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Loi Waserman : la responsabilité nancière des dirigeants associatifs en n atténuée

À l’issue d’un parcours législatif particulièrement long, la loi n° 2021-874 en faveur de l’engagement associatif, dite loi Waserman, a été publiée au Journal of ciel le 1er juillet 2021. Au-delà de l’aspect symbolique de sa date de publication, cette loi vient atténuer la responsabilité nancière des dirigeants associatifs qui pouvaient jusqu’ici être saisis sur leurs biens personnels en cas de faute de gestion.

Les dirigeants associatifs sont longtemps restés à l’abri des conséquences de la faillite de l’association dont ils avaient la responsabilité. La personnalité morale de l’association constituait un écran lorsque celle-ci était liquidée et qu’il subsistait des dettes. La loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 a instauré un mécanisme d’engagement de la responsabilité des dirigeants associatifs lorsque la faillite est le résultat d’une faute de gestion. C’est cette disposition de l’article L.651-2 du code de commerce, que la loi portée par le vice-président de l’Assemblée nationale Sylvain Waserman et les députées Sophie Mette et Sarah El Haïry, aujourd’hui ministre, vient modifi er, en permettant au juge de prendre en compte le caractère bénévole du mandat rempli pour minorer la responsabilité fi nancière des dirigeants associatifs.

Faute de gestion

La mise en œuvre de la responsabilité fi nancière des dirigeants repose sur un mécanisme assez simple. Lorsqu’une association est placée en situation de liquidation judiciaire et que l’actif est insuffisant pour combler le passif, c’est-à-dire lorsque le patrimoine de l’association ne permet pas de payer

LA FAUTE DE GESTION N’EST PAS UNE SIMPLE NÉGLIGENCE…

En 2013, le président d’une association bretonne mise en liquidation a été condamné au paiement de 38 000 euros pour contribuer à combler une insuf sance d’actif d’un montant de 76 255 euros. Il est vrai qu’il l’a cherché puisque le juge a relevé « qu’il a personnellement engagé, sans compter, des dépenses qui n’étaient pas indispensables, ni même parfois utiles, sans jamais s’interroger sur la capacité de l’association à les supporter ». Il avait en effet utilisé les fonds de l’association pour nancer des voyages en Croatie, Slovénie et Tunisie, louer un bungalow pendant de nombreux mois, offrir une croisière comprenant la location d’un bateau et un repas, acheter des quotidiens régionaux pour 1 545 euros. Il avait dépensé 7 485 euros en cadeaux et relations publiques, 20 557 euros en frais de réception et de congrès, 11 168 euros en catalogues ou imprimés, et offert à ses invités un hébergement, des prestations de transport et de bouche importantes d’un standing sans commune mesure avec les ressources de l’association !

Référence : cour d’appel de Rennes, 2 avril 2013, n° 12/00445. toutes ses dettes, le liquidateur, le Ministère public ou les créanciers lésés, peuvent demander au tribunal de constater que la situation est le résultat d’une faute de gestion des dirigeants. Dans ce cas, le juge peut condamner les dirigeants fautifs à combler l’insuffi sance d’actif sur leur patrimoine personnel. Ce dispositif n’avait rien de spécifi que au secteur associatif et s’appliquait également aux sociétés commerciales, même si au fi nal le volume de contentieux concernant les associations restait très à la marge. Jusqu’alors, le président d’une association ne pouvait se prévaloir du fait que l’association est d’intérêt général pour s’exonérer de sa responsabilité dans ce cadre (Cass. Com., 27 juin 2006, n° 04-16.296, inédit). La faute de gestion est en partie encadrée par l’article 146 de la loi n° 20161691 du 9 décembre 2016, dite loi Sapin 2, qui prévoit que les fautes de gestion liées à une « simple négligence » peuvent partiellement exonérer la responsabilité fi nan-

Loi Waserman : la responsabilité nancière des dirigeants associatifs

cière des dirigeants d’entreprise (et seulement eux !). La loi Waserman s’est appuyée sur cette « exception de négligence » en l’étendant aux dirigeants associatifs.

Responsabilité allégée

Le texte apporte une atténuation des condamnations de dirigeants bénévoles d’associations au titre de l’action en responsabilité pour insuffi sance d’actif. Le dispositif est conservé mais le juge doit, pour déterminer le montant de la sanction, apprécier « l’existence d’une faute de gestion au regard de la qualité de bénévole du dirigeant et des moyens dont disposait l’association pour se prémunir des risques fi nanciers ». La responsabilité demeure donc, mais le juge doit prendre en compte à la fois le statut de bénévole du dirigeant et analyser in concreto si les dirigeants fautifs disposaient de moyens pour éviter de commettre la faute : interpellation d’un salarié compétent, audition d’un administrateur ayant une compétence particulière, etc. Autant d’éléments qui, s’ils ne sont pas mobilisés par le dirigeant, pourront alors lui être reprochés. Le nouvel article L.651-2 du code de commerce précise que ne sont concernées que les associations non assujetties à l’impôt sur les sociétés dans les conditions prévues au 1bis de l’article 206 du code général des impôts. La responsabilité personnelle des dirigeants d’associations fi scalisées reste donc pleine et entière. Par ailleurs, la minoration de la responsabilité du dirigeant n’est ni systématique, ni quantifi ée. Le juge garde toute latitude à la fois pour mobiliser ce dispositif et pour évaluer la minoration de responsabilité qu’il souhaite appliquer. Concrètement, le juge pourra ou non utiliser cette disposition et s’il l’utilise, fi xer lui-même la part du patrimoine personnel du dirigeant qu’il retient pour combler l’actif et payer les créanciers. ■

Yannick Dubois, directeur Kogito Associations

Sylvain Waserman, député du Bas-Rhin, vice-président de l’Assemblée nationale

« Plus aucun président bénévole d’association ne peut être saisi sur ses biens propres en cas d’erreur de gestion ou de faillite »

La loi est-elle une réponse aux dif cultés de recrutement des bénévoles ?

En effet, cette loi allège la responsabilité juridique et nancière des présidents bénévoles. Cela signi e qu’aujourd’hui plus aucun président bénévole d’association ne peut être saisi sur ses biens propres (sa maison, sa voiture, etc.) en cas d’erreur de gestion ou de faillite. Mais elle ne se résume pas à cette question. La loi règle en effet une autre injustice : celle liée à une rédaction maladroite dans un traité qui empêchait les jeunes Algériens de faire un service civique alors que tous les jeunes Français ou étrangers y ont accès. Elle permet également la redistribution des fonds inutilisés (ceux des dépôts et avoirs des comptes inactifs des associations) pour la formation des bénévoles. En n, elle met en place une sensibilisation de tous les jeunes collégiens et lycéens à l’engagement associatif dans le cadre de leur scolarité. Cela facilitera l’engagement citoyen et le développement de la vie associative.

Ne risque-t-elle pas d’ouvrir la porte à une gestion moins rigoureuse ?

Je ne crois pas que, parce qu’on allège et facilite l’engagement, cela entraînera un manque de rigueur. Je fais le choix de la confiance en ces femmes et ces hommes qui s’engagent comme présidente et président d’association. Ils sont au service de l’intérêt commun et ont le souci de bien faire.

Quand sera-t-elle effective ?

Promulguée le 1er juillet à l’occasion du 120e anniversaire de la loi de 1901, elle est d’ores et déjà effective. Je suis très heureux qu’elle puisse béné cier à celles et ceux qui prennent soin des autres : au président bénévole qui ne sera pas saisi sur ses biens propres, au jeune Algérien qui pourra faire un service civique, au jeune qui s’engagera dans une association grâce aux temps d’échanges scolaires et aux bénévoles qui béné cieront des formations nancées grâce à elle. La crise sanitaire nous démontre à quel point l’engagement citoyen est salvateur et nécessaire tant dans des missions de service civique que dans les initiatives bénévoles auprès des personnes isolées ou démunies. Le monde associatif est un pilier de notre société. Il mérite notre reconnaissance et notre engagement.

Propos recueillis par Yannick Dubois

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