IG Magazine 24

Page 1


22 Analyse

.

The Cave

Le mythe de la caverne selon Ron Gilbert

B

P

ien souvent, le plus difficile lorsque our réaliser un bon jeu l’on crée un jeu, ce n’est pas la d’aventure, il faut un production en elle-même mais sa monde imaginaire qui transpromotion auprès des journalistes porte le joueur hors de son et des joueurs. Ron Gilbert (connu quotidien. Dans The Cave, il pour Maniac Mansion et Monkey s’agit d’une grotte mystérieuse Island) a ainsi fait le tour des et… parlante. « Je commence capitales à travers le monde pour toujours par créer l’univers, répondre avec le sourire aux nous explique Ron Gilbert. Dans mêmes questions. À Paris, malgré Maniac Mansion, tout tourne aula grippe et la fièvre, il a tenu à tour de la demeure et dans Monnous présenter son nouveau jeu key Island, le point essentiel était d’aventure et nous raconter Pirates des Caraïbes. J’ai toujours ses histoires. voulu vivre dans ce type d’univers.

IG24_001-240_.indb 22

C’est aussi avec la caverne que j’ai commencé à penser The Cave. C’est seulement après que viennent les récits puis les énigmes à résoudre qui viennent faire avancer l’histoire. » Bien que cette grotte possède une voix masculine caverneuse, elle n’est pas le thème du jeu mais bien le lieu à explorer. Sept persontrouvent : un péquenot, une scientien armure, un moine bouddhiste, une voyageuse dans le temps et un couple de faux jumeaux. Même s’il n’y a que sept personnages joueurs, en réalité, ils sont bien huit, quatre de chaque sexe pour un parfait équilibrage au niveau des genres. Gilbert explique que cette attention particulière à la représentation des genres est sans doute liée à son histoire familiale. « J’ai toujours aimé les personnages féminins forts. C’est le cas dans Monkey Island avec Elaine Marley et même lorsque Guyvient pas vraiment et fait plutôt tout capoter. Je suppose que c’est lié à ma mère, qui a été très impliquée dans les mouvements féministes dans les années 1960. »

09/01/2013 17:43:55


28 Preview

.

SimCity

Oubliez ici votre vie sociale hors ligne

S

imCity, c’est bien. Voilà en une phrase l’essentiel de ce que nous allons détailler dans les quatorze prochaines pages. Nous pourrions même ajouter : SimCity est indispensable sur Mac et PC. Plus concrètement, nous avons pu jouer à une version non définitive mais déjà bien avancée et nous avons posé beaucoup de questions aux développeurs durant la visite du studio près de San Francisco. Oubliez ici tout ce que vous savez ! Et redécouvrez maintenant le roi des city builders.

O

cean Quigley ressemble au père Noël. Il a la même barbe fournie, les yeux qui pétillent quand il parle avec passion de son jeu et un enthousiasme sans faille. La seule non une usine de petits lutins mais veau SimCity. Il nous explique que ce

jeu est né des frustrations de SimCity 4 la partie graphique. Avec un collègue développeur (Andrew Willmote), ils discutaient pendant des heures de possibilités pour changer le jeu et le rendre plus beau, plus accessible

un SimCity meilleur était toujours shaw, la directrice du studio, leur a six mois pour construire un proto-

travaillé durant huit ans sur Spore

nouveau membre au sein des scripteurs, elle lui donne quinze jours

de jeux de simulation de vignoble, de simulation de ruche et autres univers

lées selon des règles bien établies.

IG24_001-240_.indb 28

09/01/2013 17:44:08


42 Rencontre

.

Football Manager 2013

Rencontre avec

Miles Jacobson Studio director

M

iles Jacobson travaille depuis dix-sept ans pour Sports Interactive, qui crée des jeux depuis vingt ans. Même s’il n’a pas participé à la naissance du premier épisode de Football Manager (FM) conçu par licence et nous explique en quoi cette version 2013 est encore meilleure que les précédentes.

La nouvelle édition de FM contient plusieurs nouveaux modes de jeu. La nouveauté principale semble être le mode « Classique ». Le mode « Classique » est essentiellement une façon plus rapide de jouer. Beaucoup des fonctionnalités de la simulation complète ont été désactivées ou supprimées

En quoi consistent les nouveaux modes « Challenge » et « Face à face » ? Le mode « Challenge » consiste à jouer des scénarios rentes situations : prendre en main une équipe invain-

plus ou moins à mi-chemin entre Football Manager et Football Manager Handheld

Versus permet de prendre des équipes de ses parties sauvegar-

-

On peut penser que les amateurs de la version complète ne joueront pas au mode « Classique », et réciproquement. Pourquoi ne pas le vendre séparément ? Nos statistiques in game

voir qui a la meilleure équipe. Quelles sont les nouveautés principales de la partie simulation ?

Vous arrive-t-il de privilégier des choix qui rendent la simulation plus plaisante au détriment du réalisme ? Je pense notamment aux aspects financiers. -

IG24_001-240_.indb 42

09/01/2013 17:44:38


48 Critique

.

Ni No Kuni : La Vengeance de la sorcière céleste

Livre enchanteur

C

ette première aventure du Studio Ghibli dans le monde vidéoludique a mis du temps à atteindre l’Occident, à l’image L’une des principales missions consiste à restaurer la santé morale des PNJ, en absorbant le surplus de courage, de confiance ou d’amour des uns pour le transmettre à ceux qui en manquent.

en traduction, et son fameux grimoire a bien failli connaître le même

R

éunir l’illustre studio d’animation et l’étoile montante du jeu vidéo nippon sur une même

-

originale, également présente. Et

la tournée mondiale aurait pu être

-

une telle désillusion ? C’est aussi mys-

ding

cel-sha-

r Allie résiderait dans l’autre monde, littéralement « Ni No Kuni lèges d’un grimoire. Tel est le point

Ni No Kuni

s

s -

Ni No Kuni porte le sceau du Studio Ghibli, comme l’illustre son cortège de personnages aux traits exubérants. La partition symphonique de Joe Hisaishi met immédiatement dans l’ambiance des films d’animation, le thème de la carte rappelant aussi son travail pour Tengai Makyô II. Dommage que la musique des combats devienne pesante à la longue, même sans temps de chargement.

IG24_001-240_.indb 48

09/01/2013 17:44:57


54 Rencontre

.

Rencontre avec

Ken Levine Directeur créatif de BioShock Infinite et cofondateur d’Irrational Games

D’un point de vue chronologique, la lignée « Shock » avance à reculons d’une itération à l’autre. Y a-t-il une limite à ce voyage dans le passé, des époques qui ne correspondraient pas aux prérequis de la série ? Globalement, non. C’est System Shock qui a dicté la date à laquelle commence System Shock 2. J’ai essayé de déterminer combien de temps un vaisseau spatial mettrait pour se rendre de la station Citadelle à la Terre, et

Les éléments qu’Elizabeth peut faire apparaître par le biais des failles interdimensionnelles offrent des opportunités de changer le cours des hostilités, mais à quel prix ?

IG24_001-240_.indb 54

ainsi de suite, en tenant compte de sa vitesse. D’ailleurs, je crois que je me suis trompé dans les calculs, car je suis assez mauvais en mathématiques. Mais si l’on considère la franchise dans son ensemble, je pense que les gens ne changent pas, cela pourrait donc se passer n’importe quand. Nous recherchons avant tout des périodes qui nous paraissent intéressantes, qui nous attirent. Pourquoi les épisodes de BioShock se déroulent-ils dans un passé parallèle si proche du nôtre ? Je trouve qu’avoir quelque chose de familier, auquel on peut se rattacher, s’avère souvent utile pour la crédibilité. Suivant cette approche, s’appuyer sur torisons que quelques changements par rapport au monde que nous connaissons. Bien sûr, System Shock 2 comporte des technologies avancées, puisqu’il se passe dans le futur, mais il n’y a pas d’extraterrestres par exemple : les Many ne sont que des créatures issues des expériences génétiques de SHODAN. J’essaie vraiment de limiter ces éléments fantaisistes à deux ou trois. Dans , c’est la technologie qui permet à la ville de tenir en l’air, avec la robotique surnaturel des ruptures interdimensionnelles, et c’est tout ; cela nous donne une base.

09/01/2013 17:45:18


58 Preview

.

Metal Gear Rising : Revengeance

L’heure de la « Revengeance » a sonné !

E

n résumant grossièrement, on pourrait dire que la phase de conception d’un jeu peut prendre deux tournures opposées. D’un côté, elle se déroule parfaitement, sans le moindre accroc majeur. De l’autre, elle emprunte un chemin nettement plus tortueux, quelles qu’en soient les raisons. Généralement, on s’attend d’ailleurs à ce que les titres ayant connu une gestation difficile se révèlent finalement décevants. Metal Gear Rising : Revengeance tend à démontrer l’inverse. Et pourtant, son développement n’a pas été des plus limpides.

À

l’origine, Metal Gear Rising est un projet conçu en interne par Kojima Productions. Des éléments en ont été dévoilés durant les E3 2009 et 2010. Mais ne parvenant pas au résultat escompté, le studio japonais décide de mettre entre parenthèses le développement du jeu. Du moins, jusqu’à nouvel ordre. Suite à cet échec, une solurapidement. Elle se nomme PlatinumGames. Les géniteurs de l’excellent Bayonetta trouvent un accord avec

poursuivre la production de Metal Gear Rising. Fin 2011, lors des Video Games Awards, on apprend ainsi que le jeu a changé de nom — apparition du sous-titre Revengeance —, d’histoire et surtout, de développeur. Du moins, pour ce qui a trait à la conception de son gameplay, celui-ci ayant lui aussi évolué depuis les débuts du projet. Kojima Productions supervise toutefois l’ensemble et reste notamment activement impliqué au niveau de l’écriture du scénario et à la saga Metal Gear.

Nom : Raiden. Profession : boucher. Réputé et choisi pour son savoirfaire inimitable lorsqu’il s’agit de concevoir des jeux d’action, PlatinumGames travaille donc depuis de longs mois pour donner naissance à un nouveau beat’em all. Dans la peau de Raiden, le joueur est ainsi invité relâche, contre des ennemis toudu gameplay provient de la possibilité de littéralement découper en pièces ses opposants en choisissant avec minutie la partie du corps à trancher. Pour ce faire, notre héros passe en « mode katana ». Son utilisation est conditionnée par une jauge. Si, au départ, on s’amuse à tester sur les adversaires les plus

vite plus de résistance.

IG24_001-240_.indb 58

09/01/2013 17:45:32


72 Critique

.

Devil May Cry

Mi-ange, mi-démon

A

lors que Devil May Cry vient à peine de souffler ses dix bougies, voilà que Capcom lui offre déjà un lifting, confié aux chirurgiens de Ninja Theory. Sans doute l’éditeur espère-t-il que ce coup de jeune permettra à la saga de séduire un nouveau public, tout en la débarrassant de ses vieux démons…

P

lus que d’une cure de jouvence, DmC a des airs de renaissance lorsque l’on découvre Dante adolescent, la mèche (brune) rebelle, brûlant ses vingt ans en charmante(s) compagnie(s). Une image de sale gosse que notre héros cultive tout au long de cette épopée, à grand renfort de poses décontractées, de regards dédaigneux et de joutes verbales. Néanmoins, ce reboot change sensiblement de ton, car en cherchant à se vulgariser, il garité. N’y voyez pas une allusion aux séquences de sexe, bien moins audacieuses que les illustrations sous forme de peintures subtilement lascives le suggèrent. Le malaise provient davantage d’un vocabulaire parfois ordurier, qui constitue

en prime le seul relief de dialogues d’une platitude désespérante. Dante nous a certes habitués à un langage cet éphèbe, ces gros mots sonnent faux, particulièrement en français. Et il ne faut pas non plus compter sur la mise en scène pour susciter la moindre émotion, surtout avec les guitares et les voix caverneuses de Combichrist en musique de fond. métaphorique à l’encontre du grand méchant capitalisme en guise de scénario, amené si lourdement qu’il en perd tout intérêt ? Évidemment, la série n’a pas vocation à soulever des questions philosophiques, en dépit de ses inspirations mythologiques. N’empêche que la classe typiquement nippone de Devil May Cry s’en

Un message subliminal se cache dans cette section de plateforme, discipline dans laquelle Dante reste moins habile malgré tout…

IG24_001-240_.indb 72

est allée en même temps que le MT Framework, que remplace l’incontournable Unreal Engine au cachet tellement moins personnel. Fils de catin ? Ainsi les accents gothiques ne paraissent-ils pas à leur place au sein de ce monde plus ostensiblement moderne, et souvent banal. De toute façon, Dante passe la plupart de son temps dans sa facette obscure, les limbes, où résident les démons. Cette dimension parallèle dégoulinante de putréfaction se montre drer une véritable atmosphère, fort chaotique d’ailleurs. D’autant que les murs des bâtiments tendent à se disloquer pour entraver l’avancée de Dante, tout comme le sol se dérobe régulièrement sous ses pieds. Si ce stratagème se répète à maintes reprises, c’est pour mieux souligner les progrès du jeune nephilim en matière d’acrobaties. Déjà amorcé dans Devil May Cry 4, notamment avec le bras démoniaque de Nero, ce pentravers la chaîne d’Ophion. Selon la gâchette utilisée, ce grappin sert à se hisser vers une plateforme ou à en attirer une. S’y ajoute le vol de l’ange qui permet de planer horizontalement un court instant, de sorte que DmC s’impose comme le plus aérien de sa lignée, ce qui n’est pas peu dire compte tenu du talent unanimement

09/01/2013 17:46:14


80 Preview

.

Tomb Raider

Les malheurs de Lara A

nnoncé il y a plus de deux ans maintenant, le reboot de Tomb Raider fait saliver un nombre considérable de joueurs. Il faut dire que la communication autour du jeu a été savamment orchestrée par le développeur Crystal Dynamics et par l’éditeur Square Enix. Le duo a ainsi progressivement levé le voile sur une aventure singulière semblant mettre autant l’accent sur la narration et les émotions que sur l’action. C’est du moins ce que l’on voulait nous amener à penser. Mais qu’en est-il réellement ? Premiers éléments de réponse.

D

eux heures. C’est le temps que nous avons pu passer en

pour se familiariser avec les principales mécaniques du jeu et découvrir un peu plus que le début de l’aventure. Ceux qui suivent l’actualité de notre média ne seront pas surpris par les soixante premières minutes de ce reboot. Elles ont été l’objet de plusieurs présentations, notamment au cours des derniers E3. Pour rappel, on incarne une Lara Croft malmenée par des inconnus, autant que par la malchance,

IG24_001-240_.indb 80

après qu’elle s’est échouée sur une île aussi mystérieuse qu’hostile. À peine a-t-elle le temps de toucher suspendue par les pieds au sein d’une grotte pour le moins dangereuse. La belle ne fait par la suite qu’enchaîner les galères, manquant à plusieurs reprises de se tuer. Meurtrie dans chair, traumatisée, elle parvient tout de même à sortir de cet environnement clos pour rallier le cœur de l’île. L’aventure, jusqu’ici totalement linéaire, peut

Un jeu à deux visages À vingt et un ans, Lara n’est dans ce Tomb Raider que l’esquisse de l’intrépide aventurière qu’elle deviendra plus tard. C’est cette progressive mutation que Crystal Dynamics a choisi de raconter dans ce reboot. On se voit donc placé au départ dans la peau d’une jeune femme vierge de toute expérience. Cette position de faiblesse donne un caractère singulier au jeu qui s’apparente dans un premier temps à un « survival ». Très vite, on se rend compte que les apparences sont toutefois trompeuses. Après vous avoir fait chasser une biche — non sans verser quelques larmes de rage —, allumer un feu et même, tuer un homme particulièrement menaçant, Tomb Raider opère un changement de direction assez brutal pour laisser place à un cocktail d’action, d’exploration et de plateformes assez détonant. Si les cinématiques continuent de jouer avec vos émotions, le cœur de l’expérience se révèle bien plus classique.

09/01/2013 17:46:42


88 Rencontre

.

Gears of War : Judgment

Rencontre avec

Alan Van Slyke Senior producer

P

eu de franchises peuvent se targuer d’avoir atteint plus d’un milliard de dollars de ventes. C’est le cas de la saga Gears of War l’achat de la console pour certains joueurs. Si la première trilogie se fondait largement sur le tandem formé par Marcus et Dom, les deux personnages principaux, Epic Games a décidé de tenter un pari risqué en centrant la préquelle Gears of War : Judgment sur le personnage de Baird. Lors d’une visite des studios, nous avons rencontré l’équipe de développement…

Judgment tourne sur Unreal Engine 3. Pourquoi ne pas utiliser la quatrième version de ce moteur, sur laquelle vous travaillez actuellement ? Unreal Engine 4 est encore dans une phase très active rente de la Xbox 360, donc il aurait fallu attendre beaucoup plus longtemps pour sortir le jeu si nous avions fait le choix de ce moteur. En travaillant sur Unreal 3, nous avions la possibilité d’utiliser les trois premiers épisodes de Gears of War ; sur le plan technique, c’était un point de départ très intéressant. Nous avons préféré cette solution plutôt que de tout recommencer depuis le début. Par ailleurs, nous savions que nous pouvions encore repousser les limites d’Unreal Engine 3, par exemple sur les

La quatrième version sera destinée à une nouvelle génération de consoles ? Nous n’en savons rien pour le moment, le moteur est encore en développement. Il pourrait être utilisé sur plusieurs plateformes, par exemple. Nous ne savons même pas quelles seront les caractéristiques des consoles next gen. Les trois premiers épisodes de Gears of War se démarquaient des autres TPS par des phases de gameplay atypiques. Dans le premier par exemple, Marcus doit guider Dom à l’aide d’un projecteur pour le protéger de monstres volants. Envisagezvous la même chose dans Judgment ? C’est une partie du jeu sur laquelle nous avons décidé de passer moins de temps. Il y a toujours beaucoup d’éléments interactifs, mais nous avons plutôt choisi de nous concentrer sur la qualité des combats et la rejouabilité. Le scénario est narré sous la forme d’un récit de Baird et de ses trois compagnons, qui expliquent à une cour martiale comment les éléments se sont déroulés. Au début de chaque niveau, vous pourrez utiliser l’option « Declassify exemple, vous pourrez n’avoir accès qu’à des fusils à ou trouver des pièges sur votre chemin…

IG24_001-240_.indb 88

09/01/2013 17:47:26


94 Analyse

.

Diablo III, Torchlight II et Path of Exile : de l’action, mais pas que

De l’action, mais pas que Diablo III , Torchlight II et Path of Exile

L

orsque l’on entend dire d’un jeu que c’est un « hack & slash », en gros « on coupe et on tranche », personne ne s’attend à beaucoup de finesse. Et pourtant ! Le genre, qu’on appelle aussi RPG action, né avec Diablo (ce qui lui a d’ailleurs valu un troisième sobriquet, « Diablo-like »), peut s’avérer bien plus subtil et complexe qu’il y paraît. La preuve avec trois approches différentes, récentes et d’actualité : Torchlight II, Diablo III et Path of Exile, lequel en est à la version bêta.

P

orte, monstre, trésor : voilà une bien ancienne expression pour parler des jeux de rôle sur table qui se focalisaient sur le dungeon crawling, c’est-à-dire l’exploration de donjons pour tuer des monstres et récolter des trésors. Ce loisir a toujours été divisé en deux : d’un côté ceux qui sont intéressés par le rôle tactique du personnage (sa place dans le groupe en combat, ses statistiques, son équipement) ; de

l’autre ceux qui préfèrent l’aspect théâtral, le rôle que l’on joue à travers ses actions, ses paroles. Quand le jeu vidéo s’est emparé du genre, le même clivage s’est instauré. On ne jouait pas de la même façon à Bard’s Tale et à Ultima. Mais c’est quand les développeurs ont vraiment commencé à introduire des mécanismes « action », comme viser, cliquer pour attaquer, etc., que le divorce a été consommé.

Les classes de Diablo III et de Path of Exile ont une forte personnalité. C’est moins flagrant dans Torchlight II.

Tu tires ou tu causes ? Oui, à l’époque de Diablo et de la naissance du hack & slash, une partie de la communauté a du mal à appeler le titre de Blizzard un « RPG ». Pour la petite histoire, c’est avec BioWare que le RPG action trouvera une nouvelle voie plus théâtrale. Avec Knights of the Old Republic, puis Jade Empire Mass , les développeurs travaillent le mélange action, dialogues et choix moraux tout en abandonnant doucement l’aspect statistique et gestion d’inventaire. Comme quoi, le genre est toujours en évolution ! Mais ici, nous allons parler d’un bouleversement interne au genre inauguré par Diablo, celui où l’on règle les problèmes en ayant la plus grosse épée et des caractéristiques

Diablo III.

IG24_001-240_.indb 94

09/01/2013 17:47:40


100 Rencontre

.

Remember me

Rencontre avec

Stéphane Beauverger Scénariste de Remember me

S

téphane Beauverger est à la fois scénariste de jeu vidéo et romancier (Chromozone, Déchronologue). Pour Remember me, il a conçu plus de vingt-trois versions du script avant la mouture finale que l’on découvrira en mai 2013. Il supervise la narration et la cohérence du monde par rapport à celui qui a été créé par Alain Damasio pour le studio parisien DontNod.

D

ans le Néo Paris, dans un futur proche, la plupart des habitants sont équipés d’une prise dans la nuque leur permettant d’échanger les souvenirs numérisés avec d’autres personnes. Les memory hunters sont

que l’on incarne, Nilin, en fait partie mais au début du jeu, elle se réveille amnésique dans les bas-fonds de la souvenirs en déplaçant des objets. En tournant le stick analogique gauche comme les aiguilles d’une montre, on peut remonter le temps et faire « pause » pour changer

IG24_001-240_.indb 100

personne s’en aperçoive. Ces phases de hack mémoriel sont nommées memory remix. Jeu d’action-aventure dans un univers cyberpunk, Remember me alterne les phases de combats et d’exploration, les memory remix étant des points d’orgue faisant avancer l’intrigue principale. Il n’y a pas de paradoxe temporel mais des confrontations douloureuses entre souvenir et réalité. Linéaire, le jeu tourne autour d’une structure narrative forte et il n’est guère question d’explorer le Paris futur.

09/01/2013 17:48:08


110 Preview

.

Le poinçonneur des mutants

M

aintes fois repoussée, la sortie de la suite de Metro 2033 Une chose est sûre : pour sortir leur épingle du jeu face à des mastodontes du calibre de ou Call of Duty, les développeurs de Metro Last Light ont parfaitement compris qu’il était vital de se démarquer shooter vous emmène dans les

U

n an à peine s’est écoulé entre les événements de Metro 2033 et le scénario de Metro Last Light, dont la sortie est prévue épisode ne devraient donc pas être trop dépaysés, d’autant plus qu’on y incarnera une nouvelle fois le personnage d’Artyom. Ceux qui ont raté le premier opus apprendront vite que l’humanité s’est réfugiée dans les couloirs du métro moscovite suite à une catastrophe nucléaire. Divisés en factions rivales, les survivants cherchent à prendre l’avantage sur leurs ennemis tout en résistant tant bien que mal aux mutants qui infestent les souterrains. Si cette suite s’inspire toujours fortement du livre Metro 2033 de Dmitry Glukhovsky, les scénaristes ont cette fois pris le parti de s’écarter de sa trame narrative. Zazie chez les nazis Les quelques heures pendant lesquelles nous avons pu tester ce FPS sont l’occasion de faire connaissance avec les alliés d’Artyom, mais aussi de se frotter aux deux factions rivales, à savoir les communistes et les nazis. Ces premières heures de jeu nous ont surtout permis de constater que le projet est à un stade déjà très avancé. Hormis quelques bogues visuels çà et là, le début de

IG24_001-240_.indb 110

l’aventure est parfaitement jouable. Elle est l’occasion de refaire connaissance avec les couloirs du métro après un passage par l’armurerie, et de tenter quelques sorties dans les ruines moscovites. Le début alterne , mais aussi de nombreux moments plus les bases alliées. C’est notamment dans ces lieux grouillants de vie qu’on s’aperçoit du soin méticuleux que les développeurs ont apporté à l’atmosphère. Le souci du détail est omniprésent, tant sur le plan visuel que sonore. Un passage dans la base met par exemple d’assister à un

authentique spectacle de cabaret, avec pianiste, danseuses de frenchcancan, dresseur de mutants… Rien ne vous empêche de passer votre chemin, mais si vous décidez de vous mêler à la foule, vous pourrez prodemi-heure. Ce genre de détails confère au titre une vraie profondeur et une véritable personnalité. Les personnages secondaires, eux, vaquent à leurs occupations : ils mangent, jouent aux cartes, se

09/01/2013 17:48:39


118 Rencontre

.

Company of Heroes 2

Rencontre avec

Jonathan Dowdeswell Producteur exécutif chez Relic Entertainment

I

l y a quelques années débarquait la guerre intimiste et tactique de Company of Heroes. Relic Entertainment affirmait son amour du combat en escouade, déjà démontré dans la série Dawn of War et dans Homeworld. Les fans y jouent encore. En 2013 arrive la suite, Company of Heroes 2, qui déplace l’action sur le front Est, avec des affrontements sanglants entre Allemands et Soviétiques. Le froid tuera vos soldats, le blizzard les clouera sur place, la glace se brisera sous le poids de vos chars, mais l’ennemi, le nez dans la poudreuse, ne vous verra pas arriver si vous savez jouer subtilement. Pour mieux comprendre ce nouvel opus, nous avons interviewé Jonathan Dowdeswell, producteur exécutif chez Relic Entertainment.

On est habitué au terme « héros » pour des films, des jeux mettant en scène l’armée américaine, etc. Mais ce titre convient-il vraiment à la boucherie qu’a été le front Est ? Company of Heroes (CoH) est une licence, avec ses piliers : l’authenticité, la destruction de l’environnement, le gameplay tactique… Pour cela, le nom convient parfaitement. Les joueurs associent CoH à une certaine jeu, nous avons essayé d’amener les gens dans l’intimité de la guerre. Le front Ouest était assez brutal aussi. La campagne solo vous faisait vivre toutes les horreurs du

front à travers chaque membre de la compagnie Able. Aussi atroce et intense que le front Est ait pu être, il s’agit de vraies personnes. Il y a des images de ces jeunes avec les yeux dans le vague, parce qu’ils ont été dans les pires batailles : le froid, les massacres, la mort. Et tous ces individus sont des héros à part entière de cette expérience. Comme tous, ils ont fait d’horribles choses, car ils y étaient forcés, mais ils ont aussi agi pour sauver leur peuple. Nous sommes six ans après Company of Heroes . Vous auriez pu faire CoH 2 avant, ou vous attendiez la bonne technologie ? Le système TrueSight existait dans le prototype pour Company of Heroes, mais c’était totalement impossible de l’inclure. Si on regarde un tableau des performances de CoH 2, on constate que TrueSight consomme une part énorme des ressources ! Nous voulions cela depuis le titre original : cette notion que deux ennemis puissent se trouver littéralement des deux côtés d’une simple haie… Du point de vue des soldats, ils n’ont aucune idée de ce qui se cache derrière ! Et soudain, deux escouades avec des rectX nous permet aussi de jouer avec la neige, la pluie, le mais sans vraiment capturer cette sensation atmosphérique telle qu’on peut la ressentir avec le nouveau moteur.

IG24_001-240_.indb 118

09/01/2013 17:49:01


126 Analyse

.

3D : quelques bases

3D : quelques bases E

st-ce parce que le jeu vidéo était initialement destiné aux adolescents mâles que les gamers et les services de marketing mettent tant d’ardeur à entretenir le syndrome « kikitoudur » du « j’ai plus de puissance et de polygones affichés que la machine du voisin » ? C’est en tout cas l’un des arguments qui revenaient régulièrement à chaque lancement de console lorsque la 3D est apparue dans l’industrie du jeu. Avant de subir de nouveau ces laïus avec les prochaines machines, voici de quoi mieux comprendre la 3D et ses implications techniques.

A

vant de commencer, rappelons qu’il y a autant de méthodes de travail pour produire des images en 3D que de styles de jeux, de studios et d’individus à l’ego plus ou moins bien placé. Il existe néanmoins des archétypes de pipelines de production éprouvés, qu’il faut toujours ajuster selon les besoins du projet et la taille du studio.

Franglais décrypté Créer une image en 3D est un travail complexe dans lequel interrents. Les personnages, par exemple, passent par plusieurs étapes. On commence par ébaucher leur allure générale : le concept artist réalise des croquis en 2D. Une fois le concept validé (par un directeur artistique qui est garant de la cohérence graphique

de l’ensemble du jeu), ces données sont envoyées au character artist, qui se charge de les mettre en volume. C’est ce qu’on désigne aussi par les termes modélisation ou modeling. Cela peut être apparenté à de la sculpture. Une fois le modèle en 3D validé, on lui applique des textures (étape du texturing matières à l’aide de shaders (étape du shading). Ensuite vient la phase de rigging / setup qui vise à créer un squelette et parfois même une partie d’un système musculaire pour permettre de mouvoir et déformer le personnage de manière convaincante. C’est le travail du character technical director. Après toutes ces étapes, sonnage conçu initialement par le concept artist.

FarCry 3.

IG24_001-240_.indb 126

09/01/2013 17:49:21


134 Les Indé

.

Insomniac Games

S

i vous avez eu une console estampillée Sony, vous avez sûrement joué à Spyro le dragon, Ratchet & Clank ou Resistance. En 2009, Insomniac, le studio qui a développé ces licences, décide de voler de ses propres ailes et s’allie à EA pour sortir une nouvelle franchise : Fuse. Parallèlement, il sort un jeu sur Facebook et de nouveaux Ratchet & Clank tout en annonçant qu’il ne créera plus de jeux pour la licence Resistance. Mais avant d’être l’un des plus grands studios indépendants de Californie et d’ouvrir une antenne à Durham (Caroline du Nord), il y a eu bien des nuits blanches.

Les Indé : Insomniac Games Nuits blanches à Burbank

L

es fans de RPG connaissent les deux étudiants en médecine fondateurs de BioWare (Ray Muzyka et

de la gestion de bases de données dans la société médi-

saviez-vous que les fondateurs d’Insomniac sont également issus du milieu médical ? Tout commence avec

quoi commencer sa boîte de jeux vidéo, à vingt-trois années quatre-vingt-dix, tout est nomies (trente mille dollars) dans

de Doom

IG24_001-240_.indb 134

09/01/2013 17:49:51


142 Les Indé

.

Upper Byte

Les Indé : Upper Byte P

eut-on vivre de son premier jeu vidéo ? Les deux créateurs d’Upper Byte, Camille Masson et Cédric Cadiergues, nous répondent par rapport à Wooden SenSeY, leur premier jeu de plateformes disponible sur Mac et PC. Développé par ces compères sur Unity 3D, c’est leur carte de visite pour réussir dans la jungle des indies.

Pourquoi créer un jeu de plateformes ? Le choix d’un jeu de plateformes est arrivé assez rapidement. Dès nos premiers prototypes, nous nous sommes orientés vers de la plateforme. C’est nesse ! On peut citer Mario, Donkey Kong, Another World, Alex Kidd. Ces chefs-d’œuvre nous ont motivés à partir vers ce genre. Pourquoi avoir choisi un univers japonisant ? C’est un univers que j’apprécie particulièrement, et où je me suis senti à l’aise durant l’étape de création. Il faut savoir que la première chose WSS durant les prototypes, c’est le personnage principal : Goro. Nous tenions à manier un personnage original, qui bouge bien. Après plusieurs recherches, j’ai été attiré par la représentation des poupées japonaises traditionnelles. Goro est construit de la même façon. Un tronc, pas de bras (pas de chocolat !) mais deux grosses haches, et une tête faisant plus d’un tiers du corps. Tout le style graphique japonais s’est ensuite construit autour de lui. Pourquoi mélanger 2D et 3D ? Comme nous l’avons dit, nous sommes fans des anciens platformers, et bien entendu de leur gameplay cace ! Le déplacement sur deux axes a été choisi très tôt types. Les décors en 3D, c’est une sorte de remise au goût du jour : garder les sensations old school mais apporter une touche visuelle importante, c’était notre objectif.

IG24_001-240_.indb 142

Qu’est-ce qui a été le plus difficile à réaliser ? Une des parties les plus complexes à développer et régler est la physique. On a souvent l’impression qu’un moteur physique est « plug’n’play », et c’est une grosse erreur. Et vu que tout le feeling du gameplay, la reur qui coûte cher ! Une grande partie de la physique de Goro est faite à la main, le seul moyen d’avoir un gameplay rapide et nerveux, qui répond au doigt et à l’œil. Ça a été une décision lourde à prendre, autant en charge de travail qu’en santé mentale ! Comment procédez-vous pour les tests ? Une décision chez Upper Byte se prend à deux : elle doit plaire à tout le monde ou être le fruit d’un compromis. Chaque semaine, nous avons testé une version du prototype, puis du jeu, en interne. Cela nous a permis

09/01/2013 17:50:14


de voir exactement où nous en étions, et d’alimenter le débat sur la suite du jeu.

jeu à un distributeur, qui nous indique ou non son intérêt. De là découle la mise en

durant le développement. D’abord avec un cercle d’amis restreint, puis avec des amis n+1, n+2, etc. Une base de

sortie sur la plateforme, le pourcentage, etc. Puis il faut attendre pas mal de temps

rencontrés, et un questionnaire était à remplir avec des

Pour Steam, la chose est plus complexe maintenant avec Greenlight. Il faut avant tout gagner en visibilité avec sa communauté pour espérer entrer en tant qu’indie. La démarche peut donc être assez longue et onéreuse. Nous sommes à la moitié du chemin !

plaisir de jeu, la frustration, etc. Les résultats de ce questionnaire nous ont aidés à prendre les bonnes décisions. Comment cela se passe-t-il avec les distributeurs numériques au niveau des validations de l’appli et des ventes? La méthode est simple, mais longue quand on doit tout gérer à deux. Globalement, nous présentons notre

IG24_001-240_.indb 143

Qui détermine le prix ? Le prix du jeu était une des questions sur le questionnaire des testeurs. Ce sont à la fois notre avis et les

09/01/2013 17:50:20


Rencontre avec

Yann Leroux Psychiatre

D

ans son livre Les jeux vidéo rendent pas idiot !, Yann Leroux tente de mieux faire connaître ce média qui suscite des réactions de crainte et de haine disproportionnées. Nous avons discuté avec lui de certains points abordés dans son apologie pour une meilleure compréhension des mondes numériques.

Vous rappelez que l’addiction au jeu est initialement une blague avant d’être la maladie que certains essaient de confirmer. Comment expliquer que cette parodie de définition soit aujourd’hui prise au sérieux ? C’est sans doute parce que c’est une image et que nous avons l’habitude de penser avec ce type de métaphore. Le parallèle entre le jeu et la drogue est d’ailleurs repris par les joueurs eux-mêmes. C’est aussi un moyen de se grandir : ceux qui sont capables de jouer sans devenir « addicted » sont ceux qui seraient capables de maîtriser le jeu. Ceux qui se sentent dépassés par cet objet coms’y adonner avec d’autant plus de plaisir qu’ils n’ont pas besoin d’éprouver de la culpabilité, puisque c’est plus en partie pourquoi la métaphore a pris au moins chez les gamers. Dans le domaine public, il est plus facile de faire connaître et de transmettre que de se poser de vraies questions sur les problèmes des jeunes adultes dans nos sociétés ou sur la situation d’un enfant dans les interactions familiales.

IG24_001-240_.indb 145

Est-ce le même mécanisme que pour les otakus ou les queers , qui se réapproprient le terme négatif les définissant ? mène de renversement des valeurs typiquement américain. Les gens se font un blason de ce qui auparavant était un opprobre. Les geeks ont été longtemps relégués à la dernière place dans les campus. C’était une infamie et maintenant, c’est une façon d’être à la mode. Dans le cas des otakus pour certains psychiatres japonais, l’hikikomori, que l’on rapproche du phénomène otaku, est une forme de schizophrénie alors que d’autres disent que c’est un passage dans le développement des adolescents qui se manifeste par un retrait massif des interactions familiales. Donc il y a encore des choses à discuter. Vous notez que les regroupements de joueurs dans les MMO fonctionnent rarement sur un modèle démocratique. Ce sont des relations qui sont à la fois très fragiles et ment en ligne et qu’il faut donc qu’il y ait une présence

09/01/2013 17:50:23


148 Rencontre

.

Borderlands 2

Rencontre avec

Anthony Burch Scénariste de Borderlands 2

A

ttention, il y a ici de gros spoilers. Ne pas lire si vous n’avez pas fini le jeu. Rédacteur pour un site de jeu vidéo, Anthony Burch réalise une web série humoristique avec sa sœur Ashly qui a suffisamment plu à Gearbox pour que les Texans l’embauchent en tant que scénariste sur Borderlands 2. Il nous livre quelques secrets de fabrication sur le jeu et les DLC. Comment se passe l’écriture : vous avez une idée que vous soumettez à ceux qui font les quêtes, ou les designers arrivent avec une trame et vous devez broder dessus ? En fait, c’est un peu des deux. Il y a un va-et-vient entre ceux qui créent les quêtes et moi. Souvent, ils viennent avec une quête, par exemple celle où on lève des drapeaux, et je m’adapte ; mais il arrive aussi que je discute avec les level designers et que l’on se dise que ce serait bien de mettre en valeur tel élément. À partir de là, j’écris des dialogues et nous concevons une quête en lien avec le bateau qu’on doit brûler. Nous faisons de même avec des zones que nous mettons en scène avec des quêtes et leurs dialogues. Nous donnons un sens aux lieux par le biais de la narration. Pour la quête principale, j’ai surtout travaillé avec le lead designer au jeu. C’est ce dialogue avec tous les autres métiers qui est vraiment passionnant. Si j’avais été enfermé dans mon bureau tout seul, cela n’aurait pas du tout donné ce résultat-là.

IG24_001-240_.indb 148

Comment testez-vous les dialogues ? Nous faisons quelques tests en interne avec les membres de Gearbox mais la plupart des tests ayant une vraie valeur sont menés avec des personnes extérieures au projet. Nous avons réalisé plusieurs focus tests qui nous ont permis de vraiment construire des personnages appréciés des joueurs. Pour Axton par exemple, la personnalité a changé plusieurs fois avant d’aboutir à un équilibre qui plaise. Bien sûr, c’est intéressant de demander aux autres membres de l’équipe ce qu’ils pensent des personnages mais un focus test permet d’avoir des avis plus objectifs car les personnes ne vivent pas au quotidien avec le projet depuis des mois.

09/01/2013 17:50:28


152 Rencontre

.

Rencontre avec

The Chinh Ngo directeur artistique

et Gilles Belœil concept artist

L

a galerie parisienne Arludik a exposé plusieurs tableaux issus des concept arts d’Assassin’s Creed III à l’automne 2012. Nous avons rencontré The Chinh Ngo (directeur artistique) et Gilles Belœil (concept artist) à cette occasion. Ils nous racontent comment on passe des effets spéciaux ou de l’architecture à l’illustration.

En quoi consiste le travail de directeur artistique ? Mon rôle est d’établir une vision au niveau esthétique et avec l’aide d’illustrations que nous communiquons à l’équipe, que ce soit les programmeurs, les game designers ou les level designers. Cela leur montre ce que l’on doit trouver en jeu. J’assure aussi le suivi au niveau de la qualité graphique, que ce soit sur le plan des personnages, des objets, des environnements ou des éclairages. Je suis le garant de la cohérence esthétique du jeu. Est-ce votre premier Assassin ? Tout à fait ! Auparavant, j’ai travaillé sur la licence Splinter Cell comme directeur artistique. J’ai eu l’opportunité de changer et je suis venu dans cette nouvelle famille. Durant les trois années de production, la première a surtout permis de m’imprégner de la philosophie du jeu, de comprendre les contraintes au niveau technique et en matière de design du personnage, ainsi que de connaître l’équipe car les méthodes monde ouvert, ce qui n’était pas le cas des Splinter Cell. Au début, les dessins servaient à montrer l’ambiance et déterminer des zones. C’est le cas de la forêt : on montre comment on veut la faire voir au joueur. Pour les deux artistes qui travaillaient avec moi au début, c’était aussi un challenge car ils étaient nouveaux sur cette licence. Il fallait s’imprégner de l’univers et du style du jeu. Il y a eu un peu d’exploration avant de trouver la bonne direction.

Image 1.

IG24_001-240_.indb 152

09/01/2013 17:50:44


158 Analyse

.

Au fond du couloir à droite

Au fond du couloir à droite A

lors que chacun y passe une partie non négligeable de son existence (près de trois ans en moyenne selon la très sérieuse Organisation mondiale des toilettes), les WC ont longtemps été scandaleusement négligés par les arts supposés nobles. Heureusement, le jeu vidéo s’est donné pour mission de célébrer enfin la grandeur du petit coin.

I

l y a des signes qui ne trompent pas. À chacun son truc pour se faire une première opinion sur une nouvelle connaissance : épier ses gestes, examiner ses vêtements ou ses ongles, inspecter sa bibliothèque. Mais le mieux petite visite dans ses toilettes, dont l’état vous en apprendra généralement beaucoup. Avec les jeux vidéo, c’est un peu la même chose : l’apparence de leurs lieux d’aisance (immaculés ou crados, ultramodernes ou rétros, scrupuleusouvent très révélatrice. Et parfois, en plus, c’est l’occasion d’un bon gag ou deux — ou d’un mauvais, mais tant pis, qui n’essaie rien n’a rien.

IG24_001-240_.indb 158

Portal.

Au cinéma, à part chez les charmants amateurs du gros trash qui tache, la fréquentation des WC ne fait pas franchement partie des habitudes. Ainsi, la séquence où, dans Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick, Nicole Kidman s’installe sur le trône pendant que Tom Cruise se prépare dans la salle de bains a été perçue au moment de la sortie audace. Il est vrai que Kubrick était curieusement connu comme le cinéaste par excellence des toilettes, ou d’une autre dans la quasi-totalité de ses longs métrages (dont 2001, l’odyssée de l’espace Le jeu vidéo est dans l’ensemble nettement moins timide en la matière, mais il existe surtout un game

09/01/2013 17:51:01


164 Analyse

.

The Elder Scrolls trivia

Un trivia autour de The Elder Scrolls F

ans de The Elder Scrolls, en attendant le jeu en ligne, et entre deux nouvelles explorations de Bordeciel (ou de Tamriel si vous jouez aussi aux précédents opus), voici quelques trivia et anecdotes que vous vous devez de connaître. Mais peut-être est-ce déjà le cas ? À vous de nous le dire !

Alors voilà ! Depuis près de vingt ans, les amateurs de jeu de rôle parcourent le sorciers, démons et autres dragons. -

Autoréférentiel À tout seigneur tout honneur, le

sous un ciel printanier ou ont cru mou-

peut croiser dans les Elder Scrolls des magie. Ils connaissent les geôles les plus humides et les palais les plus opulents, portent des haillons ou de riches

tension Shivering Isles Oblivion, est un dérivé du prénom de TheoSkyrim La folie incarnée — The Mind of Madness

Alice au pays des merveilles. easter eggs American McGee s Alice. Dans un genre encore plus autoréFallout 3

déesses et dieux. On les a vus explorer

Dans Skyrim, cette scène qui se référe à Alice au pays des merveilles : « C’est bien là le thé le plus insupportable auquel il m’ait été donné d’assister, de ma vie ».

IG24_001-240_.indb 164

Morrowind Morrowind et

09/01/2013 17:51:14


168 Analyse

.

Certains l’aiment chauve

Certains l’aiment chauve T

echniquement, cela ne fait aucun doute : il est plus facile de créer un personnage au crâne rasé que de se donner les moyens d’animer sa chevelure de manière réaliste. Mais Kratos, l’Agent 47 et les autres ne doivent vraisemblablement pas pour autant leur crâne dégarni à un gros coup de flemme de leurs créateurs — en tout cas pas seulement. Brutes ou héros, mutants ou robots : qui sont donc les chauves du jeu vidéo ?

C’

est à y perdre son latin. Ou son hébreu, son araméen, son grec ancien. Dans bien des cultures, les cheveux masculins sont historiquement symboles de force, voire de virilité. Le mythe biblique de Samson est exemplaire : lorsque son sommeil pour faire raser ses sept tresses, le surhomme se transforme subitement en une pauvre petite chose fragile. Dans le monde du jeu vidéo, cela ne se passe pas tout à fait ainsi et le fait de n’avoir plus un poil sur le caillou ne vient nullement contrarier la volonté de puissance d’un bon nombre de personnages en vue. Loin de là : on jurerait presque qu’à l’ère numérique, la symbolique s’est inversée et que c’est désormais au tour des chauves des hommes forts, renvoyant leurs collègues chevelus à leur quête glorieuse du plus satisfaisant des soins capillaires lissants. Entre ici, Kratos, chauve parmi les chauves, vedette grimaçante et tatouée de la saga God of War. Toi qui, vengeur, fonces dans le tas en tuellement. Oups, ce ne seraient

IG24_001-240_.indb 168

viens malencontreusement d’occire dans le feu de l’action ? Eh bien si, cher Fantôme de Sparte, tu t’es laissé emporter une fois de plus. Car si Kratos, par son hérédité supposée — son papounet n’est autre que Zeus — comme par sa volonté tie des pensionnaires de l’Olympe,

d’avant l’humanité, un bloc de rage et de violence quasi aveugle qu’il

Kratos, God of War.

apparaît dans les jeux. Une brute, presque une bête. Certains croquis réalisés avant le développement du premier God of War nous dévoilent et révèlent qu’il faillit bien se voir chevelure et même d’un casque lui dissimulant le visage, ce qui aurait duit par le spectacle de ses déchaînements de violence. Il aurait été moins nu, peut-être moins direct, certainement moins obscène.

Des croquis préparatoires de Kratos.

09/01/2013 17:51:22


172 Analyse

.

Le bonheur est dans le pré

Le bonheur est dans le pré D

e FarmVille à Farming Simulator en passant par l’indémodable Harvest Moon et une multitude d’applications iOS et Android, le jeu de ferme est partout, qu’il mise sur la joyeuse fantaisie rurale ou sur la simulation agricole (plus ou moins) réaliste. Quelles peuvent bien être les causes de son étonnant succès ?

O

ubliez le Lancer à tronçonneuse de Gears of Wear, le Gravity Gun de HalfLife, les fusils à pompe et les lance-roquettes de Resident Evil. Tout ça est démodé, ringard, dépassé. En 2013, les nouveaux accessoires de prédilection de tout gamer qui se respecte sont d’un autre genre : bêches, arrosoirs, pelles, fourches, râteaux. Adieu, bolides de Forza et Need for Speed : c’est désormais en entre routes bitumées et champs à labourer. On exagère peut-être très légèrement et, à en croire la liste des meilleures ventes, il semblerait qu’existent encore quelques joueurs rétrogrades adeptes de Halo, Call of Duty ou FIFA. Mais leurs jours sont comptés : l’avenir du jeu vidéo appartient à la simulation agricole.

IG24_001-240_.indb 172

Harvest Moon 3D : The Tale of Two Towns.

pour le prouver. Quel jeu PC s’est le plus vendu en France en 2011 d’après le SELL (Syndicat des éditeurs de logiciels de loisir) ? Farming Simulator 2011, bien sûr. Les chipoteurs souligneront que le classement ne prend pas en compte le dématérialisé — mode de distribution où, en général, les titres « familiaux » ne tiennent pas le haut du pavé — et inférieur à la moyenne des nouveautés (25 € pour le volet 2013 à sa sortie), le jeu édité en France par Focus Home Interactive se prête plus facilement que d’autres à l’achat impulsif ou par curiosité, voire au cadeau empoisonné pour rigoler — « Bon anniversaire ! Ouvre le paquet, tu vas avoir une surprise… » Mais les mentir et, avec plus de deux millions

09/01/2013 17:51:55


178 Analyse

.

Pour quelques gouttes de pétrole

Pour quelques gouttes de pétrole C

all of Duty, Medal of Honor ou les jeux Tom Clancy ont pour habitude de s’inspirer avec plus ou moins de fidélité de certains conflits réels, emmenant par exemple le joueur combattre en Irak ou en Afghanistan. Mais l’industrie vidéoludique occidentale a trouvé d’autres manières de nous faire rejouer certaines guerres contemporaines. Dans un registre plus métaphorique, c’est aussi ce que font Borderlands et Gears of War.

D

es ressources énergétiques aussi limitées que mal réparties. Des États qui manigancent en coulisse pour s’en assurer plus ou moins directement la maîtrise. Des dirigeants, tyrans sanguinaires ou présidents démocratiquement élus, aux réactions pas toujours rationnelles. Une montée des fanatismes, quée du secteur militaire. Mais aussi des compagnies privées, dont la sément à l’intérêt général. Et puis un jour, c’est la guerre. Ça ne vous rappelle rien ? Dans Gears of War, l’épuisement de ces ressources est à l’origine de tout. Les réserves de pétrole sont au plus bas, rien ne va plus jusqu’au moment où une nouvelle source d’énergie fait son apparition : l’imulsion. Substance liquide de couleur jaune découverte sur la planète Sera, celle-ci avait dans un premier temps été prise un peu à la légère.

carburant idéal : propre, performant et disponible en abondance. Pour les nations qui en possèdent sur leur territoire, c’est le jackpot alors que les autres, qui en deviennent vite dépendantes, sont bien moins à la fête. S’ensuit une crise économique qui débouche sous le nom de Guerres pendulaires pour le contrôle de cette imulsion. Et quand, après pas moins de soixante-

des centaines de milliers de victimes et énormément de destructions, la guerre s’achève, une nouvelle succède. Car c’est le moment que choisissent les représentants d’une espèce jusqu’alors inconnue, les Locustes, pour surgir des profondeurs de la planète Sera et attaquer l’humanité. Quatorze ans après ces dramatiques événements, Marcus Fenix, ses camarades bodybuildés et le joueur entrent en scène.

mettent au point un processus de transformation de ladite imulsion en ce qui ressemble beaucoup au

IG24_001-240_.indb 178

09/01/2013 17:52:09


182 Rétrospective

.

Close Combat

Close Combat Affaire non close

O

n la croyait morte et enterrée, mais la série Close Combat vient de faire son come-back avec la sortie de son septième épisode : Panthers in the Fog. C’est l’occasion de faire la rétrospective de cette saga fondatrice du wargame en temps réel. Ou comment le fun et le réalisme peuvent cohabiter dans un même jeu.

C’

est une série qui occupe une place à part dans la maison close des wargamers. À la sortie du premier épisode début 1996, ces Cro-Magnon découvrirent qu’on pouvait proposer un jeu en temps réel tout en respectant les canons du réalisme historique. À l’origine de ce choc des cultures est Atomic Games, une pedes années quatre-vingt et placée d’emblée sous le signe des jeux militaires simulationnistes. Elle se fait d’abord connaître avec la série V for Victory, des wargames en tour par tour déjà très profonds et réalistes pour l’époque. Son premier épisode reproduit ainsi le débarquement de Normandie à l’échelle stratégique (on dirige les troupes sur une carte en vue éloignée, mais on ne participe pas aux combats à proprement parler). Il est salué dès sa sortie et il est aujourd’hui reconnu comme un précurseur : le wargame papier vient de faire son entrée sur ordinateur. Trois épisodes suivent : sur le front russe, puis à nouveau en Normandie avant de rejoindre la Hollande pour l’opération Market

IG24_001-240_.indb 182

Garden. Ce petit tour de l’Europe tique d’Atomic Games pour Close Combat. Mais pour l’heure, le studio enchaîne à partir de 1994 sur la

série World at War, qui reprend les grandes lignes de V for Victory en poussant encore d’un cran la complexité. Les théâtres d’opérations restent globalement les mêmes. Il n’y a pas de ressources à gérer ni de base à construire. On déploie son groupe de combat comme dans un wargame classique.

Un coup au but peut immobiliser un tank, tuer le commandant ou seulement blesser le tireur, ce qui ralentira la cadence de feu.

09/01/2013 17:52:21


188 Mémoire

.

La Lynx d’Atari

La Lynx d’Atari Elle avait tout d'une grande

E

n toute logique, l’histoire ne retient que les grands succès ou les échecs cuisants. Pourtant, chaque année, des dizaines de projets de machines voient le jour et nombreux sont ceux à ne pas dépasser le stade d’ébauche. D’autres vont un peu plus loin mais ne trouvent pas les financements nécessaires pour arriver jusqu’au marché. La Lynx est une console portable à l’histoire rocambolesque. Un pari audacieux et raté, mais un rêve qui est allé jusqu’au bout, malgré un timing catastrophique. Trop en avance sur son temps, elle avait pourtant tout d’une grande.

C

e jour d’automne de 1988, Dave Needle ne s’attend pas

Morse, patron d’Epyx, l’invite à passeport : « J’ai besoin de toi pour partir au Japon, l’avion décolle dans

trois heures, ne traîne pas. » Ne comprenant pas ce qui arrive, il décide, vu le ton stressé de son supérieur, de s’exécuter. Dans sa voiture qui le mène à l’aéroport, il se dit que son repos bien mérité est à oublier. À son arrivée, Dave découvre David Morse et Joe Horowitz, un de ses

collaborateurs proches. Ces derniers attendent d’être confortablement installés dans leur fauteuil et alors que l’avion décolle, Dave apprend qu’ils se rendent chez Nintendo, à Kyoto, pour une réunion de très grande importance avec un certain Shigeru Miyamoto et son patron, Hiroshi Yamauchi. Il est question de leur proposer le projet « Handy », une console portable couleur développée par Epyx. La société américaine n’a pas les reins assez solides pour commercialiser cette bombe technologique et pense alors à un partenaire de prestige pour s’en occuper, en l’occurrence Nintendo. Au fond de lui, Dave Needle est plus que scepd’un véritable plan de présentation espèrent séduire le géant japonais (qui cartonne avec sa Famicom/NES à l’époque), mais c’est un peu une « mission suicide ».

IG24_001-240_.indb 188

09/01/2013 17:52:29


192 Mémoire

.

La Lynx d’Atari

La Lynx et ses jeux V

oici une sélection, évidemment subjective, de quelques jeux qui valent le détour.

Chip’s Challenge Développé par Epyx, Chip’s Challenge ne paye pas de mine au objectif consiste à déplacer un petit personnage, Chip McCallahan, dans des décors constitués de mille dangers. Portes de couleur, accélérateur, monstres, barrettes de mémoire… vous devez vous frayer un chemin en parvenant à résoudre de nombreuses énigmes. Pour passer au niveau suivant, il faut débusquer toutes les puces addictif, simple visuellement, et qui propose un système de mots de passe pour cent quarante-quatre niveaux. Toki Puissant guerrier, Toki règne sur son village et sur sa douce, la belle princesse zelle et transforme le héros en singe. Désormais, il lui faut traverser la jungle sournoise et dangereuse. Toki est une adaptation réussie du célèbre jeu d’action / plateformes de l’arcade. Les graphismes sont colorés, les décors variés beaucoup comme l’un des meilleurs, si ce n’est le meilleur, titres de la Lynx. Lemmings Réalisée par l’équipe d’origine de Lemmings, DMA Design, l’adaptation sur Lynx de ce grand hit s’avère jouissive. Si le déplacement du curseur est un peu lent, on retrouve tout ce qui fait le charme de cette licence culte. Les personnages sont bien animés, les musiques sont dynamiques et la jouabilité a été savamment travaillée. Certes, l’interface n’est pas directement accessible (pour sélectionner les actions, on accède à un second écran) mais on s’y fait vite. Voilà une cartouche très intéressante qui séduira ceux qui aiment se triturer les méninges.

IG24_001-240_.indb 192

09/01/2013 17:52:43


194 Rétrospective

.

Chrono Trigger

Chrono Trigger Le plus grand RPG de tous les temps ? « Comment tout cela a-t-il commencé ? Quand les rouages du destin se mirent-ils à tourner ? Peut-être que la réponse est à jamais perdue désormais, Une seule certitude, en ce temps-là, Nous avons tant aimé, et pourtant tant haï, Et pourtant, nous courions tel le vent, Grisés par l’écho de nos rires, (Poème qui ouvre Chrono Cross)

À la recherche du temps perdu Chrono Trigger. Voilà un nom entré la rencontre entre les deux auteurs dans la légende, qui fait pousser aux majeurs du RPG japonais : Hironobu fans de RPG japonais de petits soupirs Sakaguchi, créateur de la série Final nostalgiques. Chrono Trigger est sou- Fantasy (Square) ; et Yûji Horii, père vent mentionné peu après les phrases de Dragon Quest (Enix). Un troisième du type « C’était mieux avant », en sa individu a été essentiel à la réussite qualité de classique intemporel et ma- du projet : Akira Toriyama, mangaka gique qui, plus de quinze ans après sa à succès, auteur de Dragon Ball et sortie, n’a rien perdu de son charme. Doctor Slump, mais aussi character Histoire inoubliable. Gameplay réglé designer des Dragon Quest. comme une horloge (forcément). Tout commence en 1992. SakaPersonnages attachants. Tous les guchi, Horii et Toriyama vont eningrédients étaient là pour marquer semble aux États-Unis pour se tenir durablement les esprits. au courant des dernières avancées Pour accoucher d’un jeu aussi en matière d’image de synthèse. Duexceptionnel, il fallait une équipe rant le voyage, ils discutent d’idées exceptionnelle, une vraie « dream de jeux, et commencent à imaginer team ». Chrono Trigger est le fruit de un RPG plus ambitieux que tout ce qu’ils ont fait séparément. Leur enthousiasme ne se dissipe pas une fois rentrés au Japon. Pendant plus d’un -

Cette illustration de Toriyama dépeint une des fameuses attaques combinées de Chrono, Frog et Marle.

IG24_001-240_.indb 194

qui les attendent. Finalement, alors que Sakaguchi commence à baisser les bras, un de ses collègues de Square, Kazuhiko Aoki (plus connu comme le créateur du système de combat « active time battle »)

propose de lui donner un coup de main en tant que producer. Ensemble, ils parviennent à convaincre Square de valider le projet. Sakaguchi est chargé du gameplay ; Horii, de l’histoire (assisté du jeune scénariste Masato Kato) ; Toriyama, des visuels ; et Aoki, de l’organisation. Le début de la production, en 1993, coïncide à point nommé avec le dixième anniversaire de Square. Chrono Trigger devient donc « le projet du 10e anniversaire ». Il ne sortira cependant qu’en 1995. Il faut dire que Sakaguchi et Horii ont vu les choses en grand, non seulement en termes d’envergure et de durée de vie, mais aussi parce qu’ils ont bien l’intention d’exploiter certaines des nouvelles techniques graphiques qu’ils ont observées aux États-Unis. Chrono Trigger ne se contentera pas d’être un grand RPG, il sera également l’un des plus beaux jeux de Square. Seul Seiken Densetsu 3 pourra prétendre à de plus jolis graphismes sur Super Nintendo.

09/01/2013 17:52:46


202 Rétrospective

.

Armored Core

Armored Core L’esprit de Core

A

ujourd’hui, le nom FromSoftware est surtout associé à la série Demon’s Souls / Dark Souls. Mais le développeur fondé en 1986 est aussi à l’origine d’autres grandes sagas du jeu vidéo, mettant en scène le métier de ninja avec Tenchu, ou celui de pilote de mecha avec Armored Core. Celui-ci, avec quatorze épisodes parus à ce jour, est sa franchise la plus importante.

Dômo Arigatô, Mr. Roboto Un peu plus loin dans ce même numéro, dans l’article consacré à Zone of the Enders, nous évoquons les multiples formes que peut revêtir le jeu de mecha, tantôt fantaisistes, à l’image de la série Z.O.E., tantôt « réalistes », comme celle des MechWarrior, à laquelle les épisodes d’Armored Core sont souvent comparés. Une analogie compréhensible, car la série de FromSoftware se place plutôt du côté réaliste, en proposant toutefois un gameplay plus arcade que celui de MechWarrior. Armored Core est l’une des premières séries de FromSoftware, qui lui permettra de percer sur le marché du jeu vidéo en général, et en

Occident en particulier. Avant l’ère des 32 bits, FromSoftware ne développe pas de jeux mais des logiciels bureautiques destinés aux entreprises. Tout cela change en 1994, lorsque l’entreprise se lance dans le développement de jeux sur PlayStation avec King’s Field. Sorti uniquement au Japon, King’s Field est un RPG à la première personne oppresDemon’s Souls est le lointain descendant. FromSoftware enchaîne avec King’s Field II en 1995 et King’s Field III, qui conclut la trilogie. La société se tourne alors vers de nouveaux horizons et se met rent : un jeu de mecha.

Les jets permettent à un Core de s’élancer dans les airs. (Armored Core)

IG24_001-240_.indb 202

« Locker » l’ennemi est bien souvent la clé de la victoire. (Armored Core)

Une équipe est formée autour de Naotoshi Zin (producteur exécutif et PDG de FromSoftware), Yasuyoshi Karasawa (producer), et Toshifumi Nabeshima (director). Tous les trois resteront associés à la série par la suite. Sorti en 1997, Armored Core est publié à la fois au Japon et aux ÉtatsUnis, et un peu plus tard en Europe. Il remporte un joli succès et entérine la légitimité de FromSoftware en tant que développeur de jeux. Le jour d’après Armored Core se déroule dans un lointain futur, sur une Terre dévasnement apocalyptique, appelé la Grande Destruction, a ravagé notre autrefois belle planète. La surface est devenue un territoire aride et irradié, et l’humanité s’est réfugiée dans de grandes cités souterraines.

09/01/2013 17:53:09


206 Rétrospective

.

Zone of the Enders

Zone of the Enders L’espace, c’est vraiment la zone !

C

e qu’il y a de bien avec les robots géants, c’est qu’ils peuvent être cuisinés à toutes les sauces. Un connaisseur saura vous expliquer les différences subtiles entre MechWarrior et Armored Core, entre Shogo et Heavy Gear… La série Zone of the Enders, de son côté, a abordé la question du mecha sous un angle radicalement différent, qui ferait presque passer les titres précités pour « réalistes » ! Le garçon qui aimait la SF À l’origine de la série Zone of the Enders, on retrouve un des game designers emblématiques de la génération PlayStation : Hideo Kojima. Metal Gear nées quatre-vingt sur MSX), Kojima tion. Ce n’est pas étonnant en soi : pire de Snatcher, Policenauts, ou des scénarios alambiqués des aventures de Snake.

Sur le blog de sa société Kojima Productions, il avait ainsi raconté avoir découvert les grands auteurs de SF américains grâce à Leiji Matsumoto, célèbre mangaka et père d’Albator soixante, Matsumoto avait illustré les couvertures d’une collection de « classiques de la SF ». Adorant les mangas et anime de Matsumoto, Kojima avait acheté les livres uniquement à cause de ces couvertures. De là à voir dans le cache-œil de Big Boss un clin d’œil à un certain pirate de l’espace…

À l’époque de sa sortie, Z.O.E. en mettait plein la vue.

Du pilotage de mechas, oui, mais avec style ! (Zone of the Enders)

IG24_001-240_.indb 206

Puisque nous parlons d’espace, le space opera est l’un des genres récurrents de la science-fiction en général, et de l’œuvre de Matsumoto en particulier, aussi n’est-il pas non plus étonnant que pour sa première incursion dans la SF pure et dure, Kojima ait justement choisi cet angle d’attaque. Avec des robots géants. Rien de bien révolutionnaire de ce côté non plus, Gundam et Macross sont passés par là, et Kojima a déjà prouvé qu’il aimait les mechas dans la série Metal Gear. L’univers de Zone of the Enders (Z.O.E. pour les intimes) dépeint donc des batailles spatiales apocalyptiques menées à bord d’armures de combat appelées Orbital Frames, qui semblent être de lointains descendants du Metal Gear Arsenal (Yoji Shinkawa, mecha designer des Metal Gear Solid, a également réalisé les mechas de la série Z.O.E.). Comme toujours avec Kojima, Zone of the Enders est beau, spectaculaire en diable, extrêmement cinématographique, un rien prétentieux et indéniablement fun.

09/01/2013 17:53:19


210 Histoire

.

Ridge Racer

Ridge Racer Les coulisses d’une belle mécanique

D

e toutes les révolutions entreprises dans le jeu vidéo, le passage de la 2D à la 3D est sans conteste la plus marquante, avec l’explosion du multijoueur en ligne. Les joueurs qui ont vécu cette transition ont des pépites dans les yeux lorsqu’on leur parle de cette époque bénie. Au début des années quatre-vingt-dix, l’utilisation des polygones n’en est qu’à ses balbutiements : c’est l’émergence de titres comme Virtua Fighter ou Virtua Racing qui fera entrevoir le potentiel immersif d’un tel procédé. Les consoles 16 bits, Super Nintendo et Mega Drive, ont posé les fondations de la 3D, mais celle-ci ne sera érigée qu’à l’arrivée des PlayStation, Saturn, 3DO, Jaguar, etc. Pourtant, comme nous allons le voir avec le développement du premier Ridge Racer, tout n’est pas rose pour les concepteurs de jeux. Retour sur une époque charnière de notre média.

M

ême si la série Ridge Racer

du temps, force est de constater que son nom ne laisse personne indifférent. Nous allons découvrir comment cette licence née de l’arcade a pu perdurer sur console, malgré une technologie logiquement plus faible.

Pour comprendre les tenants et les aboutissants de ce projet d’envergure made by Namco, nous avons recueilli le témoignage de Fumihiro Tanaka, chef d’orchestre de l’original en arcade, et de Yozo Sakagami, qui n’est autre que le directeur artistique de l’opus PlayStation.

En 1994, la claque est à la fois visuelle et sonore. Ridge Racer est un jeu qui décoiffe !

IG24_001-240_.indb 210

Avant de nous atteler à la mouture 32 bits, faisons un bond dans le passé et arrêtons-nous en 1993. En ces temps reculés, les salles d’arcade sont bondées et de nombreux éditeurs tentent de récupérer une part du gâteau. Entre SEGA et Namco, la confrontation est de plus en plus vive, chacune essayant de grappiller des parts de marché à l’autre. Il faut sérieux atouts, à commencer par un certain Virtua Racing. Bien que Namco ait déjà tenté l’expérience des polygones avec Winning Run en 1988 (et ses suites sorties en 1989 et 1991), le jeu du concurrent est nettement supérieur. Devant ce constat, les pontes de Namco décident de prendre la borne d’arcade par le stick et de montrer aux joueurs qu’ils sont en mesure de supplanter SEGA.

09/01/2013 17:53:29


218 Rétrospective

.

Pikmin

Chérie, j’ai rétréci les gosses

N

é sur GameCube, le diptyque Pikmin est l’œuvre du père de Mario, Shigeru Miyamoto. À l’heure où le troisième opus se rapproche inexorablement de nos Wii U, nous allons revenir sur sa genèse, et sur ce qu’il aurait pu être, en disséquant les deux volets existants. Le capitaine Olimar et ses créatures n’ont décidément pas fini de nous surprendre, malgré une longue absence. Retour sur un pari osé mais réussi de la part de Nintendo. Ou comment découvrir la faune et la flore à l’échelle d’une fourmi.

E

n matière de légendes urbaines, le microcosme du jeu vidéo est bien garni. Ainsi, pour Pokémon, on raconte que Satoshi Tajiri a eu l’idée du concept en voyant grimper un insecte le long de son câble Link, alors qu’il était en pleine partie de Tetris avec un ami sur Game Boy. Si

fait le tour du monde. Pour Pikmin (un autre univers très naturel), il se raconte que Shigeru Miyamoto, en manque d’inspiration, s’est rendu dans son jardin, où il observa une colonie de fourmis vaquant à leurs occupations et eut alors un éclair de génie qui déboucha sur le concept

des Pikmin. La rumeur va même tures du jeu sont tirées du propre jardin de Miyamoto. Le concept original À ses débuts, le cahier des charges de Pikmin présente un jeu de stratégie dans lequel on manie un personnage (en l’occurrence, le futur capitaine Olimar) ainsi que de petites créatures, dans la lignée de Doshin the Giant en version minuscule. Le directeur, Shigefumi Hino (qui a notamment été character designer Super Mario World pelle d’ailleurs les premiers pas douJe me souviens clairement de la première fois que j’ai vu la horde de Pikmin transporter leur adversaire imposant. Avant cela, nous avions lutté pour trouver la bonne direction à suivre. Mais dès lors que ces actions de nous avons été capables de déterminer précisément l’orientation de notre jeu ».

IG24_001-240_.indb 218

09/01/2013 17:53:43


dites, vous êtes sûrs que c’est indispe nsable pour votre article?

Rrrrrrrh...

évide mme nt, c’est du grand re portage de terrain e n condition !

pile à l’he ure .

Ah ouaiiiiis !

et vive les notes de frais !

Je vous pose ça où ?

Dites-donc, je vous ai e nte ndues là, que lle imagination !

Moi, je te l’attrape rais par le tablie r et je le retourne rais sur le bar !

moi j’irais plutôt l’arrose r ave c la pression pour l’oblige r à se change r !

m’e n parle pas, à chaque fois qu’on pre nd une pause pe ndant notre bd, c’est l’he ure du livre ur morte l !

le coup de la touriste ça marche à tous les coups !

il est ponctue l e n plus !

Ah parce qu’e n plus vous avez re péré ses allées et ve nues ?

Quoi, nous dis pas que tu nous pre nds pour des folles ! Ou des hystériques !!

Ou des obsédées !!!

e uh non, non, au contraire, je vous trouve très « pros ».

votre imagination et votre se ns de l’improvisation vont faire des ravages chez l’e nne mi !

De quoi tu parles ?

IG24_001-240_.indb 230

09/01/2013 17:54:14


Disponibles sur www.ankama-shop.com 10 % de remise sur 2 magazines achetés 20 % de remise sur 3 magazines achetés (hors numéros en kiosque)

Numéro spécial #2 Resident Evil Place à l’horreur avec notre numéro spécial#2 et ses presque 300 pages consacrées à la série Resident Evil.

Call of Cthulhu Zombies et infectés Histoire du survival horror Jeu vidéo et cinéma

Hors-Série 3 Jeu vidéo et horreur

IG24_001-240_.indb 239

09/01/2013 17:54:39


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.