IG magazine Hors Série 6 SEGA

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Yu Suzuki

Yu Suzuki E

n septembre 2012 est sorti sur iOS et Android un jeu nommé Gan ! Gan ! Kaizokudan, qui met en scène des pirates dans une ambiance bon enfant. Derrière ce titre se cache une légende : Yu Suzuki. Celui que l’on surnomme parfois le « Shigeru Miyamoto de chez SEGA » n’est plus sous le feu des projecteurs depuis les déboires financiers occasionnés par la saga inachevée Shenmue. Replongeons-nous dans l’impressionnante carrière d’un visionnaire, un novateur dans l’âme qui a écrit certaines des plus belles pages de l’histoire du jeu vidéo.

Prôner l’ouverture En 2010, le site 1Up publie une longue et passionnante interview de Yu Suzuki, réalisée par James Mielke, ex-journaliste spécialisé et dorénavant producteur chez Q Enà son interlocuteur que ce dernier a jeu vidéo que Shigeru Miyamoto, le créateur de Shenmue répond : « Si Miyamoto est le père du jeu vidéo, je suppose que cela fait de moi la mère ». Si cette sortie peut surprendre, force

Avec Hang-On, Yu Suzuki et le département AM2 ouvrent les jeux d’arcade à un plus large public.

est de constater que l’apport du créateur à l’industrie a été énorme, pour ne pas dire capital. Mais commençons par… le commencement. Yu Suzuki voit le jour dans la préfecture d’Iwate le 10 juin 1958. L’avènement du jeu vidéo via l’un de ses titres fondateurs, Pong, ne passe pas inaperçu chez le jeune Japonais. Lycéen, il s’amuse beaucoup dans les salles d’arcade, notamment sur Space Invaders puis plus tard sur Xevious. Après avoir cherché

Hang-On simule un effet 3D à base de sprites zoomés et d’effets de perspective.

sa voie durant quelques années (échec à l’examen d’entrée pour une école dentaire, pratique intensive programmation à l’université, ce qui va lui donner des possibilités de carrière dans le jeu vidéo. début quatre-vingt), les game centers ne véhiculent pas une bonne image. Repaires enfumés de bad boys faisant fuir le public familial, les salles d’arcade ont pourtant de quoi satisfaire petits et grands. Embauché chez SEGA en 1983, Yu Suzuki va s’évertuer à changer cela après avoir rejoint le département SEGA-AM2 (pour SEGA « Amusement Machine Research and Development Department 2 »). Son but est simple : ouvrir le marché de l’arcade à de nouveaux utilisateurs, à ceux qui ont peur de se rendre dans les salles traditionnelles ou à ceux qui craignent de voir leur progéniture y faire de mauvaises rencontres. C’est dans cette optique


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Yuji Naka

Yuji Naka S

’il ne travaille plus pour SEGA depuis 2006, Yuji Naka a marqué au fer rouge l’histoire de la firme, des coups d’éclat qui se répercutent aujourd’hui encore sur son catalogue. Celui à qui l’on attribue la paternité de Sonic a en effet multiplié les casquettes (programmeur, designer, producteur), avec toujours cet amour du travail bien fait. En vingt-trois ans de carrière chez SEGA, cet homme talentueux et exigeant a fait le bonheur de millions de joueurs à travers le monde.

Un surdoué de la programmation Né le 17 septembre 1965 à Osaka, Yuji Naka se prend rapidement de passion pour la programmation, qu’il apprend en feuilletant des magazines spécialisés. Après avoir terminé le lycée, il n’est que moyennement intéressé par la poursuite de ses études dans une université. L’automobile et les jeux vidéo font partie de ses centres d’intérêt, mais ses talents de programmeur le mènent naturellement vers l’industrie vidéoludique. Ainsi Yuji Naka parvient-il à se faire embaucher par SEGA, qui recherche alors des assistants programmeurs.

Girl’s Garden est le premier titre que Yuji Naka conçoit pour SEGA.

Ses premiers travaux ne sont pas rimenter diverses techniques. Avec l’un de ses collègues, Naka crée un jeu intitulé Girl’s Garden, simplement « pour se faire la main ». Cette aventure qui panache action et drague virtuelle plaît beaucoup aux supérieurs du duo, à tel point que Girl’s Garden consoles SEGA SG-1000 et SEGA SC3000 (les premières consoles de salon de la marque, qui ne sont sorties qu’au Japon). La nouvelle recrue fait donc forte impression et une belle carrière semble s’ouvrir devant elle.

SEGA, bien consciente des possibilités de son jeune poulain, le propulse sur des projets majeurs. Ainsi est-il nommé lead programmer sur les versions arcade de Space Harrier et OutRun cès sortis de l’esprit de Yu Suzuki. Yuji Naka consacre aussi beaucoup de temps à la nouvelle console, la Master System (SEGA Mark III au Japon), et est crédité en tant que programmeur sur des titres comme Great Baseball F-16 Fighting Falcon Hokuto no Ken / Black Belt Spy vs. Spy conversions de Space Harrier et d’OutRun ailleurs l’impressionnante vue subjective accompagnant les aventuriers en herbe dans le premier Phantasy Star Mega Drive, première console 16 bits du marché. Une machine sur laquelle Yuji Naka va donner toute la mesure de son talent avant de devenir un poids lourd du milieu.


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Toshihiro Nagoshi

Toshihiro Nagoshi D

epuis sa plus tendre enfance, Toshihiro Nagoshi a toujours souhaité travailler dans l’entertainment. L’homme à qui SEGA doit sa poule aux œufs d’or, la série Yakuza ( en version originale), a d’ailleurs longtemps hésité entre le cinéma, la musique et les mangas. Mais lorsqu’il pose les mains sur la Famicom (le nom japonais de la NES), offerte par sa petite amie de l’époque, c’est le coup de foudre ! À la rédaction, nous ne remercierons jamais assez cette jeune fille car c’est avec la 8 bits de Nintendo que Nagoshi s’est pris de passion pour le jeu vidéo.

Des débuts sur les chapeaux de roues Né le 17 juin 1965, Toshihiro Nagoshi sort de la Tokyo University of Art and Design (également nommée Tokyo Zokei University) en 1989 avec un diplôme sous le bras. Il réussit à se faire embaucher chez SEGA et ses débuts chez l’éditeur-constructeur japonais se font sur les jeux d’arcade, un secavec le studio SEGA AM2, dirigé par l’illustre Yu Suzuki, qu’il va déployer tout son talent et se faire remarquer.

Le premier gros projet auquel Nagoshi est associé, en tant que lead designer, est (1992), un pionnier dans le genre course automobile en 3D. Par la suite, il prête main-forte sur (1993), (1994), (1995) ou encore (1996). À cette époque, le futur créateur de Yakuza est loin du marché des consoles de salon et les titres destinés aux game centers constituent son univers.

Sa première implication sur un projet cent pour cent console n’est pas anodine : Toshihiro Nagoshi supervise le développement de (1999) sur Dreamcast. Une de Yu Suzuki, qui joue très gros avec ce projet, lequel connaîtra, hélas, un funeste destin (voir le portrait de Yu Suzuki dans ce même numéro). Prenant rapidement du galon, Nagoshi devient manager du studio SEGA AM4 en 1999, remanié l’année suivante pour devenir Amusement Vision. Toujours à la tête de la nouvelle jeu fédérateur et capable de divertir les joueurs passionnés et le grand de

Virtua Racing.

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Takashi Iizuka

Takashi Iizuka N

ous allons aborder dans ces pages le parcours de l’actuel numéro 1 de la Sonic Team. À la tête d’un studio renommé et responsable de la carrière (houleuse) du hérisson bleu, Takashi Iizuka n’a pas la tâche facile. Celui que Yuji Naka avait pris sous son aile et qui a fait ses premières armes sur Sonic 3 et Sonic & Knuckles est capable du meilleur comme du pire. Néanmoins, son CV affiche de belles productions et, nous allons le voir, avoir des responsabilités au sein de la Sonic Team n’est pas une sinécure !

L’ombre de Yuji Naka Né en 1970, Takashi Iizuka passe une bonne partie de sa jeunesse à rêver d’une carrière de dessinateur de mangas. Passionné par tout ce qui touche à l’imaginaire, il suit cependant un cursus scolaire des plus classiques et à l’université, ce sont surtout les sciences et les mathématiques qui occupent son quotidien. Avec de telles études, Takashi Iizuka peut aisément intégrer une grande entreprise d’électronique mais il préfère renouer avec ses désirs d’enfance et se met à chercher un secteur professionnel dans

compétences dans un cadre créatif. Et quoi de mieux que les jeux vidéo pour cela ? Après quelques entretiens, SEGA États-Unis pour travailler sur Sonic the Hedgehog 3, au côté de Yuji Naka. Pour cet épisode, il dessine un grand nombre de niveaux, dont les niveaux bonus. Trop long et ambitieux, Sonic 3 tincts, ce qui donne naissance à Sonic & Knuckles. Ces deux cartouches (toutes deux sorties en 1994, mais à

C’est en travaillant sur Sonic the Hedgehog 3 que Takashi Iizuka intègre la Sonic Team.

au public les derniers épisodes canoniques de la saga sur Mega Drive. Le travail de Takashi Iizuka est apprécié et fait forte impression (cependant, l’auteur de ces lignes soutiendra ad vitam æternam que le level design du diptyque Sonic 3-Sonic & Knuckles est loin d’égaler celui du premier Sonic the Hedgehog ! Mais passons). Pour son retour au Japon, notre homme et ses collègues de la Sonic Team se mettent à œuvrer sur NiGHTS into Dreams… (1996) pour la Saturn. Takashi Iizuka est alors responsable du game design et il a fallu de longs toute l’équipe avant de trouver une formule intéressante, sachant que le personnage de Nights devait absolument voler. Durant cette période, la et ses membres apparaissent plus soudés que jamais, le studio n’étant plus scindé en deux groupes de travail comme ce fut le cas durant une bonne période de l’ère Mega Drive.


214 Rencontre

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Ed Annunziata

Rencontre avec

Ed Annunziata L’homme qui parlait aux dauphins

E

d Annunziata est le concepteur d’une des licences, hors Japon, les plus prestigieuses de SEGA : Ecco le Dauphin. Totalement novateur dans son approche du jeu vidéo, il a donné naissance à des titres vraiment uniques comme Kolibri sur 32X, Chakan sur Mega Drive et consoles 8 bits ou encore Mr. Bones et Three Dirty Dwarves sur Saturn. Nous avons décidé de le contacter afin qu’il nous transporte dans ces années quatre-vingt-dix qui l’ont fait tant rêver, à une époque où les prises de risques de la part des éditeurs étaient légion. Il nous a en prime offert un scoop sur un Kolibri en 3D !

Comment et quand avez-vous commencé à travailler pour SEGA ? En 1989, j’ai quitté la ville de New York pour m’installer en Californie, en tant que producteur de jeux vidéo pour SEGA of America. J’avais une expérience de programmeur sur 6502 (un type de microprocesseur 8 bits assez répandu), ce qui m’a permis d’être embauché pour ce job. Comme j’avais déjà conçu des jeux, j’en étais tout à fait capable.

Vous avez travaillé pour SEGA durant sept ans. Quel ressenti gardez-vous de cette période ? Sans hésiter, il s’agit de mes sept meilleures années. Le timing était parfait pour rejoindre SEGA. Dès mon arrivée, j’ai été en mesure de produire le premier jeu Mega Drive de SEGA of America : Abrams Battle Tank, suivi par le premier jeu Marvel, Spider-Man VS the Kingpin. C’est ce qui m’a permis de concevoir le premier jeu maison de SEGA of America, Ecco le Dauphin. C’était un fantastique marathon pour moi. Durant ces années, j’ai pu produire tous les jeux dont j’avais envie : Xmen, Dungeons & Dragons : Warriors of the Eternal Sun, et bien sûr mes propres jeux, tels que Chakan the Forever Man, Mr. Bones, Three Dirty Dwarves, Ecco, Ecco Jr., etc. Oui, vraiment, ces sept années furent les plus enrichissantes en tant que concepteur de jeux vidéo.

Ecco the Dolphin.


206 Rencontre

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Steve Woita

Rencontre avec

Steve Woita Créateur de Kid Chameleon

S

teve Woita est le créateur et programmeur principal d’un jeu célèbre (pour différentes raisons) de la Mega Drive : Kid Chameleon. Ancien membre de SEGA Technical Institute (une branche américaine de la firme), il a également participé à la conception des niveaux bonus de Sonic 2 ainsi qu’à des titres comme Sonic Spinball. Pour comprendre les coulisses du passé, nous lui avons posé des questions sur cette époque révolue, mais ô combien passionnante. Comment et quand avez-vous commencé à travailler pour SEGA ? En 1992, j’ai entendu parler de cette ambiance très cool qui régnait dans les locaux de cette division de SEGA appelée SEGA Technical Institute (STI). Un membre de ma famille, Scott Chandler, a parlé de moi à son boss de l’époque, Mark Cerny, et il lui a expliqué que j’étais disponible pour rejoindre le groupe et que ça pourrait être un grand atout pour mettre sur pied de nouveaux projets. Tout est parti de là. À ce moment précis, je travaillais pour Tengen et il nous arrivait assez régulièrement de jouer au tés se trouvaient dans le même bâtiment.

Un jour, lorsque je rejoins mon bureau après une bonne heure de jeu, mon téléphone se met à sonner. Au bout du Viens maintenant, j’ai quelque chose pour toi chez SEGA ». Je lui réponds que je vais passer mais qu’il faut que je me change car je suis encore en baskets. Je portais un t-shirt Bart Simpson Under Achiever » (littéraleet me rétorque que le studio n’est qu’à quelques pâtés de maisons. Je me suis donc pointé avec mon t-shirt Bart tions du studio. J’ai vraiment aimé ce que j’ai vu. Entretemps, Activision / Mediagenic m’a proposé un contrat pour être le premier programmeur en Amérique à travailler sur la Super NES. J’ai accepté et j’ai bossé pour eux environ un an et demi. Puis Activision a décidé de déménager à Mark à STI et il m’a embauché. C’est clairement l’un des meilleurs choix de ma carrière. J’ai beaucoup appris et je regrette cette ambiance et cet endroit où j’ai travaillé avec des gars vraiment géniaux.

Kid Chameleon.


210 Rencontre

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Frédérick Raynal

Rencontre avec

Frédérick Raynal Un des emblèmes de la « French touch »

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artenaire de prestige pour SEGA, Frédérick Raynal est revenu avec nous sur les années No Cliché, où il créait des jeux pour la Dreamcast, et sur les relations qui unissaient son studio et la firme d’Haneda. Le plaisir de découvrir un homme qui a toujours vécu sa passion à fond, sans s’enfermer dans des carcans. En somme, tout ce que recherchait SEGA après la période Saturn. Témoignage d’une époque formidable, que les fans de la marque se rappellent avec émotion.

Comment avez-vous été amené à travailler avec SEGA ? À l’époque où nous avons décidé avec Delphine Group de vendre Adeline Software, SEGA est venue par hasard nous voir pour chercher des développeurs en third party (NDLR : développeurs tiers) pour la Dreamcast. La première réunion a duré cinq minutes et a donné à peu près ça : SEGA : « Bonjour, nous cherchons des jeux pour la Dreamcast ». Nous : « Bonjour, nous sommes à vendre ». SEGA : « Bon, on vous recontacte bientôt ». Une semaine plus tard, après que nous eûmes délibéré en interne sur notre passage du monde du PC au monde des consoles, les discussions avec SEGA étaient entamées pour nous amener à devenir le premier studio européen de la société.

Comment est née No Cliché et d’où vient le nom ? SEGA voulait une nouvelle marque. Nous avons donc renommé Adeline Software (la sœur de Delphine Software). Le nom a été trouvé de manière collégiale, nous voulions un nom français avec un accent qui soit compris par des anglophones. Comme nous tentons toujours de ne pas faire comme les autres, No Cliché sonnait bien. Quelles étaient vos relations avec les différentes branches de SEGA à l’époque de la Dreamcast ? Excellentes, SEGA a toujours été très proche de ses développeurs et savait les soigner. Nous avions régulièrement des visites des dirigeants japonais et nous sommes souvent allés à Tokyo pour assister aux réunions de développeurs pour donner notre avis sur les choix techniques pendant la conception de la console. Racontez-nous la genèse de Toy Commander, l’un des titres de lancement de la console. À l’origine, Didier Chanfray voulait réaliser un jeu avec des petites voitures dans une maison, et je voulais passer de la structure des jeux d’aventure à une structure reposant plus sur des missions, en conservant

Frederick Raynal.

Comme on l’a souvent fait avec Didier, quelques soirées / réunions plus loin, les bases étaient jetées. Ensuite, c’est un travail d’équipe où chacun a apporté un peu de lui dans le jeu.


156 Profil

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The Creative Assembly

The Creative Assembly Q

uand SEGA entre dans le capital du studio en 2005, The Creative Assembly est surtout connu pour sa série de jeux de stratégie historiques : Total War. Situé dans le Sussex, le développeur anglais conserve une relative indépendance par rapport à la maison mère japonaise et s’est essayé à divers genres avant de devenir la machine de guerre des RTS.

A

vant d’être le studio des Total War, The Creative Assembly avait surtout réalisé des adaptations et des titres de sport. En 1987, lorsque Tim Ansell fonda son studio de développement, il était bien plus simple de se spécialiser dans les conversions de jeux pour Spectrum, Commodore 64, Atari 800 et différents formats

Shogun : Total War.

d’ordinateurs IBM. En guise d’« assemblée créative », il y avait essentiellement Tim Ansell et… lui-même. À l’époque, il était inutile d’avoir des équipes de trente personnes pour porAnsell s’est occupé entre autres de la conversion de Shadow of the Beast ou Stunt Car Racer pour MicroStyle.

Du sport à la guerre C’est avec la version PC des premiers jeux FIFA que débute un long partenariat fructueux avec Electronic Arts. Parmi les titres, on compte notamment un jeu de rugby très apprécié en Australie, d’où la création d’un bureau dans ce pays. Les licences sportives sont particulièrement rentables et ne demandent pas une prise de risque très élevée. Le moteur graphique développé en interne permet de gérer les équipes sportives en 3D et est ensuite adapté pour gérer des troupes armées. Après tout, le sport n’étant qu’une façon de poursuivre la guerre sous une autre forme, produire des jeux de gestion d’armée était une acquis techniques liés à la collaboration avec EA. Mike Simpson, creative director du studio et créateur des Total War, se rappelle le passage des jeux de sport au RTS : « Le change-


186 Décryptage

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Sonic, vie et mort d’une icône

Sonic Vie et mort d’une icône

N

é en 1991, le petit hérisson supersonique aux baskets rouges a très rapidement conquis un large public. Héros d’un jeu de plateformes totalement renversant, Sonic constitue une réponse intelligente au Mario de Nintendo car il propose une alternative solidement étudiée. Un état de grâce pour SEGA, mais qui ne va pas durer car contrairement au plus célèbre des plombiers, la mascotte bleue ne bénéficiera pas toujours d’un traitement digne de son statut d’icône. Retour sur la carrière houleuse d’une star déchue (à laquelle nous avions consacré un dossier en trois parties paru dans les numéros 12, 13 et 14 d’IG).

De Mr. Needlemouse à Sonic Mario. Un prénom qui évoque bien des choses aux fans de jeu vidéo. Alors que certains ravagés du bulbe croient encore que ce monument de level design n’a pas la maturité de Call of Duty, d’autres lui vouent un culte depuis presque trente ans maintequatre-vingt, le plombier de Nintendo est bien souvent au centre des discussions. C’est une évidence : l’entreprise se doit de posséder dans son écurie un personnage fort et représentatif de la marque. Certes, il y a Alex Kidd, mais malgré certains jeux très réussis

Propositions de mascottes lors du concours interne organisé par SEGA.

à sa gloire, nous sommes encore loin de l’aura de la mascotte de Nintendo. Le département AM8 se voit donc portance : gamberger sur un concept de jeu qui constituerait le plus beau des écrins pour la future mascotte de SEGA. Rien que ça. Condition sine qua non : ce jeu doit tourner sur Mega Drive, qui réalise un véritable tabac en Occident (au Japon, la 16 bits s’adresse essentiellement à une clientèle de jeunes adultes et de core gamers). Concernant le look du personnage, un concours interne est lancé.

Plusieurs concepts de mascottes sont échafaudés : un lapin, un héros inspiré de Theodore Roosevelt (qui deviendra le Dr. Eggman), un clone de Bart Simpson, un loup, un chien, un renard, etc. Parmi les participants, un duo se distingue : Naoto designer et le second, programmeur (celui-ci a travaillé sur les trois premiers Phantasy Star et sur l’excellente conversion Mega Drive de Ghouls’n Ghosts hérisson bleu, couleur qui ne doit rien au hasard puisqu’elle fait directement référence au logo de SEGA. Le personnage est baptisé Mr. Needlemouse, « needlemouse » étant une traduction littérale du mot japonais hedgehog », soit « hérisson » dans la langue de Shakespeare. Loin de se cantonner au simple rôle de chara designer sur papier des bouts de niveaux dans lesquels le hérisson fait montre de ses capacités hors du commun.


224 Analyse

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L’héritage de SEGA

« Mario ? C’est un peu comme ce jeu avec le hérisson... » L’héritage de SEGA

Q

ue reste-t-il de SEGA dans l’imaginaire collectif ? Si sa véritable heure de gloire culturelle semble aujourd’hui appartenir au passé, la firme qui nous a donné Sonic, Altered Beast, la Mega Drive ou la Saturn n’en a pas moins laissé son empreinte bien au-delà des jeux vidéo, du cinéma aux séries télévisées en passant par le sport ou la musique.

I

mpitoyable, le jugement était toujours le même. « SEGA, c’est plus fort que toi », vère (mais toujours juste) Maître Sega, au pitoyable punk à crête venu s’essayer inconsidérément sur nos petits écrans au premier Sonic ou à Moonwalker. Le slogan et la série de pubs sont encore dans toutes les mémoires, suppose le joueur vétéran, mais en est-on bien sûr ? Car c’était le début des années quatre-vingt-dix, l’époque glorieuse où la guéguerre Super Nintendorécré — comme, quelques années plus tôt, celles opposant les fans de l’Atari ST et de l’Amiga, de l’Amstrad CPC et du Commodore 64, de l’Atari 2600 et de la Colecovision. À l’époque, les Nuls (« Sida, c’est plus fort que toi ») ou les Guignols (« Saddam, c’est plus fort que toi ») pouformule : accrocheuse, celle-ci était

lée. Mais le temps a passé et, douze l’arrêt de la production de la regrettée Dreamcast, les gamers les plus jeunes et les moins curieux sont sans doute nombreux à ignorer qu’avant d’être l’éditeur de Football Manager (et, quand même, de Sonic), la société japonaise a autrefois fabriqué des consoles de salon sur lesquelles on se mesurait à Hang-On ou Streets of Rage. Pourtant, SEGA n’est pas une marque moribonde ou disparue, un logo surgi de la préhistoire ludique façon Commodore ou Atari pour venir s’imprimer sur une ligne de t-shirts pour geeks chic, mais un survivant mutant d’une autre ère du jeu vidéo, quasi un mort-vivant, voire un spectre qui hante le monde vidéoludique — et ses transformations ou virages esthético-commerciaux sont toujours discutés avec passion. Comme en souvenir du temps où SEGA était omniprésente.


50 La Mega Drive

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Les jeux Mega Drive Disney’s Aladdin 1993 Au plus fort de la guéguerre Mega Drive vs. Super Nintendo, un jeu apporte de sérieux arguments en faveur du camp pro-SEGA : Disney’s Aladdin. Réalisé par le golden boy du jeu vidéo, David Perry, Aladdin est un véritable petit dessin animé, et certainement l’un des jeux 16 bits les plus impressionnants de son époque. Aladdin est le fruit de la collaboration entre SEGA, Virgin Interactive (qui a séduit l’éditeur japonais avec ses jeux à licence de qualité comme Cool Spot et Global Gladiators) et les studios Disney eux-mêmes. Plusieurs animateurs de Disney ont d’ailleurs travaillé directement sur les sprites via un procédé appelé Digicel, ce qui explique le résultat spectaculaire. Mais Aladdin n’est pas qu’une simple claque graphique, c’est aussi un excellent jeu de plateformes qui multiplie les moments d’anthologie, le plus célèbre étant certainement la séquence

Impossible de ne pas mentionner la superbe bandesitions mémorables.

d’une rivière de lave.

Gunstar Heroes - 1993

quatre-vingt-dix par une bande d’anciens de chez Konami, qui en avaient assez de réaliser des suites à répétition et années forgé une réputation d’orfèvre du gameplay, comparable à l’aura que possède Blizzard dans le monde PC par exemple. Le studio japonais frappa un grand coup dès son premier jeu, Gunstar Heroes (Mega Drive), resté la référence absolue en matière de run’n gun jusqu’à l’arrivée de Metal Slug. donnaient son pouvoir ont été dispersées. C’est désormais aux Gunstar Heroes, Red et Blue, blastant tout ce qui bouge ! Gunstar Heroes est l’un des jeux les plus survoltés et inventifs de la Mega Drive. Il enchaîne des niveaux devenus culte : train de la mine lancé à toute vitesse, jeu de l’oie, phase de shoot’em up Alien Soldier, Dynamite Headdy ou encore Light Crusader.


82 La Dreamcast

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Les jeux Dreamcast Crazy Taxi - 2000 Mitonné par le studio Hitmaker (ensuite racheté et fusioné avec SEGA AM3) pour le système Naomi, Crazy Taxi fut l’un des meilleurs ambassadeurs de la Dreamcast grâce à une conversion parfaite en tout point ainsi qu’à un gameplay nerveux et addictif. Rappelons le principe pour les béotiens qui n’auraient jamais jeté leur dévolu sur cette merveille du jeu d’arcade : le joueur embrasse la rock’n’roll que dans la réalité) et son objectif est simple comme bonjour, accumuler le plus de gains possible en prenant divers clients et en les conduisant à la destination demandée. Avec une bande-son de fou furieux (à laquelle ont Crazy Taxi est un concentré de bonne humeur et de fun immédiat. On y retrouve la « SEGA touch » de l’époque,

d’une ambiance rappelant fortement les game centers. À noter que la version Dreamcast ajoute une nouvelle ville via le mode « Original », ainsi qu’un mode « Crazy Box »

Grandia II - 2000 La suite du « Final Fantasy VII de la Saturn » est à nouveau une franche réussite. Plus dirigiste que son prédécesseur, Grandia II n’en est pas moins excellent et Game Arts en matière de JRPG. Dans les bottes du vaillant Ryudo (un mercenaire toujours prêt à se faire quelques pièces d’or), le joueur va basculer dans une aventure trépidante alors qu’il a pour mistiques au possible, Grandia II vous happe dès les premières minutes et ne laisse jamais retomber la pression grâce à un scénario mené tambour battant. L’un de ses ajouts majeurs tient à son système de combat. On a rarement fait mieux que ce mélange futé de tour par tour et de temps réel. Résultat : c’est très nerveux et on enchaîne les bastons avec un grand plaisir. Cerise sur le gâteau : les thèmes musicaux sont de pures merveilles. Un travail d’orfèvre que l’on doit à l’immense Noriyuki Iwadare (Grandia, Lunar).


94 La Game Gear

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Les jeux Game Gear Aladdin - 1994 Si l’histoire vidéoludique n’a retenu d’Aladdin que la version Mega Drive de David Perry ou le duel de cette dernière avec la mouture Super Nintendo, il serait triste d’oublier que le formidable long métrage des studios Disney a également trouvé son bonheur sur les 8 bits de SEGA. Au niveau du scénario, tion Game Gear reprend scrupuleusement la trame de l’original. Notre sympathique voleur chipe un pain au marché et se fait traquer dans le premier niveau ; dans le deuxième, il aide la princesse Jasmine (déguisée pour se fondre dans le bas peuple) à échapper aux gardes ; tout ceci avant de visiter les légendaires caverne des Merveilles et palais d’Agrabah. Mêlant habilement action et plateformes, Aladdin contient aussi de petites scènes faisant progresser l’intrigue entre les niveaux. Elles utilisent le moteur du jeu mais n’en demeurent pas moins agréables à visionner. Très joli et calqué sur la version Master System, cet Aladdin sur Game Gear est une valeur sûre.

Castle of Illusion starring Mickey Mouse - 1991 Les jeux développés par SEGA mettant en scène les personnages de Disney n’ont pas fait que des prouesses sur Mega Drive. Si la version 16 bits de Castle of Illusion est d’une grande féerie, son équivalent 8 bits s’en sort lui aussi avec les honneurs. Concernant le pitch, on reste en terrain connu : la pauvre Minnie se fait à nouveau enlever par la méchante sorcière Mizrabel. Si cette dernière agit de la sorte, c’est qu’elle envie la grande beauté de la copine de Mickey. Ce dernier n’a donc pas d’autre choix que d’entrer dans le château de l’Illusion pour y délivrer sa belle. Ne pouvant s’aligner au même niveau sur le plan du graphisme, la version Game Gear (là encore très semblable à celle vue sur Master System) s’éloigne du concept original et propose une tout autre expérience : l’action-plateformes laisse place à de la plateforme pure et dure. L’aire de jeu est bien plus vaste que sur 16 bits et les passages secrets, plus nombreux. Se servant à nouveau de son popotin pour écraser ses ennemis, Mickey doit ici soulever divers objets tels que des rochers ou des pots de miel, ces projectiles servant à se débarrasser des créatures qui se dressent contre lui.


66 La Saturn

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Les jeux Saturn Akumajô Dracula X : Gekka no Yasoukyoku - 1998 Ce nom barbare dissimule en réalité simplement la version Saturn de Castlevania : Symphony of the Night, sortie uniquement au Japon. Symphony of the Night étant le hit que l’on connaît sur PlayStation, on pouvait se douter que cette version Saturn serait elle aussi un jeu d’exception. Cet épisode bouleverse le gameplay habituel de ser une architecture plus ouverte que d’ordinaire, à l’image de Castlevania II sur NES. « Iga » a fait de Symphony of the Night un jeu qui mêle plateformes, RPG et exploration, qui emprunte également énormément à la série des Metroid de Nintendo. On y incarne plus cool des héros de la série. La version Saturn contient quelques nouveautés amusantes. Ainsi, il est possible, dès le début, de jouer avec Alucard, Richter ou Maria, personnage inédit de cette version. Loin d’être une demoiselle en détresse, Maria possède d’ailleurs des attaques très inspirées de mangas shônen populaires, comme YuYu Hakusho ou Dragon Ball Z. Le jeu comporte également deux zones supplémentaires, qui restent toutefois assez anecdotiques.

Burning Rangers - 1998 Comme son nom ne l’indique pas, la Sonic Team n’a pas réalisé que des jeux mettant en scène le célèbre hérisson brûlant Burning Rangers, qui met le joueur dans la peau de pompiers du futur ! Il s’agit d’un jeu d’action en 3D se déroulant dans un de se propager. Il importe d’apprendre très vite à guetter plosions. Mais pas question d’avancer prudemment, car le niveau de danger augmente en permanence, déclenchant de nouvelles explosions et de nouveaux départs d’incendie. Autant dire que le stress est au rendez-vous. Le jeu ne comporte que quatre niveaux, mais ils sont variés : centrale électrique, aquarium sous-marin et même station spatiale.

La Saturn est réputée pour être plus adaptée à la 2D fets 3D dignes de ce nom. Avec Burning Rangers, la Sonic Team donne un cours magistral pour prouver que la Saturn n’a rien à envier à la PlayStation, grâce notamment à


34 La Master System

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Les jeux Master System Alex Kidd in Miracle World - 1986 Avant l’apparition d’un certain hérisson bleu, la mascotte de SEGA était un petit Super Mario, le personde la SEGA Mark III, rebaptisée Master System en dehors du Japon. nacé par le tyran Janken, venu de la planète Janbarik. Grâce à sa magie noire, Janken change les habitants de Radaxian en pierre et enlève la famille royale. Pendant ce temps, un orphelin du nom d’Alex Kidd étudie les arts martiaux sur une montagne solitaire. C’est alors qu’un vieil roi de Radaxian, enlevé à sa famille alors qu’il était enfant. ter Janken et ses séides. Alex Kidd in Miracle World est un incontournable de la 8 bits de Master System II (le jeu se lançait si on allumait la console sans avoir inséré de cartouche).

Astérix - 1991 Il est assez étonnant de se dire que les Gaulois créés par Goscinny et Uderzo ont donné lieu à l’un des meilleurs jeux de la Master System, mais Astérix fait incontestablement partie des classiques de cette machine. Le pratiquant de ce jeu de plateformes incarne Astérix ou Obélix pour aller secourir Panoramix, capturé par ces fous de Romains. Très inspiré de Super Mario (on retrouve par exemple des « tuyaux » menant à des souterrains, ou des blocs que l’on peut briser à coups de tête), le jeu de SEGA n’en est pas moins respectueux de l’univers graphique de la bande dessinée. À l’origine du projet était Tomozou Endo, spécialiste des adaptations de licences occidentales puisque c’est aussi lui qui supervisa les jeux Michael Jackson’s Moonwalker et Castle of Illusion.

L’une des originalités du titre est la présence de poexplosive permet de casser des blocs ou de causer des jets d’eau pouvant servir de plateformes. Obélix quant à lui ne s’embarrasse pas de cette alchimie antique et préfère balancer des menhirs. Il est évident qu’Astérix a surtout marqué les joueurs européens, mais ce n’en est pas moins un excellent titre.


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