Actualités moniteurjuris.fr/cp/accueil votreConsultezrevuesur moniteurjuris.fr/contratspublics N° 232 • Juin 2022 N° 232 – Mensuel – 42 € Dossier u Rédaction des clauses et anticipation Typologie des clauses impactées Clauses relatives à l’actualisation et à la révision des prix L’achat public local peut-il contrer la hausse des prix ? u Indemnisation des parties aux contrats Non-application des pénalités de retard : dans quels cas… ? Indemnisation du titulaire du marché du fait de la hausse des prix : à quelles conditions ? u Modification et résiliation des contrats Modalités de modifications dans le contexte de fluctuation des prix Résiliation du marché : une solution à privilégier ou à éviter… ? u Focus sur la passation et l’exécution des marchés de fourniture d’énergie Préparation et passation d’un accord-cadre à marchés subséquents Recours au groupement d’achats d’énergie Conseils et recommandations La commande publique face à la hausse des prix
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Hausse des prix, entre incertitudes juridiques et résilience
La bonne nouvelle, c’est que, guidés par le gouvernement et notamment la circulaire du 30 mars 2022, acheteurs comme titulaires ont ressuscité la théorie de l’imprévi sion, mécanisme ancien d’indemnisation, comme la ré ponse juridique permettant d’endiguer la situation. Après échanges, ils s’accordent ça et là dans le cadre de tran sactions, attribuant des indemnisations au bénéfice des titulaires couvrant les charges extracontractuelles subies du fait de la hausse des prix.
Après le Covid-19 en 2020, la hausse des prix constitue la nouvelle crise touchant les contrats publics depuis la fin 2021, accélé rée par les effets de la guerre en Ukraine. Aveugle et égalitaire, elle touche la majorité des contrats, directement ou indirectement, qu’il s’agisse de fournitures ou de travaux, de marchés publics ou de Nécessairementconcessions.
Cette préparation est souvent peu compatible avec la né cessité d’agir en urgence, poussant parfois certains ache teurs et titulaires à faire appel à des solutions qui leurs paraissent plus usuelles. Aussi, certains se résolvent à conclure des avenants modifiant directement les prix des contrats (via les bordereaux des prix unitaires, ou l’insertion/modifications de clauses de révision, ou par le recours à des avenants « d’habillage » ayant pour consé quence indirecte de modifier les prix), avenants dont la légalité, en l’état du droit actuel est plus que fragile, dès lors que la jurisprudence, la doctrine, mais également plus récemment la Direction des affaires juridiques, rap pellent le principe de l’intangibilité du prix d’un contrat Restepublic. sinon la possibilité de « bricoler » en trouvant des solutions temporaires permettant de contourner la hausse des prix (accord de délais supplémentaires, chan gement de matériaux). Si les acheteurs ne sont, évidemment, pas gâtés par les circonstances, pris en étau entre, d’une part, la nécessité de voir exécuter les contrats et, d’autre part, par l’inter diction des libéralités, les « perdants » sont indubitable ment les entreprises qui, après avoir subi le Covid-19, su bissent désormais la hausse des prix qu’elles essaient de répercuter, dans une certaine limite, sur leurs donneurs Dansd’ordre.ces temps obscurs qui invitent au dialogue ache teurs et titulaires, le présent dossier a vocation à faire la lumière sur le contexte juridique, les règles applicables et les solutions pratiques pouvant être apportées à la fois aux entreprises et aux acheteurs.
Marie-Cécile Haize Inès Fresko Avocates à la Cour au barreau de Paris – HAIZE FRESKO AVOCATS
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La solution trouvée qui, a tout du moins, a le mérite d’exister, est cependant loin d’être évidente à mettre en pratique : – d’une part, car elle ne permet, généralement, d’indem niser qu’a posteriori les titulaires des contrats – laissant entendre que les surcoûts subis resteront temporaire ment à leur charge le temps de vérifier si les surcoûts sont effectivement durables et touchent l’ensemble du prix global du contrat ; – d’autre part, car elle suppose un haut niveau d’organi sation à la fois chez les acheteurs et les titulaires :
• coté acheteur, il convient de se familiariser avec la théorie de l’imprévision et ses limites, traiter les demandes des titulaires, solliciter les bons docu ments démontrant l’imprévision, et naviguer dans ses instances internes dans le cadre de transactions pour imprévision, tout en évitant les libéralités ; • côté titulaire, outre apprivoiser la théorie de l’impré vision, il lui appartient de réaliser des demandes justi fiées, à la fois sur le terrain économique et juridique, de négocier avec l’acheteur, et de pousser son dossier, tout en continuant d’exécuter le contrat sous peine de résiliation à ses torts.
et logiquement, elle place les acheteurs comme les titulaires face à des réalités pratiques et assez binaires : les acheteurs doivent voir leurs contrats exécu tés, et les titulaires ne souhaitent exécuter à perte voire, pour les petites entreprises, mettre en péril leur survie pour l’exécution d’un contrat. Des solutions efficaces doivent en conséquence être trou vées pour les contrats touchés, dans une urgence cer taine, sans faire fi de la légalité et de la sécurité juridique. Il s’agit là, en réalité, de la plus grande difficulté posée par la hausse des prix : face à une crise unique, existe-t-il une solution claire et sécurisée, ou convient-il de bricoler ?
Éditorial
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DIRECTION
Catherine Ribot est professeure de droit public à l’université Montpellier I. Laurent Richer est professeur de droit à l’université Paris I (Panthéon-Sorbonne) et avocat au barreau de Paris. Il est directeur scientifique de Délégation de service public*. Patrick Sitbon est conseiller référendaire à la Cour des comptes, secrétaire général de la Cour de discipline budgétaire et financière. * Édité(s) par Les Éditions du Moniteur
Conception graphique : Catherine Lattuca Maquette : STDI Illustrations : Alain Bouteveille Ont collaboré à ce numéro* : Ludovic Bailleux, Arnaud Bordes, Laurent Bidault, Pierre Cailloce, Antoine Carle, Sacha Etemadi, Inès Fresko, Yvonnick Le Fustec, Marie-Cécile Haize, Alexandra Ouzar, Gilles Pellissier, Emmanuel Perois, Jean-Marc Proust, Thomas Rouveyran, Jean-Serge Salva, Marion Terraux, Philippe Tessier, Anna Véran, Pierre-Ange Zalcberg
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Nicolas Charrel est avocat à la Cour. Il est l’auteur des commentaires du Code des marchés publics*. Guy Duguépéroux est président de section à la Chambre régionale des comptes du Centre, professeur associé à la faculté de droit de Poitiers. Jean‑Pierre Jouguelet est conseiller d’État.
Contrats Publics – 232 - Juin 2022 6 Retrouvez les textes cités sur
Claudie Boiteau est professeur de droit public à l’université Paris-Dauphine et coordinatrice de la revue. Elle est l’auteur de l’ouvrage Les conventions de délégation de service public*. Mireille Berbari est avocate à la Cour. Elle est l’auteur de nombreux ouvrages notamment Les CCAG des marchés publics annotés et commentés*.
Comité de rédaction
* Les opinions ou interprétations exprimées par les auteurs de cette revue n’engagent qu’eux-mêmes et non les organismes auxquels ils appartiennent. Éditeur : Claire de Gramont Directeur éditorial : Thierry Kremer Directeur commercial : Christophe Vitiello Service commercial : Maël Gombert (35 68) Gestion des abonnements : Nadia Clément (50 55) Abonnements : Antony Parc 2 10, place du Général de Gaulle, BP 20156, 92186 Antony Cedex Tél.: 01 79 06 70 70 Internet : www.editionsdumoniteur.com numéro : 42 € (TTC) ; 11 nos (1 an) : 375 € (TTC) ; 22 nos (2 ans) : 599 € (TTC) Fabrication : Isabelle Fontaine Gestion : Awa Faye moniteurjuris.fr/contratspublics/
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Michaël Karpenschif est professeur à l’université Lyon III (Jean-Moulin). Gilles Le Chatelier est avocat associé. Pierre Pintat est avocat associé.
Nous alertons nos lecteurs sur la menace que représente, pour l’avenir de l’écrit, le développement massif du « photocopillage ». Le Code de la propriété intellectuelle interdit expressément la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or, cette pratique s’est développée dans de nombreux cabinets, entreprises, administrations, organisations professionnelles et établissements d’enseignement, provoquant une baisse des achats de livres, de revues et de magazines. En tant qu’éditeur, nous vous mettons en garde pour que cessent de telles pratiques.
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Veille
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MarchésDécretspublics – Concessions – Critères d’attribution – SPASER – Données essentielles ¢ Décret n° 2022 767 du 2 mai 2022 portant diverses modifications du Code de la commande publique Pris pour l’application de l’article 35 de la loi n° 2021 1104 du 22 août 2021 (Loi Climat et Résilience), le décret sup prime au sein de la partie réglementaire du Code de la commande publique toute référence à la possibilité de définir dans les marchés publics un critère d’attribution unique fondé sur le prix (art. 2 et 7 du décret), et impose aux concessionnaires de décrire dans le rapport annuel communiqué à l’autorité concédante les mesures mises en œuvre pour garantir la protection de l’environnement et l’insertion par l’activité économique (art. 9 du décret). Les articles 3 et 5 modifient certains articles du Code de la commande publique relatifs aux enchères électroniques. Les dispositions des articles 2, 3, 5, 7 et 9 entreront en vigueur le 21 août 2026 et s’appliqueront aux marchés et aux contrats de concession pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter de cette date. Le décret (art. 13) prévoit également l’entrée en vigueur le 4 mai 2022 des dispositions du 5° du II et du 6° du III de l’article 35 de la loi n° 2021 1104 du 22 août 2021 créant une interdiction de soumissionner facultative pour les entreprises n’ayant pas satisfait à leur obligation d’établir un plan de vigilance en application de l’article L. 225 102 4 du Code de commerce. En outre, le décret abaisse de 100 à 50 millions d’euros le montant des achats annuels déclenchant, pour les col lectivités territoriales et les acheteurs dont le statut est déterminé par la loi, l’obligation d’élaborer un SPASER en application de l’article L. 2111 3 du Code de la com mande publique (art. 1er du décret). Les dispositions de cet article 1er entreront en vigueur le 1er janvier 2023. Enfin ce décret fixe les nouvelles modalités de publica tion des données essentielles de la commande publique sur un portail national de données ouvertes et prévoit que le recensement économique des marchés publics sera désormais réalisé à partir de ces données (art. 4 pour les marchés publics et art. 8 pour les concessions). Les dispo sitions des articles 4 et 8 entreront en vigueur à une date fixée par un arrêté du ministre chargé de l’économie et au plus tard le 1er janvier 2024 et s’appliqueront aux marchés et aux contrats de concession pour lesquels une consul tation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter de cette date.
Jurisprudence européenne Cour de justice de l’union européenne Groupements d’opérateurs économiques – Mandataire – « Tâches essentielles » ¢ CJUE 28 avril 2022, aff. C-642/20
Une société de régulation des déchets italienne a lancé une procédure de marché public en vue de l’attribu tion du service d’enlèvement, de collecte et de transport vers les installations de traitement des déchets solides urbains triés et non triés, y compris les déchets assimi lés, ainsi que d’autres services d’hygiène publique dans 33 communes regroupées en son sein. Le marché, d’une valeur totale de 42 005 042,16 euros hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et d’une durée de sept ans, a été divisé en trois lots. En ce qui concerne le lot 2, d’une valeur de 19 087 724,73 euros et qui concernait la prestation de ser vices pour 11 communes, le marché a été attribué à ATI Pippo Pizzo, tandis que l’ATI Caruter s’est vu attribuer la deuxième place. Caruter a introduit un recours devant le juge administratif italien contre la décision d’attribution du marché à l’ATI Pippo Pizzo. Dans le cadre de ce litige, le Conseil de justice administrative pour la Région de Sicilea a posé une question préjudicielle à la CJUE concernant l’interprétation de l’article 63 de la directive 2014/24/UE dans le cadre du recours à un groupement d’opérateurs économiques. la veille sur
Contrats Publics – 232 - Juin 2022 7Retrouvez
La CJUE estime que « l’article 63 de la directive 2014/24/ UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale selon laquelle l’entreprise mandataire d’un groupement d’opérateurs économiques participant à une procédure de passation d’un marché public doit satisfaire aux critères prévus dans l’avis de marché et exécuter les prestations de ce marché dans une proportion majoritaire ».
Jurisprudence nationale Conseil d’État Recours en reprise des relations contractuelles –Délai de recours – Saisine d’un comité consultatif de règlement amiable des différends ¢ CE 12 avril 2022, Société Agence d’architecture Frédéric Nicolas, req. n° 452601 u La région Provence-Alpes-Côte d’Azur a confié un mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée à l’agence régionale d’équipement et d’aménagement (AREA) de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) en vue de la réalisation d’une opération d’extension et de réhabilitation du lycée Dominique-Villars à Gap. Par acte d’enga gement du 5 février 2014, l’AREA PACA, devenue depuis l’AREA Région Sud, a attribué la mission de maîtrise d’œuvre de ce projet à un groupement conjoint composé des sociétés Betrec, Agibat, EAI, Terre Eco et Agence d’architecture Frédéric Nicolas, cette dernière étant la mandataire de ce groupement. Dans le cadre des opérations de réception de l’ouvrage, la société Qualiconsult, contrôleur technique, a émis le 20 décembre 2017 un avis défavo rable portant sur le bâtiment dénommé « Post Bac », avis qu’elle a réitéré le 4 janvier 2017 dans son rapport de vérification réglemen taire après travaux. Après avoir mis en demeure la société Agence d’architecture Frédéric Nicolas par courrier du 15 janvier 2018 de procéder à la levée de plusieurs des non conformités relevées par le contrôleur technique, l’AREA de la région PACA lui a noti fié le 1er mars 2018 la résiliation pour faute du marché. La société Agence d’architecture Frédéric Nicolas a saisi le 27 avril 2018 le comité consultatif interrégional de règlement amiable (CCIRA) des litiges de Marseille du différend l’opposant au maître d’œuvre, puis saisi le TA de Marseille d’une demande tendant à ce que soit ordonnée la reprise des relations contractuelles. Par jugement du 31 mars 2020, le TA de Marseille a rejeté cette demande au motif de son caractère tardif. La société Agence d’architecture Frédéric Nicolas se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 15 mars 2021 par lequel la CAA de Marseille a rejeté l’appel qu’elle avait formé contre ce jugement.
Le recours en reprise des relations contractuelles institué par la décision du Conseil d’État de Section Commune de Béziers (CE 21 mars 2011, req. n° 304806, Rec. CE p. 117), dite « Béziers II », permet à la partie à un contrat adminis tratif de contester la validité de la résiliation de ce contrat en vue d’obtenir du juge qu’il ordonne la reprise des rela tions contractuelles. Ce recours doit, aux termes de cette décision, être exercé dans un délai de deux mois à comp ter de la date à laquelle le cocontractant a été informé de la mesure de résiliation. La décision commentée précise que la saisine du comité consultatif de règlement amiable des différends (CCRA), prévue tant par les règles géné rales applicables aux marchés publics que par la plupart des CCAG, n’interrompt pas ce délai de prescription.
Cette solution est fondée, comme l’indique le Conseil d’État, sur la compétence du comité consultatif de règle ment amiable des différends qui est de régler les différends liés à l’exécution des marchés, y compris à la suite de leur résiliation, mais qui « ne s’étend pas aux litiges tendant exclusivement à la reprise des relations contractuelles, qui relèvent de la seule compétence du juge du contrat ».
Contrats Publics – 232 - Juin 2022 8 Retrouvez la veille sur moniteurjuris.fr/contratspublics/ Veille Jurisprudence nationale
Ce refus d’étendre la compétence du CCRA à la décision même de résiliation s’explique d’abord par la spécificité de l’office du juge du contrat lorsqu’il est saisi d’un recours en reprise des relations contractuelles. Il n’est pas appelé à fixer les droits et obligations des parties, comme le fait le juge du contrat lorsqu’il tranche, éventuellement après saisine du CCRA, un litige relatif à l’établissement du décompte général, mais doit décider s’il y a lieu à reprise des relations contractuelles en appréciant « eu égard à la gravité des vices constatés et, le cas échéant, à celle des manquements du requérant à ses obligations contrac tuelles, ainsi qu’aux motifs de la résiliation, si une telle reprise n’est pas de nature à porter une atteinte excessive à l’intérêt général et, eu égard à la nature du contrat en cause, aux droits du titulaire d’un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la résilia tion litigieuse ». Une telle appréciation ne relève pas de la compétence des CCRA. Il s’explique ensuite par le souci de préserver la finalité d’un recours qui n’a de chances d’aboutir que s’il est exercé rapidement. En effet, la condition rappelée ci-des sus selon laquelle la reprise des relations contractuelles ne peut être ordonnée que si elle n’est susceptible de por ter atteinte à aucun droit né par notamment de la conclu sion d’un nouveau contrat implique que le cocontractant agisse très vite, avant que se cristallise une situation qui rendra impossible ou trop difficile tout retour en arrière, le cas échéant, s’il peut justifier d’une situation d’urgence, en formant également un référé suspension de la décision de résiliation. C’est notamment ce qui avait déjà conduit le Conseil d’État à juger qu’un recours administratif, qui interrompt le délai de recours contentieux de droit com mun, n’avait pas cet effet sur le délai de recours en reprise des relations contractuelles (CE 30 mai 2012, SARL Promotion de la restauration touristique, req. n° 357151, Rec. CE p. 237). Gilles Pellissier Marchés publics – Responsabilité des constructeurs (hors garantie décennale) – Prescription décennale de l’article 1792 3 4 du Code civil – Champ d’application ¢ CE 12 avril 2022, Société Arest, req. n° 448946 u Le département de la Vendée a versé, en exécution d’un juge ment du TA de Nantes du 22 avril 2011 devenu définitif à la suite du rejet de l’appel formé à son encontre par le département, une somme de 660 218,26 euros à la société Girard Hervouet, titulaire
du lot n° 5 « Charpente métallique » de l’opération de construction du musée dénommé « Historial de la Vendée », correspondant à des surcoûts résultant de la réalisation de plans d’exécution et de notes de calcul dont elle n’était pas contractuellement redevable et de la moitié des surcoûts générés par la modification du plan constructif initial. Le département de la Vendée, estimant que les manquements pour lesquels il avait été condamné étaient exclusi vement imputables au groupement chargé de la maitrise d’œuvre, après avoir vainement recherché la responsabilité du seul manda taire du groupement de maîtrise d’œuvre, a saisi le TA de Nantes d’une demande tendant à la condamnation solidaire des socié tés Plan 01 et Arest et de M. Michel Joyau Architecte, membres du groupement de maîtrise d’œuvre, à lui verser une somme de 660 218,26 euros avec intérêts. Par un jugement du 24 avril 2019, le tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt du 20 novembre 2020, contre lequel la société Arest se pourvoit en cassation, la CAA de Nantes a annulé ce jugement, condamné cette société à verser au département de la Vendée la somme de 660 218,26 euros avec intérêts et rejeté le surplus des conclusions. Ce pourvoi donne au Conseil d’État l’occasion de préciser deux points relatifs au champ d’application de la prescrip tion de l’article 1792 3 4 du Code civil, aux termes duquel « En dehors des actions régies par les articles 1792 3, 1792 4 1 et 1792 4 2, les actions en responsabilité diri gées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792 1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux ». Le premier est que, si ces dispositions figurent au milieu d’autres dispositions relatives à la garantie décennale des constructeurs, si elles s’appliquent aux constructeurs éga lement débiteurs de la garantie décennale et si elles fixent une règle de prescription de dix ans, elles ne concernent pas les actions fondées sur la garantie décennale des constructeurs, qui sont expressément exclues (« En dehors des actions régies par les articles 1792 3, 1792 4 1 et 1792 4 2 »). Cet article 1792 3 4 a été introduit dans le Code civil par la loi du 17 juin 2008 sur la prescription en matière civile, qui a repris une jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle les actions en responsabilité contre les constructeurs autres que celles fondées sur les garanties biennale et décennale, qui étaient alors sou mises à la prescription de droit commun de trente ans, se prescrivaient par dix ans (Cf. Cass. 3e civ., 16 octobre 2002, n° 01 10.482 ; Cass. 3e civ., 16 octobre 2002, n° 01 10.330, Bull. III, n° 205 ; Cass. 3e civ., 16 mars 2005, n° 04 12.950, Bull. III, n° 65 ; Cass. 3e civ., 26 octobre 2005, n° 04 15.419, Bull. III, n° 202), unifiant ainsi les délais des régimes de responsabilité des constructeurs.
Contrats Publics – 232 - Juin 2022 9Retrouvez la veille sur moniteurjuris.fr/contratspublics/ Veille Jurisprudence nationale
La célèbre décision Dehaene (CE Ass., 7 juillet 1950, req. n° 1645, Rec. CE p. 426) a posé le principe selon lequel « en l’absence de la complète législation du droit de grève annoncée par le Préambule de la Constitution de 1946, auquel se réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, il appartient à l’autorité administrative responsable du bon fonctionnement d’un service public de fixer elle-même, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, la nature et l’étendue des limitations qui doivent être apportées au droit de grève » « en vue d’en éviter un usage abusif, ou bien contraire aux nécessités de l’ordre public ou aux besoins essentiels du pays, pour les services dont l’organisation lui incombe », cette dernière précision résultant d’une jurisprudence ultérieure (CE 25 septembre 1996, Ministre du budget, req. n° 149284) et de celle du Conseil constitutionnel (v. not. Cons. const., 1er août 2019, n° 2019 790 DC).
Dès lors qu’il s’agit d’une règle de prescription applicable aux actions en responsabilité contractuelle exercées par le maître d’ouvrage à l’encontre les constructeurs et non à l’action en responsabilité exercée par le maître d’ouvrage tendant à mettre en jeu la garantie décennale ou biennale des constructeurs, son application ne saurait être subor donnée aux conditions propres à la garantie décennale, telles que celles portant sur les effets des désordres. Le second point est relatif au champ d’application per sonnel de cette prescription, qui ne concerne que les actions en responsabilité du maître d’ouvrage à l’encontre des constructeurs ou de leurs sous-traitants et non aux actions en responsabilité des constructeurs entre eux, qui relèvent de la prescription quinquennale de droit commun (C. civ., art. 2224). Cette lecture de l’article 1792 3 4 est aussi celle de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 16 jan vier 2020, n° 18 25.915 ; Cass. 3e civ., 7 janvier 2016, n° 14 24.842, au Bull.). Elle s’imposait non seulement au regard de l’origine, qui vient d’être rappelée, et du contexte de la règle, qui s’inscrit dans un ensemble normatif consa cré aux contrats de louage d’ouvrage et d’industrie, mais aussi par le fait que la réception ne peut être le point de départ du délai d’une action d’un constructeur contre un autre constructeur. La réception est un acte relatif à l’exé cution d’un contrat qui n’a d’effet que sur les relations contractuelles entre les parties au contrat. L’action d’un constructeur contre un autre constructeur est en revanche une action quasi-délictuelle, qui se prescrit par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l’exercer.
Gilles Pellissier Concessions de service public –Réglementation du droit de grève – Compétence ¢ CE 5 avril 2022, Syndicat CGT de la société Cofiroute, req. n° 450313 u Qui, de l’autorité concédante ou du concessionnaire d’un ser vice public, est compétent pour réglementer l’exercice du droit de grève des agents chargés de l’exécution de ce service ?
La décision commentée indique que « l’autorité adminis trative responsable du bon fonctionnement d’un service public » lorsque celui-ci est concédé est l’autorité concé dante, sauf texte particulier. En effet, la concession d’un service public est une moda lité d’exécution de ce dernier qui ne décharge aucunement la personne publique de la responsabilité qui lui incombe à l’égard des bénéficiaires de ce service. C’est donc à elle de définir les règles de nature à assurer la continuité du service et de concilier cette exigence avec l’exercice d’un droit de nature constitutionnelle. Cette solution de portée générale s’applique à tous les services publics concédés, qu’ils relèvent de l’État, comme
Elle n’est pas toujours facile à mettre en œuvre dans la mesure où dès lors qu’une activité privée se déroule sur le domaine public ou dans un établissement public, la personne publique responsable du domaine ou de l’éta blissement est fondée à poser des exigences à l’exercice de l’activité qu’elle autorise, exigences qui peuvent égale ment concourir à la satisfaction d’intérêts qu’elle entend promouvoir. La jurisprudence assez fournie sur la distinc tion entre commande publique et convention d’occupation domaniale montre que les juges se fondent sur un faisceau d’indices tenant à la fois à l’objet de la prestation et aux pouvoirs de la personne publique telles qu’ils ressortent des clauses du contrat (on peut ainsi rapprocher les déci sions CE 15 mai 2013, Ville de Paris, req. n° 364593, pour une qualification d’occupation domaniale et CE 14 février 2017, Sté de manutention portuaire d’Aquitaine, req. n° 405157, pour une qualification de commande publique). Sans être déterminante, l’initiative de la relation contrac tuelle est également un indice. La juridiction va recher cher si les prestations objet du contrat permettent à la personne publique de satisfaire ses missions et si, ce qui en est général le corollaire, le contrat prévoit un contrôle de sa part sur l’exercice de l’activité, au-delà de ce qui est nécessaire pour garantir qu’elle ne perturbera pas le bon fonctionnement du service dont elle a la charge. Le cas d’espèce en offre une bonne illustration : c’est au regard de l’objet de l’activité et des clauses de la convention que le Tribunal des conflits juge que l’activité culturelle satis fait une « politique » de l’établissement sans pour autant répondre à ses besoins. Ses besoins ne sont pas uniquement ceux qui lui per mettent d’exercer le cœur de sa mission de service public, comme lorsqu’il s’agissait d’appliquer le critère de com pétence juridictionnelle tenant à ce que le contrat fasse participer le cocontractant de la personne publique à l’exécution même du service public (TC 21 mai 2007, SA Codiam, req. n° C3609 et la position contraire adoptée antérieurement par le juge administratif : CE 8 juin 1994, Sté Codiam, req. n° 90818). Mais il faut que ressorte du contrat ou du contexte de sa conclusion qu’il permet à la personne publique d’obtenir une prestation dont elle estime avoir besoin dans le cadre de son activité (voir, par exemple, toujours à propos des services de télé communication proposés aux patients : CE 7 mars 2014, CHU-Hôpitaux de Rouen, req. n° 372897, retenant une qualification de commande publique au regard des indices précités). Gilles Pellissier
L’association a demandé au tribunal de rejeter la demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. Par un jugement du 26 janvier 2022, le TA de Grenoble a renvoyé au Tribunal, par application de l’article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence.
L’intérêt de la décision rendue par le Tribunal des conflits pour les lecteurs de cette chronique tient à la qualification qui est donnée du contrat au regard de la définition du mar ché public, qui résultait à la date de la signature du contrat du 2e alinéa de l’article 4 de l’ordonnance n° 2015 899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et qui figure aujourd’hui à l’article L. 1111 1 du Code de la commande publique, selon laquelle « Les marchés sont les contrats conclus à titre onéreux par un ou plusieurs acheteurs soumis à la présente ordonnance avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services » et plus précisément de la condition tenant à ce que le contrat réponde aux besoins de l’acheteur. Cette condition est ce qui distingue les commandes publiques des autres contrats conclus par les personnes publiques telles que les conventions d’occupation doma niale ou, comme en l’espèce, une convention qui organise le déroulement d’activités culturelles dans un établisse ment hospitalier et dont le Tribunal des conflits relève qu’il « ne ressort ni des termes de la convention du 8 mars 2019, ni des écritures des parties que cette convention, bien que s’inscrivant dans le cadre d’une politique visant à ouvrir les établissements de santé aux pratiques cultu relles, ait eu pour objet de répondre aux besoins du centre hospitalier en matière de services ».
Contrats Publics – 232 - Juin 2022 10 Retrouvez la veille sur moniteurjuris.fr/contratspublics/ Veille Jurisprudence nationale
u Dans le cadre de son projet culturel 2016 2020, le centre hospi talier de Cadillac a conclu avec l’association « Les Sœurs Grées », le 8 mars 2019, une convention relative à « la mise en œuvre d’une initiative culturelle transversale » dont il était précisé qu’elle n’aurait « aucune dimension thérapeutique dans ses objectifs ou modalités de mise en œuvre ». Par cette convention, le centre hos pitalier a accepté de collaborer avec l’association à une animation culturelle comportant la mise en place, avec des patients de l’éta blissement, d’ateliers musicaux qui se sont déroulés entre le 17 et le 31 mars 2019. Lors de ces ateliers ont été tournées des vidéos, dont l’article 6 de la convention prévoyait qu’elles seraient diffu sées sur la plateforme numérique de l’association et sur Youtube. Toutefois, le centre hospitalier, à qui ces vidéos ont été soumises avant leur diffusion, s’est opposé à celle-ci par un courrier du 15 janvier 2020, au motif qu’elles présentaient les techniques d’écoute musicale comme ayant une dimension thérapeutique, en méconnaissance des stipulations du 2e alinéa de l’article 6 de la convention du 8 mars 2019. En dépit de ce refus, l’association a mis en ligne et diffusé les vidéos à compter du 6 avril 2020. Le 22 avril 2020, le centre hospitalier a saisi le TA de Bordeaux, en tant que juge du contrat, pour lui demander d’enjoindre à l’asso ciation « Les Sœurs Grées » de retirer définitivement les vidéos de sa plateforme, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.
en l’espèce où il s’agissait de concessions d’autoroute, ou des collectivités territoriales. Gilles Pellissier Tribunal des conflits Marchés publics – Qualification ¢ TC 11 avril 2022, Centre hospitalier de Cadillac c/ Association Les sœurs Grées, req. n° C4244
Contrats Publics – 232 - Juin 2022 11Retrouvez le dossier sur
FACE À LA HAUSSE DES PRIX Depuis plusieurs mois on assiste à une flambée des prix et ce dans tous les domaines. Ces augmentations ont bien évidemment des conséquences pour les différentes parties à un contrat de la commande publique. Le 30 mars dernier, le Premier ministre a adressé aux membres du Gouvernement et aux préfets une circulaire relative à l’exécution des contrats de la commande publique dans le contexte actuel de hausse des prix de certaines matières premières. Cependant, cette flambée des prix n’impacte pas uniquement la phase d’exécution des contrats, les parties doivent en effet faire preuve de vigilance lors de la phase de passation…
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LA COMMANDE PUBLIQUE
Contrats
LA COMMANDE PUBLIQUE FACE À LA HAUSSE DES PRIX
Sommaire DOSSIER 11
Rédaction des clauses des marchés dans un contexte de hausse des prix : mode d’emploi 12
Alexandra Ouzar Préparer et passer un accord-cadre à marchés subséquents relatif à la fourniture d’électricité et de gaz 61 Yvonnick Le Fustec et Thomas Rouveyran Passer et exécuter un marché de fourniture d’électricité et de gaz : conseils, recommandations… 67 Jean-Serge Salva et Philippe Tessier
Au sommaire du prochain numéro Actualité du contentieux des contrats publics Publics 232 - Juin 2022 Retrouvez les textes cités sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
Face à la hausse des prix, quelle ingénierie d’achat privilégier pour les marchés de fourniture d’énergie ? 72 Philippe Tessier Recours au groupement d’achats d’énergie 76 Jean-Marc Proust
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Emmanuel Perois Le prix dans les marchés publics : entre actualisation et révision du prix 17 Laurent Bidault L’achat public local, une solution à la flambée des prix assortie de contraintes 23
Marie-Cécile Haize, Inès Fresko et Sacha Etemadi Modifications du marché public en période de volatilité des prix : points d’attention 39
Le paiement du marché : quelles marges de manœuvre ? 50 Ludovic Bailleux Résiliation du marché : une solution à privilégier ou à éviter… ? 56
Pierre-Ange Zalcberg et Arnaud Bordes
Antoine Carle Non-application des pénalités de retard : dans quels cas… ? 28
Le risque d’exploitation des contrats de concession à l’épreuve de la flambée des prix 44
Marion Terraux Conditions de l’octroi d’indemnités au titulaire du marché du fait de la hausse des prix 32
5
Pierre Cailloce
Les acheteurs sont souvent bien soucieux, et bien avisés, de tenter de sécuriser le plus possible les modalités de passation des contrats relevant de la commande publique afin d’éviter tout risque contentieux qui proviendrait d’un candidat évincé saisissant le juge administratif d’un recours en référé précontractuel ou d’un recours en contestation de la validité d’un contrat(1) Toutefois, la sécurisation du risque lié à la passation de ces contrats ne doit pas faire oublier aux acheteurs d’également sécuriser le risque lié à l’exécution du contrat. Un cahier des clauses administratives particu lière (ci-après « CCAP ») ou un contrat de concession incorrectement ou imprécisément rédigés exposent les acheteurs à plusieurs risques durant l’exécution du contrat en termes de surcoûts ou d’impossibilité de sanctionner le co-contractant en cas de défaillance et de non-respect de ses obligations contractuelles. En effet, les acheteurs oublient trop souvent qu’une offre alléchante financièrement sur le papier au stade de l’analyse des offres peut se retrouver piégeuse lors de l’exécution du marché si d’aventure les clauses du marché ont été rédigées de façon trop peu protectrice pour les acheteurs publics. Ces risques classiques liés à la rédaction des contrats de la commande publique, se trouvent accentués au regard du contexte actuel exposant l’ensemble des parties à des augmentations du coûts des matières premières mais également à des allongements de délais d’approvi sionnement fragilisant les calendriers d’exécution.
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Cette situation doit amener les acheteurs publics à un vigilance renforcée lors de la rédaction de leurs CCAP et (1) CJA, art. L. 551 1.
Face à un contexte économique tendu la rédaction des clauses contractuelles par les acheteurs publics ne doit pas être prise à la légère. Les acheteurs devront faire preuve de vigilance lors de la rédaction des clauses de réexamen notam ment ainsi que celles relatives aux prix, délais, pénalités afin de ne pas s’exposer à des risques liés à l’exécution du contrat…
Rédaction des clauses des marchés dans un contexte de hausse des prix : mode d’emploi Emmanuel Perois Avocat of Counsel Parme Avocats
Auteur
Les clauses relatives au prix, que cela soit en matière de marchés publics ou de concessions, constituent, de façon générale, un point de vigilance pour les acheteurs, mais encore plus avec le contexte lié à l’augmentation du coût des matières premières exposant les parties à un renchérissement du prix des prestations, notamment pour les marchés publics de travaux. Les acheteurs et les co-contractants seront ainsi par ticulièrement vigilants aux modalités de fixation des prix, mais également aux modalités de révision ou d’actualisation des prix, compte tenu du contexte actuel et de l’impossibilité de prévoir l’évolution du coût des matières premières à moyen et long terme.
Les clauses sur les prix
toutefois à ne pas faire perdre à la phase de négociation ses bénéfices en termes d’optimisation des offres en intégrant de trop nombreuses caractéristiques minimales au projet de contrat et réduisant trop sensi blement les possibilités de négocier.
Les acheteurs devront veiller à déterminer le prix ini tial lui-même et son contenu mais aussi sa forme et les (2) CCP, art. R. 2161 13 pour les procédures avec négociation, CCP, art. R. 2161 24 pour le dialogue compétitif et CCP, art. L. 3124 1 pour les concessions. (3) En ce sens et implicitement, CE 8 avril 2019, req. n° 425373.
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De façon générale en matière de clauses relatives au prix, il convient de rappeler un certain nombre de prin cipes, tout particulièrement dans le domaine des mar chés publics. Ainsi, les acheteurs devront garder en tête que les modalités de fixation du prix constituent une obligation pour les acheteurs, l’article L. 2112 6 du Code de la commande publique disposant que « le prix ou ses modalités de fixation et, le cas échéant, ses modalités d’évolution sont définies par le marché public ».
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Les acheteurs devront donc être vigilants sur certains points particuliers lors de la rédaction de leurs pièces contractuelles afin de préserver leurs intérêts lors de l’exécution du contrat. Une rédaction des clauses dépendante de la procédure de mise en concurrence utilisée Dans certains cas, les acheteurs ne sont pas les seuls à rédiger des clauses rendant complexe ou imprécise l’exécution du contrat. En effet, deux situations sont possibles en fonction de la procédure de passation du contrat mise en œuvre. Pour les marchés publics, les acheteurs peuvent ainsi recourir à une procédure formalisée sous forme d’ap pel d’offres. Dans cette situation, le cahier des charges sera intangible dès lors que ce type de procédure ne permet pas de négocier son contenu avec les candidats. Les acheteurs seront donc les seuls responsables de la rédaction de ces documents et auront toute latitude pour sécuriser leurs intérêts durant l’exécution du marché. Il convient toutefois d’être cependant vigilants et de se prémunir d’éventuels candidats intégrant dans leurs mémoires techniques des réserves au cahier des charges. Le règlement de consultation devra ainsi expressément prohiber la possibilité pour les candidats d’intégrer des réserves au cahier des charges et, en tout état de cause et en cas de contradictions, de faire primer les prescriptions des CCAP et cahier des clauses tech niques (ci-après « CCTP ») sur le mémoire technique du titulaire, voire de préciser que les réserves apportées au cahier des charges seront susceptibles de constituer des non conformités entraînant l’irrégularité de l’offre du Danscandidat.d’autres cas, les acheteurs peuvent également être amenés à négocier le contenu des clauses contrac tuelles avec les candidats. Tel est notamment le cas lorsque les acheteurs recourent à une procédure adap tée, une procédure avec négociation, un dialogue com pétitif et plus généralement lors de la passation de contrats de concession. Or, dans le cadre de ces négo ciations, les candidats pourront modifier les stipulations contractuelles et intégrer des clauses de révision des prix protectrices, des clauses exonératoires de respon sabilité ou atténuer la portée contraignante des clauses coercitives, fragilisant de facto l’acheteur durant l’exé cution du contrat. Pour éviter le risque de voir les stipulations contrac tuelles modifiées trop sensiblement au détriment des acheteurs, il sera rappelé que les acheteurs ont l’obligation de prévoir dans de telles situations les exi gences minimales qui devront être respectées par les Ilcandidats(2)convient de rappeler que l’intégration de caracté ristiques minimales, notamment dans les contrats de concession, constitue une obligation dont le défaut peut être sanctionné par le juge en cas de contentieux (3) Les acheteurs intégreront donc des caractéristiques minimales qui constitueront des clauses intangibles qui ne pourront pas faire l’objet de négociation avec les can didats et qui sécuriseront l’exécution du contrat pour les acheteurs sur les points dits sensibles (prix, pénalités, Attentiondélais).
Dossier
de leurs contrats de concession afin d’éviter de se retrouver confrontés à de nombreuses difficultés : – augmentation du prix du marché du fait de l’augmenta tion du prix des matériaux et des matières premières et sollicitation d’une demande indemnitaire par le titulaire visant à compenser ces surcoûts ; – incapacité des opérateurs à respecter les délais contractuel lement prévus du fait des difficultés d’approvisionnement ; – difficultés d’application des pénalités dès lors que le nonrespect des délais pourrait être justifiés par une situation imprévue ou est adossée à une situation pouvant être qua lifiée d’imprévisible au stade de la conclusion du contrat.
Rédaction des clauses des marchés dans un contexte de hausse des prix : mode d’emploi
(8) Circulaire du 30 mars 2022 : « En outre, afin de ne pas péna liser les entreprises, les formules de révision de prix ne contien dront pas de terme fixe et les contrats ne contiendront ni clause butoir, ni clause de sauvegarde ». (9) « En raison du caractère en principe intangible du prix contrac tualisé, une clause de révision ne peut être ni modifiée ni introduite en cours d’exécution du marché (CE 15 février 1957, Établissement Dickson) si le contrat n’en a pas expressément prévu la possibilité et les modalités par une clause de réexamen (article R. 2194 1 et 1° de l’article R. 2194 6 du Code de la commande publique), même si cette clause était obligatoire en application de l’article R. 2112 13 du Code de la commande publique ». (Rép. min. à QE n° 40503 du 3 août 2021). des clauses des marchés dans un contexte de hausse des prix : mode d’emploi
Contrats Publics – 232 - Juin 2022 14 Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/ Dossier Rédaction
conditions dans lesquelles il pourra, le cas échéant, être ajusté ou révisé. Réserve faite des cas où la passation d’un marché à prix provisoire est autorisée, les marchés sont conclus à prix définitif (4), étant précisé que celui-ci peut être ferme ou révisable(5). Cela signifie qu’il n’est pas possible de chan ger le prix stipulé après la notification du marché, ce qui n’exclut cependant pas la possibilité de l’actualiser ou de le réviser. Le caractère ferme est actuellement sujet de tension entre les parties à un marché compte tenu de l’envolée du coût des matières premières et du renchérissement du coût des prestations. Les acheteurs, au regard du contexte auront tendance à privilégier l’intégration d’un prix ferme plus protecteur, c’est-à-dire un « prix inva riable pendant la durée du marché » (6) Toutefois, il doit être rappelé la règle posée par l’article R. 2112 13 du Code de la commande publique selon laquelle un marché doit être conclu à prix révisable « dans le cas où les parties sont exposées à des aléas majeurs du fait de l’évolution raisonnablement prévi sible des conditions économiques pendant la période d’exécution des prestations ». La circulaire récente du 30 mars 2022 paraît prohi ber actuellement dans certains cas les marchés à prix ferme, fragilisant donc les acheteurs et les exposant à la prise en charge des surcoûts liés aux matières pre mières(7). Il est cependant dommageable que la circu laire en question ne précise pas exactement les marchés visés par cette obligation au regard du contexte actuel en omettant notamment de préciser si les marchés publics de travaux ou les marchés globaux font actuellement l’objet d’une interdiction d’intégrer un prix ferme et non Parrévisable.ailleurs, la circulaire précitée critique également l’intégration d’une clause butoir en cas de prix révisable qui permettait d’empêcher l’évolution du prix au-delà du butoir prévu, sans que le titulaire puisse s’y opposer ou d’intégrer une clause de sauvegarde permettant à (4) CCP, art. R. 2112 7. (5) CCP, art. R. 2112 8. (6) CCP, art. R. 2112 9. (7) Circulaire n° 6338-SG du 30 mars 2022 relative à l’exécution des contrats de la commande publique dans le contexte actuel de hausse des prix de certaines matières premières « Enfin, je vous demande de vous assurer que les marchés conclus par vos services respectent les dispositions des articles R. 2112 13 et R. 2112 14 du Code de la commande publique qui prohibent le recours au prix ferme lorsque les parties sont exposées à des aléas majeurs du fait de l’évolution raisonnablement prévisible des conditions économiques pendant la durée d’exécution des presta tions et imposent que les marchés d’une durée d’exécution de plus de trois mois qui nécessitent pour leur réalisation le recours à une part importante de fournitures, notamment de matières premières, dont le prix est directement affecté par les fluctuations des cours mondiaux, comportent une clause de révision de prix incluant au moins une référence aux indices officiels de fixation de ces cours. Le non-respect de ces obligations est susceptible d’engager la res ponsabilité de l’acheteur ». l’acheteur de résilier, sans indemnité, la partie non exé cutée des prestations, lorsque le prix révisé dépasse la sauvegarde prévue(8) La rédaction de cette clause doit d’autant plus être anti cipée qu’il convient de rappeler le caractère intangible des prix dans le cadre des marchés publics. En consé quence de ce principe, la doctrine administrative indique que l’intégration d’une clause de révision en cours d’exé cution, lorsque cela n’est pas prévu initialement, n’est pas Faceautorisée(9)àcettesituation peu sécurisante pour les ache teurs en termes de prise en charge des surcoûts liés à l’envolée du coût des matières premières, peut-être que la solution consisterait à intégrer dans le contrat un cas de réexamen dans l’hypothèse où les surcoûts consta tés du fait de ce contexte dépasserait un certain seuil et prévoyant l’intégration, par voie d’avenant d’un indice de révision. Les cas de réexamen Les acheteurs, surtout pour les contrats conclus pour une durée relativement longue tels que les marchés globaux de performance ou les concessions de service public, devront également être vigilants dans la rédac tion des clauses de réexamen du contrat.
Il s’agit ici de trouver le juste équilibre entre d’une part, ne pas prévoir une liste de cas exhaustifs qui serviront de boite de pandore pour le cocontractant de l’acheteur en vue de solliciter une révision de l’économie du contrat et, d’autre part, tenter d’apporter une certaine souplesse dans l’exécution du contrat, sans être contraint par le droit applicable aux modifications des marchés publics et des concessions. En effet, la modification des contrats de la commande publique doit s’inscrire dans le cadre parfois rigide des dispositions des articles L. 2122 1 pour les marchés publics et L. 3135 1 du Code de la commande publique pour les concessions. Or, dans certains cas, ces disposi tions ne permettent pas aux parties d’intégrer des modi fications d’envergure au contrat initial, empêchant ainsi toute évolution du contrat, voire freinant l’application du principe de mutabilité des services publics.
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Le contrat pourra également prévoir l’intégration de causes exonératoires de responsabilité au bénéfice du cocontractant de l’acheteur. Il doit être rappelé qu’au nom du principe de la liberté contractuelle sont valides les clauses contractuelles por tant exonération totale ou partielle de responsabilité(11) Dans l’optique d’un contrat équilibré et satisfaisant les deux parties, les acheteurs pourraient prévoir d’intégrer ce que l’on appelle classiquement des cas de causes légitimes, c’est-à-dire des hypothèses dans lesquelles, pour un fait extérieur au titulaire, celui-ci n’est pas en mesure de respecter ses obligations contractuelles de façon temporaire sans que toutefois ces manquements entraînent l’application de pénalités. (10) Direction des affaires juridiques : « Les modalités de modifica tion des contrats en cours d’exécution ». (11) CE 28 janvier 1998, Société Borg Warner, req. n° 138650. Les acheteurs seront donc encouragés à prévoir ce mécanisme en évitant certains écueils toutefois. Notamment, la liste des cas de cause légitime devra revêtir un caractère limitatif, c’est-à-dire que seuls les cas expressément visés par le contrat constitueront des cas de cause légitime. Enfin les acheteurs seront particulièrement vigilants à ne pas conférer aux causes légitimes la portée d’une clause de révision. Les cas de cause légitime doivent se contenter d’être des causes exonératoires de res ponsabilité, mais elles ne doivent pas avoir pour effet de permettre au titulaire de solliciter une révision des conditions économiques du contrat. Les délais Les clauses relatives aux délais constituent également un point de vigilance pour les acheteurs. Pour les opé rations de construction, le point des délais constitue un engagement fort des titulaires dont le non-respect peut être sanctionné par l’application d’une pénalité.
Ainsi, à défaut de mention contraire dans les documents particuliers du marché, le point de départ du calcul des délais d’exécution des marchés débutera donc à la noti fication du marché.
Toutefois et en pratique, on se rend bien souvent compte que l’application d’un principe aussi simpliste en théorie est confrontée à de nombreuses problématiques, tant les titulaires de marchés pourront tenter d’invoquer de nombreuses situations pour se dédouaner d’un retard et éviter ainsi l’application de pénalités de retard, voire même tenter de solliciter des acheteurs des indemnités en cas d’allongement des délais de réalisation des pres tations si cet allongement ne leur est pas imputable. Afin de rendre efficace les obligations pesant sur les titulaires de marché, les acheteurs veilleront donc à être vigilants sur plusieurs points. Tout d’abord, les acheteurs seront vigilants quant à la détermination du point de départ du marché laquelle pourrait influer sur les modalités de calcul des délais.
: mode d’emploi Dossier
Toutefois, rien n’interdit d’intégrer des clauses stipulant une date de commencement d’exécution postérieure à la notification. Dans ce cas, l’acheteur pourra (i) notifier le marché afin que celui-ci prenne effet et permette au titulaire de s’organiser mais également (ii) conditionner le démarrage des prestations à l’émission d’un ordre de service prescrivant le démarrage des prestations.
Attention toutefois pour les acheteurs à bien vérifier que le calendrier d’exécution des prestations dispose d’un caractère contractuel et non prévisionnel. Les acheteurs veilleront donc, lorsqu’ils demandent aux candidats la remise d’un planning, que celui-ci soit engageant. A défaut, l’application de pénalités sera fragilisée. le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/ des clauses des marchés dans un contexte de hausse des prix
Rédaction
L’article R. 2182 5 du CCP précise simplement que les marchés « prennent effet à la date de réception de la notification du marché au titulaire sous réserve du res pect des dispositions du code général des collectivités territoriales relatives au contrôle de légalité ».
L’hypothèse qui pourrait être mise en œuvre est d’inté grer au contrat des clauses de réexamen sous forme de clauses dites de « rendez vous ». En effet, le Code de la commande publique n’enferme pas les modifica tions contractuellement prévues dès l’origine du contrat dans des seuils financiers, contrairement aux autres cas. Le Code de la commande publique permet ainsi aux acheteurs de modifier le contrat sans limite financière lorsque ces cas de modification « ont été prévues dans les documents contractuels initiaux sous la forme de clauses de réexamen ». S’il est évident que les acheteurs penseront dans un premier temps aux options « claires et précises » assi milable à des tranches conditionnelles, ceux-ci peuvent également tenter de conférer de la souplesse en inté grant des clauses dites de « rendez-vous ». La direction des affaires juridiques se trouvent à cet effet particu lièrement conciliante sur cette problématique puisque permettant de modifier les contrats, sans conditions de seuils, lorsque que « la survenance d’un événement précis conduira les parties à renégocier les termes du contrat. Dans ce cas de figure, l’acheteur ou l’autorité concédante doit prévoir dans les documents contrac tuels initiaux les modalités de mise en œuvre de cette négociation. Si les parties s’accordent sur la modifica tion du contrat il sera nécessaire de matérialiser cet accord de volonté dans un avenant » (10) Les acheteurs seront donc encouragés, tout particuliè rement pour les contrats de longue durée, à tenter de prévoir le maximum de situation susceptibles d’entrer dans ce cadre, et à s’inscrire dans les préconisations de la DAJ en indiquant les clauses pouvant être impac tées et notamment : le périmètre du contrat, sa durée, l’impact sur les tarifs, les modalités de répartitions des investissements supplémentaires, etc. Les causes exonératoires de responsabilité
Les pénalités Enfin, dernier point de vigilance et de crispation dans le cadre de l’exécution des contrats de la commande publique, les clauses coercitives et notamment les clauses encadrant le régime des pénalités.
Il s’agit d’un point central dans l’exécution des marchés dès lors que celles-ci permettent aux acheteurs de dis poser de moyens de pression et de sanction sur les titu laires pour que ceux-ci s’efforcent de respecter leurs obligations contractuelles.
D’abord, les modalités d’application des pénalités et notamment l’intégration d’une mise en demeure préa lable ou non. La mise en demeure préalable constitue nécessairement un frein à l’application de pénalités, dès lors qu’elle permettra d’ouvrir à discussion ou de per mettre au titulaire de rectifier le tir, sans être pénalisé pour ses manquements constatés et donc de rendre moins efficace l’application des pénalités. Pour certaines pénalités, la mise en demeure préalable ne paraît en outre pas adaptée (retard dans la transmis sion de documents prévus au marché, retard dans l’exé cution de certaines obligations). Il pourrait donc être fait preuve de pragmatisme en pré cisant finement les pénalités visées par cette obliga tion, sans en faire un principe général d’application des Ensuite,pénalités.les acheteurs devront également appréhender la délicate question du plafonnement éventuel des péna lités. Il s’agissait d’une des innovations de la dernière version des CCAG et désormais, et par défaut, les péna lités de retard sont ainsi plafonnées à 10 % du montant total hors taxes du marché, de la tranche considérée ou du bon de commande(12) Les acheteurs pourront naturellement déroger à ce pla fond dans le cadre de l’exécution des marchés publics et préciser que les pénalités ne sont pas plafonnées dans le cadre d’une concession.
Toutefois et en pratique, le non-plafonnement des péna lités constitue un véritable point de crispation avec les opérateurs, notamment durant la période d’établisse ment des offres. Il est ainsi fréquent, voire systéma tique, que les candidats à l’attribution d’un contrat de la commande publique sollicitent le plafonnement des pénalités. Cette discussion est d’autant plus vive lors de la négociation des contrats de concession ou en cas de recours à une procédure avec négociation face à des opérateurs brandissant la menace de ne pas remettre d’offre ou d’intégrer un surcoût dans leur prix leur per mettant de se prémunir face à l’application de pénalités Lesmassives.acheteurs ont également la possibilité de faire figurer le principe de non-plafonnement des pénali tés en tant qu’exigence minimale, mais se heurteront à un risque de voir certains opérateurs ne pas remettre Lesd’offres.acheteurs pourraient donc tenter d’apporter du pragmatisme dans leurs clauses en visant le non-pla fonnement de certaines pénalités et non de l’intégralité des pénalités. En conclusion, la rédaction des clauses contractuelles par les acheteurs publics ne doit pas être prise à la légère dès lors que celles-ci conditionneront les moda lités d’exécution des contrats. Face à un contexte éco nomique tendu, les acheteurs seront donc invités à redoubler de vigilance dans cet exercice afin d’éviter que l’exécution du contrat soit rendue sensiblement plus onéreuse qu’envisagée. (12) CCAG-Travaux (2021), art. 19. des marchés un contexte de hausse des prix : mode d’emploi
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Toutefois, pour pouvoir constituer un moyen de pression efficace, encore faut-il que les clauses relatives à l’ap plication de pénalités soient correctement stipulées. En effet, une clause incorrectement rédigée ou imprécise peut avoir pour effet de priver l’acheteur de la possibilité d’appliquer une pénalité, ou de permettre au titulaire de contester les modalités d’application de celle-ci. Deux points de vigilance devront dont être anticipés.
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En cette période sans précédente d’instabilité et d’en volée du coût de certaines matières premières, les acheteurs publics font face à une importante pression de leurs fournisseurs, forcément soucieux de pouvoir financer ces hausses par une augmentation au moins équivalente de leurs prix. Les sollicitations de cet ordre sont nombreuses et face à elles, les acheteurs publics ne semblent disposer que de faibles marges de manœuvre. Il est de leur responsabilité de prévoir, dans le cadre de la préparation de leurs marchés publics, les clauses adaptées à la situation actuelle en matière de révision des prix. Il s’agit d’une obligation juridique découlant des articles R. 2112 13 et R. 2112 14 du Code de la com mande publique (CCP).
C’est le devoir de l’acheteur public, dont c’est l’évident intérêt de pérenniser un contrat équilibré entre les par ties, que de chercher à optimiser son marché public au regard des fluctuations économiques, en préparant les conditions les mieux adaptées pour son exécution dans la limite de ce qu’il peut raisonnablement anticiper. En effet, d’importantes fluctuations économiques insus ceptibles de pouvoir être absorbées par les conditions contractuelles peuvent se révéler en cours d’exécution, cela en dépit de toute les attentions prises par l’acheteur public pour les anticiper au mieux.
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Auteurs Pierre-Ange Zalcberg Directeur juridique et conformité adjoint de l’Établissement français du sang Arnaud Bordes Juriste droit public des affaires à l’Établissement français du sang La flambée du prix des matières premières est sans précédent. Elle malmène l’équilibre des relations contractuelles des acheteurs publics avec leurs fournisseurs, désireux de répercuter ces hausses sur leurs prix. Le Gouvernement a pris position par circulaire détaillant les pratiques à suivre face à ces demandes de hausse tarifaire, appelant les acheteurs publics à y faire droit lorsqu’elles sont justifiées. Alors que les règles de la commande publique empêchent des modifications substantielles des marchés publics sur la base du principe d’intangibilité des prix, les solutions juridiques proposées par la circulaire sont classiques (théorie de l’imprévision). Outre la théorie de l’imprévision qui devra être mise en œuvre lorsque les conditions sont réunies, on peut identifier d’autres alternatives juridiques. Dans tous les cas, il convient de procéder à une analyse des risques opérationnels, juridiques et financiers pour régler une situa tion donnée.
C’est précisément la situation actuelle. Par circulaire du 30 mars 2022(1), le Premier ministre a fixé des instruc tions dans ce contexte exceptionnel. Dans ces circons tances, il rappelle notamment les conditions d’utilisation (1) Circulaire n° 6338-SG du 30 mars 2022 relative à l’exécution des contrats de la commande publique dans le contexte actuel de hausse des prix de certaines matières premières.
Modifications du marché public en période de volatilité des prix : points d’attention
de la théorie de l’imprévision, classique en droit des contrats administratifs(2). C’est l’outil relayé par les pou voirs publics pour régler, dans le contexte, les demandes de hausse tarifaire des fournisseurs. Nous ne rappellerons ci-après que brièvement ces condi tions d’usage. Sur le principe, la théorie de l’imprévision prévoit, en cas de survenance d’un « événement exté rieur aux parties, imprévisibles et bouleversant tempo rairement l’équilibre du contrat », que le cocontractant qui en poursuit l’exécution a droit à une indemnité.
Modification du contenu du marché public avec un impact indirect sur les prix Il va sans dire que l’exceptionnelle volatilité des prix n’interdit pas qu’un marché public puisse être modifié dans les conditions prévues par le Code de la commande publique, dès lors que cette modification n’est pas subs tantielle(4) au titre d’une clause de réexamen déjà prévue dans le marché public(5) ou bien au titre des modifica tions de faible montant(6). Selon la circulaire du 30 mars 2022, la conjoncture économique actuelle justifie égale ment l’utilisation des dispositions de l’article R. 2194 5 du CCP selon lesquelles un marché peut être modifié lorsque la modification est rendue nécessaire par des circonstances qu’un acheteur diligent ne pouvait pas Ilprévoir.estpatent en effet que l’ampleur de ces modifications ne pouvait être anticipée par l’acheteur public, aussi prévoyant soit-il. La situation actuelle justifie donc de pouvoir recou rir à ces dispositions pour adapter, dans la limite de 50 % (pour chaque modification) un marché public aux nouvelles circonstances tant pour modifier des spé cifications techniques, les quantités, le périmètre des prestations ou encore aménager les conditions et délais de livraison. En effet, les retards de livraison voire l’arrêt de com mercialisation de certaines références, liés à la hausse du coût ou à la pénurie des matières premières peuvent imposer des adaptations au marché public. Il peut s’agir par exemple de remplacer une référence par une autre, ou un matériau initialement prévu par un autre aux pro priétés équivalentes. Le prix de la nouvelle référence ou du matériau peut être différent. Ces modifications du contenu qualitatif ou quantitatif du marché public (4) CCP, art. R. 2194 7. (5) CCP, art. R. 2194 1. (6) CCP, art. R. 2194 8.
Contrats Publics – 232 - Juin 2022 40 Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/ Dossier Modifications du marché public en période de volatilité des prix : points d’attention
Cette indemnité a pour objet de compenser une partie des charges supplémentaires, qualifiées d’extracontrac tuelles parce que non prévues lors de la conclusion du contrat, qui entraînent le bouleversement de son équi libre. Les conditions pour y recourir sont liées au carac tère imprévisible et extérieur des événements mais également au caractère temporaire du bouleversement de l’économie du contrat. Bien que le caractère imprévisible et extérieur des événements actuels soit admis dans le contexte actuel comme le confirme la circulaire du 30 mars 2022, toutes ces conditions d’application peuvent ne pas être rem plies et dans ce cas, l’on ne pourra pas accorder une indemnisation d’imprévision au titulaire, laissant ce der nier dans l’insatisfaction. Au surplus, même si elle peut s’appliquer, cette théorie entraîne le versement par voie conventionnelle (selon la circulaire précitée)(3) d’une indemnité sans impact sur le contenu du marché public à laquelle elle est attachée. Sauf à imaginer d’assez complexes mécanismes de provision, cette indemnité ne paraît pouvoir être versée qu’en une seule fois après conclusion de ladite conven tion et en principe, après la fin de période de circons tances exceptionnelles la justifiant. Elle fait donc courir un risque de trésorerie pour les entreprises. Risques qui ne peuvent être acceptés par l’entreprise. La théorie de l’imprévision, et en particulier le calcul de l’indemnité, peut par ailleurs être plus complexe à mettre en œuvre en accord-cadre à bons de commande avec des prix unitaires par rapport à un marché public ordinaire à prix forfaitaire. Ces éléments peuvent être de nature à crisper le titu laire du marché public lorsque l’acheteur lui propose une indemnité d’imprévision. Dès lors, et la pratique actuelle le démontre, des diffi cultés peuvent se faire jour avec le fournisseur deman deur qui refuserait l’indemnité d’imprévision ou dont les conditions ne seraient pas applicables. D’autant lorsque l’approvisionnement de l’acheteur sur une fourniture critique (indispensable à la continuité du (2) Codifiée à l’article L. 6 3° du CCP. (3) Le principe évoqué par la circulaire d’une convention apparem ment obligatoire pour régler l’imprévision est discutable, le pouvoir adjudicateur pourrait régler l’indemnité d’imprévision par décision unilatérale surtout si les modalités de versement de l’indemnité sont simples. service public) est menacé du fait de ces difficultés, il devient nécessaire pour le praticien d’explorer d’autres voies de droit susceptibles de porter les hausses de prix. Parmi ces voies de droit, figure la possibilité de modi fier le marché public en cours de son exécution afin par exemple, de modifier les conditions d’exécution du mar ché public, voire le prix ou ses clauses de variation. S’il est toujours possible de modifier à bon droit les conditions d’exécution d’un marché public avec un poten tiel impact indirect sur le prix, le dogme de l’intangibilité des prix paraît s’opposer à des modifications directes des prix. Cependant, dans le contexte de fluctuations économiques inédites, des bases juridiques solides nous paraissent pouvoir fonder une modification du seul prix ou des clauses de variation.
La simplicité requise par la vie économique conduit les entreprises à adopter des réflexes logiques comme celui de répercuter sur leurs prix, la hausse du coût des matières premières qu’ils subissent.
Conditions de modification du prix ou des clauses de prix d’un marché public dans le contexte de fluctuation inédite des prix
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Alors que la circulaire précitée rappelle que l’acheteur public ne devrait pas utiliser ces dispositions pour modi fier par voie d’avenant directement le prix et ses clauses de variation, pourrait-on malgré tout, du fait de la fluc tuation inédite des prix et si la théorie de l’imprévision ne peut jouer, envisager de conclure un avenant pour admettre ce type de modification ?
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peuvent naturellement impacter les prix du marché public (le montant en tant que prix forfaitaire mais aussi des prix unitaires le cas échéant).
Ainsi, naturellement, le titulaire d’un marché public peut-il solliciter une simple augmentation de ses prix en dépit des clauses contractuelles de son marché public. Discuter avec l’entreprise d’une indemnité d’imprévision dans ce contexte peut paraître de ce fait quelque peu L’acheteuranachronique.public
reste cependant contraint par le droit de la commande publique. Il existe en effet un principe d’intangibilité des prix selon lequel le prix contractua lisé, ainsi que les conditions de son évolution prévue à la signature du contrat, ne peuvent jamais être modifiés par les parties. Ce principe – qui n’a pas d’autre base juridique que celle de jurisprudences anciennes(7) – a été maintes fois rap pelé par la DAJ de Bercy dans ses publications doctri nales.(8) C’est donc sans surprise que le principe est repris dans la circulaire susvisée. Ce principe repose sur l’idée que la forme et le régime des prix jouent un rôle déterminant dans l’établissement des offres et dans la concurrence entre entreprises. Un avenant qui insère ou modifie un prix ou une clause de révision, une formule ou des index serait de ce fait illégal, car il a nécessairement pour effet de modifier les conditions de la mise en concurrence initiale. En d’autres termes, l’on peut affirmer que la modification (7) CE 9 mars 1951, Didonna et CE 15 février 1957, Établissement (8)Dickson.Fiche technique – « Les marchés publics confrontés à la flam bée des prix et au risque de pénurie des matières premières », 18 février 2022, p. 4, réponse à question aux gouvernements n° 40503 du 3 août 2021, « Le prix dans les marchés publics –Guide et recommandations », avril 2013, p. 66. est substantielle au sens de l’article R. 2194 7 du CCP (9), et de ce fait interdite. En temps normal, l’application de ce principe ne peut faire doute. Pour autant, en considérant la conjoncture, il ne doit pas conduire l’acheteur public à adopter une position par trop dogmatique. Cela est d’ailleurs induit de l’arrêt Didona précité : « (…) la circonstance que des travaux semblables aient été payés à un prix supérieur ne saurait justifier la modifi cation des prix portés au marché conclu entre l’Algérie et le sieur Didona, prix qui, en l’absence d’une sujétion imprévisible non démontrée en l’espèce, sont immuables et lient les parties », ce qui sous-tend que des sujétions imprévisibles peuvent justifier des exceptions au prin cipe de l’intangibilité des prix. En théorie, rien ne s’opposerait donc à ce qu’un marché public fasse à la fois l’objet d’une indemnisation pour imprévision en marge de son exécution si les conditions pour la verser sont réunies mais également en sus d’un avenant portant une modification « de faible montant », voire une modification pour circonstances imprévues (laquelle ne doit pas être confondue avec l’imprévision). C’est la justification de ces avenants qui serait le cas échéant à discuter avec le titulaire s’il a pu déjà ou va bénéficier d’une indemnité d’imprévision. Il existe donc des voies de droit qui méritent d’être explo rées surtout lorsque la théorie de l’imprévision ne peut s’appliquer et/ou que la situation conduit à risquer des ruptures d’approvisionnement. Les modifications de « de faible montant » (CCP, art. R.2194‑8) Indépendamment de l’application de la théorie de l’im prévision, et davantage encore dans le contexte excep tionnel de volatilité des prix, une modification « de faible montant » (10) paraît pouvoir s’envisager. En effet, le mar ché public peut être modifié lorsque le montant de la modification est : – inférieur aux seuils européens (140 000 euros HT pour les fournitures et services des autorités centrales publiques (9) « Le marché peut être modifié sans nouvelle procédure de mise en concurrence lorsque les modifications, quel que soit leur montant, ne sont pas substantielles. Pour l’application de l’article L. 2194 1, une modification est substantielle, notamment, lorsque au moins une des conditions suivantes est remplie : 1° Elle introduit des conditions qui, si elles avaient été incluses dans la procédure de passation initiale, auraient attiré davantage d’opérateurs économiques ou permis l’admission d’autres opéra teurs économiques ou permis le choix d’une offre autre que celle retenue ; 2° Elle modifie l’équilibre économique du marché en faveur du titu laire d’une manière qui n’était pas prévue dans le marché initial ; 3° Elle modifie considérablement l’objet du marché ; 4° Elle a pour effet de remplacer le titulaire initial par un nouveau titulaire en dehors des hypothèses prévues à l’article R. 2194 6. » (10) CCP, art. R. 2194 8. Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
Modifications du marché public en période de volatilité des prix : points d’attention
et de 215 000 euros HT pour les autres pouvoirs adjudica teurs, et 5 382 000 euros HT pour les travaux) ; et – 10 % du montant du marché initial pour les fournitures et services ou 15 % du montant du marché initial pour les travaux ; et – sans qu’il soit nécessaire de vérifier si la modification est substantielle ou non. Dans cette configuration, même en considérant la modi fication du prix ou de la clause de révision comme subs tantielle en application du principe d’intangibilité des prix précité, vu que la modification de faible montant est toujours possible sans avoir à vérifier si elle est substan tielle ou non, on peut tout à fait admettre un ou plusieurs avenant(s) sur ce fondement si les conditions précitées pour y recourir sont remplies. Pour le calcul de l’incidence financière, on tient compte de la variation des prix déjà appliqués le cas échéant et le montant des avenants sont additionnés dans les limites précitées, lorsque plusieurs avenants font appel à ce fondement. On devra également, en cas de marché public de four niture qui est souvent un accord-cadre à bons de com mande, estimer le montant de l’avenant sur la base d’une estimation des commandes des références dont les prix ont été modifiés dans le bordereau de prix et le montant maximum ou l’estimation de l’accord-cadre (mentionné à l’avis de publicité).
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L’hypothèse des modifications liées aux circonstances imprévues qu’un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir (CCP, art. R. 2194‑5) Dans l’hypothèse où l’indemnité d’imprévision et/ ou la modification de faible montant ne serai(en)t pas suffisante(s), il pourrait également être envisagé de conclure un avenant justifié par des circonstances imprévues qu’un acheteur diligent ne pouvait pas pré voir en application de l’article R. 2194 5 du CCP, en vue notamment d’adapter les prix ou les clauses de variation.
Compte tenu de la pénurie de matières premières et de la hausse associée des prix, le titulaire informe l’acheteur de son impossibilité de lui livrer trois références de consommables prévues au marché public et demande, indépendamment de la clause de révision annuelle, une augmentation tarifaire de +6 % sur le reste. Pour remplacer les consommables informatiques insusceptibles d’être livrés, il propose une substitution de références équivalentes induisant une hausse du prix unitaire de +3 % sur les 3 références concernées. L’estimation des commandes de ces nouvelles références est de 23 000 euros HT (incluant la hausse de + 3 %). En outre, l’estimation des commandes globales (incluant la hausse +6 % et les références substituées au nouveau prix unitaire) est de 112 500 € HT. Le montant de l’avenant est de 112 500 euros HT, donc inférieur au seuil européen de 140 000 euros HT. L’assiette de calcul pour mesurer l’impact financier de l’avenant est le montant maximum du marché public : Montantdel avenant (estimation) 100 Montantmaximum 112 500 100 1200 000 9, 4% ′ × = × = En deçà de 10 % et du seuil européen, la modification de faible montant est admissible. Dans le contexte considéré, l’avenant portant une modi fication de faible montant peut être utilisé pour modifier les prix du marché public ou les clauses de variation. Pour garantir la sécurité économique de l’acheteur public, il importe de prévoir dans l’avenant des conditions de retour aux conditions de prix initiales dans le cas où la modifica tion est motivée par des circonstances exceptionnelles qui n’ont donc pas vocation à perdurer. Une clause de « rendez-vous » obligeant les parties à se retrouver pour discuter du sujet peut à cet effet être opportune.
Exemple pratique : accord cadre sans montant minimum et avec un montant maximum de 1 200 000 euros HT (sur l’ensemble de sa durée de 4 ans) conclu pour la fourniture de consommables informatiques d’un établissement public de l’État.
Cette modification n’est pas à confondre avec la théo rie de l’imprévision, même si elle semble relever de la même logique. Dans cette hypothèse, le montant de l’avenant ne doit pas dépasser 50 % du montant du marché initial après application des éventuelles clauses de variation de prix. A noter que cette limite s’applique au montant de chaque modification. Les circonstances imprévues ne peuvent en principe aller jusqu’à autoriser une modification subs tantielle, c’est pourquoi dans cette hypothèse, il convient de toujours vérifier si la modification envisagée n’est pas substantielle au sens de l’article R. 2194 7 du CCP.
Sur cet aspect, face à l’intangibilité des prix, relevons toutefois que la jurisprudence Didona, à la base de l’ins tauration du principe, évoque elle-même « des sujétions imprévisibles » comme susceptibles de justifier des exceptions à l’intangibilité des prix. Cette hypothèse devrait à notre sens demeurer excep tionnelle compte tenu des incertitudes juridiques qui demeurent sur la notion d’intangibilité des prix rappelée comme immuable même en cette période exceptionnelle par la circulaire du 30 mars 2022.(11) (11) D’autant en considérant le fait que l’avenant conclu sur ce fondement doit faire l’objet d’un avis de modification aux journaux officiels lorsque le marché public qu’il concerne a été passé en procédure formalisée, ce qui l’expose à recours de tiers. de volatilité des prix : points d’attention
Même si le sujet peut prêter à débat, compte tenu des quelques incertitudes juridiques autour de la notion d’intangibilité des prix, la solution d’une modification de faible montant pour augmenter directement les prix nous paraît devoir être circonscrite à la période actuelle de volatilité des prix. Il ne faudrait pas la considérer comme d’application générale et absolue.
Exemple pratique : neutralisation de la clause butoir pour circonstances imprévues Sur un marché public de fournitures de consommables de laboratoire, le titulaire sollicite une demande d’augmentation des prix dans les modalités de révision prévues dans le marché public. Avec la formule prévue et les indices associés, l’estimation de l’augmentation globale des prix est de 22 %. Or, le CCAP prévoit une clause butoir de 3 %. L’entreprise indique ne pas être en mesure de continuer à livrer l’acheteur public, avec les prix actuels ou révisé dans la limite du butoir. Le titulaire a fourni les justificatifs attendus.
La théorie de l’imprévision ne peut pas être mise en œuvre puisque le titulaire n’est pas en capacité de poursuivre l’exécution du marché pendant la période de la hausse des prix des matières premières ou des composants indispensables.
(12) Pour rappel, la clause butoir est une clause qui empêche l’évolution du prix au-delà du butoir prévu, sans que le titulaire puisse s’y opposer. Elle ne doit être confondue avec la clause de sauvegarde est une clause ouvrant la faculté pour l’acheteur public de résilier, sans indemnité, la partie non exécutée des prestations, lorsque le prix révisé dépasse le pourcentage d’augmentation prévu.
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C’est pourquoi, il pourrait être pertinent de réserver son usage à des situations où il est cumulativement établi que : – la théorie de l’imprévision ne peut être appliquée ; – une modification de faible montant n’est pas suffisante ; – la relation avec le fournisseur s’est dégradée menaçant la continuité des approvisionnements indispensables au ser vice public (fournitures critiques par exemple) ; – l’acheteur a été diligent dans la préparation du marché public (considérant notamment le prévisible impact de la volatilité des prix. Ainsi, si l’acheteur n’a pas prévu de clause de révision de prix alors qu’il était patent que le marché public était concerné par cette volatilité des prix, les dispositions de l’article R. 2194 5 ne pourront être Dansexploitées).lecontexte, il paraîtrait mieux adapté que l’avenant portant une modification pour circonstances imprévues soit réservé à la modification des clauses de révision de prix en vue de modifier, dans la limite de 50 %, par exemple les fréquences de révision si elles ne sont plus adaptées ou neutraliser une clause butoir (12) en vue de permettre une application de la révision telle que for mulée initialement. Là encore, il importe de prévoir dans l’avenant des conditions de retour aux clauses initiales dans le cas où la modification est motivée par des circonstances excep tionnelles qui n’ont pas vocation à perdurer.
L’hypothèse de l’avenant pour circonstances imprévues peut s’envisager compte tenu du contexte. Il peut consister à temporairement neutraliser la clause butoir prévue dans le marché public. Les conditions de vie d’un contrat dépendent des capa cités des parties à s’adapter. Si le droit de la commande publique empêche des modifications substantielles des marchés publics en cours d’exécution, il propose aussi des solutions adaptées à l’imprévisible comme la flam bée actuelle des prix. Tout en veillant à appliquer la théorie de l’imprévision en première intention, au respect de l’intangibilité des prix et évidemment à la défense de ses intérêts éco nomiques, l’acheteur public doit être capable, sur la base de justificatifs, d’utiliser les outils permettant de rééquilibrer ses relations contractuelles offerts par le Code de la commande publique. Les avenants fondés sur l’article R. 2194 8 du CCP (modifications de faible mon tant), voire sur l’article R. 2194 5 du CCP (modifications pour circonstances imprévues), peuvent aider à régler des situations de blocage et ne doivent pas de ce fait être écartés trop rapidement. le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/ du marché public en période de volatilité des prix : points d’attention
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Auteurs Jean-Serge Salva Directeur juridique Syndicat Intercommunal pour le Gaz et l’Électricité en Ile-deFrance (SIGEIF) Philippe Tessier Directeur de projet Énergie et Environnement Union des Groupements d’Achats Publics (UGAP)
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Passer et exécuter un marché de fourniture d’électricité et de gaz : conseils, recommandations…
Le paysage énergétique libéralisé dans lequel doivent s’inscrire les achats d’électricité et de gaz n’a rien d’un jardin à la française ainsi que la Cour des comptes a pu en dresser le constat lorsqu’elle fustigeait la « construction juridique laborieuse, conséquence des tergiversations de l’État » ou encore « l’évolution chaotique de la réglementation, marquée par une forte instabilité législative » (1). De surcroît, et en dépit des qualifications juridiques parfois mobilisées (une « marchandise »(2), un « produit »(3)), les caractéristiques de l’électricité et du gaz les distinguent assez nettement des autres fournitures dites « courantes » en sorte que la soumission de ces énergies au droit de la commande publique peut parfois déconcerter l’acheteur. L’expression du besoin Dans ce secteur relativement atypique et actuellement marqué par d’extrêmes tensions sur les prix, il peut s’avérer judicieux que l’acheteur adapte ses exigences techniques et administratives à l’état du marché afin de susciter les offres les plus intéressantes. En application (1) L’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence : une construction inaboutie, Cour des comptes, rapport public annuel, février 2015. (2) « Il n’est pas contesté en droit communautaire, ni d’ailleurs dans les droits nationaux, que l’électricité constitue une mar chandise au sens de l’article 30 du traité », CJCE, 27 avril 1994, Commune d’Almelo, aff. C-392/92. « Elle fait l’objet d’un com merce et d’un marché comparables à ceux d’une marchandise et doit pouvoir bénéficier des dispositions du droit communautaire qui visent à la suppression des barrières aux échanges », concl. de l’avocat général sous le même arrêt. (3) « L’électricité est considérée comme un produit », C. civ., art. 1245 2.
Le cadre d’achat résultant de la disparition du monopole de fourniture de l’électricité et du gaz présente de nom breuses singularités avec lesquelles les personnes publiques doivent composer afin de sécuriser leurs procédures de mise en concurrence ainsi que les volets technique et administratif de leurs contrats.
(5) Par exemple, les acheteurs multi-sites ont fréquemment alloti leurs appels d’offres suivant la puissance ou la nature des sites (profilés, télérelevés, éclairage public) en électricité, ou selon la consommation annuelle du site gazier. Un allotissement par zone de desserte du gestionnaire de réseau peut s’avérer utile eu égard à la concurrence limitée sur certains distributeurs (voir délibéra tion CRE, n° 2021 121 du 10 juin 2021 portant orientations sur les mesures à mettre en place par les GRD pour permettre le dévelop pement de la concurrence sur les territoires des ELD).
du cadre prévu par le code(4), il pourra ainsi, de concert avec les fournisseurs, configurer certains éléments déterminants de sa consultation : allotissement(5) et durée du marché, structure et révision du prix, achat en prises de position(6), répercussion ou non des diffé rentes composantes de prix, achat d’énergie « verte » (7), services associés à la fourniture (facturation, gestion de l’énergie, relation clientèle, etc.). Pour mener à bien ce sourcing, l’acheteur peut s’appuyer sur un moteur de recherche en ligne(8) lui permettant d’identifier les fournisseurs actifs selon la localisation et la typologie de ses sites. Il y a lieu de relever que le nombre de candidats à un marché public d’énergie sera nécessairement circonscrit par l’autorisation ministé rielle que tout fournisseur doit obtenir avant d’exercer son activité. Pour certains acheteurs publics de gaz, le champ de la concurrence sera de surcroît limité aux fournisseurs détenant l’autorisation leur permettant spécifiquement de s’adresser à des « clients non domes tiques assurant des missions d’intérêt général liées à la satisfaction des besoins essentiels de la nation » (9) Cette étape, préalable à sa consultation, doit par ailleurs conduire l’acheteur à apprécier si ses besoins pour raient être plus opportunément satisfaits au travers des dispositifs de mutualisation des achats(10) dont on retien dra que la Commission de régulation de l’énergie (CRE) (4) CCP, art. R. 2111 1 prévoyant notamment que « afin de pré parer la passation d’un marché, l’acheteur peut effectuer des consultations ou réaliser des études de marché, solliciter des avis ou informer les opérateurs économiques de son projet et de ses exigences. »
(8) d’achat(10)spécialisées,sementsetadministrationsministèregouv.fr/procedure-dautorisation-fourniture-en-gaz-naturel(9)impartialederationseurshttps://calculettes.energie-info.fr/pratique/liste-des-fournis,sitegéréparleMédiateurnationaldel’énergieencollaboaveclaCRE,laDGCCRFetlaDGEC,visant,selonsaChartefonctionnement,«àfourniruneinformationneutre,objectiveetauxconsommateurs.»C.énergie,art.R1211.Sursonsite(https://www.ecologie.),lepréciseque«lesclientsconcernéssontdecefait:lesrecevantdupublic,lesétablissementsscolairesuniversitaires,lescasernesdesapeurs-pompiers,lesétablispénitentiaires,leshôpitaux,lescliniques,lesinstitutionslesmaisonsdesantéouderetraite…».Voirdanscedossier,J-MProust,«Recoursaugroupementd’énergie».
(14) Le système d’acquisition dynamique, sorte d’accord-cadre électronique, ne semble à ce jour mis en œuvre que par certains grands acheteurs d’envergure nationale (par exemple, la Direction des achats de l’État).
(15) Rép. min. n° 61234, JOAN Q. 16 septembre 2014, p. 7737. de fourniture d’électricité et de gaz conseils,
(6) Voir dans ce dossier, Ph. Tessier, « Face à la hausse des prix, quel type de marché privilégier pour l’achat d’énergie ? ». (7) Sachant que, selon le Code de l’énergie, le système des garan ties d’origine est le seul mécanisme de traçabilité des énergies vertes (ainsi que, pour le gaz, les certificats de production de bio méthane) : C. énergie, art. L. 311 25 pour l’électricité et L. 446 18 pour le gaz.
avait pu signaler que « en gaz, le groupement apporte systématiquement une optimisation budgétaire. » (11) La définition du besoin recouvre également le recense ment des contrats et données de consommation. Des fichiers, annexés au règlement de la consultation, liste ront ainsi les Points de Référence et de Mesure (PRM) pour l’électricité et les Points de Comptage et d’Esti mation (PCE) pour le gaz, dont les identifiants figurent sur les factures. Ce sont les points auxquels l’éner gie consommée est mesurée par le compteur. Sur son espace personnel du site internet des gestionnaires de réseaux, l’acheteur doit ensuite récupérer les don nées de mesure qui permettront aux candidats de bâtir leurs offres de prix. L’acheteur peut également confier cette tâche aux candidats, sous réserve de les avoir expressément autorisés(12). En électricité, il s’agira par exemple de collecter pour chaque site la puissance souscrite, la formule tarifaire d’acheminement, la ten sion de raccordement ainsi qu’un historique de consom mation (relevés mensuels ou, pour les sites équipés de compteurs mesurant la courbe de charge, les points « 10 minutes »). Pour le gaz, doivent être récupérés la consommation annuelle de référence (CAR), le profil et, pour les plus gros sites de consommation, la capacité journalière d’acheminement(13) La technique d’achat L’accord-cadre multi-attributaires avec marchés sub séquents est une technique très largement utilisée par les acheteurs publics d’énergie(14) en ce qu’elle leur per met de s’accorder avec les modalités d’approvisionne ment des fournisseurs. D’ailleurs, à un parlementaire s’inquiétant du caractère chronophage des procédures formalisées, le ministre avait répondu que « la possibi lité de recourir à un accord cadre, définissant toutes les caractéristiques techniques du marché à l’exception du prix, puis de retenir, dans le cadre des marchés subsé quents, l’offre la plus compétitive en quelques heures, permet de contourner cette difficulté » (15). Récemment, le gouvernement a de nouveau promu cette technique qui « permet aux acheteurs de prévoir dans leur règle ment de la consultation des délais plus courts de remise et de sélection des offres, permettant [aux] marchés (11) Le fonctionnement des marchés de détail français de l’électricité et du gaz naturel, CRE, Rapport 2016 2017, p. 104. (12) C. énergie, art. R. 111 27 pour l’électricité et R. 111 32 pour le (13)gaz. La CAR est une estimation par le distributeur de la consom mation d’un site en année climatique moyenne, le profil caractérise sa consommation tout au long de l’année et la CJA est la quan tité maximale d’énergie que le distributeur s’engage à acheminer chaque jour (équivalent de la puissance souscrite en électricité).
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subséquents de s’adapter aux fluctuations rapides des marchés de l’énergie » (16) L’étape de l’accord-cadre sera donc mise à profit pour analyser les seules propositions techniques (les ser vices associés à la fourniture évoqués plus haut) ; les très faibles exigences procédurales fixées au stade des marchés subséquents confèrent ensuite à l’ache teur une grande réactivité lui permettant d’examiner rapidement les offres de prix sans que les opérateurs n’intègrent un surcoût lié au risque de couverture sur une trop longue durée. Selon le code, l’acheteur doit simplement consulter les titulaires de son accord-cadre par écrit, leur fixer un délai « suffisant » pour la présen tation des offres dont il est simplement précisé qu’elles doivent être établies par écrit et n’être ouvertes qu’après l’expiration du délai prévu pour leur dépôt(17). On notera également que le marché subséquent n’est pas soumis au délai de suspension de signature(18). Par ailleurs, la pratique souvent observée consistant à conserver la note technique attribuée au stade de l’accord-cadre et l’utiliser de concert avec la note financière pour attri buer le marché subséquent a été validée « en l’absence, notamment, de toute variation des caractéristiques des prestations attendues entre l’étape de l’accord-cadre et celle du marché subséquent. » (19) Enfin, et puisque ce contrat n’est pas passé selon une procédure formalisée au sens du code(20), l’interven tion de la CAO, quand l’acheteur en est doté, n’est pas requise juridiquement(21). Le ministre de l’Intérieur (DGCL)(22) recommande toutefois de soumettre à l’avis de cette Commission les marchés subséquents d’un mon tant supérieur aux seuils européens(23) Ce cadre opérationnel, qui avait permis aux acheteurs de saisir les meilleures opportunités de prix sur les marchés (16) Circulaire n° 6343-SG du 13 avril 2022 relative à l’ajustement des conditions de chauffage des bâtiments de l’État, de ses opé rateurs et accompagnement des projets en cours permettant des réductions de consommation de gaz. (17) CCP, art. R 2162 10. (18) CCP, art. R. 2182 2. (19) CAA Bordeaux 2 décembre 2021, Département de la Dordogne, req. n° 21BX01447. À noter que, pour attribuer le marché subsé quent, la reprise de cette note technique à hauteur seulement de 5 % (95 % pour le prix) a été admise aux motifs que « la nature même de la prestation attendue à savoir la fourniture et l’achemi nement d’électricité vers des points de livraison présente mani festement un caractère standardisé, dont il n’est pas établi qu’il nécessiterait une technicité particulière à prendre en considération dans l’approche globale des marchés », TA Paris 22 juillet 2020, Sté EDF, req. n° 2009189, 2009799. (20) CCP, art. R. 2124 1. (21) CGCT, art. L. 1414 2. (22) Circulaire NOR MCT/B/07/00041/C du 30 mars 2007 relative aux modalités de passation des accords-cadres par les collectivités (23)territoriales.LaCAO n’a dans ce cas qu’un rôle consultatif. de l’énergie(24), a cependant été fragilisé par l’obligation faite aux acheteurs de retenir un critère « prix » au stade de l’accord-cadre. Un tribunal administratif a en effet jugé que « la volatilité des prix en matière d’énergie ne fait pas obstacle à ce que l’accord-cadre soit attribué, sinon sur le fondement d’un prix ou d’un coût précisé ment déterminé, à tout le moins sur le fondement d’un prix défini dans son principe en fonction de paramètres ou variables, ou d’un coût déterminé selon une approche globale » (25). Il ressort des récentes consultations qu’en vue de se conformer à cette jurisprudence, les acheteurs ont recouru au stade de l’accord-cadre à un critère (très peu pondéré) lié par exemple à des bordereaux de prix indicatifs, des prix plafonds ou encore une composante représentative du coût des services associés (complétée ensuite lors des marchés subséquents pour former la totalité du prix). La clause de prix Schématiquement, la structuration d’un bordereau de prix de l’électricité devrait permettre aux candidats de remettre des prix différents selon les classes tem porelles, par exemple celles du tarif d’acheminement, reflétant ainsi le principe de l’horosaisonnalité(26). Ce dernier ne s’appliquant pas pour le gaz, les prix de la molécule seront le plus souvent fonction de la consom mation annuelle du site(27). Les prix remis par le fournis seur dans son offre couvriront aussi bien la fourniture de l’énergie que les services associés à cette fourniture. Le marché sera le plus souvent attribué au candidat sur la base de prix de forme unitaire, exprimés en €/kWh. Dans l’hypothèse où l’acheteur autoriserait la remise (24) On prendra comme exemple RTE qui structure son accordcadre de cette façon (voir la délibération de la CRE n° 2019 199 du 26 septembre 2019 portant approbation de l’accord-cadre pour la fourniture et l’acheminement d’électricité pour les sites RTE conclu entre RTE et EDF).
(25) TA Bordeaux 8 février 2021, Préfet de la Dordogne, req. n° 1905986, 1906275. Jugement confirmé sur ce point par la cour d’appel de Bordeaux (arrêt du 2 décembre 2021 précitée) selon laquelle, même qualifié de « technique d’achat » (CCP, art. L. 2125 1), l’accord-cadre doit respecter les procédures s’appliquant aux marchés publics et être ainsi attribué soit sur un critère unique (prix ou coût), soit sur une pluralité de critères parmi lesquels figurent le prix ou le coût. Notons que le décret n° 2022 767 du 2 mai 2022 d’application de la loi « Climat et rési lience » interdira en août 2026 le critère unique « prix » au profit d’un critère unique « coût global » intégrant des considérations (26)environnementales.LeprixdukWh n’ayant pas la même valeur selon les saisons, jours de la semaine ou heures de la journée auxquels il est soutiré, le tarif d’acheminement (TURPE) est segmenté en plages tempo relles : Heures de pointe, Heures pleines/creuses, Saison haute/ (27)basse.Typiquement, un prix peut être demandé aux candidats pour les sites consommant annuellement jusqu’à 300 MWh (T1 et T2 selon la structuration du tarif de distribution) voire jusqu’à 5 GWh (T3) et un autre prix correspondant aux plus gros sites de consom mation (T4), souscrivant une capacité journalière.
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Juridiquement, le code offre à l’acheteur le choix entre un prix ferme et un prix révisable. Cette alternative lui a été ouverte, d’abord par le Code de l’énergie en 2015(29), puis par le Code de la commande publique précisant que « les marchés de fourniture de gaz ou d’électricité peuvent être conclus à prix ferme conformément aux usages de la profession » (30) y compris pour les marchés de plus de trois mois, ce qui est d’ailleurs une des rares dérogations dont bénéficie l’achat public d’énergie. Dans tous les cas (prix ferme ou révisable), le prix de règle ment évoluera du fait de la répercussion mécanique de deux types de composantes : d’une part, l’ensemble des taxes et contributions susceptibles de varier et que généralement les contrats mettent à la charge de l’acheteur quand bien même ce dernier ne serait pas l’assujetti désigné par la loi ; d’autre part, les tarifs de l’acheminement établis sur la base de barèmes publics rémunérant les gestionnaires de réseaux, réévalués tous les ans(31). Sans entrer dans les détails, on relèvera qu’une clause de variation du prix de l’électron repose le plus souvent sur une formule qui intègre, entre autres, la variable « Arenh » (32). On peut à cet égard signaler que, pour répercuter dans leur prix le gain résultant de l’oc troi par l’État de volumes additionnels d’Arenh à comp ter d’avril 2022, les acheteurs d’électricité pourront être guidés par une délibération de la CRE(33). La formule de révision du prix de la molécule pourra quant à elle faire référence à l’indice mensuel « PEG » (34) Un mouvement général semble avoir peu à peu conduit les acheteurs à aménager dans leurs contrats la réper cussion de nombreuses autres composantes, avec pour objectif d’optimiser le prix initial mais comme consé quence une certaine complexité dans la rédaction des clauses et le contrôle des factures. Les « certifi cats d’économies d’énergie » relèvent par exemple de ces coûts pesant sur le titulaire et dont la potentielle variation en cours de marché est fréquemment réper cutée en appliquant aux prix de ces CEE, fixés dans (28) BOI-TVA-LIQ-30 20 20. (29) C. énergie, art. L. 331 4 pour l’électricité et L. 441 5 pour le (30)gaz. CCP, art. R. 2112 14. (31) Tarifs fixés par la CRE (composés d’un abonnement forfaitaire et d’une part unitaire) dénommés TURPE en électricité, ATRD et ATRT en gaz. (32) Accès régulé à l’électricité nucléaire historique : prix, fixé par la CRE, des volumes d’électricité « bon marché » alloués aux concurrents d’EDF. (33) Délibération de CRE n° 2022 98, du 31 mars 2022 portant orientations et décision sur les modalités de répercussion des volumes additionnels d’ARENH dans les offres de fourniture. (34) Indice du marché de gros du gaz. l’offre du titulaire, les modifications de coefficients réglementaires(35). Les prix moyens des CEE échangés sur le registre Emmy pourraient également servir de variable de révision bien que la CRE ait pu relever, en novembre 2020, que ces indices ne constituaient pas encore une véritable référence de prix (36). La répercus sion du mécanisme obligeant les fournisseurs à acquérir des « Garanties de capacité » en fonction de la consom mation de leurs clients pendant les heures de pointe est couramment mise en œuvre par l’acheteur d’électricité au travers d’une composante constituée par le produit de l’obligation générée par l’acheteur, résultant d’un coefficient fixé dans l’offre, et d’un prix révélé par des enchères de capacité. Il n’aura bien évidemment pas échappé aux acheteurs publics que la très grande volatilité observée sur les marchés rend éminemment cruciales ces modalités de variations de prix. Le Premier ministre a d’ores et déjà recommandé aux préfets(37) de faire appliquer la vieille théorie de l’imprévision(38), née précisément lors de l’en volée, durant la guerre 14 18, du prix du charbon utilisé par les usines à gaz. Elle impose aux acheteurs d’aider financièrement le titulaire quand bien même, rappelle la circulaire, le marché public serait conclu selon un prix révisable, dès lors que « l’économie du contrat est bouleversée ». Cette obligation devrait cependant être appréciée au regard du fonctionnement du secteur électrique et gazier. Ainsi, lorsque l’acheteur public notifie un contrat, ou un ordre d’achat, le fournisseur peut, sur les marchés de l’énergie, se couvrir pour la fourniture qu’il devra ensuite assurer (potentiellement sur plusieurs années) à un prix fixé à la date de cette notification (on parle de « produits à terme »). La circulaire de Matignon souligne à cet égard que, pour évaluer l’indemnité d’imprévision, il doit être tenu compte des « diligences mises en œuvre par l’entreprise pour se couvrir raisonnablement contre les risques inhérents à toute activité économique ». Faute de s’être suffisamment couvert, un fournisseur d’énergie a d’ailleurs récemment fait l’objet d’une liqui dation judiciaire(39). À ce stade, de multiples questions doivent alors se poser : quelle est l’obligation contrac tuelle adressée au fournisseur de se couvrir, selon quel rythme ? Et en cas de positions prises de la façon la plus (35) C. énergie, art. R. 221 4 (CEE standard) et R. 221 4 1 (CEE (36)précarité).Lefonctionnement des marchés de détail français de l’électri cité et du gaz naturel, CRE, Rapport 2018 2019, p. 119. (37) Circulaire n° 6338-SG du 30 mars 2022 relative à l’exécution des contrats de la commande publique dans le contexte actuel de hausse des prix de certaines matières premières. (38) CE 30 mars 1916, Cie générale d’éclairage de Bordeaux, req. n° 59928, mécanisme aujourd’hui codifié au 3° de l’article L. 6 du (39)CCP.« A mal se conduire, on perd » en avait conclu le président de la CRE ajoutant que ce fournisseur avait « carrément affiché qu’il ne s’était pas couvert sur les marchés par rapport aux engage ments à prix fixe pris vis-à-vis de ses clients. On est à la limite de la tromperie. », interview de J.F. Carenco, Les Échos, 15 décembre 2021. Contrats Publics 2022le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/ et exécuter un marché de fourniture d’électricité et de gaz : conseils, recommandations…
d’une composante forfaitaire, c’est-à-dire d’un abonne ment propre au fournisseur, la question du taux de TVA applicable pourrait se poser, l’administration fiscale pré cisant en effet que « l’abonnement soumis au taux réduit s’entend de la part fixe du tarif de livraison de l’électri cité ou du gaz naturel combustible qui est facturée au client en contrepartie de la mise à disposition perma nente de l’électricité ou du gaz naturel combustible. » (28)
avisée, une charge imprévisible risque-t-elle encore de survenir ? Sur ce point, la CRE a cru devoir souligner que « le maintien par les fournisseurs du niveau des offres de leurs clients pendant la crise a pu entraîner des coûts supplémentaires non prévus et inévitables pour eux » (40) en évoquant à ce propos les coûts d’équilibrage, le risque « thermosensibilité », etc. Faut-il y ajouter les sites rattachés en cours de marché ? duL’encadrementschémacontractuel
Ainsi, un marché public d’énergie s’insère dans un dispo sitif qualifié de « contrat unique » dans lequel l’acheteur ne signe qu’un seul contrat, l’acte d’engagement notifié au fournisseur. L’objet de ce marché portera évidem ment sur la fourniture d’énergie et les services qui lui sont associés que l’acheteur aura fixés dans son cahier des charges. Cet objet intégrera également la presta tion d’acheminement relevant quant à elle, non pas des fournisseurs, mais des gestionnaires de réseaux de dis tribution (GRD) sans cependant qu’aucun contrat ne soit directement signé entre l’acheteur et ces GRD. C’est en effet au travers du titulaire de son marché public que l’acheteur se trouvera lié avec le distributeur. La mise en œuvre d’un tel contrat unique présuppose que le four nisseur ait préalablement conclu avec le GRD concerné un contrat d’accès au réseau, dont le marché public de fourniture reproduira une synthèse en annexe(41) Au sein de cette architecture contractuelle, il apparaît en réalité que « le rôle du fournisseur, quel que soit le régime juridique retenu par les parties, est celui d’un intermédiaire » selon le principe établi par l’autorité de régulation(42) et dont il résulte pour l’acheteur plusieurs Ainsi,conséquences.lesGRD en monopole, Enedis, GRDF et, dans les zones qu’ils ne desservent pas, les Entreprises Locales de Distribution (ELD), sont responsables de missions essentielles de service public, entre autres, la continuité (40) Délibération de CRE n° 2022 98, précitée. (41) Les fournisseurs et les GRD sont liés par des contrats inti tulés « GRD-F » en électricité et « CDG-F » en gaz dont les syn thèses, téléchargeables sur les sites des GRD et à annexer au marché public, sont respectivement dénommées « Synthèse des dispositions générales relatives à l’accès et à l’utilisation du Réseau Public de Distribution » et « Conditions de distribution ». (42) Décision du CoRDIS (comité de règlement des différends et des sanctions de la CRE) du 7 avril 2008. et la qualité de l’énergie livrée(43). Aussi l’acheteur ne devrait-il retenir ces éléments ni au titre des critères de sélection des offres, ni au titre des conditions d’exé cution de son marché. On relèvera de surcroît que, en gaz, tous les fournisseurs sont soumis à des obligations identiques de service public en termes de sécurité d’ap provisionnement et que cette dernière, comme l’a relevé la CRE, « n’est donc pas un élément différenciant d’une offre de détail par rapport à une autre. » (44) Quand bien même il ne signe directement aucun contrat avec les GRD, l’acheteur ne sera pour autant pas privé de toute garantie juridique en cas de manquement de ces distributeurs à leurs obligations de service public. Il pourra en effet engager leur responsabilité contrac tuelle dans des conditions au moins analogues à celles qui résulteraient de la conclusion par cet acheteur d’un contrat d’accès au réseau de distribution(45). Selon les juges européens, un client final pourrait même, à la suite d’une panne d’électricité, introduire un recours contre le gestionnaire du réseau national alors qu’il ne serait raccordé qu’au réseau aval, de distribution(46) Par ailleurs, c’est dans le cadre du contrat unique que le fournisseur facturera simultanément à l’acheteur la part relative à la fourniture d’énergie, selon les prix du BPU, qu’il conserve, et la part relative à l’utilisation des réseaux, selon les barèmes publics, qu’il reversera ensuite au gestionnaire de réseau concerné. Et c’est encore par l’intermédiaire du titulaire de son marché public que l’acheteur aura accès, pour les commander et le cas échéant les payer (selon un barème fixé par la CRE), aux prestations que les GRD exécutent en complé ment de leurs missions d’acheminement et recensées dans des « Catalogues des prestations » mis en ligne sur leurs sites internet. On retiendra en conclusion que les procédures d’achat furent jusqu’à présent mises en œuvre sans trop d’embûches. Dès les prémices de l’ouverture à la concurrence, en effet, les personnes publiques surent rapidement optimiser leurs consultations notamment à la faveur des accords-cadres lancés par les groupe ments de commandes des syndicats d’énergie, qui furent les pionniers dans ce domaine. Aujourd’hui, alors qu’à l’inévitable carcan juridique des appels d’offres s’ajoute une envolée sans précédent des cours de l’électricité et du gaz, les acheteurs d’énergie sont de nouveau invités à faire preuve d’innovation.
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Le cadre d’achat est largement le reflet des particulari tés du secteur électrique et gazier français, notamment sa forte régulation.
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(43) P. ex. tension et fréquence de l’électricité, pression, débit, pou voir calorifique du gaz et même son odorisation. (44) Rapport 2012 2013, « Le fonctionnement des marchés de détail français de l’électricité et du gaz naturel », p. 74. (45) Décision du CoRDIS précitée. (46) CJUE 8 octobre 2020, Crown Van Gelder BV, aff. C-360/19. Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
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