag était de facto éliminé de la scène politique allemande.

Conséquences Si des lois d'exception avaient été votées dans les premiers jours de la république de Weimar, la loi des pleins pouvoirs allait bien au-delà, son article 2 autorisant les infractions à la Constitution. Cette disposition rendait nécessaire une majorité des deux tiers, mais les dispositions de la Reichstagsbrandverordnung avaient permis l'arrestation des députés communistes et de 26 des SPD. Les mandats communistes furent déclarés « en sommeil » par le gouvernement peu près les élections. Le SPD avait d'abord eu l'intention de saborder la loi en boycottant le scrutin, où la présence des deux tiers du corps législatif était exigée, mais sous la conduite du président du Reichstag, Hermann Göring, les règles avaient été modifiées de sorte que le président pouvait déclarer présent tout député « absent sans excuse », rendant impossible cette tactique d'obstruction. Ainsi, les SPD durent-ils se rendre à la séance, où leur porte-parole, Otto Wels, fit un discours vigoureux contre la loi. Les quelques députés restés indépendants furent toutefois intimidés par les SA qui encerclaient la chambre, laissant le SPD seul à s'opposer à la loi[2] . Pendant les négociations entre le gouvernement et le Zentrum, on tomba d'accord pour que le gouvernement informe les partis du Reichstag des mesures législatives passées sous l'égide de la loi des pleins pouvoirs. À cet effet, on instaura un deuxième comité, présidé par Hitler et Kaas, mais qui ne se réunit que trois fois. Le président Hindenburg était satisfait de la fermeté de Hitler. À la première réunion gouvernementale sur la loi des pleins pouvoirs, le représentant de Hindenburg déclara que le président se retirerait des affaires quotidiennes du gouvernement et que la collaboration présidentielle sur les lois décrétées selon les pleins pouvoirs ne serait pas nécessaire. Si la loi conférait des pouvoirs législatifs au gouvernement dans son ensemble, ces pouvoirs furent exercés par Hitler personnellement. Comme Goebbels l'écrivit peu après le vote, « l'autorité du Führer est maintenant pleinement établie. On ne vote plus. Le Führer décide. Et tout cela est allé bien plus vite que ce que nous n'osions l'espérer. » Les réunions gouvernementales se raréfièrent sous le Troisième Reich, et disparurent complètement pendant toute la Seconde Guerre mondiale. Le soin que Hitler apportait à maintenir les apparences de la légalité transparaît particulièrement dans le fait que la loi des pleins pouvoirs fut effectivement prolongée deux fois par le Reichstag, alors devenue simple chambre d'enregistrement.

21


Loi des pleins pouvoirs

22

Après la promulgation de la loi des pleins pouvoirs, le Reichstag n'était plus guère qu'une tribune pour les discours de Hitler. Les partis d'opposition furent supprimés ou interdits, et finalement même les partis de la coalition de Hitler se dissolvèrent eux-mêmes sous la pression. Dès le 14 juillet 1933, le gouvernement décréta une loi interdisant tout parti politique autre que le parti nazi. C'était l'accomplissement de la promesse de Hitler : « Je me donne un but […] éliminer ces trente partis d'Allemagne ! »

Voir aussi • Chronologie du IIIe Reich

Références [1] William L. Shirer, The Rise and Fall of the Third Reich, Simon & Schuster, New York, 1959 (ISBN 0-671-62420-2) [2] Deutsche Parlamentsdebatten - Band 2 : 1919-1933 - Vorwort von Golo Mann - Fischer Bücherei, Bücher des Wissens, N° 6065, Frankfurt-am-Main, 1971 - (ISBN 3-436-01325-0) (298 pages) : p. 224 : « Die Sitzung, zu der sich die Abgeordneten am 23. März in der Kroll-Oper versammelten, war überschattet von einer Atmosphäre der Einschüchterung und latenten Gewalt. SA- und SS-Leute hielten sich in großer Zahl auf dem Vorplatz und im Sitzungssaal auf, wobei sich SA und SS besonders demonstrativ und drohend neben den Sitzen der sozialdemokratischen Abgeordneten aufgebaut hatten. »

Autodafé Un autodafé (du portugais auto da fé, qui est auto de fé aujourd'hui, venu du latin actus fidei — acte de foi) consistait, à l'origine, à brûler des livres considérés comme païens, blasphématoires ou immoraux (mesure qu'aurait pratiquée Paul de Tarse). Puis, au Moyen Âge, il devint la proclamation solennelle d'un jugement prononcé par l'Inquisition et dont l'exécution conduisait le coupable à sa destruction, mort ou vif, par le feu.

Savonarole Le dominicain Jérôme Savonarole a organisé un autodafé appelé bûcher des Vanités, en 1497 à Florence, où les habitants durent apporter bijoux, cosmétiques, miroirs, livres immoraux, robes trop décolletées ou richement décorées, images licencieuses, etc.

Péninsule ibérique et Inquisition Autodafé de livres. Tableau du XVe siècle.


Autodafé

Fin de la Reconquista Peu de temps après l'année cruciale et la chute du royaume nasride de Grenade, l'évêque de la nouvelle cité devenue très catholique précipite au feu les livres écrits en langue arabe. Ces traces de l'histoire du pays de 711 à 1492 disparaissent irrémédiablement.

Faux-semblants Il importe de lever un malentendu trop souvent répandu. En aucun cas l'Inquisition et les autodafés ne concernèrent les Juifs en tant que tels. L'objet des tribunaux inquisitoriaux était très précis: il s'agissait de rechercher parmi les Juifs convertis au catholicisme (appelés "conversos", ou encore "nouveaux-chrétiens"), ceux qui ne s'étaient convertis que par intérêt (car le statut de chrétien donnait de grands avantages) tout en continuant en fait à pratiquer le judaïsme en secret. Car ces conversions de façade avaient tendance à se répandre, déclenchant l'animosité populaire (troubles de Tolède et Cordoue en 1449, de Ségovie en 1474), mais également les protestations des Juifs sincèrement convertis au christianisme, qui voient l'attitude de ceux qui sont faussement convertis (les conversos) jeter le discrédit sur l'ensemble des "nouveaux-chrétiens". C'est pour cette raison que l'on trouvera de nombreux Juifs convertis parmi les promoteurs de l'Inquisition. Il est important de savoir aussi que les tribunaux inquisitoriaux instituèrent ce que nous nommons actuellement les " jurys " qui étaient inconnus jusqu'alors et qui ne seront repris que bien plus tard dans les institutions judiciaires. Ces jurys étaient constitués de notables locaux-qui connaissaient donc bien l'accusé- voire de juristes qui pouvaient poser des questions au "présumé coupable ", questions " à charge " ou " à décharge ". Ils pouvaient aller jusqu'à 51 personnes.Sachons encore que les faux témoins, s'ils étaient découverts, s'exposaient à de très lourdes sanctions, en principe les mêmes que celles qui auraient été infligées à l'accusé. ( Cf les "Constitutiones" du Grand Inquisiteur le cardinal Torquemada et ses instructions aux responsables inquisiteurs; consulter aussi les comptes-rendus d'audiences de l'inquisition française durant l'affaire des Albigeois) (Sources:Archives espagnoles déposées à Séville, actes des procès inquisitoriaux en France au XIIIè siècle ).

Condamnations au bûcher Ainsi en 1499, l'inquisiteur Diego Rodrigues Lucero condamna à être brûlés vifs 107 juifs « convertis », convaincus d'être en réalité restés fidèles à leur ancienne religion. Ce fut un des plus meurtriers autodafés du pays. Au Portugal, il n'y eut pas d'autodafé avant 1540 (quatre ans après la création de l'Inquisition portugaise) mais durant les 40 ans qui suivirent, il y en eut environ 40, avec, précisons-le, "seulement" 170 condamnations au bûcher parmi les 2500 Autodafé sur la Plaza Mayor de Madrid, Francisco Rizi (1683) condamnations prononcées. Par la suite (1580), Philippe II d'Espagne envahit le Portugal : conformément à la précision apportée plus haut, le Roi garantit aux Juifs qu'ils pourraient continuer à pratiquer leur religion. Mais ceux qui se convertissent doivent le faire sincèrement, sous peine de risquer d'encourir les foudres de l'Église. Et de fait, en vingt ans, 3200 condamnations (dont, ici encore, "seulement" 160 au bûcher) seront prononcées. Les autodafés continueront dans la Péninsule Ibérique pendant tout le Moyen Âge et jusqu'au XVIIe siècle. L'exécution des accusés ne faisait pas partie de l'auto da fé et avait lieu à une cérémonie ultérieure, normalement à l'extérieur de la ville, où la pompe de la procession principale était absente. Les principaux éléments de la cérémonie étaient la procession, la messe, le sermon à la messe et la réconciliation des pécheurs. Il serait faux de supposer,

23


Autodafé

24

comme il l'est souvent fait, que les exécutions étaient au centre de l'événement[1] , bien que certains auteurs, tels que Voltaire dans son conte philosophique Candide, répandront l'idée contraire.

Civilisation maya Le 12 juillet 1562 Diego de Landa ordonne un autodafé de l'ensemble des documents en écriture maya[2] . Seul trois ou quatre codex mayas parviennent à réchapper du bûcher sacrificiel.

Nazisme « Là où on brûle des livres, on finit aussi par brûler des hommes. » — Heinrich Heine, Almansor[3] Par analogie des méthodes, ce terme fut employé pour désigner la destruction par le feu que les nazis appliquèrent aux ouvrages dissidents ou dont les auteurs étaient Juifs. Le premier autodafé nazi eut lieu le 10 mai 1933 à Berlin (Bebelplatz), et fut suivi par d'autres à Brême, à Dresde, à Francfort-sur-le-Main, à Hanovre, à Munich et à Nuremberg. Furent ainsi condamnés au feu les ouvrages, entre autres, de Bertolt Brecht, d'Alfred Döblin, de Lion Feuchtwanger, de Sigmund Freud, d'Erich Kästner, d'Heinrich Mann, de Karl Marx, de Friedrich Wilhelm Foerster, de Carl von Ossietzky, d'Erich Maria Remarque, de Kurt Tucholsky, de Franz Werfel, d'Arnold Zweig et de Stefan Zweig.

Berlin, 10 mai 1933.

Chine Le premier empereur de Chine, Qin Shi Huang brûla les écrits confucéens pour asseoir son pouvoir et l'idéologie du légisme. Pendant la Révolution culturelle, dans les régions musulmanes de l'ouest de la Chine, des Corans furent détruits dans de grands [4] autodafés . Des manuscrits bouddhistes furent également brûlés.

Le 11 mai 1933 à Berlin

Histoire récente • Plus récemment, en 1995, on a parlé d'autodafé quand le cardinal de Nairobi Maurice Otunga, a brûlé, en août, des boîtes de préservatifs en compagnie de l'imam de Jamia. Le 31 août 1996, il réitère devant 250 fidèles : aux boîtes de préservatifs viennent se joindre de petits livres sur le Sida et les moyens de s'en protéger[5] . • 2007 : autodafé à la Mosquée rouge. • 20 mai 2008 : Le quotidien Maariv rapporte avec photos à l’appui, comment l’adjoint au maire de Or Yehuda, une ville israélienne de 32000 habitants située à 7 km de Tel Aviv, a organisé un autodafé public du Nouveau Testament distribué quelques jours au précédent par un groupe évangélique faisant du porte à porte.


Autodafé

Voir aussi • • • •

L'Autodafé, texte de Blaise Pascal. Autodafé, titre français d'un roman d'Elias Canetti paru en 1935. Fahrenheit 451, roman de Ray Bradbury, adapté au cinéma par François Truffaut. La scène de l'autodafé (chapitre sixième) dans Candide, de Voltaire.

Liens externes • L'Inquisition espagnole [6], Lexique de l'Espagne moderne, M. Boeglin - V. Parello, U.O.H.

Références [1] Henry Kamen, The Spanish Inquisition : An Historical Revision, 2000, Orion Publishing Group, p. 211. [2] http:/ / www. lemonde. fr/ aujourd-hui/ article/ 2008/ 11/ 30/ l-ecriture-maya-livre-ses-secrets_1124947_3238. html L'écriture maya livre ses secrets, Le Monde, 30 novembre 2008 [3] Almansor, vers 243, voir texte sur Wikisource : http:/ / de. wikisource. org/ wiki/ Almansor/ Das_Innere_eines_alten,_ver%C3%B6deten_Maurenschlosses [4] Collectif, Le Livre noir du communisme, Paris, Robert Laffont, 1998, p.614

(en) Lynne Muthoni Wanyeki, Church Burns Condoms and AIDS Materials (http://www.aegis.org/news/ips/1996/IP960901.html), Inter Press Service (IPS), 5 septembre 1996, reproduit sur le site de l'AIDS Education Global Information System (ÆGiS). [6] http:/ / meticebeta. univ-montp3. fr/ lexique/ content/ view/ 579/ 31/ [5]

Nuit des Longs Couteaux La nuit des Longs Couteaux[1] ,[2] (allemand : Röhm-Putsch)[3] , est le nom donné à l'ensemble des assassinats perpétrés par les nazis en Allemagne entre les 29 juin et 2 juillet 1934, le terme se référant plus spécifiquement à la nuit du 29 au 30 juin 1934. Au moins 85 personnes furent tuées par des membres de la Schutzstaffel (SS) et de la Gestapo, même si le bilan final fut sans doute plus proche de la centaine de victimes, dont la majorité appartenait à la Sturmabteilung (SA)[4] ,[5] , avec un millier de personnes arrêtées[4] . Cette purge permit au chancelier Adolf Hitler de briser définitivement toute velléité d'indépendance de la SA, débarrassant ainsi le mouvement nazi de son « aile gauche » qui souhaitait que la révolution politique soit Emblème de la Sturmabteilung (SA) suivie par une révolution sociale. De ce fait, elle rassura la Reichswehr, les milieux conservateurs traditionnels, les grands financiers et industriels, principalement issus de la bourgeoisie prussienne et hostiles à des réformes sociales de grande ampleur tout en créant un climat de terreur « légale » vis-à-vis de tous les opposants au régime.

25


Nuit des Longs Couteaux

La Sturmabteilung avant la prise du pouvoir Depuis les années 1920, la Sturmabteilung (SA, section d'assaut) fonctionne comme une milice privée que Hitler utilise pour intimider ses rivaux et perturber les réunions des partis politiques concurrents, particulièrement celles des sociaux démocrates et des communistes. Sa naissance est étroitement liée à l'atmosphère chaotique et au climat de violence politique qui entourent la naissance de la République de Weimar. De l'assassinat de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, le 15 janvier 1919 lors de l'écrasement de la révolution spartakiste, à celui de Walter Rathenau, par l'Organisation Consul le 24 juin 1922, en passant par l'échec du putsch de Kapp, le 13 mars 1920, et la répression, notamment par les Freikorps, des révoltes communistes de 1920 et 1921 dans la Ruhr, en Saxe et à Hambourg, les agissements des SA, comme ceux du Stahlhelm, traduisent un climat où la violence tient lieu d'argument politique. La montée en puissance de la SA est favorisée par la Grande Dépression[6] , qui fait perdre à beaucoup d'Allemands toute confiance envers les institutions traditionnelles. La SA parvient notamment à faire adhérer de nombreux ouvriers au nazisme en associant solidarité de classe et ferveur nationaliste[7] . Les « chemises brunes » sont connues pour leur violence[8] et leur goût Ernst Röhm, chef des SA, en Bavière en 1934. pour les batailles de rue[9] . Les confrontations violentes entre la SA et les opposants aux nazis, tout particulièrement la milice du KPD contribuent à déstabiliser l'expérience démocratique de l'entre-deux-guerres de la République de Weimar, ce qui est précisément le but d'Hitler[10] . La SA est dirigée par Ernst Röhm, vétéran prestigieux de la Première Guerre mondiale, membre de l'État-Major de la Reichswehr en Bavière, nazi de la première heure et participant du Putsch de la brasserie[11] . Il veut maintenir une indépendance de la SA par rapport au parti nazi et lui faire jouer son propre rôle politique. Comme beaucoup de SA, Röhm prend au sérieux la promesse de révolution sociale du NSDAP. Pour eux, l'accession au pouvoir des nazis doit être suivie par des mesures économiques et sociales radicales.

Une organisation encombrante Le 30 janvier 1933, le président Paul von Hindenburg nomme Adolf Hitler chancelier. Dès le 14 juillet 1933, le parti nazi devient le seul parti politique autorisé. Cependant, en dépit de la consolidation rapide de son autorité politique, Hitler ne dispose pas encore d'un pouvoir absolu. Il n'a notamment pas autorité sur la Reichswehr qui dépend de Hindenburg, président et commandant en chef des armées. Si de nombreux officiers sont séduits par les promesses d'Hitler de doter l'Allemagne d'une armée plus nombreuse, malgré les limitations imposées par le traité de Versailles, de réinstaurer la conscription, et de mener une politique étrangère plus agressive, l'armée garde une réelle indépendance.

26


Nuit des Longs Couteaux

La nomination d'Hitler comme chancelier ne met pas fin aux exactions de la Sturmabteilung. Les SA, imprégnés d'une culture de la violence, continuent à pourchasser les opposants réels ou supposés. Sous l'emprise de la boisson, ils écument les rues allemandes, battant des passants et attaquant les policiers envoyés pour les arrêter[12] . À Berlin, la SA ouvre une cinquantaine de « microcamps de concentration », installés dans des caves ou des dépôts où leurs victimes sont battues à mort, torturées ou égorgées[13] . Les plaintes concernant le comportement des SA deviennent fréquentes à l'été 1933. Le premier chef de la Gestapo, Rudolf Diels, déclare après la guerre, à propos des prisons berlinoises de la SA : « Les interrogatoires avaient commencé et fini par un passage à tabac. À quelques heures d'intervalle, une douzaine de gars avaient frappé leurs victimes avec des barres de fer, des matraques en caoutchouc et des fouets. Dents brisées et os cassés témoignaient des tortures. À notre entrée, ces squelettes vivants couverts de plaies suppurantes étaient allongés les Paul von Hindenburg uns à côté des autres sur leur paillasse putréfiée »[14] . Le ministère des affaires étrangères se plaint des agressions des chemises brunes envers les diplomates étrangers[15] . Un tel comportement dérange les classes moyennes, les éléments conservateurs traditionnels et l'armée. Il suscite aussi des protestations des milieux de l'industrie, du commerce, des administrations locales, et de l'Église protestante[16] . Le ministre de l'intérieur lui-même, Wilhelm Frick, estime que « les actes répréhensibles commis par des membres de la SA devront faire l'objet de poursuites énergiques »[17] . Le soutien des responsables militaires est crucial pour permettre à Hitler de mener à bien ses projets, notamment la conquête d'un Lebensraum, déjà annoncé dans Mein Kampf, ou l'Anschluss qu'il souhaite depuis toujours. Il est aussi fondamental dans la perspective de la succession de Paul von Hindenburg, âgé et de santé fragile[18] . Le 6 juillet 1933, lors d'une réunion à la chancellerie avec les gouverneurs du Reich, il proclame à la fois le succès et la fin de la révolution nationale-socialiste. Selon lui, comme le parti nazi a saisi les rênes du pouvoir, le temps est venu de le consolider : « La révolution ne saurait être un état permanent. Il faut diriger le torrent de la révolution dans le lit tranquille de l'évolution. [...] Il faut surtout maintenir l'ordre dans l'appareil économique [...] car l'économie est un organisme vivant que l'on ne peut transformer d'un seul coup »[19] . Il précise sa pensée lors d'un discours à Leipzig, dix jours plus tard : « Les révolutions ayant réussi au départ sont beaucoup plus nombreuses que les révolutions, qui, une fois réussies, ont pu être contenues et stoppées au moment opportun »[20] . Les propos d'Hitler et la prudence du régime en matière de réformes sociales et économiques radicales déçoivent la majorité des SA qui attendait une révolution économique aussi bien que politique[21] . Hitler manifeste donc son intention de limiter peu à peu le pouvoir de la SA, dont le nombre de membres a rapidement augmenté depuis le début des années 1930. À son instigation, Hermann Göring, alors ministre de l'Intérieur pour la Prusse, ôte à la SA son rôle de police auxiliaire en Prusse dans le courant de l'été 1933, puis transfère le contrôle des camps de concentration à la SS en octobre[22] .

Conflit entre l'armée et la Sturmabteilung Après la prise du pouvoir, Ernst Röhm appelle à « une poursuite de la révolution allemande »[23] et exige que Hitler et les autres responsables nazis lancent des réformes sociales radicales. Il n'est pas le seul à partager cette opinion : le 9 mai 1933, le président de Haute-Silésie attaque vivement les gros industriels « dont la vie est une perpétuelle provocation »[24] ; à Berlin, un représentant de la Fédération ouvrière nazie déclare que « le capitalisme s'arroge le droit exclusif de pouvoir donner du travail à des conditions qu'il fixe lui-même. Cette domination est immorale et il faut la briser » [] ; en juillet 1933, Wilhelm Kube, chef de groupe nazi au parlement de Prusse affirme que «le

27


Nuit des Longs Couteaux

28

gouvernement national-socialiste doit obliger les grands propriétaires fonciers à morceler leurs terres et à en mettre la plus grande partie à la disposition des paysans »[] . La mise à l'écart de Gregor Strasser en 1932 n'a donc pas mis fin à la tendance « de gauche » au sein du parti nazi. Malgré sa nomination, en décembre 1933, comme ministre sans portefeuille[25] , Röhm maintient ses exigences : il ne se contente plus de diriger la SA et insiste auprès d'Hitler pour qu'il le nomme ministre de la Guerre, position détenue par le général Werner von Blomberg, de tendance conservatrice[26] . Surnommé « le lion en caoutchouc » par certains de ses détracteurs[27] dans l'armée, von Blomberg n'est pas nazi, mais il représente un pont entre l'armée et le parti. « La raison pour laquelle la révolution n'a pas touché la Wehrmacht doit être uniquement recherchée dans le fait que nous étions apolitiques. [...] Maintenant, c'en est fini de cette attitude apolitique et il ne reste plus qu'un chose : servir le mouvement national avec un total dévouement » — Discours de von Blomberg lors d'une réunion d'officiers, le 1er juin 1933[28] . Provenant essentiellement de la noblesse prussienne, Blomberg et de nombreux officiers considèrent la SA comme une foule plébéienne qui met en danger la position de l'armée comme dépositaire unique de la puissance militaire allemande[29] .

Werner von Blomberg en 1934

« Je suis intimement convaincu qu'un conflit sanglant est inévitable et peut-être nécessaire entre l'armée allemande et les SA! Ce qui ne pourra être imposé à ces dernières par la seule persuasion devra l'être sans doute par la force » — déclaration d'un officier allemand à l'attaché militaire de l'ambassade de France à Berlin[30] . Si l'armée régulière montre du mépris pour les membres de la SA, beaucoup de chemises brunes considèrent que l'armée est insuffisamment engagée dans la révolution nationale-socialiste. Un chef SA de Rummelsburg, insulte l'armée devant ses camarades : « Certains des dirigeants de l'armée sont des porcs. La plupart des officiers sont trop vieux et doivent être remplacés par de plus jeunes. Nous voulons attendre jusqu'à ce que le papa Hindenburg soit mort, et alors la SA marchera contre l'armée »[31] . Malgré ces conflits, von Blomberg et d'autres responsables militaires voient en la Sturmabteilung un vivier de recrues pour une armée agrandie et revitalisée. Pour Röhm, par contre, c'est la SA qui doit devenir le noyau de la nouvelle armée du Reich. Les effectifs de la Reichswehr étant limités à 100000 hommes par le traité de Versailles, les chefs de l'armée observent avec inquiétude la progression du nombre de membres de la SA, qui atteint 4,5 millions d'hommes en juin 1934[32] . En janvier 1934, Röhm adresse à Blomberg un mémoire selon lequel la défense nationale doit être assurée par la SA, le rôle de la Reichswehr se limitant à l'instruction militaire[33] . Face à cette exigence, Hitler rencontre von Blomberg, les responsables de la Sturmabteilung et ceux de la Schutzstaffel (SS) le 28 février 1934[34] . Sous la pression de Hitler, Röhm, à contre-cœur, signe un pacte confirmant que la Reichswehr est bien la seule organisation armée officielle du Troisième Reich et n'accordant à la SA que le monopole de la formation pré et postmilitaire[] . Après que Hitler et les dirigeants de l'armée sont partis, Röhm donne libre cours à sa colère, déclarant notamment que « Ce que dit le prétendu Führer ne compte pas pour nous », « Hitler est un traître, il faut qu'on lui fasse prendre des vacances » et « Si les choses ne peuvent se faire avec Hitler, qu'à cela ne tienne, nous les ferons sans lui »[] . Il confirme ainsi ses déclarations faites sans aucune discrétion, au cours de plusieurs déjeuners lors de ses séjours à Berlin. « Adolf est ignoble, il nous trahit tous. Il ne fréquente plus que des réactionnaires et prend pour confidents ces généraux de Prusse-Orientale! Adolf a été à mon école. C'est de moi qu'il tient tout ce qu'il sait des questions militaires. Mais Adolf est et reste un civil, un barbouilleur, un rêveur. »


Nuit des Longs Couteaux — Ernst Röhm[35] . Les propos séditieux tenus par Röhm le 28 février 1934 sont rapportés à Rudolf Hess par l'Obergruppenführer SA, Viktor Lutze. Hess fait à son tour un rapport au Führer dont le seul commentaire est qu'« il faut laisser mûrir l'affaire »[] ,[36] . Lutze dénonce ensuite l'attitude de Röhm au général Walther von Reichenau, qui entretient des contacts étroits avec Reinhard Heydrich. Ce dernier convainc son supérieur, Heinrich Himmler qu'une action contre la SA est inévitable[] . Celui-ci est pourtant un proche de Röhm qu'il admire.

Une pression grandissante La SA monte le ton En dépit de son accord avec Hitler, Röhm s'accroche toujours à sa vision d'une nouvelle armée allemande avec la Sturmabteilung comme noyau. Au printemps 1934, cette vision s'oppose directement aux projets de Hitler, qui entend consolider et augmenter la puissance de la Reichswehr. Leurs plans respectifs étant incompatibles, le succès de Röhm ne peut se faire qu'au prix d'un échec de Hitler. En conséquence, une lutte politique se développe au sein du mouvement nazi. Les principaux dirigeants nazis, dont le ministre-président de Prusse Hermann Göring, le ministre de la propagande Joseph Goebbels, le Reichsführer-SS Heinrich Himmler et le député Rudolf Hess, se rangent aux côtés du Führer. Parmi les vétérans du mouvement nazi, les Altkämpfer, seul Röhm fait preuve d'indépendance et ose s'opposer à Adolf Hitler. Son mépris pour la bureaucratie du parti irrite Hess et la violence des membres de la SA en Prusse préoccupe gravement Göring qui dirige la région[37] . De plus, les prises de position publiques de Röhm deviennent de plus en plus menaçantes. Le 18 avril 1934, il déclare à des représentants de la presse étrangère que « la révolution que nous avons faite n'est pas une révolution nationaliste, mais une révolution nationale-socialiste. Nous tenons même à souligner ce dernier mot : socialiste »[38] . Il poursuit « Le combat de ces longues années jusqu'à la Révolution allemande, l'étape du parcours que nous franchissons en ce moment nous a enseigné la vigilance. Une longue expérience et souvent une expérience fort amère, nous a appris à reconnaître les ennemis déclarés et les ennemis secrets de la nouvelle Allemagne sous tous les masques » puis s'écrie « Réactionnaires, conformistes, bourgeois...nous avons envie de vomir lorsque nous pensons à eux »[39] . Fin mai, son adjoint direct, Edmund Heines, poursuit dans le même sens : « Nous avons assumé le devoir de rester révolutionnaires. Nous ne sommes qu'au commencement. Nous ne nous reposerons que lorsque la révolution allemande sera achevée »[] . Malgré les rumeurs, Röhm reste confiant. « Afin de tordre le cou dès à présent à toutes les fausses interprétations qui pourraient en résulter, le chef d'État-major précise qu'après avoir recouvré la santé, il reprendra ses fonctions avec toutes leurs attributions. Si les ennemis de la SA se bercent de l'espoir que la SA ne réintégrerait pas ses fonctions après sa permission, ou ne le ferait que partiellement, nous voulons bien les laisser profiter brièvement de ce plaisir. Ils recevront, au moment venu et sous la forme qui paraîtra nécessaire, la réponse appropriée. La SA est et reste le destin de l'Allemagne » — Ernst Röhm, avant son départ en cure, les 7 et 8 juin 1934[40] . Comme en écho, lors d'un discours à la radio le 25 juin, Rudolf Hess adopte un ton menaçant : « Malheur à qui rompt son serment en croyant servir la révolution par la rébellion »[41] .

29


Nuit des Longs Couteaux

L'ultimatum de Von Papen Le 17 juin 1934, les demandes conservatrices connaissent un large écho, à l'occasion du discours que tient le vice-président Franz von Papen, confident de Paul von Hindenburg, à l'université de Marbourg : il mentionne expressément la menace d'une « seconde révolution »[42] et stigmatise « tout ce qui se dissimule d'égoïsme, de prétention sous le manteau de la révolution allemande [...] la confusion entre brutalité et virilité [...] les méthodes terroristes dans le domaine de la justice »[43] . Il dénonce également un « culte de la personnalité mensonger »[44] et poursuit « Ce n'est pas la propagande qui fait les grands hommes, ce sont leurs actions. Aucune nation ne peut vivre dans un état de révolution continue. [...] L'Allemagne ne saurait vivre dans un état de troubles perpétuels, dont nul ne voit la fin »[] . Accueilli par un tonnerre d'applaudissements[] , ce discours, rédigé par un jeune avocat, Edgar Julius Jung[45] , jette « une bombe sur la place publique»[46] . Franz von Papen, le vice-chancelier (photo prise Joseph Goebbels essaie immédiatement de faire interdire sa lors de son procès a Nuremberg, 1945). reproduction dans la presse, sans pouvoir empêcher la publication d'extraits dans le Frankfurter Zeitung[] . En outre, en privé, von Papen, aristocrate catholique lié à l'armée et à l'industrie, menace de démissionner si Hitler n'agit pas[47] . Si une telle démission de Papen ne constitue pas une réelle menace pour la position de Hitler, elle rendrait publique la division entre les conservateurs traditionnels et le parti nazi. En réponse à la pression conservatrice pour juguler Röhm, Hitler se rend à Neudeck pour rencontrer Hindenburg. Blomberg, qui avait déjà rencontré le président, fustige Hitler pour ne pas s'être opposé plus tôt à Röhm. Il affirme à Hitler que Hindenburg est près de déclarer la loi martiale et de confier le gouvernement à la Reichswehr si Hitler ne prend pas des mesures immédiates contre Röhm et ses chemises brunes[48] .

L'attentisme d'Hitler Notamment afin d'isoler Röhm, le 20 avril 1934, Göring confie, sur l'ordre d'Hitler, le commandement de la police politique prussienne à Himmler, qu'il pense capable de contrer Röhm[49] . Himmler, jaloux de l'indépendance et de la puissance de la SA, poursuit la restructuration et le développement de la Schutzstaffel, qui passe d'un petit groupe de gardes du corps d'Hitler à un corps d'élite, accomplissant ses ordres sans broncher et d'une fidélité absolue envers le Führer. Cette discipline et cette fidélité s'avérèrent particulièrement précieuses lors de l'épreuve de force avec Röhm et la SA. Les mesures de Hitler pour brider l'indépendance de la SA se renforcent mais restent prudentes. Les conservateurs dans l'armée, l'industrie et la politique mettent Hitler sous une pression croissante pour qu'il réduise l'influence des chemises brunes. Si l'homosexualité notoire de Röhm choque les milieux conservateurs, ses ambitions politiques les préoccupent bien davantage. Hitler hésite depuis des mois à s'opposer frontalement à Röhm, le seul compagnon qu'il tutoie[50] et auquel il est lié par une longue amitié[51] , comme en témoigne la lettre qu'il lui adresse le 31 décembre 1933 : « Lorsque je t'ai appelé à ton poste actuel, mon cher Chef d'État-major, la SA traversait une crise sérieuse. C'est en tout premier lieu à tes services que cet instrument politique doit d'être devenu en quelques années la puissance qui m'a permis de livrer l'ultime combat pour le pouvoir. [...] Je me dois de te remercier mon cher Ernst Röhm, pour les inestimables services que tu as rendus au national-socialisme et au peuple allemand. Sache que je rends grâce à la Destinée de pouvoir donner à un homme tel que toi le nom d'ami et de frère d'armes »[52] . De plus, Röhm détient encore le pouvoir sur une milice de plusieurs millions de membres à travers toute l'Allemagne. Cependant, la menace d'une proclamation de la loi martiale par Hindenburg, seule personne en

30


Nuit des Longs Couteaux Allemagne ayant assez d'autorité pour déposer le régime nazi, met Hitler sous pression et limite la possibilité de trouver un compromis. Hitler hésite cependant toujours. Lors d'une interview avec le journaliste américain Louis P. Lochner, en évoquant son entourage et la personnalité de Röhm, le Führer déclare que « il est vrai que je ne suis pas entouré de zéros, mais de vrais hommes. Les zéros sont ronds, ils roulent au loin quand les choses vont mal. Les hommes que j'ai autour de moi ont des angles et ils sont droits. Ce sont tous des personnalités, ils sont tous pleins d'ambition...Mais jamais aucun homme de mon entourage n'a essayé de m'imposer sa volonté. Au contraire, ils se conforment entièrement à mes vœux »[53] .

La fin des doutes et la préparation de la purge Après le discours de Marbourg et l'entrevue avec Hindenburg et Blomberg à Neudeck, Hitler met fin à ses tergiversations et prend la décision de détruire le pouvoir de Röhm. Himmler et Göring accueillent cette nouvelle attitude du Führer avec satisfaction, espérant pour le premier débarrasser la Schutzstaffel de la tutelle de la SA et assurer son indépendance, et pour le second, la mise à l'écart d'un rival pour le commandement de l'armée. Le 27 juin 1934, Sepp Dietrich se fait délivrer des armes par le ministère de la défense en vue « d'une mission très importante confiée à ses soins par le Führer »[54] . En vue de la purge, Himmler et son adjoint direct, Reinhard Heydrich, chef du service de sécurité SS, fabriquent un dossier de fausses preuves prétendant que Röhm avait été payé douze millions de marks par la France pour renverser Hitler. Les principaux dirigeants de la SS découvrent ce dossier monté de toutes pièces le 24 juin, ce qui fonde l'accusation contre Röhm suspecté de fomenter un complot contre le gouvernement (le Röhm-Putsch)[55] . Tout en préparant l'épuration de la SA et en dressant la liste de ses responsables à éliminer, sous l'impulsion de Heydrich, le SD, la SS et la Gestapo élargissent la liste des futures victimes sans lien avec la SA[56] . Les listes circulent entre la Gestapo et les services de Göring, qui en retire Rudolf Diels[57] .L'un des rédacteurs de ces listes de proscription, Ilges, SD-Obersturmführer, tient les propos suivants : « Vous savez ce que c'est d'être ivre de sang ? J'ai l'impression d'avoir le droit de patauger dans le sang »[58] D'après Friedrich Karl von Ebertsein, proche de Heydrich, la liste des victimes envoyée de Berlin au SD de Dresde est signée par Heydrich lui-même. Le 27 juin, Hitler obtient la coopération de l'armée[59] : Blomberg et le général Walther von Reichenau, l'intermédiaire entre l'armée et le parti, font expulser Röhm de la ligue des officiers allemands et placent l'armée en alerte[60] . Les généraux von Kleist et Gotthard Heinrici, qui ont mené leur propre enquête sur la réalité du projet de coup d'État et qui sont convaincus de l'inexistence de celui-ci prennent contact avec le général von Fritsch. Lors d'une entrevue avec von Reichenau, von Fritsch et von Kleist reçoivent comme toute réponse : « C'est bien possible, mais de toute façon, il est trop tard »[61] . Le 28 juin, Hitler se rend, en compagnie de Göring au mariage du gauleiter Josef Terboven, à Essen en Westphalie, pour des raisons qui restent controversées[62] . Il y retrouve notamment Viktor Lutze, qui a le sentiment « que certaines gens avaient intérêt à profiter de l'absence de Hitler pour accélérer le train de l'affaire et parvenir à une conclusion rapide »[63] . Hitler quitte la noce assez tôt pour rejoindre son hôtel d'où il s'entretient par téléphone avec l'adjudant-major de Röhm à Bad Wiessee et demande aux dirigeants de la SA de venir le rencontrer le 30 juin[64] . Le 29 juin, en début d'après-midi, il arrive à l'hôtel Dreesen, à Bad Godesberg dans le cadre de ses visites d'inspection aux camps du service allemand du travail.[65] .

31


Nuit des Longs Couteaux

Les tueries La purge de la SA et l'assassinat de Röhm Le 29 juin, Göring met en alerte l'unité de gardes du corps d'Hitler, qui deviendra la 1re division SS Leibstandarte Adolf Hitler et la Landspolizeigruppe General Göring, troupe de police lourdement armée qui sera transformée au cours de la guerre en 1re division Fallschirm-Panzer Hermann Göring ; il donne également des instructions de mobilisation des commandos de tueurs à Reinhard Heydrich et Heinrich Müller ; Sepp Dietrich et ses hommes s'envolent pour Munich[66] . À son arrivée dans la capitale bavaroise, vers minuit, Dietrich téléphone au Führer qui lui donne l'instruction de marcher sur Bad Wiessee[67] . Peu de temps après, c'est Himmler qui appelle Hitler de Berlin, pour lui annoncer que le putsch de la SA doit se déclencher à 16 heures, sous le commandement du SA Grüppenführer Karl Ernst[] . Goebbels, qui est aux côtés de Hitler et qui sait qu' Ernst, loin de préparer un putsch, est prêt à s'embarquer pour Ténériffe et Madère, en voyage de noces, ne dément pas l'information[] . Le 30 juin 1934, à deux heures du matin, Hitler et son entourage prennent l'avion pour Sepp Dietrich Munich à l'aéroport de Bonn-Hangelar[68] . De l'aéroport de Munich, ils se rendent au ministère de l'intérieur de Bavière, où sont rassemblés les responsables d'une émeute de la SA qui avait eu lieu dans des rues de ville la nuit précédente. L'incident a manifestement été gonflé et exploité : si des slogans hostiles au Führer et à la Reichswehr ont effectivement été lancés, des officiers de la SA ont exhorté leurs hommes à retrouver leur calme : « Rentrez tranquillement chez vous et attendez la décision du Führer. Quoi qu'il arrive, qu'Adolf Hitler nous congédie, qu'il nous autorise à porter cet uniforme ou qu'il nous l'interdise, nous restons avec lui, derrière lui »[69] . Furieux, Hitler arrache les épaulettes de Gruppenführer SA de la vareuse de Schmid, le chef de la police de Munich, pour ne pas avoir réussi à maintenir l'ordre. Hitler le menace d'être exécuté et le fait immédiatement incarcérer à la prison de Munich-Stadelheim[70] . Pendant que les chemises brunes sont transférées en prison, Hitler rassemble un groupe de SS accompagnés de la police régulière puis se dirige vers l'hôtel Hanselbauer à Bad Wiessee, où se trouvent Ernst Röhm et ses hommes[71] . Sans attendre les troupes de Dietrich[72] , à 6 h 30, Hitler arrive à la pension Hanselbauer à Bad Wiessee. Pistolet au poing, il entre en trombe dans la chambre de Röhm, le traite de traître et le déclare en état d'arrestation[72] . Hitler, le pistolet toujours au poing, poursuit sa course et cogne contre la porte d'une chambre voisine[73] : il y découvre le chef de la SA de Breslau, Edmund Heines, qui a manifestement passé la nuit avec un membre de la SA de 18 ans[74] . Pendant que les deux hommes sont arrêtés, Hitler frappe déjà à d'autres portes[73] ,[75] . Les dirigeants de la SA sont enfermés dans la cave de Le lac de Tergernsee qui borde Bad Wiessee. l'hôtel en attendant l'arrivée du bus qui doit les conduire à la prison de Stadelheim[] . Un incident est évité de justesse lorsque Hitler, sortant de l'hôtel, se retrouve face à la garde de l'état-major de Röhm, fortement armée, à qui il ordonne de regagner Munich sur le champ[] . Pendant ce temps, les SS arrêtent un certain nombre de chefs de la SA au moment où ils descendent du train en gare de Munich pour rejoindre Röhm[76] ou lorsque la voiture qui les conduit à Bad Wiesee croise le convoi qui emmène les prisonniers vers Stadelheim[77] .

32


Nuit des Longs Couteaux Le fait que le complot de Röhm soit une totale invention n'empêche pas Hitler d'en faire porter la responsabilité sur le commandement de la SA[78] . Rentrant vers midi au quartier-général du parti nazi à Munich, la « maison brune », Hitler s'adresse aux cinquante à soixante responsables de la SA qui y sont rassemblés[79] . « Fou de rage et l'écume à la bouche »[] , il dénonce « la plus grosse trahison dans l'histoire du monde »[] . Dans son discours d'une heure, Hitler fustige le comportement de Röhm, notamment son train de vie fastueux, insiste sur la nécessité de délimiter avec précision le rôle et les missions de la Reichswehr et de la SA, en renouvelant sa confiance à celle-ci et termine en dénonçant le complot de Röhm qui avait pour but de l'assassiner et de livrer l'Allemagne à ses ennemis[] . Dans l'après-midi, alors que les assassinats de Herbert von Bose, Erich Klausener et Kurt von Schleicher ont déjà été commis, Hitler convoque une réunion, toujours à la « maison brune » pour décider du sort de la trentaine de chefs de la SA emprisonnés à Stadelheim : y participent notamment Rudolf Hess, Martin Bormann, Goebbels, Max Amann, le responsable de la presse du parti et d'autres personnalités de second rang[80] . Après des débats animés, Hitler coche six noms de personnes à exécuter sur la liste des détenus : August Schneidhuber, Obergruppenführer SA et préfet de police de Munich, Wilhem Schmid, Gruppenführer SA à Munich, Hans Peter von Heydebreck, Gruppenführer SA à Stettin, Hans Hayn, Gruppenführer SA à Dresde, le comte Hans Joachim von Spreti-Weilbach, Standartenführer SA à Munich et Edmund Heines, SA-Obergruppenführer[81] . Par contre Hans-Karl Koch est déclaré innocent, Fritz von Krausser, SA-Obergruppenführer est grâcié en raison de son brillant passé militaire et de sa participation au Putsch de la brasserie, de même que Heinrich Himmler et Rudolf Heß à Dachau en Röhm dont le Führer refuse l'exécution[] . Hess, présent dans 1936 l'assemblée, se porte volontaire pour exécuter les « traîtres » lui-même[76] . Goebbels, qui a accompagné Hitler à Bad Wiessee, déclenche la phase finale du plan : il téléphone à Göring, donnant le mot de code Kolibri pour déclencher l'action des escouades de tueurs dans le reste de l'Allemagne[78] . « Accomplir son devoir et aligner au mur les camarades qui avaient fauté et les fusiller [...] chacun en frémissait, et, pourtant, chacun savait avec certitude qu'il le referait la prochaine fois qu'on lui ordonnerait et quand ce serait nécessaire » — Heinrich Himmler, 1943[82] . En fin d'après-midi, vers dix-huit heures, lorsque Dietrich[83] et ses tueurs se présentent à la prison de Stadelheim, son directeur, Koch, proteste en estimant qu'un simple coup de crayon rouge sur une liste de noms ne lui paraît pas « très règlementaire » comme ordre d'exécution[84] . Il prend contact avec le Ministère de l'Intérieur, puis il est contacté par le ministre lui-même, Hans Frank, tenu à l'écart des événements et qui lui annonce qu'il vient sur le champ[85] . Dietrich, quant à lui, ne veut pas attendre l'arrivée de Frank pour procéder aux exécutions. Il retourne à la « maison brune » quasi déserte, où il obtient une confirmation de la liste des personnes à exécuter via la signature de celle-ci par le Ministre de l'Intérieur de Bavière, Adolf Wagner[85] . Pendant ce temps, Frank, arrivé sur place a également obtenu confirmation de l'ordre du Führer au cours d'un entretien téléphonique avec Hess[85] . Les prisonniers sont amenés dans la cour de la prison et fusillés un par un par un peloton d'exécution sous les ordres de Sepp Dietrich, qui ne commande personnellement que les deux premières exécutions[86] . Selon Jacques Delarue Schneidhuber supplie Dietrich en vain, s'écriant « Camarade Sepp, qu'est-ce qui se passe ? Nous sommes innocents ! »[87] . Pour Jean Phillipon, après des protestations à l'annonce de la décision du Führer, les condamnés meurent en s'écriant « Je meurs pour l'Allemagne : Heil Hitler! »[88] . Des exécutions ont également lieu à Berlin, dont celles de Karl Ernst, chef de la SA de Berlin-Brandebourg, arrêté à Brême la veille de son embarquement pour une croisière

33


Nuit des Longs Couteaux dans l'Atlantique sud[89] , qui crie au peloton : « Visez juste, camarades ! »[90] . En Silésie, le chef SS Udo von Woyrsch[91] perd le contrôle de ses hommes[92] : ceux-ci traquent Werner Engels, SA-Sturbannführer et responsable de la police de Breslau dans les bois et l'abattent ; un des membres du commando tue un ancien SS-Stabsführer, exclu pour malversations financières et dont l'exécution est maladroitement maquillée en un crime commis par des rodeurs[93] . L'action de la SS en Silésie est particulièrement violente et outrepasse les ordres d'Himmler : quatorze membres de la SA sont exécutés, dont sept sont fusillés un par un dans les bois d'Obernigk à la lueur des phares des véhicules, huit civils, dont un médecin juif et trois communistes, sont assassinés, des centaines d'opposants au régime ou tièdes à son égard sont emprisonnés ou passés à tabac[] ...En Prusse orientale, Erich von dem Bach-Zelewski, fait abattre, sur ordre d'Heydrich, Anton von Hohberg und Buchwald, cavalier exceptionnel et SS-Reiteführer, qui avait rapporté au ministère de la défense des propos hostiles à la Reichswehr tenus par un SS-Gruppenfürer[94] . La répression sévit aussi en Poméranie : le SA-Gruppenführer Peter von Heydebreck et son chef d'État-major sont passés par les armes, tous les SA-Brigadeführer sont destitués, les responsables locaux du Stahlhelm sont emprisonnés et parfois torturés ; trois anciens membres de la SS, condamnés pour leurs exactions dans le camp de concentration de Bredow, près de Stettin sont également assassinés[] . La mort de Röhm est suivie d'une nouvelle série d'exécutions à Berlin : l' Obergruppenführer SA Falkenhausen, le Gruppenführer von Detten, Ritter von Krausser, précédemment gracié par Hitler[95] . La dernière victime désignée, le Gruppenführer SA Karl Schreyer est embarqué dans une voiture pour être fusillé à la prison de Lichtervelde, à 4 heures du matin, le 2 juillet[] : il est sauvé par l'arrivée d'un Standartenführer de la Leibstandarte qui transmet l'ordre d'Hitler d'arrêter les exécutions[] . La mort de Röhm Röhm est emprisonné à la prison de Stadelheim à Munich, où il manifeste le plus grand calme, même après avoir entendu les salves du peloton d'exécution : il participe à la promenade des prisonniers et demande qu'on lui apporte des effets personnels. Hitler hésite toujours sur le sort à lui réserver, notamment compte tenu des services rendus par Röhm au mouvement nazi. Röhm ne peut pas être retenu en détention indéfiniment, ni exilé ; un procès public rendrait inévitable un examen minutieux de la purge, ce qui n'est évidemment pas souhaitable[96] . De nombreux dignitaires nazis, parmi lesquels Rudolf Hess, Alfred Rosenberg et Max Amann, les inventeurs du complot imaginaire de Röhm, Göring, qui a déjà annoncé l'exécution de Röhm lors de sa conférence du 30 juin, Himmer, Heydrich et von Reichenau font pression sur le Führer : en conclusion d'un débat hystérique, Hitler revient, dans l'après-midi du 1er juillet, sur la grâce accordée la veille mais exige que l'on offre à Röhm la possibilité d'éviter le déshonneur en se suicidant[97] . L'ordre de Hitler passe le 2 juillet par toute la ligne hiérarchique de la Theodor Eicke SS : Himmler, Heydrich, Karl Oberg pour aboutir chez le SS-Oberabschnittsführer de Munich qui désigne les bourreaux, Theodor Eicke, commandant du camp de concentration de Dachau, et Michel Lippert, commandant de la garde du camp[] . Le directeur de la prison de Stadelheim, le Dr Koch, fait à nouveau des difficultés : il contacte Frank le ministre de la Justice, qui lui donne comme seul conseil de rédiger un rapport détaillé[] . Les tueurs rendent visite à Röhm dans sa cellule. Ils lui remettent un pistolet chargé et la dernière édition du Völkischer Beobachter et lui expliquent qu'il a dix minutes pour se suicider, pour éviter une exécution. Röhm refuse et déclare que « si je dois être tué, laissez Adolf le faire lui-même »[98] Après le temps imparti, les tueurs reviennent dans la cellule de Röhm où ils le trouvent torse-nu dans

34


Nuit des Longs Couteaux un geste de bravade[99] . Les derniers mots de Röhm sont « Mon Führer, mon Führer », auxquels Eicke répond par « Il fallait songer à tout cela un peu avant, maintenant il est un peu tard»[100] . Eicke et Lippert l'assassinent à bout portant[101] . La brièveté du délai laissé à Röhm risquant de heurter Hitler, on raconte à celui-ci que Röhm a été abattu lors d'une tentative d'évasion[] . L'opération de purge se prolonge jusqu'au 2 juillet.

Les règlements de compte L'opération ne se limite pas à une purge de la SA. Après avoir, dès la prise du pouvoir, fait emprisonner, exiler ou exécuter les sociaux-démocrates et les communistes, Hitler profite de l'occasion pour s'occuper des conservateurs qu'il considère comme non-fiables[102] . Ceci inclut le vice-chancelier von Papen et son entourage. À Berlin, une unité armée de la SS boucle la vice-chancellerie, pendant qu'en présence de Himmler, Göring, dans son bureau, informe von Papen de l'opération en cours, sans toutefois lui donner de détails[103] . Alors que Herbert von Bose, le secrétaire de von Papen reçoit un visiteur, Friedrich Minoux, gros négociant en charbon[] , les tueurs, « deux messieurs très corrects »[104] , lui demandent d'interrompre l'entretien, sous prétexte d'une communication urgente. En quittant son bureau von Bose remet son portefeuille et sa chevalière portant ses armoiries à deux de ses collaborateurs[] . Il est emmené dans un bureau au fond du bâtiment, d'où l'on entend claquer dix coups de feu suivis d'un onzième[] . Arrivé sur les lieux, von Papen proteste en vain : il ne peut empêcher l'arrestation du collaborateur qui l'accompagne, Fritz Günther von Tschirschky et il est reconduit en résidence surveillée à son domicile[] . C'est sur l'insistance personnelle de Heydrich qu'est assassiné Erich Klausener[105] , chef de l'Action catholique, adversaire résolu des nazis, figure de proue de l'opposition catholique au nazisme. qui n'hésite pas à les dénoncer publiquement à plusieurs reprises; pour Göring, « ce fut une action vraiment sauvage de Heydrich »[105] . Kurt Gildish, chargé de l'assassinat abat Klausener par derrière, d'une balle dans la tête, pendant que celui-ci enfile sa veste[105] . Il téléphone ensuite, du bureau de la victime au ministère, à Heydrich, qui lui ordonne de maquiller le crime en suicide[105] . Parmi les personnalités catholiques, on compte aussi au nombre des victimes Kuno Kamphausen[106] , ancien membre du Zentrum ou Adalbert Probst[107] Timbre à l'effigie d'Erich Klausener , responsable d'une association catholique de jeunesse. Le général de brigade Ferdinand von Bredow est arrêté en son domicile de Berlin et tué par un commando de la Gestapo près de Lichtenberg. Le journaliste Walter Schotte, collaborateur de von Papen qui s'était opposé aux nazis lors des élections du 6 novembre 1932 est assassiné par la Gestapo à 6h30 du matin[108] . Le vice-chancelier lui-même est arrêté sommairement à la vice-chancellerie, en dépit de ses protestations véhémentes. Bien que Hitler l'ait fait libérer quelques jours plus tard, Papen n'osera plus critiquer le régime à partir de cet évènement[109] .

35


Nuit des Longs Couteaux

36

Hitler, Göring, Himmler et Heydrich utilisent la Gestapo et la SS contre leurs anciens ennemis. Kurt von Schleicher, prédécesseur de Hitler comme chancelier, et son épouse sont assassinés chez eux. Six hommes investissent la villa de von Schleicher le 30 juin vers midi ; le général est assis à son bureau. Lorsqu'il confirme son identité en réponse à la question d'un des tueurs, il est immédiatement atteint de trois coups de pistolet ; lorsque son épouse entre dans la pièce voisine, elle est également abattue et meurt le jour même à l'hôpital[110] . La manière dont se sont déroulés les meurtres et la notoriété des victimes suscitent des difficultés. Avertie par des voisins vers 12 h 45, la gendarmerie arrive sur les lieux et contacte le parquet de Potsdam. L'instruction est confiée à un jeune magistrat, le Dr Grützner, qui résiste aux premières pressions pour accréditer la thèse d'un suicide et prévient le procureur, dont la ligne est sur écoute : Göring, Himmler et Heydrich sont donc immédiatement au courant. À 18 heures, le dossier est retiré à Gürtzner, qui se voit menacé par une délégation conduite Kurt von Schleicher en 1932 par Roland Freisler, au milieu de la nuit, d'être interné en camp de concentration pour le convaincre de laisser tomber l'affaire[111] . Afin de couper court aux rumeurs, la radio diffuse un communiqué vers 22 heures, repris le lendemain par la presse, selon lequel von Schleicher entretenait des rapports subversifs avec les éléments de la SA hostiles à l'état et avec des puissances étrangères ; il s'est opposé, les armes à la main à son arrestation, et est mort, ainsi que son épouse, lors d'un échange de coups de feu avec la police[] . Parmi les autres victimes, on compte Gregor Strasser, nazi de longue date qui a rompu avec Hitler en 1932 et s'est retiré de la politique : abattu d'une balle dans la tête, il agonise dans une cellule pendant que Heydrich hurle : « Il n'est pas encore mort ? Laissez ce porc se vider de son sang »[112] . Hitler est furieux lorsqu'il apprend la mort de Strasser, qu'il n'a pas ordonnée, mais Himmler lui affirme qu'il s'agit d'un suicide[113] . Gustav von Kahr, ancien commissaire de l'État de Bavière qui a contribué à faire échouer le Putsch de la brasserie en 1923, âgé de 71 ans, fait aussi partie des victimes[114] . Le sort de von Kahr est particulièrement cruel. Torturé à Dachau où il est fusillé[115] , son corps est retrouvé dans un bois de la périphérie de Munich tailladé à coups de pioche[116] . Le Père Bernhard Stempfle, qui connaît quelques secrets sur la vie privée d'Hitler, meurt de trois balles dans le cœur et la colonne vertébrale brisée[117] . Le SS Oberabschnittsführer Erich von dem Bach-Zelewski fait assassiner son rival, le baron von Hohberg und Buchwald, SS Reiterführer dans la grande salle de son manoir à Koeninsberg[118] .

Gregor Strasser

Les assassins font aussi des victimes accidentelles : Willi Schmid, un critique musical du Münchner Neuste Nachrichten est confondu avec Ludwig Schmitt, un ancien partisan d'Otto Strasser[119] . Malgré les protestations de son épouse qui affirme qu'il s'agit manifestement d'une erreur, Willi Schmid est emmené à Dachau : le 4 juillet, sa veuve reçoit un cercueil contenant officiellement la dépouille de son mari, avec interdiction formelle de l'ouvrir[120] . Le chef de la Hitlerjugend de Saxe, Laemmermann est également exécuté par erreur[121] . Cette explosion de violence, dont de nombreuses victimes sont des nazis de longue date, crée un climat de terreur et fonde la sinistre réputation de la Gestapo et de la SS.


Nuit des Longs Couteaux

Bilan politique L'ampleur de la purge dont des responsables politiques de premier plan sont les victimes l'empêche de rester secrète. Dans les premiers jours, ses organisateurs semblent partagés sur la façon de manipuler l'évènement. Le 30 juin dans l'après-midi, Hermann Göring organise une conférence de presse à Berlin, au cours de laquelle il déclare notamment que « le commandement suprême de la SA avait forgé des plans dont le but était de saper le Mouvement, de porter la subversion dans l'État et d'édifier un État qui aurait été en quelque sorte la propriété de ces personnalités morbides » ; en réponse aux questions des jounalistes, il affirme que von Schleicher est mort en résistant à son arrestation, ajoutant qu' on ne fait pas d'omelette sans casser les oeufs et que la saison de la trahison est terminée ; il précise également que Röhm n'appartient plus au nombre des vivants, alors qu'à ce moment, il bénéficie toujours de la grâce du Führer[122] . Le 2 juillet, Göring enjoint néanmoins aux services de la Gestapo, de la SS et de la Sipo de brûler tous les documents relatifs à l'action des deux précédents jours[123] et Goebbels essaie d'empêcher les journaux de publier la liste des victimes. Dans le même temps, Goebbels explique à la radio comment Hitler a empêché Röhm et Schleicher de renverser le gouvernement et de jeter le pays dans le chaos[124] . Selon un communiqué de presse du bureau de presse du Reich, l'homosexualité de Röhm est une des justifications de la purge. « Ses penchants malheureux et connus ont conduit à des tares si détestables que le chef du mouvement et chef suprême de la SA [Adolf Hitler] a lui-même été amené à des graves problèmes de conscience [...] L'exécution de l'arrestation a révélé des images moralement si tristes que toute espèce de pitié a été forcée de disparaître. Certains de ces chefs SA étaient en compagnie de prostitués. L'un d'eux a été surpris et arrêté dans la situation la plus obscène. Le Führer a donc donné l'ordre d'exterminer impitoyablement cette pestilence. Qu'il soit ainsi entendu qu'à l'avenir, on ne supportera plus que des milliers d'hommes sains soient contaminés ou compromis par des êtres isolés aux penchants maladifs » — Communiqué du Reichspressestelle[125] . Pour donner un caractère Loi sur les mesures d'autodéfense d'État du légal au massacre, Hitler fait approuver, dès le 3 juillet une loi 3 juillet 1934. rétroactive aux termes de laquelle « les mesures prises les 30 juin, 1er et 2 juillet pour supprimer des assauts traîtres sont légales en tant qu'actes d'autodéfense par l'État »[126] . Le ministre de la justice du Reich Franz Gürtner, un conservateur qui avait été ministre de la justice de Bavière sous la République de Weimar, démontre sa fidélité au nouveau régime en rédigeant le texte de la loi. Les membres non nazis du gouvernement capitulent totalement quand le conseiller d'État et éminent juriste Carl Schmitt écrit un article justifiant le discours officiel qu'Hitler tient devant le Reichstag le 13 juillet[127] . « Quand on déclare qu'un procès aurait pu seul établir exactement les responsabilités et déterminer les peines, je proteste contre une telle affirmation. Quiconque s'élève contre l'Allemagne est un traître à la patrie. Quiconque est traître à la patrie ne doit pas être jugé d'après l'étendue de ce qu'il a fait mais d'après ce qu'il voulait faire. Celui qui se place sous le signe de la déloyauté, de l'infidélité à ses promesses les plus sacrées ne peut attendre rien d'autre que ce qui lui est arrivé » — Discours d'Adolf Hitler du 13 juillet 1934[128] . « Le Führer protège le droit devant le pire des abus lorsque, face au péril, il crée le droit de façon immédiate en vertu de son pouvoir de Führer et de juge suprême. [...] Un véritable Führer est toujours également juge. [...] En réalité, l'acte accompli par le Führer était un acte de juridiction pure. Cet acte n'était pas soumis à la justice, il était lui-même la justice suprême »

37


Nuit des Longs Couteaux — Carl Schmitt[129] .

Principales personnes tuées Parmi les nazis • • • • • • • • • •

Karl Ernst, membre du Reichstag, Führer du SA Untergruppen Ost Edmund Heines, SA Obergruppenführer Hans-Karl Koch, membre du Reichstag, SA Brigadeführer Ernst Röhm, chef de la SA August Schneidhuber, membre du Reichstag, chef de la police de Munich Emil Sembach, membre du Reichstag, ex SS Oberführer Gregor Strasser, ancien leader du NSDAP à Berlin et de l'aile gauche du parti Georg von Detten, membre du Reichstag, Abteillungschef du commandement supérieur de la SA Friedrich Wilhelm Ritter von Krausser Peter von Heydebreck, membre du Reichstag, SA Gruppenführer

Parmi les personnalités conservatrices • • • • • • • •

Fritz Gerlich, journaliste, opposant catholique, membre du Zentrum et animateur de la revue Der gerade Weg Edgar Julius Jung, avocat, auteur du discours de Marbourg de von Papen Kuno Kamphausen, architecte, membre du Zentrum Erich Klausener, chef de l'Action catholique Adalbert Probst, Reichsführer du Deutsche Jugendkraft-Sportverbands Herbert von Bose, secrétaire de Franz von Papen Ferdinand von Bredow, général, bras-droit de von Schleicher Gustav von Kahr, politicien conservateur, ancien chef de Freikorps, ancien Ministre-Président de Bavière et l'un des responsables de l'échec du putsch de la brasserie • Kurt von Schleicher, général, ancien chancelier • Elisabeth von Schleicher, son épouse

Réactions En Allemagne En Allemagne, à la quasi-unanimité, l'armée applaudit la « Nuit des Longs Couteaux », malgré la mort de deux de ses généraux, Kurt von Schleicher et Ferdinand von Bredow. Le président Paul von Hindenburg adresse au Führer un télégramme de félicitations :« D'après les rapports que je viens de recevoir, je constate que par votre esprit de décision et votre courage personnel, vous avez étouffé dans l'œuf les intentions des traîtres. Je vous exprime par ce télégramme ma profonde reconnaissance et mes remerciements très sincères »[130] ; dans un ordre du jour à l'armée, von Blomberg va encore plus loin : « Le Führer a attaqué et écrasé les mutins avec la décision d'un soldat et un courage exemplaire. La Wehrmacht, en tant que seule force armée de l'ensemble de la nation, tout en restant à l'écart des luttes de politique intérieure, lui témoignera sa reconnaissance par son dévouement et sa fidélité »[] . Le général Walther von Reichenau va même jusqu'à donner publiquement du crédit au mensonge selon lequel von Schleicher avait comploté pour renverser le gouvernement. Le soutien de l'armée à la purge a des conséquences importantes. La SA humiliée ne constitue plus une menace, mais, en se ralliant à la purge, l'armée s'est étroitement liée au régime nazi[131] . Le capitaine à la retraite, Erwin Planck résume clairement cette situation en déclarant à son ami, le général Werner von Fritsch : « Si vous regardez sans même bouger un doigt, vous rencontrerez le même destin tôt ou tard »[132] .

38


Nuit des Longs Couteaux Les Allemands font confiance au régime et estiment que Hitler a sauvé l'Allemagne du chaos[133] . La presse allemande, y compris des journaux qui n'ont pas encore été « nazifiés », comme la Kreuz Zeitung ou la Deutsche Allgemeine Zeitung, approuve la purge et reprend à son compte les arguments d'Hitler, à l'exception de la Gazette de Francfort, qui met en doute la réalité d'une alliance entre Röhm, von Schleicher et Gregor Strasser[134] . Le discours d'Hitler du 13 juillet 1934 devant les membres du Reichstag est acclamé par les milliers de personnes massées à l'extérieur de l'opéra Kroll, où se tiennent les séances du parlement depuis son incendie[135] . « En cette heure, je fus responsable du destin du peuple allemand, et je suis devenu de ce fait le juge suprême des Allemands. J'ai donné l'ordre d'abattre les meneurs dans cette trahison, et j'ai aussi donné l'ordre de cautériser jusqu'à la chair crue les ulcères de cet empoisonnement des puits de notre vie domestique. Faites savoir à la nation que son existence, qui dépend de l'ordre et de la sécurité intérieure, ne peut pas être menacée impunément par n'importe qui ! Et faites savoir que pour tous les temps qui viennent que si quelqu'un lève le poing pour frapper l'État, alors une mort certaine sera son sort[136] . » Les assassinats ne soulèvent pas de réactions défavorables en Allemagne[137] . Toutefois, à titre symbolique, malgré les ordres formels de von Blomberg, le général Hammerstein-Equord, démis de ses fonctions de commandant de l'armée de terre depuis le mois de février en raison de son antipathie pour les nazis, se présente aux funérailles de Kurt von Schleicher[138] . Des protestations sont également le fait du clergé catholique, notamment dans la région de la Ruhr ou à Münster : dans cette ville, lors de la procession du 10 juillet 1934, l'évêque local est ovationné par la foule après avoir affirmé publiquement qu'en cas d'arrestation, « il faudrait le mener, vêtu de tous ses ornements sacerdotaux, la crosse au poing, à pied, à travers la ville, jusqu'aux bureaux de la Gestapo »[139] À l'étranger La presse étrangère condamne unanimement le crime. Le Times évoque « un retour à des méthodes médiévales », le Sunday reference estime que « les gangsters de Chicago sont plus honnêtes », le New-York Herald Tribune parle de « menace pour la civilisation » et considère le discours du 13 juillet comme « terrifiant parce qu'il est manifestement sincère » ; même la presse de l'Italie fasciste, comme le Popolo di Roma ou le Popolo d'Italia réprouve la purge[140] . Pour le journal français Le Temps, « ce n'est pas un très beau crime... C'est une affaire de police des moeurs. On y sent la culpabilité, la trahison, l'hypocrisie. Ces cadavres sont exhibés dans la fange et les meurtriers se sont ménagés un alibi. »[141] Pour la Pravda, « les événements du 30 juin rappellent les mœurs de l'Équateur ou du Panama »[] . « Jamais il [le Führer] n'a témoigné d'une férocité plus calculée, plus volontaire et par là même plus répugnante. [...] Et que dire de cette débauche de sauvagerie dans l'assassinat de von Schleicher et de sa femme, des fusillades en masse pour des motifs inconnus et invérifiables qui laissent apparaître une sorte de manie sadique dans la cruauté? [...] Jamais le racisme hitlérien ne m'est apparu plus nettement comme l'ennemi de toute civilisation, de toute moralité, de toute paix humaine. Jamais je ne me suis senti plus profondément pénétré de la certitude que l'extirpation du racisme, du fascisme, de tout ce qui y ressemble ou y tend, est comme un devoir préalable de rédemption par lequel l'humanité doit se rendre digne d'elle-même » — Léon Blum, Le Populaire, 3 juillet 1934[142] .

Conséquences Adolf Hitler nomme Viktor Lutze pour remplacer Ernst Röhm à la tête de la Sturmabteilung. Hitler lui enjoint de mettre un terme à « l'homosexualité, la débauche, l'ivresse et au train de vie fastueux » à l'intérieur de la SA[143] . Hitler lui interdit expressément d'utiliser les fonds de la SA pour des limousines et des banquets, ce qu'il considère comme extravagant[143] . Sans grande personnalité, Lutze renonce à l'indépendance de la SA, qui voit sa puissance décroître au cours des années suivantes. Les adhésions passent de 2,9 millions en août 1934 à 1,2 million en avril 1938[144] . À titre symbolique, tous les poignards décoratifs de la SA sont modifiés : la devise "Alles für Deutschland" (tout pour l'Allemagne), gravée sur la lame de toutes les dagues de la SA subsiste, mais sur le dos de la lame des dagues dites "d'honneur", qui avaient été remises par Röhm à certains membres de la SA, figurait la

39


Nuit des Longs Couteaux mention "In herzlicher Kameradeschaft" (en camaraderie cordiale), suivie de sa signature. Les récipiendaires de ces armes doivent faire meuler, au moins le nom de Röhm, sinon la phrase entière. Quelques semaines après la purge, Heinrich Himmler est récompensé par l'octroi de l'indépendance à la Schutzstaffel vis-à-vis de la Sturmabteilung, c'est-à-dire à son passage sous le commandement unique de Adolf Hitler. Reinhard Heydrich est également remercié par une promotion au grade de SS-Gruppenführer et les SS ayant participé à la purge reçoivent des poignards décoratifs avec une inscription spéciale[145] . La Nuit des Longs Couteaux scelle pour quelques années l'alliance de Hitler et des milieux conservateurs. L'initiative brutale de Hitler apaise les conservateurs car l'élimination des nazis révolutionnaires (c'est-à-dire de la tendance populiste du parti national-socialiste) rassure la droite sur les intentions du nouveau régime ; elle génère toutefois une inquiétude dans ces mêmes milieux, certaines victimes de la purge en étant issues. Cette purge représente un véritable triomphe pour Hitler, même si la répression avait dépassé les limites qu'il avait fixées[146] et un tournant pour le gouvernement allemand. Le fait que le président Paul von Hindenburg est mourant confère à Hitler le rôle de « juge suprême des allemands », pour reprendre ses propos lors de son discours du 13 juillet au Reichstag[147] . Quelques procureurs tentent d'entamer des actions judiciaires contre ceux qui ont effectué les meurtres, tentatives que le régime annule rapidement : aucune loi ne contraindra Hitler dans l'utilisation de la force[148] . Cette purge témoigne de la manière fondamentalement chaotique et imprévisible avec laquelle Hitler gouverne. La Nuit des longs couteaux envoie également un message clair à l'ensemble de la société : aucun Allemand, quelle que soit son rang ou sa position, n'est à l'abri d'une arrestation ou d'une exécution s'il est perçu comme une menace pour le nouveau régime[149] .

Voir aussi Représentations cinématographiques • Les Damnés de Luchino Visconti (1969) • Der Röhm-Putsch de Axel Eggebrecht (1970)

Liens externes • (en) Liste complète des alliés et opposants tués ou écartés durant la Nuit des Longs Couteaux [150] • (en) The History Place — Triomphe de Hitler — Nuit des Longs Couteaux [151]

Bibliographie En français • • • • •

(fr) Charles Bloch, La nuit des longs couteaux, 30 juin 1934 : Hitler liquide les siens, Paris, Julliard, 1967 (fr) Mario R. Dederichs, Heydrich, Tallandier, Paris, 2007. (ISBN 9782847344110) (fr) Jacques Delarue, Histoire de la Gestapo, Fayard, Paris, 1962. (ASIN B0000DSDUR) (fr) Jean François, L'affaire Röhm-Hitler, Paris, Gallimard, 1946 (fr) Max Gallo, La Nuit des Longs Couteaux, Paris, Robert Laffont, 1970 (rééd. Paris, Tallandier, 2007, (ISBN 284734456x)) • (fr) Heinz Höhne, L'ordre noir, Histoire de la SS, Casterman, Tournai, 1972. (ASIN B0000DOFXL) • (fr) Noël Kemski, Les longs couteaux, Paris, Gallimard, 1962 • (fr) Guido Knopp, Les SS, un avertissement de l'histoire, Paris, Presses de la Cité, 2006. (ISBN 9782258064171) • (fr) Ian Kershaw, Hitler, 1889-1936, Paris, Flammarion, 1999

40


Nuit des Longs Couteaux • (fr) Jean Philippon, La Nuit des Longs Couteaux : Histoire d'une intox, Coll. Histoire, Armand Colin, Paris, 1995. (ISBN 9782200372897)

• (fr) Heinz Höhne, L'ordre noir, Histoire de la SS, Casterman, Tournai, 1972. (ASIN B0000DOFXL) • (fr) Guido Knopp, Les SS, un avertissement de l'histoire, Paris, Presses de la Cité, 2006. (ISBN 9782258064171) • (fr) Otto Strasser et Victor Alexandrov, Le front noir contre Hitler, Verviers, Gérard, 1969

En anglais • (en) Richard Bessel, Political Violence and the Rise of Nazism : The Storm Troopers in Eastern Germany 1925–1934, New Haven : Yale University Press, 1984. (ISBN 0-30-003171-8) • (en) Alan Bullock, Hitler : A Study in Tyranny, New York : Harper, 1958. (ASIN B000H2N5W6) • (en) Martin Collier et Phillip Pedley, Hitler and the Nazi State, New York : Harcourt, 2005. (ISBN 0-43-532709-7) • (en) Richard Evans, The Third Reich in Power, New York : Penguin Group, 2005. (ISBN 0-14-303790-0) • (en) Joachim Fest, Hitler, New York : Harcourt, 1974. (ISBN 0-15-602754-2) • (en) Norbert Frei, National Socialist Rule in Germany : The Führer State 1933–1945, Oxford : Oxford University Press, 1987. (ISBN 0-63-118507-0) • (en) Heinz Höhne, The Order of the Death's Head : The Story of Hitler's SS, New York : Coward-McCann, 1970. (ISBN 0-14-139012-3)

• (en) Ian Kershaw, Hitler : 1889–1936 Hubris, New York : W. W. Norton & Company, 1999. (ISBN 0-39-332035-9) • (en) Ian Kershaw, The « Hitler Myth » : Image and Reality in the Third Reich, Oxford : Oxford University Press, 2001. (ISBN 0-19-280206-2) • (en) Victor Klemperer, I Will Bear Witness: The diaries of Victor Klemperer, New York : Random House, 1998. (ISBN 0-679-45969-1)

• (en) Robert O'Neill, The German Army and the Nazi Party 1933–1939, New York : James H Heineman, 1967. (ISBN 0-68-511957-2)

• (en) Eric G. Reiche, The Development of the SA in Nürnberg, 1922–1934, Cambridge : Cambridge University Press, 2002. (ISBN 0-52-152431-8) • (en) David Schoenbaum, Hitler's Social Revolution : Class and Status in Nazi Germany, 1933–1939, W. W. Norton & Company, 1997. (ISBN 0-39-331554-1) • (en) William L. Shirer, The Rise and Fall of the Third Reich, New York : Simon and Schuster, 1960. (ISBN 0-67-172868-7)

• (en) John Toland, Adolf Hitler : The Definitive Biography, New York : Doubleday, 1976. (ISBN 0-38-542053-6) • (en) Franz von Papen, Memoirs, London : Dutton, 1953. (ASIN B0007DRFHQ) • (en) John Wheeler-Bennett, The Nemesis of Power : The German Army in Politics 1918–1945, Palgrave Macmillan, seconde édition, 2005. (ISBN 1-40-391812-0)

Notes et références • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « of the Long Knives Night of the Long Knives [152] » (voir of the Long Knives la liste des auteurs [152]) (voir aussi [[|la page de discussion]]). [1] Ce terme est prononcé, à une seule reprise dans le discours de Hitler aux membres du Reichssag le 13 juillet 1934, cf. (de) Max Domarus, Hitler, Reden und Proklamationen, 1932-1945, kommentiert von einem deutschen Zeitgenosse, Band I, Triumph, vol. 1, Münich, Süddeutcher Verlag München, 1965, p. 418 [2] Il n'est pratiquement jamais utilisé dans les ouvrages en allemand [3] Le terme « opération colibri » (Allemand : Kolibri), du nom de code ordonnant aux tueurs de passer à l'action est rarement utilisé, notamment dans (en) Ian Kershaw, Hitler : 1889–1936 Hubris, New York, W. W. Norton & Company, 1999, p. 515 [4]

(en) Richard Evans, The Third Reich in Power, New York : Penguin Group, 2005, p. 39 : « Au moins quatre-vingt personnes sont connues pour avoir été sommairement tuées, sans qu'aucune procédure légale n'ait été entamée contre elles. A lui seul, Göring a fait arrêter mille personnes ».

41


Nuit des Longs Couteaux (en) Ian Kershaw, Hitler : 1889–1936 Hubris, New York : W. W. Norton & Company, 1999, p. 517 : « On connaît les noms des 85 victimes, dont seules cinquante étaient membres de la SA. Cependant certains estiment qu'au total, entre 150 et 200 personnes ont été tuées ». [6] Charles Bloch, La nuit des longs couteaux, 30 juin 1934 : Hitler liquide les siens, Paris, Julliard, 1967, p. 42 [5]

(en) David Schoenbaum, Hitler's Social Revolution : Class and Status in Nazi Germany, 1933–1939, W. W. Norton & Company, 1997, pp. 35-42 : « La théorie la plus répandue, selon laquelle le national-socialisme était une révolution de la classe moyenne inférieure, est défendable mais insuffisante. » [8] En juin 1932, un des mois où la violence politique est à son paroxysme, plus de 400 batailles de rue ensanglantent l'Allemagne, faisant 82 morts, (en) William L. Shirer, The Rise and Fall of the Third Reich, New York : Simon and Schuster, 1960, p. 165. [7]

[9] (en) Eric G. Reiche, The Development of the SA in Nürnberg, 1922–1934, Cambridge : Cambridge University Press, 2002, pp. 120-121. [10] (en) John Toland, Adolf Hitler : The Definitive Biography, New York : Doubleday, 1976, p. 266. [11] Tentative de putsch au cours de laquelle il menace d'exécuter douze hommes pour chaque victime parmi les membres de la SA, (en) Norbert Frei, op. cit, p. 13; cette affirmation est contredite par Max Gallo pour qui cette phrase n'aurait été prononcée que le 31 juillet 1933, M. Gallo, op.cit., p. 45 [12] (en) R. Evans, op. cit., p. 23. [13] Heinz Höne, L'ordre noir, Histoire de la SS, Tournai, Casterman, 1972, p. 63 [14] Ian Kershaw, Hitler, vol.1 1889-1936, Paris, Flammarion, 1999, p.708 [15] I. Kershaw, op. cit., p. 657 [16] I. Kershaw, op. cit., p. 709 [17] M. Gallo, op. cit., p. 72 [18] I. Kershaw, op. cit., p. 707 [19] Jacques Delarue, Histoire de la Gestapo, Paris, Fayard, 1962, p. 139 [20] M. Gallo, op. cit., p. 70 [21] (en) Alan Bullock, Hitler: A Study in Tyranny, New York : Harper, 1958, p. 80 : « Mais à l'origine, les nationaux-socialistes ont été un parti radicalement anticapitaliste, et cet aspect du programme national-socialiste n'était pas seulement pris au sérieux par de nombreux loyaux membres du parti, mais il était d'une importance croissante dans une période de dépression économique. La manière dont Hitler prenait en compte le caractère socialiste du national-socialiste allait rester l'une des principales sources de désaccord et de division au sein du parti nazi jusqu'à l'été 1934. » [22] I. Kershaw, op. cit., p. 710 [23] (en) Norbert Frei, National Socialist Rule in Germany : The Führer State 1933–1945, Oxford : Oxford University Press, 1987, p. 126 ; Citation attribuée au chef SA Edmund Heines. [24] Jacques Delarue, op. cit., p. 138 [25] I. Kershaw, op. cit., p.710 [26] (en) R. Evans, op. cit., p. 24. [27] M. Gallo, op. cit., p. 87 [28] C. Bloch, op. cit., p. 74 [29] (en) John Wheeler-Bennett, The Nemesis of Power : The German Army in Politics 1918–1945, Palgrave Macmillan, seconde édition, 2005, pp. 712-739. [30] C. Bloch, op. cit., p.103 [31] (en) Richard Bessel, Political Violence and the Rise of Nazism : The Storm Troopers in Eastern Germany 1925–1934, New Haven : Yale University Press, 1984, p. 97. [32] Mario R. Dederichs, Heydrich, Paris, Tallandier, 2007, p. 79 [33] H. Höhne, op. cit., p. 68-69 [34] M. Gallo, op. cit., p. 97 [35] J. Delarue, op. cit., p. 141 [36] D'après Max Gallo, Lutze aurait averti personnellement Adolf Hitler à Berchtesgaden en mars 1934, M. Gallo, op. cit., p. 82-83 [37] [38] [39] [40] [41]

(en) Martin Collier et Phillip Pedley, Hitler and the Nazi State, New York : Harcourt, 2005, p. 33. J. Delarue, op. cit, p. 143-144 M. Gallo, op. cit., p.55-56 G. Knopp, op. cit., p. 69. I. Kershaw, op. cit., p.723

[42] (en) Franz von Papen, Memoirs, London : Dutton, 1953, p. 308-312. [43] H. Höhne, op. cit., p.72 [44] I. Kershaw, op.cit., p. 721 [45] Il disparaît de chez lui le 21 juin, vraisemblablement enlevé par la Gestapo. On ne retrouve son corps dans la forêt d'Orianenbourg que le 30 juin, portant les traces d'affreuses tortures, cf. J. Delarue, op. cit, p. 146 [46] J. Delarue, op. cit., p. 145 [47] [48] [49]

(en) F. von Papen, op. cit., p. 309. (en) J. Wheeler-Bennett, op. cit., p. 319-320. (en) R. Evans, op. cit, p. 29.

42


Nuit des Longs Couteaux [50] [51] [52] [53] [54]

Gilbert Badia, Histoire de l'Allemagne contemporaine. 1933/1962, Paris, Éditions sociales, 1975, p.27 J. Delarue, op. cit., p. 136 M. Gallo, op. cit., p. 23-24 Guido Knopp, Les SS. Un avertissement de l'histoire, Paris, Presse de la Cité, 2006, p.66 H. Höhne, op. cit., p. 73

[55] (en) R. Evans, op. cit., p. 30. [56] H. Höhne, op. cit., p. 71 [57] M. Gallo, op.cit., p.115 [58] G. Knopp, op. cit., p. 69 [59] (en) Robert O'Neill, The German Army and the Nazi Party 1933–1939, New York : James H Heineman, 1967, p. 72-80. [60] (en) A. Bullock, op. cit., p. 165. [61] H. Höhne, op. cit., p. 74 [62] Manoeuvre de diversion ou volonté des organisateurs de l'élimination de la SA d'éloigner Hitler de Berlin?, cf. H. Höne, op. cit. p. 75 [63] H. Höhne, op. cit., p. 75 [64] [65] [66] [67] [68] [69]

(en) R. Evans, op. cit., p. 31. M. Gallo, op. cit., p. 32 H. Höhne, op. cit., p. 76-77 M. Gallo, op.cit., p. 122-123 M. Gallo, op.cit., p. 132 H. Höhne, op. cit., p. 77

[70] (en) W. L. Shirer, op. cit., p. 221. [71] (en) A. Bullock, op.cit., p. 166. [72] I. Kershaw, op.cit., p. 727 [73] H. Höhne, op.cit., p. 78-79 [74] Joseph Goebbels soulignera plus tard dans la propagande ce fait, justifiant la purge comme une lutte contre la turpitude morale des SA, (en) I. Kershaw, op. cit., p. 514. [75] Cette irruption d'Hitler pistolet au poing est confirmée par le témoignage de Robert Bergmann, adjoint de Röhm, lors de procès de Dietrich et Lippert à Munich, Le Figaro, 9 mai 1957 [76] (en) Richard Evans, op. cit., p. 32. [77] Jean Philippon, La Nuit des Longs Couteaux : Histoire d'une intox, Coll. Histoire, Armand Colin, Paris, 1995, p. 281 [78] (en) I. Kershaw, op. cit., p. 514. [79] Jean Philippon, op. cit., p. 288 [80] J. Philippon, op. cit. , Coll. Histoire, Armand Colin, Paris, 1995, p. 291-294 [81] H. Höhne, op. cit., p. 80 [82] G. Knopp, op. cit., p. 82. [83] Dietrich et Lippert seront condamnés à dix-huit mois de prison pour leur participation à la nuit des longs couteaux par un tribunal de Munich, Le Monde, 16 mai 1957 [84] J. Delarue, op.cit., p. 153 [85] J. Philippon, op. cit. , p. 291-294 [86] H. Höhne, op. cit., p. 81 [87] G. Knopp, op. cit., p.74 [88] J. Philippon, op. cit., p. 295 [89] J. Delarue, op. cit., p. 154 [90] G. Knopp, op. cit., p.75 [91] En 1939, il est le commandant d'un des Einsatzgruppen déployés en Pologne, Christopher R. Browning, Les origines de la solution finale, Paris, Les belles lettres, 2007, p. 31 [92] G. Knopp, op. cit., p.78 [93] J. Philippon, op. cit. , p. 363-370 [94] J. Philippon, op. cit. , p. 356-362 [95] H. Höhne, op.cit., p. 85 [96] (en) Joachim Fest, Hitler, New York : Harcourt, 1974, p. 458. [97] J. Philippon, op. cit. , p. 348-351 [98] (en)William L. Shirer, The Rise and Fall of the Third Reich, New York : Simon and Schuster, 1960, p. 221 [99] (en) R. Evans, op. cit., p. 33, pour J. Philippon, Röhm était enrhumé et aurait retiré sa chemise à la demande d' Eicke, J. Philippon, op. cit., p. 350 [100] H. Höhne, op. cit., p. 84 [101] Des années plus tard, en 1957, les autorités allemandes inculpent Lippert à Munich pour le meurtre de Röhm. Il est l'un des rares participants actifs à la purge à ne pas échapper à la justice.

43


Nuit des Longs Couteaux [102] Pour Jean Philippon, les meurtres de von Bose, von Sleicher et Klausener n'ont pas été ordonnés par Hitler, mais par Göring, Himmler et Heydrich, pour lui forcer la main et l'obliger à mener une purge sanglante au sein de la SA, J. Philippon, op. cit., p.325 [103] J. Philippon, op. cit. , p. 301-307 [104] J. Delarue, op. cit., p. 157 [105] M. Dederichs, op.cit., p. 80-81 [106] J. Philippon, op. cit., p.373 [107] J. Philippon, op. cit., p.366 [108] J. Delarue, op. cit., p. 156 [109] [110] [111] [112] [113]

(en) R. Evans, op. cit., p. 33–34.

[114] [115] [116] [117] [118]

(en) Jackson J. Spielvogel, Hitler and Nazi Germany : A History, New York : Prentice Hall, 1996, pp. 78–79.

. M. Dederichs, op. cit, p. 80 J. Philippon, op. cit. , p. 318-320 M. Dederichs, op. cit., p.80 J. Delarue, op. cit., p. 158 G. Knopp, op. cit., p.78 H. Höhne, op. cit., p.79 H. Höhne, op. cit., p.80 G. Knopp, op. cit., p.78

[119] (en) R. Evans, op. cit., p. 36. [120] M. Dederichs, op. cit., p.81-82 [121] J. Delarue, op. cit., p. 158 [122] . J. Philippon, op. cit., p. 331-334 [123] J. Delarue, op.cit., p. 159 [124] (en) R. Evans, op. cit., p. 36. [125] M. Dederichs, op. cit., p. 82-83 [126] (en) J. Fest, op. cit., p. 468. [127] Nicolas Tertulian, « Le juriste et le Führer », Cités 2001/2, n° 6, p. 44-45. [pdf] Lire (http:/ / www. cairn. info/ load_pdf. php?ID_ARTICLE=CITE_006_0037) [128] Jean François, L'affaire Röhm-Hitler, Paris, Gallimard, 1946, p. 213-214 [129] Charles Bloch, La nuit des longs couteaux. 30 juin 1934 : Hitler liquide les siens, Paris, Julliard, coll. Archives, 1967, p. 162 [130] J. Delarue, op. cit, p. 161-162 [131] (en) M. Collier et P. Pedley, op. cit., p. 33–34. [132] (en) Heinz Höhne, The Order of the Death's Head : The Story of Hitler's SS, New York : Coward-McCann, 1970, pp. 113–118. [133] (en) Ian Kershaw, The « Hitler Myth » : Image and Reality in the Third Reich, Oxford : Oxford University Press, 2001, p. 87 : « Il était clair que la propagande délibérément mensongère du régime faisait l'objet d'une large acceptation. » [134] C. Bloch, op. cit., p.167-170 [135] I. Kershaw, op.cit., p. 735 [136] [137] [138] [139] [140] [141] [142]

(en) J. Fest, op. cit., p. 469. C. Bloch, op. cit., p. 163 I. Kershaw, op. cit., p.737 J. Philippon, op. cit., p. 374 C. Bloch, op. cit., p. 174-185 M. Gallo, op.cit., p. 26-27 C. Bloch, op. cit., p. 177-178

[143] (en) I. Kershaw, op. cit., p. 520. [144] (en) R. Evans, op. cit., p. 40. [145] (en) The History Place — Triomphe de Hitler — Nuit des Longs Couteaux (http:/ / www. historyplace. com/ worldwar2/ triumph/ tr-roehm. htm) [146] J. Philippon, op. cit., p. 346 [147] En avril 1942, Hitler donne à ce titre un caractère officiel, se plaçant au-dessus des lois. [148] (en) R. Evans, op. cit., p. 72 : « Après la Nuit des Longs Couteaux, le ministre de la Justice, Franz Gürtner,étouffe dans l'œuf les tentatives de quelques procureurs locaux d'entamer des procédures à l'encontre des tueurs. » [149] cf. J. Philippon, op. cit., p 359-360, à propos de la libération de l'énorme majorités de personnes arrêtées à Berlin et ne faisant pas partie de la SA: « Ils furent, à deux exceptions près, rapidement mis en liberté. Leur libération a été le fruit d'un calcul politique. La nuit des longs couteaux avait montré, à tous, que personne n'était à l'abri des arrêts discrétionnaires du nouveau pouvoir. Quelques notables aveint été assassinés, une centaine jetés en prison : les y garder avait plus d'inconvénients que d'avantages. La leçon avait porté » [150] http:/ / www. axishistory. com/ index. php?id=4558 [151] http:/ / www. historyplace. com/ worldwar2/ triumph/ tr-roehm. htm [152] http:/ / en. wikipedia. org/ wiki/ Night

44


Nuit des Longs Couteaux

45

La version du 12 novembre 2007 de cet article a été reconnue comme « bon article », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.

Nuit de Cristal La nuit de Cristal (en allemand Reichskristallnacht) est le pogrom contre les Juifs du Troisième Reich qui se déroula dans la nuit du 9 novembre au 10 novembre 1938 et dans la journée qui suivit. Présenté par les responsables nazis comme une réaction spontanée de la population suite à l'assassinat, le 7 novembre 1938, de Ernst vom Rath, un secrétaire de l'ambassade allemande à Paris par un jeune Juif polonais d'origine allemande, Herschel Grynszpan, le pogrom fut en réalité ordonné par le chancelier du Reich, Adolf Hitler, organisé par Joseph Goebbels, et commis par des membres de la Sturmabteilung (SA), de la Schutzstaffel (SS) et de la Jeunesse hitlérienne, soutenus par le Sicherheitsdienst (SD), la Gestapo et d'autres forces de police.

Un magasin juif saccagé lors de la nuit de Cristal.

Sur tout le territoire du Reich, plusieurs centaines de synagogues et lieux de culte furent détruits, 7500 commerces et entreprises exploités par des Juifs saccagés ; une centaine de Juifs furent assassinés, des centaines d'autres se suicidèrent ou moururent suite à leurs blessures et près de 30000 furent déportés en camp de concentration : au total, le pogrom et les déportations qui le suivirent causèrent la mort de 2000 à 2500 personnes. Point culminant de la vague antisémite qui submergea l'Allemagne dès l'arrivée des nazis au pouvoir en janvier 1933, la « nuit de Cristal » fut l'une des prémices de la Shoah[1] . En provoquant cette première grande manifestation de violence antisémite, les nazis voulurent accélérer l'émigration des Juifs, jugée trop lente, en dépit de la politique de persécution et d'exclusion mise en œuvre depuis février 1933. L'objectif fut atteint : le nombre de candidats à l'émigration crût considérablement, mais au-delà de l'indignation que l'évènement suscita dans le monde, les frontières des autres pays restèrent fermées.

Timbre de la République démocratique allemande avec pour mention « Niemals wieder Kristallnacht » (« Plus jamais de nuit de Cristal »).

Marquant une rupture avec la politique nazie de 1933 à 1937, ainsi qu'une étape dans la violence et la persécution antisémites, cet évènement fut également révélateur de l'indifférence des nations au sort des Juifs d'Allemagne et d'Autriche, et de l'incapacité des États démocratiques à contrecarrer les coups de force menés par l'Allemagne de Hitler.


Nuit de Cristal

Le contexte : les mesures antisémites Le programme du NSDAP, rédigé le 24 février 1920, prévoit que « seul peut être citoyen un frère de race (Volksgenosse). [...] Aucun Juif ne peut donc être frère de race[2] » et dans Mein Kampf, Adolf Hitler proclame à de nombreuses reprises son désir de voir l'Allemagne « libérée des Juifs » (Judenfrei)[3] . Les Juifs sont victimes d'une politique antisémite dès l'arrivée des nazis au pouvoir en janvier 1933. Cette discrimination se traduit notamment par le boycott des commerces juifs, voulu par Hitler, organisé par Julius Streicher et mis en œuvre par la SA, le 1er avril 1933, dans une opération au succès limité et largement condamnée à l'étranger[4] . Au cours du même mois, les Juifs sont exclus de la fonction publique, à quelques rares exceptions près, par le décret sur la restauration du fonctionnariat du 7 avril 1933 et ses règlements d'application[5] . L'ostracisme envers les Juifs est officialisé le 15 septembre 1935 lors de l'adoption des Lois de Nuremberg, principalement la « Loi pour la Un SA à côté d'une affiche proclamant : « Allemands ! Défendez-vous ! N'achetez pas chez protection du sang et de l'honneur allemands » (« Blutschutsgesetz ») et les Juifs ! », 1933. la « Loi sur la citoyenneté du Reich » (« Reichsbürgergesetz »). Ces lois et les décrets qui leur font suite établissent la détermination du caractère juif, demi-juif ou quart de juif (Mischling), en fonction de l'ascendance, interdisent les relations sexuelles et le mariage entre citoyens de sang allemand ou apparentés et juifs, privent les Juifs de la citoyenneté allemande, ainsi que de la plupart de leurs droits politiques, dont le droit de vote, et les excluent de certaines professions libérales et de l'enseignement[6] . La campagne anti-juive se durcit en 1937, notamment via l'organisation de l'exposition Der ewige Jude (« Le Juif éternel »), mais surtout au cours de l'année suivante[7] . Début 1938, les passeports des Juifs allemands sont confisqués. Le 26 avril, les Juifs reçoivent l'ordre de faire enregistrer tous les biens qu'ils possèdent, ce qui facilite leur aryanisation. Le 17 août, les prénoms portés par les Juifs sont réglementés et trois décrets additionnels aux Lois de Nuremberg définissent la notion d'entreprise juive et interdisent aux Juifs l'exercice de la profession médicale[7] . Tout est fait pour pousser les Juifs à émigrer, quel qu'en soit le prix[7] .

46


Nuit de Cristal

Un prétexte : l'assassinat de vom Rath « Avec l'aide de Dieu [...]. Je ne pouvais agir autrement. Mon cœur saigne quand je pense à notre tragédie [...]. Je dois exprimer ma révolte de telle sorte que le monde entier l'entende, et je compte le faire. Je vous supplie de me pardonner. » — Lettre de Herschel Grynszpan à son oncle, 7 novembre 1938[8] . Le 7 novembre 1938, un jeune Juif polonais d'origine allemande réfugié à Paris, Herschel Grynszpan, âgé de dix-sept ans dont la famille résidant à Hanovre a été expulsée, le 27 octobre, d'Allemagne vers la Pologne, achète un pistolet puis se rend à l'ambassade d'Allemagne à Paris, où il demande à voir un responsable. Envoyé au bureau du premier secrétaire Ernst vom Rath, Grynszpan tire sur celui-ci et le blesse gravement[8] ,[9] ,[10] . Il ne s'agit pas du premier événement du genre. Le 4 février 1936, un étudiant talmudiste avait assassiné, à Davos, le responsable du parti nazi en Suisse, Wilhelm Gustloff, sans susciter de réaction Herschel Grynszpan après son des autorités ou de la population allemandes[11] , les circonstances, et notamment arrestation à Paris [12] la proximité des jeux olympiques de Berlin , « exigeant de serrer la bride aux fanatiques du parti en Allemagne[13] ». L'attentat contre le diplomate vom Rath ne fait l'objet d'aucune déclaration publique des responsables nazis, même si une campagne antisémite dans la presse orchestrée par Joseph Goebbels dès le 8 novembre 1938 encourage les premiers pogroms menés par des responsables locaux du parti nazi[14] , notamment en Hesse-Cassel[15] , à Munich[16] ou à Hanovre[17] . Dans son journal, le 9 novembre, Joseph Goebbels relatant la journée du 8, n'écrit rien sur l'attentat de Paris, alors qu'il a passé la fin de soirée avec Hitler au café Heck ; lors de son discours du 8 novembre commémorant le Putsch de la brasserie de 1923, Adolf Hitler est lui aussi muet sur le sujet. Pour Saul Friedländer, « de toute évidence, les deux dirigeants nazis avaient décidé de passer à l'action, mais jugé sans doute préférable d'attendre le décès d'Ernst vom Rath, grièvement blessé ; ce silence insolite était la plus sûre indication de l'existence de plans visant à accréditer une explosion spontanée de la colère du peuple[18] ». Vom Rath, au chevet duquel Hitler avait envoyé son médecin personnel, le docteur Karl Brandt[19] , décède le 9 novembre 1938 à 17 heures 30, et Hitler en est informé entre 19 et 21 heures[20] , alors qu'il participe à Munich, au dîner traditionnel des « compagnons de combat », la vieille garde du parti[21] .

47


Nuit de Cristal

L'organisation des violences : la fiction de la réaction spontanée « Je présente les faits au Führer. Il décide : laisser les manifestations se poursuivre. Retirer la police. Les Juifs doivent sentir pour une fois la colère de peuple. C'est justice. Je donne aussitôt les consignes correspondantes à la police et au Parti. Puis je fais un bref discours en conséquence devant les dirigeants du Parti. Tempêtes d'applaudissements. Tout le monde se précipite immédiatement sur les téléphones. Maintenant, c'est le peuple qui va agir. » — Joseph Goebbels, Munich, 10 novembre 1938[22] Le 9 novembre 1938 au soir, à Munich, Adolf Hitler quitte la réunion sans prononcer son discours traditionnel à l'occasion du Tag der Bewegung (Jour du Mouvement)[23] et sans faire la moindre allusion au décès de vom Rath[24] , après un long entretien à voix basse avec Joseph Goebbels, au cours duquel le Führer semble particulièrement agité[25] ,[26] . Vers 22 heures, Joseph Goebbels, dans un « discours bref mais incendiaire », annonce aux participants la mort d'Ernst vom Rath et Joseph Goebbels en 1937 leur apprend que des émeutes anti-juives ont éclaté en Hesse-Cassel et en Saxe-Anhalt, en ajoutant que le Führer avait décidé que rien ne devait être fait pour décourager le mouvement au cas où celui-ci s'étendrait à l'ensemble du Reich[11] . « Le parti devait organiser et exécuter l'affaire sans paraître ouvertement y être engagé[11] ». La « colère populaire spontanée » mise en avant par les responsables nazis fait en réalité l'objet de quatre vagues d'ordres successives : à partir de 22 heures, les chefs régionaux de la SA donnent, par téléphone, instruction à leurs subordonnés de lancer incendies, destructions et violences à grande échelle ; peu avant minuit, Heinrich Müller, chef de la Gestapo enjoint aux forces de police de ne pas s'opposer aux actions contres les Juifs, d'empêcher les pillages et « tout autre débordement particulier » et de préparer l'arrestation de vingt à trente mille Juifs, « de préférence fortunés » ; à une heure vingt du matin, les instructions de Müller sont complétées et précisées par un télex de Reinhard Heydrich à la police et au SD[27] . Heydrich demande de prévenir les actions qui peuvent mettre en danger des personnes ou des biens allemands, notamment lors de l'incendie des synagogues, d'autoriser la destruction des appartements et commerces appartenant à des Juifs, mais pas leur pillage, de ne pas s'attaquer aux étrangers et de trouver « le personnel nécessaire pour arrêter autant de Juifs, surtout fortunés, que peuvent en accueillir les prisons[28] ». À 2 h 56 du matin, c'est au tour de Rudolf Hess de donner ses consignes[29] . Pour Thalmann et Feinermann, la succession des ordres, et surtout, la précision des instructions données par Müller, notamment l'ordre d'arrêter de 20000 à 30000 Juifs, témoignent de l'existence d'un plan préétabli, antérieur à l'assassinat de vom Rath[30] . Cette analyse est partagée par Gerald Schwab, selon lequel le télex envoyé par Muller, dans lequel il n'est fait aucune allusion à la mort de vom Rath, avait été rédigé au préalable en attendant une opportunité appropriée ; Schwab souligne également que les camps de concentration se préparaient, depuis plusieurs mois, à faire face à un afflux massif et soudain de détenus[31] . Le caractère fallacieux de l'affirmation selon laquelle les violences auraient été spontanées est en outre étayé par un rapport du tribunal suprême du parti rédigé début 1939 : « les instructions orales du Ministre de l'Intérieur ont apparemment été comprises par tous les responsables présents comme signifiant que le parti ne devait pas apparaître, à l'extérieur, comme l'initiateur des manifestations, mais qu'il était, en réalité, chargé de les organiser et de les exécuter[32] . » Commentant les événements et témoignant de la difficulté d'imposer la version d'un pogrom « spontané », un Blockleiter de Hüttenbach en Moyenne-Franconie, dont le temple juif a été incendié par les responsables locaux du

48


Nuit de Cristal parti nazi et de la SA écrit dans un rapport à sa hiérarchie le 7 février 1939 : « on ne doit pas écrire que le feu a été mis à la synagogue par les membres du parti [...], mais par la population. C'est juste. Mais en ma qualité de chroniqueur, je me dois de relater la vérité. Il est facile d'enlever cette page et d'en rédiger une nouvelle. Je vous en prie, mon chef, comment dois-je établir cette entrée et comment faut-il la formuler ? »[33] . Le 10 novembre 1938, Goebbels consulte Hitler par téléphone aux premières heures de la matinée et le rencontre ensuite lors du déjeuner, alors que les violences se poursuivent. Avec l'aval du Führer, Goebbels donne l'ordre d'arrêter le pogrom[34] . Cette instruction est diffusée par la presse berlinoise à 17 heures, par les stations de radio à 20 heures et dans l'ensemble de la presse le lendemain[35] . Elle est suivie par des messages de Heydrich aux forces de police dont les patrouilles « qui avaient disparu comme par enchantement, ressurgissent à tous les coins de rue[36] ».

Le pogrom : violences antisémites dans l'ensemble du Reich « Je vais pour rentrer à mon hôtel, lorsque je vois le ciel [virer au] rouge sang. La synagogue brûle. [...] Nous ne faisons éteindre les incendies que si c'est nécessaire pour les bâtiments allemands du voisinage. Sinon, laisser brûler. [...] Des vitres volent en éclat. Bravo, bravo! Dans toutes les grandes villes, les synagogues brûlent. » — Joseph Goebbels, Munich, 10 novembre 1938[37] Dès la fin du discours de Goebbels, des membres de la Stosstrupp Adolf Hitler se déchaînent dans les rues de Munich et détruisent la synagogue de la Herzog-Rudolf-Strasse, leur violence allant jusqu'à susciter l'inquiétude du Gauleiter Adolf Wagner[38] . Goebbels donne également des ordres pour qu'ils démolissent la synagogue de la Fasasenstrasse[39] . Le pogrom s'étend rapidement sur tout le territoire du Reich[40] , des grandes villes aux bourgades : « les Gauleiters entrèrent en action vers 22 h 30. La SA suivit à 23 heures, la police peu avant minuit, les SS[41] , à 1 h 20 du matin[28] ». À Innsbruck, dans le Gau du Tyrol-Vorarlberg, où ne vivent que quelques centaines de Juifs, La synagogue de la Herzog Rudolf Strasse à un commando de membres de la SS, habillés en civil, assassine Munich après son incendie. plusieurs Juifs influents[42] . Des diplomates témoignent de la violence des saccages opérés à Cologne et à Leipzig ; des scènes semblables se produisent dans la petite ville de Wittlich, en Moselle, où un SA monte sur le toit de la synagogue en agitant les rouleaux de la Torah et en s'écriant « Torchez-vous le cul avec, Juifs ! »[43] . À Marbourg, à Tübingen, des membres du parti nazi et de la SA, souvent ivres suite à la célébration de l'anniversaire du putsch de la brasserie, incendient les synagogues sous le regard de pompiers, dont l'action se borne à éviter que les incendies ne se communiquent aux édifices voisins[44] . À Esslingen, des « Chemises brunes » saccagent un orphelinat dans la cour duquel ils font un bûcher avec les livres, les objets religieux et tout ce qui est combustible, en menaçant les enfants en pleurs de les jeter dans le brasier s'ils ne partent pas immédiatement[45] ; à Potsdam, c'est un internat qui est envahi et dont les enfants sont chassés en pleine nuit[46] . À Leipzig, le cimetière juif est saccagé : le lieu de culte et la maison du gardien sont incendiés, les pierres tombales renversées et des sépultures profanées[47] . Dans la petite ville de Treuchtlingen, la violence atteint des sommets : des membres de la SA, encouragés par certains habitants, mettent le feu à la synagogue, brisent les vitrines des magasins juifs et en pillent le contenu, saccagent les habitations occupées par des Juifs, détruisant mobilier, vaisselle et sanitaires et obligeant les femmes, réfugiées dans la cave, à détruire bouteilles de vin et conserves[48] . C'est à Vienne, où s'étaient déjà produites des émeutes anti-juives lors de l'Anschluss[49] , que le pogrom prend ses formes les plus violentes et les plus meurtrières, avec 42 synagogues incendiées, 27 personnes juives tuées et 88 grièvement blessées[50] . Les violences sont systématiquement assorties de l'humiliation des victimes. À Sarrebruck, on oblige

49


Nuit de Cristal

50

les Juifs à danser, à s'agenouiller et à chanter des chants religieux devant la synagogue, avant de les asperger à la lance à incendie ; à Essen, on met le feu à leur barbe ; à Meppen, on les force à baiser le sol devant le quartier général de la SA, pendant qu'ils sont frappés à coup de pied[51] . À Fürth, des Juifs sont conduits au théâtre : « les uns parqués dans la salle obscure, les autres montés sur la scène violemment éclairée pour y être battus[52] ». À Baden-Baden, les Juifs sont rassemblés dans la synagogue où ils doivent rentrer en piétinant un manteau de prières : une fois à l'intérieur de l'édifice, on leur fait entonner le Horst Wessel Lied, puis lire un passage de Mein Kampf à la table de l'officiant[53] . À côté des centaines de synagogues et lieux de culte incendiés, plusieurs milliers de commerces, de boutiques et d'appartements juifs sont détruits, saccagés ou pillés, et presque tous les cimetières juifs sont profanés[54] ; des femmes, des enfants et des vieillards sont battus et victimes de brutalités bestiales ; les suicides sont nombreux et plus de 20000 Juifs sont déportés dans les camps de concentration, où ils sont victimes de sadisme et de tortures indescriptibles de la part des gardiens[55] . Un nombre indéterminé de viols[56] et une centaine d'assassinats[57] sont également perpétrés. Les Magasin juif saccagé à Munich exactions ne sont pas commises que par des membres de la SA ou de la SS, mais aussi par des « citoyens ordinaires », par « d'autres secteurs de la population, surtout – mais pas seulement – des jeunes que cinq ans de national-socialisme à l'école et aux Jeunesses hitlériennes n'avaient pas laissés indemnes[58] » : à Düsseldorf, des médecins de l'hôpital et plusieurs juges prennent part à l'incendie de la synagogue[59] ; à Gaukönigshoven, en Basse-Franconie, des « paysans respectés » profanent le sanctuaire de la Torah et pillent les maisons des Juifs ; dans la matinée du 10 novembre, écoliers et adolescents accablent de leurs sarcasmes, de leurs quolibets et de leurs injures les Juifs raflés par la police et souvent houspillés par des meutes hurlantes qui leur lançent des pierres[60] . Si une partie de la population participe au pogrom, des Allemands témoignent toutefois leur sympathie aux victimes, et dans certains cas, leur prodiguent aide matérielle et réconfort[61] .

Bilan : une communauté traumatisée Dans un rapport du 11 novembre 1938, Reinhard Heydrich fait état de 36 morts et d'autant de blessés graves pour l'ensemble du Reich. Pour Saul Friedländer, « le bilan se révéla bien plus lourd ; dans toute l'Allemagne [y compris l'Autriche annexée], outre les 267 synagogues détruites et les 7500 entreprises et commerces saccagés, 91 juifs périrent et des centaines se suicidèrent ou moururent par la suite des sévices infligés dans les camps[62] ». Sur ce dernier point, Raul Hilberg estime à plus de 25000 le nombre des hommes envoyés dans les camps de concentration nazis, comme Dachau (10911 dont environ 4600 en provenance de Vienne), Buchenwald (9845 personnes) et Sachsenhausen (au moins 6000)[63] .

Une grille d'entrée avec l'inscription en allemand “ARBEIT MACHT FREI” signifiant en français “LE TRAVAIL REND LIBRE” au camp de concentration de Dachau.

« Au total - et selon les estimations les plus modérées retenues dans les documents de la Wiener Library - le pogrom coûta la vie de 2000 à 2500 hommes, femmes et enfants et laissa des séquelles indélébiles chez tous ceux qui en vécurent l'horreur[64] ».


Nuit de Cristal

Réactions : de l'indignation à l'indifférence À l'étranger Des Juifs étrangers ont été victimes du pogrom, en dépit des directives ordonnant de les épargner : les protestations diplomatiques affluent[65] et sont transmises, sans commentaire, à la chancellerie du Reich où elles sont enfouies dans les dossiers[66] . La presse internationale condamne les événements : plus de mille éditoriaux paraissent à ce sujet dans la presse américaine, particulièrement véhémente, et le président Roosevelt rappelle l'ambassadeur des États-Unis en consultation. Si l'indignation est générale, elle ne se traduit pas par un élargissement de la politique d'accueil des Juifs du Reich : en 1938, les États-Unis n'atteignent pas leur quota d'immigration juive en provenance d'Allemagne et d'Autriche et n'accordent que 27000 visas sur les 140000 demandés[67] ; l'année suivante la Grande-Bretagne « ferme, de fait, les portes de la Palestine à l'immigration juive sans proposer d'autre refuge[68] ». Les réactions sont également indignées dans la presse danoise[69] ou française[70] et le gouvernement fasciste italien s'étonne « que la recrudescence des persécutions antisémites en Allemagne n'entraîna pas l'abandon du projet [d'accord] franco-allemand[70] ». « Il était clair que les émeutes avaient tout d'abord fait perdre à l'Allemagne une grande part des sympathies dont elle bénéficiait dans le monde[71] ». Suites aux protestations internationales, les entreprises contrôlées par des Juifs étrangers au Reich sont dispensées, le 1er décembre 1938, de la prestation expiatoire et peuvent poursuivre leurs activités après le 31 décembre[72] . Le boycott des exportations allemandes se généralise, notamment en France, en Angleterre, aux États-Unis, au Canada, en Yougoslavie ou aux Pays-Bas[73] .

En Allemagne Le pogrom suscite immédiatement de sérieuses tensions parmi les principaux dirigeants nazis. Si aucun de ceux-ci ne s'oppose à des mesures ou des violences anti-juives, les conséquences de la nuit de Cristal sur l'image de l'Allemagne à l'étranger, ses éventuelles répercussions économiques négatives et le fait qu'elle ait été déclenchée par Goebbels sans concertation, entraîne de vives réactions d'Heinrich Himmler, de Hermann Göring ou de Walther Funk[74] . À de rares exceptions individuelles près, ni les Églises protestante et catholique, ni les milieux universitaires, ni les généraux[75] , ni « aucun représentant de la bonne Allemagne[76] » n'émettent aucune protestation suite au pogrom[77] . Si, d'après les rapports du SD, la population réprouve largement la violence et les dommages causés par le pogrom, c'est essentiellement en raison de la destruction inutile de biens qui lèse tous les Allemands et l'État ; l'annonce de l'amende de 1 milliard de marks infligé aux Juifs rassérène les esprits[78] . La direction du parti social-démocrate allemand en exil, la SOPADE, observe également que « la grande majorité du peuple allemand a vivement condamné les violences », et ce pour des raisons diverses comme le souligne Ian Kershaw[79] . Si « la vague d'indignation populaire » contre les Juifs qu'escomptait Goebbels ne s'est pas matérialisée[80] , selon Daniel Jonah Goldhagen, « face à des critiques limitées, il y avait l'enthousiasme des Allemands pour l'entreprise éliminationniste, que la Nuit de Cristal n'entamait pas, et l'immense satisfaction avec laquelle tant d'Allemands avaient accueilli l'événement[81] . » « D'un point de vue global, le régime a [...] pu considérer comme un succès l'attitude généralement passive dans laquelle se sont enfermés la plupart des Allemands pendant les débordements. Une action violente contre les Juifs allemands, telle qu'on n'en avait plus connue depuis les pogroms du Moyen Âge, avait pu être déclenchée sans soulever de protestation publique. Sur le plan de la propagande, cela revenait à une approbation. La radicalisation des persécutions avait réussi à franchir une nouvelle étape » analyse l'historien allemand Peter Longerich[82] .

51


Nuit de Cristal

Suites et conséquences : la radicalisation de l'antisémitisme « J'aurais préféré que vous tuiez deux cents Juifs plutôt que de détruire de telles valeurs. » — Hermann Göring, Berlin, 12 novembre 1938[83] La nuit de Cristal est suivie d'une radicalisation des mesures antisémites du régime nazi. Les suites du pogrom sont examinées dès le 12 novembre 1938, lors d'une réunion de haut niveau, présidée par Hermann Göring, à la demande explicite et insistante de Hitler[84] : parmi la centaine de participants, on note la présence de Joseph Goebbels, du chef du RSHA Reinhard Heydrich, des ministres de l'Économie Walther Funk, des Finances Lutz Schwerin von Krosigk[85] et de la Justice Franz Gürtner, de représentants de la Reichsbank et des dirigeants du parti nazi en Autriche et dans le territoire des Sudètes[86] . Les premières discussions portent sur l'indemnisation des dégâts, les seules vitrines détruites étant assurées pour 6 millions de dollars. Après de longs échanges, notamment entre Göring, Reinhard Heydrich et le représentant des assureurs allemands, il est décidé que les indemnités versées par les assureurs aux bénéficiaires seront confisquées par l'État et il est imposé aux juifs allemands une « amende de réparation[87] » Hermann Göring s'adressant au Reichstag d'un milliard de Reichsmark[88] et de les obliger de remettre en état, à leurs propres frais, les commerces, bureaux et logements saccagés[89] ,[90] . Lors de cette même réunion, Göring décrète la cessation, à partir du 1er janvier 1939, de toutes les activités commerciales menées par des Juifs, qui doivent vendre leurs commerces et entreprises, titres, bijoux et œuvres d'art, ce qui constitue une phase essentielle de l'aryanisation des biens juifs. Alors que Goebbels évoque tour à tour l'interdiction, pour les Juifs, de l'accès aux distractions publiques, aux forêts ou aux parcs, l'éviction des enfants juifs des écoles allemandes, Heydrich plaide vigoureusement pour une accélération de l'émigration, prenant pour modèle les résultats obtenus à Vienne par Adolf Eichmann : pour accélérer cette émigration, il préconise le port d'un insigne spécial[91] par toutes les personnes considérées comme juives aux termes des Lois de Nuremberg, Göring étant, pour sa part, partisan de la création de ghettos[92] . Si ces deux mesures ne sont pas retenues, le pogrom a atteint son but et l'émigration juive s'accélère : 80000[93] Juifs fuient le Reich, « dans les circonstances les plus traumatisantes », entre la fin de 1938 et le début de la guerre[94] . Dans la foulée, les discriminations antisémites se multiplient et se durcissent : le 15 novembre 1938, tous les enfants juifs encore présents dans les écoles allemandes en sont chassés ; le 19, les Juifs sont privés d'aide sociale ; le 28, le ministre de l'intérieur informe les présidents des länder qu'ils peuvent exclure les Juifs de certains espaces publics et le lendemain, il interdit aux Juifs de posséder des pigeons voyageurs. Durant les mois de décembre 1938 et janvier 1939, les mesures destinées à exclure les Juifs de la vie publique, professionnelle et culturelle sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus dures[95] . Si les autorités nazies s'acharnent sur les victimes des pogrom, elles font preuves d'une mansuétude toute particulière à l'égard des auteurs des pires exactions. Les incendies, les destructions et les brutalités sont conformes aux instructions données successivement par les responsables de la SA, Heinrich Müller et Heydrich, mais tel n'est pas le cas des pillages, des meurtres et des viols. Le pogrom terminé, les tueurs ne sont que rarement poursuivis ou condamnés à des peines particulièrement légères[96] ; dans une lettre secrète au procureur de Hambourg, le ministère de la Justice précise, le 19 novembre, que l'assassinat de Juifs et les dommages corporels graves [...] ne devaient être sanctionnés que « s'ils avaient été dictés par des raisons personnelles »[97] . Par contre, les coupables de viol sont expulsés du parti et traduits devant les tribunaux civils, le tribunal interne du parti nazi estimant ce crime, contraire aux lois de Nuremberg qui interdisent depuis 1935 « toute relation sexuelle entre Juifs et Gentils[98] » plus grave que le meurtre. Dans son rapport du 13 février 1939 adressé à

52


Nuit de Cristal

53

Goebbels, l'Obergruppenführer Walter Buch, qui enquête sur les excès commis pendant la nuit de Cristal, relève 16 faits, dont 3 à caractère sexuel et 13 meurtres ; il recommande que les poursuites soient abandonnées à l'exception de deux cas de viol, les assassins ayant agi sur l'ordre de leurs supérieurs ou en pensant que leurs crimes étaient conformes aux instructions[99] .

Commémorations en Allemagne : du silence à la célébration La commémoration de la nuit de Cristal[100] reste confidentielle pendant de nombreuses années. Au cours des années quarante et cinquante, les mentions dans la presse sont rares : la première d'entre elles est effectuée dans le Tagesspiel, quotidien de Berlin-Ouest, le 9 novembre 1945, ce journal ne revenant sur l'événement qu'en 1948. À l'Est, le journal officiel Neues Deutschland, publie sur le sujet en 1947 et 1948, puis après plusieurs années de silence, en 1956 ; en 1958, le vingtième anniversaire du pogrom n'est pas mentionné. Il faut attendre le quarantième anniversaire de l'événement, en 1978, pour que celui-ci soit commémoré par la société tout entière[101] .

Timbre commémoratif pour le 50e anniversaire de la nuit de Cristal.

Le 70e anniversaire de la nuit de Cristal, le 9 novembre 2008 à la synagogue de la Rykestrasse, est l'occasion pour la chancelière allemande Angela Merkel de lancer un appel afin que « l’héritage du passé serve de leçon pour l’avenir ». La chancelière dénonce « l’indifférence à l‘égard du racisme et de l’antisémitisme ». Pour elle, c’est un premier pas qui peut remettre en cause des valeurs incontournables. « Trop peu d’Allemands ont eu à l’époque le courage de protester contre la barbarie nazie (...). Cette leçon à tirer du passé vaut aujourd’hui pour l’Europe, mais aussi pour d’autres régions, notamment pour les pays arabes »[102] ,[103] . Une commémoration importante s'est aussi tenue à Bruxelles le 9 et le 10 novembre 2008[104] .

Kristallnacht ou Reichspogromnacht ? : querelle étymologique Si tous les auteurs s'accordent sur le fait que l'expression « nuit de Cristal » (« Kristallnacht ») fait référence aux débris de verre encombrant les trottoirs devant les vitrines des magasins juifs saccagés, et qu'elle apparaît à Berlin, le consensus ne dépasse pas cette généralité. Pour Kershaw, ce terme provient du « parler populaire[105] », pour Karl A. Schleunes, il s'agit d'une dénomination inventée par de beaux esprits berlinois[106] . Selon Arno J. Mayer, l'appellation a été créée par la propagande nazie[107] afin de concentrer l'attention du public sur les dommages matériels, en occultant les pillages et les violences physiques[108] . Elle est utilisée par un responsable nazi du Gau de Hanovre lors d'un discours prononcé le 24 juin 1939, avec une connotation « humoristique »[101] .

Magasin juif saccagé à Magdebourg

« Nuit de Cristal ! Cela brille et pétille comme lors d’une fête. Il est grand temps que ce terme, offensant par sa minimisation, disparaisse à tout le moins des ouvrages historiques » — Avraham Barkai, 1988[109] . Dans un ouvrage paru en 2001, le politologue allemand Harald Schmid[110] souligne la multiplicité des termes utilisés pour désigner les violences antisémites des 9 et 10 novembre 1938 et


Nuit de Cristal l'interprétation controversée donnée au vocable « nuit de Cristal ». Remis en cause dès le 10e anniversaire de l'événement, il est remplacé, en 1978, par le terme politiquement correct de Reichspogromnacht, qui s'impose durablement à partir des célébrations du cinquantième anniversaire en 1988[101] . Ce débat sur la terminologie est essentiellement circonscrit en Allemagne et en Autriche et peut susciter un profond étonnement dans le monde universitaire anglophone[111] . La diversité du vocabulaire selon les aires linguistiques est illustrée lors du 70e anniversaire : alors qu'en Allemagne, la chancelière Angela Merkel n'utilise que le terme pogromnacht[112] , à Bruxelles, le président du CCOJB emploie le terme Kristallnacht[113] .

Annexes Bibliographie • (de) Hans-Jürgen Döscher, Reichskristallnacht. Die Novemberpogrome 1938, Econ Tb., 2000 (ISBN 3612267531) • (en) Peter M. Daily (dir.), Building history : the Shoah in art, memory and myth, P. Lang, New-York, 2001 • Richard J. Evans, Le troisième Reich. 1933-1939, Flammarion Lettres, coll. « Au fil de l'histoire », 2009, 1046 p. (ISBN 978-2-0821-0112-7)

• Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1933-1939, Les années de persécution, Seuil, Paris, 2008 (ISBN 978-2-02-097028-0)

• (de) Helmut Genschel, Die Verdrängung der Juden aus der Wirtschaft im Dritten Reich, Göttinger Bausteine zur Geschichtswissenschaft Band 38, Musterschmidt-Verlag, Göttingen 1966 • Joseph Goebbels, Journal. 1933-1939, Tallandier, Paris, 2007 (ISBN 978-2-84734-461-5) • (de) Angela Hermann, Hitler und sein Stoßtrupp in der "Reichskristallnacht". Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte, 56 (2008), 603-619. • Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, t. 1, Gallimard, coll. « Folio Histoire », Paris, 2006 (ISBN 2-07-030983-5)

• Ian Kershaw, Hitler, 1889-1936, Flammarion, Paris, 2001 (ISBN 2-08-212528-9) • Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, Flammarion, Paris, 2001 (ISBN 2-08-212529-7) • Kurt Pätzold, La nuit de cristal : les responsables, les victimes et la majorité silencieuse, in François Bédarida (dir.), La politique nazie d'extermination, Albin Michel, Paris, 1989, p. 199-208. (ISBN 2226038752) • (de) Kurt Pätzold, Irene Runge, Kristallnacht. Zum Pogrom 1938, Pahl-Rugenstein, Cologne, 1988 (ISBN 3760912338)

• William L. Shirer, Le IIIe Reich, Stock, Paris, 1967 • (en) Gerald Schwab, The day the Holocaust began : the odyssey of Herschel Grynszpan, Praeger, New-York, 1990 • Rita Thalmann, Emmanuel Feinermann, La nuit de cristal. 9-10 novembre 1938, Robert Laffont, Paris, 1972 • (de) Jörg Wollenberg (Hrsg.), Niemand war dabei und keiner hat's gewusst. Die deutsche Öffentlichkeit und die Judenverfolgung 1933-1945, Piper, Munich, 1989 (ISBN 3492110665) • (de) Herbert Schultheis, Die Reichskristallnacht in Deutschland nach Augenzeugenberichten, Rötter Druck und Verlag GmbH, Bad Neustadt a. d. Saale (ISBN 978-3-9800482-3-1)

54


Nuit de Cristal

Voir aussi • Nouvelle synagogue de Berlin • Histoire des Juifs en Allemagne • Synagogues détruites pendant la nuit de Cristal : Plus de 600 synagogues ou oratoires juifs furent détruits lors de la nuit de Cristal aussi bien dans des grandes villes que dans de petits bourgs. Certaines synagogues étaient reconnues comme des monuments historiques. Les liens ci-dessous renvoient à l'historique de certaines de ces synagogues. • • • • • • • • • •

Synagogue d'Alsfeld (1905-1938) Synagogue de Baden-Baden (1899-1938) Synagogue de Constance (1883-1938) Ancienne synagogue de Dresde (1840-1938) Synagogue principale de Francfort (1860-1938) Synagogue de Fribourg-en-Brisgau (1870-1938) Synagogue de la Glockengasse (1861-1938) - (Cologne) Synagogue de Goppingen (1881-1938) Synagogue de Gross-Gerau (1892-1938) Ancienne synagogue d'Heilbronn (1877-1938)

• • • •

Grande synagogue de Leipzig (1855-1938) Synagogue de la Neudeggergasse (1903-1938) - (Vienne - Autriche) Synagogue de Pforzheim (1892-1938) Synagogue de la Tempelgasse (1858-1938) - (Vienne - Autriche)

Liens externes • (fr) Site de l'exposition La Nuit de Cristal - Mémorial de la Shoah, Paris [114] • (fr) Chronologie de la Shoah, des origines à Nuremberg [115] : les dates qui comptent dans la montée en puissance de l'antisémitisme nazi. • (fr) La nuit de cristal [116] • (fr) Témoignage de Shmuel Grynszpan au procès Eichmann [117] • (en) The night of broken glasses [118] • (en) The Grynszpan's testimony at the Eichmann trial [119] • (de) Discours du 9 novembre 2008 de la chancelière Angela Merkel [120]

Notes et références Références [1] « Si le pogrom ne permettait point encore de soupçonner ce qu'allait être la réalité d'Auschwitz, de Belzec, de Sobibor de Treblinka ou de Chelmno, il laissait toutefois deviner les rouages d'une entreprise meurtrière dont l'existence et le fonctionnement auraient été inconcevables auparavant en Europe », Kurt Pätzold, La « nuit de cristal » : les responsables, les victimes et la « majorité silencieuse», in, François Bédarida (dir.), La politique nazie d'extermination, Albin Michel, Paris, 1989, p. 201. [2] Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, p. 66 [3] Ian Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 360-362 [4] Ian Kershaw, Hitler, 1889-1936, p. 672-673 [5] Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, p. 115-116 [6] Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, p. 121-128 [7] Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Les années de persécution, p. 319-331 [8] Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Les années de persécution, p. 337 [9] Grynszpan souhaitait assassiner l'ambassadeur mais a tiré sur le diplomate auquel il avait été adressé, Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, p. 229 [10] Grynszpan ne sera jugé ni en France ni en Allemagne ; le 18 janvier 1941, il est déporté à Sachsenhausen où l'on perd sa trace, Rita Thalmann, Emmanuel Feinermann, La nuit de cristal. 9-10 novembre 1938, p. 67-87

55


Nuit de Cristal [11] Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, p. 80 [12] Richard J. Evans, Le troisième Reich. 1933-1939, p. 655 [13] Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, p. 229 [14] Si pour Ian Kershaw, ces premières exactions antisémites sont menées « sans aucune directive venue du sommet », selon Richard J. Evans elles découlent, du moins en Hesse, d'instructions expresses de Goebbels [15] Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, p. 229 [16] Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, p. 230 [17] Richard J. Evans, Le troisième Reich. 1933-1939, p. 654 [18] Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Les années de persécution, p. 341 [19] Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, p. 229 [20] 19 heures selon Ian Kershaw, 21 heures pour Friedländer, entre 19 et 20 heures pour Schwab [21] Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Les années de persécution, p. 342 [22] Joseph Goebbels, Journal. 1933-1939, p. 647 [23] Jour férié depuis l'accession d'Hitler au pouvoir, Gerad Schwab, The day the holocaust began. The odiyssey of Herschel Grynszpan, p. 20 [24] Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, p. 229 [25] Gerald Schwab, The day the holocaust began. The odyssey of Herschel Grynszpan, p. 20 [26] Pour Richard J. Evans, si Hitler ne se prononce pas en public, il donne cependant l'ordre à Goebbels d'organiser « une grande offensive nationale contre les Juifs » et « une mise en scène destinée à faire croire aux fidèles du parti réunis à l'hôtel de ville de Munich que l'opération était le fruit d'une réaction à chaud dictée par l'émotion et la colère », Richard J. Evans, Le troisième Reich. 1933-1939, p. 655 [27] Richard J. Evans, Le troisième Reich. 1933-1939, p. 656-657 [28] Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Les années de persécution, p. 344 [29] Richard J. Evans, Le troisième Reich. 1933-1939, p. 657 [30] Rita Thalmann, Emannuel Feinermann, La nuit de cristal. 9-10 novembre 1938, p. 93-94 [31] Gerald Schwab, The day the holocaust began. The odyssey of Herschel Grynszpan, p. 24-25 [32] Gerald Schwab, The day the holocaust began. The odyssey of Herschel Grynszpan, p. 21 [33] Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Les années de persécution, p. 350-351 [34] Richard J. Evans, Le troisième Reich. 1933-1939, p. 664 [35] Rita Thalmann, Emannuel Feinermann, La nuit de cristal. 9-10 novembre 1938, p. 131 [36] Rita Thalmann, Emannuel Feinermann, La nuit de cristal. 9-10 novembre 1938, p. 131-132 [37] Joseph Goebbels, Journal. 1933-1939, p. 648 [38] Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, p. 231 [39] Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, p. 232 [40] Voir notamment la carte des synagogues détruites pendant la nuit du 9 au 10 novembre 1938, in Richard J. Evans, Le troisième Reich. 1933-1939, p. 662 [41] S'ils ont ordre de participer au pogrom, les membres de la SS doivent le faire « en civil », Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, p. 232 [42] Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Les années de persécution, p. 345-346 [43] Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Les années de persécution, p. 348-349 [44] Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, p. 232-233 [45] Richard J. Evans, Le troisième Reich. 1933-1939, p. 658 [46] Rita Thalmann, Emannuel Feinermann, La nuit de cristal. 9-10 novembre 1938, p. 101 [47] Rita Thalmann, Emannuel Feinermann, La nuit de cristal. 9-10 novembre 1938, p. 105 [48] Richard J. Evans, Le troisième Reich. 1933-1939, p. 659 [49] Evan Burr Bukey, Hitler's Austria, Popular Sentiment in the Nazi Era, 1938-1945, The University of North Carolina Press, 2000, p. 30-32 [50] Gerhard Botz, La persécution des Juifs en Autriche : de l'exclusion à l'extermination,in François Bédarida (dir.), La politique nazie d'extermination, Albin Michel, Paris, 1989, p. 216-217 [51] Richard J. Evans, Le troisième Reich. 1933-1939, p. 664-665 [52] Rita Thalmann, Emannuel Feinermann, La nuit de cristal. 9-10 novembre 1938, p. 107 [53] Rita Thalmann, Emannuel Feinermann, La nuit de cristal. 9-10 novembre 1938, p. 113-114 [54] Gerald Schwab, The day the holocaust began. The odyssey of Herschel Grynszpan, p. 26 [55] Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, p. 234-235 [56] William L. Shirer, Le IIIe Reich, p. 467 [57] Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, p. 235 [58] Richard J. Evans, Le troisième Reich. 1933-1939, p. 660 [59] Rita Thalmann, Emannuel Feinermann, La nuit de cristal. 9-10 novembre 1938, p. 121-122 [60] Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, p. 236-237 [61] Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, p. 237 [62] Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Les années de persécution, p. 347 [63] Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, p. 81 [64] Rita Thalmann, Emmanuel Feinermann, La nuit de cristal, p. 196

56


Nuit de Cristal [65] Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, p. 85 [66] Hans-Jürgen Döscher, Reichskristallnacht”. Die Novemberpogrome 1938, Econ Tb. 2000, p. 120 [67] [68] [69] [70] [71]

(de)Kurt Pätzold, Irene Runge, Kristallnacht. Zum Pogrom 1938, Pahl-Rugenstein, Köln 1988, p.33 Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Les années de persécution, p. 374-375 Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Les années de persécution, p. 374 Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Les années de persécution, p. 376 Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, p. 87

[72] (de)Helmut Genschel, Die Verdrängung der Juden aus der Wirtschaft im Dritten Reich, Göttinger Bausteine zur Geschichtswissenschaft Band 38, Musterschmidt-Verlag, Göttingen 1966, p. 191 [73] Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, p. 86 [74] Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, p. 81-83 [75] Le général Werner von Fritsch, pourtant déchu de son poste de chef d'état-major de l'armée de terre par les nazis, estime que le pogrom correspond « à la destinée de l'Allemagne », William L. Shirer, Le IIIe Reich, p. 471-472 [76] William L. Shirer, Le IIIe Reich, p. 471 [77] Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Les années de persécution, p. 371-372 [78] Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Les années de persécution, p. 369 [79] Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, p. 237-238 [80] Gerald Schwab, The day the holocaust began. The odyssey of Herschel Grynszpan, p. 22 [81] Daniel Jonah Goldhagen, Les bourreaux volontaires de Hitler. Les Allemands ordinaires et l'holocauste, Paris, Seuil, 1997, p. 110 [82] Peter Longerich, « Nous ne savions pas ». Les Allemands et la Solution finale 1933-1945, Éditions Héloïse d'Ormesson, 2008, p. 173. [83] Rita Thalmann, Emannuel Feinermann, La nuit de cristal. 9-10 novembre 1938, p. 148 [84] Arno J. Mayer, La « solution finale » dans l'histoire, La Découverte, Paris, 1990, p. 201 [85] Richard J. Evans, Le troisième Reich. 1933-1939, p. 668 [86] Arno J. Mayer, La « solution finale » dans l'histoire, La Découverte, Paris, 1990, p. 201 [87] Peter Longerich, « Nous ne savions pas ». Les Allemands et la Solution finale 1933-1945, Éditions Héloïse d'Ormesson, 2008, p. 174-175. [88] D'après Richard J. Evans, la somme totale qui fut volée aux Juifs en 1938 et 1939, suite à la nuit de Cristal et sans tenir compte des aryanisations, excède largement les deux milliards de Reichsmarks, Richard J. Evans, Le troisième Reich. 1933-1939, p. 670 [89] Gerald Schwab, The day the holocaust began. The odyssey of Herschel Grynszpan, p. 31 [90] Une pièce de théâtre, Du cristal à la fumée, de Jacques Attali, mise en scène de Daniel Mesguich, théâtre du Rond-Point, Paris, jouée du 16-09-2008 au 28-09-2008, évoque cet épisode (http:/ / www. evene. fr/ culture/ agenda/ du-cristal-a-la-fumee-24805. php) [91] Le port de l'Étoile jaune est imposée par un décret du 1er septembre 1941 [92] Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Les années de persécution, p. 352-355 [93] 115000 entre le 10 novembre 1938 et le 1er septembre 1939 selon Richard J. Evans, Le troisième Reich. 1933-1939, p. 674 [94] Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, p. 241 [95] Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, les années de persécution, p. 357-364 [96] William L. Shirer, Le IIIe Reich, p. 467 [97] Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs, 1939-1945, Les années de persécution, p. 347 [98] William L. Shirer, Le IIIe Reich, p. 467 [99] Gerald Schwab, The day the holocaust began. The odyssey of Herschel Grynszpan, p. 27 [100] sauf mention contraire, cette section est rédigée sur la base de Ludwig Eiber, Reichskristallnacht - Reichspogromnacht. Reflection on the Change of a Term, in Peter M. Daly, Building history. The Shoah in Art, Memory and Myth, p. 73-86 [101] Harald Schmid: Sprachstreit im Novemberland Freitag 46, Die Ost-West-Wochenzeitung, 8. November 2002 (http:/ / www. freitag. de/ 2002/ 46/ 02461801. php) [102] Pascal Thibault, « Il y a 70 ans, la Nuit de Cristal (http:/ / www. rfi. fr/ actufr/ articles/ 107/ article_74566. asp) », 9 novembre 2008, Radio-France International. Consulté le 11 novembre 2008 [103] d'autres dépêches (http:/ / afp. google. com/ article/ ALeqM5hdkobxbtrT9Sk88suSDHZFxd4OwQ) [104] On Promoting Tolerance Throughout the European Continent (http:/ / ccojb. be/ dossiers/ evenements/ tolerance/ ) [105] Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, p. 219 [106] Karl A. Schleunes, Un tortueux itinéraire : les politiques nazies envers les Juifs allemands (1933-1939), in L'Allemagne nazie et le génocide juif, Colloque de l'École des hautes études en science sociale, Gallimard-Le Seuil, Paris, 1985, p. 128 [107] Cette hypothèse est partagée par Michal Bodemann, Gedächtnistheater. Die judische Gemeinschaft und ihre deutsche Erfindung, Hamburg, 1996, p. 92 [108] Arno J. Mayer, La « solution finale » dans l'histoire, La Découverte, Paris, 1990, p 199-200 [109] cité par Walter H. Pehle, Der Judenpogrom 1938: Von der « Reichskristallnacht » zum Völkermord., Frankfurt am Main 1988, p. 113 [110] Harald Schmid, Errinern an den Tag der Schuld. Das Novemberpogrom von 1938 in der deutschen Geschiktpolitik, Hamburg, Ergenisse-Verlag, 2001 [111] voir notamment, Naomi Kramer, Kristallnacht - the Icon of the Shoah, in Peter M. Daly, Building history. The Shoah in Art, Memory and Myth, p. 67-71

57


Nuit de Cristal

58

[112] Discours du 9 novembre 2008 de la chancelière Angela Merkel (http:/ / www. bundeskanzlerin. de/ nn_915660/ Content/ DE/ Archiv16/ Rede/ 2008/ 11/ 2008-11-09-gedenkfeier. html) [113] Discours de Joël Rubinfeld (http:/ / ccojb. be/ dossiers/ evenements/ tolerance-discours-joel-rubinfeld) [114] http:/ / www. memorialdelashoah. org/ upload/ minisites/ nuit_de_cristal/ index. htm [115] http:/ / www. herodote. net/ frises_theme/ chrono. php?theme=Shoah [116] http:/ / www. jewishtraces. org/ rubriques/ ?keyRubrique=la_nuit_de_cristal [117] http:/ / www. jewishtraces. org/ rubriques/ ?keyRubrique=Schmuell_grynszpan [118] http:/ / www. jewishtraces. org/ rubriques/ ?keyRubrique=TheNightofbrokenglasses [119] http:/ / www. jewishtraces. org/ rubriques/ ?keyRubrique=the_grynszpans_at_the_eichmann_trial [120] http:/ / www. bundeskanzlerin. de/ nn_915660/ Content/ DE/ Archiv16/ Rede/ 2008/ 11/ 2008-11-09-gedenkfeier. html La version du 24 février 2010 de cet article a été reconnue comme « article de qualité », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.

Anschluss L’Anschluss ou Anschluß[1] ,[2] est le nom donné à l’annexion de l’Autriche par l'Allemagne nazie en 1938. Les événements de 1938 ont marqué le point culminant des pressions transnationales pour unifier les populations allemandes et autrichiennes au sein d’une même nation. Dans les années qui précédèrent l’Anschluss, l’Allemagne nazie avait soutenu le parti nazi autrichien dans sa tentative de conquérir le pouvoir et de doter l’Autriche d’un gouvernement nazi. Totalement attaché à l’indépendance de son pays, mais soumis à des pressions grandissantes, le chancelier autrichien, Kurt von Schuschnigg, tenta d’organiser un référendum pour demander à la population autrichienne si elle souhaitait rester indépendante ou être incorporée à l’Allemagne. Alors que le chancelier espérait un résultat favorable au maintien de l’indépendance de l’Autriche, le parti nazi autrichien organisa un coup d'État, planifié de longue date, le 11 mars 1938, peu avant le référendum qui fut annulé. Le pouvoir ayant été transféré à l’Allemagne, les troupes de la Wehrmacht entrèrent en Autriche pour soutenir l’annexion, sans rencontrer la moindre opposition. Au cours du mois suivant, les nazis organisèrent un plébiscite, demandant au peuple de ratifier le rattachement de l’Autriche au Reich, qui, de facto, avait déjà eu lieu : 99,73 % des votes furent favorables à l'annexion.

L’entrée de la police allemande à Imst.

Si les Alliés de la Première Guerre mondiale étaient, en théorie, responsables du respect des termes du traité de Versailles et du traité de Saint-Germain-en Laye, qui prohibaient une union entre l’Allemagne et l’Autriche, l'Anschluss ne suscita que peu de protestations de la France ou du Royaume-Uni, protestations qui furent d'ailleurs uniquement diplomatiques et n'eurent aucun effet. L’Anschluss fut une des étapes majeures dans la création, voulue depuis longtemps par Adolf Hitler, d’un Reich regroupant les pays et territoires germanophones. Avant l’Anschluss, l’Allemagne avait déjà récupéré la Rhénanie et la Sarre après quinze années d’occupation par les troupes françaises ; après l’annexion de l’Autriche, elle s’empara du territoire des Sudètes, en Tchécoslovaquie, le reste du pays étant transformé en protectorat en 1939. Au cours de la même année, l’Allemagne annexa également le territoire de Memel, en Lituanie, ce qui constitua le dernier agrandissement territorial du Troisième Reich sans recours aux armes, avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. L'Anschluss entraîna une profonde « nazification » de la société autrichienne, qui laissa encore des traces dans l'histoire politique récente du pays, et l’Autriche cessa d’exister en tant qu’État indépendant jusqu’en 1945.


Anschluss

59

Considérée comme « la première victime du nazisme » par les Alliés, l'Autriche fut dotée d'un gouvernement provisoire le 27 avril 1945, lors de sa libération par l'Armée rouge. Elle retrouva sa pleine souveraineté en 1955.

Les prémices Du XIXe siècle à la fin des années 1920 Le projet de regrouper tous les Allemands au sein d’un seul État fait l’objet de débats sans suite concrète depuis la fin du Saint-Empire germanique en 1806. En 1848, le parlement de Francfort émet le vœu de rassembler tous les Allemands en un seul État national homogène, intégrant les Allemands autrichiens et rejetant la monarchie multinationale des Habsbourgs[3] . En 1850, l'Autriche rejoint la confédération germanique dont elle est exclue par Otto von Bismarck en 1866, à la suite de la guerre austro-prussienne[3] .

La dissolution de l'Autriche-Hongrie. Frontières de l'Autriche-Hongrie en 1914 Frontières en 1914 Frontières en 1920 Empire d'Autriche en 1914 Royaume de Hongrie en 1914 Bosnie-Herzégovine en 1914

Dans les années qui suivent, le rattachement à l'Allemagne n'est soutenu en Autriche que par le parti national allemand, qui reste minoritaire[3] et n'est pas soutenu par l'Allemagne : craignant que l'Autriche ne recherche à fonder une coalition anti-allemande, Bismarck adopte, à partir de 1870, une politique qui vise à rassurer Vienne et déclare, le 7 février 1871, que les aspirations de la fraction qui œuvre à l'intégration des territoires allemands de la couronne autrichienne à l'Allemagne ne correspondent pas aux objectifs de sa politique[4] . L'Autriche se rapproche à nouveau de l'Allemagne en octobre 1879, lorsqu'elle conclut avec celle-ci un traité d'alliance militaire défensive : « François-Joseph devenait l'allié de Guillaume Ier en attendant d'être, en 1914, « le brillant second » de Guillaume II[5] . » Cette « confédération germanique sous une forme actualisée » suscite des réserves en Autriche, à cause de la prépondérance de Berlin[6] . Lorsque l’empire austro-hongrois éclate suite à sa défaite lors de la Première Guerre mondiale, de nombreux Allemands et Autrichiens germanophones espèrent une unification des deux États, dans le cadre de la réorganisation de l’Europe : les traités de Versailles et celui de Saint-Germain, en son article 80, excluent explicitement la possibilité d’une unification entre l’Autriche et l’Allemagne sauf à obtenir l'accord de la Société des Nations[7] ,[8] , les vainqueurs voulant maintenir les vaincus dans une situation d'impuissance militaire[9] . Toujours sous la pression des Alliés, le nom du nouvel État initialement dénommé, en octobre 1918, Deutsch-Österreich est transformé en Republik Österreich[8] . Les milieux politiques autrichiens sont divisés sur la question de l'unification : si certains sociaux-démocrates, emmenés par Otto Bauer, souhaitent une unification, les sociaux-chrétiens y sont opposés, notamment par crainte du protestantisme allemand[10] . En Allemagne, dès 1920, le programme du Parti nazi exige la fusion de tous les Allemands [...] dans une grande Allemagne, ce qui préfigure implicitement l'Anschluss ; en 1925, dans Mein Kampf, Adolf Hitler est nettement plus explicite : « L'Autriche allemande doit revenir à la grande patrie allemande et ceci, non pas en vertu de quelconques raisons économiques. Non, non : même si cette fusion, économiquement parlant, est indifférente ou même nuisible, elle doit avoir lieu quand même. Un seul sang exige un seul Reich. » — Adolf Hitler, Mein Kampf[11] .


Anschluss

De 1930 à 1938 Le 18 mars 1931, le projet d'union douanière dit « plan Schober-Curtius », du nom des ministres des affaires étrangères autrichien Johann Schober et allemand Julius Curtius, est signé entre l'Allemagne et l'Autriche. La France s'y oppose. Le 3 septembre les deux ministres annoncent officiellement à la commission des affaires européennes de la Société des Nations qu'ils y renoncent. Le 5 septembre 1931, la cour internationale de justice de La Haye, s'appuyant sur l'article 88 du traité de Saint-Germain-en-Laye et sur le protocole de Genève du 4 octobre 1922, condamne cette union douanière par 8 voix contre 7[12] . Au cours des années 1930, les nazis autrichiens connaissent une notable progression sur le plan électoral, en passant de 112000 voix aux élections de 1930 à 230000 voix lors des élections partielles de 1932, dans les Länder de Vienne, Salzbourg et Styrie[13] . Maintenus dans l'opposition, ils se lancent dans une stratégie de tension et recourent au terrorisme, ce qui débouche, le 19 juin 1933, sur l'interdiction du parti nazi suite à un attentat meurtrier contre des gymnastes catholiques[14] . Face aux tensions entre les socialistes, appuyés par leur milice, le Schutzbund, et les catholiques, eux aussi appuyés par une milice, les Heimwehren, le Chancelier chrétien-social Engelbert Dollfuss établit, en mars 1933, une dictature cléricalo-fasciste à parti unique, connue sous le nom d'Austrofascisme[15] Engelbert Dollfuss sur un timbre : il ajourne le parlement, dissout le parti communiste et le parti nazi, et utilise les postal de 1936. Heimwehren comme police auxiliaire pour écraser le soulèvement des socialistes viennois en mars 1934[16] ; la répression fait un millier de morts et trois à quatre mille blessés[15] . Le 25 juillet 1934, les nazis autrichiens tentent un coup d'État lors duquel ils assassinent Dolfuss, assassinat vraisemblablement commandité par Adolf Hitler[17] ; la tentative de prise de pouvoir échoue, au grand dam de celui-ci, qui n'ose cependant intervenir en raison de la position de l'Italie fasciste, Benito Mussolini garantissant l'indépendance de l'Autriche[18] . Bien qu'il ait affirmé lors de la parution du premier volume de Mein Kampf, en 1925, que l'union de l'Allemagne et de l'Autriche était, pour les Allemands, « une tâche qu'ils [les Allemands] devaient s'employer à accomplir, par tous les moyens et tout au long de leur vie[19] », l'échec du putsch et l'attitude de l'Italie forcent Hitler à adopter une position publique conciliante et rassurante : dans l'important discours qu'il prononce devant les membres du Reichstag, le 21 mai 1935, Hitler affirme que « l'Allemagne n'a ni l'intention, ni le désir de se mêler des affaires intérieures de l'Autriche, d'annexer l'Autriche ou de réaliser l'Anschluss[20] . » L'absence de réaction des puissances alliées à l'entrée des troupes allemandes en Rhénanie, en mars 1936, permet à Hitler de renforcer la pression sur l'Autriche et de contraindre le successeur de Dolfuss, Kurt von Schuschnigg, à entamer avec Franz von Papen, ambassadeur à Vienne, des négociations visant à rapprocher les deux pays sous l'égide allemande[21] . De 1934 à 1938, Schuschnigg mène une intense mais prudente activité diplomatique afin de faire garantir l'indépendance de son pays par l'Italie, la France et la Grande-Bretagne pendant que le chef d'état-major de l'armée autrichienne, Alfred Jansa, dresse des plans pour s'opposer militairement à une éventuelle agression allemande[22] . Si l'accord du 11 juillet 1936 réaffirme le maintien de l'indépendance de l'Autriche, celle-ci est désignée comme « le second État allemand » et elle s'engage à « mener une politique extérieure conforme aux intérêts pangermaniques » et à autoriser l'activité politique du parti nazi[23] . Au cours de l'été 1937, Hitler fait part à Joseph Goebbels de sa volonté de résoudre le problème autrichien par la force, non seulement pour des raisons idéologiques, stratégiques et militaires, mais aussi pour des motifs économiques, l'Autriche disposant d'importantes réserves d'or et de devises, de main-œuvre et de matières premières[24] ; ces motifs économiques expliquent le rôle majeur joué par Hermann Göring, ministre du Plan quadriennal, dans la préparation et l'exécution de l'Anschluss[25] , [26] Lors de la signature par Mussolini du pacte anti-Komintern, le 6 novembre 1937, le Duce déclare à Joachim von Ribbentrop que les événements en Autriche peuvent suivre leur cours naturel : la souveraineté de l'Autriche a perdu son dernier garant[27] , la France et la Grande-Bretagne n'ayant pas montré d'intérêt pour la défense de l'indépendance

60


Anschluss

61

autrichienne[28] .

L'Anschluss Les premières actions d’Hitler Début 1938, Adolf Hitler a consolidé son pouvoir en Allemagne, notamment avec la mise à l'écart de Werner von Blomberg et de Werner von Fritsch[29] , et il est prêt à atteindre l’un des objectifs qu’il s’est fixé de longue date : l’expansion du Reich. Hitler rencontre le chancelier autrichien Kurt von Schuschnigg le 12 février 1938 à Berchtesgaden, en Bavière. Schuschnigg est accueilli à la frontière par Franz von Papen, pourtant limogé de son poste à Vienne depuis le 4 février, qui lui annonce que la rencontre se déroulera en présence de Wilhelm Keitel, le nouveau chef de l'OKW, de Walther von Reichenau, commandant des forces terrestres dans la zone austro-bavaroise, et de Hugo Sperrle, responsable de la Luftwaffe dans la même région, « arrivés par hasard[30] ». Hitler accueille Schuschnigg avec une courtoisie minimale et se lance, dès le début de leur tête-à-tête, dans une diatribe cinglante. Ses vitupérations durent toute la matinée et mettent le chancelier autrichien sous une forte pression[31] .

Wilhelm Keitel en 1934

« Vous avez tout fait pour empêcher une politique amicale [...]. L'histoire de l'Autriche n'est qu'un acte ininterrompu de haute trahison. [...] Ce paradoxe historique doit maintenant parvenir à son terme, qui devrait être depuis longtemps échu. Et je puis vous l'affirmer ici, monsieur Schuschnigg : je suis absolument résolu à ce que cela cesse. Le Reich allemand est l'une des grandes puissances et personne n'osera élever la voix s'il décide de régler le problème de ses frontières. » — Adolf Hitler au chancelier Schuschnigg[30]


Anschluss

62

Dans l'après-midi, Joachim von Ribbentrop et von Papen présentent à Schuschnigg un projet d'« accord », en lui précisant qu'il n'est pas négociable[30] . L'interdiction des activités du parti nazi autrichien doit être levée et ses membres en prison amnistiés. Arthur Seyss-Inquart, un avocat membre du parti nazi, doit être nommé ministre de l’Intérieur ayant l'autorité sur les services de police et de sécurité, et Edmund Glaise-Horstenau, ministre sans portefeuille[32] . Les armées allemande et autrichienne doivent établir des relations étroites, et le système économique autrichien doit être intégré à celui de l'Allemagne[30] . Lors de la seconde entrevue du chancelier autrichien avec Hitler, celui-ci le menace explicitement d'une intervention militaire en cas de refus : Schuschnigg finit par céder[30] , ce qui inspire à Hitler le commentaire que « les canons parlent toujours le bon langage[33] ». De retour à Vienne, Schuschnigg fait part au président de la république autrichienne, Wilhelm Miklas, des exigences allemandes, qui doivent être officiellement acceptées au plus tard le 15 février et mises en De gauche à droite, Arthur Seyss-Inquart, Adolf œuvre le 18 ; devant le refus de Miklas de mettre Seyss-Inquart à la Hitler, Heinrich Himmler et Reinhard Heydrich tête des forces de police et de sécurité, Hitler, informé par von Papen, fait organiser des manœuvres miliaires le long de la frontière. Miklas cède à son tour et, le 16 février, le gouvernement autrichien annonce l'amnistie générale des nazis emprisonnés, y compris des assassins d'Engelbert Dollfuss, et la nomination de Seyss-Inquart comme ministre de la Sûreté[34] ,[35] . Le 18 février, les SA défilent en uniforme à Linz avec d'immenses drapeaux à croix gammée. Le 1er mars, Arthur Seyss-Inquart se rend à Graz et, selon un journaliste britannique, on croirait entrer dans une ville de l'Allemagne nazie : la majorité des gens dans les rues portent des emblèmes à croix gammée, soit des insignes en métal, soit le sigle officiel du NSDAP, et les jeunes gens échangent des saluts hitlériens et certains chantent le Horst-Wessel-Lied[36] . Malgré l'acceptation de l'« accord », Hitler durcit encore le ton lors d'un discours devant les membres du Reichstag, le 20 février 1938. « Plus de 10 millions d'Allemands vivent dans deux des États qui ont une frontière commune avec nous[37] . Pour une puissance mondiale, il est intolérable de savoir qu'à ses côtés des frères de race subissent à chaque instant les plus cruelles souffrances parce qu'ils se sentent solidaires de la nation tout entière, en union avec elle, avec sa destinée et son Weltanschauung. C'est au Reich allemand de protéger les peuples germaniques qui ne sont pas en mesure d'assurer, par leur propre effort, le long de nos frontières, leur liberté politique et spirituelle. » — Adolf Hitler[34] . Quatre jours plus tard, dans un discours au Bundestag, le parlement autrichien, Schuschnigg réplique en déclarant que « l'Autriche s'est engagée sur la voie des concessions jusqu'au point où nous devons nous arrêter, nous n'irons pas plus loin » et en affirmant que l'Autriche ne renoncera jamais à son indépendance[34] . La radiodiffusion du discours de Schuschnigg suscite de violentes réactions des nazis autrichiens : à Graz, 20000 nazis envahissent la place de l'Hôtel-de-Ville, détruisent les haut-parleurs et remplacent le drapeau autrichien par la bannière allemande à croix gammée, sans que la

L'hôtel de ville de Graz


Anschluss police, soumise à l'autorité de Seyss-Inquart, n'intervienne[34] . Au cours des semaines qui suivent, le chancelier autrichien recherche le soutien de la classe ouvrière au travers des syndicats et du parti social-démocrate, dont il a pourtant maintenu l'interdiction prononcée par Dollfuss après la répression de 1934 ; cela n'empêche pas les socialistes de proclamer leur soutien au gouvernement pour préserver l'indépendance du pays et d'organiser un rassemblement populaire le 4 mars, leur seule demande étant que leur activité politique soit à nouveau autorisée, comme cela a déjà été le cas pour celle du parti nazi autrichien[34] .

Le projet de référendum et la démission de Schuschnigg Le 9 mars 1938, Schuschnigg fait une dernière tentative pour préserver l’indépendance de l’Autriche : il annonce, lors d'un discours à Innsbruck, sans avoir prévenu ses ministres, la tenue d’un référendum[38] pour le 13 mars[39] , appelant les électeurs à soutenir « une Autriche libre et allemande, indépendante et sociale, chrétienne et unie, pour la liberté et le travail, et pour l'égalité de tous ceux qui se déclarent pour la race et la patrie », formulation qui laisse augurer d'un vote largement positif[40] . Afin de s’assurer une large majorité, il fixe l’âge minimum pour voter à vingt-quatre ans, afin d’exclure les électeurs plus jeunes, largement acquis au nazisme[39] . L’organisation de ce référendum constitue un pari risqué pour Schuschnigg : selon Alfred Jodl, « le Führer est résolu à ne pas tolérer cela ». Dans la soirée du 9 et dans la nuit du 9 au 10, Hitler consulte de nombreux dignitaires politiques et militaires nazis, et ordonne à Wilhelm Keitel dès le matin du 10 mars d'envahir l'Autriche le samedi 12. Au cours des journées Benito Mussolini et Adolf Hitler des 10 et 11 mars, Keitel, Ludwig Beck, et Erich von Manstein préparent l'opération et arrivent à envoyer les ordres de mobilisation aux unités concernées dès le 11 mars vers 18 heures 30[39] . Pendant ce temps, Adolf Hitler envoie un courrier à Benito Mussolini, par lequel il lui fait part de sa décision « de rétablir la loi et l'ordre dans [son] pays natal », faisant état de la situation d'anarchie qui règne en Autriche et du fait que l'Autriche et la Tchécoslovaquie se préparent à lancer vingt millions d'hommes à l'assaut de l'Allemagne, assertions qui sont, selon William L. Shirer, « un tissu de mensonges »[39] . Le vendredi 11 mars, Schuschnigg est réveillé, à cinq heures trente du matin, par un appel téléphonique du chef de la police autrichienne, qui lui annonce la fermeture de la frontière à Salzbourg, l'arrêt des transports ferroviaires entre l'Allemagne et l'Autriche et des concentrations de troupes allemandes ; à dix heures, Arthur Seyss-Inquart et Edmund Glaise-Horstenau font part au chancelier autrichien de l'exigence d'Hitler de voir le plébiscite annulé sous peine d'invasion militaire[41] . Expirant normalement à midi, l’ultimatum est reporté jusqu’à deux heures[32] , heure à laquelle Schuschnigg accepte d'annuler le plébiscite. Prévenu de cette décision par Seyss-Inquart, et après avoir conféré avec Hitler, Hermann Göring formule de nouvelles exigences : la démission de Schuschnigg et son remplacement par Seyss-Inquart[42] . Il demande également à ce dernier d'envoyer, dès sa nomination, un télégramme demandant aux autorités allemandes d'envoyer des troupes en Autriche pour y maintenir l'ordre[41] . Dans un premier temps, le président autrichien, Wilhelm Miklas, refuse la démission du chancelier, ce dont Göring est immédiatement averti par téléphone par Seyss-Inquart[42] . À la suite de cette nouvelle, Göring se rend chez Hitler, dont il obtient, après une demi-heure de discussion, qu'il donne l'ordre à la 8e armée d'entrer en Autriche à l'aube du 12 mars[42] . Soumis à des pressions de plus en plus fortes, Miklas accepte finalement la démission de Schuschnigg, mais refuse de désigner Seyss-Inquart comme chancelier[41] . Schuschnigg annonce sa démission peu après dix-neuf heures trente dans un communiqué radiophonique :

63


Anschluss

64 « Le gouvernement allemand a remis aujourd'hui au Président Miklas un ultimatum lui ordonnant, dans un délai imposé, de nommer au poste de Chancelier une personnalité désignée par le gouvernement allemand ; en cas de refus, les troupes allemandes envahiraient l'Autriche. [...] Le Président Miklas m'a demandé de faire savoir au peuple d'Autriche que nous avons cédé à la force parce que nous refusons, même en cette heure terrible, de verser le sang. Nous avons donc décidé d'ordonner aux troupes autrichiennes de n'opposer aucune résistance. Je prends donc congé du peuple autrichien, en lui adressant cette formule d'adieu allemande, prononcée du plus profond de mon cœur : Dieu protège l'Autriche. »

— Kurt Schuschnigg, le 11 mars 1938[43] . À cette annonce, la foule se déchaîne à Vienne, brisant les vitrines des commerces appartenant à des Juifs ou molestant ceux-ci ; selon un journaliste témoin des faits, « la ville se transforme en un cauchemar peint par Jérôme Bosch [...] Ce qui se déchaîne à Vienne est un torrent d'envie, de jalousie, d'amertume, d'aveuglement, une malveillante envie de revanche[44] . » Bien organisés, les nazis autrichiens prennent le pouvoir en Carinthie et en Styrie, et occupent des bâtiments publics et des gares ferroviaires à Innsbruck, Linz, Salzbourg, Graz, Klagenfurt et Vienne[42] . Le refus du président Miklas de constituer un gouvernement nazi dirigé par Seyss-Inquart, et l'absence d'un télégramme d'appel à l'aide venant de celui-ci, mettent Hitler hors de lui : à 20 heures 45, il donne formellement l'ordre d'invasion ; trois minutes plus tard, il fait transmettre à Seyss-Inquart le texte du télégramme, en précisant qu'il Salzbourg n'est plus nécessaire de l'envoyer mais simplement de marquer son [45] [46] accord sur son contenu . Dans la nuit, le texte du télégramme est envoyé à la presse allemande qui le publie le lendemain matin : la Une du Völkischer Beobachter porte comme manchette « L'AUTRICHE ALLEMANDE SAUVÉE DU CHAOS »[45] . Vers minuit, après que les principaux centres du pouvoir à Vienne sont tombés entre les mains des nazis autrichiens et que la plupart des membres du gouvernement a été arrêtée, et vu l'absence de réaction de la France, de la Grande-Bretagne, de l'Italie et de la Tchécoslovaquie, le président Miklas accepte de nommer Seyss-Inquart chancelier[45] . Celui-ci tente en vain d'empêcher l'arrivée des troupes allemandes, en appelant la chancellerie du Reich et l'OKW : « Hitler avait pris l'une de ses décisions inébranlables ; il ne pensait pas seulement qu'il était immoral de laisser une telle armée désœuvrée, il considérait également que les nazis autrichiens n'étaient pas dignes de confiance[42] . »

L’annexion Le matin du 12 mars 1938, la 8e armée de la Wehrmacht franchit la frontière austro-allemande. Les troupes allemandes ne rencontrent aucune résistance de la part de l’armée autrichienne[32] , bien au contraire : elles sont accueillies par des acclamations, des Heil Hitler, des drapeaux nazis et des fleurs, ce qui explique que cette invasion soit parfois nommée Blumenkrieg (« la guerre des fleurs »). Après les unités motorisées, c'est à l'infanterie d'entrer en Autriche, non en formation de combat, mais en défilant avec drapeaux et musique militaire[47] . Pour un officier, « jamais des troupes allemandes n'ont été accueillies aussi L'arrivée des unités blindées à Vienne chaleureusement depuis le défilé triomphal de Bismarck lors de la fondation du Reich[47] . » Peu avant midi, la 2e division blindée, commandée par Heinz Guderian, arrive à Linz. Guderian y est rejoint par Heinrich Himmler, Arthur Seyss-Inquart et Edmund Glaise-Horstenau qui lui annoncent que l'arrivée d'Adolf Hitler est prévue vers quinze heures[47] . La Wehrmacht révèle cependant son impréparation puisque pas moins de 70% de ses véhicules tombent en panne sur la route de Vienne[48] .


Anschluss Hitler pénètre en Autriche peu avant seize heures à Braunau, son village natal. En raison de la foule amassée sur son passage, il n'arrive à Linz que vers dix-neuf heures trente, où il reçoit un accueil enthousiaste ; lorsqu'il y prend la parole d'un balcon de l'hôtel de ville, il est acclamé par 60 à 80000 personnes[47] . L'occupation systématique de la totalité du territoire autrichien se poursuit méthodiquement : à Salzbourg, les troupes de montagne allemandes découvrent une ville pavoisée de drapeaux nazis et à son arrivée à Vienne, vers minuit, Guderian reçoit un accueil enthousiaste[49] . S'il n'était pas prévu, à l'origine, d'envoyer des troupes en Styrie et en Carinthie, Hitler modifie ses plans au vu de l'accueil réservé aux soldats allemands par la population autrichienne : dans la journée du 13 mars, les hommes du 2e régiment de parachutistes atterrissent à Graz ; dans ces deux provinces, les unités sont à nouveau « bombardées de fleurs, même dans les hameaux slovènes à la frontière avec la Yougoslavie[49] ». Dans la soirée du 14 mars, toute l'Autriche est occupée[49] . Le 14 mars 1938, Hitler quitte Linz pour se diriger vers Vienne en faisant une étape à Melk, puis à Sankt Pölten : de cette ville, il poursuit son trajet vers la capitale à vingt kilomètres par heure, afin de satisfaire la foule[49] . Peu avant dix-huit heures, le Führer pénètre à Vienne par la Ringstrasse et se rend à l'hôtel Impérial pour y rencontrer les membres du nouveau gouvernement dirigé par Seyss-Inquart. Bien que la foule ait été avertie que Hitler était trop fatigué pour prendre la parole, des milliers de personnes restent massées à l'extérieur de l'hôtel : Hitler adresse cependant à la population un bref discours qu'il conclut par « personne ne pourra jamais diviser à nouveau le Reich allemand tel qu'il existe aujourd'hui[49] ». Le lendemain, au milieu de la matinée, près de 250000 personnes se dirigent vers la Heldenplatz, où Hitler arrive vers onze heures et reçoit un accueil triomphal de la foule rassemblée sur la place et à ses alentours. « Elle est composée de personnes issues de toutes les classes sociales. Pour une fois, ouvriers et bourgeois se tiennent côte à côte, La Heldenplatz avec un enthousiasme indivisible. Mon impression prédominante et qu'elle est composée de jeunes plutôt mal habillés. Il ne s'agit pas d'un rassemblement de réactionnaires réunis pour célébrer leur triomphe. Quelle que soit sa motivation, c'est le peuple de Vienne qui emplit les rues[49] . » Par la suite, Hitler commente cet épisode comme suit : « Certains journaux étrangers ont prétendu que nous nous sommes abattus sur l'Autriche en employant des méthodes brutales. [...] Quand j'ai franchi la frontière, j'ai été submergé par un flot d'amour tel que je n'en avais jamais connu. Nous ne sommes pas arrivés en tyrans mais en libérateurs..[50] . » Dans la soirée du 15 mars, comme lors de celle du 11, une partie de la foule, composée des pires éléments de la population, s'en prend aux Juifs, forçant les familles à sortir de chez elles et à s'agenouiller dans les rues, sous les cris de « Mort aux Juifs »[49] .

Les premières réactions En Autriche Selon E.B. Bukey, l'enthousiasme d'une grande partie de la population à l'égard de l'Anschluss est spontané et tient essentiellement à quatre facteurs : l'annexion s'est déroulée sans effusion de sang ; les troupes allemandes sont perçues à la fois comme le moyen d'éviter une guerre civile et comme une protection contre une agression extérieure ; l'essor économique de l'Allemagne devrait également améliorer la situation en Autriche ; enfin, il n'y a que peu de doutes sur le fait que des millions de personnes ont soutenu l'Anschluss en y voyant une chance de mettre fin à ce que l'on appelle la question juive[51] . Dès leur entrée en Autriche, les Allemands recherchent et obtiennent le soutien de deux piliers de la société autrichienne, à savoir la hiérarchie catholique et les dirigeants sociaux-démocrates.

65


Anschluss

66

Le cardinal Theodor Innitzer, qui est en outre une des personnalités du mouvement social-chrétien, déclare dès le 12 mars : « Les catholiques viennois devraient remercier le Seigneur pour le fait que ce grand changement politique se soit déroulé sans effusion de sang, et prier pour un grand avenir pour l’Autriche. Il va de soi que tout le monde devrait obéir aux ordres des nouvelles institutions. » Les autres évêques autrichiens adoptent la même position dans les jours qui suivent et remercient l'Allemagne d'avoir « sauvé l'Autriche du péril bolchévique[32] . » Le 27 mars suivant, une déclaration collective de l’épiscopat d’Autriche est lue dans toutes les Églises : « Nous reconnaissons avec joie que le mouvement national-socialiste a fait et fait encore œuvre éminente dans le domaine de la construction nationale et économique comme aussi dans le domaine de la politique sociale pour le Reich et la nation allemande, et notamment pour les couches les Cardinal Theodor Innitzer portant plus pauvres de la population... Au jour du plébiscite, il va sans dire que c’est pour la Cappa Magna, vers 1933 nous un devoir national, en tant qu’Allemands, de nous déclarer pour le Reich allemand, et nous attendons également de tous les chrétiens croyants qu’ils sauront ce qu’ils doivent à leur nation. » À Rome, Radio Vatican dénonce aussitôt la diffusion de ce texte, et le pape Pie XI et le cardinal secrétaire d'État Pacelli, demandent à Innitzer de venir s’expliquer devant eux. Le 6 avril, avant de rencontrer le pape, Innitzer s’entretient avec le secrétaire d'État Pacelli, qui lui ordonne de rédiger un document, au nom de tous les évêques d’Autriche, à paraître dans L'Osservatore Romano, affirmant que : « La déclaration solennelle des évêques autrichiens […] n’avait pas pour but d’être une approbation de quelque chose qui est incompatible avec la loi de Dieu », et précisant également que cette première déclaration avait été faite sans l’accord de Rome. Même le social-démocrate Karl Renner, père fondateur de la première république, annonce son soutien à l’Anschluss et appelle tous les Autrichiens à voter favorablement lors du plébiscite. Pendant l'été et l'automne 1938, il écrit un ouvrage de 80 pages au titre révélateur : Die Gründung der Republik Deutschösterreich, der Anschluss und die Sudetendeutschen (La fondation de la république austro-allemande, l'Anschluss et les Allemands des Sudètes)[52] ,[53] . À l'étranger Les réactions à l’étranger peuvent être considérées comme modérées. Pour le Times, l’Anschluss n’est pas tellement différent de la réunion de l’Écosse à l’Angleterre accomplie deux siècles auparavant. La position officielle de la Grande-Bretagne est exprimée par le premier ministre Arthur Neville Chamberlain, à la chambre des communes, le 14 mars 1938 : « J’imagine que, suivant les tempéraments des uns et des autres, les événements que nous avons à l’esprit aujourd’hui peuvent susciter des regrets, de la tristesse et peut-être de l’indignation. Ils ne peuvent être vus par le gouvernement de Sa Majesté avec indifférence ou sérénité. Ils auront des conséquences qui ne peuvent encore être mesurées. Leur résultat immédiat Arthur Neville Chamberlain est l’intensification du sentiment d’insécurité en Europe. […] Ce n’est pas le moment de prendre des décisions hâtives ou de prononcer des mots imprudents. Nous devons analyser la nouvelle situation rapidement, mais de sang-froid. » — Neville Chamberlain[54] . La réaction modérée de la Grande-Bretagne, partagée par les États-Unis, est l’une des premières conséquences majeures de la politique d’apaisement strictement observée par le Royaume-Uni[55] . C'est de l'étranger que s'élèvent des voix autrichiennes contre l'Anschluss : un groupe d'artistes cosmopolites, dont Joseph Roth à Paris, Oskar Kokoschka à Londres et Stefan Zweig à Bath, fondent le mouvement « Autriche libre », qui


Anschluss

67

regroupe, en 1943, 27 organisations comptant plus de 7000 membres[56] .

Le plébiscite L’Anschluss produit ses effets juridiques dès le lendemain de l’entrée des troupes allemandes, de par la loi du 13 mars[57] , soumise à ratification par plébiscite : l’Autriche devient la province d’Ostmark du Reich et Seyss-Inquart en est nommé gouverneur[58] . Le même jour, Adolf Hitler charge le Gauleiter de Saare-Palatinat, Josef Bürchel, d'organiser un plébiscite « libre et au vote secret » le 10 avril 1938[59] . Bürchel lance officiellement la campagne au Concert Hall de Vienne, en émaillant son discours de nombreuses attaques antisémites, qui sont Hermann Göring à Vienne, le 27 mars 1938 applaudies avec beaucoup d'enthousiasme ; dans les jours qui suivent, les principaux dirigeants nazis, dont Hitler, Hermann Göring, Joseph Goebbels et Heinrich Himmler, sillonnent l'Autriche pour soutenir l'annexion[59] . Les nazis jouent sur un double registre, alliant propagande et répression. Pour influencer favorablement le vote des Autrichiens, Göring annonce, le 26 mars, un investissement de soixante millions de marks dans le développement de l'industrie et la modernisation de l'agriculture autrichienne ; dans les jours qui suivent, le système de sécurité sociale allemand est étendu à l'Autriche, le paiement d'allocations aux chômeurs est repris par l'Allemagne, 100000 écoliers et 25000 adultes y sont envoyés en vacances, et des distributions de nourriture sont organisée pour les plus pauvres[59] . Les méthodes brutales utilisées par Hitler pour éliminer toute opposition en Allemagne sont immédiatement mises en place en Autriche, dans les semaines qui précèdent le plébiscite. Avant même l’intervention de la Wehrmacht, Heinrich Himmler et quelques officiers SS arrivent à Vienne dès le 12 mars, bientôt rejoints par 40000 membres des forces de sécurité allemandes[59] . Durant les quelques semaines qui séparent l’Anschluss du plébiscite, 70000 personnes, sociaux-démocrates, démocrates-chrétiens, comme Richard Schmitz et Leopold Figl, communistes et autres opposants politiques, Juifs, sont arrêtés et emprisonnés ou envoyés en camp de concentration[32] . Le plébiscite se tient le 10 avril et le résultat officiel est un vote favorable à 99,08% en Allemagne et à 99,75% en Autriche[60] . Si les historiens s’accordent sur le fait que le résultat du plébiscite n’a pas été truqué, le processus de vote n’a été ni libre, ni secret[59] : des officiels sont présents à côté des isoloirs et reçoivent le bulletin de vote de la main à la main, contrairement aux pratiques du vote secret, au cours duquel les bulletins sont déposés par les électeurs dans une urne scellée ; de larges fentes sont en outre aménagées dans les isoloirs afin de pouvoir constater comment votent les électeurs[60] .

Bulletin de vote du 10 avril 1938 : il est écrit : « Es-tu d'accord avec la réunification de l'Autriche avec le Reich allemand qui fut décrétée le 13 mars 1938, et votes-tu pour le parti de notre chef Adolf Hitler ? ». Le grand cercle est marqué Oui, le plus petit Non.

L’Autriche fait désormais partie du Troisième Reich et le restera jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le 27 avril 1945, le gouvernement provisoire autrichien déclare l’Anschluss nul et non avenu. Après guerre, l’Autriche, occupée par les Alliés, est reconnue et traitée comme un pays indépendant de l’Allemagne ; elle retrouve sa souveraineté en 1955, avec le Traité sur l’état autrichien et la déclaration autrichienne de neutralité, en grande partie à cause du développement rapide de la guerre froide.

Les conséquences La faiblesse des réactions à l’étranger suite à l’Anschluss conduisent Hitler à conclure qu’il peut utiliser des méthodes plus agressives dans sa marche pour élargir le Troisième Reich, ce qu’il fera plus tard lors de l’annexion du territoire


Anschluss

68

des Sudètes. En confirmant que la Grande-Bretagne a décidé qu’une logique d’apaisement est la bonne manière de négocier avec Hitler, et que la France est incapable d'intervenir, l’Anschluss ouvre la voie aux accords de Munich en septembre 1938, puis à l'invasion de la Tchécoslovaquie en 1939[61] . L'Anschluss se traduit également par une profonde « nazification » de la société autrichienne[62] : lorsqu'en 1945, les anciens nazis doivent se faire enregistrer, ils sont 600000 à s'inscrire, et avec leurs familles, ils représentent un tiers de la population du pays[63] ; si la population autrichienne ne représente que 8% de la population de la Grande Allemagne, les Autrichiens constituent 14% des membres de la SS et 40% du personnel lié à la mise en œuvre de l'assassinat des malades mentaux et de la Shoah[64] . Parmi les Autrichiens ayant occupé de hauts postes au sein du Troisième Reich, on peut citer Franz Böhme, Lothar Rendulic, Julius Ringel et Alexander Löhr, généraux dans la Wehrmacht et la Luftwaffe, Adolf Eichmann, l'un des principaux organisateurs de la Shoah, Odilo Globocnik, lui aussi impliqué dans la Shoah, Amon Göth, commandant du camp de concentration de Plaszow, Franz Stangl, commandant des camps d'extermination de Sobibor et Treblinka, Ernst Kaltenbrunner, successeur de Reinhard Heydrich à la tête du RSHA, ou Otto Skorzeny, qui organisa notamment l'évasion de Benito Mussolini du Gran Sasso. Quant à Arthur Seyss-Inquart, après avoir été l'adjoint de Hans Frank en Pologne, il fut commissaire du Reich aux Pays-Bas. Quant aux Juifs autrichiens, 128000 d'entre eux sont contraints de s'exiler et 65459 sont victimes de la Shoah[65] .

L’héritage historique Rattachement ou annexion ? Le dictionnaire en ligne franco-allemand Larousse [66] traduit le terme Anschluss, dans le contexte politique, par rattachement. Selon le dictionnaire en ligne Leo [67], la traduction allemande d'annexion est Annektierung ou Annexion[68] , celle d'incorporation Eingliederung [69] . L’Encyclopædia Britannica décrit l’Anschluss comme une annexion[70] plutôt que comme un rattachement. Cette traduction est reprise par la quasi totalité des auteurs cités dans l'article[71] . Comme le relève Ewan Burr Bukey, lors du départ des troupes alliés d'occupation, le 25 octobre 1955, « la plupart des citoyens [autrichiens] se réjouit que se termine enfin une période de dix-sept années d'occupation[72] », englobant sous le même terme la période de 1938 à 1945 et celle de 1945 à 1955.

La seconde république La déclaration de Moscou La déclaration de Moscou, signée en 1943 par les gouvernements de l'Union soviétique, des États-Unis et de Grande-Bretagne, comprend une déclaration sur l’Autriche[73] : « Les gouvernements du Royaume-Uni, de l’Union soviétique et des États-Unis d’Amérique sont d’accord sur le fait que l’Autriche, le premier pays libre tombé suite à l’agression hitlérienne, sera libéré de la domination allemande. Ils considèrent l’annexion imposée à l’Autriche le 15 mars 1938 comme nulle et non avenue. […] Ils affirment leur souhait de voir la liberté et l’indépendance de l’Autriche restaurées, ouvrant ainsi la voie au peuple autrichien, ainsi qu’à ceux des autres états confrontés aux mêmes problèmes, pour créer la sécurité économique et politique, seule base d’une paix durable. Cependant, l’Autriche a une responsabilité, qu’elle ne peut éluder, dans sa participation au conflit aux côtés de l’Allemagne hitlérienne. Au moment du jugement final, il sera inévitablement tenu compte de sa propre contribution à sa libération[74] . » Le dernier paragraphe de la déclaration relève de la propagande et vise à susciter les premiers signes d’une résistance autrichienne : bien que des Autrichiens aient été reconnus comme Justes parmi les nations, il n’y eut jamais en


Anschluss

69

Autriche de résistance armée comme celle qui s’est manifestée dans d’autres pays occupés[75] ,[76] ,[77] . La déclaration de Moscou est suivie, le 27 avril 1945, par une déclaration sur l'indépendance de l'Autriche, qui stipule en son article 2 que « l'Anschluss imposé au peuple autrichien en 1938 est nul et non avenu » et, en son article 4, que « tous les serments militaires, officiels, ou individuels, prêtés par des Autrichiens à l'égard du Reich allemand et de son gouvernement, sont considérés comme nuls et non avenus[78] . » L'identité autrichienne et la « victimisation » La vision des événements de 1938 a de profondes racines dans les dix années d’occupation par les Alliés et dans la lutte de l’Autriche pour retrouver sa souveraineté. La « victimisation » joue un rôle essentiel lors des négociations avec les Soviétiques à propos du Traité d'État autrichien. S’appuyant sur la Déclaration de Moscou, les hommes politiques autrichiens, hantés par le souvenir de la guerre civile qui a détruit la première république, n'ont d'autre choix, afin de favoriser la reconstruction économique et la recomposition de la société, que de « créer une fiction historique qui n'a que peu de rapport avec la réalité[79] . » Le traité sur l’État autrichien et la déclaration de neutralité permanente, qui lui fait suite, constituent des étapes fondamentales pour la consolidation de l’indépendance et de l’identité nationale autrichienne au cours des décennies qui suivent[80] . Le processus de dénazification est lancé suite à la loi sur les nationaux-socialistes du 25 juillet 1945[81] qui oblige notamment les anciens membres du parti nazi à se faire enregistrer et les prive temporairement de leur droit de vote. « Devant l'inscription de près de 600000 personnes dans ces registres, les partis politiques, devant cette masse d'enregistrés, pensèrent que bien des gens allaient retrouver leur droit de vote un jour ; aussi, au lieu de mener une lutte idéologique contre le national-socialisme et les crimes hitlériens, ils évitèrent la discussion sur le passé en flattant la masse des anciens nazis promus au rang de doubles victimes[81] . » Le contexte de la guerre froide et la volonté de l'Autriche de bénéficier du plan Marshall jouent également un rôle important dans l'occultation du débat sur l'Anschluss et sur le passé nazi de l'Autriche[82] . En présentant l'Union soviétique comme l'ennemi principal de l'Autriche, ses dirigeants ont esquivé « certains problèmes fondamentaux comme la véritable prise de conscience des crimes nazis, l'élimination des responsables nazis de la vie publique, la liquidation sérieuse de l'idéologie national-socialiste, etc[83] . » Pour Ernst Bruchmüller, « le rôle de victime (Opferrolle) est devenu un pré-requis pour la formation d'une identité nationale contemporaine[84] ». Dans la vie politique d'après-guerre De 1945 à 1948, les tribunaux autrichiens condamnent 10694 personnes pour crime de guerre, essentiellement commis sur le sol autrichien, dont 43 sont condamnées à la peine capitale ; mais dès 1948, le processus de dénazification s'éteint et tant le SPÖ que l'ÖVP cherchent à gagner les votes des anciens nazis[85] . Une première loi amnistiant les nazis n'ayant pas occupé de postes importants (die Minderbelasten) est votée le 21 avril 1948, suivie en 1953 d'une deuxième amnistie nettement plus large qui permet aux anciens nazis « de peser lourdement dans la balance des forces politiques[81] . » En 1952, le FPÖ, issu de la VdU - Verband der Unabhängigen (Fédération des indépendants)[86] , « dans la droite ligne de l'Anschluss, affirme que les Autrichiens font partie du peuple allemand, avec tous les droits et tous les devoirs résultant de cette appartenance[87] .

Blason de la République fédérale d'Autriche

Pendant des décennies, la théorie de la « victimisation » établie dans l’opinion publique autrichienne reste largement incontestée ; la population est rarement forcée de se confronter à l’héritage laissé par le Troisième Reich[85] . En 1964, la déclaration du directeur de l'institut pédagogique de Graz, le Dr. Franz Göbhart, qui, en réponse à une


Anschluss invitation du Deutsches Kulturwerk für europäische Geiste, affirme que les machinations nationalistes allemandes n'ont pas leur place dans les écoles autrichiennes, suscite une vaste polémique relayée au parlement par le FPÖ[88] ; en 1965, les déclarations ouvertement antisémites et nationalistes du professeur d'histoire économique Taras Borodajkewycz[89] ,[90] déclenchent des manifestations de protestation au cours desquelles un rescapé des camps de concentration, Ernst Kirchweger[91] , est assassiné par un militant de droite lors d’émeutes[92] . Ce n’est qu’au cours des années 1980 que l’Autriche doit massivement faire face à son passé sous le régime nazi. Le catalyseur de cette remise en question, connue sous le terme Vergangenheitsbewältigung, est l’affaire Waldheim. Lorsque celui-ci est accusé, lors de sa candidature au poste de secrétaire général de l’ONU – poste qu’il obtiendra –, d’avoir été membre du parti nazi et de la SA, et de crimes de guerre – accusation dont il sera disculpé -, la seule réponse du gouvernement autrichien consiste à affirmer que ces accusations constituent des interventions inamicales dans les affaires intérieurs du pays. Malgré les réactions politiques face aux critiques internationales, l’affaire Waldheim marque le début d’une discussion de fond sur le passé nazi de l’Autriche et l’Anschluss, et la remise en cause fondamentale du « mythe du premier pays libre victime de l'agression hitlérienne »[93] . Un autre facteur influençant la relation de l’Autriche à son passé nazi est l’émergence, au cours des années 1980, de Jörg Haider et de son parti, le FPÖ, qui forme une coalition gouvernementale avec l'ÖVP le 4 février 2004. Le programme de celui-ci, fondé en 1955, combine des éléments de la droite pan-germaniste avec des éléments du libéralisme ; lorsque Haider accède à la présidence du parti, les aspects libéraux deviennent marginaux, au profit d’une rhétorique nationaliste et anti-immigrants. Haider est souvent critiqué pour sa définition de l’intérêt national autrichien sur une base ethnique (völkisch), avec un slogan comme l’Autriche aux Autrichiens, et pour son apologie du passé, notamment lorsqu’il définit les membres de la Waffen-SS comme des « hommes d’honneur[94] , [95] ». Haider va jusqu'à affirmer que l'existence de la Jörg Haider en 2008 seconde république autrichienne est « une anormalité idéologique [90] congénitale ». Selon Megan Green, le succès du FPÖ provient de l'échec de l'Autriche à analyser en profondeur son passé nazi et à en tirer les leçons, et le FPÖ trouve ses racines idéologiques dans le nazisme[96] . Haider n’est pas le seul à émettre des avis controversés sur le passé de l’Autriche. En 2000, son ancien partenaire au gouvernement, le chancelier Wolfgang Schüssel, déclare au Jerusalem Post que l’Autriche a été la première victime de l’Allemagne[97] . Dénonçant le simplisme de la théorie de la « victimisation » et l’époque de l’austrofascisme, la pièce de Thomas Bernhard Heldenplatz, fait l’objet de controverses avant même sa première représentation en 1988, cinquante ans après l’Anschluss. De nombreux hommes politiques de toutes tendances demandent que la pièce ne soit pas jouée au Burgtheater de Vienne. Kurt Waldheim, à cette époque président de la république, qualifie l’œuvre d’insulte grossière au peuple autrichien[98] . Toujours en 1988, lors du cinquantième anniversaire de l'Anschluss, le président Waldheim et le chancelier Franz Vranitzky reconnaissent pourtant, lors d'une cérémonie regardée par des millions de téléspectateurs, la complicité de l'Autriche dans l'Holocauste ; quelques mois plus tard, à l'occasion de l'anniversaire de la Nuit de Cristal, le chancelier rappelle à ses concitoyens la longue histoire de l'antisémitisme autrichien[99] .

La commission des historiens et ses suites Dans le contexte de l’après-guerre, la république fédérale d’Allemagne est confrontée à un véritable combat pour en finir avec le passé : le Vergangenheitsbewältigung. En partie institutionnalisé, ce processus concerne les domaines de la littérature, de la culture, de la politique et de l’enseignement, et suscite des débats parfois vifs, comme dans le cadre de l’Historikerstreit (querelle des historiens). Dans un cadre similaire, mais plus tardivement, l’Autriche crée en novembre 1998 une commission d’historiens, la Historikerkommission[100] , [101] . Son mandat est d’analyser le rôle

70


Anschluss

71

de l’Autriche dans la confiscation des biens juifs opérée par le régime nazi et dans la mise en place d'un système de travail forcé, sous un angle plus historique que juridique. Comme son nom l'indique, il s'agit d'une commission historique, sans pouvoir particulier, à la différence d'une commission d'enquête parlementaire, et sans capacité de dépasser le stade de l'analyse et des recommandations. Cette mission est notamment définie pour répondre aux critiques dont le pays fait l’objet pour son traitement des plaintes des ayants droit des biens confisqués. Cette nouvelle impulsion donnée en 1998 est confirmée, dix ans après lors de la visite d'État du président autrichien Heinz Fischer en Israël : durant son séjour, il déclare notamment « que la conscience du problème que représentent les questions liées à l'Holocauste s'est accrue dans les dix dernières années » et que « depuis le milieu des années 90, de vraies mesures ont été prises par le gouvernement[102] . » Cependant, le centre Simon Wiesenthal maintient ses critiques quant à la réticence persistante de l’Autriche, depuis les années 1970, à mener des enquêtes et à traduire devant les tribunaux des nazis pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité : « Compte tenu du fait des très faibles résultats de l’Autriche en ce qui concerne la poursuites des exécutants de la Shoah, un fait clairement établi dans notre dernier rapport sur la situation mondiale en ce qui concerne les enquêtes et les poursuites de criminels de guerre nazis, je crois que la visite du ministre des Affaires étrangères [d’Autriche en Israël] constitue une opportunité unique pour que le gouvernement autrichien annonce son intention de s’occuper sérieusement, pour la première fois depuis des décennies, du problème des criminels de guerre nazis autrichiens impunis. C’est le bon moment pour que l’Autriche déclare qu’elle est prête à créer une unité d’enquête spécialisée pour traiter ces dossiers et pour établir clairement que sa volonté politique de traduire les nazis devant la justice s’est finalement concrétisée à Vienne » — Communiqué du Centre Simon-Wiesenthal du 28 juillet 2003[103] . En 2003, le centre Wiesenthal lance une campagne mondiale, l’opération de la dernière chance, pour rassembler des informations sur les nazis encore en vie et qui pourraient faire l’objet de poursuites[104] . Lors de cette campagne, le centre Wiesenthal met en évidence, en 2005, le cas de Milivoj Ašner[105] , un Croate âgé de 92 ans, qui fait partie des dix nazis les plus recherchés ; Ašner s’est réfugié en Autriche en 2004, après que la Croatie a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les crimes de guerre dans lesquels il aurait pu être impliqué[106] . Malgré les critiques quant à la liberté dont jouit Ašner, le gouvernement fédéral autrichien retarde, sine Carte du Troisième Reich incluant l'Autriche, 1943. die, tant le traitement de la demande d’extradition formulée par la Croatie que le déclenchement de poursuites par le parquet de Klagenfurt. Ayant vécu en Autriche de 1946 à 1991, Ašner en a acquis la nationalité et ne peut donc être extradé.

Bibliographie : source utilisée pour la rédaction de cet article • Gilbert Badia, Histoire de l'Allemagne contemporaine, t. 2, 1933/1962, Paris, Éditions sociales, 1975 • Jean Bérenger, Histoire de l'Autriche, Paris, Presses universitaires de France, coll. Que Sais-je, 1994 (ISBN 2130466850)

• (en) Günther Bischof, Anton Pehnka, Alexander Lassner (dir.), The Dollfuss/Schuschnigg Era in Austria, A reassesment, Contemporary Austrian Studies, vol. 11, New-Brunswock-London, Transaction Publishers, 2003 (ISBN 0765809702)

• Gordon Brook-Shepperd, L'Anschluss, les Nazis en Autriche, Paris, Presses de la Cité, 1964


Anschluss

72

• (en) Ernst Bruchmüller, The Development of Austrian National Identity, in, Kurt Richard Luther, Pieter Pulzer (dir.), Ausria 1945-1955. Fifty Years of the Second Republic, Ashgate, 1998, p. 83-108 (ISBN 1840144041) • (en) Evan Burr Bukey, Hitler's Austria, Popular Sentiment in the Nazi Era, 1938-1945, The University of North Carolina Press, 2000 (ISBN 0807825166) • Maurice Crouzet (dir), Histoire générale des civilisations, vol. 7, L'époque contemporaine, Paris, Presses universitaires de France, 1957 • Michel Cullin, Félix Kreissler, L'Autriche contemporaine, Paris, Armand Colin, 1972 • Martin Fuchs, Un pacte avec Hitler. Le drame autrichien, 1936-1938, Paris, Plon, 1938 • (en) Jürgen Gehl, Austria, Germany and the Anschluss, 1931-1938, London, Oxford University Press, 1963 • Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, Paris, Flammarion, 2001(ISBN 2082125297) • William L. Shirer, Le IIIe Reich. Des origines à la chute, Paris, Stock, 1990 (1e éd. 1959) • (en) Edward Timms, Autrian Identity in a Schizophrenic Age : Hilde Spiel and the Literary Politics of Exile and Reintegration, in, Kurt Richard Luther, Pieter Pulzer (dir.), Austria 1945-1955. Fifty Years of the Second Republic, Ashgate, 1998, p. 47-66 (ISBN 1840144041) • (en) Dieter Wagner, Gerhard Tomkowitz, Ein Volk, ein Reich, ein Führer : the nazi Annexation of Austria, Bristol, Western Printing Services, 1971 (1e ed. 1398)

Notes et références • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Anschluss [107] » (voir la liste des auteurs

[107]

) (voir aussi [[|la page de discussion]]).

Voir aussi Articles connexes • • • • •

La marche vers la Seconde Guerre mondiale Axe Rome-Berlin-Tōkyō Réarmement du Troisième Reich Accords de Munich Politique étrangère de l'Allemagne

Liens externes • l'Anschluss et l'exil des juifs [108] • Edouard Boeglin, Engelbert Dollfuss, Une mort annoncée [109] La version du 1 février 2009 de cet article a été reconnue comme « bon article », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.


Anschluss

Références [1] La traduction littérale d'Anschluss en français (« rattachement » dans le contexte politique) étant impropre, le terme n'est pas repris en italique dans le corps de l'article, conformément à la graphie adoptée par Joachim Fest, Ian Kershaw ou William L. Shirer [2] Jusqu'à la réforme de l'orthographe allemande en 1998 on écrivait Anschluß ; le ß ayant été remplacé par un s doublé lorsqu'il suit une voyelle brève, on doit maintenant l'écrire Anschluss. Les dictionnaires et encyclopédies français rangent ce terme dans des articles titrés Anschluss, citant parfois l'ancienne graphie allemande dans le corps des articles. [3] Jean Bérenger, Histoire de l'Autriche, Paris, Presses universitaires de France, coll. Que Sais-je, 1994, p. 53-62 [4] Lothar Gall, Bismarck, Paris, Fayard, 1984, p. 529-530 [5] J. Bérenger, op.cit., p. 76 [6] L. Gall, op. cit., p. 629 [7] (en) texte intégral du traité (http:/ / www. austlii. edu. au/ au/ other/ dfat/ treaties/ 1920/ 3. html) [8] J. Bérenger, op. cit, p. 89 [9] Maurice Crouzet (dir), Histoire générale des civilisations, vol. 7,L'époque contemporaine, Paris, Presses universitaires de France, 1957, p. 32 [10] J. Bérenger, op. cit., p. 94-95 [11] Ian Kershaw, Hitler, 1936-1945, Paris, Flammarion, 2001, p. 129 [12] Robert Gerwarth, The Bismarck Myth, Weimar Germany and the legacy of the Iron Chancellor, Oxford University Press, 2005, p. 135-136 [13] Michel Cullin, Félix Kreissler, L'Autriche contemporaine, Paris, Armand Colin, 1972, p. 74 [14] M. Cullin, F. Kreissler, op. cit., p. 75 [15] William L. Shirer, Le IIIe Reich. Des origines à la chute, Paris, Stock, 1990, p. 354 [16] M. Crouzet, op. cit., p.207 [17] J. Bérenger, op. cit., p. 104 [18] Edouard Boeglin, Engelbert Dollfuss, Une mort annoncée (http:/ / www. alsapresse. com/ jdj/ 99/ 07/ 21/ MA/ 1/ article_1. html) [19] William L. Shirer, op. cit., p. 305 [20] W. L. Shirer, op. cit.', p. 313 [21] W.L. Shirer, op. cit., p. 323-324 [22] Sur ce point, voir Alexander Lassner, The Foreign Policy of the Schuschnigg Government, 1934-1938 : the Quest for Security, in Günther Bischof, Anton Pehnka, Alexander Lassner (dir.), The Dollfuss/Schuschnigg Era in Austria, A reassesment, Contemporary Austrian Studies, vol. 11, New-Brunswock-London, Transaction Publishers, 2003, p. 163-187 [23] M. Cullin, op. cit., p. 79 [24] I. Kershaw, op. cit., p. 101-102 [25] I. Kershaw, op. cit., p. 133 [26] Lors du procès de Nuremberg, Hermann Göring déclara notamment que « ce n'est pas tant le Führer que moi, en personne, qui donnai le rythme et, passant outre aux hésitations du Führer, y mis la dernière touche », cf. I. Kershaw, op. cit., p. 145. [27] W. L. Shirer, op. cit., p. 330 [28] W. Shirer, op. cit., p. 353 [29] W. L. Shirer, op. cit., p. 340-350 [30] W. L. Shirer, op. cit., p. 354-360 [31] I. Kershaw, op. cit., p. 136-137 [32] Gilbert Badia, Histoire de l'Allemagne contemporaine, vol. 2, 1933/1962, Paris, Éditions sociales, 1975, p. 84-87 [33] I. Kershaw, op. cit., p. 139 [34] W. L. Shirer, op. cit., p. 360-364 [35] Outre sa qualité générale, l'ouvrage de Shirer est particulièrement précieux pour l'histoire de l'Anschluss, l'auteur, reporter radio en poste à Vienne depuis la fin de l'année 1937, ayant été un témoin direct des faits [36] Evan Burr Bukey, Hitler's Austria, Popular Sentiment in the Nazi Era, 1938-1945, The University of North Carolina Press, 2000, p. 25 [37] L'Autriche et la Tchécoslovaquie [38] Il avait déjà eu cette idée en juillet 1937, mais n'y avait pas donné suite, la France, l'Italie, et surtout la Grande-Bretagne jugeant cette initiative inutile, cf. A. Lassner, op. cit., p. 179 [39] W. L. Shirer, op. cit., p. 360-366 [40] I. Kershaw, op. cit., p. 141 [41] W. L. Shirer, op. cit., p. 367-372 [42] E. B. Bukey, op. cit., p. 26 [43] W. Shirer, op. cit., p. 371 [44] E. B. Bukey, op. cit., p 27-28 [45] W. L. Shirer, op. cit., p. 372-376 [46] Si le remplaçant de von Papen à Vienne, Keppler, affirme que Seyss-Inquart a bien donné son accord sur le contenu du télégramme, sans toutefois l'envoyer, cette affirmation est contredite par l'attitude du même Seyss-Inquart qui demande encore, le 12 mars vers deux heures du matin, que les troupes allemandes ne franchissent pas la frontière, cf. W. Shirer, op. cit., p. 372 [47] E. B. Bukey, op. cit., p. 28

73


Anschluss [48] Britannica, édition 1989, entrée International relations, p.773 2b [49] E. B. Bukey, op. cit., p. 30-32 [50] W. Shirer, op. cit., p. 379 [51] E.B. Bukey, op. cit., p. 33 [52] Edward Timms, « Autrian Identity in a Schizophrenic Age : Hilde Spiel and the Literary Politics of Exile and Reintegration », in Kurt Richard Luther, Pieter Pulzer (dir.), Ausria 1945-1955. Fifty Years of the Second Republic, Ashgate, 1998, p. 51-53 [53] Dépassé par les événements, l'ouvrage ne sera pas publié et restera inconnu jusque dans les années 1990. [54] Texte intégral de la déclaration de Chamberlain (en) (http:/ / web. jjay. cuny. edu/ ~jobrien/ reference/ ob92. html) [55] I. Kershaw, op. cit., p. 140-141 [56] E. Timms, op. cit., p. 55-56 [57] E.B. Bukey, op. cit., p. 29 [58] En 1942, la province d’Ostmark disparaît et elle est remplacée par une série de Reichsgaue [59] E. B. Bukey, op. cit., p. 34-38 [60] W. L. Shirer, op. cit., p. 380 [61] W. Shirer, op. cit., p. 383-384 [62] Lors d'une enquête d'opinion réalisée en 1985, 50% des Autrichiens interrogés estiment que l'expérience nazie a comporté autant d'aspects positifs que négatifs, cf. E. Bukey, op. cit., p. 230. [63] E. B. Bukey, op. cit., p. 228 [64] E. B. Bukey, op. cit., p. 43 [65] E. B. Bukey, op. cit., p. 227 [66] http:/ / www. larousse. fr/ dictionnaires/ allemand-francais/ [67] http:/ / dict. leo. org/ frde?lang=de& lp=frde [68] Ce terme est notamment employé par Karl Heinz Roth, Krieg vor dem Kieg : Die Annexion Österreichs un die Zerschagung der Tschechoslowakei, Berlin, 1999 et par Martin Moll, Die Annexion Österreichs als erster Schritt zur Entfesslung der Zweiten Weltkrieges?, Belin, 2000. [69] voir par exemple Gerhard Botz, Die Eingliederung Österreichs in das Deutsche Reich, Wien, 1972. [70] Encyclopædia Britannica (en) (http:/ / www. britannica. com/ ebc/ article?tocId=9355453& query=plebiscite& ct) [71] Le chapitre que consacre W. L. Shirer à l'Anschluss est intitulé « Le viol de l'Autriche » [72] E. Bukey, op. cit, p. 230 [73] M. Cullin, op. cit., p. 85 [74] Texte intégral de la déclaration de Moscou (http:/ / www. ibiblio. org/ pha/ policy/ 1943/ 431000a. html) [75] Gerald Stourzh, Walheim's Austria (http:/ / www. nybooks. com/ articles/ 4859) [76] Cependant, selon Jean Bérenger, de 1938 à 1945, 2700 résistants autrichiens ont été exécutés, près de 16000 sont morts dans les prisons de la Gestapo et 17000 dans les camps de concentration nazis ; les chiffres repris par E.B. Bukey sont du même ordre de grandeur. [77] Le 27 avril 1945, le chancelier Klestil déclare lors d'un discours qu'il n'y a pas eu, en Autriche, de résistance armée, mais seulement une résistance politique limitée. [78] M. Cullin, op. cit., p. 89 [79] E. Bukey, op. cit., p. 228 [80] M. Cullin, op. cit., p.121-122 [81] M. Cullin, op. cit., p. 98-99 [82] E. B. Bukey, op. cit., p. 228-229 [83] M. Cullin, op. cit., p.93-94 [84] Ernst Bruchmüller, The Development of Austrian National Identity, in, Kurt Richard Luther, Pieter Pulzer (dir.), Austria 1945-1955. Fifty Years of the Second Republic, Ashgate, 1998, p. 89 [85] E. Bukey, op. cit, p. 228-229 [86] Pour M. Cullin, « le changement de sigle cacha mal la nostalgie du passé nazi qui régnait toujours dans ses rangs », op. cit., p. 133 [87] M. Cullin, op. cit., p. 142 [88] E. Bruchmüller, op. cit., p. 87 [89] Ancien membre du parti nazi, Taras Borodajkewycz (1er octobre 1902-3 janvier 1984) se vit retirer son poste de professeur à la suite des événements, avec maintien de son salaire. [90] E. Bruchmüller, op. cit., p. 88 [91] Militant socialiste, puis communiste, Ernst Kirchweger (12 janvier 1898-2 avril 1965) a été déporté en camp de concentration, en raison de ses activités syndicales interdites. 25000 personnes assisteront à ses funérailles qui se transforment en une manifestation anti-fasciste. [92] M. Cullin, op. cit., p. 142 [93] E. Timms, op. cit., p. 64 [94] article de Time Magazine (http:/ / www. time. com/ time/ europe/ magazine/ 2000/ 214/ haiderquotes. html) [95] article de Libération (http:/ / www. liberation. fr/ monde/ 0101123697-jorg-haider-le-bronze-de-l-extreme-droite-autrichienne) [96] Megan Green, Right-Wing Movements in the European Union : A Case Study of the Austrian Freedom Party (FPÖ) and the Lega Nord (LN), in, The Dollfuss/Schuschnigg Era, op. cit., p. 187-211

74


Anschluss

75

[97] Résumé de l'interview (de) (http:/ / www. salzburg. com/ cgi-bin/ sn/ printArticle. pl?xm=165129) [98] Thomas Bernhard(en) (http:/ / www. kirjasto. sci. fi/ bernhard. htm) [99] E. Bukey, op. cit., p. 232 [100] Site officiel de la commission (de) (http:/ / www. historikerkommission. gv. at/ ) [101] Sauf mention contraire, la présente section se fonde sur Commissioning History : Austria and World War II, Restitution and Reconciliation, articles de Günter Bischof, Brigitte Bailer-Galanda et Eva Blimlinger, Martin Eichtinger, Dieter Stiefel, Olivier Rathlolb, Amrgrit Reiter, in, The Dollfuss/Schuschnigg Era..., op. cit., p. 212-266 [102] Die Presse, 16 décembre 2008 [103] (http:/ / www. wiesenthal. com/ site/ apps/ s/ content. asp?c=lsKWLbPJLnF& b=4442915& ct=5853021)/Communiqué du Centre Simon Wiesenthal du 28 juillet 2003] [104] (http:/ / www. wiesenthal. com/ site/ apps/ s/ content. asp?c=lsKWLbPJLnF& b=4442915& ct=5849371)/Communiqué du Centre Simon Wiesenthal du 15 décembre 2003 [105] (http:/ / www. wiesenthal. com/ site/ apps/ s/ content. asp?c=lsKWLbPJLnF& b=4442915& ct=5851637)/Communiqué du Centre Simon Wiesenthal du 2 juin 2005 [106] Autriche : Un criminel nazi parmi les spectateurs de l'Euro - Monde - LCI (http:/ / tf1. lci. fr/ infos/ monde/ europe/ 0,,3882902,00-criminel-nazi-parmi-spectateurs-euro-. html) [107] http:/ / en. wikipedia. org/ wiki/ Anschluss [108] http:/ / www. jewishtraces. org/ rubriques/ ?keyRubrique=lAnschluss [109] http:/ / www. alsapresse. com/ jdj/ 99/ 07/ 21/ MA/ 1/ article_1. html

Campagne de Pologne (1939) Campagne de Pologne (1939)

Cuirassé Schleswig-Holstein bombardant Westerplatte le 1er Septembre 1939. Informations générales Date

Du 1er septembre au 6 octobre 1939

Lieu

Pologne

Issue

Victoire germano-soviétique décisive Belligérants

Pologne

Allemagne Union soviétique Slovaquie Commandants


Campagne de Pologne (1939)

76

Edward Rydz-Śmigły

Fedor von Bock, (Groupe d'armée Nord) Gerd von Rundstedt, (Groupe d'armée Sud) Mikhail Kovalov, (Front de Biélorussie) Semyon Timoshenko, (front d'Ukraine) Ferdinand Catlos. Forces en présence

39 divisions, 16 brigades, 880 tanks, 400 avions, Total : 950000 hommes

Allemagne: 60 divisions, 4 brigades, 3472 chars, 1500 avions. URSS: 33 divisions, 11 brigades. Slovaquie: 3 divisions. Total : 1800000 Allemands, 800000 Russes, 50000 Slovaques. En tout : 2650000 hommes. Pertes

66000 morts, 133000 blessés, 600000 prisonniers.

Allemagne : 16000 morts, 32000 blessés. URSS : 996 morts, 2000 blessés. Seconde Guerre mondiale Batailles

Seconde Guerre mondiale - Front de l’Est Campagne de Pologne · Guerre d’Hiver · Opération Barbarossa · Guerre de Continuation · Opération Silberfuchs · 1re bataille de Smolensk · Seconde bataille de Kharkov · Siège de Léningrad · Bataille de Moscou · Opération Fall Blau ·Poche de Demiansk · Poche de Kholm · Bataille de Stalingrad · Opération Uranus · Bataille de Koursk · 2e bataille de Smolensk · Bataille du Dniepr · Opération Bagration · Insurrection de Varsovie · Guerre de Laponie · Bataille de Budapest · Siège de Breslau · Bataille de Seelow · Bataille de Berlin (et prise du Reichstag) · Insurrection de Prague · Offensive de Prague Front d’Europe de l’Ouest Campagnes d'Afrique et du Moyen-Orient Bataille de l’Atlantique Campagnes de Méditerranée et d'Europe du Sud Guerre en Asie et dans le Pacifique Guerre sino-japonaise Campagne de Pologne - Bataille de la Bzura

L’invasion de la Pologne ou campagne de Pologne (opération Fall weiss), est une opération militaire entreprise contre la Deuxième République de Pologne par le Troisième Reich en 1939 qui a conduit au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.


Campagne de Pologne (1939)

77

Contexte En 1939, l’Allemagne dirigée par Hitler s'est déjà emparée de l'Autriche ainsi que de la Bohême et de la Moravie[1] . Pour Hitler, de telles annexions se justifiaient par la présence de populations germaniques et par la nécessité de conquérir l'espace vital nécessaire à l'expansion allemande. Pour les mêmes raisons, la Pologne est toute désignée pour être la cible suivante du Reich. De plus, le pays sépare depuis sa création à la fin de la Première Guerre mondiale la Prusse-Orientale du reste de l'Allemagne, situation inacceptable pour les nazis. Devant le refus des Occidentaux (Français et Anglais) de rétrocéder Dantzig pour la placer sous statut spécial, et malgré la fermeté affichée par Chamberlain, le premier ministre britannique, qui juge que Hitler va trop loin dans ses exigences et lui fait savoir que le Royaume-Uni ira jusqu'à la guerre s’il le faut[2] , Hitler prépare la prochaine invasion. Après avoir sécurisé son flanc sud grâce à un pacte avec l'Italie fasciste, il se garantit sur son flanc est en signant le pacte germano-soviétique avec Staline le 23 août 1939. Ne reste plus qu'à trouver le prétexte de l'affrontement, en espérant que la France et le Royaume-Uni reculent une nouvelle fois en refusant d'honorer leurs devoirs d'alliés de la Pologne comme ils avaient laissé leur allié tchécoslovaque se faire dépecer lors de la conférence de Munich.

Les armées en présence L’armée polonaise Depuis sa création après le traité de Versailles, la Deuxième République de Pologne a dû lutter pour son indépendance notamment lors de la guerre russo-polonaise. Cependant malgré le fait que le pays, en partie grâce à ses alliés, se soit sorti de ces menaces, l’armée polonaise en 1939 est loin d'être moderne : elle a une guerre de retard. L’infanterie Malgré une légende très répandue, la cavalerie n'est pas l'élément principal de l'armée polonaise, c'est l'infanterie. Elle reste tout de même l'élite de l'armée. La Pologne compte ainsi 30 divisions d'actives à la veille de la guerre et 9 de réserve qui n'auront pas le temps d'intervenir. Ces divisions (les 30) forment un total de 84 régiments d'infanterie et 6 de montagne. Voici la composition d'une division d'infanterie : • • • • • •

3 régiments d'infanterie; 1 régiment d'artillerie légère; 1 bataillon d'artillerie lourde (12 pièces); 1 bataillon du génie; 1 compagnie de communication; 1 batterie antiaérienne.

L'infanterie polonaise

Les divisions sont directement versées dans des armées, les corps d'armée n'existant pas chez les Polonais. Un entraînement et un moral à tout épreuve caractérisent le fantassin polonais. Il combat pour la sauvegarde de son pays ce qui motive davantage son travail. Néanmoins, le fantassin polonais souffre de son manque de puissance de feu, de sa faible mobilité et enfin de sous-officiers souvent moins compétents que ceux de la Wehrmacht, les officiers sont de bons commandants, surtout les subalternes.


Campagne de Pologne (1939) La cavalerie Comme il a été dit, l'armée polonaise possède de moins en moins de cavalerie et celle qui reste n'a jamais attaqué les Panzer allemands à la lance. Cette légende a été fabriquée par la propagande nazie pour démontrer la supériorité technique des Allemands. La cavalerie polonaise équestre disparaît en 1937 et à la veille de la guerre, l’armée polonaise compte 11 brigades de cavalerie dont voici la formation : • • • • •

3 ou 4 régiments de cavalerie; 1 escadron d'artillerie légère (12 pièces); une batterie anti-aérienne; une compagnie du génie; des unités du service.

Malgré sa puissance, la brigade de cavalerie est obsolète en ce qui concerne la guerre moderne, en effet, la brigade qui est l'échelon le plus élevé en ce qui concerne la cavalerie ne permet pas d'actions d'envergure. Les blindés Malgré l'omniprésence du cheval dans l'armée polonaise, cette dernière possède des chars mais ceux-ci sont comme dans l'armée française, utilisés au sein de petites unités contrairement aux Allemands. Ces unités consistent en des bataillons ou des compagnies. Néanmoins, il existe deux brigades blindées. Les unités indépendantes sont au nombre de 8 (3 bataillons et 5 compagnies) constituées soit de chars Renault R-35, soit de chars 7TP polonais. De Char léger polonais 7TP plus, toutes les brigades de cavalerie et 11 divisions d'infanterie comptent dans leurs rangs une compagnie blindées de reconnaissance. Voici les effectifs en blindés de l'armée polonaise : • • • • • •

139 chars polonais 7TP; 102 chars Renault FT-17; 38 chars Vickers; 574 chenillettes de reconnaissance; 100 automitrailleuses Wz; 10 trains blindés.

L’artillerie Chaque division d'infanterie compte un régiment d'artillerie légère (36 pièces) et un bataillon d'artillerie lourde (12 pièces). L'armée polonaise comprend aussi des unités autonomes qui sont constituées de 23 groupes d'artillerie lourde, 3 groupes d'artillerie super-lourde, 20 sections d'artillerie légère. La plupart de ces unités sont encore, pour la grande majorité, hippomobiles. L'armée polonaise comprend aussi de l'artillerie antichar à la fois dans la cavalerie et l'infanterie. Cette artillerie comprend 1200 canons de 27 mm Bofors. L'artillerie anti-aérienne est par contre faiblement lotie (462 canons en tout).

78


Campagne de Pologne (1939) L’aviation et la marine En Pologne, l'aviation militaire dépend directement de l'armée de l'air ; les quelques hydravions dépendent, eux, de la marine. En 1939, la modernisation de l'aviation est loin d'être arrivée à son terme et la majorité des avions de chasse est encore composée d'anciens modèles datant de 1930. Il y a moins de 200 bombardiers polonais modernes PZL P.37 Łoś (pl) bimoteurs et PZL P.23 Karas monomoteurs de bombardements tactiques, et la chasse comprend environ 200 appareils PZL P-7 et PZL P-11 ainsi que divers appareils de reconnaissance et de bombardement, soit en tout à peine près de 700 appareils militaires. La marine polonaise comprend des navires assez modernes, comparativement au reste de son armée. Toutefois, Dantzig étant le seul port militaire polonais, ces navires sont en trop faible nombre. Les navires sont organisés en 3 escadres : • une escadre de destroyers; • une escadre de sous-marins; • une escadre de mouilleurs de mines. Lors de l’assaut allemand, les principaux navires polonais seront envoyés en Angleterre.

L’armée allemande En 1939, même si la Wehrmacht est techniquement supérieure à l'armée polonaise, elle est loin d'être aussi moderne qu'on ne le pense et la plupart de ses éléments d'infanterie sont encore hippomobiles. Néanmoins, l'utilisation des blindés que les Allemands ont rassemblés en 7 Panzer-Divisionen (divisions blindées), 4 Leichte-Divisionen (divisions légères) et deux bataillons indépendants fait la différence. Cependant l'armée allemande compte en grande majorité des chars peu puissants comme le Panzer I (1445) et le Panzer II (1223 engins). L’armée allemande peut aussi compter sur des chars tchèques, le Panzer 35t (202) et le Panzer 38t (78). De plus, la Wehrmacht peut compter sur deux types de très bons chars pour l'époque, le Panzer III (98) et le Panzer IV (211). Enfin, les Allemands possèdent 215 Panzer Befehlswagen qui sont des chars de commandement. On arrive ainsi à un total de 3472 chars, qui en grande majorité sont des chars légers. Pour finir, 408 de ces chars sont dans des unités de remplacement. Ainsi seules les 1re, 2e et 3e divisions blindées sont fortement dotées en chars (presque 400 chacune). Les divisions légères comptent en moyenne 80 chars. De son côté, la Luftwaffe dispose de la supériorité aérienne malgré le fait que de nombreux appareils aient été laissés à l’Ouest en raison de la menace franco-britannique. Les forces aériennes allemandes se chiffrent quand même à 1500 voire 1600 appareils face à la Pologne. La majorité de ces appareils sont des bombardiers.

79


Campagne de Pologne (1939)

80

Déroulement de la bataille La bataille des frontières (1er au 5 septembre) L'invasion de la Pologne était programmée pour le 26 août à 4h30 mais Hitler la repousse pour des raisons inconnues. C'est le 1er septembre 1939 à 4h30 qu'est finalement programmée l'attaque. Le prétexte allemand pour l'invasion est l'attaque d'un poste de radio à Gleiwitz. Cependant la machination est mal exécutée et l'information destinée à être envoyée au monde entier ne sera connue que par peu de personnes.

Ordre de bataille des armées la veille de la bataille.

C'est à 4h45 que l'Allemagne, aidée par son alliée la Slovaquie, commence l'invasion de la Pologne, et donc la Seconde Guerre mondiale. L'attaque se fait sur toute l'étendue du front mais surtout à Dantzig. C'est au large de cette ville que le Schleswig-Holstein va déclencher les hostilités en bombardant la position polonaise de la Westerplatte qui est défendue par 175 hommes. Malgré la faiblesse de ses effectifs et le bombardement du navire allemand, la position tiendra jusqu'au 7 septembre, succombant au bout d'un treizième assaut.

L'assaut allemand a pour but principal la prise du corridor de Dantzig. L'attaque est menée par la 3e division blindée venant de Poméranie qui passe la frontière. Le soir du 1er septembre, la division se trouve à 20 km de Swiekatowo sur la Vistule. Mais la 2e division d'infanterie motorisée censée protéger le flanc gauche des blindées reste bloquée dans le réseau de barbelés polonais et subit une offensive Des soldats allemands arrachent une barrière à la frontière polonaise menée par le 18e régiment de lanciers polonais. La près de Dantzig le 1er septembre 1939 division allemande, contrainte au repli, doit demander l'aide des blindés. Le lendemain malgré une offensive polonaise, les Allemands ont atteint la Vistule. De plus, le 19e corps d'armée de Guderian vient de recevoir l'aide de la 23e division d'infanterie ce qui lui permet de repousser les Polonais au nord. Ces derniers tenteront vainement de percer. Le bilan de ces premiers jours est catastrophique pour les Polonais. L'armée de Pomorze a subi de lourdes pertes, notamment la 9e division d'infanterie. Les autres unités ont réussi tant bien que mal à se replier sur la rive gauche de la Vistule et notamment à Bydgoszcz. Cette ville conserve encore une forte minorité allemande. Lors du repli de l'armée polonaise, les civils d'origine allemande se mettent à tirer sur les Polonais qui réagissent et tuent 233 civils en ayant perdus 238 soldats. Durant toute la campagne polonaise, entre 3000 et 10000 civils allemands sont tués ; les SS, en représailles, font subir de dures exactions aux civils polonais. Le 3 septembre, la 3e armée allemande basée en Prusse-Orientale lance ses divisions à l'assaut des forces polonaises. Le lendemain, l'armée fera sa jonction avec les troupes venant de Poméranie. Néanmoins, les Polonais durant leur


Campagne de Pologne (1939) retraite réussiront à faire sauter les ponts sur la Vistule. Pendant ce temps , le 1er corps d'armée venant de Prusse-Orientale attaque en direction du sud et forme une des deux tenailles qui doit se refermer sur Varsovie. En face des Allemands se trouve l'armée de Modlin. La frontière est protégée par des bunkers et le premier assaut allemand échoue, malgré l'aide de la Luftwaffe, avec de lourdes pertes, tant en chars (72 Panzer mis hors de combat) qu'en infanterie. Cependant, les Allemands contournent les positions polonaises à l'est et, après trois jours d'une dure résistance, les 8e et 20e divisions d'infanterie polonaises sont obligées de battre en retraite sous une forte pression allemande, notamment de la 12e division d'infanterie. Le 6 septembre, les Polonais font sauter les ponts de Plock sur la Vistule. Les Polonais doivent aussi faire face à une forte pression allemande au sud. La 14e armée du général List, fortement dotée en troupes de montagne, doit attaquer à travers les Carpates. Après trois jours d'âpres combats, les Allemands percent les défenses polonaises et se dirigent ainsi droit vers Cracovie. Pendant ce temps, une bataille navale s'engage au large des côtes polonaises. Malgré le fait que les trois meilleurs destroyers ont pu s'enfuir vers l'Angleterre, les Polonais disposent encore de sous-marins qui tentent vainement, le 2 septembre, d'endommager le Schleswig-Holstein ainsi que des destroyers allemands. Mais, le 1er septembre, la Luftwaffe coule le torpilleur polonais Mazur le premier navire coulé de la Seconde Guerre mondiale. Le 3 septembre, les dragueurs de mines Gryf et Wicher sont eux aussi coulés. Peu après, les principaux navires allemands sont transférés en mer du Nord pour parer à la menace britannique. Les combats se déroulent donc sur terre avec la tentative allemande de s'emparer de Gdynia. Même si la garnison n'a plus aucune chance de s'échapper, elle n'est pas prête à capituler sans combattre. Les Allemands progressent lentement et ils doivent attendre le 10 septembre pour couper la ligne de communication entre Gdynia et la presqu'île de Hel, remplies de défenseurs polonais. La ville portuaire polonaise continue néanmoins sa résistance menée par l'amiral Unrug, aidée par l'artillerie de la presqu'île de Hel. Le 19 septembre avec l'aide du bombardement du Schleswig-Holtstein, les Allemands s'emparent du port, mais Unrug s’est replié par bateau sur la presqu'île de Hel dont il a dynamité l'accès (une langue de terre) et où il s'est retranché avec 2000 hommes. Les Polonais sont ainsi prêts à résister autant de temps qu'il le faudra et les Allemands doivent faire appel au Schleswig-Holstein et au Schlesien pour pilonner les défenseurs. Malgré cela, la garnison tient toujours et, le 27 septembre, le Schleswig-Holstein doit se replier, touché. Finalement, Unrug accepte de capituler le 1er octobre. Dans le même temps, les Allemands continuent leur progression vers Varsovie en concentrant leurs efforts vers Czestochowa avec le 15e et le 16e corps d'armée. Très vite, l’assaut allemand s’approche de la ville sainte polonaise et la 7e division d'infanterie qui la défend doit se replier devant le risque de se faire encercler. Enfin pour compliquer encore les affaires polonaises, les Allemands ont aussi frappé aux alentours de Breslau et menacent donc l’armée de Lodz qui ne peut stopper les Allemands malgré sa forte résistance. Le soir du 3 septembre, seule l'armée de Poznan n’a pas été attaquée. Son chef demande l’autorisation d'attaquer le flanc de la 8e armée mais le haut-commandement refuse et lui ordonne de se replier entre Konin et Koło. Ainsi, le 5 septembre, la bataille des frontières est finie et, malgré le fait que les Allemands ont presque partout forcé le front des Polonais, ces derniers ne se sont fait encercler qu'au nord. Le généralissime polonais espère encore stopper les Allemands dans l'attente d'une offensive française.

81


Campagne de Pologne (1939)

82

L’avance vers Varsovie À la suite de la bataille des frontières, le maréchal Rydz-Smigly doit reconstituer un front pour stopper la progression allemande. Pour cela, il décide de se replier derrière des cours d'eau qui sont la Bobr, la Narew, la Vistule et le San. Pour parer à cette possibilité, l'OKH (l'organisme dirigeant l'armée de terre allemande) demande aux généraux présents sur le front de prendre de vitesse les Polonais. Ainsi le Heeres Gruppe Nord reçoit l'ordre de franchir la Narew et ensuite se diriger vers Varsovie tandis que le Heeres Gruppe Süd doit s'emparer de Cracovie et Des blindés allemands progressent à travers une localité polonaise détruire l'armée de Lodz située au sud de Lublin. Le 6 septembre, Cracovie est capturée sans combat. Le même jour, Hitler vient sur le front pour la première et la dernière fois de la guerre. Enfin devant l'insistance de certains généraux, l'OKH autorise à Guderian le droit d'envoyer ses divisions motorisées et blindées sur Brest-Litovsk pour empêcher tout redressement polonais à l'ouest de Varsovie. Le 8 septembre, les divisions blindées allemandes attaquant au centre du dispositif défensif polonais sont contraintes d'arrêter leur avance faute de carburant. Le général Kutrzeba demande à Rydz-Śmigły l'autorisation de contre-attaquer. Celui-ci accepte et le lendemain, l'armée de Poznan partant de la Bsura et se dirigeant vers le nord-est avec en soutien l'armée de Pomorze sur le flanc oriental prend de surprise les Allemands et la 30e division d'infanterie est détruite par 3 divisions polonaises. Il faut attendre le 10 septembre pour que les Allemands viennent en aide aux fantassins et à la 8e armée. La bataille qui s'engage ne permet pas de mettre en avant un vainqueur mais très vite, l'armée de Lodz plus au sud commence à céder et le général Kutrzeba est obligé de battre en retraite pour éviter un encerclement. Du 13 au 15 septembre, deux divisions polonaise protégèrent les flancs et les arrières de l’armée de Pomorze qui put se replier en mettant d'ailleurs une forte pression sur la 10e armée allemande qui doit demander de l'aide au 16e corps d'armée. Ainsi se termine la bataille de la Bsura qui montre que la Pologne en attendant une hypothétique offensive française à l'ouest a toujours les moyens de résister aux Allemands, du moins pour quelques jours encore. Au moment de l'offensive polonaise sur la Bzura, les Allemands tentent, notamment avec la 4e division blindée de prendre Varsovie. Les chars arrivent aux portes de la ville mais les troupes dirigées par le général Walerian Czuma avec l'aide de civils résistent et repoussent les Allemands en arrière grâce à une farouche résistance. Durant la bataille, le général Czuma, blessé est remplacé par le général Juliusz Rómmel (homonyme du général allemand). La capitale polonaise pour parer à une nouvelle attaque se transforma en camp retranché et de nombreuses barricades furent érigées sur les artères principales. Situation le 14 septembre 1939.

Cependant, les Allemands doivent très vite se reconcentrer sur ce qui se passe à l'ouest de Varsovie car les troupes polonaises contre-attaquent car certaines unités sont encerclées. Ainsi l'armée Prusy réussit à franchir les lignes


Campagne de Pologne (1939)

83

allemandes malgré la destruction de la majorité des troupes des 3e, 12e et 36e divisions d'infanterie. L'armée de Lodz, elle se dirigeait vers Varsovie puis finalement vers Modlin devant une farouche résistance allemande devant la capitale polonaise. Pendant ce temps, les arrières-gardes polonaise mettaient en place la technique de la guérilla pour ralentir la marche allemande. Néanmoins, les Allemands sont surtout arrêtés dans leur progression vers Varsovie par la résistance polonaise sur la Bsura et la Wehrmacht doit stopper l'investissement de la capitale polonaise. La situation entre le 12 et le 14 septembre est pour le moins confuse, aucun front cohérent n'existe et la Pologne voit son territoire traversé par de nombreuses troupes ennemies. Le 12 septembre, l'OKH demande aux généraux sur le front de réduire les poches de résistance polonaise, de réduire à néant le danger polonais sur la Bsura et enfin de terminer la manœuvre d’encerclement de Brest-Litovsk. L’offensive menée par le 10e corps d'armée vers Brest-Litovsk a commencé depuis le 9 septembre et franchi la Narew le même jour. Néanmoins, les Polonais tiennent toujours les fortins situés sur la rive et les soldats allemands ont du mal à faire céder la défense polonaise notamment à cause de la lenteur du franchissement du fleuve par les chars. Après ces péripéties, le 10 septembre, les chars et l'infanterie peuvent enfin se diriger vers Brest-Litovsk, mais les troupes se trouvant le plus près de Varsovie ont bien du mal à progresser notamment la 20e division d'infanterie motorisée. Pour parer à ce danger, Guderian est obligé d'arrêter la progression de ses blindés pour attaquer les Polonais qui se retranchent dans la ville d'Andrzejwo où ils résisteront jusqu'au 13 avant de se replier. Enfin la division blindée "Kempf" qui est passe à la proximité immédiate de Varsovie doit demander l'aide de la Luftwaffe pour repousser les Polonais qui ont contre-attaqué au niveau de la boucle que forment le Boug et la Narew.

La destruction de l’armée polonaise et l’intervention soviétique Le 13 septembre, Guderian arrive en vue de la citadelle de Brest-Litovsk. Mais celle-ci résiste à un premier assaut allemand le 15 septembre. Le lendemain, une nouvelle attaque échoue car les Panzer se retrouvent soudain seuls face aux remparts, l'infanterie n'ayant pas suivi. Au cours de cette action, l'aide de camp de Guderian, le lieutenant-colonel Braubach est abattu par un sniper polonais. Le 17 septembre, un régiment allemand parvient enfin à pénétrer dans la citadelle et s'en empare au moment où la garnison polonaise s'enfuit vers l'ouest.

Chars soviétiques traversant la frontière polonaise le 17.09.1939

Pendant ce temps, le Heeres Gruppe Süd continue ses attaques en direction de Varsovie. La 14e armée doit de son côté empêcher les Polonais de se diriger vers la frontière roumaine en se dirigeant plein sud. Néanmoins, les Polonais résistent avec l'énergie du désespoir. La 1re division de montagne met ainsi 10 jours pour s'emparer de Lviv tout comme la 2e division de montagne est bloquée face à Przemysl qui tombe le 15 septembre. Sur la Bzura, les troupes polonaises qui sont encerclées réussissent une sortie et les survivants se dirigent vers Varsovie. Le dernier espoir polonais de résister aux Allemands est de se retrancher au sud-est du pays, à la frontière de la Roumanie. Ainsi, depuis le 15 septembre, de nombreuses unités se dirigent vers cette région. Ainsi, le front nord est créé avec à sa tête le général Dab-Biernacki et qui regroupe les restes des troupes situées entre les forces de Guderian et celles de la 14e armée. Cette armée se dirige vers la frontière roumaine en passant par Lviv. Ces mouvements de troupes donnent un nouvel espoir au haut-commandement polonais, car le reste de l'armée polonaise, exceptée les troupes encerclées dans Varsovie, peuvent maintenant reformer un front cohérent à la frontière roumaine et ainsi résister en attendant l'offensive française. Mais le 17 septembre, à la surprise de l'ensemble des belligérants (excepté Hitler et Ribbentrop), l’Armée rouge lance ses troupes sur l'est de la Pologne, sur un front qui s'étend de la Dvina au Dniestr. L'invasion de la Pologne par l’URSS le 17 septembre 1939 est entreprise conformément au protocole secret du pacte germano-soviétique. Les Soviétiques interviennent car selon eux, les populations ukrainiennes et biélorusses de Pologne sont victimes de discrimination, bien que la raison officieuse soit l'intention qu'a Staline d'annexer des territoires polonais et ainsi


Campagne de Pologne (1939) d'agrandir la sphère d'influence de l’Union soviétique. Enfin, le dirigeant soviétique, qui avait précédemment subi une défaite cuisante durant la guerre russo-polonaise de 1920, souhaite depuis cette date se venger de cet affront[réf. nécessaire]. Les troupes soviétiques qui attaquent sont constituées de deux groupes d'armées. Celui de Biélorussie est constituée de 4 armées et celui d'Ukraine de 3 armées. Parmi ces trois armées, la 12e reçoit l'ordre de couper l'accès à l'armée polonaise de la frontière hongroise et roumaine. En face de cette force d'invasion, les Polonais n'alignent que 18 bataillons et 5 escadrons de cavalerie. Certains de ces hommes, surpris de voir des soldats soviétiques croient tout d'abord que ces derniers sont venus les aider mais ils comprennent très vite leur Rencontre de soldats allemands et soviétiques à Lublin erreur lorsqu'ils sont capturés. Le même jour, le gouvernement polonais basé à Kolomyja que les avants-gardes russes menacent est pleinement conscient que l'armée polonaise ne pourra plus résister et se retire donc par la voie des airs en Roumanie puis en France. Il est à noter que 30000 soldats polonais réussiront à s'enfuir en Roumanie où la politique de son chef change subitement ce qui fait que ces soldats sont internés. 60000 soldats polonais se réfugieront aussi en Hongrie. Pendant ce temps, les Soviétiques progressent en deux jours de près de 100 km et pillent tous les magasins qu'ils rencontrent malgré l'interdiction des généraux. Le 18 septembre, la résistance polonaise devient plus forte mais la fin est proche pour l'armée polonaise qui cherche d'ailleurs plus à combattre les Allemands que les Soviétiques. C'est Guderian qui rencontre les premiers Soviétiques qui demandent au général allemand d'évacuer avant le 22 septembre la ville de Brest-Litovsk en vertu de l'accord germano-soviétique. Pour Guderian le coup est dur, car la conquête de la ville a coûté des pertes non-négligeables à ses troupes et le délai d'évacuation est trop court. Finalement, les Russes acceptent de lui donner plus de temps. Le 18 septembre, Hitler annonce la fin de la campagne de Pologne mais il se trompe, en effet les Polonais résistent encore dans certains endroits du pays et notamment à Varsovie.

Le siège de Varsovie Depuis la première tentative de la prise de Varsovie, le général Juliusz Rómmel qui dirige la défense de la ville a reçu de nouvelles troupes, provenant des débris d'armées encerclées à l'ouest de la capitale. Les Allemands tentent d'obtenir la capitulation de la ville le 16 septembre mais sans résultat et les Allemands tardent à regrouper leurs forces pour l'assaut alors qu'Hitler aurait voulu que Varsovie soit prise dès le 17 septembre. Le lendemain, les troupes allemandes reçoivent l'ordre d'attaquer par le faubourg de Prague sur la rive est de la Vistule. Mais la résistance de la forteresse de Modlin située au confluent de la Narew et de la Vistule (au nord-ouest de la capitale) bloque les Allemands qui avancent très lentement. Devant ce premier échec, Gerd von Rundstedt déploie de nouvelles forces pour la prise de Varsovie et qui sont les suivantes : • • • •

13e corps d'armée; 10e corps d'armée; artillerie des 10e et 14e armée; génie de la 10e armée.

84


Campagne de Pologne (1939)

Malgré ses effectifs imposants, von Rundstedt ne veut pas qu'elles subissent de trop lourdes pertes et décide de prendre la ville par la famine et les bombardements. Néanmoins, cinq divisions d'infanteries allemandes doivent conquérir la ceinture externe de la ville et ses forts. À cause d'une trêve signée entre les deux protagonistes pour permettre l'évacuation du personnel diplomatique des pays neutres, la Luftwaffe n'intervient qu'à partir du 22 septembre avec le bombardement des installations de DCA et des installations militaires par la Luftflotte 1. La Luftfotte 4 bombarde les points les plus fortifiés de la ville. Les bombardements se poursuivent pendant deux jours avec le 24 septembre, la venue de Hitler qui observe les bombardements depuis un clocher située à proximité de la ville. Il ordonne alors de laisser tomber l'assaut sur Praga pour attaquer Varsovie directement. Mais les Allemands sont très gênés dans leurs préparatifs par les sorties polonaise qui sont cependant coûteuses pour les assiégés. Von Rundstedt, devant cet état de fait, demande d'éviter à tout prix un assaut de l'infanterie et propose de détruire la ville avec des bombes incendiaires. Le 24, les avions allemands balancent des tracts demandant à la population de se réfugier dans le quartier de Praga car le lendemain, un raid aérien largue 486 tonnes de bombes explosives sur la ville.

85

Bombardier allemand He 111 lors d'un bombardement au-dessus de la Pologne

Le palais royal de Varsovie en flammes le 17 septembre 1939

De son côté, Hitler refuse l'utilisation de bombes incendiaire et insiste sur la prise de quelques forts de la ceinture extérieure de Varsovie pour prouver à von Rundstedt qu’un assaut de l’infanterie peut amener à la prise de la ville. Néanmoins, les progrès allemands sont faibles dans la ville et les Polonais luttent pied à pied mais ces derniers commencent à manquer de tout (eau, vivres et munitions). Le 26 septembre, Rómmel envoie un parlementaire aux Allemands et les Polonais capitulent le 28 septembre à 13h15. Avec la prise de Varsovie, 120000 prisonniers dont 16000 blessés ont été capturés. Malgré la capitulation, la forteresse de Modlin continue la lutte mais dès le lendemain, les défenseurs du fort rendent les armes. Dans le secteur de Kock, la 13e division d'infanterie motorisée allemande est surprise par l'armée de Polésie qui flanque les fantassins à l’aide de sa cavalerie, mais le 6 octobre des renforts vont venir à bout des soldats polonais. Entre le 4 et 5 septembre la Pologne fait subir à la Wehrmacht un bombardement intensif avec 36 avions PZL P.37 Łoś. Au cours de celui-ci, 40 tonnes de bombes sont larguées sur les nazis qui doivent retarder leur invasion de 2 jours et qui perdent 30% de leurs hommes, chars et véhicules blindés[réf. nécessaire].


Campagne de Pologne (1939)

Bilan Les pertes allemandes lors de la campagne polonaise se chiffrent à 16660 morts ou disparus et 32000 blessés, les Polonais eux perdent 66300 tués, 133700 blessés et 158000 prisonniers (58000 capturés par les Allemands plus 100000 capturés par les Soviétiques)[3] . Les Russes, perdent 737 hommes et ont 1125 blessés enfin les Slovaques ont 30 disparus ou morts et 46 blessés.[réf. nécessaire]

Annexes Grand Écho du Nord des 30, 31 août, 1er, 2 et 28 septembre 1939.

Autres lectures • • • • •

Buffetaut, Yves, La campagne de Pologne: Septembre 1939 (1), revue Armes Militaria HS no.37, 2000. Buffetaut, Yves, Varsovie et La Sarre: Septembre 39 (II), revue Armes Militaria HS no.40, 2001. Fernandez, José, La campagne de Pologne, revue Ciel de Guerre n°5 Fernandez, José, La campagne de Pologne, revue Batailles Aériennes no.4, 1998. Slizewski, Grzegorz, Dix-sept jours de combat: la chasse polonaise en 1939 (1), revue Avions no.116, novembre 2002.

• Slizewski, Grzegorz, Dix-sept jours de combat: la chasse polonaise en 1939 (2), revue Avions no.117, décembre 2002. • Valet, Thierry, La cavalerie polonaise: Structure, doctrine et opérations en 1939, revue Vae Victis no.28, septembre-octobre 1999.

Articles connexes • • • •

Incident de Gleiwitz Ordre de bataille lors de la campagne de Pologne (1939) Pologne pendant la Seconde Guerre mondiale Seconde Guerre mondiale : la marche à la guerre

• Avant : Anschluss | Accords de Munich : règlement des Sudètes • Après : Drôle de guerre | Campagne de Norvège • Chronologie : septembre 1939 • (de) Fall Weiß • Liste des opérations lors de la Seconde Guerre mondiale

Références [1] Ces deux dernières régions constituent la majeure partie de l'actuelle République tchèque [2] Cette fermeté était largement feinte selon Eric Hobsbawm dans L'Âge des extrêmes, p. 210, qui s'appuyant sur l'ouvrage de Donald Cameron Watt, How war came : « Lorsque les armées allemandes entrèrent en Pologne, le gouvernement de Neville Chamberlain était encore disposé à pactiser avec Hitler, ainsi que celui-ci l'avait escompté » [3] Steven J. Zaloga L'invasion de la Pologne, la guerre éclair, Osprey Publishing

86


Shoah

87

Shoah Le terme Shoah[1] (hébreu : ‫האוש‬, « catastrophe ») désigne l'extermination systématique par l'Allemagne nazie des trois quarts des Juifs de l'Europe occupée[2] , soit les deux tiers de la population juive européenne totale et environ 40 % des Juifs du monde, pendant la Seconde Guerre mondiale ; ce qui représente entre cinq et six millions de victimes selon les estimations des historiens[3] . Ce génocide des Juifs constituait pour les nazis « la Solution finale à la question juive » (die Endlösung der Judenfrage). Le terme français d’Holocauste est également utilisé et l’a précédé. Le terme « judéocide » est également utilisé par certains pour qualifier la Shoah.

Destruction du ghetto de Varsovie, avril 1943.

L'extermination des Juifs, cible principale des nazis, fut perpétrée par la faim dans les ghettos de Pologne et d'URSS occupées, par les fusillades massives des unités mobiles de tuerie des Einsatzgruppen sur le front de l'Est (la « Shoah par balles »), au moyen de l'extermination par le travail forcé dans les camps de concentration, dans les « camions à gaz », et dans les chambres à gaz des camps d'extermination. L'horreur de ce « crime de masse »[4] a conduit, après-guerre, à l'élaboration des notions juridiques de « crime contre l'humanité »[5] et de « génocide »[6] , utilisé postérieurement dans d'autres contextes (génocide arménien, génocide des Tutsi, etc.). Une très grave lacune du droit international humanitaire a également été complétée avec l'adoption des Conventions de Genève de 1949, qui protègent la population civile en temps de guerre[7] . L'extermination des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale se distingue par son caractère industriel, bureaucratique et systématique qui la rend unique dans l'histoire de l'humanité[8] . Paroxysme d'un antisémitisme européen à la très longue histoire, ce génocide a voulu éliminer radicalement la totalité d'une population qui ne représentait aucune menace militaire ou politique pour les bourreaux. Les femmes, les bébés ou les vieillards furent tout aussi systématiquement traqués et voués à la mort de masse que les hommes adultes. En particulier, 1500000 enfants furent victimes de l'anéantissement[9] . L'extermination physique des Juifs fut aussi précédée ou accompagnée de leur spoliation systématique (aryanisation) et de la destruction d'une part considérable de leur patrimoine culturel ou religieux. Perpétré sur l’ordre d’Adolf Hitler, le crime a principalement été mis en œuvre par la SS et le RSHA dirigés par Heinrich Himmler, ainsi que par une partie de la Wehrmacht, et par de nombreux experts et bureaucrates du IIIe Reich. Il a aussi bénéficié de complicités individuelles et collectives dans toute l’Europe, notamment au sein des mouvements collaborationnistes d’inspiration fasciste ou nazie, et de la part de gouvernements ou d’administrations ayant fait le choix de la collaboration d'État. Les passivités ou les indifférences de beaucoup ont aussi indirectement aidé à son accomplissement. Parallèlement, de nombreux anonymes désintéressés, parfois honorés de la distinction de « Juste parmi les nations », se sont dévoués pour sauver des persécutés. Le Troisième Reich a aussi exterminé en masse les handicapés mentaux (leur gazage massif lors de l’aktion T4 a précédé et préfiguré celui des Juifs d'Europe), les Tziganes (Porajmos), les homosexuels et les populations slaves notamment polonaises et soviétiques, mais seul le massacre des Juifs a été conduit avec acharnement jusqu'aux derniers instants du Reich. La Shoah constitue l'un des événements les plus marquants et les plus étudiés de l'histoire contemporaine. Son impact moral, culturel et religieux a été immense et universel, surtout depuis sa redécouverte à partir des années


Shoah

88

1960-1970. À côté de l'investigation historique, la littérature de la Shoah offre quelques pistes aux nombreuses interrogations posées à la conscience humaine par la nature et l'horreur exceptionnelles du génocide.

La Shoah comme terme d'un processus Dans La Destruction des Juifs d'Europe, Raul Hilberg analyse la Shoah comme un processus, dont les étapes sont la définition des Juifs, leur expropriation, leur concentration, et enfin leur destruction[10] . La première étape[11] est codifiée par les lois dites de Nuremberg, en 1935, qui elles-mêmes venaient après une série de mesures discriminatoires prises dès l'avènement d'Hitler et des nazis le 30 janvier 1933. Apposition d'affiche indiquant le boycott des magasins juifs en 1933

Le boycott des magasins juifs en 1933

Boycott officiel des magasins juifs par les SA, Berlin, printemps 1933.

nazie d'extermination.

Les Juifs y sont définis par la législation nazie selon la religion de leurs ascendants et leur propre confession. Toute personne ayant trois ou quatre grands-parents juifs est considérée comme juive. Une personne ayant deux grands-parents juifs est considérée également comme juive si elle est elle-même de religion israélite, ou si elle est mariée à une personne de cette confession. Si tel n'est pas le cas, ou si la personne n'a qu'un seul grand-parent juif, elle est rangée dans une catégorie spécifique, les Mischlinge[12] . La définition des Mischlinge est arrêtée en 1935. À partir de là, ils restent soumis aux mesures de discriminations concernant les non-aryens, mais échappent en principe aux mesures ultérieures, comme le processus de destruction, qui ne concerneront que les seuls Juifs[13] . À partir de l'automne 1941, les Juifs d'Allemagne doivent porter une étoile jaune, signe rendu également obligatoire en 1942 à travers les territoires européens occupés, où les nazis ont d'emblée fait recenser et discriminer la population juive. Le 28 juillet 1942, alors que l'extermination bat son plein, Himmler interdit à ses experts de continuer à chercher la définition du Juif - afin de ne pas lier les mains aux tortionnaires[14] . En règle générale, les lois de Nuremberg sont rapidement introduites telles quelles par ordonnance allemande dans la plupart des pays vaincus et occupés (Belgique, Pays-Bas, Grèce, etc.). Mais plusieurs pays européens avaient adopté d'eux-mêmes leur propre législation antisémite dès l'avant-guerre, notamment l'Italie fasciste de Mussolini en 1938, la Hongrie de l'amiral Horty, la Roumanie du maréchal Ion Antonescu, la Slovaquie de Mgr Tiso. En France, le gouvernement de Vichy du maréchal Pétain, issu de la défaite de juin 1940, a mis en place un statut discriminatoire des Juifs dés octobre 1940[15] . Toutes ces dispositions n'ont aucun objectif homicide par elles-mêmes, mais elles prédisposent les gouvernants à collaborer aux futures déportations. Et en isolant et en fragilisant les Juifs nationaux et étrangers, elles les rendent vulnérables lorsque surviendra la tentative


Shoah

89 L'expropriation prend la forme de très fortes incitations sur les Juifs à vendre les grandes entreprises qu'ils possèdent (aryanisation), puis, à partir de 1938, de ventes légalement forcées. La concentration des Juifs du Reich dans des immeubles réservés commence à partir d'avril 1939[16] . Cette phase d'expropriation est également mise en œuvre avec des variantes dues aux circonstances locales dans l'ensemble des pays d'Europe sous domination nazie[17] .

Autodafé le 11 mai 1933

La dernière étape, l'extermination physique, se dessine entre 1938 et 1941. Avant-guerre, le but est d'abord de chasser les Juifs par une persécution sans cesse plus radicale. La liste des métiers interdits s'allonge sans fin, celle des brimades et des interdictions aussi : toute vie normale leur est rendue impossible, afin de les contraindre à l'émigration hors du Reich. Mais beaucoup refusent de quitter leur pays, et à partir de 1938, la volonté nazie d'expansion territoriale met cette politique dans une impasse : à chaque agrandissement, le Reich absorbe plus de Juifs qu'il n'en sort de ses frontières[18] .

C'est le cas lorsqu'il annexe l'Autriche en mars 1938 (l'Anschluss est accompagnée d'un déchaînement immédiat de brutalités contre les Humiliation publique d'un notable Juif à Munich Juifs, agressés, battus, dépouillés ou humiliés jusqu'en pleine rue), puis en 1933 lors du rattachement des Sudètes (octobre 1938) et de l'entrée des troupes allemandes à Prague le 15 mars 1939. La conquête de la Pologne, en septembre 1939, fait à elle seule tomber plus de trois millions de Juifs sous la coupe des nazis. Le 1er septembre 1939, Hitler autorise personnellement l'aktion T4, qui entraîne l'extermination par gazage de plus de 150000 handicapés mentaux allemands en deux ans, dans des « centres d'euthanasie » prévus à cet effet. Les forces nazies fusillent en outre systématiquement les malades incurables qu'elles trouvent en Pologne et en URSS occupées. La continuité entre cette politique d'eugénisme criminelle et la Shoah est très importante : nombre de spécialistes de l'euthanasie sont ensuite réaffectés au gazage massif des Juifs, qui survient à son tour à partir de fin 1941. L'élimination physique des Juifs a commencé à partir de la nuit de Cristal du 9 novembre 1938, pogrom planifié d'en-haut qui fait 91 morts à travers toute l'Allemagne et entraîne l'arrestation de 30000 Juifs conduits en camp de concentration, la dévastation de centaines de magasins et la destruction de dizaines de synagogues. Le 30 janvier 1939, pour le sixième anniversaire de sa prise du pouvoir, dans un discours tonitruant devant le Reichstag, Hitler « Timbre de la RFA commémorant la nuit de prophét[is]e » qu'au cas où les Juifs « provoqueraient » une nouvelle Cristal (9 novembre 1938). guerre mondiale, la conséquence en serait « l'extermination des Juifs d'Europe ». Or c'est à l'accomplissement de cette « prophétie » que lui-même comme Goebbels et de nombreux responsables nazis feront de nombreuses références au cours de la guerre. En particulier, lorsque la guerre devient mondiale en décembre 1941 avec l'agression japonaise à Pearl Harbor et la déclaration de guerre du Reich aux États-Unis, Hitler et son entourage se persuadent qu'il faut « punir » les Juifs, jugés responsables de la guerre que l'Axe a elle-même provoquée, et donc vus comme coupables des pertes allemandes au front ou des bombardements sur les villes.


Shoah Hantés par le mythe mensonger du « coup de poignard dans le dos » (l'Allemagne aurait perdu la guerre en 1918 sans être militairement vaincue, mais parce qu'elle aurait été trahie de l'intérieur, entre autres par les Juifs), les nazis veulent aussi anéantir la menace imaginaire que représenteraient les communautés du continent. Beaucoup de tortionnaires seront persuadés de mener contre ces civils désarmés une lutte toute aussi méritoire que celle des combattants au front. Dans son célèbre discours secret de Posen prononcé en octobre 1943, Himmler justifie la nécessité pour les Allemands de tuer aussi les femmes et les enfants en raison du danger que ces derniers exercent un jour des représailles sur eux-mêmes ou leurs propres enfants. C'est à cette occasion qu'il qualifie le massacre en cours de « page glorieuse de notre histoire, et qui ne sera jamais écrite ». À l'heure où ils entrent en guerre totale, les nazis veulent aussi brûler leurs vaisseaux en perpétrant un crime d'une telle gravité qu'il rende impossible tout compromis et ne leur laisse le choix qu'entre se battre jusqu'au bout ou l'assurance de finir tous condamnés et punis. Au-delà, la Shoah est l'aboutissement logique de la haine idéologique absolue des antisémites nazis pour une « race » qu'ils ne jugent pas seulement inférieure, mais radicalement nuisible et dangereuse. Vus comme des « poux » et des « vermines », exclus de l'humanité (au point qu'on ne se donnera jamais la peine d'établir aucun décret les condamnant à mort, a fortiori de le lire aux victimes), les Juifs n'ont pas leur place sur terre - notamment pas dans l'espace vital arraché à l'Est sur les « sous-hommes » slaves. Le judéocide trouve en effet aussi en partie ses origines dans le vaste projet de remodelage démographique de l'Europe mis au point par les nazis, secondés par une pléthore d'experts, de géographes et de savants souvent hautement diplômés. Dans l'espace vital conquis à l'Est, il s'agit de faire de la place pour des colons allemands en déportant les Slaves en masse, mais aussi en les stérilisant et en les réduisant à l'état d'une masse de sous-hommes voués à l'esclavage, tandis que les mêmes territoires doivent être nettoyés des Tziganes et surtout des Juifs par l'extermination. Comme le résume Marc Mazower, « génocide et colonisation étaient inextricablement liés, car le but de Hitler était la complète recomposition raciale de l’Europe ». Ce n'est en rien un hasard si les premières expulsions puis mises à mort massives de Juifs eurent lieu dans les territoires polonais annexés par le Reich et qu'il s'agissait de « nettoyer » et de germaniser au plus vite, ainsi le Warthegau ou les environs de Dantzig, ni si la ville d'Auschwitz, siège du plus grand camp de concentration et d'extermination nazi, devait être aussi redessinée pour accueillir des colons allemands[19] . Ces projets démographiques ne sont toutefois qu'un point de départ. Car à partir du meurtre des Juifs de l'Est, c'est par extension, par pure haine idéologique, tous les Juifs d'Europe et tous ceux du monde entier tombés sous la coupe des hitlériens qui doivent être tués (en 1943, on verra même les nazis déporter par avion 200 Juifs de Tunis vers les camps de la mort, tandis qu'Hitler demandera en vain à ses alliés japonais de s'en prendre aux Juifs allemands réfugiés à Shanghai). Dès la conquête de la Pologne en septembre 1939, près de 10000 Juifs sont fusillés par les Einsatzgruppen (uniquement des hommes adultes, toutefois). Les Juifs polonais sont enfermés dans des ghettos mortifères où la faim, le travail forcé, les mauvais traitements et les exécutions sommaires font des coupes claires.

90


Shoah

91

Après l'agression de l'URSS le 22 juin 1941, cependant, la violence meurtrière se déchaîne à une échelle sans précédent : ce sont près de 1500000 Juifs qui périssent en quelques mois, fusillés par les Einsatzgruppen, et cette fois-ci, essentiellement des femmes, des enfants, des vieillards ou des hommes adultes non mobilisés. En 1940, les Allemands prévoyaient encore une émigration massive et forcée des Juifs d'Europe occupée vers Madagascar qui serait devenue une « réserve juive »[20] . La continuation du conflit avec le Royaume-Uni empêche cette solution à la « question juive » d'aboutir. Début 1941, Hitler songe également à déporter les Juifs en Sibérie : cette solution aurait suffi à entraîner une hécatombe et était donc déjà en elle-même quasi-génocidaire[21] . Mais dès le ralentissement de l'avancée allemande en Russie à l'automne 1941 et avant même l'échec de la Wehrmacht devant Moscou, cette solution n'est plus à l'ordre du jour. L'extermination de la totalité des Juifs d'Europe est décidée dans le Lettre de Göring à Heydrich chargeant ce dernier d'organiser la « solution finale de la question courant de l'automne 1941. Le 31 juillet 1941, le haut chef SS o juive », juillet 1941. Reinhard Heydrich se fait signer par Hermann Göring, n 2 du régime, un ordre officiel secret qui lui confie la recherche et la mise en œuvre d'une « solution finale au problème juif ». Sans doute vers la fin de l'été, Adolf Eichmann est convoqué dans le bureau de Reinhard Heydrich, qui lui dit : « Je sors de chez le Reichsführer Heinrich Himmler ; le Führer Adolf Hitler a maintenant ordonné l'extermination physique des Juifs[22] . » Pour Raul Hilberg, la Shoah est un crime de bureaucrates, qui passent d'une étape à l'autre, minutieusement, logiquement, mais sans plan préétabli. Cette analyse a été approuvée par les autres spécialistes de la Shoah, mais le moment exact où l'intention exterminatrice apparaît fait l'objet de débats, analysés ci-après dans la section « Historiographie » de l'article.

L'extermination des Juifs d'Europe orientale (1939-1941) Les ghettos Après l'invasion allemande de la Pologne, les Juifs de ce pays sont contraints de vivre dans des quartiers clos, les ghettos. Les conditions de vie y sont nettement dures pour trois raisons. D’abord, les responsables de la concentration des Juifs en Pologne sont, souvent, des membres de la NSDAP, et non, comme en Allemagne, des fonctionnaires sans affiliation partisane. Ensuite, les Juifs polonais représentent ce qu’il y a de plus méprisable dans la mythologie nazie, et sont les plus persécutés dès avant la guerre. Enfin, les Juifs étaient beaucoup plus nombreux numériquement et proportionnellement, en Pologne (3.3 millions, dont deux millions dans la zone allemande, sur 33 millions d’habitants dans tout le pays) qu’en Allemagne[23] . Les Juifs de l’Ancien Reich (frontières de 1937) sont également déportés vers les ghettos de Pologne, à partir de 1940.

La construction du mur du Ghetto de Varsovie

Les premiers ghettos sont édifiés dans la partie de la Pologne « incorporée » au Reich, pendant l’hiver 1939-1940, puis dans le gouvernement général, partie de la Pologne administrée par Hans Frank. Le plus ancien est le ghetto de


Shoah Łódź, le plus grand, celui de Varsovie. La ghettoïsation est achevée pour l’essentiel au cours de l’année 1941, et complètement terminée en 1942[24] . À l’intérieur même du ghetto, les mouvements des Juifs sont limités : ils doivent rester chez eux de dix-neuf heures à sept heures. La surveillance extérieure est assurée par la police régulière et la surveillance intérieure par la Police de sûreté (Gestapo et Kripo), elle-même renforcée par la police régulière, à la demande de cette dernière[25] . Dès le 26 octobre 1939, le principe du travail forcé pour les Juifs de Pologne est adopté[26] . Les Juifs sont décimés par la malnutrition, les épidémies — notamment de typhus, de tuberculose, de grippe —, et la fatigue consécutive au travail que leur imposent les autorités allemandes. Par exemple, le ghetto de Łódź, qui compte 200000 habitants à l’origine, compte plus de 45000 morts jusqu’en août 1944[27] . Au cours de l'année 1943, sur l'ordre d'Himmler, les ghettos sont progressivement réorganisés en camps de concentration. Ce ne sont plus les administrations civiles qui s'en occupent mais les SS. En Ostland, les tueries continuent jusqu'à la disparition quasi-totale de Juifs. À partir de décembre 1941, les survivants des ghettos sont déportés vers les centres de mise à mort. Les premiers sont les Juifs du Wartheland, envoyés à Chełmno. En mars 1942, ceux de Lublin sont envoyés à Belzec. À partir de juillet, le ghetto de Varsovie commence à être vidé[28] .

Les unités mobiles de tuerie : la première vague de massacres Le 13 mars 1941, pendant les préparatifs de l'invasion de l'URSS, le feld-maréchal Keitel rédige une série d’« ordre pour les zones spéciales » : « Dans la zone des opérations armées, au Reichsführer SS Himmler seront confiées, au nom du Führer, les tâches spéciales en vue de préparer le passage à l’administration politique — tâche qu'impose la lutte finale qui devra se livrer entre deux systèmes politiques opposés. Dans le cadre de ces tâches, le Reichsführer SS agira en toute indépendance et sous sa propre responsabilité[29] . » En termes clairs, il est décidé que des unités mobiles du RSHA, les Einsatzgruppen, seraient chargées d'exterminer les Juifs — ainsi que les Tziganes, les cadres communistes, voire les handicapés et les homosexuels. Ce passage aurait été dicté par Adolf Hitler en personne[30] . Pendant les premières semaines, les membres des Einsatzgruppen, inexpérimentés en matière d'extermination, ne tuent que les hommes juifs. À partir d'août, les autorités centrales clarifient leurs intentions, et les Juifs sont assassinés par familles entières. Les Einsatzgruppen se déplacent par petits groupes, les Einsatzkommandos, pour massacrer leurs victimes. Ils se placent le plus près possible des lignes de front, quitte à revenir vers l'arrière après avoir massacré leurs premières victimes. C'est le cas, par exemple, de l’Einsatzgruppe A, qui s’approche de Leningrad avec les autres troupes, puis se replie vers les pays baltes et la Biélorussie, détruisant, entre autres, les communautés juives de Liepāja, Riga, Kaunas (en treize opérations successives) et Vilnius (en quatorze attaques)[31] . Dans les premiers mois de l'invasion de l'URSS, les unités mobiles annoncent près de 100000 tués par mois. Les SS sont assistés par une partie de la Wehrmacht. Dans bien des cas, les soldats raflent eux-mêmes les Juifs pour que les Einsatzkommados les fusillent, participent eux-mêmes aux massacres, fusillent, sous prétexte de représailles, des Juifs. Ainsi, à Minsk, plusieurs milliers de « Juifs, criminels, fonctionnaires soviétiques et asiatiques » sont rassemblés dans un camp d’internement, puis assassinés par des membres de l’Einsatzgruppe B et de la Police secrète de campagne[32] . Leur action est complétée par des unités formées par les chefs de la SS et de la Police, ou plus rarement par la seule Gestapo. C’est le cas, notamment, à Memel (plusieurs milliers de victimes), Minsk (2278 victimes), Dnipropetrovsk (15000 victimes) et Riga[33] . Des troupes roumaines participent également aux fusillades, ainsi que le sonderkommando letton de Viktors Arājs: responsable à lui seul de la mort d'entre 50 000 et 100 000 personnes (juives et/ou communistes), Arājs ne sera condamné qu'en 1979.

92


Shoah

Les procédures de massacres sont standardisées pour être rapides et efficaces. Les Einsatzgruppen choisissent généralement un lieu en dehors de la ville. Ils approfondissent un fossé anti-char ou creusent une nouvelle fosse. À partir d'un point de rassemblement, ils amènent les victimes jusqu'au fossé par petits groupes en commençant par les hommes. Les prisonniers remettent alors tout ce qu'ils ont comme objet de valeur au chef des tueurs. Par beau temps, ils doivent donner leurs vêtement et même parfois leur linge de corps. Certains Einsatzgruppen alignent les condamnés face aux fossés puis les mitraillent laissant leurs corps inertes tomber dans la tombe collective[34] . D'autres tirent une balle dans la nuque de chaque condamné.

93

Une femme juive et son enfant fusillés par les Einsatzgruppen pendant que d'autres victimes doivent creuser leur fosse. Ivangorod, Ukraine, 1942.

Paul Blobel et Ohlendorf, commandants d’Einsaztgruppen refusent ces méthodes jugées trop stressantes pour les SS et préfèrent les tirs à distance. Ils utilisent ce qui a été appelé le « système des sardines », Ölsardinenmanier : Une première rangée de victimes doit s'allonger au fond du fossé. Elle est fusillée du haut du fossé par des tirs croisés. Les suivants se couchent à leur tour sur les cadavres de la première rangée et la fusillade recommence. À la cinquième ou sixième couche, la tombe est recouverte de terre[35] . Les Einsaztgruppen veulent que leurs actions soient la plus discrète possible et s'efforcent d'agir à l'écart des populations civiles et de la Wehrmacht[36] . Les Einsatzgruppen s’efforcent de susciter des pogroms locaux, à la fois pour diminuer leur charge de travail et pour impliquer une part maximale de la population locale dans l’anéantissement des Juifs. Les bureaucrates du RSHA et les commandants de l’armée ne souhaitent pas que de telles méthodes soient employées, les uns parce que ces formes de tueries leur paraissent primitives et donc d’une efficacité médiocre par rapport à l’extermination soigneuse des Einsatzgruppen ; les autres parce que ces pogroms font mauvais effet. Les pogroms ont donc lieu, principalement, dans des territoires où le commandement militaire était encore mal assuré de son autorité : en Galicie et dans les pays baltes, tout particulièrement en Lituanie. En quelques jours, des Lituaniens massacrent 3800 Juifs à Kaunas. Les Einsatzgruppen trouvent une aide plus importante et plus durable en formant des bataillons auxiliaires dans la population locale, dès le début de l’été 1941. Ils ont été créés, pour la plupart, dans les pays baltes et en Ukraine. L’Einsatzkommando 4a (de l’Einsatzgruppe C) décide ainsi de ne plus fusiller que les adultes, les Ukrainiens se chargeant d’assassiner les enfants. Quelquefois, la férocité des collaborateurs locaux effraie jusqu’aux cadres des Einsatzgruppen eux-mêmes. C’est le cas, en particulier, des membres de l’Einsatzkommando 6 (de l’Einsatzgruppe C), « littéralement épouvantés par la soif de sang » que manifeste un groupe d’« Allemands ethniques » ukrainiens[37] . Le recrutement en Ukraine, Lituanie et Lettonie est d’autant plus facile qu’un fort antisémitisme y sévissait avant la guerre — à la différence de l’Estonie, où la haine des Juifs était presque inexistante[38] . Lorsque les tueurs estiment que l’extermination prendra du temps, ils créent des ghettos pour y parquer les survivants, en attendant leur élimination. Mais dans plusieurs cas, cette création n’est pas nécessaire, notamment à Kiev : 33000 Juifs sont assassinés en quelques jours, près de Babi Yar[39] . De passage à Minsk, le 15 août 1941, Himmler assiste à une opération mobile de tuerie. Ébranlé par le massacre mais pénétré de l'importance supérieure de ses actes, il demande à ses subordonnés de chercher un moyen moins traumatisant pour les SS de remplir leur mission[40] . C'est ainsi que les premiers camions à gaz sont testés. À partir de décembre 1941, deux à trois camions à gaz sont envoyés dans chaque Einsatzgruppe. Le procédé est toujours le même. Les camions sont garés à l'écart. Des groupes de 70 juifs en linge de corps s'entassent à l'intérieur. Les gaz d'échappement sont déversés à l'intérieur faisant suffoquer les victimes. Les camions roulent ensuite jusqu'au fossé où les corps inanimés sont jetés[41] . Mais la pluie met à mal l'étanchéité des camions. Les hommes souffrent de maux de tête en déchargeant les camions, car tous les


Shoah gaz d'échappement ne se sont pas dispersés. La vision des visages défigurés des asphyxiés stresse les SS[42] . Selon le tribunal de Nuremberg, environ deux millions de Juifs ont été assassinés par les unités mobiles de tuerie — une estimation reprise à son compte par Lucy S. Dawidowicz[43] . Raul Hilberg compte de son côté 1.4 million de victimes, et Léon Poliakov 1.5 million, mais cette fois pour la seule URSS[44] .

La deuxième vague (1942) La première vague de massacres s'arrête pour l'essentiel à la fin de l'année 1941, sauf en Crimée où elle se prolonge jusqu'à l'été 1942. Une deuxième vague de tuerie s'amorce dès la fin de l'année 1941 dans les régions de la Baltique et se diffuse tout au long de l'année 1942 dans tous les territoires occupés[45] . Les Einsatzgruppen jouent un rôle moins important. Ils sont placés sous le commandement des chefs suprêmes des SS et de la police. Les effectifs de la police régulière s'accroissent beaucoup pour prendre part à la deuxième vague de massacres. À la fin de l'année 1942, 5 régiments de la police régulières servent sur le front, 4 sont stationnés à l'arrière, renforcés par 6 bataillons supplémentaires qui obéissent tous aux dirigeants SS et de la police[46] . Les villes importantes et les zones rurales des régions occupées fournissent elles aussi des éléments. Ces éléments recrutés sur place sont essentiellement composés de Baltes, Biélorusses et Ukrainiens. Ils forment la Schutzmannschaft (Schuma en abrégé). Son effectif passe de 33270 hommes au milieu de l'année 1942 à 47974 à la fin de l'année[47] . Les SS reçoivent aussi l'appui de la gendarmerie militaire et de la police secrète militaire[48] . Dans l’Ostland, il reste au début de l'année 1942, environ 100000 Juifs. Rapport de Himmler à Hitler faisant état de Environ 68000 vivent dans les grands ghettos, le reste a trouvé refuge l'assassinat de 363211 Juifs de la région de dans les forêts, certains comme partisans. En janvier 1942, les SS et la Byalistock entre le 1er octobre et le 1er décembre 1942. police du Nord commencent à ratisser la région méthodiquement, zone par zone, tuant les Juifs des petits ghettos et exécutant ceux des forêts. Seulement quelques milliers parviennent à en réchapper[49] . En même temps, se prépare la destruction des grands ghettos de l’Ostland. La méthode est souvent la même. La veille de la tuerie, un détachement juif creuse des grandes tombes. Dans la nuit ou à l'aube, les forces allemandes pénètrent dans le ghetto et rassemblent les Juifs. Ceux qui tentent de se cacher sont exécutés parfois à la grenade. Ceux qui se sont groupés sont amenés par camions jusqu'aux fosses communes où ils sont exécutés par balle. Fin 1942, il n'y pas plus de Juifs en Ukraine. Malgré toutes les précautions d'Himmler pour garder les tueries secrètes, des photos prises par des soldats alliés, hongrois ou slovaques circulent. Himmler craint aussi que les Soviétiques ne découvrent un jour les charniers, si l'armée allemande recule. Il ordonne à Paul Blobel d'effacer les traces des exécutions des Einsatzgruppen. Le commando « 1005 » reçoit la mission de rouvrir les tombes et de brûler deux millions de cadavres. Mais ce travail est imparfaitement accompli pour de nombreuses raisons[50] .

94


Shoah

Les massacres par balles à l'Est après 1942 Encore en novembre 1943, pour démanteler l'empire économique que son subordonné Odilo Globocnik s'est taillé autour de Lublin grâce à la main-d'œuvre juive servile, Himmler ordonne le massacre de cette dernière : en deux jours, plus de 40000 Juifs sont assassinés au cours de ce qui est connu comme l'opération « Fête des Moissons ».

Autres fusillades de Juifs en Europe occupée La Pologne et les Balkans occupés ont vu de nombreux massacres de Juifs par fusillade, mais aussi par pendaison, noyade ou sévices exercés jusqu'à la mort. Les cas de la Roumanie, de la Serbie et de la Croatie sont décrits ci-après à la sixième partie de cet article. En Europe de l'Ouest, la terreur nazie revêt des formes moins amples et de tels déchaînements publics de sauvagerie sont difficilement pensables. Les massacres collectifs de Juifs en plein air sont de ce fait restés rares ou inexistants. Cependant, les nombreux otages fusillés par les nazis sont souvent pris parmi les Juifs. Serge Klarsfeld a ainsi établi que sur plus d'un millier d'otages assassinés au fort du Mont-Valérien, 174 étaient juifs[réf. souhaitée]. Encore en juillet 1944, à Rillieux-la-Pape, le chef milicien Paul Touvier fait abattre arbitrairement sept Juifs pour venger la mort de l'orateur collaborationniste Philippe Henriot, exécuté par la Résistance[réf. souhaitée]. Des Juifs italiens figurent parmi les victimes du massacre des Fosses ardéatines à Rome en mars 1944.

Les camps de concentration et d'extermination (1942-1945) Du massacre à l'Est au génocide en Europe (automne 1941) L'élimination physique s'étend au cours de l'automne 1941 aux Juifs allemands puis à ceux de toute l'Europe occupée. C'est le passage décisif d'un judéocide jusque là localisé en URSS à un génocide industriel planifié de l'ensemble du peuple juif et mis en œuvre dans toute l'Europe occupée. À partir de septembre - octobre 1941, des Juifs allemands sont à leur tour déportés dans les ghettos mortifères de l’Est, voire dans les zones de massacre en URSS. 80 convois partent ainsi du Reich avant fin 1941. Dans des conditions épouvantables, 72 trains acheminent leur chargement humain dans des ghettos où les fusillades ont libéré de la place (presque tous périront gazés ou fusillés à leur tour lors des liquidations de ghettos en 1942-1943). 8 autres voient leurs passagers liquidés dès l'arrivée[51] . Ainsi le 15 octobre, près de 5000 Juifs déportés de Berlin, Munich, Francfort, Vienne ou Breslau sont déportés en Lituanie et fusillés par les Einsatzgruppen dès leur descente du train : le rapport Jäger fait état de leur exécution au fort IX de Kaunas les 25 et 29 novembre. Le 18 octobre, d'autres convois quittent Prague, Luxembourg ou Berlin. Tout le Grand-Reich est donc concerné[52] . On bascule un peu plus du meurtre des Juifs d’URSS à ceux de l’espace européen entier lorsque le 2 octobre, Heydrich laisse dynamiter six synagogues de Paris par les collaborationnistes doriotistes du PPF, avec des explosifs fournis par ses services, afin de bien montrer que la France ne sera plus jamais « la citadelle européenne des Juifs » et que ceux-ci doivent craindre pour leur vie partout en Europe occupée. Le 23 octobre, Himmler interdit officiellement l’émigration des Juifs. Ne reste donc plus ouverte que l’option de l'extermination. Le 7 décembre, le premier camp d'extermination est ouvert à Chełmno en Pologne annexée : de fusillades « artisanales », la tuerie passe à l'échelle industrielle. Les victimes, emmenées de tout le Warthegau dirigé par le fanatique gauleiter Arthur Greiser, sont enfermées dans des camions à gaz où elles meurent lentement asphyxiées par les fumées d'échappement, dirigées sur l'intérieur du véhicule. En sept mois, plus de 100000 personnes trouvent ainsi la mort. Au même moment, la construction de Belzec et celle de Sobibor sont lancées.

95


Shoah

96

La conférence de Wannsee (20 janvier 1942) Le génocide industriel est donc lancé avant même que se réunisse la conférence de Wannsee, le 20 janvier 1942 (initialement prévue pour le 9 décembre 1941 mais reportée). Convoquée par Reinhard Heydrich, l'un des principaux adjoints de Heinrich Himmler, cette conférence réunit alors les secrétaires d'État des principaux ministères. Himmler et Heydrich ont en effet besoin de la coopération de l'administration allemande pour perpétrer leurs crimes. La conférence ne décide pas du génocide, déjà lancé, et déjà décidé en haut-lieu depuis au moins deux à trois mois[53] . Chez les nazis, les questions ne se décident nullement au cours de conférences. La seule question dont on discute – et qui ne sera d'ailleurs jamais tranchée – est celle des Mieschehe (Juifs à conjoint aryen) et des Mischlinge (demi-Juifs). Le Protocole montre que la plus grande partie de la conférence a été dédiée à cette question insoluble. L'autre grande question fut celle des Juifs allemands travaillant dans les usines d'armement, qui obtiennent un sursis éphémère à la déportation[54] . Statistiques des Juifs européens à déporter,

Le procès-verbal de la conférence, rédigé par Eichmann, ne laisse dressées lors de la conférence de Wannsee. Musée de la Maison de la Conférence de aucun doute sur le plan criminel d'extermination systématique. Plus de Wannsee. 11 millions de Juifs de l'Europe entière (y compris les Juifs britanniques, suisses ou portugais, inclus dans le décompte statistique établi minutieusement par Eichmann) doivent être arrêtés et « évacués » vers l'Est où ils trouveront la mort. Ce document est capital aux historiens pour comprendre le processus de décision, même s'il a été épuré pour que rien de trop compromettant ne soit écrit. Déjà les nazis recourent en effet à tout un langage codé spécifique qui leur servira à dissimuler leurs crimes dans les années suivantes : jusqu'à la fin, la déportation-extermination des Juifs sera ainsi désignée par l'euphémisme d’« évacuation », le gazage massif comme un « traitement spécial » (Sonderbehandlung), les détenus livrés à l'extermination par le travail comme des « pièces » (Stück).

Grandes rafles et trains de la mort De grandes rafles synchrones sont menées à travers tout le continent européen pour alimenter les camps d'extermination nouvellement construits. Le processus est partout similaire. Les Juifs de tous âges et de tout sexe sont traqués et raflés chez eux, sur leurs lieux de travail, et jusque dans des orphelinats, des hôpitaux, des asiles d'aliénés ou des maisons de retraite. Beaucoup répondent simplement, surtout au début, aux convocations qui leur sont adressées, par peur, par légalisme, par absence d'alternative, ou dans l'ignorance de ce qui les attend.

Rafle d'enfants conduits au train de déportation, Pologne.

Dans des conditions généralement très sordides, hommes, femmes, enfants et vieillards sont parqués dans des lieux qui font office d'antichambre des camps de la mort nazis : Drancy en France, la caserne Dossin à Malines en Belgique, Westerbork aux Pays-Bas ou encore Fossoli en Italie sont parmi les plus célèbres.

À Terezín, dans les Sudètes, les nazis ouvrent même le 24 novembre 1941 un camp-modèle destiné à berner (avec succès) les représentants de la Croix-Rouge. Ce ghetto surpeuplé, où les familles ne sont pas disloquées ni le travail forcé imposé, offre des conditions de vie dures mais peu mortifères, et relativement privilégiées par rapport à ce que les Juifs connaissent ailleurs. Mais la plupart des 140000 personnes à y avoir transité, en majorité des Tchèques, ont


Shoah ensuite été déportées pour Auschwitz où elles seront assassinées, notamment lors de la liquidation du « camp des familles » en avril 1944. Conduits à une gare, les déportés sont partout entassés brutalement dans des wagons à bestiaux délibérément surchargés, dans une promiscuité éprouvante et des conditions sanitaires dégradantes, sans presque rien à manger ni à boire. L'angoisse est accrue par l'ignorance de la destination (Pitchipoï, comme l'appellent les détenus de Drancy) et l'incertitude quant à ce qui attend à l'arrivée, même si peu imaginent la mise à mort industrielle. Le voyage est épouvantable, et plus ou moins long (de quelques heures à une ou deux journées pour les Juifs polonais, trois à quatre jours en moyenne depuis la France, plus de deux semaines pour certains convois de Grèce). Il n'est pas rare que des déportés finissent par boire leur urine ou par lécher leur sueur. Certains meurent en route, d'autres deviennent fous ou se suicident (parfois collectivement). Rares sont ceux qui tentent une évasion, par peur des représailles collectives, par absence de lieu de refuge ou pour ne pas se séparer des leurs, enfin par ignorance de leur sort futur. Ce sont des êtres déjà épuisés et ravagés qui arrivent aux centres de mise à mort. Les compagnies ferroviaires nationales, dont la SNCF, n'ont jamais manifesté de réticences particulières à faire circuler ces trains, pas plus que leurs employés (même si des cheminots eurent des gestes de compassion, ou transmirent aux proches les ultimes billets jetés des convois). Les frais des transports étaient payés sur les biens volés aux Juifs, qui se trouvaient ainsi financer leur propre envoi à la mort[55] . En revanche, rien ne prouve que les nazis aient systématiquement donné la priorité aux convois de déportation sur les convois militaires ou d'importance vitale pour le Reich. Les convois (un millier de personnes en moyenne) sont intégralement gazés s'il s'agit d'un camp d'extermination. Dans les camps mixtes d'Auschwitz-Birkenau et de Maidanek, une minorité est désignée à l'arrivée pour le travail forcé et découvre brutalement l'horreur concentrationnaire. En général, l'extermination par le travail forcé ne leur laisse pas plus de quelques semaines ou de quelques mois à survivre. Ainsi, seuls 7 % des Juifs de France désignés pour le travail forcé ont vu la fin de la guerre. De nombreux convois de Juifs d'Europe roulent déjà vers les camps de la mort dès les premiers mois de 1942. Au 1er mai 1941, 168972 Juifs vivent en Allemagne, il n'en reste plus que 131823 au 1er janvier 1942 et 51257 au 1er avril[56] . En Slovaquie, de mars à août 1942, 75000 des 90000 Juifs du pays sont déjà déportés sur ordre du gouvernement de Mgr Tiso, avant suspension des transports[57] . Ce sont des déportées slovaques qui sont les premières victimes à l'été 1942 de la sélection instituée sur la Jüdenrampe à l'arrivée à Auschwitz. L'été 1942 est particulièrement fatidique, avec les grandes rafles de Juifs presque simultanées qui marquent l'Europe occupée. Au cours de cet été 1942, en effet, 300000 Juifs du ghetto de Varsovie sont déportés en masse à Treblinka et aussitôt gazés. Le premier transport part de l’Umschlagplatz le 21 juillet. Le 15 juillet 1942, 1135 Juifs d'Amsterdam convoqués « pour aller travailler en Allemagne » sont aussitôt déportés les premiers à Auschwitz. La cadence des rafles et des convois est telle que dès septembre 1943, les Allemands proclament la capitale néerlandaise judenrein (libre de Juifs). Sur 120000 Juifs hollandais, 105000 ont été déportés à Auschwitz et Sobibor, dont 5500 seulement ont survécu. 80 % de cette communauté séfarade présente depuis le XVIIe siècle a donc été anéanti. Déportation des Juifs du ghetto de Varsovie à Les 16 et 17 juillet, à la demande des Allemands, les forces de l'ordre Treblinka depuis l’Umschlagplatz, 1942. du régime de Vichy arrêtent 13152 Juifs étrangers au cours de la rafle du Vel' d'Hiv, parmi lesquels 3031 hommes, 5802 femmes et 4051 enfants. Internés à Pithiviers et Beaune-la-Rolande, ils sont pour l'essentiel déportés dans les deux mois qui suivent.

97


Shoah D'autres rafles et déportations sans retour ont lieu en zone nord dans les mêmes temps. Le 15 juillet, 200 Juifs sont ainsi arrêtés à Tours, 66 à Saint-Nazaire. À Angers, le Sipo-SD agissant seul en arrête 824 le 20 juillet 1942. À Lille, le 15 septembre, 526 personnes sont déportées : 25 reviendront. À Bordeaux, le préfet régional Sabatier et son secrétaire général pour la Gironde Maurice Papon font partir le 18 juillet un premier convoi de 172 personnes : 10 autres suivront jusqu'au 5 juin 1944, totalisant 1560 victimes. Bien qu'aucun soldat allemand ne soit présent en zone sud, le gouvernement français accepte, cas unique en Europe occupée, de livrer des Juifs qui y résident, qu'ils soient puisés dans les très durs camps d'internement de Gurs, Noé, Récébédou, Les Milles, ou bien qu'ils soient victimes de la grande rafle du 26 août 1942 perpétré à Lyon, Toulouse et autres grandes villes méridionales (5885 Juifs étrangers arrêtés et déportés). Entre le 6 août et le 15 septembre, 3456 internés des camps et 913 travailleurs extraits de 18 GTE (groupements de travailleurs étrangers) sont également déportés à Drancy puis Auschwitz[58] . À partir du 15 août, le SD commence à rafler les Juifs d'Anvers avec la collaboration active des autorités communales. À Bruxelles, où le bourgmestre Jules Coest a refusé d'aider l'occupant, les rafles de septembre donnent des résultats nettement moins satisfaisants. Les deux tiers des Juifs d'Anvers sont déportés, contre un tiers de ceux de Bruxelles[59] . Du 13 au 20 août, de très nombreux Juifs croates sont déportés à Auschwitz par les collaborateurs oustachis[60] . Particulièrement nombreuses donc en 1942, les rafles de Juifs continuent à intervalles réguliers dans pratiquement tous les pays d'Europe, jusqu'à la fin de l'occupation allemande ou de la guerre. En règle générale, les Juifs travaillant pour des entreprises allemandes (notamment dans l'armement) sont déportés en dernier, ainsi que les privilégiés des Conseils juifs. En 1943-1944, les revers militaires et le besoin de main-d'œuvre obligeront les nazis à mettre à part un certain nombre de « Juifs de travail » (Arbeitsjuden) dans des camps de travail assez durs, mais où leur mort n'est pas recherchée et leur déportation au moins retardée. Les fusillades et les camions à gaz avaient permis dès 1941-1942 de déclarer les pays baltes et l'Ukraine judenrein (« nettoyés de juifs »). La cadence des rafles et des déportations est telle que dès 1943 les nazis peuvent déclarer judenrein Berlin le 19 juin, Salonique le 20 août, ou Amsterdam en septembre.

L'action Reinhardt : la liquidation par gazage des Juifs de Pologne (1942-1943) Après celui de Belzec, le camp d'extermination de Sobibor est ouvert le 1er mars 1942, celui de Treblinka le 1er juillet, celui de Maidanek près de Lublin à l'automne. Ils sont essentiellement destinés au gazage massif des Juifs de Pologne - même si en raison d'une épidémie de typhus à Auschwitz, 34 convois de Juifs hollandais ont été détournés sur Sobibor en 1943, et donc intégralement anéantis, de même que quatre convois de Juifs de France. Ces camps ne servent qu'à tuer, seuls quelques centaines de déportés sur des centaines de milliers étaient « épargnés » pour aider en tant qu'esclaves au fonctionnement élémentaire du camp. Les victimes sont tuées au monoxyde de carbone (au zyklon B à Maidanek) dans les chambres à gaz où elles sont conduites dès leur descente de train. Treblinka est surtout destiné aux Juifs de Varsovie, Maidanek à ceux de Lublin, Belzec et Sobibor assumant le massacre industriel des Juifs d'autres régions polonaises. Le but est de liquider une à une les populations des différents ghettos.

98


Shoah

99

Le 19 juillet 1942, Himmler a ordonné la liquidation sous un an de tous les Juifs du gouvernement général de Pologne. C'est le début de l’« action Reinhardt » - qui aurait reçu ce nom en hommage à Reinhard Heydrich, abattu par la résistance tchèque fin mai 1942. Elle va faire deux millions de victimes et signifier la mort de plus de 90 % de la communauté juive de Pologne, jusque-là la première du monde. De ce fait, l'année 1942 est de loin l'année la plus meurtrière dans les centres d'extermination (hors Auschwitz). Au 31 décembre 1942, 1449000 êtres humains ont trouvé la mort dans les camps à monoxyde de carbone. À leur démantèlement en 1943-1944, 1750000 personnes y auront en tout trouvé la mort[61] .

Liquidation du ghetto de Cracovie par les Allemands, 13 mars 1943.

La centralité du camp d'Auschwitz-Birkenau (1942-1944) À Auschwitz-Birkenau, l'emploi de zyklon B (qui tue 36 fois plus rapidement que le monoxyde de carbone) est testé sur des prisonniers soviétiques dès le 3 septembre 1941. Début 1942, le commandant du camp, Rudolf Höß, reçoit verbalement l'ordre de Himmler de faire du camp, idéalement situé à un nœud ferroviaire, le principal centre de l'extermination des Juifs déportés de toute l'Europe. Plusieurs Krematorium y sont construits, associant les chambres à gaz à des fours crématoires de grande capacité destinés à faire disparaître les corps. Le premier train de victimes françaises part ainsi pour Auschwitz le 28 mars 1942, le premier transport de Juifs de Salonique le 20 mars 1943, le premier de Rome le 16 octobre 1943, cinq semaines après l'occupation de l'Italie, et le premier convoi de Hongrie le 15 mai 1944.

La tour de la Mort à l'entrée de Birkenau.

Avec le démantèlement des autres camps d'extermination fin 1943, Auschwitz devient le principal lieu d'accomplissement du génocide. Sur plus de un million de personnes qui y sont assassinées, 90 % sont juives, de tous les pays.

Même si seul un sixième des victimes de la Shoah y a trouvé la mort, c'est donc à bon droit qu’« Auschwitz » en est venu à désigner par métonymie l'ensemble du génocide. D'autant que ce camp de concentration et d'extermination, le plus vaste de tous, a laissé des vestiges importants et un certain nombre de survivants, au contraire des principaux camps d'extermination, démantelés et rasés, qui ne comptent aucun survivant hors quelques évadés et miraculés (deux rescapés contre plus de 150000 gazés à Chelmno, quatre contre 650000 morts à Belzec). À partir de juillet 1942, une « sélection » a lieu à l'arrivée de chaque nouveau convoi de déportés. Sur un geste de la main des SS préposés au tri, les déportés valides sont réservés au travail forcé. Ceux jugés inaptes au travail sont immédiatement conduits à la chambre à gaz : bébés, enfants, vieillards, infirmes, femmes enceintes, personnes trop âgées, ou simplement celles qui portent des lunettes ou avouent exercer une profession intellectuelle voire un métier non manuel.


Shoah

100 Dans ses mémoires, Rudolf Höss estime qu'au moins les trois quarts des déportés périssaient dès l'arrivée, dans la chambre à gaz, dont la majorité des femmes, et la totalité des enfants, vieillards et handicapés. À l'en croire, plus de gens étaient sélectionnés pour le gazage pendant l'hiver, où le camp de concentration avait besoin de moins de main-d'œuvre[62] .

La déportation-extermination planifiée de tous les Juifs d'Europe à Auschwitz-Birkenau. Musée du camp.

Franciszek Piper, historien du camp d'Auschwitz, estime que 65 % des déportés (soit 97000 sur 150000 Juifs occidentaux) ont été gazés à l’arrivée. Il confirme la différenciation sexuelle de la mise à mort : 77,5 % des femmes et filles belges ont été gazées dès l'arrivée, mais 51 % des hommes, soit 49 % d’hommes mis à part et recensés par le service du travail (Arbeitstatistik) d’Auschwitz[63] .

Selon Georges Wellers, sur 61098 Juifs déportés de France entre les 29 juillet 1942 et 11 août 1944, 78,5 % ont été gazés à l’arrivée. Pour l'historienne Danuta Czech, 76,6 % des Juifs grecs ont dû l’être aussi. Quant aux Juifs de Hollande, entre le 17 juillet 1942 et le 5 septembre 1944, 57 convois de Westerbork ont apporté 51130 victimes, dont 18408 ont été désignées aptes au travail, les 64 % autres gazées immédiatement[64] . De façon perverse, les déportés sélectionnés sont conduits aux chambres à gaz sur des paroles rassurantes, et sont persuadés de se déshabiller et d'entrer dans la pièce pour y prendre une douche – mais à la moindre tentative de résistance ou au moindre doute, c'est avec la dernière brutalité qu'ils sont forcés d'y entrer et de s'y entasser. Les victimes meurent en quelques minutes après la fermeture des portes et la diffusion du gaz mortel. Celles qui se trouvent le plus près de l'endroit par où sort le gaz périssent les premières. Beaucoup sont gravement blessées ou meurent piétinées dans les bousculades vaines au cours desquelles les victimes cherchent généralement à forcer les portes ou se disputent les coins où il reste encore un peu d'air[65] . Le Sonderkommando, composé de détenus en majorité juifs et périodiquement liquidés, est chargé d'incinérer les cadavres après avoir récupéré les cheveux et les dents en or. La réduction des victimes en cendres aussitôt dispersées traduit le souci des nazis de dissimuler les preuves de leur crime et symbolise leur volonté d'effacer jusqu'à la dernière trace l'existence des Juifs sur la terre. Des centaines de trains conduisent dans le Reich les biens volés aux assassinés, après stockage à la section dite « Canada » du camp. Les cheveux des victimes sont utilisés pour faire des vêtements. En revanche, la confection de savon à partir de la graisse humaine des incinérés relève de la légende.

Alliances volées aux Juifs tués.


Shoah

101

La destruction des Juifs de Hongrie (1944) L'industrie de la mort atteint son apogée à Auschwitz avec la liquidation en août 1944 des 67000 dernières victimes du ghetto de Lodz, le dernier subsistant encore en Pologne, et surtout avec la déportation en 56 jours de plus de 435000 Juifs hongrois par Adolf Eichmann, du 15 mai au 8 juillet 1944. Plus du tiers des victimes juives d'Auschwitz sont hongroises.

Sélection de Juifs hongrois par les SS à leur arrivée sur la nouvelle rampe de Birkenau, 1944.

La Hongrie connaissait un fort antisémitisme depuis la fin du XIXe siècle, aggravé par la participation de nombreux Juifs à l'éphémère « République des conseils » fondée en 1919 par Béla Kun. En septembre 1919, 3000 Israélites avaient trouvé la mort dans les pogroms de la terreur blanche, et dès 1920, Miklós Horthy, régent du Royaume de Hongrie, édictait la plus précoce législation antisémite d'Europe, radicalisée en 1938-1939 puis en 1941. Depuis 1939, la définition légale du Juif était même raciale, les 100000 Juifs de confession catholique étant donc également victimes des discriminations.

A l'été 1941, Budapest fait déporter 18000 Juifs de Hongrie "apatrides" en Ukraine, sur les arrières du front russe. Les 27 et 28 août, plus de 10000 d'entre eux sont exterminés par l'Einsatzgruppen C à Kamianets-Podilskyï, premier massacre de Juifs à atteindre les cinq chiffres, et étape-clé dans le passage à l'extermination à grande échelle. Seuls 2000 à 3000 de ces premiers déportés hongrois survivent à l'été. À la suite de cet épisode, le gouvernement suspend les expulsions en zone allemande. Mais l'armée hongroise exécute de son côté un millier de Juifs dans les territoires annexés à la Serbie, et surtout, elle impose aux Juifs de Hongrie un "Service du Travail" aux armées particulièrement meurtrier: les victimes de ce service ne sont pas officiellement des déportés, et elles conservent par exemple leurs biens et leurs domiciles en leur absence, mais de fait, plus de 42000 personnes emmenées ainsi travailler en Ukraine occupée y décèdent dès avant le tournant de mars 1944[66] .. Certes, à plusieurs reprises, le régent Horthy se refuse à éliminer totalement les Juifs de la vie du pays, pas plus qu'il n'accepte les demandes répétées de Hitler de les déporter ou de leur faire porter l'étoile jaune. La Hongrie fait de ce fait figure d'asile relatif dans l'Europe de la Shoah, certains Juifs venant même y trouver refuge depuis des pays voisins. Bien que 63000 Juifs hongrois et apatrides aient perdu la vie dès avant mars 1944, tout ne change vraiment de façon brutale et radicale qu'avec l'irruption des troupes allemandes, appuyées par les collaborationnistes fascistes, les Croix fléchées. Le 19 mars 1944, en effet, les nazis envahissent leur allié hongrois, qui songe à virer de bord à l'approche de l'Armée rouge. Le nouveau premier ministre, Döme Sztójay, collabore pleinement avec les Allemands. Le processus de concentration et de déportation des Juifs s'y répète sur le même schéma qu'ailleurs depuis 1939 mais de manière particulièrement accélérée : étoile jaune obligatoire, constitution de conseils juifs, enfermement en ghettos, puis déportations. Celles-ci ne concernent que les Juifs des provinces et de la banlieue de Budapest, ceux de la capitale restant pour le moment épargnés. Sur ces 435000 Juifs provinciaux rapidement déportés du 15 mai au 8 juillet 1944, avec l'aide des forces de l'ordre hongroises, seuls 10 % ont été mis au travail forcé, les autres étant exterminés à l'arrivée à Birkenau[67] . Pour accélérer la cadence de mise à mort, une nouvelle rampe d'accès est même construite, qui emmène directement les trains jusqu'à l'intérieur du camp, derrière la "Tour de la Mort", à proximité immédiate des chambres à gaz. Cette rampe deviendra l'un des symboles les plus connus d'Auschwitz et du génocide. Les crématoires n'absorbant plus les cadavres à un rythme suffisant, des milliers sont incinérés à l'air libre sur d'énormes bûchers. À cette période, Auschwitz reçoit jusqu'à quatre trains quotidiens, et ses gazages tuent jusqu'à 10000 personnes par jour.


Shoah

102

L'amiral Horthy, qui avait autorisé les transports dans un premier temps, retire son autorisation le 9 juillet, alors que des informations sur l'extermination parviennent en Hongrie et que le Vatican ou les États-Unis multiplient les pressions. Sztójay est limogé par Horthy en août. Les déportations sont suspendues jusqu'au 15 octobre, alors que 150000 Juifs demeurent encore domiciliés ou réfugiés à Budapest, où ils survivent tant bien que mal dans le ghetto, spoliés de tout. Entre mars et octobre 1944, par ailleurs, 150000 Juifs sont encore envoyés au "Service du Travail" sous l'égide de l'armée hongroise, dont seulement 20000 reviendront[68] .. Le 15 octobre, Horthy est arrêté par les nazis et remplacé par les collaborationnistes des Croix fléchées, qui instaurent un gouvernement fasciste hongrois. Sous la conduite de leur chef, le nouveau Premier Ministre Ferenc Szálasi, les Croix fléchées relancent la persécution, et multiplient, sur place, les massacres désordonnés de Juifs et les marches de la mort. Un certain nombre de Juifs restés à Budapest sont sauvés par des protections diplomatiques, en particulier grâce à l'action de Raoul Wallenberg. En 1941, 825000 Juifs vivaient sur le territoire hongrois, dont 100000 convertis ou chrétiens d'ascendance juive. 63000 ont perdu la vie dès avant le 19 mars 1944. Après cette date, 618000 ont été victimes de la déportation à Auschwitz, des marches de la mort ou de l'envoi au Service du Travail aux armées : 501500 y ont perdu la vie. 116500 Juifs de Hongrie sont revenus de déportation, 20000 du Service du Travail, et 119000 autres restés à Budapest ont survécu[69] . Au total, si 225000 Juifs de Hongrie ont survécu (soit 31 %), une proportion très forte à l'échelle de l'Europe centrale et orientale, leur communauté a perdu 569507 membres dont 564507 assassinés et 5000 autres exilés.

L'extermination par le travail forcé Les camps de concentration nazis ont été un enfer rarement égalé dans l'histoire humaine. Par un processus systématique et pervers de déshumanisation de leurs victimes, les SS et les kapo visaient à détruire leur personnalité et leur vie en un temps très bref, au moyen de la sous-alimentation, des coups, de l'absence d'hygiène et du travail forcé. Les traitements inhumains ne laissaient aux déportés qu'un laps très court à vivre : en 1942, un déporté d'Auschwitz a trois mois en moyenne d'espérance de survie. Sur quatre trains de plus de 1000 Juifs tchèques chacun arrivés du 17 au 25 avril, et qui n'ont pas connu de sélection pour les gaz à l'arrivée, on ne compte pourtant au 15 août que 182 survivants.

« Le travail rend libre » : la devise cynique du portail du camp d'Auschwitz I.

Raul Hilberg note que l'extermination par le travail, avec ses sommets de cruauté, n'a cependant constitué qu'une part réduite de la Shoah. Même à Auschwitz, sur 200000 internés juifs, il n’a été enregistré « que » 90000 décès. L’extermination par le travail forcé a donc dix fois moins tué que le gazage de 865000 personnes dans le même camp[70] .


Shoah

103

Séparés de leurs familles (souvent seuls survivants ou presque si les autres membres ont été déjà tués par gazage), les déportés juifs qui ont échappé à la première sélection à l'arrivée sont spoliés de tous leurs biens et de tout souvenir personnel, intégralement tondus, privés de leur nom et affublés d'un uniforme rayé et d'un matricule par lequel ils seront seul appelés. Ils sont exploités dans des usines de guerre au profit de la SS qui les « loue » aux entrepreneurs à des prix dérisoires : c'est ainsi que le géant chimique IG Farben par exemple se compromet gravement dans l'exploitation des déportés d'Auschwitz. Ils peuvent aussi être employés à des travaux absurdement inutiles (creuser des trous rebouchés chaque soir, porter et rapporter des pierres d'un endroit à l'autre…). Ils sont exposés à la sous-alimentation systématique et aux traitements sauvages de kapos souvent recrutés parmi les criminels de droit commun. Esclaves du Reich à Buchenwald.

Ceux qui faiblissent deviennent des « musulmans[71] » rejetés par leurs codétenus et exposés à la liquidation par les médecins SS au Revier (infirmerie) du camp ou à la sélection pour la chambre à gaz. Les rares survivants (en général ceux qui ont été déportés dans les derniers, à un moment où le Reich en péril prolonge un peu plus la vie de sa main-d'œuvre servile) doivent pour s'en sortir s'endurcir moralement, passer inaperçus, avoir beaucoup de chance, travailler dans des kommandos moins pénibles et moins périlleux.

Les marches de la mort (1945) Les derniers gazages ont lieu fin novembre 1944 à Auschwitz, alors que les nazis aux abois commencent à détruire les installations et les preuves du génocide. L'extermination ne s'arrête pas pour autant. Ainsi à partir du 8 novembre 1944, Adolf Eichmann soumet des dizaines de milliers de Juifs hongrois à une « marche de la mort » éprouvante de Budapest à la frontière du Reich. Le 20 janvier 1945, un peu moins de 60000 survivants d'Auschwitz sont évacués à pied vers l'Allemagne à l'approche des Soviétiques. L'évacuation est généralement dépeinte par les survivants comme l'un de leurs pires souvenirs de déportation : sans vêtements ni chaussures appropriés dans l'hiver très rigoureux, épuisés et sous-alimentés, ils doivent marcher jusqu'à plusieurs dizaines de kilomètres par jour. Ceux qui ne peuvent plus suivre sont abattus immédiatement par l'escorte SS. D'autres détenus sont aussi entassés dans des trains qui les transfèrent d'un camp à un autre au prix d'une mortalité considérable. À Ravensbrück, Dachau ou Bergen-Belsen, où échouent nombre d'anciens détenus d'Auschwitz à bout de force, l'épidémie de typhus provoque une hécatombe. La maladie emporte notamment Anne Frank le 12 mars 1945 à Bergen-Belsen. En avril, à l'approche des Alliés, de nouvelles marches de la mort et de nouveaux trains meurtriers évacuent les déportés.

Survivants du génocide découverts par l'Armée rouge à Auschwitz, 27 janvier 1945.

En tout, de janvier à mai 1945, « autour de 250000 Juifs moururent d'épuisement ou de froid au cours de ces marches, quand ils ne furent pas abattus sur place ou brûlés vifs[72] ». Ce sont des survivants hagards et traumatisés, ainsi que des monceaux de cadavres squelettiques, que découvrent généralement des soldats alliés incrédules. 40 % des Juifs libérés seraient morts dans les semaines suivantes : « leur


Shoah

104

état sortait du domaine de compétence de la médecine occidentale[73] ». Avec les tonnes de biens volés aux Juifs assassinés, les fours crématoires ou les vestiges des chambres à gaz, le monde se retrouve en 1945 devant les preuves d'un crime de masse qui devait conduire au procès de Nuremberg à la naissance du concept de crime contre l'humanité.

Trois cas particuliers La Serbie Soumise à l'autorité militaire allemande, la Serbie connaît la Shoah selon des modalités particulières. Les différents responsables allemands (SS, Wehrmacht) de ce territoire mettent un zèle tout particulier à éliminer physiquement les Juifs — et les Tziganes — présents sur le territoire qu'ils administrent. La définition et la concentration des Juifs s'effectuent en quelques mois. Le général Franz Böhme fait exécuter par fusillade l'ensemble des Juifs et des Tziganes de sexe masculin, entre l'automne 1941 et le printemps 1942, reproduisant les ordres donnés aux Einsatzgruppen. Les femmes et les enfants sont raflés et internés dans des camps en novembre et décembre 1941. Ils sont tous assassinés par gazage au monoxyde de carbone entre janvier et mai 1942. En août 1942, le chef d’état-major administratif en Serbie écrit une note pour son nouveau supérieur, mentionnant en particulier ceci : « Serbie, seul pays où question juive et question tzigane résolues. » (« Serbien einziges Land in dem Judenfrage und Zigeunerfrage gelöst. ») Les seize mille Juifs de Serbie ont été anéantis jusqu’au dernier. Si la rapidité et la relative originalité de la destruction des Juifs de Serbie sont dues à l'initiative des officiers locaux, les dirigeants nazis n'ont en rien entravé leur action, bien au contraire : l'idée de fusiller des hommes juifs est suggérée en premier par Adolf Eichmann, et le camion de gazage est fourni par les autorités de Berlin[74] .

La Croatie Après l'invasion de la Yougoslavie par l'Allemagne, Hitler autorise la création de l'État indépendant de Croatie, satellite de l'Allemagne, dirigé par l'organisation fasciste des Oustachis. L'extermination des Juifs, des Serbes et des Tziganes est assurée principalement par les autorités croates, dans des camps de concentration tels que Jasenovac, et ce jusqu'en 1942. Les nazis obtiennent alors l'autorisation du gouvernement croate de déporter les survivants vers les camps d'extermination.

Victimes du camp de Jasenovac.


Shoah

105

La Roumanie Membre de l'Axe, la Roumanie du dictateur Antonescu est responsable de la mort d'environ 200000 Juifs, ce qui fait des collaborateurs roumains les plus importants participants de la Shoah après les nazis et devant les Oustachis croates. La Roumanie abritait avant-guerre la troisième communauté juive d'Europe, selon le recensement de décembre 1930. Une tradition antisémite y était solidement établie : la Roumanie fut le dernier pays à émanciper ses Juifs, en 1919. Peu avant la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement entreprend une politique antisémite, excluant les Juifs des chemins de fer, imposant des quotas dans la main-d'œuvre industrielle et révoquant une partie des fonctionnaires de confession israélite[75] . Le 8 août 1940, la persécution prend une dimension raciste : les Juifs convertis au christianisme sont considérés comme juifs au même titre que les personnes de religion juive. Toutefois, les Juifs qui possédaient la nationalité roumaine au 30 décembre 1918, leurs descendants, les Juifs qui avaient combattu pendant la Première Guerre mondiale (soit environ dix mille personnes) étaient exemptés de certaines discriminations[76] .

Le Pogrom de Iaşi - Juifs massacrés par l'armée roumaine à Iassy, 26 juin 1941.

En février 1941, les fascistes de la Garde de fer perpètrent un pogrom « Le Train du mort » Iaşi, 27 juin 1941 sanglant à Bucarest. 118 morts sont identifiés. Les cadavres sont atrocement mutilés[77] . Après l'invasion de l'URSS, l'armée roumaine, alliée de la Wehrmacht, participe activement au massacre massif des Juifs. Le 25 juin 1941, l'armée, le gendarmerie e la police roumaine assassine 7000 Juifs à Iassy. Les massacres d'Odessa Six jours après l'entrée des troupes roumaines à Odessa, un attentat tue le général Glogojanu, commandant d'Odessa et 40 autres militaires[78] . Le soir même, le gouvernement roumain ordonne des représailles implacables. Aussitôt, le nouveau commandant d'Odessa, le général Trestioreanu annonce qu'il va prendre des mesures pour pendre les Juifs et les communistes sur les places publiques. Durant la nuit 5000 personnes sont exécutées. Le 23 octobre, 19000 Juifs sont exécutés et leurs cadavres arrosés d'essence et brûlés[79] . Des milliers d'autres sont emprisonnés comme otages. Le 24 octobre, les Juifs emprisonnés sont transportés en dehors de la ville et fusillés devant des fossés anti-chars par groupes de 40 ou 50. L'opération se révélant trop lente, les 5000 Juifs restants sont enfermés dans trois entrepôts, mitraillés puis les entrepôts sont incendiés. 40000 Juifs sont ainsi tués ce jour-là[80] . Le 24 au soir, le maréchal Antonescu demande que les otages qui ne sont pas encore morts connaissent les mêmes souffrances que les Roumains morts dans l'explosion. Les victimes sont amenées dans un entrepôt, fusillées. L'entrepôt est dynamité le 25 octobre, jour de l'enterrement des Roumains victimes de l'attentat du 22 octobre[81] . Le premier novembre, la ville ne compte plus que 33885 Juifs, essentiellement des femmes et des enfants qui vivent terrorisés dans le ghetto[82] . Les Juifs d'Odessa et de sa région sont ensuite déportés vers la Roumanie à Bogdanovca, Domanevka et Acmecetca. Ils sont logés dans des conditions déplorables, entassés dans des ruines, des étables ou des porcheries. Ils souffrent de nombreuses maladies avant d'être massacrés à partir du mois de décembre[83] .


Shoah

106

La Transnistrie, une région pour l'extermination Cas particulier dans l'Europe du génocide, c'est un territoire entier, la Transnistrie, qui est transformé en territoire d’extermination. 217757 Juifs y meurent, dont 130000 de nationalité soviétique et 87757 Roumains. 139957 des victimes ont été tuées par des Roumains[84] . En revanche, les Juifs vivant dans les frontières de 1940 n'ont été ni fusillés ni déportés. Le gouvernement roumain pense initialement les déporter, mais y renonce ensuite brusquement[85] , sans doute pour ne pas apparaître comme un pur satellite du IIIe Reich.

Déportation des Juifs par l'armée roumaine, Transnistrie, 1941

Le comportement des Juifs pendant la Shoah Raul Hilberg et Hannah Arendt en particulier ont voulu éclairer la responsabilité des victimes elles-mêmes, qui souvent, par leur attitude passive et soumise, ont facilité la tâche des bourreaux[53] . Ainsi, la mise à mort de 1.5 million de Juifs soviétiques n'a pas coûté ne serait-ce qu'un seul blessé aux bourreaux, de même que par exemple, 300000 Juifs du ghetto de Varsovie ont été déportés sans heurts et sans résistance à Treblinka à l'été 1942. La question de la « collaboration » de certains Juifs à la déportation de leur propre peuple a également suscité dès l'époque de dures divisions au sein même des victimes, et des controverses douloureuses après la guerre.

Vivre et mourir au temps de la Catastrophe Les Juifs pensent avant tout à survivre et notamment à se nourrir. Ils connaissent en permanence la peur et la terreur. Chassés de leurs emplois voire de leurs domiciles, privés de tous leurs droits et de leurs moyens de subsistance par l'aryanisation et les lois antisémites, ils sont exclus de toute vie normale par un arsenal sans cesse plus complet d'interdits les plus mesquins. Ils ne peuvent par exemple emprunter certaines rues ni sortir de leur ghetto quand il en existe un, ils ne peuvent pénétrer dans certains magasins ni faire jouer leurs enfants dans les jardins publics, ils ne peuvent faire les courses qu'à certaines heures défavorables, ils sont astreints à des travaux forcés humiliants (balayer les rues, faire des terrassements, etc.), ils ne peuvent posséder de radio ni de bicyclette, ils doivent monter à l'arrière des tramways et des métros (quand ils peuvent encore les emprunter), parfois ils ne sont même pas autorisés à s'asseoir sur les bancs publics ou à utiliser les cabines téléphoniques. Lorsqu'ils se cachent, c'est dans des conditions plus ou moins difficiles, plus ou moins précaires. Certains survivent jusqu'à des années dans des caves, des pièces cachées ou des greniers étroits, ou encore dans des forêts. Visitée aujourd'hui par des millions de personnes, « l'Annexe » où 8 personnes dont Anne Frank vécurent cachés deux ans est en fait relativement confortable par comparaison avec le lot commun de la plupart des Juifs camouflés. Dans des conditions tragiques, les ghettos ont lutté pour maintenir jusqu'au bout une vie culturelle, musicale et artistique riche et remarquable.

Reconstitution de la cachette d'Anne Frank à Amsterdam.

Conscients que leur communauté était vouée à l'anéantissement total et que nul ne pourrait témoigner un jour de leur sort, des archivistes comme Emanuel Ringelblum à Varsovie ont partout tenu chronique de la vie des ghettos, et enterré régulièrement des documents et des objets relatifs au quotidien des futurs assassinés. De nombreux Juifs d'Europe occupée tenaient des journaux au cœur de la


Shoah

107

persécution, telles à Amsterdam la jeune Anne Frank, ou encore Etty Hillesum, connue pour la haute spiritualité qu'elle développa dans l'épreuve. Le Centre de documentation juive contemporaine et le Conseil représentatif des institutions juives de France ont été fondés en 1943 en pleine clandestinité. Sous le Régime de Vichy notamment, le légalisme, l’obéissance traditionnelle à l’autorité et le désir de se montrer bons citoyens ont poussé beaucoup de Juifs à se soumettre aux lois discriminatrices, et à se laisser recenser. Bien d’autres, par fierté, ont refusé de cacher leur judéité, acceptant de se déclarer juifs ou de porter sans rougir l’étoile jaune, et refusant de fuir devant l'ennemi. Beaucoup de futurs déportés croyaient impossible une trahison de leur propre gouvernement, espérant vainement jusqu’au bout qu’ils seraient protégés des Allemands par le prestigieux et charismatique maréchal Pétain. Le patriotisme voire le nationalisme de nombreux Juifs allemands n'a pas moins freiné l'émigration hors du Reich avant-guerre. Malgré les informations et les rumeurs contradictoires qui circulent régulièrement sur les massacres, l'incertitude est complète sur leur destin final, difficilement imaginable ou difficilement crédible, et alors que se mentir à soi-même est parfois tout simplement nécessaire à la survie psychique. Il n'est pas rare que l'on refuse de croire aux fusillades de masses ou aux gazages même en Pologne alors qu'ils se tiennent à quelques dizaines de kilomètres de là. Même l'arrivée à Auschwitz ne suffit pas toujours à en déciller certains. Les nazis savent en outre duper leurs victimes jusqu'aux derniers instants. À l'arrivée à Treblinka, l'illusion d'une gare normale est entretenue aussi par la présence d'un faux guichet, d'une pancarte « destination Byalistock » et d'une fausse horloge dont les aiguilles sont peintes. À Auschwitz, certaines chambres à gaz ont été ornées un temps de faux pommeaux de douche. Beaucoup de Juifs périssent aussi parce qu'ils refusent en connaissance de cause de se séparer de leurs familles, ou parce qu'ils veulent partager le sort de leurs amis, de leur communauté, de leur peuple. Ainsi, malgré l'avertissement que constitue le massacre de 14000 Juifs à Riga le 30 novembre 1941, le grand historien Simon Dubnow refuse de se cacher, et fait partie des 27000 autres Juifs de la ville assassinés le 8 décembre 1941. À Varsovie, le Dr Janusz Korczak, que sa renommée mondiale mettait à l'abri, part volontairement avec les enfants de son orphelinat et meurt avec eux dans les chambres à gaz de Treblinka (5 août 1942). Le chantage n'était pas non plus absent des refus de chercher à s'échapper. Les lettres écrites par Etty Hillesum depuis Westerbork, l'antichambre néerlandaise d'Auschwitz, décrivent comment les candidats à l'évasion étaient découragés par les chefs juifs du camp qui les accusaient de mettre égoïstement en danger la vie d'autres qui seraient déportés à leur place.

Dernière lettre d'une Italienne juive, jetée du train pour Auschwitz.


Shoah

108

Lors de la « Shoah par balles » Étudiant le comportement des Juifs lors de l'invasion allemande de l'URSS en 1941, Raul Hilberg note que les Juifs ne sont pas préparés à se battre contre les Allemands, ni même à fuir. Les autorités soviétiques ont évacué toutes les personnes des zones menacées nécessaires à l'économie du pays. Beaucoup de Juifs figurent parmi elles, ou parmi les mobilisés de l'Armée rouge. Par contre, les moins formés, les plus fragiles, les vieillards, les femmes, les enfants, doivent se débrouiller par eux-mêmes[87] . Or ces Juifs n'ont pas été informés de ce qui se passait pour les Juifs dans l'Europe occupée. Ils ne savent donc pas quels dangers les menacent[88] . Les Einsatzgruppen ont tôt fait de repérer les faiblesses de leurs proies. Ils ne se gênent pas pour utiliser les Juifs afin de mener à bien leurs traques. À Vinnitsa, le chef de l'Einsatzgruppe utilise le rabbin de la communauté. Il lui demande de réunir les Juifs de la ville à des fins d'enregistrement. Après la réunion de tous les Juifs, il les fait fusiller[89] . Ailleurs des affiches sont collées pour rassembler les Juifs à des fins de « réinstallation ». Beaucoup de Juifs qui s'étaient enfuis dans les campagnes avant l'arrivée des nazis, sont obligés de revenir chez eux parce qu'ils ne trouvent aucune aide et aucun refuge. Là, ils sont pris et tués[90] .

Konrads Kalejs, l'un des officiers du sonderkommando Arājs, mort en 2001 sans avoir été en prison. En janvier 1942, il ne restait plus que 4 000 des 70 000 Juifs résidant en Lettonie, le kommando de Viktor Arājs étant responsable [86] de la moitié de ces morts .

Raul Hilberg souligne aussi que dans les actions de l’Einsatzgruppe, il y a en général, entre 10 et 50 victimes pour un tueur. Mais ces tueurs sont bien armés et décidés. Les Juifs ne peuvent pas exploiter leur supériorité numérique[91] . Les Juifs désorientés, sont habitués à obéir. Les exécutions menées par les Einsaztgruppen ne coûtent pas une seule vie aux Allemands[36] .

Le rôle controversé des Conseils juifs Dès l'époque, puis surtout dans les années 1960-1970, de dures controverses ont entouré le rôle des Conseils juifs (Jüdenrate) installés sur une idée d'Eichmann à la tête de tous les ghettos d'Europe, ainsi que celui des forces de polices juives agissant sur leurs ordres. Les associations obligatoires créées sur ordre des nazis pour organiser les communautés des pays occupés (l'Union générale des israélites de France, l'Association des Juifs de Belgique) ont pareillement été accusées d'avoir servi de relais aux nazis. Il a existé en Europe environ un millier de Jüdenrate, dont quelques 10000 personnes ont été membres[92] . D'une collaboration d'abord purement technique et administrative, beaucoup de conseils sont passés à une collaboration à la déportation en elle-même, par illusion qu'une politique de concessions permettrait de sauver « l'essentiel » en sacrifiant une partie des leurs, mais aussi, à terme, pour sauvegarder leurs positions de pouvoir et leurs privilèges, ou tout simplement pour sauver leur propre vie et celle de leurs protégés en démontrant leur bonne volonté et leur efficacité. Héritage de siècles de persécutions, beaucoup de Juifs avaient plus l’habitude de négocier et de plier l'échine silencieusement que de se battre. En Russie et en Pologne, les pogroms du passé leur avaient démontré leur isolement dans une société très antisémite, et ces violences ne tournaient au meurtre que s'il y avait tentative de résistance. Le passé avait aussi habitué les notables juifs à chercher à sauver « l'essentiel » tout en attendant la fin de l'orage, les plus cruelles persécutions ayant toujours eu une fin. Il n'était guère facile de soupçonner voire de penser qu'ils étaient cette fois face à un ennemi résolu à les détruire jusqu'au dernier.


Shoah Assez représentatif de ces illusions est le discours tenu à Vilna par le responsable juif Jacob Gens : « Quand ils me demandent mille juifs, je les donne. Car si nous, les Juifs, nous ne donnons pas de notre propre gré, les Allemands viendront et prendront ce qu’ils veulent par la force. Alors, ils ne prendront pas mille personnes, mais des milliers et des milliers. En en livrant des centaines, j’en sauve un millier. En en livrant un millier, j’en sauve dix mille[93] . » En URSS, les représentants les plus courageux des communautés ont été liquidés avant même l'arrivée des Allemands, qui achèvent de purger l'élite juive de ses représentants les moins dociles. Celle qui reste « tend à être soumise, craintive et délatrice » (Paul Johnston)[94] , d'autant que les responsables recevaient des privilèges alimentaires et matériels, et elle coopère dès lors aux recensements, aux spoliations, aux déportations. À Lodz en Pologne, le très controversé Chaim Rumkovski se comporte en véritable dictateur des quelques 200000 Juifs entassés dans le ghetto, allant jusqu'à faire imprimer un timbre à son effigie. Il choisit d'emblée de mettre le ghetto au service de l'effort de guerre allemand, fournissant la main-d'œuvre de 117 petites usines de textile fabriquant des uniformes pour la Wehrmacht. Sa police participe aux arrestations et aux déportations, des Juifs allant arrêter ainsi leurs propres coreligionnaires, parfois sans ménagement, et traquant ceux qui se Les polices allemande et juive gardent ensemble l'une des entrées du ghetto de Łódź. cachaient ou se montraient réfractaires au départ. Vidé progressivement par les déportations, le ghetto de Lodz survit toutefois jusqu'à aussi tard qu'août 1944. Rumkovski et sa famille furent déportés dans le dernier convoi, et l’homme fut peut-être tué par les déportés eux-mêmes pendant le trajet[95] . De même, le conseil juif d'Amsterdam fut déporté en dernier une fois la ville « nettoyée » de tous ses Juifs. Tous les conseils juifs n'ont pas accepté de se compromettre. Le 30 septembre 1942, le Jüdenrat de Ternopil refuse ainsi de participer à l'organisation des transports vers les camps. À Minsk et à Białystok, les conseils sont même très proches de la Résistance juive et agissent en symbiose avec elle[96] . Symbole de l'impasse tragique où se sont retrouvés beaucoup d'entre eux, le doyen du ghetto de Varsovie, Adam Czerniaków, se donne la mort en juillet 1942 pour ne pas devoir collaborer à la déportation d'enfants et de vieillards. Son geste n'empêchera pas les nazis de vider le ghetto de 300000 de ses habitants dans les semaines suivantes.

109


Shoah

110

Juifs dans la Résistance, résistances juives et révoltes armées Tous les Juifs n'ont pas passivement accepté leur destin. Un certain nombre se sont suicidés, parfois par familles entières, plutôt que de se laisser déporter. Des Juifs ont refusé d'embarquer lors de transports, ainsi à Przemyśl, à Białystok, etc. En général, ils l'ont payé aussitôt de leur vie[97] . Au rebours des légendes antisémites sur la « lâcheté juive », les israélites sont surreprésentés dans les mouvements de la Résistance intérieure et extérieure, et ce à travers toute l'Europe occupée. Ainsi, les Juifs de France comptent pour 5 % des compagnons de la Libération, alors qu'ils sont moins de 1 % de la population. Des milliers ont laissé la vie dans les Résistances de chaque pays. Toutefois, surtout en Occident, beaucoup de ces résistants juifs sont des « assimilés » qui ne se considèrent pas ou plus comme juifs, et qui ne résistent pas en tant que Juifs. De ce fait, ils se refusent fréquemment à porter une attention particulière au sort des Juifs, de crainte d'être accusés de privilégier un groupe de victimes par rapport aux autres, et de ne se soucier que de leurs coreligionnaires. Généralement, ils ont cru qu'il fallait avant tout se préoccuper de gagner la guerre, et que la victoire arrêterait la persécution et ferait revenir les déportés. Ils n'ont pas eu conscience de l'anéantissement spécifique - et difficilement imaginable - qui attendait leur propre peuple.

Combattantes du ghetto de Varsovie insurgé.

Une Résistance spécifiquement juive a aussi existé, mais elle n'a pas nécessairement non plus fait pour autant de la lutte contre la déportation une priorité. Ainsi les bataillons juifs de la MOI en France, liés au PCF, se sont-ils avant tout investis dans le sabotage ou les attentats contre les forces d'occupation. La résistance armée juive notamment en Europe de l'Est se heurte à d'importants obstacles structurels. Dépourvus d'expérience des armes par des siècles de discrimination, la plupart des Juifs ignorent leur usage, ni ne peuvent souvent se résoudre à briser le tabou culturel et religieux de la violence. Le fatalisme d'inspiration religieuse a parfois pu jouer son rôle. Les éléments les plus susceptibles de se battre ont émigré en Palestine avant-guerre ou, en URSS, sont mobilisés dans l'Armée rouge. Les armes sont extrêmement difficiles à se procurer. On ne peut souvent escompter de l'aide de mouvements de résistance locaux, pas toujours exempts eux-mêmes de préjugés voire de violences antisémites. La terreur permanente fait que beaucoup préfèrent négocier ou plier l'échine que tenter une lutte isolée, sans espoir, radicalement inégale, qui précipiterait des représailles meurtrières. La grande majorité des Juifs cherche d'abord à survivre et à se nourrir. Enfin, les divisions politiques, sociales et religieuses traditionnellement vivaces au sein des communautés n'arrangent rien. En Europe de l'Est, dans les ghettos, la résistance finit cependant par s'organiser : c'est le cas en URSS à Riga, à Kaunas, et même à Vilnius. Dès décembre 1941, l'Organisation des combattants de Minsk rejoint les rangs des premiers partisans soviétiques. Un soulèvement armé est signalé dès le 20 juillet 1942 à Nesvizh en Biélorussie, et plusieurs autres ghettos se révoltent également cet été-là. En général, ces soulèvements s'accompagnent de fuites de masse, mais la plupart sont rattrapés et tués. À l'intérieur même du ghetto de Kaunas (Kovno), une véritable guérilla permanente sévit contre les Allemands. À Varsovie, les débats sont rudes entre ceux qui jugent toute résistance armée suicidaire, et ceux qui veulent témoigner au monde et à la postérité que les Juifs ne se sont pas laissés exterminer sans combat. Le 28 juillet 1942 est fondée l’Organisation juive de combat qui, fait exceptionnel, parvient à regrouper aussi bien les sionistes que les communistes et les bundistes, seuls les sionistes « révisionnistes » (de droite) faisant encore bande à part.


Shoah

111

Soldats nazis lors de la répression du soulèvement du ghetto de Varsovie (avril 1943).

Alors que sur plus de 500000 habitants initiaux du ghetto, il n'en reste que moins de 90000 au printemps 1943, un millier de combattants sous les ordres du jeune et charismatique Mordechaj Anielewicz déclenchent le 19 avril 1943 le soulèvement du ghetto de Varsovie. Sans illusions sur la fin qui les attend tous, ils entendent explicitement démontrer à la postérité qu'une résistance juive a existé. De fait, à la grande fureur de Hitler lui-même, le ghetto insurgé parvient à tenir au moins cinq semaines contre les SS du général Jürgen Stroop. Malgré ses moyens dérisoires, il n'est submergé qu'après une lutte acharnée, là où des États européens entiers avaient capitulé sans combat ou avaient combattu moins longtemps.

Des révoltes armées ont aussi eu lieu en 1943 dans les ghettos de Sosnowiec, Białystok, Czenstochow, Tarnów, Vilnius. Le Chant de Vilnius du poète yiddish et chef partisan Aba Kovner est resté l'hymne des résistants juifs de la Shoah. Les révoltes les plus improbables et les plus spectaculaires ont eu lieu au cœur même des camps d'extermination. Le 2 août 1943, les détenus de Treblinka se soulèvent et une partie parvient à s'enfuir. L'épisode accélère la décision de démanteler ce centre de mise à mort. L'événement se reproduit le 14 octobre 1943 à Sobibor, théâtre d'une révolte remarquablement bien préparée, synchronisée à travers tout le camp. À Auschwitz-Birkenau, le 7 octobre 1944, les détenus du Sonderkommando chargés d'incinérer les gazés parviennent à dynamiter le Krematorium no IV et abattent quelques gardiens avant d'être tous tués.

Le destin des survivants après 1945 Les Juifs rescapés n'ont pas seulement traversé des épreuves traumatisantes, qu'ils aient ou non subi la déportation. Ils ont généralement perdu leur famille, en totalité ou en partie. Souvent ils ont été dépossédés sans pouvoir toujours retrouver leurs biens. À l'Est ou en Hollande, c'est pratiquement toute leur communauté qui a été éradiquée : leur monde même n'existe plus, une culture et un univers ont disparu sans retour. Le « massacre des survivants » en Europe de l'Est En Europe de l'Est, la Shoah n'a pas fait disparaître l'antisémitisme, et les survivants sont souvent insultés à leur retour, voire maltraités ou assassinés s'ils tentent de reprendre les biens qui leur ont été volés en leur absence. Pas moins de 150 Juifs sont assassinés en Pologne libérée dans les quatre premiers mois de 1945, et 1200 avant avril 1946. Le pays voit même se produire de nouveaux pogroms. À Kielce le 4 juillet 1946, le mensonge d'un gamin fugueur accusant les Juifs de l'avoir enlevé à des fins de meurtre rituel provoque le massacre de 42 Israélites par la foule. Ces tragédies accélèrent l'émigration des survivants hors de Pologne, et souvent hors d'Europe. Ainsi, plus de 60000 Juifs polonais se réfugient en Allemagne occupée en 1946-1947. Un pogrom survient aussi en septembre 1945 à Velké Topolcany en Slovaquie, ou en mai 1946 à Kunmadaras en Hongrie[98] . Souvent très nombreux au sein des forces communistes, les Juifs sont facilement assimilés dans leur ensemble par les populations aux régimes qui se mettent en place sous l'égide du nouvel occupant soviétique. Dans les 18 mois qui suivent la fin de la guerre, on tue plus de Juifs en Pologne, en Hongrie et en Tchécoslovaquie que dans les 10 années qui ont précédé le conflit. « Ceux qui ont perdu plus que quiconque se voit blâmer pour la souffrance des autres »[99] . À partir de 1948, Staline cherche à exploiter le ressentiment antijuif populaire en déclenchant en URSS dans tout le bloc de l'Est une campagne antisémite. Dès 1946, il avait fait censurer le Livre noir écrit par Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman sur les massacres nazis de Juifs en Union soviétique. La judéité des victimes de Babi Yar et autres


Shoah lieux de massacres est gommée, et le principal crime de Hitler sera dissimulé aux populations jusqu'à la fin du monde communiste. Émigration hors d'Europe Si les survivants d'Europe occidentale sont généralement rentrés chez eux et y sont restés, il n'en est pas de même pour ceux d'Europe de l'Est, dont pas grand monde ne veut, et qui se retrouve en plus en butte à la campagne antisémite qui se développe dans le bloc communiste à partir de 1948. Les « DP » (Displaced Persons) juifs sont d’abord traités comme les autres réfugiés et déplacés, sans égards particulier pour la tragédie qu'ils ont traversée. Ce qui veut dire qu'ils sont souvent mis dans les mêmes camps que leurs anciens persécuteurs ukrainiens, baltes, russes, etc., du moins jusqu'en août 1945, où le président américain Truman les fait mettre à part. Un certain nombre de survivants parviennent à émigrer aux États-Unis ou en Europe de l'Ouest. Cependant, si certains aident à combler le besoin de bras, ceux des Juifs orientaux qui ont fait des études ou exercent une profession non-manuelle ne sont pas les bienvenus. Quant aux Britanniques, ils continuent à fermer la Palestine à l'émigration juive, interceptant les clandestins pour les interner à Chypre et à Rhodes. En 1947, le sort de l’Exodus choque l'opinion internationale : ce navire parti de Sète avec plus de 4500 survivants est en effet refoulé par les Britanniques, qui finissent par débarquer de force les passagers, de surcroît dans un port allemand, indélicatesse ultime. Le scandale contribue en partie à la décision de l'ONU de partager la Palestine et d'autoriser la naissance d'un État juif, censé servir notamment de refuge et de nouvelle patrie aux survivants. Entre 1948 et 1951, 332000 Juifs européens partent pour Israël depuis les camps d'Allemagne ou l'Europe de l'Est. 165000 autres iront en France, en Grande-Bretagne, Australie ou en Amérique[100] . Ainsi, 90000 des 200000 Juifs roumains partent entre 1948 et 1951, de même que 39000 des 55000 Juifs slovaques survivants, ou la moitié des 15000 derniers Juifs yougoslaves[101] . Paradoxalement, ce sont des communautés épargnées par le génocide comme celles de Bulgarie ou a fortiori de la Turquie neutre qui connaissent l'émigration la plus massive pour Israël. La disparition de l'aire culturelle séfarade, commencée avec la Shoah, devient ainsi irréversible, ne laissant que quelques milliers de Juifs dans ces pays[102] . De même, la campagne antisémite qui sévit en Pologne communiste après la guerre des Six Jours (1967) acheva de faire partir la quasi-totalité des 300000 Juifs encore présents dans le pays. L'émigration massive acheva donc en bonne partie ce que la Shoah avait poursuivi et accompli par le meurtre : vider l'Europe de l'Est de ses Juifs. Traumatismes, silences et témoignages En général, les survivants de la Shoah n'ont pas été écoutés à leur retour, même lorsqu'ils ont eu le désir ou la force de parler. Peu nombreux et noyés dans la masse des rapatriés ou des victimes de guerre, ils étaient aussi le rappel vivant des compromissions de leurs gouvernements dans la déportation et l'extermination. De surcroît, le moment était à la célébration de l'héroïsme des résistants et des soldats, et non à la valorisation de la souffrance et des victimes. Simone Veil a ainsi témoigné de l'impossibilité pour les témoins de se faire entendre, d'autant qu'il était difficile de regarder en face les atrocités inimaginables dont ils faisaient le récit. Même en Israël, comme l'a établi l'historien Tom Segev (Le Septième Million, 1993), les survivants du génocide se voyaient souvent soupçonnés d'avoir collaboré pour survivre, ils se voyaient reprochés d'être allés dans les camps « comme des moutons à l'abattoir » ou de ne pas avoir émigré en Palestine avant la guerre. L'État hébreu, fondateur dès 1953 de Yad Vashem, se focalisait avant tout sur la célébration des quelques héros du soulèvement du ghetto de Varsovie plutôt que d'insister sur la masse des femmes, des enfants ou des vieillards assassinés.

112


Shoah Jusqu'à la redécouverte de la Shoah en Occident dans les années 1970, beaucoup de survivants ont donc préféré garder le silence, ne s'ouvrant souvent même pas de leur passé à leurs propres enfants, amis ou collègues. Plus d'un a été taraudé par la « culpabilité du survivant ». Incapables de surmonter les séquelles psychologiques et morales de leur passé, certains survivants de la Shoah se sont suicidés, devenant ainsi les victimes, parfois des décennies après, d’« assassinats différés » (François Bédarida). Parmi les plus connus figurent le poète Paul Celan, l'écrivain Primo Levi, ou la mère du dessinateur Art Spiegelman. Toutefois, rien n'indique que le suicide ait été particulièrement répandu parmi les survivants de la Shoah. Le devoir de mémoire développé en Occident depuis les années 1970, « Marche des vivants » à Auschwitz-Birkenau, en réaction notamment à la menace négationniste, a souvent permis à 2004 nombre d'anciens déportés de sortir de leur silence et d'aller témoigner devant les médias, dans les écoles et les lycées, ou encore en écrivant leurs souvenirs. Certains sont retournés régulièrement sur les lieux du massacre pour accompagner comme guides des groupes de visiteurs, en particulier jeunes, notamment à Auschwitz. Ce lieu crucial et symbolique a reçu ainsi 25 millions de visiteurs depuis 1945.

Bourreaux, bureaucrates et complices La Shoah constitue un crime d'autant plus déconcertant et traumatisant qu'elle a été perpétrée à l'instigation d'un des pays les plus modernes du monde, célèbre pour ses réussites scientifiques et techniques et pour son abondance d'artistes, de philosophes et d'écrivains. Le haut niveau culturel et intellectuel de maints participants dépourvus d'états d'âme a également frappé la postérité. Les bourreaux de la Shoah sont ainsi devenus le symbole de l'échec de la culture à empêcher l'horreur, et de la remise en question de l'idée même de civilisation. De surcroît, aucun tortionnaire nazi n'a été obligé de participer à la Shoah. Un soldat des Einsatzgruppen ou un garde de camp dont les nerfs craquaient se laissait persuader de continuer, ou bien il obtenait facilement sa mutation. En cas de procès après-guerre, tout en cherchant à minimiser son rôle, aucun n'a nié la réalité de l'extermination. Pratiquement aucun non plus n'a jamais fait acte de regrets ou de repentir. Dans tous les pays d'Europe, il s'est trouvé également des institutions, des groupes ou des individus pour relayer les initiatives nazies et permettre l'accomplissement du génocide. D’autres enfin les ont aidés de leur silence, de leur passivité, ou de leur indifférence et de leur refus de savoir.

Les tortionnaires : identité et mentalités Les fusillades massives sont nerveusement éprouvantes pour des hommes qui finissent par craquer, par se saouler ou par devenir dangereux pour leurs propres complices. Le recours aux camions à gaz puis aux chambres à gaz vise à mettre entre bourreaux et victimes une distance suffisante pour permettre aux premiers de poursuivre plus tranquillement leur besogne jusqu'au bout. À Auschwitz, la division des tâches dilue le sentiment de responsabilité individuel, puisque chacun n’est qu'un maillon du processus complet d'extermination - chargé uniquement qui de la sélection, qui de conduire les victimes aux gaz, qui d'apporter le poison mortel ou qui de le verser. Les euphémismes du langage officiel (« traitement spécial » pour gazage, « évacuation » pour déportation) permettent aussi un peu plus aux criminels de ne pas regarder leurs actes en face. Comme l'a rappelé le personnage de Max Aue dans Les Bienveillantes de Jonathan Littell, beaucoup des tortionnaires n'ont rien de brutes incultes. Les chefs des Einsatzgruppen (1000 hommes chacun en moyenne) comptent en leur rang de nombreux intellectuels ou encore des avocats. Otto Ohlendorf était docteur en histoire du droit et diplômé de trois universités. Un commandant du bataillon C, Ernst Biberstein, est un théologien protestant. La plupart des

113


Shoah médecins de la mort nazis, à l'instar de Josef Mengele, sont des praticiens très diplômés et respectés dans leur ordre. Beaucoup de SS en poste dans les camps se montrent des amateurs raffinés de musique ou de peinture. Mais beaucoup ont aussi profité de la pleine licence que l’autorité leur donnait d’humilier et de tuer les Juifs pour donner libre cours à leur sadisme et à leur sauvagerie – tout en s’enrichissant personnellement sans vergogne de leurs dépouilles matérielles. Qu’il s’agisse de SS, de policiers, de soldats « ordinaires », de collaborationnistes ou encore de kapo des camps recrutés parmi les criminels de droit commun, d’innombrables photos ou récits démontrent le plaisir souvent pris à faire souffrir leurs victimes par les humiliations les plus perverses, ou en imaginant les supplices les plus cruels. Couper en public la barbe des vieux Juifs religieux, les forcer à des danses grotesques et épuisantes avant de les abattre, prolonger ou aggraver délibérément la souffrance et l’agonie de victimes, poser hilare avec le dernier Juif vivant de telle ville nettoyée avant d’envoyer la photo à sa famille en Allemagne comme une curiosité, sont ainsi pendant la Shoah des pratiques courantes parmi bien d’autres. Dans les camps de concentration, des commandants et des gardes se livrent au quotidien à des pratiques gratuites et non moins barbares. Ainsi, lâcher les chiens policiers sur des détenus (à Sobibor, le sergent SS Paul Grot dresse même son chien à arracher les testicules de ses victimes dès qu’il l’entend crier : « Jude [103] ! »), précipiter certains détenus du haut de l’escalier de la carrière de Mauthausen, en obliger d’autres à s’approcher des barbelés pour mieux les abattre pour « tentative d’évasion ». Les coups de fouet et de gummi (matraques en caoutchouc) pleuvent en permanence, et bien des détenus sont tués pour les prétextes les plus futiles, et par n’importe quel moyen. Cependant, comme le relève une ancienne déportée d’Auschwitz citée Arrestation des gardiennes SS de Bergen-Belsen, par l’historien-témoin Herman Langbein, « tous ceux qui étaient là-bas avril 1945. ont fait aussi une fois ou l’autre quelque chose de bien. C’est ça qui est terrible[104] . » Plus d’un bourreau s’est aussi montré ponctuellement capable d’un attendrissement inattendu, d’un geste d’aide ou de clémence, ou d’une modération épargnant (provisoirement) des vies. Le commandant Rudolf Höß expose dans ses mémoires que pour le bon accomplissement de la tâche confiée par le Führer, il devait refouler sa sensibilité, présenter malgré lui un visage impassible et donner l’exemple de l’endurcissement à tous ses subordonnés[réf. nécessaire]. La culture d’obéissance inconditionnelle à l’autorité a été une condition indispensable du génocide. Doublée d’une absence totale d’interrogation morale et d’une incapacité à recourir à la conscience personnelle, elle a permis à la machine de mort du IIIe Reich de fonctionner sans accroc sérieux et d’atteindre rapidement une bonne part de ses objectifs. Au-delà de la haine antisémite, le culte quasi-religieux voué par les nazis à l’ordre du Führer (Führersbefehl) suffisait à faire taire toute interrogation personnelle sur la légitimité du meurtre de masse.

Allemands et Autrichiens « ordinaires »

114


Shoah

Des enquêtes d'historiens européens ou américains ont d'autre part montré les nombreuses complicités existant dans la société allemande pour la mise en œuvre de la Shoah. Christopher Browning et Daniel Jonah Goldhagen ont par exemple analysé le comportement de bataillons de police composés « d'hommes ordinaires » envoyés en Pologne et qui se comportent en bourreaux consciencieux, et parfois Le médecin SS de la mort Fritz Klein au milieu même zélés, lors des massacres et des déportations. Daniel J. de la fosse commune de Bergen-Belsen. Goldhagen en conclut que les Allemands étaient les « bourreaux volontaires d'Hitler[105] (titre de son ouvrage[106] ). » Cette thèse est critiquée par d'autres historiens, en particulier pour son manque de nuance, car elle présente le défaut de mettre sur le même plan « l'antisémitisme ordinaire » et les manipulations qu'en font les « antisémites radicaux ». Les débats portent aussi sur le rôle des Allemands ordinaires. Au fur et à mesure que l'on se rapproche du front, l'implication de la société n'est pas contestable. La Wehrmacht et la police des zones d'occupation ont participé à la Shoah. Sans l'aide de l'armée, les 3000 hommes des Einsatzgruppen n'auraient pas pu massacrer un million d'hommes. De nombreux soldats venaient regarder les exécutions en voyeurs et y ont même participé[107] . Beaucoup d'Allemands avaient plus ou moins conscience des atrocités que subissaient les Juifs. Les soldats du front Est rapportaient des récits des massacres des Einsatzgruppen lors de leurs permissions dans le Reich. Dans la dernière partie de la guerre, des rumeurs sur le gazage des Juifs circulaient. L'attitude générale a été le repli sur soi et la volonté de ne pas savoir sur ce qui se cachait derrière les rumeurs[108] . Les Autrichiens ont participé au génocide en proportion encore bien plus grande que les Allemands, et ont peut-être tué plus de Juifs que ces derniers. Parmi les chefs nazis, outre Hitler lui-même, on peut citer Eichmann, Kaltenbrunner, Seyss-Inquart. Les Autrichiens ont fourni un tiers des tueurs des Einsatzgruppen, environ 40 % des gardes des camps de concentration, les commandants de quatre des six camps d'extermination, ou encore commandants, ou les chefs de la Gestapo tant aux Pays-Bas (Hans Rautter) qu'en Pologne (Grabner)[109] ,[110] . C'est un policier autrichien, Karl Silberbauer, qui arrêta le 4 août 1944 Anne Frank et sa famille à Amsterdam. Ne s'en posant pas moins après la guerre en « première victime du nazisme », l'Autriche refusera durablement toute responsabilité et toute indemnisation des victimes juives.

Fonctionnaires et « criminels de bureau » Même sans être antisémites, de nombreux Européens des pays occupés ont pris part à la Solution finale en exécutant les ordres du gouvernement en fonctionnaires consciencieux ou zélés dépourvus d’états d’âmes. À travers l’Europe, d’innombrables politiciens, bureaucrates et policiers ont un jour ou l’autre sauvé ponctuellement des Juifs ou sont intervenus en faveur certains d’entre eux, ce qui ne les empêchait pas pour autant de continuer à participer à la Solution finale. À l’approche des Alliés, il devenait banal, surtout parmi les opportunistes et les carriéristes, d’avoir « son » Juif pour se dédouaner lors des futures procédures d’épuration. Selon Raul Hilberg, sauver quelques Juifs d’une main tout en contribuant à la mort de bon nombre d’autres permettaient aussi aux « assassins de bureau » de garder la conscience tranquille et de continuer leur tâche. Sans commettre personnellement de cruautés ni de meurtres, et sans être forcément antisémites ni adhérer nécessairement à l’idéologie nazie, de nombreux hommes politiques, bureaucrates et fonctionnaires du Reich et des États collaborateurs se sont faits les rouages de la Solution finale. Ils ont pu agir avec plus ou moins de zèle selon les individus, les lieux et les moments. Ils ont pu avoir des raisons diverses, ainsi la conviction du régime de Vichy qu'il fallait à tout prix maintenir l'illusion d'une souveraineté française en procédant soi-même aux arrestations et l'illusion qu'en allant de bonne grâce au-devant des volontés allemandes, on obtiendrait une place de choix pour la France dans la nouvelle Europe nazie.

115


Shoah

Le débat sur les responsabilités Pendant longtemps les historiens occidentaux ont attribué la responsabilité des crimes nazis au petit groupe des dirigeants du Reich. Dans les années 1950, seule l'historiographie marxiste posait la question de la responsabilité du peuple allemand dans la mise en œuvre de la violence nazie. Elle pointait du doigt le rôle de l'aristocratie de la bourgeoisie et de l'appareil industriel, mais n'étendait pas les responsabilités au-delà de ce cercle. À partir des années 1960, l'école historique « fonctionnaliste », majoritairement allemande, montre que les questions soulevées par l'origine de la Shoah sont très complexes. Un autre courant historiographique, nommé intentionnaliste, leur reprochera de diluer ce faisant les responsabilités dans l'organisation et la mise en œuvre de la Shoah[111] . Selon les fonctionnalistes, donc, le génocide est le résultat d'un processus décisionnel et organisationnel étalé dans le temps, entre l'été 1941 et l'automne 1942, dans lequel Hitler s'est contenté de donner de vagues directives[112] . Leurs travaux montrent qu'un grand nombre d'acteurs ont pris part à la Shoah, et ils ont renouvelé la recherche en suscitant de nouvelles études. Ian Kershaw explique dans son livre, Hitler, que le Führer a toujours été au centre des décisions, même s'il ne donnait pas tous les ordres lui-même. Göte Aly décrit la marche au génocide des années 1939-1941. Ils montrent que non seulement les SS, mais aussi les Gauleiter ou encore les experts de Berlin, ont joué un rôle dans le déplacement et le massacre des populations juives. D'autres historiens pointent les initiatives locales comme celles qui furent prises en Pologne en 1941. Elles permettent de mieux comprendre l'importance de « l'expérimentation » des méthodes d'assassinat sur le terrain. Par contre, elles ont le défaut de faire croire que les hauts dirigeants du IIIe Reich comme Himmler, Heydrich et Hitler n'auraient pas été indispensables au processus du génocide. Cependant, il ne faut pas oublier qu'Hitler est maître d'un bout à l'autre du processus. Il suggère plus qu'il ne dicte mais cela fait partie de ses méthodes. Saul Friedländer insiste sur ce point. Il raconte que quand l'Allemagne envahit l'URSS, Goebbels et Heydrich se demandent si les Juifs russes doivent porter l'étoile jaune. Ils vont voir Göring : « Trop important, allons en parler à Hitler. » Il reçoit tous les chiffres sur le nombre de juifs assassinés. Après Stalingrad, il insiste auprès de Goebbels pour revenir à la centralité de la question juive[113] . De plus l'intention de tuer est présente dès le début de la guerre. Même les projets de déportation dans la région de Lublin, à Madagascar ou en Sibérie auraient eu comme conséquences la mort de millions de Juifs. Enfin la mise en œuvre de la Shoah se caractérise par des échanges nombreux entre Berlin et les responsables locaux. La somme des initiatives locales n'aurait pas abouti à la Shoah sans coordination au sommet d'hommes comme Göring, Himmler, Heydrich et bien sûr Hitler[108] .

116


Shoah

117

Traques, procès et fuites des responsables de l'extermination Le suicide de Hitler le 30 avril 1945 et celui de Himmler le 23 mai ont privé le tribunal de Nuremberg de la comparution des deux principaux responsables de l'Holocauste. Nombre de criminels de tout rang ont aussi échappé à la justice en se donnant la mort, à l'image le 1er mai de Goebbels, instigateur de la propagande antisémite, de la nuit de Cristal et de la déportation des Juifs de son fief de Berlin. Se sont aussi tués en 1945 le haut chef SS Odilo Globocnik, ou encore l'organisateur des déportations de France et de plusieurs autres pays Theodor Dannecker. D'autres maîtres-d'œuvre de premier plan ont été abattus pendant la guerre par des résistants, ainsi Heydrich à Prague en mai 1942. Dans les Balkans, des partisans ont aussi tué l'ancien commandant de Belzec Le corps de Himmler, qui se suicide à sa capture Christian Wirth. D'autres ont littéralement disparu dans la tourmente. par les Britanniques, 23 mai 1945. Martin Bormann périt par exemple probablement le 1er mai 1945 au cours de la bataille de Berlin, de même que le chef de la Gestapo pour le territoire allemand Hermann Müller. Les Alliés avaient prévenu dès 1941-1942 que les criminels de guerre seraient poursuivis et punis. Dès 1943-1944, à mesure de la libération de l'URSS, les Soviétiques lancèrent des enquêtes approfondies. Ils jugèrent et condamnèrent des Allemands responsables de massacres et nombre de leurs complices locaux. Les épurations menées dans les différents pays libérés ont permis de juger une partie des responsables de la Solution finale, même si la spécificité et l’ampleur de celle-ci restaient encore floues pour les contemporains, et même si la déportation des Juifs ne constitua pas un problème central pour l’accusation ni pour l’opinion. Certains criminels ayant sévi sur plusieurs pays furent cependant jugés par un État en particulier. Les Slovaques se chargèrent par exemple de condamner à mort Dieter Wisliceny, l’un des bras droits d'Eichmann. Les 16 principaux dirigeants nazis jugés au procès de Nuremberg ont du répondre notamment des chefs de génocide et de crime contre l'humanité. La Shoah a été amplement évoquée par les juges, les victimes et les bourreaux cités à témoin, dont le commandant d'Auschwitz Rudolf Höß, le responsable d'unités mobile de tuerie Otto Ohlendorf ou le général SS Erich von dem Bach-Zelewski. Elle n'occupa pas non plus une place centrale, et aucun Juif ne fut par exemple cité comme témoin. Une série d'autres procès, toujours à Nuremberg, visa entre 1946 et 1951 les chefs des Einsatzgruppen, des industriels responsables de l'exploitation de main-d'œuvre concentrationnaire, ou des médecins nazis criminels. Les tribunaux militaires alliés jugèrent aussi plusieurs dizaines de gardes et certains commandants des camps de concentration, au cours de procès comme ceux de Dachau, Buchenwald ou Ravensbrück. Le premier et principal commandant d'Auschwitz, Rudolf Höß, jugé par les Polonais, fut exécuté en 1947 sur le lieu de ses crimes. Son successeur moins extrémiste, Arthur Liebehenschel, connut le même sort. Le troisième et dernier commandant, Richard Baer, ne fut retrouvé que tardivement, et mourut en prison en 1963 avant son procès. Dans les années 1960, l'Allemagne de l'Ouest jugea à son tour, en trois procès tenus à Francfort, plusieurs anciens gardiens du plus important lieu du génocide. Mais sur 7000 gardes SS passés par Auschwitz, seuls 10 % ont été retrouvés et jugés.

Un détenu identifie un SS arrêté, 1945.

Des criminels nazis en fuite seront traqués et retrouvés. L'ancien commandant de Treblinka, Franz Stangl, fut ainsi extradé du Brésil et mourut en prison à Düsseldorf en 1971[114] . Adolf Eichmann, organisateur des déportations, fut


Shoah enlevé par le Mossad en Argentine et jugé à Jérusalem par la cour suprême de l'État d'Israël. Son procès retentissant en 1961 marqua le début du réveil de la mémoire de la Shoah. Pour la première fois de l'Histoire, par ailleurs, il était rendu compte devant un tribunal juif de « crimes contre le peuple juif ». Parfaitement régulier (Israël alla jusqu'à payer les frais de l'avocat allemand d'Eichmann, après lui avoir permis de s'inscrire exceptionnellement au barreau de l'État hébreu), le procès fut marqué par la présentation d'abondants documents accablants et le témoignage de nombreux survivants. Condamné à mort et pendu en 1962, Eichmann apparut comme un homme terne et ordinaire, incapable du moindre regret ni de la moindre réflexion morale sur ses actes. Il se présenta comme un bureaucrate méticuleux et consciencieux, préoccupé uniquement de l'aspect technique de sa tâche. Son attitude inspira à Hannah Arendt des réflexions célèbres sur la « banalité du mal ». Nombre d'exécutants de la Shoah ne furent jamais inquiétés, et firent de prospères carrières administratives, politiques ou économiques en RFA et en RDA. Ou bien, ils virent les poursuites à leur encontre abandonnées avec le temps, à moins de s'en tirer avec des peines légères et tardives. Bien d'autres sont morts libres après s'être réfugiés en Amérique latine (tels Josef Mengele, le « médecin de la mort » d'Auschwitz) ou dans le monde arabe, par exemple Alois Brunner. Des filières liées à des personnalités du Vatican aidèrent certains criminels de masse à s'enfuir, tels le sanguinaire dictateur croate Ante Pavelić, tandis qu'avec la guerre froide, Soviétiques et Américains ralentirent les poursuites et recyclèrent nombre d'anciens nazis en Europe ou dans leurs services secrets. Klaus Barbie, un des principaux chefs de la Gestapo lyonnaise, entra ainsi au service de la CIA et put se réfugier en Bolivie ; enfin extradé en 1983, il fut jugé à Lyon en 1987 et condamné à perpétuité pour crimes contre l'humanité, en particulier pour la rafle des 44 enfants orphelins d'Izieu. L’imprescriptibilité des crimes contre l’Humanité (intégrée par exemple dans le droit français en 1964), le réveil de la mémoire de la Shoah et l’action tenace de « chasseurs de nazis » tels que Simon Wiesenthal ou encore Serge Klarsfeld ont permis dans les années 1980-1990 la tenue d’une nouvelle série de procès. En particulier, René Bousquet, ancien chef de la police de Vichy et responsable de la majorité des déportations de France, fut abattu par un déséquilibré en 1993 à la veille d’être jugé. Son adjoint Jean Leguay était décédé avant procès. Le milicien Paul Touvier en 1994 et l’ancien haut fonctionnaire Maurice Papon en 1998 furent les premiers Français spécifiquement condamnés pour complicités de crimes contre l’humanité.

Attitude du monde extérieur « Comment tout un peuple en voie d’être exterminé a-t-il pu subir pareil destin ? Comment le monde entier a-t-il pu laisser s’accomplir pareille monstruosité sans tenter d’intervenir pour l’arrêter ou au moins pour la freiner ? Comment l’Europe chrétienne a-t-elle pu laisser périr le peuple d’Israël quand elle n’a pas contribué elle-même à leur massacre ? ». L'historien et ancien résistant catholique François Bédarida résumait en ces termes les questions angoissantes posées à l'humanité par la Shoah[115] . De manière générale, « sauf dans l’esprit d’une poignée de dirigeants nazis, les Juifs n’avaient pas été l’enjeu de la Seconde Guerre mondiale » (Tony Judt)[116] .

L'avant-guerre : frontières fermées et réfugiés refoulés Dans les années 1930, la plupart des pays occidentaux ont fermé leurs frontières aux victimes des persécutions antisémites en Allemagne et en Europe centrale. De 1939 à 1940, bien des Juifs autrichiens et allemands réfugiés ont même été internés comme « ressortissants ennemis » par la Grande-Bretagne et la France. De peur que le monde arabe et ses ressources pétrolifères ne basculent du côté du IIIe Reich, les Britanniques ferment la Palestine à l'émigration juive, et renouvellent sa limitation drastique par le Livre Blanc de 1939, pour la maintenir sans discontinuer pendant la guerre et jusqu'en 1948. En 1939, un navire chargé de réfugiés parti d'Europe, le Saint-Louis, est refoulé par les États-Unis et plusieurs États de l'aire caraïbe avant de devoir repartir pour les Pays-Bas. Les passagers y seront surpris par l'invasion allemande de

118


Shoah mai 1940 et les trois quarts d'entre eux exterminés. La conférence d'Évian sur les réfugiés, tenue du 6 au 15 juillet 1938, a constitué la démonstration publique la plus lamentable du refus général d'accueillir les Juifs. L'URSS, l'Italie fasciste et la Tchécoslovaquie n'ont même pas daigné envoyer un représentant. Les observateurs délégués par la Hongrie, la Pologne ou la Roumanie veulent juste savoir si l'on pourrait les aider à se débarrasser de leurs propres Juifs. Les autres pays ne veulent pas accueillir plus de réfugiés. C'est l'époque où le Canada explique qu'aucun réfugié serait encore trop (« none is too many »), où les États-Unis et l'Amérique latine pas encore remis de la Grande Dépression restreignent encore plus les entrées. La Suisse, jugeant par la bouche d'un conseiller fédéral que « la barque est pleine » (« Das Boot ist vol »), négocie avec les nazis pour refouler les réfugiés de son territoire : la Confédération demande elle-même à Berlin, et obtient en octobre 1938, que les passeports des Juifs allemands expulsés soient marqués de la lettre J à l'encre rouge indélébile[117] . Assuré que l’étranger ne portera aucun secours aux Juifs, Hitler peut renforcer sa politique raciste et, parallèlement au succès de Munich, lancer la nuit de Cristal, puis le génocide lui-même.

Les Alliés et la Solution finale Des hommes courageux ont bravé toutes les difficultés pour tenter de prévenir les Alliés. Ainsi le résistant chrétien Kurt Gerstein, entré dans la SS pour la combattre de l'intérieur, qui tente d'alerter le monde dès l'été 1942 sur les gazages qu'il a vu en personne à Belzec, et qui se suicide en 1945. Ainsi Jan Karski, délégué à Londres par la résistance polonaise. Depuis la Suisse, le télégramme Riegner du 8 août 1942 informe Londres et Washington de la Solution finale en cours. De façon générale, ces informations n'ont pas ou peu été crues, et n'ont suscité aucune réaction particulière des gouvernements et des opinions des pays alliés. Même des organisations juives ont refusé de croire les chiffres et les descriptions qui leur étaient faites de la machine de mort nazie[118] . Samuel Zygelbojm, représentant du Bund auprès du gouvernement polonais en exil à Londres, se donne la mort le 11 mai 1943 : « Par ma mort, je voudrais, pour la dernière fois, protester contre la passivité d’un monde qui assiste à l’extermination du peuple juif et l’admet ». L'incrédulité pouvait s'expliquer par le souvenir des excès de la propagande et du « bourrage de crâne » sous la Grande Guerre. Au-delà, elle a été encouragée par l'absence de précédent comparable et par le caractère inouï et impensable du crime. Les informations sur l'extermination des Juifs ont aussi circulé dès 1941 et surtout 1942 à la BBC, dans la presse anglo-saxonne et jusque dans une partie de la presse clandestine des pays occupés. Mais elles se mêlaient sans traitement spécifique à d'autres récits d'atrocités et à l'évocation d'autres enjeux et problèmes[119] . Les Alliés n'ont pas non plus toujours conscience de la spécificité du sort qui frappait le peuple juif. Ils n'ont dès lors pas voulu donner l'impression qu'ils privilégiaient une catégorie de victime par rapport à une autre. Winston Churchill, dont les services pouvaient déchiffrer les messages codés allemands grâce au système Enigma, savait dès l'été 1941 que les Einsatzgruppen massacraient systématiquement les Juifs soviétiques, mais dans ses discours publics, il dénonça ces horreurs sans jamais mentionner le caractère juif des victimes. Les Anglo-Saxons, sans parler des Soviétiques, n'ont pas non plus voulu donner l'impression qu'ils faisaient la guerre pour les Juifs, de peur notamment des réactions antisémites d'une partie de leur population. En URSS, l'antisémitisme traditionnel et le regain de nationalisme voire de chauvinisme suscité par la lutte contre l'Allemagne ne laissait guère de place à l'évocation spécifique du sort des Juifs. Aux États-Unis, une poussée d'antisémitisme dans l'opinion (certains taxaient le New Deal de Roosevelt de Jew Deal). Mais de manière plus générale, c'est aussi que l'attention des populations, attachés à survivre ou à gagner la guerre, n'était pas disposée à faire une priorité du sort d'une minorité (1 % de la population de France, 10 % de celle de Pologne). « Sauf dans l’esprit d’une poignée de dirigeants nazis, les Juifs n'[ont] pas été l’enjeu de la Seconde Guerre mondiale[116] . »

119


Shoah En décembre 1942, la quasi-totalité des gouvernements alliés font une déclaration commune solennelle contre le massacre des Juifs en Europe, et préviennent les responsables qu'ils seront poursuivis. Moins explicitement, le pape Pie XII dénonce dans son message radio de Noël la mort des innocents qui ont été voués à la mort en raison de leur seule race. Mais en 1943-1944, ces déclarations sont beaucoup plus rares ou inexistantes, alors que l'extermination continue à battre son plein. D'abord absorbés par la poursuite d'objectifs militaires, les Alliés semblent avoir pensé que la fin rapide de la guerre était la meilleure manière d'arrêter la persécution, sans saisir que le rythme industriel du massacre risquait de ne laisser que peu de Juifs encore en vie à la victoire. En 1944, au plus fort de la déportation des Juifs de Hongrie, Churchill se montre favorable à un bombardement sur les rails et les chambres à gaz d'Auschwitz, mais veut consulter d'abord les Américains : le projet est facilement bloqué à un niveau gouvernemental inférieur, sans même parvenir à Roosevelt. Que le bombardement d'Auschwitz ait pu ou non changer quoi que ce soit au sort des victimes, le fait est que son enjeu moral intrinsèque n'a guère été perçu, ni le silence des Alliés rompu[120] . Dans l'ensemble, la passivité et l'indifférence ont prévalu, sans conscience de la gravité exceptionnelle du crime en cours. Du 19 au 30 avril 1943, ainsi, la conférence qui se tient aux Bermudes sur l’aide possible aux Juifs d’Europe a lieu loin de tout et de tous, sans qu'aucune organisation juive ne soit représentée, ni les conférenciers aucun pouvoir de décision mais juste de recommandation. Elle s'en tient à des paroles. Le département d'État américain, dirigé par Cordell Hull, se montre d'une passivité particulièrement accablante, alors que les rapports officiels et officieux lui parviennent depuis 1942. Le ministre Henry Morgenthau, lui-même d'origine juive, n'ose pas intervenir longtemps en faveur des Juifs d'Europe, de peur d’être taxé de partialité. Mais c'est son rapport explosif de janvier 1944 contre l'inaction du département d'État qui fait tardivement réagir Roosevelt : le 22 janvier 1944, le président américain fonde le War Refugee Board (Bureau des réfugiés de guerre), dirigé par John Pehle. En 18 mois, le WRB sauvera des dizaines de milliers de personnes. Son envoyé en Roumanie, Ira Hirschmann, réussit à faire libérer les 48000 Juifs survivants de Transnistrie et à les faire partir en Turquie. Iver Olsen depuis la Suède ft sauver de nombreux survivants des pays Baltes et dépêche à Budapest Raoul Wallenberg. Il reste permis de se demander combien d'autres personnes auraient pu être sauvées si la prise de conscience et la volonté d'agir avaient été plus précoce[121] .

Les Églises et le Vatican du pape Pie XII Les chrétiens ont été l'un des plus importants groupes à fournir des Juste parmi les nations. Mais sur le plan institutionnel, l'attitude des Églises d'Europe face à la Shoah a été contrastée en fonction des pays, des hommes et des dignitaires. Des Églises nationales ont fermement protesté en tant que telles contre la persécution des Juifs : ainsi l'Église d'État luthérienne en Norvège, dont les évêques démissionnent collectivement en 1942 par rejet du gouvernement collaborateur de Quisling, ou encore les hiérarchies catholiques et protestantes des Pays-Bas en juillet 1942. Dans la France du régime de Vichy, le loyalisme de l'épiscopat envers le régime réactionnaire du maréchal Pétain a fait taire bien des langues. Seuls cinq évêques sur plus d'une centaine ont publiquement protesté contre les rafles de l'été 1942, dont l'archevêque de Marseille Mgr Delay, le cardinal Gerlier, primat des Gaules, à Lyon, Mgr Moussaron à Albi, Mgr Pierre-Marie Théas à Montauban, et surtout Mgr Jules Saliège à Toulouse. Toutefois, la peur d'un conflit avec l'Église a joué son rôle dans la décision de Pierre Laval de diminuer les déportations à partir de l'automne 1942[122] . Dans le Reich, où le concordat de 1933, le patriotisme en pleine guerre et le respect de l'ordre établi lient les mains à l'épiscopat national, les mêmes personnalités qui avaient condamné en chaire l'extermination des handicapés mentaux, à l'image de Mgr Clement von Galen, n'ont pas eu un mot en public sur le sort des Juifs. Les prêtres, pasteurs ou évêques qui se sont engagés dans le secours aux Juifs voire dans la Résistance l'ont généralement fait de leur seule initiative et sans encouragement aucun de leur hiérarchie.

120


Shoah Le pape Pie XII était sans doute le chef d'État le mieux informé sur le génocide, grâce aux informations qui pouvaient remonter à Rome depuis de multiples paroisses et diocèses de toute l'Europe. Son silence officiel lui a toutefois été beaucoup reproché, surtout à partir des années 1960.[réf. souhaitée] Les institutions religieuses de Rome ont abrité de nombreux Juifs, et le Saint-Siège, soutenue par l'épiscopat local, est intervenue par exemple pour obtenir l'arrêt des déportations dans la Slovaquie de Mgr Tiso, ou encore en Hongrie. Mais aucune protestation officielle ni aucune dénonciation publique claire du sort des Juifs n'a eu lieue, en dépit de l'immense prestige moral et diplomatique du Saint-Siège, et même lorsqu'une rafle eut lieu dans l'ancien ghetto de Rome « sous les fenêtres du pape » le 16 octobre 1943. Nul historien n'a jamais soupçonné le Pape d'hostilité quelconque aux Juifs. Les raisons de son silence énigmatique semblent avoir été complexes, et restent difficile à cerner tant que toutes les archives vaticanes relatives à ce pontificat ne seront pas disponibles. Parmi les raisons les plus fréquemment avancées par les historiens figurent la sous-estimation du sort qui attendait les Juifs et le refus de faire de leur sort une question prioritaire (ce qui fut le cas de tous les dirigeants alliés ou clandestins de la Seconde Guerre mondiale), le choix par tempérament de la diplomatie sur la confrontation et sur la parole de dénonciation, la peur d'attirer des représailles sur une Église allemande qu'il connaissait bien comme ancien nonce à Berlin, la focalisation sur le danger d'expansion du communisme athée (même si le pape refusa toujours de soutenir la « croisade » nazie contre l'URSS), l'espérance (finalement illusoire) enfin de servir d'intermédiaire dans de futures négociations de paix entre Alliés et Axe[123] [réf. insuffisante] .. À cette heure, la polémique qui entoure le « silence de Pie XII » n'est toujours pas éteinte[124] .

Les pays neutres L'Espagne du dictateur Franco, allié non-belligérant de Hitler, a tantôt accepté tantôt refoulé les réfugiés juifs. En 1926, le dictateur Primo de Rivera avait annulé le décret d'expulsion de 1492 à l'origine de la diaspora séfarade, et restitué la nationalité espagnole aux descendants qui en faisaient la demande, sous condition qu'ils ne reviennent pas vivre dans la péninsule. Cette disposition a permis à certains Sépharades des pays occupés de survivre à la Shoah. Par ailleurs, des diplomates et consuls espagnols ont ponctuellement secouru des descendants de Juifs d'Espagne là où ils étaient en poste, même si aucun ordre ne leur a jamais été donné en ce sens depuis Madrid. De nombreux espagnols ne se rendaient pas compte qu'une grande partie des réfugiés traversant les Pyrénées étaient Juifs. Le nombre de Juifs ayant échappé au génocide en passant par l'Espagne à partir de 1940 est estimé entre 20000 et 35000[125] . Au Portugal, 40000 Juifs étaient réfugiés dès 1940. Seuls 10000 parviendront à partir en Amérique, les États-Unis se refusant à desserrer les quotas. A Bordeaux et Bayonne, pendant l'exode de juin 1940, le consul portugais Aristides de Sousa Mendes désobéit à son gouvernement en délivrant des milliers de visa transit à des réfugiés notamment juifs. Sa carrière fut aussitôt brisée, et le dictateur Salazar devait s'acharner sur lui et sur sa famille bien après la guerre, le contraignant à mourir dans la misère. La Suisse affirmera pendant un demi-siècle avoir accueilli les réfugiés qu'elle pouvait et s'être tenue prête à se battre en cas d'invasion nazie. Mais les Helvètes ont dû faire face dans les années 1990 à la redécouverte d'une réalité historique en demi-teinte.[précision nécessaire] De fait, le pays n’a accueilli en réalité que 30000 Juifs[126] , dont 7000 seulement avant la guerre, et il a refoulé en pleine guerre ceux qui cherchaient secours chez elle, notamment les Juifs non accompagnés de leurs enfants - c'est ainsi que les parents de Saul Friedländer furent refoulés à l'été 1942 : retombés aux mains de Vichy, ils périrent déportés en octobre. Les réfugiés juifs acceptés n'avaient pas le droit de travailler, et devaient vivre sur les taxes spéciales prélevées par la Confédération sur ses riches résidents juifs. Elle en refoula 20000[126] . Par contre, Carl Lutz, un diplomate suisse, délivra 50000 certificats d'immigration permettant de mettre 50000 Juifs sous la protection suisse à Budapest[127] .

121


Shoah Les banques du pays ont aussi abrité et recyclé en connaissance de cause l’or pillé aux Juifs déportés, contribuant ainsi substantiellement à financer l’effort de guerre allemand. En revanche, contrairement à une légende, aucun train de déportés n'a transité par la Suisse[128] . La Suède a accueilli des milliers de réfugiés juifs et résistants, dont l'intégralité de la communauté danoise évacuée en septembre 1943. Toutefois, son gouvernement social-démocrate a continué jusqu'au bout à fournir le Reich en minerai de fer. La Turquie n'a jamais connu de son histoire de persécution des Juifs en tant que juifs, et elle sera l'un des rares pays musulmans à reconnaître Israël dès sa fondation. Si des milliers de Juifs ont trouvé asile en Turquie pendant la guerre, d'autres ont été refoulés. Ainsi, en février 1942, les 769 passagers roumains du Struma, qui espéraient passer en Palestine, sont refoulés d'Istanbul en accord avec les Britanniques et périssent noyés dans la mer Noire lors du torpillage accidentel de leur navire par un sous-marin soviétique[129] . Par ailleurs, dans le cadre d'une politique nationaliste de turquification forcée des minorités, la Turquie en guerre a lourdement taxé de 1942 à 1944 les non-musulmans et envoyé ceux d'entre eux incapables d’acquitter l’exorbitant impôt (jusqu'au double ou à plusieurs fois le revenu annuel de nombreuses personnes) dans des camps de travail, parmi lesquels un certain nombre de Juifs. Ce qui n'a pas empêché la communauté turque d'être intacte en 1945, même si, éprouvée, elle sera l'une des premières à émigrer en masse en Israël[130] .

Les communautés juives d'Amérique et de Palestine En mars 1943, Stephan Wise, ami personnel du président Roosevelt qu’il tente régulièrement d’alerter sur le sort des Juifs, rassemble 75000 manifestants à Madison Square Garden, à New York, contre le massacre en cours. Mais ce genre de démonstration reste exceptionnel pendant la guerre. Dans l'ensemble, la communauté juive américaine réputée si puissante n'a que peu poussé son gouvernement à agir en faveur des coreligionnaires d'Europe, par peur de favoriser une poussée d’antisémitisme aux États-Unis[131] . Un des derniers messages du ghetto de Varsovie insurgé, en avril 1943, s'adresse aux Juifs d'Amérique pour déplorer le silence et la passivité dont ils ont fait preuve au moment de la mort de leurs frères d'Europe. Dans son ouvrage Le Septième Million, paru en 1993 en Israël, l'historien Tom Seguev a montré que pour les dirigeants du Yichouv (la communauté juive de Palestine) et futurs fondateurs d'Israël, le sort des Juifs d'Europe n'avait constitué pendant la guerre qu'un problème secondaire. Les futurs fondateurs d'Israël, à commencer par David Ben Gourion, étaient plus soucieux de préparer l'après-guerre et la création de l'État juif, et se sentaient au demeurant impuissants à changer la situation en Europe. En 1944, le Congrès juif mondial a appelé à bombarder les chambres à gaz et les rails menant à Auschwitz, mais assez mollement, Chaim Weizmann se montrant favorables à la requête mais sans insister, et Ben Gourion hostile.

Sauvetages et Justes des nations La tragédie des Juifs a été généralement proportionnelle à leur degré d’isolement dans la société.

Les populations face à la Shoah À l’Est, ils ont d’autant plus presque tous péri qu’ils étaient abandonnés, ignorés ou méprisés par des populations largement antisémites. Par ailleurs, celles-ci étaient soumises elles-mêmes à une terreur de masse permanente qui mettait en danger de mort immédiat tout auteur d’un geste de compassion ainsi que sa propre famille. Des Polonais ou des Ukrainiens furent sauvagement suppliciés en public pour avoir donné un morceau de pain ou un asile à des Juifs, des familles entières pendues, fusillées ou déportées pour leur être venues en aide. Mais malgré le contentieux antisémite et la terreur nazie, la Pologne compte aussi plus de 5000 Justes des nations reconnus à cette heure par Yad Vashem, soit le plus grand nombre en Europe.

122


Shoah En Allemagne, les dénégations d'après-guerre (« Nous ne savions pas ») ne recouvrent pas la réalité historique : lettres du front, journaux intimes, rapports de police (sans oublier en 1945 le spectacle des marches de la mort), permettent d'établir qu'entre la moitié et les deux tiers de la population adulte du Reich ont su que les Juifs étaient non seulement déportés mais exterminés, même si les modalités précises de la mise à mort étaient plus rarement connus, et même si beaucoup ont préféré détourner les yeux par indifférence, par peur, par conformisme, par incrédulité ou par intérêt[132] . La résistance allemande au nazisme n'a pas toujours perçu l'antisémitisme comme une question centrale, et certains conjurés du complot du 20 juillet 1944 contre Adolf Hitler restaient convaincus de l'existence d'une « question juive » voire de la nécessité d'une législation restreignant « l'influence juive ». Mais le programme des comploteurs prévoyait explicitement l'arrêt des persécutions et la restitution des biens volés, et l'échec de la tentative pour renverser Hitler a bien empêché l'arrêt immédiat de la Shoah. Dans le Reich, des individualités courageuses ont fait preuve de compassion, comme Mgr Lichtenberg, mort déporté pour avoir prié à Berlin pour les Juifs. En 1943, dans la Rosenstrasse à Berlin, des conjointes de Juifs manifestent avec succès pour obtenir la libération de leurs maris, un épisode resté toutefois exceptionnel. Malgré les risques et la surveillance totalitaire de la Gestapo, quelques rares milliers de Juifs ont réussi à survivre clandestinement dans les villes allemandes jusqu'à la fin (surnommés les U-Boat ou « sous-marins ») grâce à l'aide d'Allemands « aryens » dévoués. Aux Pays-Bas, pays sans tradition antisémite, une grève générale de solidarité paralyse Amsterdam pour plusieurs jours lorsqu’en février 1941, les Allemands déportent 365 Juifs à Mauthausen et Buchenwald[133] . Cette première grève antiraciste de l’Histoire échoue à sauver les victimes, mais manifeste un refus collectif de la persécution peu fréquent dans l’Europe du temps. La Résistance locale et de nombreux individus viendront en aide à des Israélites, sans toutefois empêcher la mort de 80 % de la communauté. Contrairement à une idée reçue, ce bilan d’échec n’est pas dû à l’absence de montagnes et de forêts pour cacher les persécutés hollandais[134] . En effet, des centaines de milliers de résistants, de réfractaires au STO et de Juifs ont réussi à se cacher dans les villes jusqu’en 1945. Le problème a surtout tenu dans la division traditionnelle de la société néerlandaise en communautés politiques et religieuses très cloisonnées (la « pilarisation », c'est-à-dire les piliers[135] ) : sans relations suffisantes en dehors de leur propre communauté, ghettoïsée puis anéantie, les Juifs hollandais ne pouvaient espérer trouver d’aide extérieure salvatrice. En France et en Belgique, la mise en œuvre de la Shoah prend une dimension éminemment xénophobe, car le régime de Vichy apporte l'aide de sa police à la déportation de Juifs étrangers, en croyant à tort que les Allemands épargneront ainsi les Juifs français (alors même qu’ils n’avaient jamais reçu la moindre promesse ne serait-ce que verbale en ce sens). En Belgique, où la très grande majorité des Juifs n'a pas la nationalité belge, les Allemands ont l’habileté d’exempter les Juifs de nationalité belge des premières déportations[136] . De ce fait, l’administration ne protestera pas, et les seules interventions tardives, comme celles de la reine-mère Élisabeth, ne concerneront que les Juifs belges. 44 % des Juifs du royaume trouveront la mort. Toutefois, la Belgique compte aussi plus de 1500 Justes. Et dans l’Hexagone, la mobilisation de nombreux inconnus, d’hommes d’Église, de couvents, de filières de résistance ou de réseaux de solidarité (tout comme le relatif désintérêt des Allemands pour la France en tant que pays de déportation) a permis aux trois quarts des Juifs de France de voir la fin de la guerre, une proportion exceptionnelle en Occident.

123


Shoah

124

Les sauvetages collectifs : Bulgarie et Danemark En Bulgarie en mars 1943, un vaste mouvement d'opinion oblige le roi et le Parlement à reculer et à refuser de livrer les Juifs nationaux aux nazis. Malgré la présence de la Wehrmacht sur le sol de son allié, la communauté bulgare survit intégralement à la guerre. En revanche, Sofia accepte d’arrêter et de déporter plus de 13000 Juifs de la Thrace et de la Macédoine occupés par ses troupes. Au Danemark, le roi Christian X menace de porter lui-même l'étoile jaune si les Allemands cherchent à l'imposer. En septembre 1943, lorsqu'une indiscrétion volontaire d'un diplomate allemand fait connaître le projet de déportation des quelques 7000 Juifs, la population se mobilise pour faire passer la communauté en Suède neutre à travers le détroit de Copenhague. En plusieurs nuits, avec la bienveillance de la police et de l'administration, une flottille de petits navires conduit à bon port ceux qu'une chaîne de complicités a permis d'acheminer en cachette jusqu’aux quais.

Des alliés de Hitler entre compromissions et réticences La Finlande, suite au scandale dans l'opinion, n'a finalement livré que 9 des 34 Juifs étrangers prévus, mais un seul de ces neuf survivra. Les Japonais, qui se sont illustrés par d'innombrables crimes de guerre en Asie, ne donnent pas suite pour autant aux demandes de leur allié Hitler de s'en prendre aux 20000 Juifs allemands réfugiés à Shanghai après 1933. L'antisémitisme idéologique des nazis leur reste incompréhensible, et par le plan Fugu, ils tentent au contraire d'utiliser ces réfugiés souvent hautement qualifiés pour mettre en valeur la Mandchourie occupée. D’autres alliés de Hitler se sont arrêtés à mi-chemin dans leur participation active à la Shoah. En Hongrie, bien que soumis à une législation antisémite depuis l'entre-deux-guerres, les Juifs hongrois ne sont pas livrés à la déportation tant que la Wehrmacht n’envahit pas le pays en mars 1944. L’amiral Horthy s’oppose à nouveau aux déportations, qui sont suspendues en juillet, mais elles reprennent à l’automne quand il est évincé par les nazis au profit des collaborationnistes fascistes, les Croix fléchées. La Roumanie, qui a massacré plus de 200000 Juifs hors de ses frontières, a refusé de livrer ses Juifs nationaux, qui ont survécu. État antisémite, la Slovaquie de Mgr Tiso, satellite du Reich, a d'abord livré par dizaines de milliers ses ressortissants Juifs au début de l'année 1942, avant de se raviser, notamment sous la pression du Vatican, et de suspendre les déportations. Après l’écrasement du soulèvement national slovaque d’août 1944, les nazis et les collaborationnistes reprennent les déportations racistes. L'Italie fasciste de Mussolini se voit généralement gratifiée d'avoir protégé les Juifs dans ses zones d'occupation. Ainsi, dans les sept départements français occupés par l'armée italienne entre novembre 1942 et le 8 septembre 1943, l'administration militaire a refusé toute déportation et n'a pas hésité à rappeler à l'ordre les autorités du régime de Vichy quand elles s'en prenaient à des Israélites. De ce fait, de nombreux Juifs de France affluent dans la zone italienne, où les rafles et les déportations commencent en revanche à leur tour dès l’arrivée des Allemands.

Camp d'internement pour Juifs italiens à Fossoli, une des antichambres d'Auschwitz.

Toutefois, l'historiographie récente a nuancé fortement cette représentation d'un fascisme protecteur des Juifs. Ainsi qu'elle l'a démontré, Mussolini était devenu personnellement raciste et antisémite au moment de la conquête de l'Éthiopie (1935-1936) puis avec la radicalisation de son régime dans un sens totalitaire, à la fin des années 1930. De ce fait, les lois antijuives adoptées en Italie en 1938 ne doivent rien à une volonté d'imiter son allié Hitler, et répondent à une conversion réelle du régime à l'antisémitisme. Plus appliquées que ce que l'on a longtemps cru, elles ont fragilisé les Juifs italiens et préparé en partie le terrain aux Allemands. Elles étaient d’autant plus graves que l’Italie n’avait pas de tradition antisémite et que les Juifs étaient traditionnellement nombreux et bien acceptés dans l’armée, dans l’administration ou dans le mouvement fasciste


Shoah lui-même. D'autre part, le refus des Italiens de livrer les Juifs doit beaucoup plus à une volonté de se saisir de l'occasion pour montrer aux Allemands qu'ils étaient les maîtres dans leurs zones eux qu'à une quelconque sympathie pour les Juifs, selon les historiens actuels. Aucune instruction de protéger les Juifs ne fut jamais donnée par le gouvernement de Rome, et il arriva même que les troupes italiennes livrent en certains endroits des Juifs aux nazis, ainsi lors de la déportation des Juifs de Tirana en Albanie. Après l'invasion de l'Italie en septembre 1943, les très violentes milices fascistes de la République de Salo collaborent activement à la traque et à l'assassinat des Juifs. Près de 9000 Juifs italiens ont été déportés.

Dévouements individuels et organisés Décerné par Yad Vashem, le titre de « Juste parmi les nations » honore les non-Juifs qui ont sauvé des Juifs de la Shoah pour des motifs désintéressés. Ne sont donc pas abordés ici ceux qui ont vendu des faux papiers aux Juifs parfois à prix d’or, ou qui en ont fait passer en Espagne ou en Suisse contre de l’argent - certains passeurs peu scrupuleux vendaient même leurs clients aux nazis après avoir touché la somme due ; la plupart des passeurs, bénévoles et courageux, ont offert leur aide au risque de leur vie ou de leur liberté. À Marseille, l'Américain Varian Fry parvient en 1940 à faire sortir plus de 2000 intellectuels et artistes d'Europe dont de nombreux Juifs. En 1944 à Budapest, le diplomate suédois Raoul Wallenberg sauve plus de 20000 israélites hongrois, notamment en distribuant des passeports de complaisance. Les institutions religieuses sont sur-représentées dans l’aide aux Juifs, souvent dissimulés dans des couvents ou des pensionnats religieux. Des faux certificats de baptême ont été délivrés par d’innombrables curés et pasteurs. Malgré leurs sympathies pétainistes, un grand nombre d’évêques français ont fait donner asile à des Juifs. À Rome, le silence officiel du pape Pie XII n’empêcha nullement les institutions Un des nombreux passeports suédois délivrés par religieuses liées au Vatican d’abriter et de sauver des milliers de Raoul Wallenberg à des Juifs de Budapest en pourchassés. D’autres organisations d’inspiration religieuse étaient plus 1944. proches de la Résistance spirituelle. Ainsi de nombreux enfants raflés à Lyon ont-ils été sortis en une nuit du camp de Villeurbanne (28 août 1942) par l’Amitié chrétienne de l’abbé Glasberg et du R.P. Pierre Chaillet, fondateur de Témoignage chrétien.

125


Shoah

126 Des villages entiers sont parfois venus au secours des persécutés, comme les villages protestants de Nieuwlande en Hollande, de Dieulefit dans la Drôme et du Chambon-sur-Lignon en Haute-Loire, ce dernier étant collectivement reconnu comme Juste. Minorité jadis persécutée par le pouvoir royal, les protestants français ont été particulièrement nombreux à se dévouer aux nouveaux proscrits.

Des fonctionnaires, des policiers, des soldats, des entreprises ont refusé de participer à la persécution, à la spoliation ou à la déportation. Quelques policiers échappés de la préfecture où ils étaient consignés réussissent à avertir et sauver des Juifs parisiens à la veille de la rafle Une rescapée de la Shoah montre le nom du Juste du Vel’ d’Hiv’. Des responsables de la préfecture, le 18 juillet 1942, ont qui l'a sauvée, Yad Vashem, Jérusalem. sauvé la quasi-totalité des centaines de Juifs visés par la rafle manquée de Nancy. Oskar Schindler, employeur allemand de main-d’œuvre forcée juive à Cracovie, sauve 1200 d’entre eux de la mort lorsqu’il comprend le sort qui leur est réservé. Surtout à l’Ouest, beaucoup d’Européens sont venus en aide aux Juifs comme à une catégorie de parias parmi d’autres, sans avoir conscience eux-mêmes du sort spécifique qui les attendait par rapport aux prisonniers évadés, aux résistants ou aux réfractaires au STO. Même lorsqu’ils sauvaient des gens de l’extermination, peu d’individus et de mouvements ont été à l’époque particulièrement conscients des projets réels de Hitler et de la centralité du racisme et de l’antisémitisme dans l’idéologie nazie.

Bilan Culturel La Shoah est, entre autres, un anéantissement culturel. Le yiddishland d'Europe centrale et orientale a pratiquement disparu, et l'on estime que les trois quarts des locuteurs du yiddish ont disparu pendant la guerre. La France a perdu le quart de sa population juive, même si le monde israélite français en tant que tel continue d'exister (des synagogues et des écoles juives sont même restées ouvertes à Paris toute l'Occupation), en revanche, les communautés juives d'Amsterdam, Berlin, Vienne, Budapest ou Vilnius ont été éradiquées à plus de 80 ou 90 %. À Vilnius, ce sont 32000 Juifs qui sont assassinés lors des pogroms du début du conflit[137] . Les nazis ont aussi cherché à effacer toute trace du passé juif multiséculaire en spoliant leurs victimes de tous leurs biens et œuvres d'art, en détruisant les synagogues, en brûlant des livres de prières, en retournant les cimetières. Ce n'est pas le peuple juif qui a perdu un grand nombre de ses enfants, mais les rares survivants qui ont perdu leur peuple et leur univers, sans Restes du ghetto de Varsovie en 1945. retour possible[138] .[réf. incomplète]. Marek Edelman, un des rares chefs survivants du soulèvement du ghetto de Varsovie, déclarera ainsi devant la destruction de 97 % de la communauté polonaise : « Dans le monde, il n'y a plus de Juifs. Ce peuple n'existe pas. Et il n'y en aura pas[139] . »


Shoah

127

Bilans chiffrés des victimes Les estimations du nombre de Juifs tués lors de l'Holocauste varient pour les spécialistes entre 5.1 millions (l'historien Raul Hilberg) et 6 millions (l'économiste et statisticien Jacob Lestchinsky). On parle de 6 millions de victimes en référence au chiffre cité dès le procès de Nuremberg, justifié dans Le Bréviaire de la Haine de Léon Poliakov[140] et repris au procès d'Adolf Eichmann. Le Yad Vashem a pu retrouver le nom d'un peu plus de 4 millions d'entre elles[141] , selon ses propres estimations.

L'Europe du génocide.

À la fin de son ouvrage La Destruction des Juifs d'Europe, Raul Hilberg tente de chiffrer globalement les victimes. Il répartit les chiffres en trois catégories[142] : 1. Morts consécutives aux privations, en particulier, la faim et la maladie dans les ghettos. 2. Morts par fusillades. 3. Morts consécutives aux déportations vers les camps d'extermination. Les estimations proviennent de rapports émanant notamment des services allemands, des autorités satellites et des conseils juifs. Ils ont ensuite été affinés grâce aux comparaisons entre les statistiques d'avant-guerre et celles d'après-guerre. Hilberg s'efforce de faire des corrections pour ne prendre en compte que les Juifs victimes de la Shoah et écarter ceux dont la mort peut être imputée à la guerre. Cette dissociation est souvent délicate. Ainsi, lorsque l'Allemagne envahit l'URSS, un million et demi de Juifs quittent leur domicile, au même titre qu'un nombre plus important de non-juifs parmi lesquels la mortalité est supérieure à la normale. Un autre problème dans l'estimation du nombre de victimes tient au fait que 70 % des victimes proviennent de la Pologne et de l'URSS et que les frontières de ces deux pays ne cessent d'évoluer tout au long de la guerre si bien que les statistiques de la bureaucratie nazie se réfèrent souvent à des territoires dont les frontières sont mouvantes[143] . En résumé, l'ampleur du génocide lui-même, les circonstances de la persécution et de la guerre, l'ambiguïté même de la qualité de Juif rendent impossible de chiffrer précisément le nombre de victimes, encore moins de les catégoriser : Hilberg donne finalement l'estimation de 5.1 millions de victimes juives.


Shoah

128

Les victimes par pays D’après Raul Hilberg dans Selon les frontières d’avant guerre[144] . Les quelques pourcentages indiqués sont tirés du site du CCLJ[145] : • Pologne : plus de 3000000 (8 % de survivants) • URSS : plus de 700000 • Roumanie : 270000 • Tchécoslovaquie : 260000 • Hongrie : plus de 180000 • Lituanie : jusqu'à 130000 • Allemagne : 130000 • Pays-Bas : plus de 100000 (25 % de survivants)

• • • • • • • • • • •

La proportion des morts de l'Holocauste sur l'ensemble des crimes nazis.

France : 75000 Lettonie : 70000 Yougoslavie : 60000 Grèce : 60000 Autriche : plus de 50000 Belgique : 24000 Italie (Rhodes comprise) : 9000 Estonie : 1000 Norvège : moins de 1000 Luxembourg : moins de 1000 Ville libre de Dantzig : moins de 1000

Total : Environ 5122000 Le tableau se réfère aux frontières de 1937. Les Juifs convertis au christianisme sont compris dans ces chiffres et les réfugiés sont comptés dans les pays à partir desquels ils ont été déportés. Selon Jacob Robinson[146] : • Pologne et URSS : 4565000 • Allemagne : 125000 • Autriche : 65000 • Tchécoslovaquie (dans les frontières de 1937) : 277000 • Hongrie (dans les frontières de 1942) : 402000 • France : 83000 • Belgique : 24000 • Luxembourg : 700 • Italie : 7500 • Pays-Bas : 106000 • Norvège : 760 • Roumanie : 40000 • Yougoslavie : 60000 Les noms des victimes sur les murs de la synagogue Pinkasova à Prague.

• Grèce : 65000 Total : 5820960


Shoah

129

Les victimes par année D'après Hilberg[144] • • • • • •

1933-1940 : < 100000 1941 : 1100000 1942 : 2600000 1943 : 600000 1944 : 600000 1945 : > 100000

Total : 5100000

Nombre de victimes selon la cause du décès D'après Hilberg[147] . • Constitution de ghettos et privations : plus de 800000 • Ghettos de l'Europe de l’Est sous occupation allemande : plus de 600000 • Theresienstadt et privations à l'extérieur des Ghettos : 100000 • Colonies de Transnistrie (Juifs roumains et soviétiques) : 100000 • Fusillades à ciel ouvert : 1400000 • Camps : 2900000 • Camps d'extermination créés par l'Allemagne • Auschwitz : jusqu'à 1000000 • Treblinka : jusqu'à 800000 • Belzec : 434508

Charnier de Bergen-Belsen, avril 1945.

• Sobibor : plus de 150000 • Chełmno (Kulmhof) : 150000 • Majdanek (Lublin) : 50000 • Camps responsables de quelques dizaines de milliers de victimes ou moins : 150000 • Camps créés par la Roumanie : 100000 • Camps créés par la Croatie et autres : moins de 50000 Total : 5100000, dont 2700000 dans les chambres à gaz.

Les victimes françaises Selon des chiffres établis par l'association des Fils et filles de déportés juifs de France présidée par Serge Klarsfeld et publiés en 1985 • 75721 Juifs, dont près de 11000 enfants, ont été déportés de France de mars 1942 à août 1944, la plupart vers le camp d'Auschwitz. • 74 convois au total sont partis en direction des camps de concentration ou d'extermination, le premier de Compiègne le 27 mars 1942 et le dernier de Clermont-Ferrand le 18 août 1944. • Près de 90 % de ces 76000 Juifs ont été déportés de France vers Auschwitz. Les 43 convois déportés en 1942, l'ont été en direction d'Auschwitz-Birkenau. En 1943, sur 17 convois de déportés, 13 étaient à destination d'Auschwitz et 4 de Sobibor. En 1944, les 14 convois étaient aussi à destination d'Auschwitz, sauf un parti pour Kaunas et Reval(voir convoi 73). • 2566 survivants étaient comptabilisés à la Libération en 1945, soit environ 3 % des déportés.


Shoah • Avec les 3000 morts dans les camps d'internement avant la déportation et le millier d'exécutions de Juifs, le bilan de la « solution finale » en France a atteint 80000 victimes. • Les nationalités les plus touchées parmi les Juifs déportés de France ont été les Polonais (environ 26000), les Français (24000 dont plus de 7000 sont des enfants nés en France de parents étrangers), les Allemands (7000), les Russes (4500), les Roumains (3300), les Autrichiens (2500), les Grecs (1500), les Turcs (1300), les Hongrois (1200). • Au moins 85 % des Juifs déportés de France ont été arrêtés par les forces de police françaises.

Conséquences et mémoire de la Shoah L’importance centrale de la Shoah dans la mémoire occidentale ne fut acquise qu’à partir de sa redécouverte dans les années 1970, et d’une meilleure compréhension de sa spécificité[148] . À l’heure actuelle, comme le note l’historien Tony Judt, la Shoah est devenue une pierre angulaire de l’identité européenne : « nier ou rabaisser la Shoah, c’est s’exclure soi-même du champ du discours public civilisé. (…) Sa mémoire est devenue la définition et la garantie même de l’humanité restaurée du continent[149] . »

Impact sur le droit international La Shoah marque un tournant historique car elle est l'occasion d'une prise de conscience internationale amenant plusieurs faits majeurs : • la création d'un tribunal international pour juger les crimes nazis, qui a servi de modèle au Tribunal de Tokyo, et à la cour pénale internationale de La Haye ; • la création de la notion juridique de crime contre l'humanité, imprescriptible ; • un mouvement de sympathie pour la création d'un État juif, Israël, au Proche-Orient ; • la proscription de l'antisémitisme en Occident : très répandu et considéré comme une opinion parmi d'autres avant la Shoah, il est désormais un tabou dans la sphère publique et un délit passible des lois, de même que dans certains pays la négation du judéocide ; • la création du concept de génocide, appliqué a posteriori à des phénomènes antérieurs (génocide arménien, génocide des Hereros), puis postérieurs (génocide au Rwanda, massacre de Srebrenica, etc.). Ce concept ne figure pas dans l'acte final du procès de Nuremberg, afin d'éviter des critiques juridiques sur la non-rétroactivité des lois pénales.

Réparations morales et reconnaissance du passé Les pays communistes refusèrent longtemps toute indemnisation des victimes juives, gommèrent l’identité juive des victimes du nazisme et n’admirent aucunement la responsabilité de leurs États dans les crimes passés. La RDA rejeta ainsi la responsabilité du crime sur les capitalistes ouest-allemands, et ne reconnut la responsabilité du peuple allemand dans la Shoah qu’après les premières élections libres de 1990, à la veille de disparaître. Après-guerre, le procureur de Hesse Fritz Bauer ne fut pas avare de ses efforts afin d'obtenir justice et compensations aux victimes du régime nazi. En 1958, il réussit à obtenir qu'un procès en action collective certifié ait lieu; le recueil des nombreuses réclamations individuelles de victimes aboutira aux procès dits “d'Auschwitz” de Francfort, dont la procédure débuta en 1963. Bauer fonda également, avec Gerhard Szczesny, le Syndicat Humaniste, une organisation des droits de l'Homme, en 1961. Après la mort de Bauer, l'Union fit un don pour financer le Prix Fritz Bauer. De plus, l'Institut Fritz Bauer, fut fondé en 1995, une organisation à but non lucratif consacrée aux droits civils, qui se concentre sur l'histoire et les conséquences de l'Holocauste. En 1970, le chancelier ouest-allemand Willy Brandt s’agenouilla spectaculairement devant le monument à la mémoire du ghetto de Varsovie.

130


Shoah

131

En 1995, lors d'un voyage en Israël, la reine Beatrix des Pays-Bas évoqua publiquement le sort des Juifs du pays, exterminés à 80 %. L'État avait attendu 1972 pour accepter de verser une indemnité aux rescapés[150] . En juillet 1995, le président Jacques Chirac reconnut la responsabilité de l’État français dans la rafle du Vel’ d’Hiv’ et la déportation des Juifs, évoquant la « dette imprescriptible » à leur égard. Dès sa première élection en 1990, le président polonais Lech Wałęsa s'est rendu en Israël pour dénoncer devant la Knesset l'antisémitisme passé et présent en Pologne, message confirmé en juillet 1991 pour l'anniversaire du pogrome de Kielce (juillet 1946). Néanmoins, il ne prononce pas une seule fois le mot « juif » lors de son discours au 50e anniversaire de la libération d’Auschwitz en 1995. Son successeur Aleksander Kwaśniewski a prononcé en juillet 2001 un discours solennel à l'occasion de l'anniversaire du massacre, à Jedwabne en 1941, d'un millier de Juifs par leurs voisins polonais, et a reconnu la responsabilité des Polonais dans ce crime et fait acte de repentance. Ces prises de position font suite à d'intenses débats publics dans le pays, notamment à propos du pogrome de Jedwabne[151] , au développement de la recherche historique et des actions associatives et éducatives depuis l'avènement de la démocratie[152] . En 2005, à la veille de l’entrée de son pays dans l’union européenne, le président Ion Iliescu reconnaît que la Roumanie a participé à la Shoah[153] . Le rapprochement judéo-chrétien conduit depuis l'entre-deux-guerres et relancé par le concile de Vatican II (1962-1965) (où la Shoah, encore peu redécouverte en Europe, n'a pas été évoquée) a parfois butté sur la question de l'attitude de la Papauté et d'une partie du clergé et des fidèles pendant le génocide. L'installation du carmel d'Auschwitz dans l'enceinte du camp, dans les années 1980, a provoqué une controverse longue de dix ans, les organisations juives dénonçant une tentative de gommer la spécificité juive du lieu au profit d'une « christianisation » et d'une récupération de la Shoah. Jean-Paul II, ancien archevêque de Cracovie et qui s'est rendu plusieurs fois à Auschwitz, mit fin à la polémique en 1993 en ordonnant le départ des carmélites. En septembre 1997, l'épiscopat français publiait à Drancy une déclaration de repentance pour les réactions insuffisantes de l'Église de France pendant la persécution raciale. En 1998, après plus de dix ans de travaux d'une commission d'historiens et d'hommes d'Église, la publication par le Vatican du document Souvenons-nous : une réflexion sur la Shoah n'apporta pas pleine satisfaction aux représentants juifs. Toutefois, la condamnation répétée de l'antisémitisme par Rome et par les Églises nationales (y compris polonaise), les demandes de pardon pour le long antijudaïsme du passé et les voyages de Jean-Paul II et Benoït XVI à Auschwitz ont démontré la rupture officielle de l'Église avec toute tentation antisémite. En mars 2008, la chancelière allemande Angela Merkel a évoqué la Shoah dans un discours devant la Knesset. « Nous autres, Allemands, la Shoah nous emplit de honte. Je m’incline devant ses victimes, ses survivants et ceux qui les ont aidés à survivre[154] ».

Réparations financières et restitutions des biens volés Dès l'après-guerre, une partie des biens volés aux Juifs ont pu être restitués. Mais c'est dans les années 1990 que l'aryanisation a commencé à faire l'objet d'études historiques spécifiques et d'enquêtes publiques approfondies, ainsi avec la mission Mattéoli mise en place en 1997 par le gouvernement français. En 1953, un traité signé entre la RFA et Israël prévoie le versement par Bonn d'une importante indemnité. Il est ratifié malgré l'opposition d'une partie de la classe politique allemande et de certains Israéliens choqués que Ben Gourion ait négocié directement avec les Allemands

Chaussures récupérées par les nazis sur les déportés gazés, Maidanek.


Shoah et Adenauer. Le traité sera scrupuleusement appliqué, avec 845 millions de dollars versés en 1965, 5000 employés fédéraux occupés à traiter 4276000 demandes. En 1973, le travail est considéré comme achevé à 95 %. Les réparations ont occupé jusqu'à 5 % du budget fédéral de l'Allemagne de l'Ouest[155] . À la fin des années 1980, près de 30 milliards de dollars d'indemnisations ont été versés, ce qui était conforme et même supérieur aux attentes des signataires du texte de 1953[156] . Les industries qui avaient exploité la main-d'œuvre concentrationnaire juive ont refusé après-guerre de reconnaître la moindre responsabilité morale et de verser la moindre indemnité. Selon Paul Johston, les grandes entreprises allemandes « ont résisté pied à pied à toute demande d’indemnisation dans un étonnant mélange de mesquinerie et d’arrogance ». 13 millions de dollars avaient été versés au milieu des années 1980 à moins de 15000 Juifs rescapés (les anciens esclaves d'IG Farben touchant 1700 $ chacun, ceux d'AEG Telefunken 500 $, d'autres encore moins) et rien n'avait été versé aux familles de ceux morts d’épuisement. Ce n'est qu'en 1999 qu'un fonds de compensation sera mis en place en Allemagne et en Autriche pour les anciens travailleurs forcés juifs des camps de la mort et des camps de travail, voire pour une partie des travailleurs civils amenés de force en Allemagne. Les États communistes refuseront de reconnaître la moindre responsabilité dans un crime attribué au capitalisme occidental, et a fortiori de verser la moindre indemnité jusqu'à leur disparition. L'Autriche, dont les foules avaient réservé un accueil triomphal à Hitler en 1938 et qui a fourni de loin la plus forte proportion de militants du NSDAP et de tueurs de la Shoah, se présentera comme « première victime du nazisme » et refusera durablement toute reconnaissance morale et financière.

Mémoire de la Shoah De l'occultation... Dans les premières années de l'après-guerre, la notion récente de génocide est loin d'être comprise par tout le monde, et beaucoup de contemporains n'ont pas conscience de la spécificité du sort qui a frappé le peuple juif, quand ils ne refusent pas de croire ou d'écouter les survivants, ou quand ils ne soupçonnent pas ceux-ci d'exagérer ou d'avoir collaboré pour survivre. Bien des rescapés, déjà fort peu nombreux, n'ont aucune envie d'insister eux-mêmes sur leur particularité, et préfèrent afficher leur appartenance retrouvée à la communauté nationale. C'est ainsi qu'en France, les victimes des déportations sont souvent absurdement déclarées « mortes pour la France », comme si enfants, vieillards et femmes étaient morts au champ d’honneur[157] . Le camp paradigmatique de l'enfer nazi n'est pas alors Auschwitz, lointain et maintenant inaccessible derrière le rideau de fer, mais Buchenwald, haut-lieu du martyre de la Résistance européenne. Antisémitisme officiel à l'Est oblige, rien sur le monument de Babi Yar en URSS ou de Birkenau en Pologne n'indique le caractère juif des victimes, et le musée national d'Auschwitz présente le camp comme le lieu de martyre des résistants de Pologne et d'Europe. Birkenau, où se trouvaient les chambres à gaz, est délaissé par les guides et les visiteurs jusqu'aux années 1990, et livré aux mauvaises herbes et à l'abandon relatif, après avoir été déjà saccagé en partie à la libération par des civils polonais à la recherche de « l'or juif » et de matériaux à récupérer. L'occultation se retrouve aussi de l'autre côté de l'Europe. C'est l'époque où Nuit et brouillard d'Alain Resnais (1955) peut montrer les chambres à gaz sans parler des Juifs. À la fin des années 1970, lors de l'élaboration du pavillon français à Auschwitz, un fonctionnaire obtient encore qu'il ne soit pas fait plus mention des Juifs que d'autres catégories, et que la collaboration et les divisions civiles françaises soient escamotées[158] . Le chef-d'œuvre de Primo Levi, Si c'est un homme (1945), a eu le plus grand mal à trouver un éditeur puis un public jusqu'aux années 1970. Le succès mondial dès les années 1950 du Journal d'Anne Frank et de ses adaptations théâtrale et filmique fait exception, en partie parce qu'il s'arrête à l'arrestation de la jeune fille et ne décrit ni la déportation ni l'extermination. En France, dès 1951, Léon Poliakov publie la première grande étude de la politique d'extermination des Juifs menée par les nazis dans son ouvrage Le Bréviaire de la Haine, préfacé par François Mauriac.

132


Shoah

133

Globalement, les États et les peuples préfèrent après-guerre mettre l'accent sur l'héroïsme des résistants et des combattants, plutôt que sur la souffrance et les victimes. Implicitement, ceux qui ont enduré la déportation sans avoir rien fait sinon naître juifs sont perçus comme forcément moins méritants que les résistants qui savent pourquoi ils ont été déportés[157] . Même Israël ne se référa pas à sa naissance à la Shoah, et préféra insister sur les quelques héros qui ont combattu les nazis les armes à la main plutôt que sur la masse de ceux tués sans pouvoir se défendre. Significativement, le génocide est commémoré le 19 avril, anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie, et sous le nom de « Jour des Héros ». ...à la centralité La perspective ne se renverse qu'à partir du procès d'Adolf Eichmann en 1961, de la guerre des Six Jours (1967) avant laquelle l'opinion mondiale a sincèrement craint un « nouvel Auschwitz » en cas de victoire arabe, du réveil de la mémoire juive avec le changement de génération, et surtout des années 1970, où la spécificité de l'Holocauste et sa centralité sont désormais mieux établis par les historiens et mieux portés à connaissance d'un large public. La diffusion de la série télévisée Holocauste (1979) eut ainsi un énorme impact sur le public notamment américain ou allemand, comme ultérieurement les succès de La Liste de Schindler de Steven Spielberg ou de La Vie est belle de Roberto Benigni. En 1985, le documentaire Shoah de Claude Lanzmann eut un impact tel que le mot servit désormais à désigner le judéocide dans la plupart des langues, sauf les pays-anglo-saxons restés fidèles au terme d'Holocauste (cf. infra pour précisions). La nécessité de lutter contre les faussaires négationnistes à partir des années 1970 a également stimulé les travaux historiques et poussé de nombreux témoins à sortir de leur silence. Aucun nazi n'a jamais nié le crime lors de son procès, confirmé par les témoignages des victimes et de maints bourreaux, et les preuves matérielles et documentaires surabondaient, y compris de la main même des plus hauts responsables (journal de Goebbels, rapports et discours secrets de Himmler, testament de Hitler). Mais à partir des années 1970, dans le sillage de pionniers tels que les écrivains Maurice Bardèche (fasciste revendiqué) ou Paul Rassinier (ancien élu SFIO ensuite passé à l'extrême droite), de pseudo-historiens dont l'un des chefs de file est Robert Faurisson ont entrepris, notamment en France, de nier la réalité du génocide des Juifs. Leurs attaques se sont portées notamment sur l'existence des chambres à gaz (bien qu'au demeurant, celles-ci n'aient tué qu'un peu moins de la moitié des victimes, les autres ayant été affamées ou fusillées).

L'une des chambres à gaz d'origine, intacte, à Maidanek.

Selon les hommes et les groupes, leurs motivations premières ont pu être l'antisémitisme, la réhabilitation du nazisme, l'antisionisme radical (la Shoah présentée comme mensonge pour légitimer l'État d'Israël), ou un anticommunisme fanatique désireux en niant les crimes nazis et en gommant la spécificité de la Shoah de prouver que rien n'avait été pire que le communisme[159] . La contre-attaque menée par les historiens, les témoins et les pouvoirs publics a définitivement fait litière de leurs thèses. Elles continuent toutefois à trouver une audience favorable dans certains mouvements de l'extrême-droite européenne (plusieurs cadres du Front national, dont Jean-Marie Le Pen, ont régulièrement défrayé la chronique et été condamnés en justice pour des propos pour le moins ambigus sur la Shoah). À la faveur du conflit israélo-palestinien, elles sont très répandues dans le monde arabe et musulman. Élu en 2005, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a particulièrement multiplié les provocations sur la Shoah, qu'il a qualifié plusieurs fois de mythe, lançant un concours de caricatures sur l'Holocauste ou convoquant en 2007 une conférence négationniste à Téhéran. Malgré l'opposition d'une partie des historiens de la Shoah, certains États occidentaux ont adopté des lois


Shoah

134

contre la négation des crimes contre l'humanité nazis, ainsi Israël, l'Allemagne, l'Autriche ou encore la France avec la loi Gayssot de 1990. En réaction aux négationnistes, le président américain Jimmy Carter lance à Washington, en 1979, la construction de l'United States Holocaust Memorial Museum, le plus grand musée de l'Holocauste du monde. Inauguré en 1993, il avait été précédé en 1951 par le mémorial du martyr juif inconnu à Paris, ancêtre du mémorial de la Shoah ouvert en 2005, ou encore en 1953 par Yad Vashem à Jérusalem. Le phénomène récent de l'« américanisation de la Shoah » a été noté par les historiens de la mémoire telle Annette Wieviorka. Le terme désigne la place considérable prise par l'Holocauste dans la vie Mémorial des Juifs européens assassinés, ouvert publique américaine, l'importance du cinéma hollywoodien dans la au cœur de Berlin en 2005. mise à portée du génocide à un vaste public, le rôle de plus en plus grand de l'historiographie américaine, soutenue par les abondants moyens difficilement égalables des universités locales (les États-Unis sont un des rares pays où existent des chaires d'histoire de la Shoah)[160] . Controverses contemporaines et avenir d'une mémoire Largement reconnue comme le principal crime des nazis et, au-delà, comme l'un des plus grands crimes de l'Histoire, la Shoah, par son exceptionnalité même, a parfois aussi à son tour occulté ou renvoyé au second plan d'autres crimes des hitlériens[161] . La « querelle des historiens » (Historikerstreit), dans la RFA des années 1980, a tourné autour des propos controversés de quelques historiens conservateurs et nationalistes tels Ernst Nolte, accusés par d'autres tels Jürgen Habermas de vouloir « banaliser » la Shoah et « normaliser » le passé nazi, en gommant la spécificité génocidaire du judéocide, afin de mieux mettre en équivalent les crimes nazis et ceux du communisme et dédouaner à terme l'Allemagne des premiers au profit d'une dénonciation des seconds. Dans les pays de l'Est ex-communistes, la fin du système ancien s'est souvent accompagnée de résurgences publiques d'antisémitisme et de tentatives ouvertes de réhabilitation des anciens collaborateurs de Hitler. De surcroît, l'autovictimisation et la dénonciation virulente des décennies passées sous le communisme risque de laisser peu de place à la mémoire de la Shoah ni des compromissions de chaque pays dans la persécution[162] . La culpabilité liée à la Shoah en Allemagne a aussi pu être ressentie comme une impossibilité à parler des souffrances endurées par la population civile. Il est significatif que ce soit un historien de la Shoah, Jörg Friedrich, qui se soit senti autorisé à publier aussi la première somme sur les bombardements alliés sur le Reich[163] , ou un écrivain peu suspect de complaisance pour le nazisme, Günter Grass, qui ait pu évoquer dans un roman le torpillage du Wilhelm Gustloff et de ses milliers de réfugiés. La centralité prise par la question du génocide se reflète aussi par la multiplication des polémiques autour d'hommes et d'institutions accusés de complicité. Parmi les cas célèbres, le président autrichien et ancien secrétaire général de l'ONU Kurt Waldheim, les procès intentés par certains anciens déportés à des compagnies nationales de chemins de fer dont la SNCF, l'ouvrage retentissant démontrant qu'IBM a vendu aux nazis un système très perfectionné de fichage[164] , etc. D'autres controverses ont entouré les silences et les passivités d'acteurs accusés d'avoir négligé le sort des Juifs. On ne compte plus aujourd'hui les ouvrages et les discussions autour du silence du pape Pie XII, de celui du Comité international de la Croix-Rouge, de l'enlèvement de Raoul Wallenberg par les Soviétiques (sans grande réaction de sa Suède natale), du refus des Anglo-Saxons de bombarder Auschwitz, de la lenteur des États-Unis ou des responsables sionistes de Palestine à se préoccuper des déportations en Europe, de l'absence de toute action de la Résistance française pour arrêter les trains de déportation…


Shoah

135

Après l'Allemagne, chaque pays a eu aussi à redécouvrir son propre passé et ses propres compromissions dans le génocide, ou tout simplement ses passivités. La Suisse a ainsi redécouvert dans les années 1990 l'époque où elle refoulait les réfugiés juifs et acceptait d'abriter l'or volé dans les camps. La Belgique a redécouvert la compromission des autorités communales d'Anvers, là où celles de Bruxelles s'étaient refusé à coopérer. La France a redécouvert l'ampleur des compromissions du régime de Vichy dans la Solution Finale depuis les travaux de Robert Paxton (La France de Vichy, 1973) et d'une nouvelle génération d'historiens, qui ont démontré que les lois antisémites avaient été adoptées sans pression des Allemands, que les pouvoirs publics français étaient allés souvent spontanément au-devant de leurs exigences, que la police française a participé seule à la rafle du Vel’ d’Hiv’ ou que Pierre Laval a insisté pour que les Allemands emmènent les Juifs de moins de 16 ans dont ils ne voulaient pas au départ. Toutefois, ont été aussi redécouvert les efforts de nombreux inconnus pour sauver les Juifs : en témoigne l'inauguration au Panthéon, en janvier 2007, d'une inscription à la gloire des Justes de France. À l'heure de la disparition des derniers témoins de la Shoah, la question de la transmission de la mémoire aux futures générations est posée. En France, après une proposition controversée[165] du président Nicolas Sarkozy[166] , le 13 février 2008, de confier la mémoire d'un enfant juif déporté à chaque enfant élève de CM2, qui n'a pas été mise en application, le ministère de l'Éducation nationale a ouvert le 5 décembre 2008 un site web dédié à l'enseignement de la Shoah[167] . Il comprend une brochure et plusieurs documents pédagogiques et fait suite aux propositions d'un rapport[168] .

Condamnation de la négation de la Shoah par l'ONU Le 23 janvier 2007, l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies a adopté la résolution 61/L.53 condamnant la négation de l'Holocauste en ces termes : L’Assemblée générale, […] Notant que le 27 janvier a été désigné par l’Organisation des Nations unies Journée internationale de commémoration en mémoire des victimes de l’Holocauste, 1. Condamne sans réserve tout déni de l’Holocauste ; 2. Engage vivement tous les États membres à rejeter sans réserve tout déni de l’Holocauste en tant qu’événement historique, que ce déni soit total ou partiel, ou toute activité menée en ce sens[169] .

Évocation de la Shoah dans les arts L'ampleur de l'atrocité révélée au monde à la libération des camps et au cours du procès de Nuremberg marque profondément les esprits. Ce sentiment d'horreur ou de désolation s'exprime dans la production artistique de le seconde moitié du XXe siècle, d'abord par la publication de témoignages de victimes puis par la représentation explicite ou métaphorique de la Shoah.

Musique • A Survivor from Warsaw, oratorio d'Arnold Schönberg (1947) • Different Trains, pièce pour quatuor à cordes et bande de Steve Reich (1988)


Shoah

Historiographie du génocide Tendances générales Les ouvrages pionniers entre tous furent le Bréviaire de la Haine de Léon Poliakov, publié pour la première fois en 1951, et La Destruction des Juifs d'Europe publié dès 1955 par l'historien américain Raul Hilberg ; ces deux ouvrages ont connu plusieurs rééditions à chaque fois enrichies par leur auteur. À partir du réveil des années 1970, la Shoah est devenue de loin l'un des événements les plus étudiés de l'Histoire contemporaine, sinon de l'Histoire universelle. Traditionnellement, deux historiographies parallèles étaient consacrées l'une à l'étude des bourreaux, l'autre à celle des victimes. Au premier courant peuvent se rapporter les travaux de Omer Bartov, Philippe Burrin, Christopher Browning, Daniel Goldhagen, Jean-Claude Pressac, Ian Kershaw, Christian Gerlach, ou encore Léon Poliakov. Au second se rattacheraient plutôt les ouvrages, pour la France, de Anne Grynberg, Serge Klarsfeld, Michael Marrus, ou Renée Poznanski. La somme de Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs (1997-2007), dresse la première synthèse des deux courants, en intégrant et en articulant à la fois de très nombreux témoignages personnels de victimes, des aperçus généraux et les points de vue des décideurs et des exécutants. Ces dernières années, les travaux historiques les plus neufs ont porté sur la mémoire de la Shoah (Annette Wieviorka notamment), sur l'aryanisation (Philippe Verheyde, Jean-Marc Dreyfus, Florent Le Bot, etc.), sur la redécouverte des crimes de guerre de la Wehrmacht (une exposition itinérante allemande démontrant la compromission des officiers et des soldats allemands dans les massacres de Juifs et autres atrocités à l'Est a considérablement contribué à détruire, à partir de 1997, le mythe d'après-guerre d'une « Wehrmacht aux mains propres » qui aurait mené une guerre honorable au contraire des SS). Une autre tendance importante est le regain d'intérêt pour la « Shoah par balles », mise en lumière auprès du grand public par les efforts du père Patrick Desbois et de son équipe, dans les années 2000, pour retrouver et ouvrir en ex-URSS les fosses communes des Juifs fusillés par les Einsatzgruppen, et pour mettre à profit les paroles des derniers témoins, ainsi que les archives soviétiques désormais accessibles plus facilement aux chercheurs occidentaux. Il faut cependant remarquer que cette « Shoah par balles » était déjà connue et étudiée par les historiens[170] .

Le débat sur la genèse de la Shoah Dans les années 1980 surtout, la discussion sur la genèse précise du génocide a opposé intentionnalistes et fonctionnalistes. Pour les premiers, l'intention d'exterminer les Juifs d'Europe a précédé la déclaration de guerre. C'est le cas, notamment, de Léon Poliakov, de Saul Friedländer, d'Eberhard Jäckel, de Lucy S. Dawidowicz, ou de Daniel Jonah Goldhagen. Ils s'appuient sur plusieurs textes de Hitler, notamment des lettres de 1919 et 1920[171] . Dans un premier texte antisémite de 1919, Hitler développe un « antisémitisme rationnel ». Dès cette époque, il explique qu'on « doit faire des Juifs des étrangers par la loi » et que le but ultime est « l'expulsion des Juifs » du corps social[172] . Le schéma des persécutions des Juifs du IIIe Reich est déjà tracé. Curieusement, l'antisémitisme rationnel s'oppose aux pogroms. À la violence populaire, il préfère la solution de la loi ce qui sera appliqué à partir de son arrivée au pouvoir[173] . Les historiens s'appuient aussi sur des passages de Mein Kampf[174] , ou le discours du 30 janvier 1939, selon lequel une nouvelle guerre mondiale conduirait à « l'anéantissement de la race juive en Europe »[175] . En opposition à cette thèse, plusieurs historiens, en particulier Martin Broszat, Arno Mayer et Philippe Burrin, pensent que les nazis n'avaient pas choisi la Solution finale avant 1941. L'antisémitisme extrême des nazis est, d'après cette thèse, la condition nécessaire de la Shoah plutôt que sa cause directe. Les nazis auraient décidé d'exterminer seulement après que l'invasion de la Pologne et de l'URSS a placé des masses considérables de Juifs sous leur autorité, et après une émulation au sein de la « polycratie nazie » (Martin Broszat). Après le début de la guerre, Himmler écrit dans son

136


Shoah journal, à la suite d'une rencontre avec Hitler le 18 décembre 1939 : « Question juive ! À exterminer comme des partisans. » Il s'agit de ce qui se rapproche le plus, en langue codée, d'un ordre du Führer pour éliminer tous les Juifs d'Europe[176] . Dans les années 1990 et 2000, d'autres historiens, tels Ian Kershaw, ont tenté de dépasser ce débat[177] . Selon Kershaw, le Führer, doté de son « pouvoir charismatique » d'un genre inédit, est l’homme qui rend possible les plans caressés de longue date à la « base » : sans qu’il ait nullement besoin de donner d’ordres précis, sa simple présence au pouvoir autorise les nombreux antisémites d’Allemagne à déclencher boycotts et pogroms, ou les médecins d’extrême-droite tels Josef Mengele à pratiquer les atroces expériences pseudo-médicales et les opérations d’euthanasie massive dont l’idée préexistait à 1933. C'est ainsi aussi que sur le terrain, l’extermination des juifs a été souvent le fait d’initiatives locales, allant souvent au-devant des décisions du Führer. Ces dernières ont été notamment l'œuvre d’officiers de la SS et de gauleiters fanatiques pressés de plaire à tout prix au Führer en liquidant au plus tôt les indésirables dans leurs fiefs. Les gauleiters Albert Forster à Dantzig, Arthur Greiser dans le Warthegau ou Erich Koch en Ukraine ont ainsi particulièrement rivalisé de cruautés et de brutalités, les deux premiers concourant entre eux pour être chacun le premier à tenir leur promesse verbale faite à Hitler de germaniser intégralement leur territoire sous dix ans[178] . Au-delà, Adolf Hitler, personnage fort peu bureaucratique et dépourvu de tout goût pour le travail suivi, laisse chacun libre de se réclamer de lui et d'agir à sa guise pour peu qu'il aille dans le sens global de ses volontés (ce qu'un fonctionnaire nazi résuma de la formule : « marcher en direction du Führer »). Chaque individu, chaque clan, chaque bureaucratie, chaque groupe rivaux font de la surenchère, et essayent d’être les premiers à réaliser les projets fixés dans leurs grandes lignes par Hitler. C’est ainsi que la persécution antisémite va s’emballer et passer graduellement de la simple persécution au massacre puis au génocide industriel[179] . Sans son pouvoir charismatique, Hitler n'aurait jamais pu lancer la Shoah sans rédiger un seul ordre écrit. Aucun exécutant du génocide ne demanda jamais, justement, à voir un ordre écrit : le simple Führersbefehl (ordre du Führer) était suffisant pour faire taire toute question, et entraînait l’obéissance quasi-religieuse et aveugle des bourreaux. Mais sans maints « Allemands ordinaires », SS ou généraux ayant intégré un discours hitlérien que beaucoup ne demandaient qu'à entendre, jamais les massacres des Einsatzgruppen ni Auschwitz ou Treblinka n'aurait été possible.

Archives de la Shoah Les archives de la Shoah sont conservées dans plusieurs établissements, notamment[180] : • En Allemagne, à Bad Arolsen, Potsdam, Coblence et (depuis 1996) Berlin. Ces centres ont récupéré la plupart des documents conservés, jusqu’à la fin des années 1960, les Archives nationales des États-Unis. • Au Centre de conservation des documents historiques de Moscou. • Au Yiddish Institute for Jewish Research (YIVO) et au Leo Abeck Institut, tous deux établis à New York. • Dans les archives de la police israélienne (documents produits pour le procès d’Adolf Eichmann) et à l’Institut de Yad Vashem (documents écrits et témoignages oraux de survivants). • Au Centre de documentation juive contemporaine, de Paris (documents nazis et juifs). Les débats tenus lors du procès de Nuremberg, ainsi que les documents utilisés à cette occasion, ont été intégralement reproduits dans Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international : Nuremberg, 14 novembre 1945-1er octobre 1946, ouvrage en 25 volumes publié à Nuremberg de 1947 à 1949 et réimprimé en 1993. Peu de collectes systématiques des témoignages oraux ont été faites. La Fondation Spielberg a toutefois entrepris depuis 1997 d'interroger tous les survivants possibles, chacun se voyant demander deux heures d'entretien sur la vie avant, pendant et après la Shoah[181] .

137


Shoah

138

Origine du mot Shoah Shoah est un mot hébreu qui signifie « anéantissement », « cataclysme », « catastrophe », « ruine », « désolation ». Il n’apparaît pas dans la Torah, mais trois fois dans les Prophètes (Isaïe, 10, 3[182] et 47, 11 Sophonie 1, 15) et trois fois dans les Autres Écrits (Psaumes 35, 8 et 63, 10, Job, 30, 3). Il est désormais préféré en France à « Holocauste », connoté religieusement et signifiant « sacrifice ne laissant subsister aucune trace de la victime ». D'autres pays, dont les pays anglo-saxons, continuent d'employer de préférence le terme d'Holocauste, ainsi que l'Organisation des Nations unies. C'est dans le quotidien Haaretz que le mot hébreu Shoah a été employé pour la première fois pour désigner les crimes nazis[183] . La Shoah est un génocide, terme initialement formé en 1944 par le juriste Raphael Lemkin afin de désigner l'extermination des Juifs d'Europe. Le terme français d’Holocauste est également utilisé et l’a précédé. L’utilisation du terme Shoah a surtout été constatée depuis les années 1990, consécutivement à la sortie du film de Claude Lanzmann, Shoah, en 1985. Il s'agit d'un film documentaire de neuf heures trente composé de témoignages. Ce film est exempt de tout document d'archives. C'est ce documentaire qui a imposé en français l'usage du nom Shoah après le choix par le réalisateur du mot hébreu qu'on trouvait déjà, par exemple, dans le texte hébreu de la Déclaration d'indépendance de l'État d'Israël de 1948. Claude Lanzmann justifie dans son film le titre de la façon suivante : « Si j’avais pu ne pas nommer ce film, je l’aurais fait. Comment aurait-il pu y avoir un nom pour nommer un événement sans précédent dans l’histoire ? Je disais la chose. Ce sont des rabbins qui ont trouvé le nom de Shoah. Mais cela veut dire anéantissement, cataclysme, catastrophe naturelle. Shoah, c’est un mot hébreu que je n’entendais pas, que je ne comprends pas. C’est un mot court, infracassable. Un mot opaque que personne ne comprendra. Un acte de nomination radicale. Un nom qui est passé dans la langue, sauf aux États-Unis[184] [réf. incomplète]. » Si le génocide juif perpétré pendant la Seconde Guerre mondiale est aujourd'hui communément appelé Shoah, certains récusent l'emploi de ce terme. C'est le cas du linguiste et traducteur Henri Meschonnic. Il précise que le terme shoah signifie « catastrophe naturelle » et ajoute : « Le mot "Shoah", avec sa majuscule qui l'essentialise, contient et maintient l'accomplissement du théologico-politique, la solution finale du "peuple déicide" pour être le vrai peuple élu. Il serait plus sain pour le langage que ce mot ne soit plus un jour que le titre d'un film »[185] . Le terme « Holocauste » est encore moins juste puisque il désigne un sacrifice rituel (ce qui n’a pas empêché les Américains de baptiser en 1993 leur musée United States Holocaust Memorial). Elie Wiesel conteste aussi ce terme autant que celui d'« holocauste » même s'il l'emploie également. Dans ses entretiens avec Michaël de Saint Cheron, en 1988, il dit lui préférer le terme hourban, qui, dans la littérature yiddish portant sur l'événement, signifie également « destruction » et se réfère à celle du Temple de Jérusalem. Par leur origine, ces trois termes soulignent la spécificité juive de l'événement[186] . Le terme « judéocide » est, aussi, employé, notamment par l'historien Arno Mayer dans La « Solution finale » dans l'histoire[187] .

Bibliographie Ouvrages généraux • François Bédarida (dir.), La Politique nazie d'extermination, éd. Albin Michel, 1989 • Id., Le Nazisme et le Génocide. Histoire et enjeux, éd. Nathan, 1989 • Georges Bensoussan, Histoire de la Shoah, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? » 2006 (1re éd., 1996) • Colloque de l’École des hautes études en sciences sociales, L’Allemagne nazie et le génocide juif, coéd. Gallimard/Le Seuil, 1985 • Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, éd. Hachette, 1977 • Saul Friedländer, L’Allemagne nazie et les Juifs, éd. du Seuil, 1997, 2007 • Tome 1 : Les années de persécution : L'Allemagne nazie et les Juifs, 1933-1939


Shoah

• • • •

139 • Tome 2 : Les années d'extermination : L'Allemagne nazie et les Juifs : 1939-1945 Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, éd. Gallimard, 2006, coll. « Folio »-histoire, trois vol. Id., Exécuteurs, victimes, témoins, éd. Gallimard, coll. « NRF »-essais, 1994 et « Folio »-histoire, 2004 Léon Poliakov, Bréviaire de la haine : le IIIe Reich et les Juifs, Presses pocket, 1993 (1re éd., Calmann-Lévy, 1951) Gerald Reitlinger, The Final Solution, New York, éd. Vallentine, Mitchell & Co, 1968

Historiographie • • • • • • • •

Christopher R. Browning, Des hommes ordinaires, Les Belles Lettres, 1994. Philippe Burrin, Hitler et les Juifs. Genèse d’un génocide, éd. du Seuil, 1989, et « Points »-histoire, 1995. Philippe Burrin, Ressentiment et apocalypse. Essai sur l’antisémitisme nazi, éd. du Seuil, « Points »-histoire, 2007. Collectif, Devant l’histoire. Les documents de la controverse sur la singularité de l’extermination des juifs par le régime nazi, éd. du Cerf, 1988. Lucy S. Dawidowicz, A Holocaust Reader, New York, Behram House, 1976. Id., The Holocaust and The Historians, Harvard University Press, 1981, rééd., 1983. Id., “Perversions of The Holocaust”, Commentary, octobre 1989, p. 56-61. Gerald Fleming, Hitler et la Solution finale, éd. Julliard, 1988.

• Saul Friedländer, From Antisemitism to Extermination : A Historiographical Studie of Nazi Policies Toward the Jews, Yad Vashem Studies, XVI, 1984, p. 1-50. • Daniel Jonah Goldhagen, Les Bourreaux volontaires de Hitler, éd. du Seuil, 1997 et « Points », 1998. • Édouard Husson, Une culpabilité ordinaire ? Hitler, les Allemands et la Shoah. Les enjeux de la controverse Goldhagen, éd. François-Xavier de Guibert, 1997. • Id., Comprendre Hitler et la Shoah. Les historiens de la République Fédérale d'Allemagne et l'identité allemande depuis 1949, Presses universitaires de France, coll. « Perspectives germaniques », 2000, rééd., 2002 (préface de Ian Kershaw). • Eberhard Jäckel, Hitler idéologue, éd. Calmann-Lévy, 1973, rééd. Gallimard, « Tel », 1995. • Ian Kershaw, Qu'est-ce que le nazisme ? Problèmes et perspectives d'interprétation, éd. Gallimard, coll. « Folio » histoire, 1997, chapitre 5, « Hitler et l'Holocauste ». • Peter Longerich, « Nous ne savions pas ». Les Allemands et la Solution finale 1933-1945, Éditions Héloïse d'Ormesson, 2008, 596 p. • Arno J. Mayer, La « Solution finale » dans l’histoire, éd. La Découverte, 1990 et 2002. • Kevin P. Spicer, Antisemitism, Christian Ambivalence, and the Holocaust, Indiana University Press, 2007. • (en)Dean, Martin: Robbing the Jews - The Confiscation of Jewish Property in the Holocaust, 1935 - 1945, Cambridge University Press, 2008.

Monographies • Danutha Czech et alii, Auschwitz. Geshichte und Wirkilchkeit der Vernichtungslager, Hambourg, 1980 • Jacques Delarue, Histoire de la Gestapo, éd. Fayard, 1996 (1re éd. 1963) • Tuwia Friedman, Sobibór, ein NS-Vernichtungslager im Rahmen der "Aktion Reinhard" : eine dokumentarische Sammlung von SS-Dokumenten, Haïfa, Institute of documentation in Israel for the investigation of nazi war crimes, 1998 • Eugen Kogon, Hermann Langbein et Aldabert Rückel, Les Chambres à gaz, secret d'État, éd. du Seuil, « Points »-histoire, 2000 (1re éd., 1987) • Raul Hilberg et Joël Kotek (dir.), L'Insurrection du ghetto de Varsovie, éd. Complexe, 1994 • Eberhard Jäckel et Lea Rosch, »Der Tod ist ein Meister aus Deutschland«. Deportation und Ermordung der Juden, Kollaboration und Verweigerung in Europa, éd. Komet, 1990 • Helmut Krausnick et Hans-Heinrich Wilhem, Die Truppe des Weltanschauungskrieges, Stuttgart, 1981


Shoah • Ralf Ogorreck, Les Einsatzgruppen. Les groupes d’intervention et la genèse de la solution finale, Calmann-Lévy, 2007 • Léon Poliakov, Auschwitz, éd. Gallimard, 1973 ; rééd., 2006 • Jean-Claude Pressac, Auschwitz. Technique and operation of the gas chambers, The Beate Klarsfeld Foundation, New York, 1989 • Id., Les Crématoires d’Auschwitz. La machinerie du meurtre de masse, éd. du CNRS, 1993 • Richard Rhodes, Extermination, la machine nazie. Einsatzgruppen, à l'Est, 1941-1943, éd. Autrement, 2004 • Annette Wieviorka, Auschwitz, soixante ans après, éd. Robert Laffont, 2004 • Georges Wellers, Les chambres à gaz ont existé : des documents, des témoignages, des chiffres, éd. Gallimard, 1981 • Frédéric Rousseau, L'enfant juif de Varsovie. Histoire d'une photographie, Paris, Éditions du Seuil, 2009 (collection "L'Univers historique") (ouvrage primé par la Fondation Auschwitz (Bruxelles)" [188] au printemps 2009)

La Shoah dans les pays satellites • Frederick B. Chary, The Bulgarian Jews and the Final Solution, Pittsburg, 1972 • Carol Iancu, La Shoah en Roumanie, Publications de l'université de Montpellier, 2000 • Roanid Iadu, La Roumanie et la Shoah. Destruction et survie des juifs et des Tsiganes sous le régime Antonescu, 1940-1944, Maison des sciences de l'homme, 2003 • Ladislaus Hory et Martin Broszat, Der Kroatische Ustacha-Staat. 1941-1945, Stuttgart, 1964 • Laurent Joly, Vichy dans la Solution finale. Histoire du commissariat général aux questions juives (1941-1944), éd. Grasset, 2006 (ouvrage issu d'une thèse de doctorat en histoire) • Ladislav Lipscher, Die Juden im Slowakischen Staat. 1939-1945, Munich, 1980 • Michael Marrus et Robert Paxton, Vichy et les Juifs, éd. Calmann-Lévy, 1981, rééd. Librairie générale française, « Le Livre de poche », 1990 et 2004 • Marie-Anne Matard-Bonucci, L'Italie fasciste et la persécution des Juifs, éd. Perrin, 2007 • Edmond Paris, Genocide in Satellite Croatia. A Record of Racial and Religious Persecutions and massacres, Translated from the French by Louis Perkins, American Institute for Balkan Affaires, Chicago 1961

Victimes et témoins de la Shoah Un grand nombre d'œuvres a été recensé dans les articles suivants : Liste de témoignages et journaux intimes écrits pendant la Shoah et Liste de récits de rescapés de la Shoah. Le lecteur peut aussi consulter utilement. • Primo Levi, Si c'est un homme, traduction de Martine Schruoffeneger, Julliard, 1987; puis réédition en 2002, augmentée d'une interview de l'auteur par Philip Roth et deux autres textes inédits • Schlomo Venezia, Sonderkommando, ed. Albin michel 2007. • Hermann Langbein, Hommes et femmes à Auschwitz, Fayard, 1975. • Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman (dir.), Le Livre noir sur l’extermination scélérate des juifs par les envahisseurs fascistes allemands dans les régions provisoirement occupées de l’URSS et dans les camps d’extermination en Pologne pendant la guerre de 1941-1945 : textes et témoignages, éd. Actes sud, 1995, rééd. Librairie générale française, « Le Livre de poche », deux volumes, 2001 • Saul Friedländer, Kurt Gerstein ou l'ambiguïté du bien, Tournai, éd. Casterman, 1967 • Itzhok Noborski et Annette Wieviorka (éd.), Les Livres du souvenir : mémoriaux juifs de Pologne, éd. Julliard, coll. « Archives », 1983 • Georges Gheldman, 16 juillet 1942, 2005, Berg International. On trouve en annexe de cet ouvrage la retranscription intégrale du témoignage de Georges Gheldman lors du procès de Maurice Papon. • Les Disparus de Daniel Mendelsohn, la recherche par l'auteur de témoins du destin de partie de sa famille disparue dans la Shoah en Ukraine

140


Shoah

141

La Shoah, les grandes puissances et les pays neutres • • • • • • • •

Carlo Falconi, Le Silence de Pie XII, éd. du Rocher, 1965 Saul Friedländer, Pie XII et le IIIe Reich, éd. du Seuil, 1964 Guenter Lewy, L'Église catholique et l'Allemagne nazie, éd. Stock, 1965 Michael Fayer, L’Église et les Nazis. 1930-1965, Liana Levi, 2002 (traduit de l’anglais des États-Unis par Claude Bonnafont) Martin Gilbert, Auschwitz and the Allies: A Devastating Account of How the Allies Responded to the News of Hitler's Mass Murder, Owl Books, 1990 Jean-Pierre Richardot, Une autre Suisse, 1940–1944, éditions du Félin, 2002 Stanford Jay Shaw, Turkey and the Holocaust: Turkey's Role in Rescuing Turkish and European Jewry from Nazi Persecution, 1933-1945, New York University Press, 1993 David S. Wyman, L'Abandon des Juifs. Les Américains et la solution finale, éd. Flammarion, 1987

Voir aussi Liens internes • Littérature de la Shoah • • • • • •

Cinéma et Shoah Système de marquage nazi des prisonniers Négation de la Shoah | Négationnisme | Révisionnisme Devoir de mémoire Histoire des Juifs en Allemagne Porajmos | Programme Aktion T4

Liens externes Sites généraux • Chronologie de la Shoah, des origines à Nuremberg [115] : les dates qui comptent dans la montée en puissance de l'antisémitisme nazi. • Chronologie [189], sur Akadem • Encyclopédie multimédia de la Shoah (en français) [190] USHMM • Le site du mémorial de la Shoah [191] : archives, documents pédagogiques, témoignages. • Le site de la Fondation pour la mémoire de la Shoah [192] : La Fondation pour la Mémoire de la Shoah est créée par décret du gouvernement français le 26 décembre 2000. Présidente d'honneur Simone Veil. • Une approche thématique et chronologique de la Shoah sur Histoire des Juifs.com [193]. • Association Fond Mémoire d'Auschwitz [194] : Chronologie et explications : pourquoi, comment ? • Ressources documentaires sur le génocide nazi et sa négation [195].


Shoah La Shoah par balles • La Shoah par balles, les victimes juives des Einsatzgruppen en Europe de l'Est [196] : recherches de l'équipe du Père Patrick Desbois, président de Yahad In Unum [197] • Exposition « La Shoah par balles » [198] au Mémorial de la Shoah Les victimes • Exil ordinaire [199] Les réfugiés juifs autrichiens et allemands en France et en Belgique, avant la déportation, une vie d'exil • Extermination par fusillade en Lettonie [200] • La musique dans les camps de concentration [pdf] [201] • Sonderkommando.info (en français) [202] Un site consacré aux prisonniers des Sonderkommandos d'Auschwitz-Birkenau Les bourreaux • Les Einsatzgruppen, une introduction [203] • L'Extermination au jour le jour dans les documents allemands [204]

Références [1] En France, l'usage a consacré l'usage du terme « Shoah », de préférence à celui d'« Holocauste ». Ainsi Le Petit Larousse (2004) précise-t-il à l'entrée « Holocauste » : « génocide des Juifs d'Europe perpétré par les nazis et leurs auxiliaires de 1939 à 1945 […]. On dit plus couramment Shoah. » Et à l'entrée « Shoah » : « mot hébreu signifiant "anéantissement" et par lequel on désigne l'extermination systématique de plus de cinq millions de Juifs par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale. » De même, l’Encyclopædia Universalis indique à l'entrée « Shoah » : « En hébreu, shoah signifie catastrophe. Ce terme est de plus en plus employé, de préférence à holocauste, pour désigner l'extermination des juifs réalisée par le régime nazi. » Cf. Encyclopædia Universalis, extrait en ligne (http:/ / www. universalis. fr/ encyclopedie/ C010055/ SHOAH. htm). [2] Donald Niewyk et Francis Nicosia, The Columbia Guide to the Holocaust, Columbia University Press, 2000, p. 45 : « The Holocaust is commonly defined as the murder of more than 5000000 Jews by the Germans in World War II » : « Le mot "Holocauste" désigne communément l'assassinat de plus de 5000000 Juifs par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. » The Columbia Guide to the Holocaust (http:/ / books. google. ca/ books?id=lpDTIUklB2MC& pg=PP1& dq=Niewyk,+ Donald+ L. + The+ Columbia+ Guide+ to+ the+ Holocaust& sig=4igufxQHRCNrkjwRuMt1if_mf5M#PPA45,M1), extraits en ligne. [3] Le chiffre de six millions de victimes a été présenté lors du procès de Nuremberg (Pierre Vidal-Naquet, Les Assassins de la mémoire, éd. La Découverte, 2005, p. 27). L'historien Raul Hilberg, dans son ouvrage La Destruction des Juifs d'Europe (éd. Gallimard, collection Folio, 2006 Tome III, p. 2251), arrive au chiffre de 5.1 millions de morts, au minimum, après avoir dépouillé les archives du IIIe Reich . [4] « Comme le crime en question est aussi énorme que complexe, qu’il supposait la participation d’un grand nombre de personnes, à différents niveaux et de différentes manières — les auteurs des plans, les organisateurs, les exécutants, chacun selon son rang — il n’y a pas grand intérêt à faire appel aux notions ordinaires de conseils donnés ou sollicités dans l’accomplissement du crime. Car ces crimes furent commis en masse, non seulement du point de vue du nombre des victimes, mais aussi du point de vue de ceux qui perpétrèrent le crime et, pour ce qui est du degré de responsabilité d’un de ces nombreux criminels quel qu’il soit, sa plus ou moins grande distance par rapport à celui qui tuait effectivement la victime ne veut rien dire. Au contraire, en général le degré de responsabilité augmente à mesure qu’on s’éloigne de l’homme qui manie l’instrument fatal de ses propres mains. » Jugement de la Cour israélienne au terme du procès d'Adolf Eichmann, cité par Hannah Arendt in Eichmann à Jérusalem (Gallimard, 1966 ; Folio histoire traduction révisée 2002, p. 431) [5] voir la Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, adoptée par les Nations unies en 1968 Texte de la Convention (http:/ / www. cicr. org/ dih. nsf/ FULL/ 435?OpenDocument). [6] voir la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par des Nations unies en 1948. [7] Les précédentes Conventions de Genève (de 1929), en vigueur durant la Deuxième Guerre mondiale, concernaient uniquement les combattants blessés ou malades (sur terre et sur mer) ou faits prisonniers. [8] Voir à ce sujet la querelle des historiens allemands et par exemple les réflexions de Zygmunt Bauman dans Modernité et Holocauste [9] [réf. incomplète]Renée Neher-Bernheim, Histoire juive de la Révolution à l'État d'Israël, Seuil, 1992 [10] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, Gallimard, collection Folio, 2006 Tome I, chapitre 3, Les Structures de la destruction, p. 100-113 [11] Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe Folio, 2006 Tome I, chapitre 3, Définition par décret, p. 114-142 [12] Pour la définition des Mischlinge, Voir Hilberg, Folio 2006, p. 121-142 [13] Hilberg, Folio 2006, p. 127 [14] Daniel Bovy, Dictionnaire de la barbarie nazie et de la Shoah, Éditions Luc Pire, Liège, 2006, p. 75

142


Shoah [15] Hilberg, Folio 2006, T2, p. 1134-1135 [16] Pour la seule Allemagne, voir Hilberg, Folio, 2006, p. 143-274 [17] C'est ce que montre Hilberg dans le tome 2 de La Destruction des juifs d'Europe lorsqu'il passe en revue les pays sous domination nazie [18] François Bédarida, Le Nazisme et le génocide. [19] Marc Mazower, Le Continent des ténèbres. Une histoire de l'Europe au XXe siècle, p. 186 [20] Raul Hiberg, La Destruction des Juifs d'Europe, T.2, Foliohistoire, 2006, p. 718 [21] Ian Kershaw, Hitler, t. II, Flammarion, 2000 [22] Adolf Eichmann, Ich, Adolf Eichmann, p. 178-179, cité dans Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, éd. Gallimard, 2006, tome II, p. 726 [23] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., p. 331/334 [24] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., p. 394/395 [25] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., p. 398/399 [26] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., p. 448 [27] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., p. 481/487 [28] Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, op. cit., p. 647/648 [29] Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, éd. Hachette, 1977, p. 197. [30] Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, op. cit., p. 198. [31] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., tome I, p. 521/522. [32] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., tome I, p. 524/542. [33] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., tome I, p. 525/534. [34] Raul Hilberg, T.1, p. 570 [35] Raul Hilberg, T.1, p. 571 [36] Raul Hilberg, T.1, p. 572 [37] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., tome I, p. 553/563. [38] Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, op. cit., p. 650/653 [39] Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, op. cit., p. 653/654 [40] Raul Hilberg, T.1, p. 597-598 [41] Raul Hilberg, T.1, p. 601 [42] Raul Hilberg, T.1, p. 602 [43] Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, op. cit., p. 209 [44] Léon Poliakov, Histoire de l'antisémitisme, éd. du Seuil, 1993, tome II, p. 526. [45] Raul Hilberg, T. 1, p. 663 [46] Raul Hilberg, T. 1, p. 664 [47] Raul Hilberg, T. 1, p. 665 [48] Raul Hilberg, T. 1, p. 666 [49] Raul Hilberg, T. 1, p. 686-688 [50] Raul Hilberg, T. 1, p. 706 [51] Article "Génocide", in Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale en Belgique, Bruxelles, Éd. Verlag, 2008 [52] Joël Kotek, Les origines de la solution finale, in Une si longue nuit. L'apogée des régimes totalitaires en Europe, dirigé par St. Courtois, Éd. du Globe, 2000 [53] Philippe Burrin, article Shoah, Encyclopaedia Universalis, DVD, 2007 [54] Joël Kotek, op. cit. [55] Ce point est analysé par Raul Hilberg dans le film Shoah de Claude Lanzmann, 1985. [56] Chronique de l'Humanité, Éditions Chronique, 1986, rééd. 1996, p. 1076 [57] Lucy S. Dawidowicz, La guerre contre les Juifs, Hachette, 1975, p. 612 [58] François Bédarida,Le Nazisme et le génocide. [59] Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale en Belgique, op. cit. [60] Elie Barnavi (dir.), Histoire universelle des Juifs, Hachette, 2002, p. 233 [61] Article « Génocide », in Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale en Belgique, op. cit. [62] Le commandant d'Auschwitz parle, La Découverte, 1988. [63] Article « Génocide », in Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale en Belgique, éd. Verlag, 2008. [64] Chiffres cités par Hermann Langbein, Hommes et femmes à Auschwitz, Fayard, 1975, p. 59. [65] Des Voix sous la cendre. Manuscrits des Sonderkommados d'Auschwitz-Birkenau, présentés par Georges Bensoussan, Calmann-Lévy, 2005. [66] Paul Gradvohl, "Les déportations de Hongrie", in Laurent Joly, Tal Brutmann et Annette Wieviorka, Qu'est-ce qu'un déporté ?, CNRS Editions, 2009, p. 236-237 et p. 244 [67] Ibidem, p. 236 [68] Ibidem, p. 240 et p. 244 [69] ibidem, p. 245 [70] Cité par l'article « Génocide », in Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale en Belgique, op. cit.

143


Shoah [71] [72] [73] [74] [75] [76] [77] [78] [79] [80] [81] [82] [83] [84] [85] [86] [87] [88] [89] [90] [91] [92]

144 Dans l'argot des camps, ce jeu de mots à partir de l'allemand signifie : détenus mentalement et physiquement épuisés. Saul Friedländer, L'Allemagne nazie et les Juifs. Les années d'extermination, Seuil, 2008, p. 793 Tony Judt, Après-Guerre. Une histoire de l'Europe depuis 1945, 2007, p. 40 Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., tome II, p. 1264/1284 Raul Hilberg, T. 2, p. 1409-1410 Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., p. 1410/1411 Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., p. 1414/1415 Raul Hilberg, T. 1, p. 545 Raul Hilberg, T. 1, p. 546 Raul Hilberg, T. 1, p. 547 Raul Hilberg, T. 1, p. 548 Raul Hilberg, T. 1, p. 549 Raul Hilberg, T. 1, p. 676 Paul Johnson, Une histoire des Juifs, Robert Laffont, 1986 Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., tome II, p. 1406 et 1409 Raul Hilberg cité in Konrad Kalejs: Target for Nazi hunters (http:/ / news. bbc. co. uk/ 2/ hi/ uk_news/ 589304. stm), BBC, 3 janvier 2000 Raul Hilberg, T. 1, p. 563 Raul Hilberg, T. 1, p. 566 Raul Hilberg, T. 1, p. 567 Raul Hilberg, T. 1, p. 568 Raul Hilberg, T. 1, p. 569 Paul Johnston, Une histoire des Juifs, 1986, p. 546

[93] Paul Johston, ibidem, p. 547 [94] Paul Johston, ibidem [95] Paul Johston, ibidem, p. 537 [96] Elie Barnavi (dir.), Histoire universelle des Juifs [97] Élie Barnavi (dir.), Histoire universelle des Juifs, op. cit. [98] Tony Judt, op. cit., p. 60 [99] Tony Judt, Après-Guerre, op. cit., p. 230 [100] Tony Judt, Après-Guerre, op. cit., p. 50 [101] Tony Judt, op. cit., p. 43 [102] Esther Benbassa, Histoire des Juifs sépharades, Points-Seuil, 1989, p. 389 [103] Chronique de la Seconde Guerre mondiale, Éditions Chronique, 1990, p. 291 [104] Hermann Langbein, Hommes et femmes à Auschwitz, Fayard, 1975, p. 313. [105] Édouard Husson, p. 88. [106] Traduction française parue aux Éditions du Seuil en 1997 (ISBN 978-2020289825). [107] Raul Hilberg, p. 584-585 [108] Édouard Husson, p. 90 [109] Tony Judt, Après-Guerre. Une histoire de l'Europe depuis 1945, 2007, p. 73 [110] Paul Johnston, Une histoire des Juifs, 1986 [111] Voir : Querelle des historiens. [112] Édouard Husson, p. 86. [113] Laurent Theis, « L'industrie de mort nazie », Le Point, 21 février 2008 [114] Richard J. Evans, Le IIIe Reich 1939-1945, Flammarion, p. 864 [115] François Bédarida, Le Nazisme et le génocide, introduction [116] Tony Judt, Après-Guerre, 2007, p. 952 [117] François Bédarida, Le Nazisme et le génocide, Pockett, 1997 [118] L’attitude des alliés pendant le génocide (http:/ / pagesperso-orange. fr/ d-d. natanson/ allies. htm) [119] Stéphane Courtois et Adam Rayski, Qui savait quoi ? L'extermination des Juifs 1941-1945, La Découverte, 1987 [120] Élie Barnavi (dir), Histoire universelle des Juifs, op. cit., « Bombarder Auschwitz ? » [121] Renée Neher-Bernheim, Histoire juive de la Révolution à l'État d'Israël, Points-Seuil, 1992, p. 1180 sq [122] Serge Klarsfeld, in Vichy-Auschwitz, bien que Michael Marrus et Robert Paxton, in Vichy et les Juifs, 1982, accordent moins d'importance au rôle de l'Église. [123] Pour Saül Fridelander, in Les Années d'extermination, Seuil, p. ?? [124] « Un rabbin dénonce le silence de Pie XII pendant la Seconde Guerre mondiale », 6 octobre 2008, lire en ligne (http:/ / fr. news. yahoo. com/ rtrs/ 20081006/ twl-vatican-synode-rabbin-bd5ae06. html) [125] (es) El Holocausto pasó por España (http:/ / www. elpais. com/ articulo/ espana/ Holocausto/ paso/ Espana/ elpepuesp/ 20090131elpepunac_6/ Tes), article del País du 31 janvier 2009


Shoah [126] Site internet « Mémorial de la Shoah » in « La fuite hors de l'Europe occupée » http:/ / memorial-wlc. recette. lbn. fr/ wlc/ article. php?lang=fr& ModuleId=218 [127] Site internet « Mémorial de la Shoah » in « Raoul Wallenberg et le Sauvetage des Juifs à Budapest » http:/ / memorial-wlc. recette. lbn. fr/ wlc/ article. php?lang=fr& ModuleId=68 [128] Tony Judt, Après-Guerre. Une histoire de l'Europe depuis 1945, 2007, in « Épilogue : de la maison des morts ». [129] Saül Friedlander. Les Années d'extermination, Seuil, 2008, p. 417-418 [130] Esther Benbassa, Histoire des Juifs sépharades, Points-Seuil, 2002 [131] Renée Neher-Bernheim, Histoire juive de la Révolution à l'État d'Israël, Points-Seuil, 1992, p. 1180 [132] Peter Longerich, Nous ne savions pas. Les Allemands et la Solution finale. Un aveuglement assassin, tr. fr. Éd. Héloïse d'Ormesson, 2008 [133] Hilberg, éd. 2006, tome 2, p. 1068 [134] Robert Paxton évoque cette question dans la comparaison entre la situation en France et la situation en Hollande, La France de Vichy, édition du Seuil, 1997, p. 426 [135] Dans le tome 2 de la Destruction des Juifs d'Europe, p. 1045-100 de l'édition de 2006, Hilberg cite L'ouvrage de référence , Louis de Jong, Het Koninkrijk der Nederlangen, vol. 8, non traduit en anglais [136] Raul Hilberg, T.2, p. 1108 (nationalité), p. 1118 (premières déportations juillet 42), p. 1120 (directive déporter aussi nationalité belge, déc. 1942) [137] (de)Norbert Elias, Studien über die Deutschen, Suhrkamp, 1992, p. 399. [138] Annette Wieviorka, L'Ère du Témoin, Hachette, Pluriel [139] Cité par Annette Wieviorka, L'Ère du Témoin, Hachette, Pluriel, p. 78 [140] Calmann-Lévy, 1951, rééd. 1974, p. 491-505. [141] (en) How many Jews were murdered in the Holocaust? (http:/ / www1. yadvashem. org/ about_holocaust/ faqs/ answers/ faq_3. html), FAQs au sujet de l'Holocauste, Yad Vashem [142] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, éd. Gallimard, collection Folio, 2006 Tome III, p. 2251. [143] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, éd. Gallimard, collection Folio, 2006, tome III, p. 2258. [144] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, éd. Gallimard, collection Folio, 2006 Tome III, p. 2273. [145] Les différentes formes de l'antisémitisme occidental [pdf] (http:/ / www. cclj. be/ regards/ img/ etudes/ etude_73. pdf) [146] Encyclopædia Judaica, vol. VIII, p. 890, repris dans Léon Poliakov, Histoire de l'antisémitisme, éd. du Seuil, 1993, tome 2, p. 527 [147] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, éd. Gallimard, collection Folio, 2006, tome III, p. 2272. [148] Annette Wieviorka, « Comment la Shoah est entrée dans l'histoire », dans L'Histoire, no 294, Janvier 2005 [149] Tony Judt, Après-Guerre. Une histoire de l'Europe depuis 1945, 2007 [150] Tony Judt, op. cit., p. 941 [151] Jan T Gross, Sasziedzi [Voisins],Sejny, 2000 ; Pawel Machcewicz, Krzysztof Persak, Wokol Jedwabnego [Autour de Jedwabne], 2 volumes, Warszawa, IPN,2002 [152] Jean-Yves Potel, La fin de l'innocence,Paris, Editions Autrement, 2009, p. 29-63 [153] Tony Judt, ibidem [154] 18 mars 2008 M.B. (lefigaro.fr) avec AFP (http:/ / www. lefigaro. fr/ international/ 2008/ 03/ 18/ 01003-20080318ARTFIG00560-le-discours-historique-d-angela-merkel-a-la-knesset. php) [155] Paul Johnston, Une histoire des Juifs, 1986, p. 554 [156] Ibidem [157] Annette Wieviorka, Déportation et génocide, Hachette, 1995 [158] Annette Wieviorka, Auschwitz. La mémoire d'un lieu, Hachette, Pluriel, 2005 [159] Henry Rousso, Le Syndrôme de Vichy de 1945 à nos jours, Points-Seuil, 1996. Voir aussi Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, 2001, ou encore Nadine Fresco, Fabrication d'un antisémite, sur l'itinéraire de Paul Rassinier, résistant d'extrême-gauche rescapé de Buchenwald et devenu le père paradoxal du négationnisme. [160] Annette Wieviorka, L'Ère du Témoin, Hachette, 1991 [161] Ainsi le sort des déportés non-juifs dans les camps de concentration (résistants, Témoins de Jéhovah, homosexuels allemands, etc.), l'extermination des Tziganes (Porajmos), des handicapés mentaux ou des prisonniers de guerre soviétiques, la réduction des Polonais et des Soviétiques en « peuples de sous-hommes », ou encore le travail forcé auxquels furent soumis des millions de prisonniers de guerre et de travailleurs du STO et des pays de l'Est. [162] Tony Judt, Après-Guerre, op. cit., p. 960 [163] Jörg Friedrich, L'Incendie. L'Allemagne sous les bombes, 2004 [164] Edwin Black, IBM et l'Holocauste - L'alliance stratégique entre l'Allemagne nazie et la plus puissante multinationale américaine, Robert Laffont, 2001 [165] Shoah : confusion autour de la question des parrainages (http:/ / tempsreel. nouvelobs. com/ actualites/ politique/ 20080227. OBS2459/ shoah__confusion_autour_de_la_question_des_parrainages. html), Nouvelobs.com [166] Discours de M. le président de la République (http:/ / www. elysee. fr/ documents/ index. php?mode=cview& press_id=1043& cat_id=7& lang=fr) lors du dîner annuel du CRIF, 13 février 2008 [167] Mémoire et histoire de la Shoah à l'école (http:/ / www. shoah. education. fr/ )

145


Shoah [168] Rapport sur l'enseignement de la Shoah à l'école primaire (http:/ / www. education. gouv. fr/ cid21471/ rapport-sur-l-enseignement-de-la-shoah-a-l-ecole-primaire. html), Hélène Waysbord-Loing, juin 2008 [169] Voir Texte de la Résolution sur le site de l'ONU [pdf] (http:/ / daccessdds. un. org/ doc/ UNDOC/ LTD/ N07/ 218/ 57/ PDF/ N0721857. pdf?OpenElement) [170] Voir C. Ingrao et J. Solchany, La Shoah par balles : les historiens oubliés, le 5 juin 2008 sur nonfiction.fr (http:/ / www. nonfiction. fr/ article-1172-la_shoah_par_balles__les_historiens_oublies. htm) ; consulté le 23 décembre 2008. Voir également l' exposition virtuelle (http:/ / www. memorialdelashoah. org/ upload/ minisites/ ukraine/ index. htm#) montée par le Mémorial de la Shoah de Paris. [171] « L’antisémitisme fondé sur des motifs purement sentimentaux, trouvera son expression ultime sous forme de pogroms. L’antisémitisme selon la raison doit, lui, conduire au combat législatif contre les privilèges des Juifs et à l’élimination de ces privilèges… Son but ultime doit, immuablement, être l’élimination des Juifs en général. » (lettre du 16 septembre 1919, Adolf Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen. 1905-1924, textes édités par Eberhard Jäckel et Axel Kuhn, Stuttgart, 1980, Doc 61, p. 88 et sqq., passage cité dans G. Miedzianagora et G. Jofer, Objectif extermination, Frison Roche édition, 1994, p. 13) ; « Le Juif en tant que ferment de décomposition (selon Mommsen) n’est pas à envisager comme individu particulier, bon ou méchant, [il est] la cause absolue de l’effondrement intérieur de toutes les races, dans lesquelles il pénètre en tant que parasite. Son action est déterminée par sa race. Autant je ne peux faire reproche à un bacille de tuberculose, à cause d’une action qui, pour les hommes signifie la destruction, mais pour lui la vie, autant suis-je cependant obligé et justifié, en vue de mon existence personnelle, de mener le combat contre la tuberculose par l’extermination de ses agents. Le Juif devient et devint au travers des milliers d’années en son action une tuberculose de race des peuples. Le combattre signifie l’éliminer. » (lettre du 3 juillet 1920, Hitler, op. cit., Doc 116, p. 15, cité dans G. Miedzianagora et G. Jofer, op. cit., p. 14). Voir aussi Lucy S. Dawidowicz, La Guerre contre les Juifs, éd. Hachette, p. 39 et sqq. [172] Eberhard Jäckel et Axel Kuhn, Hitler, Sämtliche Aufzeichnungen, 1905-1925, Stuttgart, 1980, p. 88-90 [173] Lire dans l'article Histoire des Juifs en Allemagne, le paragraphe Discriminations et persécutions. [174] En particulier celui-ci : « Si l'on avait, au début et au cours de la guerre, tenu une seule fois douze ou quinze mille de ces Hébreux corrupteurs du peuple sous les gaz empoisonnés que des centaines de milliers de nos meilleurs travailleurs allemands de toute origine et de toutes professions ont dû endurer sur le front, le sacrifice de millions d'hommes n'eût pas été vain. Au contraire, si l'on s'était débarrassé à temps de ces quelques douze mille coquins on aurait peut-être sauvé l'existence d'un million de bons et braves Allemands pleins d'avenir. » (Adolf Hitler, Mon combat, Nouvelles éditions latines, 1934, p. 677-678) [175] Eberhard Jäckel, Hitler idéologue, éd. Gallimard, coll. « Tel », 1995, p. 83 [176] Christian Gerlach, Sur la conférence de Wannsee, de la décision d'exterminer les Juifs d'Europe, Liana Levi, 1999, p. 53-69 [177] Dominique Vidal, Les Historiens allemands relisent la Shoah, éd. Complexe, 2002 [178] Ian Kershaw, Hitler, t. II, op. cit., passim [179] Ian Kershaw, Hitler, 2 vol. , Flammarion, 2000 [180] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, op. cit., p. 2275/2287 [181] Annette Wieviorka, L'Ère du témoin [182] Texte hébreu (http:/ / sefarim. fr/ ?Library=Prophètes& Book=Isaïe& Chapter=10& Verse=3) et traduction du Rabbinat dans Sefarim [183] Benny Ziffer, rédacteur en chef d’Haaretz, Interview sur le site nonfiction.fr (http:/ / www. nonfiction. fr/ article-781-polemique_sur_la_presence_disrael_au_salon_du_livre_un_entretien_exclusif_avec_benny_ziffer. htm), 1er mars 2008, consulté le 8 mars 2008. [184] Site en travaux (http:/ / www. humanite. presse. fr/ journal/ 2005-01-22/ 2005-01-22-455189) [185] Henri Meschonnic, « Israël : Pour en finir avec le mot "Shoah" » (http:/ / www. voxdei. org/ afficher_info. php?id=12902. 214), Le Monde, 24 février 2005. [186] Vincent Engel dans « Holocauste, Shoah ou judéocide ? » - Le Nouvel Observateur Hors-Série de janvier 2003 - décembre 2004 [187] La Découverte, 2002, 568 p. [188] http:/ / www. auschwitz. be/ index2. htm [189] http:/ / www. akadem. org/ photos/ contextuels/ 6941_05_Extermination_chronologie. pdf [190] http:/ / www. ushmm. org/ wlc/ fr/ [191] http:/ / www. memorialdelashoah. org/ [192] http:/ / www. fondationshoah. org/ [193] http:/ / www. histoiredesjuifs. com/ categories. asp?category=19 [194] http:/ / www. afma. fr/ [195] http:/ / www. anti-rev. org/ textes/ [196] http:/ / www. shoahparballes. com/ [197] http:/ / www. yahadinunum. org [198] http:/ / www. memorialdelashoah. org/ upload/ minisites/ ukraine/ index. htm [199] http:/ / www. exilordinaire. org/ [200] http:/ / usdin. dumes. net/ linkfourd. html [201] http:/ / www. voixduregard. org/ 13-Surin. pdf [202] http:/ / www. sonderkommando. info [203] http:/ / www. phdn. org/ histgen/ einsatzintro. html [204] http:/ / www. phdn. org/ negation/ documents/ nazisdoc. html

146


Sources et contributeurs de l'article

Sources et contributeurs de l'article Putsch de Kapp Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?oldid=52533504 Contributeurs: 307sw136, Alcazarfr, Alphabeta, Badmood, Bessie, Cantons-de-l'Est, Goliadkine, Horowitz, Jef-Infojef, Keriluamox, Laus, Like tears in rain, MatB, Max The Warrior, Serein, Ziva, 10 modifications anonymes Putsch de la Brasserie Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?oldid=54590069 Contributeurs: A2, Ahbon?, Alvaro, Ambivalence, Arglanir, Arrakis, Badmood, Baudouin de Lille, Blone, Bob08, Boss 78, Celette, Chrono1084, CommonsDelinker, Couthon, David.Monniaux, Dezidor, Dhatier, Didisha, DocteurCosmos, Erasmus, Fanfwah, Felquiste, Garytse, Gemini1980, Gentil Hibou, Goliadkine, HERMAPHRODITE, Horowitz, Huesca, Ice Scream, Jaypee, Jef-Infojef, Kelson, Keriluamox, Kirtap, Lachaume, Lautre02, Lebob, Like tears in rain, Litlok, Ludovic89, MatB, Max The Warrior, Necrid Master, Pok148, Roucas, Sanao, Sardur, Stéphane33, TCY, Thedreamstree, Tinodela, Tornad, Treanna, Zakke, Ælfgar, 30 modifications anonymes Incendie du Reichstag Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?oldid=53547223 Contributeurs: Akeron, Alphonse Wagner, Alvaro, Ash Crow, Blogbreather, Calmos, Cantons-de-l'Est, Celette, Chris93, Christophe Dioux, Chtit draco, Copros, Couthon, Cédric Boissière, Daniel*D, Dauphiné, Dcaillé, DocteurCosmos, Dujo, Erasmus.new, Fc, Felipeh, Fouziks, Goliadkine, Jaczewski, Jef-Infojef, Kelson, Keriluamox, Korrigan, L'amateur d'aéroplanes, Like tears in rain, Lilyu, Louperivois, MatB, Mathieuw, Med, N0osphR, Necrid Master, Nicod, Nursus, Panoramastitcher, Polmars, RamaR, Rogojine, Roucas, Semnoz, Shakki, Skiff, Tejgad, Tengu84, Tinodela, Wart Dark, Wiz, Xylophone, Ælfgar, 58 modifications anonymes Loi des pleins pouvoirs Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?oldid=54414893 Contributeurs: ADM, Agentpitch, Alkashi, Alno, Apokrif, Archeos, Archibald, Arglanir, Auxerroisdu68, Badmood, Boeb'is, Boulonnais, Dhatier, DonCamillo, EDUCA33E, EffK, Elg, Franjo, Frank Renda, Goliadkine, Grondin, Jaypee, Jborme, Jef-Infojef, Karl1263, Keriluamox, Khayman, Korrigan, Lachaume, Liberlogos, Litlok, Markus3, MatB, Metaphysik, MkVoid(), Mwarf, Necrid Master, Nono64, Oxam Hartog, Pautard, RamaR, Shartmann, Stéphane33, Ultrogothe, Werewindle, Xylophone, Ælfgar, 39 modifications anonymes Autodafé Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?oldid=53437153 Contributeurs: ADM, Aeleftherios, Alno, Alphos, Archeos, Badmood, Bisoud, Bobodu63, Boretti, Cantons-de-l'Est, CommonsDelinker, Costock, Coyau, Céréales Killer, Deep silence, DocteurCosmos, EDUCA33E, Exocet, Fan2jnrc, Fils du Soleil, Franckiz, Goliadkine, Gonioul, Gribeco, HERMAPHRODITE, Horowitz, JLM, Jef-Infojef, Jibi44, Jvano, L'amateur d'aéroplanes, Leandrod, Lechat, Litlok, Lutin Grognon, Marc Mongenet, Martin, Maurilbert, Melusin, Moahahaha, Mu, Muad, Murtasa, Mym, Orthogaffe, Penjo, Pseudomoi, R, Ruis, Shelley Konk, Sherbrooke, Sleabvaositeien, Stanlekub, Teofilo, Tinodela, Treanna, Urban, Vargenau, Werewindle, Yves-Laurent, Épiméthée, 84 modifications anonymes Nuit des Longs Couteaux Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?oldid=54472152 Contributeurs: Abracadabra, Alamandar, Alecs.y, Antonov14, Aristote2, Arkestra, Ash Crow, Badmood, Bob08, Bradipus, Candhrim, Chrono1084, Cloclob, Colocho, CommonsDelinker, Couthon, DITWIN GRIM, Dauphiné, Diderot1, Dikay, DocteurCosmos, Dragonaetar2, Drazzib, Effco, Emizage, Erdrokan, FLY, Fbelzile, FvdP, Gege36, Gkml, Goliadkine, HERMAPHRODITE, Ice Scream, Il Palazzo-sama, Jastrow, Jborme, Jef-Infojef, JmCor, Jordan Girardin, Jrma, Kanabiz, Kelson, Keriluamox, Kimdime, Kirtap, LUDOVIC, Laddo, Laurent Nguyen, Lebob, Like tears in rain, Litlok, Lmaltier, MatB, Naftule Jr., Necrid Master, Nykozoft, Pseudomoi, Pwin, Ralf.treinen, Roucas, Sammyday, SeVeN, Sebb, Sebleouf, Semnoz, Skiff, Stéphane33, TCY, TaraO, Tieum512, Tinodela, Traeb, Ultrogothe, Urban, Vbrems, Vyk, Weft, Ælfgar, Épiméthée, 62 modifications anonymes Nuit de Cristal Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?oldid=54498617 Contributeurs: 44Charles, ALDO CP, Agrafian Hem Rarko, Alain Caraco, Alno, Apollonidès, Ash Crow, Badmood, Ben23, Bob08, Cantons-de-l'Est, Cloclob, Cobber17, CommonsDelinker, Couthon, DocteurCosmos, Drazzib, Duch, Dunderklumpen, EDUCA33E, Efbé, Etienne EYROLLE, FLLL, Fafnir, Fouziks, Freewol, Gemini1980, Goliadkine, Iafss, Isaac Sanolnacov, JB, Jaypee, Jef-Infojef, Jmh2o, Julien06200, Kilom691, Konstantinos, LUDOVIC, Leparc, Like tears in rain, Linan, Louis-garden, Maffemonde, Michel Louis Lévy, Mschlindwein, Myler, Neef, NicoRay, Numbo3, Orphée, Pabix, Padawane, Papatt, Penjo, Phe, Phep, Philippenusbaumer, Pontauxchats, Poppy, Pseudomoi, Roucas, Savasorda, Shartmann, Speculos, Tdoune, The dreamer, Ultrogothe, Versgui, Villeparisis, Wanderer999, Xtof, Yann, Zakke, Zetud, 60 modifications anonymes Anschluss Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?oldid=54161770 Contributeurs: (:Julien:), Anierin, Apollon, Arnaud.Serander, Badmood, Baudouin de Lille, Ben23, Benoît Fabre, Bob08, Camilledalmas, Cantons-de-l'Est, Chatsam, Chico75, Chmoul, Chronos004, Cimoi, CommonsDelinker, ComputerHotline, Couthon, David Berardan, Dhatier, DocteurCosmos, Drolexandre, Emiaille, Ern, F-fff, Felipeh, Gemini1980, Greudin, Hercule, Herr Satz, Ice Scream, JLM, Jef-Infojef, Jerome234, Jerome66, Klaudiacasa, LeonardoRob0t, Like tears in rain, Lilliputien, Litlok, Ma'ame Michu, Maffemonde, Moumine, Mro, Mu, Myler, NicoV, Nicolas Ray, Nonopoly, Paskalo, Percht, Pgauthier71, Philip, Rachimbourg, Richardbl, Romanc19s, Roucas, Sam Hocevar, Sardur, Sherbrooke, Taguelmoust, Teofilo, Torsade de Pointes, Vito Corleone, Xx-aude-xx, Zetud, Ælfgar, 42 modifications anonymes Campagne de Pologne (1939) Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?oldid=54216645 Contributeurs: Adefrem, Archeos, Arnaud.Serander, Ash Crow, Badmood, Bob08, Bobe, Bouette, Candless, Ceedjee, Chico75, CommonsDelinker, Cygnusx1, DITWIN GRIM, Dandriana, Deep silence, DocteurCosmos, EdC, Elg, Esprit Fugace, Etienne EYROLLE, Fafnir, Federix, Florival fr, François-Karim, GaMip, Galoric, Goliadkine, Gonioul, Gz260, Henri Musielak, Huesca, ILJR, Ironbrother, Isaac Sanolnacov, Jaczewski, Jbbizard, Jean-Jacques Georges, Jeannine Adam 1934, Jef-Infojef, Jerome66, Jon Harald Søby, Jérémie2008, Keriluamox, Khaerr, L'amateur d'aéroplanes, Laddo, Levochik, Like tears in rain, Lilliputien, Lilyu, Litlok, Maurilbert, Melkor73, Mielle gris, Mro, Muijz, Mutatis mutandis, NapoleonQuang, Nayher, Nicolas Ray, Nykozoft, Orphée, Oy18, Philip, Pilkarz, Pixeltoo, Poppy, Richardbl, Riko6087, Rédacteur Tibet, SNOUPS4, ShadeGh0st, Sherbrooke, Skiff, Spartan 117, Speculoos, Stéphane33, TCY, TocToc, Vito Corleone, Wiki-User03, Ælfgar, 101 modifications anonymes Shoah Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?oldid=54596301 Contributeurs: (:Julien:), Acélan, Addacat, Adrien51, Ahbon?, Alain Caraco, Alamandar, Alchemica, Alex F., Alibaba, AlphaREX, Alteramos, Am13gore, Amire80, Anne97432, Anti Slash, Antoine Loisel, Apokrif, Archimëa, Arkayn, Arnaud.Serander, Arria Belli, Artavezdès, Asoul, Atpnh, Aurevilly, Auseklis, AuxNoisettes, Auxerroisdu68, Baalshamin, Badmood, Balougador, Barraki, Bayo, Benedict, Benichou67, Benoni, Blhoum, Blod, Bob08, Bradipus, C2rik, Caknuck, Cansado, Cantons-de-l'Est, Caroline31, Caspi Waltch, CdC, Ceedjee, Celette, Chacal65, Chaoborus, Chico75, Chik-Chak, Chrono1084, Cobra bubbles, CommonsDelinker, Conchita, Costock, Couthon, Creasy, Criric, Ctruongngoc, Curtet, Céréales Killer, Daniel*D, Deep silence, Dhatier, DocteurCosmos, Dominique natanson, EdC, Effco, El Bahabass, El Comandante, Emirix, Emmanuel, Emmanuel Cattier, Emmanuel Goin, Emmanuel legrand, Epistemon, Erasmus, Eristik, Ernest, Esprit Fugace, Everhard, Fabrice Ferrer, Fashion-la-roule, Felix8, Flavius-josephe, Flfl10, Floyd013, Form-hist, Franck Gombaud, Franckiz, Franjklogos, Frank Renda, Fred.th, Fredy.00, Galoric, Gazôdüc, Gede, Gentil Hibou, Ghostbear, Giuseppe, Goeil, Gribeco, Gugus15, Guillom, GôTô, H.gay, HAF 932, HERMAPHRODITE, Hadrien, Hannes, Hatonjan, Hercule, Heureux qui comme ulysse, Horowitz, Hubertgui, Hyppolite Bergamotte, Hégésippe Cormier, IAlex, Iafss, Ibarra, Ice Scream, Immanuel Giel, Inisheer, Iranon, Jaczewski, Jaykb, Jborme, Jean François Azens, Jean-Jacques Georges, Jef-Infojef, Jeff Bailey, Jmex, Jmh, Jobert, Jonas5a, Jérémie, K-taeb, Kamulewa, Kelson, Kimdime, Kits2, Korrigan, Kosnyru, Kropotkine 113, LPLT, LUDOVIC, Laddo, Larousteauchat, Laszlo, Laurent Nguyen, Le Dernier des Trémolins, Le gorille, Leag, Lebob, Lechat, Lefouduvolan, Leparc, Like tears in rain, Linedwell, Litlok, LogicBloke, Loudon dodd, Lucrèce, M-le-mot-dit, Maffemonde, Mandrak, Marcoo, Marianna, Markadet, Markov, Matta Ali, Maurilbert, Meeaad, MetalGearLiquid, Mhue, Michel Louis Lévy, Mikeread, Mirgolth, Mith, Moez, Moumine, Muad, Myler, N'importe lequel, Naevus, Narjis, Nataraja, Necrid Master, Ngagnebin, NicoRay, NicoV, Noel Olivier, Nono64, Némésis45, Oblic, OccultuS, Olevy, Olrick, Orthogaffe, Orthomaniaque, Ouicoude, P-e, Padawane, Panoramix, Papillus, Paris75000, Pascalauger, Patou111, Pautard, Peiom, Penjo, Phe, Pierre-Yves Schanen, Pierre.marquis, Pok148, Poleta33, Polmars, Pontauxchats, Poppy, Poulos, Priper, Pseudomoi, Pso, Pwet-pwet, RS1981, RamaR, Raminagrobis, Reloute, Roby, Romanc19s, Romanceor, Rpa, Rune Obash, Ryo, Rémih, Résonance, Sagsofts, Sainte-Rose, Sammyday, Schiste, Seb77, Seth troyes, Shelley Konk, Siopp2, Siren, Sixsous, Slawojar, Solensean, Speedspid, Spooky, Stetengel, Stéphane33, Suprememangaka, Sémhur, T.Benoît, TCY, TahitiB, Teofilo, Thbz, TheTexecuter, Thebestdegonnehem, Thesupermat, Tibauk, Tieum512, Tikenj, Tinodela, Titian1962, Trustmaggy88, Ultrogothe, Universalia92, Verdy p, Vicente, Vincent Ricci, Vinz1789, Vlaam, Vol de nuit, Wart Dark, Werewindle, WikiMoi, Willy345, XDSL, Xbx, Xic667, Yann, Yorunokoe, YouKorn, Zerep11, Zetud, Zwyssigm, Ælfgar, Ω, 373 modifications anonymes

147


Source des images, licences et contributeurs

Source des images, licences et contributeurs File:Bundesarchiv Bild 119-1983-0007, Kapp-Putsch, Marinebrigade Erhardt in Berlin.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_119-1983-0007,_Kapp-Putsch,_Marinebrigade_Erhardt_in_Berlin.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: unknown Image:Stamp Gedenke des 9. November 1923 1935.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Stamp_Gedenke_des_9._November_1923_1935.jpg Licence: inconnu Contributeurs: User:Prolineserver Fichier:Bundesarchiv Bild 102-00204, Bayern, Hitler auf Propagandafahrt.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_102-00204,_Bayern,_Hitler_auf_Propagandafahrt.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Mtsmallwood, YMS Fichier:Mussd.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Mussd.jpg Licence: anonymous-EU Contributeurs: User:R-41 Fichier:Bundesarchiv Bild 146-1982-092-11, Gustav Stresemann.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_146-1982-092-11,_Gustav_Stresemann.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Eugene van der Pijll, Tresckow Image:Bundesarchiv Bild 183-R41120, Erich Ludendorff, Gustav v. Kahr.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_183-R41120,_Erich_Ludendorff,_Gustav_v._Kahr.jpg Licence: inconnu Contributeurs: Fichier:Erich Ludendorff.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Erich_Ludendorff.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Unknown (Bain News Service, publisher) Image:Bundesarchiv Bild 146-1978-004-12A, NSDAP-Versammlung im Bürgerbräukeller, München.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_146-1978-004-12A,_NSDAP-Versammlung_im_Bürgerbräukeller,_München.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Hoffmann, Heinrich Fichier:SAGoring.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:SAGoring.jpg Licence: inconnu Contributeurs: Decora, Ed Fitzgerald, Felix Stember, Frank C. Müller, Joku Janne, MachoCarioca, Torvindus, Wikipeder, 4 modifications anonymes Fichier:Bundesarchiv Bild 146-2007-0003, Soldaten bei der Verhaftung von Stadträten.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_146-2007-0003,_Soldaten_bei_der_Verhaftung_von_Stadträten.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: unknown Image:Feldherrnhalle Munich.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Feldherrnhalle_Munich.jpg Licence: GNU Free Documentation License Contributeurs: Holger Weinandt Image:Rohm.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Rohm.jpg Licence: inconnu Contributeurs: Andywn, Lupo, Martin H., Mogelzahn, Rachmaninoff, Raymond, 2 modifications anonymes Fichier:Bundesarchiv Bild 102-00344A, München, nach Hitler-Ludendorff Prozess.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_102-00344A,_München,_nach_Hitler-Ludendorff_Prozess.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Dove, Gorgo, Martin H., Mtsmallwood, YMS Image:FrMeinKampf20050214.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:FrMeinKampf20050214.jpg Licence: Creative Commons Attribution-Sharealike 2.0 Contributeurs: User:Roby Image:Reichsparteitagnov1935.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Reichsparteitagnov1935.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Carroy, Der Hausgeist, Ed Fitzgerald, Kjetil r, Madmax32, Mogelzahn, Mtsmallwood, Noclador, Scewing, Tekstman, 6 modifications anonymes Image:Bundesarchiv Bild 183-S11292, München, Ehrenmal in der Feldherrenhalle.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_183-S11292,_München,_Ehrenmal_in_der_Feldherrenhalle.jpg Licence: inconnu Contributeurs: 08-15 Image:Goldenwiki 2.png Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Goldenwiki_2.png Licence: GNU Free Documentation License Contributeurs: User:Sting File:Bundesarchiv Bild 146-1977-148-19A, Berlin, Reichstagsbrand.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_146-1977-148-19A,_Berlin,_Reichstagsbrand.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Beek100, Srittau, 1 modifications anonymes Image:Reichstagfire1.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Reichstagfire1.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Original uploader was Peterlewis at en.wikipedia Image:VO zum Schutz von Volk und Staat 1933.JPG Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:VO_zum_Schutz_von_Volk_und_Staat_1933.JPG Licence: Public Domain Contributeurs: Beek100, Cholo Aleman, Erzer, Liondancer, Wst Image:Ermaechtigung-1.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Ermaechtigung-1.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: AnRo0002, Doco, Kresspahl, Rama, Threedots Image:Ermaechtigung-2.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Ermaechtigung-2.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: AnRo0002, Doco, Kresspahl, Rama, Threedots Image:Bundesarchiv Bild 102-14439, Rede Adolf Hitlers zum Ermächtigungsgesetz.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_102-14439,_Rede_Adolf_Hitlers_zum_Ermächtigungsgesetz.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Beek100, Mtsmallwood, Xenophon Image:Inkvisisjonen.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Inkvisisjonen.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Balbo, BeatrixBelibaste, Error, G.dallorto, Jon Harald Søby, Olivier2, Wst, 4 modifications anonymes Image:Rizi Francisco, Autodafe - Plaza Mayor (Madrid).png Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Rizi_Francisco,_Autodafe_-_Plaza_Mayor_(Madrid).png Licence: Public Domain Contributeurs: w:Francisco RiziFrancisco Rizi Image:1933-may-10-berlin-book-burning.JPG Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:1933-may-10-berlin-book-burning.JPG Licence: inconnu Contributeurs: User Dyss on en.wikipedia Fichier:Bundesarchiv Bild 102-14597, Berlin, Opernplatz, Bücherverbrennung.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_102-14597,_Berlin,_Opernplatz,_Bücherverbrennung.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Beek100, JD, Jcornelius, Mattes, Pieter Kuiper, Xenophon, 1 modifications anonymes Image:SA-Logo.svg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:SA-Logo.svg Licence: Public Domain Contributeurs: User:Ratatosk Fichier:Bundesarchiv Bild 102-14393, Ernst Röhm crop.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_102-14393,_Ernst_Röhm_crop.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Ed Fitzgerald Image:Von Hindenburg.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Von_Hindenburg.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Bain News Service / George Grantham Bain Collection Image:Bundesarchiv Bild 183-W0402-504, Generaloberst Werner von Blomberg.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_183-W0402-504,_Generaloberst_Werner_von_Blomberg.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Paul.Matthies, YMS Image:Vonpapen1.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Vonpapen1.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Anathema, Ed Fitzgerald, Fschoenm, MB-one, Marek Banach, Mbdortmund, Mogelzahn, Sebastian Wallroth Image:Bundesarchiv Bild 183-J06632, Sepp Dietrich.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_183-J06632,_Sepp_Dietrich.jpg Licence: inconnu Contributeurs: Duch.seb, 1 modifications anonymes Image:Wallberg ueber Tegernsee.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Wallberg_ueber_Tegernsee.jpg Licence: GNU Free Documentation License Contributeurs: Flominator, Luidger, Mattes, R. Engelhardt, Werckmeister, 1 modifications anonymes Fichier:Bundesarchiv Bild 152-08-35, Dachau, Konzentrationslager, Besuch Himmlers.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_152-08-35,_Dachau,_Konzentrationslager,_Besuch_Himmlers.jpg Licence: inconnu Contributeurs: ABrocke, Lupo, Mtsmallwood Image:Theodor Eicke.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Theodor_Eicke.jpg Licence: GNU Free Documentation License Contributeurs: Hoffmann Image:Erich Klausener - Deutsche Bundespost Berlin 1984.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Erich_Klausener_-_Deutsche_Bundespost_Berlin_1984.jpg Licence: inconnu Contributeurs: Deutsche Bundespost Landespostdirektion Berlin

148


Source des images, licences et contributeurs Fichier:Bundesarchiv Bild 102-14090, Kurt v. Schleicher.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_102-14090,_Kurt_v._Schleicher.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Appaloosa Image:Gregor Strasser.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Gregor_Strasser.jpg Licence: anonymous-EU Contributeurs: unknown Image:Staatsnotwehrgesetz v 3.7.1934 - RGB I 1934 S.529l .jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Staatsnotwehrgesetz_v_3.7.1934_-_RGB_I_1934_S.529l_.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Erzer, Liondancer, 1 modifications anonymes Image:Silverwiki 2.png Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Silverwiki_2.png Licence: GNU Free Documentation License Contributeurs: User:Rei-artur, User:Sting Fichier:The day after Kristallnacht.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:The_day_after_Kristallnacht.jpg Licence: anonymous-EU Contributeurs: unknown Fichier:DDR - Niemals wieder Kristallnacht.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:DDR_-_Niemals_wieder_Kristallnacht.jpg Licence: inconnu Contributeurs: Le Corbeau, Nightflyer, Tasja Fichier:Antisemitisme_Duitsland_1933.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Antisemitisme_Duitsland_1933.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: AnRo0002, Andre Engels, Maksim, Rüdiger Wölk, WikedKentaur, 2 modifications anonymes Fichier:Bundesarchiv Bild 146-1988-078-08, Herschel Feibel Grynszpan.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_146-1988-078-08,_Herschel_Feibel_Grynszpan.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Rosenzweig, 1 modifications anonymes Fichier:Bundesarchiv Bild 146-1985-108-32A, Ordensburg Vogelsang, Dr. Goebbels.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_146-1985-108-32A,_Ordensburg_Vogelsang,_Dr._Goebbels.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Melanom, Tobias1983 Fichier:Bundesarchiv Bild 146-1970-041-46, Berlin, Synagoge Fasanenstraße.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_146-1970-041-46,_Berlin,_Synagoge_Fasanenstraße.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Beek100, Concord, Tsui, Ulf Heinsohn Fichier:Bundesarchiv Bild 119-2671-07, München, Kaufhaus Uhlfelder, Zerstörungen.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_119-2671-07,_München,_Kaufhaus_Uhlfelder,_Zerstörungen.jpg Licence: inconnu Contributeurs: Cholo Aleman, Deerhunter Fichier:Arbeitmachtfrei.JPG Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Arbeitmachtfrei.JPG Licence: GNU Free Documentation License Contributeurs: MichaelFrey, Wikitour Fichier:Hermann Goering addressing the Reichstag.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Hermann_Goering_addressing_the_Reichstag.jpg Licence: inconnu Contributeurs: Hoffmann Heinrich Fichier:Reichspogromnacht 1938.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Reichspogromnacht_1938.jpg Licence: inconnu Contributeurs: Deutsche Bundenpost Fichier:Bundesarchiv Bild 146-1970-083-44, Magdeburg, zerstörtes jüdisches Geschäft.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_146-1970-083-44,_Magdeburg,_zerstörtes_jüdisches_Geschäft.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Friedrich, H. Image:Anschluss in Tirol 1938.JPEG Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Anschluss_in_Tirol_1938.JPEG Licence: Public Domain Contributeurs: unknown Image:Österreich-Ungarns Ende.png Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Österreich-Ungarns_Ende.png Licence: GNU Free Documentation License Contributeurs: User:AlphaCentauri Image:Engelbert Dollfuß Briefmarke.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Engelbert_Dollfuß_Briefmarke.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: W. Dachauer, P. Lorber; Österreichische Post- und Telegraphenverwaltung Fichier:Bundesarchiv Bild 183-1998-0112-500, Wilhelm Keitel.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_183-1998-0112-500,_Wilhelm_Keitel.jpg Licence: inconnu Contributeurs: Felix Stember Image:Bundesarchiv Bild 119-5243, Wien, Arthur Seyß-Inquart, Adolf Hitler.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_119-5243,_Wien,_Arthur_Seyß-Inquart,_Adolf_Hitler.jpg Licence: inconnu Contributeurs: Fg68at, KEN, Mtsmallwood, Otto Normalverbraucher, Richardprins, Tekstman, YMS Fichier:GrazerRathaus-edit.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:GrazerRathaus-edit.jpg Licence: Creative Commons Attribution-Sharealike 2.5 Contributeurs: Berrucomons, Docu, Dpol, Dr. Marcus Gossler, Gugganij, NeoUrfahraner, Para, Pauk, Rocket000, Sammyday, Tamirhassan, 3 modifications anonymes Fichier:Benito Mussolini and Adolf Hitler.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Benito_Mussolini_and_Adolf_Hitler.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Muzej Revolucije Narodnosti Jugoslavije Image:SalzburgerAltstadt02.JPG Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:SalzburgerAltstadt02.JPG Licence: GNU Free Documentation License Contributeurs: User:Pintaric Image:Bundesarchiv Bild 183-1987-0922-503, Wien, Einmarsch deutscher Truppen, Spähpanzer.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_183-1987-0922-503,_Wien,_Einmarsch_deutscher_Truppen,_Spähpanzer.jpg Licence: inconnu Contributeurs: Deerhunter, Fg68at, Otto Normalverbraucher, Pibwl, Tsui Image:Heldenplatz-1.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Heldenplatz-1.jpg Licence: GNU Free Documentation License Contributeurs: Gryffindor, Peterwuttke Image:Theodor Kardinal Innitzer -001-.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Theodor_Kardinal_Innitzer_-001-.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: neznámý • unknown • nekonata Image:Arthur-Neville-Chamberlain.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Arthur-Neville-Chamberlain.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: David Levy, G-Man, Howcheng, Ja till euron, Madmedea, Mercy, 竹麦魚(Searobin), 3 modifications anonymes Image:Bundesarchiv Bild 183-2008-0909-500, Wien, Göring ehrt Gefallene des Weltkrieges.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_183-2008-0909-500,_Wien,_Göring_ehrt_Gefallene_des_Weltkrieges.jpg Licence: inconnu Contributeurs: Bohème, Eknuf, Leit, Man vyi, Milgesch, Otto Normalverbraucher, 1 modifications anonymes Image:Stimmzettel-Anschluss.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Stimmzettel-Anschluss.jpg Licence: inconnu Contributeurs: Unknown Image:Austria Bundesadler.svg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Austria_Bundesadler.svg Licence: Public Domain Contributeurs: Original image from the Bundesministerium für Landesverteidigung, modified since then. Image:Jörg Haider 28082008.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Jörg_Haider_28082008.jpg Licence: Creative Commons Attribution 2.0 Contributeurs: Dieter Zirnig (sugarmelon.com) Image:Nazi Germany.png Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Nazi_Germany.png Licence: GNU Free Documentation License Contributeurs: Wikinist Image:Nuvola apps ksig horizonta.png Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Nuvola_apps_ksig_horizonta.png Licence: GNU Lesser General Public License Contributeurs: David Vignoni Image:Schleswig Holstein firing Gdynia 13.09.1939.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Schleswig_Holstein_firing_Gdynia_13.09.1939.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Andros64, Balcer, Denniss, Jarekt, Mogelzahn, Pibwl, Rama, Randbewohner, Ukas, Yann Image:Flag of Poland.svg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Flag_of_Poland.svg Licence: Public Domain Contributeurs: User:Mareklug, User:Wanted Image:Flag of Germany 1933.svg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Flag_of_Germany_1933.svg Licence: inconnu Contributeurs: Image:Flag of the Soviet Union 1923.svg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Flag_of_the_Soviet_Union_1923.svg Licence: inconnu Contributeurs: Image:Slovakia WW2 flag.svg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Slovakia_WW2_flag.svg Licence: Creative Commons Attribution-Sharealike 2.5 Contributeurs: User:Zirland Fichier:Flag of Germany 1933.svg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Flag_of_Germany_1933.svg Licence: inconnu Contributeurs: Image:Polish infantry marching -2 1939.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Polish_infantry_marching_-2_1939.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: unknown Image:7TP.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:7TP.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Alno, Bukvoed, Head, Nemo5576, PMG, SuperTank17, Vindicator Image:Dywizje wrzesien 1.png Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Dywizje_wrzesien_1.png Licence: inconnu Contributeurs: user:Halibutt Image:Bundesarchiv Bild 146-1979-056-18A, Polen, Schlagbaum, deutsche Soldaten.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_146-1979-056-18A,_Polen,_Schlagbaum,_deutsche_Soldaten.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Sönnke, Hans

149


Source des images, licences et contributeurs Image:Bundesarchiv Bild 101I-012-0016-20, Polen, Panzer IV in Ortschaft.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_101I-012-0016-20,_Polen,_Panzer_IV_in_Ortschaft.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Kliem Image:Poland2.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Poland2.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Cinik, Piotrus, SURIV, Umbricht, 1 modifications anonymes Image:Soviet Tanks invades Poland 17.09.1939.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Soviet_Tanks_invades_Poland_17.09.1939.jpg Licence: inconnu Contributeurs: Unknown war correspondent of TASS; first published by TASS 1939 as a part of newsreel Image:Bundesarchiv Bild 101I-013-0068-33A, Polen, Treffen deutscher und sowjetischer Soldaten.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_101I-013-0068-33A,_Polen,_Treffen_deutscher_und_sowjetischer_Soldaten.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Höllenthal Image:Bundesarchiv Bild 101I-317-0043-17A, Flugzeug Heinkel He 111.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_101I-317-0043-17A,_Flugzeug_Heinkel_He_111.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: unknown File:The Royal Castle in Warsaw - burning 17.09.1939.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:The_Royal_Castle_in_Warsaw_-_burning_17.09.1939.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: unknown Image:Stroop Report - Warsaw Ghetto Uprising 06b.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Stroop_Report_-_Warsaw_Ghetto_Uprising_06b.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: AKA MBG, Arria Belli, Berrucomons, Blurpeace, Daczor, Daniel*D, Diego pmc, Docu, Dsmurat, Durova, Fredy.00, Gorgo, Jarekt, Kozuch, Lupo, Mattes, Mattia Luigi Nappi, Mtsmallwood, Mywood, Nagy, Nauticashades, Pinar, Schekinov Alexey Victorovich, Takabeg, Vanmeetin, Waldir, XDaniX, ‫א‬, 8 modifications anonymes Fichier:Bundesarchiv Bild 102-14468, Berlin, NS-Boykott gegen jüdische Geschäfte.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_102-14468,_Berlin,_NS-Boykott_gegen_jüdische_Geschäfte.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: AnRo0002, AndreasPraefcke, Ed Fitzgerald, Xenophon Fichier:Bundesarchiv Bild 102-14469, Berlin, Boykott-Posten vor jüdischem Warenhaus.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_102-14469,_Berlin,_Boykott-Posten_vor_jüdischem_Warenhaus.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Falcorian, Ras67, Rybak Image:Antisemitism in Berlin 1933.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Antisemitism_in_Berlin_1933.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: John Vandenberg, Mike.lifeguard, Nard the Bard, 1 modifications anonymes Fichier:Bundesarchiv Bild 146-1971-006-02, München, Judenverfolgung, Michael Siegel.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_Bild_146-1971-006-02,_München,_Judenverfolgung,_Michael_Siegel.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Sanden, Heinrich Image:Reichspogromnacht 1938.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Reichspogromnacht_1938.jpg Licence: inconnu Contributeurs: Deutsche Bundenpost Image:Carta Göring.JPG Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Carta_Göring.JPG Licence: Public Domain Contributeurs: Ar-ras, Beek100, Felix Stember, Henning Blatt, John Vandenberg, PRODUCER, Pepeman, Thuresson, 4 modifications anonymes Image:The Wall of ghetto in Warsaw - Buiilding on Nazi -German order August 1940.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:The_Wall_of_ghetto_in_Warsaw_-_Buiilding_on_Nazi_-German_order_August_1940.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Andros64, Daczor, Jarekt, Mtsmallwood, Starscream, 1 modifications anonymes Image:Kiev Jew Killings in Ivangorod (1942).jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Kiev_Jew_Killings_in_Ivangorod_(1942).jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Photographer unknown Often attributed to w:pl:Jerzy Tomaszewski (fotografik)Jerzy Tomaszewski who discovered it. Image:Himmler report.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Himmler_report.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Original uploader was Modemac at en.wikipedia Image:Wannsee Conference - List of Jews in European countries.JPG Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Wannsee_Conference_-_List_of_Jews_in_European_countries.JPG Licence: Public Domain Contributeurs: User:GeorgHH, User:LeonardoG Image:Children rounded up for deportation.JPG Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Children_rounded_up_for_deportation.JPG Licence: Public Domain Contributeurs: ? Image:Umschlagplatz loading.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Umschlagplatz_loading.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: ? Image:Krakow Ghetto 06694.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Krakow_Ghetto_06694.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Cancre, Jarekt, Juiced lemon, Mattes, Muu-karhu, Zscout370, 2 modifications anonymes Image:KZ Birkenau Hauptgebaude 320x240.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:KZ_Birkenau_Hauptgebaude_320x240.jpg Licence: GNU Free Documentation License Contributeurs: Astrofuzzi Image:Map auschwitz deportation 4499-Cut.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Map_auschwitz_deportation_4499-Cut.jpg Licence: Creative Commons Attribution 3.0 Contributeurs: User:Gugus15 Image:RingsWWII.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:RingsWWII.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Department of Defense. Department of the Army. Office of the Chief Signal Officer. T4c. Roberts Image:Auschwiz Selektion.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Auschwiz_Selektion.jpg Licence: GNU Free Documentation License Contributeurs: Photographer: Bernhardt Walter/Ernst Hofmann Image:Auschwitz I entrance snow.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Auschwitz_I_entrance_snow.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Logaritmo Image:Slave laborers at Buchenwald.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Slave_laborers_at_Buchenwald.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Pvt. H. Miller Image:Children in the Holocaust concentration camp liberated by Red Army.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Children_in_the_Holocaust_concentration_camp_liberated_by_Red_Army.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Alex Bakharev, Denniss, Humus sapiens, Lupo, Man vyi, Mike.lifeguard, Mtsmallwood, Romary, Shtanga, The Evil IP address, Thuresson, Wulfstan, Zscout370, Български, 5 modifications anonymes Image:Odkritje trupel.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Odkritje_trupel.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: United States Holocaust Memorial Museum, courtesy of Muzej Revolucije Narodnosti Jugoslavije Image:‫ ישאי םורגופ‬1.JPG Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:‫_ישאי_םורגופ‬1.JPG Licence: inconnu Contributeurs: a unknown jurnalist Image:‫ ישאי םורגופ‬5.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:‫_ישאי_םורגופ‬5.jpg Licence: inconnu Contributeurs: a unknown jurnalist Fichier:Bundesarchiv B 145 Bild-F016206-0003, Russland, Deportation von Juden.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bundesarchiv_B_145_Bild-F016206-0003,_Russland,_Deportation_von_Juden.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Fredy.00, Mtsmallwood, 1 modifications anonymes Fichier:Anne-frank-haus.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Anne-frank-haus.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: User:RIPGC Image:Lettera da berner pass at the way to Auschwitz concentration camp.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Lettera_da_berner_pass_at_the_way_to_Auschwitz_concentration_camp.jpg Licence: Creative Commons Attribution-Sharealike 3.0 Contributeurs: User:Daniel Ventura Image:Konrads Kalejs.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Konrads_Kalejs.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Original uploader was Irpen at en.wikipedia Image:Ghetto entrance.JPG Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Ghetto_entrance.JPG Licence: Public Domain Contributeurs: ? Image:Stroop Report - Warsaw Ghetto Uprising 13.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Stroop_Report_-_Warsaw_Ghetto_Uprising_13.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Unknown Stroop Report photographer Image:Ghetto Uprising Warsaw2.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Ghetto_Uprising_Warsaw2.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Unknown Stroop Report photographer Image:March of the living-in-auschwitz-birkenau.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:March_of_the_living-in-auschwitz-birkenau.jpg Licence: GNU Free Documentation License Contributeurs: Daczor, Marek Peters Image:BU 004065.jpeg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:BU_004065.jpeg Licence: Public Domain Contributeurs: Oakes, H (Sgt) No 5 Army Film & Photographic Unit Image:Ss officer fritz klein bergen belsen concentration camp 1945.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Ss_officer_fritz_klein_bergen_belsen_concentration_camp_1945.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Sgt. Oaks

150


Source des images, licences et contributeurs Image:Himmler Dead.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Himmler_Dead.jpg Licence: inconnu Contributeurs: User:W.wolny Image:Concentration camp SS.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Concentration_camp_SS.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: "Illustrations are from Department of Defense files, with the exception of photographs on pages 199 and 229 which are reproduced by courtesy of the National Archives." Image:10 jpg.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:10_jpg.jpg Licence: Creative Commons Attribution-Sharealike 3.0 Contributeurs: User:Fondazionefossoli Image:Pass.gif Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Pass.gif Licence: Public Domain Contributeurs: Richard Arthur Norton (1958- ), TreasuryTag, 1 modifications anonymes Image:Pearl Righteous Wall.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Pearl_Righteous_Wall.jpg Licence: GNU Free Documentation License Contributeurs: G.dallorto, Krokodyl, Man vyi, Michaeldg, Ranveig, 1 modifications anonymes Image:Warsaw Ghetto destroyed by German forces, 1945.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Warsaw_Ghetto_destroyed_by_German_forces,_1945.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: Leonard Jabrzemski Image:WW2 Holocaust Europe map-fr.svg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:WW2_Holocaust_Europe_map-fr.svg Licence: Creative Commons Attribution 3.0 Contributeurs: User:Sémhur Image:WWII-HolocaustDeaths-Pie-All.png Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:WWII-HolocaustDeaths-Pie-All.png Licence: Public Domain Contributeurs: User:Dna-Dennis Image:Pinkasova synagoga, jména obětí.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Pinkasova_synagoga,_jména_obětí.jpg Licence: Creative Commons Attribution 2.0 Contributeurs: Steve Slep Image:Bergen Belsen Liberation 03.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Bergen_Belsen_Liberation_03.jpg Licence: inconnu Contributeurs: User:W.wolny Image:Lublin - Majdanek - 020 - Shoes.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Lublin_-_Majdanek_-_020_-_Shoes.jpg Licence: Public Domain Contributeurs: User:Ogre Image:Majdanek GasChamber Pano.jpg Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Majdanek_GasChamber_Pano.jpg Licence: GNU Free Documentation License Contributeurs: User:Micahz Image:Denkmal für die ermordeten Juden Europas P7120027.JPG Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fichier:Denkmal_für_die_ermordeten_Juden_Europas_P7120027.JPG Licence: Attribution Contributeurs: User:Deror avi

151


Licence

Licence Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported http:/ / creativecommons. org/ licenses/ by-sa/ 3. 0/

152


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.