Hispano Suiza presentation

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L’auteur a passé son enfance à Versailles, où un plombier circulait dignement en camionnette sur châssis-sport 46 CV dont le tableau de bord fascinait les écoliers. Les rituelles promenades en famille au fond du parc du château étaient inséparables d’un fond sonore particulier fait de mugissements insistants ou de martèlements obstinés. Ce n’est que plus tard qu’il comprit qu’ils provenaient du Fort Bouvier tout proche où Hispano-Suiza faisait l’essai de ses turboréacteurs et canons automatiques. C’est donc par osmose presque inconsciente que la marque s’est imposée à lui et qu’il s’est mis à ramasser et amasser tout ce qu’il pouvait trouver sur cette marque au nom bizarrement exotique et pourtant si familier, que tout le monde semble connaître sans trop savoir ce qu’il y a derrière. Il a été encouragé par son frère depuis le jour où celui-ci a éprouvé le besoin de dépasser le transitoire et l’accidentel pour accéder à l’essentiel et a échangé sa berlinette Ferrari contre le torpédo Hispano avec lequel il coule des Hispano-Suiza ! Ce nom à la sonorité exotique chante aujourd’hui

jours heureux depuis trente ans.

encore dans toutes les mémoires, comme le symbole même de la société cosmopolite et des nuits chaudes de ces Années folles qui ont mérité d’être surnommées “le temps des Hispano”. Et cependant cette marque célèbre entre toutes reste aussi l’une des plus mystérieuses. On hésite sur sa nationalité (marque espagnole d’automobiles et d’équipement aéronautique fondée à Barcelone en 1904 par deux entrepreneurs espagnols et l’ingénieur suisse Marc Birkigt), sur la nature exacte de ses activités, sur le nom du créateur de ses modèles... Ce livre répond à toutes ces questions, exposant les faits en détails tout en les replaçant dans leur contexte pour mettre en évidence leur signification.

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SOMMAIRE Épisodes d’un voyage de Genève à Barcelone de Marc Birkigt avec sa famille dans la même voiture.

8

4

66

La première authentique voiture de sport

106 La Massuger Spéciale

10

Les Suisses en Catalogne

36 Chapitre 2 — 1909-1910, les Hispano affrontent les Lion

Prologue — Barcelone 1900

70

Court et encore plus court

107 La Sardine

11

Un omnibus électrique

38

Coupe des Voiturettes, 1905-1908

71

Une nouvelle formule

110

De quoi plaire à Faroux

38

Coupe de Catalogne 1908

72

Gaillon 1911, une réunion de “Club”

115

Une confusion savamment entretenue

39

Un pacte qui fait le vide

116

Le Type 20 bis : pur-sang et éléphant blanc

12 Chapitre 1 — 1908, un nom très musical

39

Une épure de la voiture de course

118

Le tire-au-flanc du Tour de France

40

Zuccarelli galvanise le public

122

Des sœurs ennemies qui s’ignorent

14

Un certain Marc Birkigt

44

Les ravissantes Hispano se font attendre

76 Chapitre 4 — 1912-1914, le rendez-vous des amateurs

14

Les automobiles La Cuadra

45

Le chronomètre Hispano

78

Une année mouvementée

15

Fábrica Hispano-Suiza

48

1910, le duel Lion-Hispano commence

78

Une étrave à la place du mur

130 Chapitre 5 — 1914, portrait d’un créateur

16

La Hispano-Suiza

en Catalogne

80

Un moteur à compresseur :

132

De Paris à Barcelone et retour

17

Un royal amateur

50

Un prototype fait ses débuts

le témoignage de Faroux

133

Portrait d’un créateur

18

Le péril espagnol à Paris

52

Coup dur pour les Lion

82

Le moteur à compresseur selon Bradley

19

Le bloc-système Birkigt

53

Le jour de gloire des Hispano

84

21

Un nom bien trouvé

le témoignage de Massuger

136 Chapitre 6 — 1914-1918, le V8 prend son vol

22

Un châssis cuirassé

88

Le club des Alphonse-XIII

138

La commande directe

25

Premiers six-cylindres

91

Le chronomètre Hispano

143

Une usine toute neuve

26

La SAG

58 Chapitre 3 — 1910-1911, avec l’approbation du roi

au Grand Prix de France

145

Un V8 d’avion

31

Nouveaux collaborateurs

60

Une succursale en France

99

Le Salon de 1912 et les modèles 1913

147

Un bloc-chemises en alliage léger

32

Quatre-cylindres monobloc

62

De nouveaux collaborateurs

101

C’était mon disciple et je l’aimais comme un fils

150

Un rendement sans précédent

62

Un canot de course

102 Un hommage en forme de contrefaçon

151

Le V8 fait taire ses détracteurs

64

Une automobile nommée “Alphonse-XIII”

106 Retour en arrière

151

Un avion dessiné autour d’un moteur

Le moteur à compresseur :

5


SOMMAIRE Marc Birkigt fait l’essai d’un châssis 24 HP en compagnie de son épouse aux environs de Barcelone.

6

154

Un réducteur à problèmes

206 Chapitre 8 — 1920-1925, l’image d’une époque

326 Épilogue

208 Dans l’air, sur terre et sur l’eau

264 Chapitre 9 — 1925-1930, un succès qui transverse les frontières

155

Le V8 à haute compression

156

Un V8 de 300 ch

328 Couvre-feu à Barcelone

210 Un défi à l’élégance

266 La séparation

329 Le 12Z et le canon 404 redorent le blason

210 Un règlement subtilement cuisiné

267 Une réduction à la Jivaro

330 Un prototype sans conviction

211

Marc Birkigt est satisfait

268 Une bébé Hispano

332 Sauvée par le “Nene”

158 Chapitre 7 — 1918-1920, le spectacle est sous le capot

217

Un dessin de René Vincent en action

272 À l’emblème de la flèche ailée

332 Une fin discrète

217

Une proposition de Jean Lacoste

276 Une Hispano sur le Brickyard

333 Marc Birkigt : un artiste de la mécanique

160 Une mutation

219

L’enfant chéri de Marseille est recruté sur place

282 “Impossible !”, répond Birkigt

161

Rue du Capitaine-Guynemer

222 Changement à vue

284 Hispano mouille ses chemises

163

À l’emblème de la cigogne

224 La rescapée du brouillard

287 La Junior, l’enfant de deux pères

336 Annexes

166

Une automobile dans l’air du temps

225

293 Ultime épanouissement de la H6

338 Louis Massuger par lui même

169

Beethoven et Léonard de Vinci

238 Un châssis sport

342 Hispano-Suiza et les racines du double arbre

173

Art et héritage

240 Avant-première à Saint-Sébastien

345 Archéologie du servofrein

175

Légère, mais rétive

242 Un déjeuner d’amateurs

346 Liste des châssis Hispano-Suiza

180 Une apothéose du tableau de bord

243 Les dirigeables bleu ciel à Boulogne

300 Chapitre 10 — 1930-1938, le plus lucide des monstres sacrés

182

La tradition horlogère au service de l’automobile

245 Une erreur fatale

302 Le portrait de l’artiste en homme mûr

184

Un moteur style Art-Déco

246 La 46 CV au catalogue

311

Un pachyderme qui trompe énormément

190 Un bloc tombé du ciel

249 L’Hispano devant ses rivales

315

Un exercice de style

195

254 La plus belle expression du vintage

323 La Société d’exploitation

201 Une automobile qui vole sur la route

256

Le nouveau défi d’André Dubonnet

203 Un radiateur qui fait école

259

À la fois canot et fuselage

204 Un luxe décontracté

260 Entre rocher et précipice

Le secret de l’Hispano

Le Type Boulogne : un modèle réservé aux initiés

394 Index

400 Remerciements et crédits iconographiques

7


La Sardine biplace dans la course de côte du Cœur-Volant à Marly-le-Roi.


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Une photo extraite du livre d’or (où l’orthographe exacte du nom de Marc Birkigt a posé au signataire son problème habituel).

À l’emblème de la cigogne

Louis Massuger se montre mieux inspiré en faisant de la C’est une Hispano-Suiza qui assure le transfert des restes du Soldat inconnu le 28 janvier 1921, depuis le Panthéon jusqu’à l’Arc de triomphe en préliminaire de l’inauguration officielle.

cigogne de Guynemer l’emblème d’Hispano-Suiza. C’est vers 1915 qu’un territorial anonyme, de passage à l’escadrille N3 pour le camouflage des hangars, peint une cigogne en vol sur le fuselage du Nieuport du sergent Guynemer. On fait une grande consommation de cigognes à cette époque. Cet oiseau patriotique célébré dans les albums de Hansi apparaît comme le symbole des provinces perdues. Cet artiste, sans doute novice, dessine la cigogne de profil avec des ailes tombantes, une position inhabituelle qui lui a sans doute été suggérée à la fois par les chronophotographies de Marey publiées dans L’Illustration et par… les limites de son talent. L’emblème de Guynemer a un tel succès qu’il est adopté par toute l’escadrille, qui devient bientôt la Spad 3 avec l’arrivée du nouvel avion et surnommée de ce fait “escadrille des Cigognes”. Le dessin se trouve dès lors reproduit au pochoir, de façon plus uniforme et expéditive, dans un style linéaire assez élégant, d’allure quasi japonaise. Le Spad, la cigogne et le V8 Hispano vont désormais, pour s’exprimer comme Henry Bordeaux, “voler de concert vers la gloire”. C’est au début de l’année 1919 qu’Hispano-Suiza décide d’adopter comme emblème la cigogne de la Spad 3. Avant de la déposer, on recherche l’auteur du dessin initial, mais il reste introuvable. Le constructeur prend soin de préciser que la cigogne Hispano-Suiza doit voler normalement vers la gauche, tel que peut la voir un pilote de Spad qui s’apprête

La cigogne de la N3 sur un fuselage de Nieuport.

à monter dans son appareil. Mais c’est une convention que l’usine elle-même ne respectera pas toujours. Redevenu

1 62

après la guerre responsable de la mise au point des automo-

modèle définitif, il s’adresse à un jeune sculpteur de vingt et

biles, Louis Massuger a une idée encore meilleure : faire de

un ans, François-Victor Bazin, encore élève des Beaux-Arts,

la cigogne une mascotte de radiateur, à l’exemple de Rolls-

mais qui expose au Salon des artistes français depuis 1915.

Royce qui avait été le premier constructeur à imposer

Bazin, qui a reçu une consigne stricte, se conforme scrupu-

une mascotte d’usine, pour éviter de voir surmonter son

leusement au dessin original, tel que l’a fixé le pochoir de la

radiateur de figurines d’un goût douteux… Tel ce chat qui

Spad 3. Est-ce lui qui a l’idée géniale de fixer la cigogne non

fait le gros dos sur le bouchon de l’Alphonse-XIII de démons-

pas au centre mais sur le bord du bouchon de radiateur ? On

tration en 1911. À première vue, la cigogne en vol s’y prête

comprend qu’il s’agit surtout de ne pas gêner l’ouverture du

aussi mal que possible, mais le résultat sera d’autant plus

capot (contrairement à la figurine Rolls-Royce qu’il faut faire

original et hardi. Massuger fait exécuter dans son atelier une

pivoter d’un quart de tour). Mais l’effet obtenu est extra-

première maquette en tôle découpée. Pour la réalisation du

ordinaire, la cigogne a l’air de voler un peu en avant de la

163


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Les barrières blanches sont un signe d’opulence non moins qu’un torpédo Hispano-Suiza. Celui-ci est d’un carrossier non précisé, mais d’un bon style.

Le billet de Marc Birkigt à Louis Renault du 14 octobre 1924. Il nous permet d’admirer la souplesse de son écriture aux jambages bien formés d’une aisance quasi proustienne, qui nous change de ces griffonnages sataniques auxquels se complaisent souvent les créateurs.

Le servofrein Renault avec son embrayage à plateau, son différentiel répartiteur et son entraînement par vis sans fin.

pas obtenir l’effet inverse en marche arrière. L’ancien frein sur la transmission, après avoir pivoté d’un quart de tour, se trouve alors promu “servofrein”, selon le terme employé par Hispano-Suiza. Pour la commande des freins avant, Birkigt, qui n’hésite pas à prendre son bien où il le trouve, adopte le système inventé en 1910 par le Français Henry Perrot, alors ingénieur chez le constructeur anglais Argyll : la commande fait tourner un arbre à cardan placé dans la flasque du frein. C’est un des plus simples et des plus efficaces, car il comporte un minimum d’articulations. De plus, son réglage est facile, en tournant deux écrous papillons très accessibles (au moins avec les ailes dégagées en usage à cette époque). Comme tout dispositif qui arrive à son heure et répond à une nécessité profonde, le servofrein Birkigt est accueilli avec enthousiasme, avant d’être imité et démarqué de toutes les

Une vue de face du châssis, qui laisse voir la commande de freins avant type Perrot.

C’est la voiture du château… du temps où il y avait des châteaux avec des châtelains.

1 98

199


1 9 1 8 - 1 9 2 0 , l e s p e c ta c l e e s t s o u s l e c a p o t

Un luxe décontracté

204

ont changé, la voiture aussi, mais l’esprit reste le même.

Rothschild, aussi riches que leur nom l’indique, Gaston

La mythologie de l’Hispano prend forme au bar de l’Auto-

Baehr, propriétaire du garage Saint-Didier, le plus moderne

mobile Club : “Mais mon cher, la meilleure c’est l’Hispano !”

de Paris, Boyriven, le magnat de l’équipement automobile,

Le moteur lui-même n’est pas spécialement silencieux,

rien de commun bien sûr avec le tintamarre d’un cyclecar,

Ces discussions passionnées trouveront leur apothéose

Robert Masse, le filateur lillois, Suzanne Deutsch de la

même pour l’époque, même sans parler de Rolls-Royce : les

est loin de déplaire au début des années 1920, on y voit une

avec l’étonnant épisode du match Stutz-Hispano sur le

Meurthe, la sportive héritière du fondateur de la coupe

sans-soupapes arrivent dès le début des années 1920 à un

manifestation d’élégance décontractée, dans l’air du temps.

circuit d’Indianapolis. C’est ce qui explique qu’un écrivain

Deutsch, Coty, le parfumeur et démagogue, Sadi Lecointe,

silence très convenable. Les minces parois en alliage léger

À voir leurs carrosseries, il est évident que les qualités

aussi platement commercial que Pierre Frondaie ait pu

le populaire aviateur, Charles Weymann, l’homme du

étouffent moins bien le bruit qu’un bloc en fonte. Elles font

essentielles de la H6 sont passées inaperçues d’une bonne

appeler un de ses romans L’Homme à l’Hispano en étant

Nivex, de L’Exhausteur et des carrosseries souples, sans

plutôt office de caisse de résonance. Déjà pendant la guerre,

part de la clientèle. Pour un torpédo ponté double pare-

certain d’être compris. L’homme à la Bugatti ou à la Delage

oublier le roi d’Espagne qui n’est pas le moins élégant ni

le staccato du V8 Hispano était impossible à confondre avec

brise, combien de coupés de ville ou de limousines à

aurait sans doute moins frappé le grand public, ou diffé-

le moins passionné. Ces bouillants amateurs donnent à la

le ron-ron d’un rotatif ou le grondement d’un Mercedes.

séparation ? Comme de nos jours une Ferrari ou une Rolls-

remment. Le chef-d’œuvre de Marc Birkigt vaut mieux

firme une publicité parfois embarrassante, se disputant à

L’arbre à cames frappant directement (avec un jeu normal

Royce, on achète souvent une Hispano-Suiza pour ce qu’elle

bien sûr que cette littérature pour midinettes, mais dix

l’indignation des parlementaires le record du Paris-Nice sur

de 2 mm à chaud) les douze soupapes alignées produit un

représente, plus que pour les services qu’elle peut rendre. Il

ans plus tard il est certain qu’Albertine (ou Alfred) aurait

route ouverte, engageant des paris audacieux ou prenant

joyeux bruit d’usine sans complexe, digne des soixante

existe cependant un noyau de client avertis qui entraînent

rêvé d’une Hispano plutôt que d’une Rolls-Royce. Mais

le départ d’épreuves sportives dont le constructeur ne veut

enclumes des Nibelungen (métaphore dédiée à Marc Birkigt,

les autres. Ceux-là apprécient l’Hispano à sa juste valeur et

c’est tout de même une sorte de consécration, la marque

pas entendre parler… jusqu’à ce qu’elles soient gagnées.

grand amateur de Wagner). Les pignons à taille droite

vont constituer pour la firme la meilleure publicité. Comme

entre dans le vocabulaire courant et on peut dire qu’elle ne

L’exemple classique de cette nouvelle génération d’ama-

d’entraînement de l’arbre vertical enrichissent le concert de

avant la guerre autour de l’Alphonse XIII, un club d’initiés

l’a jamais quitté. Les successeurs des Crouy, Grua et Bara

teurs de sports mécaniques à qui la guerre a fait brûler

quelques harmoniques. Mais ce chant de l’Hispano, qui n’a

se constitue spontanément autour de la H6. Les temps

d’avant 1914 s’appellent par exemple James et Philippe de

quelques étapes est André Dubonnet.

Le carrossier Besset d’Annonay met la tradition provinciale au service de ce torpédo ponté sur le châssis H6 10489 avec quelques discrets archaïsmes dans le dessin des ailes avant et un ressaut arrière qui est comme un ultime souvenir du double phaéton.

Le carrossier Brunn crée ce torpédo 32 CV en 1925 pour Edsel Ford (déjà propriétaire d’un hydravion Curtiss à moteur Curtiss-Wright licence Hispano-Suiza). Il annonce le roadster Ford A qui arrivera cinq ans plus tard.

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(Š Cathy Dubuisson)


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C’est tout juste s’il reste la place, au tableau de bord, pour le médaillon de Saint-Christophe. On note le compteur “qui monte à 200”, un autre privilège du Type Boulogne. (© Cathy Dubuisson)

2 32

23 3


1 9 2 0 - 1 9 2 5 , l’ i m a g e d ’ u n e é p o q u e

L’Hispano telle qu’en elle-même enfin… Un torpédo ponté sur le premier châssis sport 46 CV de série H6C n° 11011, où l’on discerne la main de Kellner quand elle veut bien se faire légère (ce qui lui arrive à l’occasion), mais la signature n’a pas d’importance devant une création où se manifeste l’esprit d’une marque et, avec elle, de toute une époque (à laquelle ne manque même pas la garniture de Grebel). C’est la conjonction idéale entre le sommet d’une automobile et le sommet d’un style. Ce document constitue le centre géométrique de cet ouvrage, celui vers lequel tout converge et à partir duquel tout diverge.

Un châssis sport 46 CV carrossé par Freestone & Webb selon les brevets Weymann pour le champion anglais Henry Segrave. Cet habillage léger réduit à l’essentiel, qui pousse le dépouillement jusqu’à se dispenser de cigogne, présente tous les attributs d’une authentique berlinette GT avant la lettre.

La 46 CV au catalogue

2 46

Après ses trois participations à la coupe Georges-Boillot,

l’année suivante avec des voitures spéciales, soigneuse-

qui peuvent passer pour le chef-d’œuvre de la marque. La

discrètement peut-être que prévu, un châssis sport équipé

le constructeur de Bois-Colombes a de quoi méditer sur la

ment étudiées et préparées, aussi efficaces que séduisantes.

course se déroule dans les meilleures conditions possibles, et

du moteur de 110 x 140 mm, avec la dénomination de Type

glorieuse incertitude du sport. Sa première tentative est

C’est une nouvelle victoire, mais privée d’une part de sa

pourtant le constructeur se voit frustré au dernier moment

46 CV, conforme à sa puissance administrative. Il est proposé

l’initiative quasi improvisée d’un amateur, avec un châssis

portée, car elle est obtenue sur un circuit à peu près vide

du triomphe qu’il escompte pour une inadvertance qui n’est

en deux empattements : sport-court de 3,39 m comme les

de série, bricolé de façon caricaturale, et elle se solde

de concurrents comme de public. Hispano-Suiza revient

pas de son fait. En dépit de ce demi-échec, Hispano-Suiza

voitures de la coupe et sport-long de 3,69 m comme la 32 CV.

par un remarquable succès. Le constructeur se présente

à la charge en 1923 avec des voitures encore améliorées,

commence à la fin de l’année 1923 à offrir à ses clients, plus

Il ne s’agit pas cette fois d’un tirage limité, comme le Type

247


1 9 2 0 - 1 9 2 5 , l’ i m a g e d ’ u n e é p o q u e

La plus belle expression du vintage

peine de châssis sont livrés. Le premier exemplaire de série

Pendant toute cette période, l’usine Hispano-Suiza de

(n° 10003), un torpédo par Duvivier aux lignes nettes, est

Bois-Colombes est bien loin de vivre en autarcie comme

livré au roi d’Espagne en août 1920. La fabrication ne débute

celles de Rolls-Royce ou de Bugatti. Elle continue dans

Il est possible, en cherchant bien, de trouver quelques voitures

Plas exposée au Salon. On note à ce sujet que si le torpédo de

vraiment qu’en 1921 et dépasse les deux cent cinquante

les années 1920 à mettre à contribution les façonniers de

plus rapides, plus confortables, plus silencieuses ou plus specta-

Franay est d’un bon style Années folles, la limousine par Van

exemplaires. Une crise passagère, contrecoup de l’euphorie de

Levallois et d’ailleurs, comme au bon temps de la rue Cavé.

culaires qu’une Hispano-Suiza, mais aucune ne réunit un tel

den Plas est du plus affligeant style douairière, ce qui donne

la victoire, fait retomber la production à environ deux cents

Elle ne disposera par exemple de sa propre fonderie qu’en

ensemble de qualités à un niveau aussi exceptionnel. La H6

à penser que le constructeur n’est pas encore très fixé sur le

en 1922, mais elle remonte à deux cent cinquante en 1923 et à

1930. La majorité des carters et blocs-cylindres des moteurs

peut passer pour la plus belle expression de cet âge d’or de

type de clientèle auquel il s’adresse. La fabrication en série

trois cents en 1924, un chiffre qu’elle atteint ensuite réguliè-

H6 sont coulés dans les fonderies Montupet, à Paris. Les

l’automobile baptisé “vintage” par les Anglais et son succès reste

ne démarre que lentement du fait des difficultés de l’immé-

rement jusqu’en 1928. Le total annuel retombe ensuite en

châssis et les essieux proviennent des aciéries d’Imphy,

remarquablement constant tout au long des années 1920.

diat après-guerre : problèmes de main-d’œuvre, pénurie de

dessous des deux cents jusqu’à la fin de l’année 1930 quand

dans la Nièvre. Sans parler des radiateurs, toujours fournis

On ne compte que deux voitures complètes construites en

matières premières. Il semble même que la confection de

la fabrication est pratiquement interrompue. Au total, deux

par des spécialistes comme Chausson ou Moreux. L’usine

1919, en plus des châssis d’essais non répertoriés : le prototype

certains éléments (essieux et châssis en particulier) ait été

mille six cents châssis H6 sont construits. Les derniers sont

de Bois-Colombes se réserve l’usinage de précision (comme

carrossé en torpédo par Franay et la limousine par Van den

sous-traitée à l’usine de Barcelone. En 1920, une vingtaine à

livrés à la fin de l’année 1934.

la taille des engrenages, qui sera toujours sa spécialité) et le

Une jolie vue d’artiste de la voiture de Bablot à Boulogne pour le catalogue HispanoSuiza 1923. Le dessinateur a ajouté une cigogne, mais il a fidèlement reproduit l’échappement, les écrous de roue et le vide à l’arrière entre les longerons.

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Paul Badré 400 pages - 500 photos - 240 x 290 mm - 149 € ttc

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