Contrats Publics n°164 - Concession - Transparence

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Dossier

L’ordonnance et le décret relatifs aux contrats de concession

La transparence dans l’exécution des contrats de concession L’obligation de transparence ne s’impose pas uniquement au concessionnaire. En vertu de l’ordonnance du 29 ­janvier 2016 et du décret du 1er février 2016, une telle obligation incombe désormais aussi à l’autorité concédante. Cependant, un certain nombre d’interrogations subsistent.

L

a transparence est devenue un principe structurant de l’action publique, notamment sous l’impulsion du droit européen, pour qui « la transparence du processus décisionnel renforce le caractère démocratique des institutions, ainsi que la confiance du public envers l’administration »(1).

Le développement de ce principe est intimement lié aux aspirations actuelles à une gouvernance citoyenne(2), et n’exclut évidemment pas la sphère du droit public et en particulier du droit des contrats administratifs. Le principe de transparence a initialement été mis en œuvre dans le cadre de l’attribution des contrats, pour préserver le libre accès à la commande publique et « garantir, en faveur de tout soumissionnaire potentiel, un degré de publicité adéquat, permettant une ouverture du marché des services à la concurrence, ainsi que le contrôle de l’impartialité des procédures d’adjudications »(3). La directive européenne 2014/23/UE du 26 février 2014 a quant à elle étendu la portée de ce principe à la transparence de l’exécution des contrats(4) tout en réservant l’hypothèse de la divulgation d’informations « désignées comme confidentielles, y compris, entre autres, les secrets techniques ou commerciaux et les aspects ­confidentiels des offres »(5).

Benoît Neveu Avocat au Barreau de Paris SELARL Cabanes Neveu Associés

C’est cette évolution du principe de transparence que reprend l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession et son décret d’application n° 2016-86 du 1er février 2016, en prévoyant à la fois une obligation de transparence à la charge du concessionnaire, mais également, et c’est nouveau, une ­obligation de transparence incombant à l’autorité concédante.

Références Ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016, art. 52 Décret n° 2016-86 du 1er février 2016, art. 33 et s.

Mots clés Confidentialité • Données comptables • Open data • Rapport annuel

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(1)  Traité sur l’Union européenne, 1er mai 1992, Déclaration relative au droit, à l’accès, et à l’information. (2)  Cf. G. J. Guguelmi et E. Zoller (Dir), Transparence, démocratie et gouvernance citoyenne, Editions Panthéon-Assas, 2014. (3)  CJCE 7 décembre 2000, Telaustria, aff. C-324/98. (4)  Cf. directive 2014/23/UE du 26 février 2014 art. 3. (5)  Cf. directive 2014/23/UE du 26 février 2014 art. 28.

Contrats Publics – n° 164 - avril 2016


L’ordonnance et le décret relatifs aux contrats de concession

L’obligation de transparence à la charge du concessionnaire L’obligation de transparence à la charge du concessionnaire est étroitement liée au pouvoir de contrôle de l’autorité concédante sur l’exécution du contrat de concession. En l’état des dispositions de l’ordonnance du 29 janvier 2016, elle se limite à l’obligation préexistante de produire un rapport annuel, sans que soit consacrée, au-delà, une obligation générale de transparence.

L’obligation de produire un rapport annuel L’article 52 de l’ordonnance dispose que « le concessionnaire produit chaque année un rapport comportant notamment les comptes retraçant la totalité des opérations afférentes à l’exécution du contrat de concession et une analyse de la qualité des ouvrages ou des services », et précise que lorsque la gestion d’un service public est déléguée, « ce rapport permet en outre aux autorités concédantes d’apprécier les conditions d’exécution du service public ». Cette obligation de production d’un rapport annuel s’appliquait, d’ores et déjà, à toutes les concessions – délégations – de service public(6), sans qu’un dispositif similaire soit prévu pour les concessions de travaux publics. C’est désormais le cas puisque cette exigence de production d’un rapport annuel s’impose pour tous les contrats de concession. L’article 33 du décret du 1er février 2016 définit le contenu de ce rapport annuel, en distinguant, d’une part un socle commun de données qui doivent être suivies ou produites par tout concessionnaire, et d’autre part un ensemble d’informations supplémentaires à fournir lorsque la concession porte sur la gestion d’un service public. S’agissant du socle commun des données à transmettre, le décret énumère les données comptables suivantes : – le compte annuel de résultat de l’exploitation de la concession rappelant les données présentées l’année précédente au titre du contrat en cours. Pour l’établissement de ce compte, l’imputation des charges s’effectue par affectation directe pour les charges directes, et selon des critères internes issus de la comptabilité analytique ou selon une clé de répartition dont les modalités sont précisées dans le rapport pour les charges indirectes, notamment les charges de structure ; – une présentation des méthodes et des éléments de calcul économique annuel et pluriannuel retenus pour la détermination des produits et charges directs et indirects imputés au compte de résultat de l’exploitation, les méthodes étant identiques d’une année sur l’autre, sauf modification exceptionnelle et dûment motivée ;

(6)  Cf. loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, art. 40-1 et CGCT, art. L. 1411-3.

Contrats Publics – n° 164 - avril 2016

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– un état des variations du patrimoine immobilier intervenues dans le cadre du contrat ; – un état des autres dépenses du renouvellement, réalisées dans l’année conformément aux obligations contractuelles. Doit également être produite « une analyse de la qualité des ouvrages ou des services demandés au concessionnaire, comportant tout élément qui permette d’apprécier la qualité des ouvrages ou des services exploités et les mesures proposées par le concessionnaire pour une meilleure satisfaction des usagers. La qualité des ouvrages ou des services est notamment appréciée à partir d’indicateurs, proposés par le concessionnaire ou demandés par l’autorité concédante et définis par voie contractuelle ». Lorsque la concession porte sur la gestion d’un service public, le rapport doit comprendre, en plus, les données comptables complémentaires suivantes : – un compte rendu de la situation des biens et immobilisations nécessaires à l’exploitation du service public concédé, comportant notamment une description des biens et, le cas échéant, le programme d’investissement, y compris au regard des normes environnementales et de sécurité ; – un état du suivi du programme contractuel d’investissements en premier établissement et du renouvellement des biens et immobilisations nécessaires à l’exploitation du service public concédé, ainsi qu’une présentation de la méthode de calcul de la charge économique imputée au compte annuel de résultat d’exploitation de la concession ; – un inventaire des biens désignés au contrat comme biens de retour et de reprise du service concédé ; – les engagements à incidences financières, y compris en matière de personnel, liés à la concession et nécessaires à la continuité du service public ; – une annexe comprenant un compte-rendu technique et financier comportant les informations utiles relatives à l’exécution du service, notamment les tarifs pratiqués, leur mode de détermination et leur évolution, ainsi que les autres recettes d’exploitation. Il n’échappera pas aux praticiens que les informations ainsi exigées sont identiques à celles d’ores et déjà attendues des délégataires de services publics locaux en application de l’article R. 1411-7 du CGCT. Pour ces délégataires, l’impact de l’ordonnance est donc nul, ce qui n’est pas le cas pour les délégataires de services publics nationaux dont les textes, jusqu’ici, ne définissaient pas le contenu du rapport annuel. L’harmonisation du contenu du rapport annuel pour toutes les concessions, qu’elles soient nationales ou locales, améliore ainsi la transparence de ces contrats en offrant un outil juridique clair à toutes les autorités concédantes. Le gouvernement n’a, en revanche, pas souhaité aller plus loin en énonçant une obligation générale de ­transparence à la charge des concessionnaires.

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ANALYSE DE LA REFORME DES MARCHES PUBLICS

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