C &*' B6GH '%&*
Contrats Publics Dossier
Actualités
Pièces et renseignements demandés aux candidats X Les documents permettant de vérifier la capacité des candidats Les capacités financière, technique et professionnelle L’étendue du contrôle de la capacité juridique
X Les cas particuliers Quels sont les documents exigés pour la présentation des sous-traitants ? Les documents demandés dans le cadre des marchés de défense
X Vers une réduction du nombre de pièces à produire ? Le cas des documents équivalents La règle du « dites-le nous une fois » L’instauration du DUME
Viedes contrats
PASSATION
Le Conseil d’État précise les contours des pratiques de « sourcing » en matière de marchés publics La candidature d’une collectivité territoriale à un contrat de la commande publique à l’épreuve de l’intérêt public local
N° 152 – Mensuel – 29 €
moniteurjuris.fr/contratspublics/
Information abonnĂŠs
BĂŠnĂŠďŹ ciez de tous les avantages du web
CONSULTEZ DÉSORMAIS
TOUTES LES ARCHIVES DEPUIS LE PREMIER NUMÉRO (11 ANS D’ARCHIVES)
Contrats publics SUR
&RQWUDWV SXEOLFV ! ! " # !
$
021,7(85 -85,6 &RQWUDWV 3XEOLFV
C• &(+ ™ OCTOBRE 2013
Contrats Publics Dossier
ActualitĂŠs
Les 20 ans des dÊcrets relatifs à la maÎtrise d’œuvre (1re partie)
X Champ d’application des dÊcrets du 29 novembre 1993 Missions de base et missions complÊmentaires Évolutions des concours de maÎtrise d’œuvre
X Obligations et rÊmunÊration du maÎtre d’œuvre Devoir de conseil et responsabilitÊ RÊmunÊration des prestations supplÊmentaires
X Vers une disparition du clivage public/privÊ ? Perte de spÊcificitÊ de la maÎtrise d’œuvre publique Les marchÊs de maÎtrise d’œuvre des ESH
Viedes contrats
PASSATION
L’âge des bus et critère de choix des offres dans un marchÊ de transport scolaire CONTENTIEUX
Un nouveau critère du contrat administratif : le contrat accessoire d’un contrat de droit public CoopÊration entre personnes publiques et prestations de services : une frontière tÊnue
N° 136 – Mensuel – 29
LA JURISPRUDENCE % & '( ") " * + ,
Comment accĂŠder au contenu de votre revue sur MONITEUR JURIS Contrats Publics ? 1 $FWLYH] YRWUH FRPSWH
LES TEXTES OFFICIELS $ " * - ' ! . ! + / , !
6DLVLVVH] YRWUH HPDLO HW YRWUH QXPpUR GŇ‹DERQQp 2
LA NEWSLETTER BIMENSUELLE 3 &RPSOpWH] OH IRUPXODLUH
FUpH] YRV FRGHV GŇ‹DFFqV
*
! " ! 0
!
!
! ! / ! ! ! ! !
Besoin d’information ? Notre service client est à votre disposition au 01 40 13 50 65
Éditorial
Le défi de la vraie simplification des candidatures
F
ace au défi du choc de simplification régulièrement affirmé par les gouvernements successifs depuis plus de 20 ans, mais aussi au constat du nombre grandissant de nécessaires déclarations sur l’honneur d’autant de non-condamnations et de régularité que même Prévert n’arriverait plus à énumérer, qui décourage beaucoup de petites entreprises, que les signataires ne lisent plus, que des pouvoirs adjudicateurs ne saisissent plus, il est peut être temps d’aborder différemment la problématique des pièces exigées tant au titre des articles 45 et 46 du CMP – et leurs équivalents dans les autres contrats de la commande publique. Car une forme de schizophrénie caractérise les évolutions textuelles dans beaucoup de domaine auquel le droit de la commande publique n’échappe pas : la simplification pour les uns par la complexification pour les autres si ce n’est parfois pas pour tous. Les dernières dispositions du décret n° 2014-1097 du 26 septembre 2014 (voir article 45-VI) semblent bien aller dans le sens de la simplification en permettant aux candidats de centraliser dans des « armoires électroniques » toutes les pièces exigées à ce stade de la candidature sur une base de données accessible et gratuite à tous les pouvoirs adjudicateurs qui ne peuvent refuser cette démarche. La procédure du « dites le nous une fois » relève de la même logique de simplification. Pourtant, l’allégement considérable que cela représente pour les entreprises entraîne inévitablement une charge de travail importante pour les pouvoirs adjudicateurs qui ne pourront plus se « contenter » d’un dossier papier bien ordonné présentant les candidatures individuelles mais surtout de groupements. Au contraire, les services marchés devront assurer téléchargement et contrôle. Il semble que de ce point de vue, la simplification pour les uns passe par la complexification du travail des autres. Enfin, au détriment de tous, ces nouvelles possibilités de simplification des démarches des candidats ne visent curieusement que les pièces de l’article 45 et pas celles de l’article 46 dont finalement le regroupement pourrait également être opéré de la même manière.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
En outre, le projet de décret de septembre avait suscité d’espoir de voir naître un document unique de marché européen… et donc le sentiment d’une réelle simplification. À lire le projet de DUME et ses nombreuses rubriques que chaque État pourra compléter, il est à craindre qu’il n’y ait encore là l’occasion de rajouter de nouvelles obligations. En témoignent les dispositions issues de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes introduisant notamment une interdiction de soumissionner si, au 31 décembre de l’année précédant le lancement de la procédure de passation, un candidat n’a pas mené de négociation sur l’égalité professionnelle prévue à l’article L. 2242-5 du Code du travail et, à la date à laquelle il candidate, il n’a pas régularisé ou engagé de régularisation de sa situation au regard de cette obligation de négociation (obligation ne s’appliquant que dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives). Restent enfin la lourdeur tant pour les entreprises que pour les pouvoirs adjudicateurs de renouveler certaines attestations tous les 6 mois sans parler de l’Ursaff qui arrive encore à se tromper sur les codes de vérifications des attestations qu’une armée d’agents des services de la commande publique épluchent… À quand un vrai guichet unique pour les entreprises chargé de procéder à toutes les vérifications ? À quand un numéro d’extension du siret permettant d’attester qu’un candidat est à jour, valable ici, et ailleurs ? À quand des articles 45 et 46 refondus pour la seule exigence de vérification des capacités professionnelles et financières des entreprises et pourquoi pas, abrogés ? À quand des services marchés transformés en services d’acheteurs et non de contrôleurs d’obligations fiscales et sociales ? Là est le vrai défi d’une déréglementation raisonnée et… durable.
Nicolas Charrel Avocat, Cabinet Charrel et Associés
Retrouvez les textes cités sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
3
Contrats Publics Actualités
17, rue d’Uzès 75108 Paris Cedex 02, France Tél. : 01 40 13 30 30 Fax : 01 40 13 51 77 RÉDACTION Responsable éditorial : Richard Deau (50 60) Courriel : richard.deau@groupemoniteur.fr Conception graphique : Catherine Lattuca Maquette : DESK Ont collaboré à ce numéro* : Mireille Berbari, Julien Bosquet, Sylvain Boueyre, Christophe Cabanes, Séverine ChavarochetteBoufferet, Pierre-Manuel Cloix, Carole Collinet, Jacques Dabreteau, Pierre de Baecke, Muriel Dreifuss, Nicolas Fouilleul, Maximilien Godgenger, Sophie Guillon-Coudray, Jean-Pierre Jouguelet, Emmanuel Lambert, Arnaud Latrèche, Olivia Le Baube, Vincent Michelin, Catherine Ribot, Pierre-Ange Zalcberg. * Les opinions ou interprétations exprimées par les auteurs de cette revue n’engagent qu’eux-mêmes et non les organismes auxquels ils appartiennent.
DIRECTION Éditeur : Claire de Gramont Directeur éditorial : Thierry Kremer Directeur commercial : Christophe Vitiello Service commercial : Céline Dufour (35 68) et Francis Lefevre (34 35) Gestion des abonnements : Nadia Clément (50 55) Abonnements : 17, rue d’Uzès 75108 Paris CEDEX 02, France Tél. : 01 40 13 50 65 Internet : www.editionsdumoniteur.com 1 numéro : 29 € (TTC) ; 11 nos (1 an) : 249 € (TTC) ; 22 nos (2 ans) : 429 € (TTC) Fabrication : Didier Thomasset, Nathalie Randon Gestion : Sabine Lejeune Couverture : Pressmaster – Fotolia.com
Contrats Publics – Actualité MoniteurJuris est éditée par Groupe Moniteur Président, directeur de la publication : Christophe Czajka Société éditrice : GROUPE MONITEUR SAS au capital de 333 900 euros. Siège social : 17, rue d’Uzès, 75108 Paris cedex 02, France RCS PARIS 403 080 823 N° SIRET : 403.080.823.00012 N° TVA intracommunautaire FR 32 403 080 823 Principal associé : Infos Services Holding. Imprimerie, brochage, routage Imprimerie de Champagne Z.I. Les Franchises 52200 Langres France. Commission paritaire : 0618T80648 ISSN 1760-2483 Mensuel. Dépôt légal à parution. IMPRIMÉ EN FRANCE
4
Comité de rédaction Claudie Boiteau
Jean-Pierre Jouguelet
est professeur de droit public à l’université Paris-Dauphine et coordinatrice de la revue. Elle est l’auteur de l’ouvrage Les conventions de délégation de service public*.
est conseiller d’État.
Mireille Berbari est avocate à la Cour. Elle est l’auteur de nombreux ouvrages notamment Les CCAG des marchés publics annotés et commentés*.
Nicolas Charrel est avocat à la Cour. Il est l’auteur des commentaires du Code des marchés publics *.
Guy Duguépéroux est président de section à la Chambre régionale des comptes du Centre, professeur associé à la faculté de droit de Poitiers.
Michel Guibal est professeur des facultés de droit. Il est l’auteur des commentaires et annotations du Code des marchés publics *.
Michaël Karpenschif est professeur à l’université Lyon III (Jean-Moulin).
Gilles Le Chatelier est avocat associé.
Pierre Pintat est avocat associé.
Catherine Ribot est professeure de droit public à l’université Montpellier I.
Laurent Richer est professeur de droit à l’université Paris I (Panthéon-Sorbonne) et avocat au barreau de Paris. Il est directeur scientifique de Délégation de service public *.
Patrick Sitbon est conseiller référendaire à la Cour des comptes, secrétaire général de la Cour de discipline budgétaire et financière. * Édité(s) par Les Éditions du Moniteur
La mention abrégée de la revue est Contrats publics-Le Moniteur. La revue peut être citée comme suit : Auteur(s), « Titre de l’article », Contrats publics-Le Moniteur, n°, mois et année, page(s).
Nous alertons nos lecteurs sur la menace que représente, pour l’avenir de l’écrit, le développement massif du « photocopillage ». Le Code de la propriété intellectuelle interdit expressément la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or, cette pratique s’est développée dans de nombreux cabinets, entreprises, administrations, organisations professionnelles et établissements d’enseignement, provoquant une baisse des achats de livres, de revues et de magazines. En tant qu’éditeur, nous vous mettons en garde pour que cessent de telles pratiques.
Aux termes du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction ou représentation, intégrale ou partielle, de la présente publication, faite par quelque procédé que ce soit (reprographie, micro-filmage, scannérisation, numérisation…) sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. Toutefois, l’autorisation d’effectuer des reproductions par reprographie peut être obtenue auprès du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC), 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris, tél. : 01 44 07 47 70, fax : 01 46 34 67 19.
Retrouvez les textes cités sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Sommaire
Editorial ....................................................................................................................................... L’actualité de MoniteurJuris ......................................................................................................
3 6
Dossier
Veille Textes officiels Nationaux Mireille Berbari ..........................................................................................................
8
Jurisprudence Européenne Séverine Chavarochette-Boufferet......................................................................... Conseil constitutionnel Catherine Ribot .................................................................................... Conseil d’État Jean-Pierre Jouguelet......................................................................................... Cours administratives d’appel Catherine Ribot ........................................................................ Tribunal des conflits Jean-Pierre Jouguelet ............................................................................. Juridictions financières Carole Collinet .....................................................................................
10 11 12 12 15 15
Pièces et renseignements demandés aux candidats Les documents pouvant être demandés aux candidats Sophie Guillon-Coudray ................................................... Les pièces exigées à l’appui des candidatures : la preuve d’exemplarité sociétale et d’aptitude des entreprises Emmanuel Lambert et Arnaud Latrèche ........................................................................................ Pièces et renseignements fournis par un candidat placé en redressement judiciaire Pierre-Manuel Cloix ...... Les listes de pièces et documents figurant dans le CMP sont-elles limitatives ? Jacques Dabreteau et Olivia Le Baube........................................................................................................................ Documents exigibles : ne pas confondre examen des candidatures et analyse des offres Sylvain Boueyre....... Documents demandés aux candidats dans le cadre des marchés de défense Pierre de Baecke......................... Opportunité et modalités de présentation d’un sous-traitant lors de la passation des marchés publics Vincent Michelin et Christophe Cabanes .....................................................................................................................
18 22 27 31 36 41
Les pièces à fournir par les candidats retenus Maximilien Godgenger ..................................................................
45 50 55
Directives marches publics : quelles nouveautés concernant les pièces et documents demandés aux candidats ? Julien Bosquet ..................................................................................................................................
59
Le Conseil d’État précise les contours des pratiques de « sourcing » en matière de marchés publics Pierre-Ange Zalcberg .............................................................
66
La candidature d’une collectivité territoriale à un contrat de la commande publique à l’épreuve de l’intérêt public local Muriel Dreifuss .................................................................
70
Retrouvez les textes cités sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
5
Inexactitude des renseignements fournis : conséquences Nicolas Fouilleul .......................................................
Passation
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
L’actualité de JURISPRUDENCE
Absence de déclassement expresse d’un bien incorporé au domaine public Le Conseil d’État rappelle qu’il résulte de l’article L. 2141-1 du CG3P que « lorsqu’un bien appartenant à une personne publique a été incorporé dans son domaine public, il ne cesse d’appartenir à ce domaine que du fait d’une décision expresse de déclassement prise par l’autorité compétente » (cf. CE 26 mars 2008, req. n° 298033). En l’espèce, aucune décision expresse n’a prononcé le déclassement de ces biens, et en dépit du fait que l’abattoir n’aurait plus été géré directement par la commune depuis 1990 et n’aurait pas fait l’objet d’un contrat de concession de service public, ces biens n’ont pas cessé de constituer une dépendance du domaine public communal. J CE 13 février 2015, req. n° 376864
Une question, un besoin d’information sur les contrats publics ? Choisissez
Non amortissement d’un ouvrage dans le cadre d’une concession de travaux Le Conseil d’État souligne que « dans le cadre d’un contrat par lequel une collectivité territoriale ou un EPCI confie la réalisation de travaux ou ouvrages, qui doivent lui être remis au terme du contrat, à un cocontractant dont la rémunération consiste en tout ou partie dans le droit d’exploiter l’ouvrage, les biens amortis par l’exploitation sont remis gratuitement à la personne publique à ce terme ; que lorsque la durée du contrat est inférieure à la durée normale d’amortissement de l’ouvrage, le cocontractant a le droit d’être indemnisé de la valeur non amortie de cet ouvrage au terme du contrat, et donc à hauteur de sa valeur nette comptable, évaluée à la date de la remise des biens » (sur le régime des biens dans le cadre des concessions, cf. CE 21 décembre 2012, req. n° 342788 ; CP-ACCP n° 131, avril2013, p. 79, note J.-F. Sestier). La Haute juridiction précise « qu’aucun texte ni aucun principe n’interdit aux cocontractants de prévoir que cette indemnité soit versée avant le terme du contrat, y compris au début de son exécution, dès lors qu’elle correspond à cette valeur nette comptable des biens remis ; qu’un tel versement équivaut, en effet, à une acquisition moyennant un prix par la personne publique de la part de l’ouvrage qui ne peut être amortie durant l’exploitation eu égard à la durée du contrat ». J CE 13 février 2015, req. n° 373645 Absence de signature du maître d’ouvrage sur le projet de décompte final La CAA de Nancy rappelle qu’il résulte des stipulations des articles 13.3 et 13.4 du CCAG Travaux de 1976 « qu’il appartient à l’entrepreneur, après l’achèvement des travaux, de dresser un projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre, que ce projet doit être remis au maître d’œuvre dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux et que, faute pour l’entrepreneur de se conformer à ce délai, et après mise en demeure restée sans effet, le décompte final peut être établi d’office par le maître d’œuvre ; qu’il appartient ensuite au maître d’ouvrage d’établir, à partir de ce décompte final et des autres documents financiers du marché, un décompte général et de le notifier à l’entrepreneur ; qu’au cas où celui-ci n’a pas renvoyé ce décompte dans les quarante-cinq jours, en exposant le cas échéant les motifs de son refus ou de ses réserves, ce décompte général est réputé accepté par lui et devient le décompte général et définitif du marché » (cf. CE 27 mai 1998, req. n° 128094). En l’espèce, il apparaît que le projet de décompte final ne portait que la signature du maître d’œuvre et non celle du maître d’ouvrage (cf. CE 28 septembre 2001, req. n° 182761). Ce décompte, ainsi notifié à l’entrepreneur, a été établi dans des conditions irrégulières et ne pouvait être regardé comme le décompte général, au sens des stipulations de l’article 13.42 du CCAG, ouvrant le délai de contestation par l’entrepreneur prévu à l’article 13.44 du CCAG. J CAA Nancy 3 février 2015, req. n° 13NC01240 Candidat évincé et procédure de passation irrégulière Selon la CAA de Nancy, lorsqu’une entreprise candidate à l’attribution d’un contrat administratif demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière, le juge doit vérifier si l’entreprise était dépourvue de toute chance de remporter le marché. En cas de réponse négative, elle a droit à une indemnisation de l’intégralité du manque à gagner si elle avait des chances sérieuses d’emporter le marché (cf. CE 27 janvier 2006, req. n° 259374 ; CE 18 juin 2003, req. n° 249630). La Cour souligne qu’il appartient également au juge, si une irrégularité a effectivement entaché la procédure, « de vérifier qu’elle est la cause directe du l’éviction du candidat et, par suite, qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et le préjudice dont le candidat demande l’indemnisation » (cf. CE 10 juillet 2013, req. 362777, Contrats publics – Le Moniteur, n° 139, janvier 2014, p. 78, note Y. Simmonet). J CAA Nancy 3 février 2015, req. n° 13NC01653
6
Retrouvez la veille sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
r -contratspublics.f www.moniteurjuris
y
ET BÉNÉFICIEZ DE
VOS SERVICES INCLUS ; Les textes officiels et la jurisprudence en texte intégral ; Un moteur de recherche performant ;Unservicedeveillesurmesure ; Une newsletter bimensuelle ; ... et toujours plus d’actualités
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Veille Retrouvez l’intégralité de la veille sur
Textes officiels nationaux Économie sociale et solidaire ............................................................................................. Décret n° 2015-90 du 28 janvier 2015 fixant le montant prévu à l’article 13 de la loi n° 2014856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (JO du 31 janvier 2015)
8
Jurisprudence européenne
à lire
ce mois-ci sur
Marchés publics – Notion et passation ............................................................................... CJUE 11 décembre 2014, Azienda sanitaria locale n° 5 « Spezzino », ANPAS, Regione Ligura c/ San Lorenzo Soc. Coop. Sociale, Croce verde
10
Jurisprudence nationale Réforme du droit des obligations et des contrats ................................................................ Conseil constitutionnel, décision n° 2015-710 DC du 12 février 2015, Loi relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures
11
Ont participé à cette veille
Marché – Passation – Candidat irrégulièrement évincé – Calcul de l’indemnité .................... CE 19 janvier 2015, Sté Spie Est, req. n° 384653
12
Mireille Berbari Textes officiels nationaux
Marché de travaux – Règlement financier – Notification du décompte.................................. CE 19 janvier 2015, Commune de Châteauneuf, req. n° 374659
12
Séverine ChavarochetteBoufferet Jurisprudence européenne
Calcul du retard donnant lieu au versement de pénalités définitives .................................... CAA Lyon 8 janvier 2015, SARL Chevillard et Fils, req. n° 14LY00293
12
Réparation des désordres sur le fondement de la garantie décennale ................................. CAA Douai 20 janvier 2015, Hitachi Zosen Inova AG et Inova SAS, req. n° 13DA01246
13
Carole Collinet Jurisprudence nationale
Indemnisation pour travaux supplémentaires..................................................................... CAA Douai 22 janvier 2015, SARL Société Arc Ame, req. n° 14DA00324
14
Jean-Pierre Jouguelet Jurisprudence nationale
Contentieux – Action en garantie entre membres d’un groupement – Compétence du juge administratif ......................................................................................................... TC 9 février 2015, Société Ace European Group Limited c/ M. Targe et autres, n° 3983
Catherine Ribot Jurisprudence nationale
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Retrouvez la veille sur
15
7
Veille Textes officiels nationaux
Textes officiels nationaux Décrets Économie sociale et solidaire Décret n° 2015-90 du 28 janvier 2015 fixant le montant prévu à l’article 13 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (JO du 31 janvier 2015) Aux termes du I de l’article 13 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire : « Lorsque le montant total annuel de ses achats est supérieur à un montant fixé par décret, le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice mentionné au 2° de l’article 2 du code des marchés publics ou aux articles 3 et 4 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, en tant que ces articles concernent des collectivités territoriales ou des organismes de nature législative, adopte un schéma de promotion des achats publics socialement responsables. Il en assure la publication. Ce schéma détermine les objectifs de passation de marchés publics comportant des éléments à caractère social visant à concourir à l’intégration sociale et professionnelle de travailleurs handicapés ou défavorisés, ainsi que les modalités de mise en œuvre et de suivi annuel de ces objectifs. » L’article 1er de ce décret fixe le seuil précité à cent millions d’euros hors taxe. En vue de pouvoir comptabiliser ce seuil, l’article 2 de ce même texte prévoit les modalités suivantes : « Afin de déterminer le montant total annuel de leurs achats, les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices concernés prennent en compte les marchés conclus en application du code des marchés publics ou de l’ordonnance du 6 juin 2005 susvisée, et les contrats de partenariat conclus en application des dispositions de l’ordonnance du 17 juin 2004 susvisée ou des articles L. 1414-1 et suivants du CGCT ». SNCF Décret n° 2015-137 du 10 février 2015 relatif aux missions et aux statuts de la SNCF et à la mission de contrôle économique et financier des transports (JO du 11 février 2015) La loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire ayant rénové le système de transport ferroviaire national, celui-ci est désormais organisé autour de trois établissements publics qui sont indissociables : SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités. Dans ce cadre, le présent décret définit l’objet de l’EPIC dénommé « SNCF » et les missions qui lui sont confiées. Il décrit les modalités de fonctionnement de la SNCF au sein du groupe public ferroviaire qu’elle constitue avec SNCF Réseau et SNCF Mobilités et détermine les règles de gestion financière, comptable et domaniale qui lui sont applicables ainsi que les modalités de contrôle de l’État.
8
Retrouvez la veille sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
À ce titre et sans préjudice de la couverture par SNCF Réseau de ses besoins propres, la SNCF assure, à la demande des membres du groupe public ferroviaire, notamment les fonctions mutualisées suivantes : – l’expertise et le conseil juridiques du groupe public ferroviaire, notamment en termes de veille législative et réglementaire ; – la gestion de systèmes d’information du groupe public ferroviaire ; – l’organisation des achats généraux du groupe public ferroviaire ; – la gestion immobilière et foncière du groupe public ferroviaire et la valorisation de son patrimoine ; – la mise en œuvre de la politique numérique et de communication du groupe public ferroviaire. Décret n° 2015-138 du 10 février 2015 relatif aux missions et aux statuts de SNCF Mobilités (JO du 11 février 2015) Outre qu’il définit l’objet de SNCF Mobilités et les missions qui lui sont confiées, ce texte décrit les modalités de fonctionnement de SNCF Mobilités avec les autres établissements publics du groupe public ferroviaire qu’il constitue avec la SNCF et SNCF Réseau. En effet, SNCF Mobilités assure l’ensemble des activités d’exploitation des services de transport ferroviaire qui étaient celles de « l’opérateur historique » SNCF (cf. Code des transports, art. L. 2141-1). Le présent décret détermine en outre les règles de gestion financière, comptable et domaniale qui régissent le fonctionnement de cet établissement ainsi que les modalités de contrôle de l’État. Décret n° 2015-140 du 10 février 2015 relatif aux missions et aux statuts de SNCF Réseau (JO du 11 février 2015) RFF, SNCF Infrastructures et la direction de la circulation ferroviaire (DCF) étant désormais rassemblés au sein de l’établissement public SNCF Réseau, qui regroupe ainsi les fonctions de gestionnaire d’infrastructure du réseau ferré national, le présent décret définit les missions de cette entité et décrit les modalités d’interaction de SNCF Réseau avec les autres établissements du groupe public ferroviaire qu’il constitue avec la SNCF et SNCF Mobilités. Il précise également les règles relatives à la gestion financière et comptable de l’établissement et actualise les dispositions domaniales. L’article 33 de ce texte prévoit que le conseil d’administration de SNCF Réseau est assisté d’une commission des marchés dont il fixe la composition. Contrats de partenariat Décret n° 2015-154 du 11 février 2015 approuvant le contrat de partenariat passé entre SNCF Réseau et la SAS Gare de la Mogère pour la conception, la construction, l’entretien, la maintenance et le financement du pôle d’échange Multimodal Montpellier Sud de France (JO du 13 février 2015) Le projet du pôle d’échange multimodal de Montpellier Sud de France (« le PEM ») porte sur la conception, la
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Veille Textes officiels nationaux
réalisation, l’entretien, la maintenance et l’exploitation d’un bâtiment de voyageurs d’environ 8 235 m2 de SHON, d’un parvis, d’espaces d’intermodalité et de stationnement des différents modes de transport, de quais et de l’ensemble des éléments techniques assurant les fonctionnalités du PEM. Ce PEM permettra la desserte de la ligne nouvelle du contournement Nîmes-Montpellier (CNM) – ligne réalisée dans le cadre d’un autre contrat de partenariat, précédemment conclu avec RFF. Aux termes du contrat de partenariat approuvé par le présent décret, le titulaire est chargé d’assurer la conception, la construction, l’entretien, la maintenance et le financement du PEM dans le respect de la réglementation applicable.
ressources humaines ou conclure des accords-cadres ayant pour objet ces mêmes fournitures et prestations de services. Sous la même réserve, il peut acquérir des fournitures et des prestations de services relatives à la paie des agents ou aux systèmes d’information des ressources humaines destinées à des organismes publics ayant la qualité de pouvoir adjudicateur au sens du Code des marchés publics ou de l’ordonnance du 6 juin 2005 susvisée ou conclure des accords-cadres ayant pour objet ces mêmes fournitures et prestations de services et destinées à ces mêmes organismes.
Avis Indices et index divers
Le PEM comprend l’ensemble des ouvrages, installations et équipements constitutifs de la gare nouvelle Montpellier Sud de France correspondant à une gare multimodale et comprenant notamment : – un bâtiment de voyageurs d’environ 8 235 m2 de SHON et un parvis ; – des espaces d’intermodalité et de stationnement des différents modes de transport, en ce compris un parking de 1 600 places de stationnement ; – l’ensemble des éléments techniques assurant les fonctionnalités du PEM, à l’exclusion des équipements ferroviaires.
Avis relatif aux index bâtiment, travaux publics et divers de la construction (référence 100 en 2010) et de l’indice de de réactualisation des actifs matériels dans la construction de novembre 2014 (JO du 15 février 2015)
Systèmes d’information
Les index nationaux bâtiment, travaux publics et divers de la construction sont utilisés pour les actualisations et révisions des prix des marchés de construction, l’indice IM pour la réactualisation des actifs matériels dans la construction.
Décret n° 2015-144 du 9 février 2015 portant création d’un service à compétence nationale à caractère interministériel dénommé « centre interministériel de services informatiques relatifs aux ressources humaines » (JO du 11 février 2015) Ce texte crée un service à compétence nationale (SCN) à caractère interministériel, aux attributions redéfinies et dénommé « centre interministériel de services informatiques relatifs aux ressources humaines », en remplacement du SCN « opérateur national de paye » (ONP). S’agissant de ses attributions en matière de commande publique, ce SCN est notamment chargé : – de contribuer à la mise en place de systèmes d’information des ressources humaines rénovés dans les ministères en vue de leur convergence ; – de moderniser l’interface des systèmes d’information des ressources humaines ministériels avec le système de paye des agents de l’État, en lien avec la direction générale des finances publiques ; – de contribuer à la conception et à la mise en œuvre d’un système d’information propre à améliorer le pilotage des emplois et de la masse salariale ainsi que le suivi des effectifs de l’État ; – de concevoir et de mettre en œuvre des services informatiques visant à accroître l’efficacité de la gestion des ressources humaines. Sous réserve des compétences du service des achats de l’État, ce SCN peut acquérir, pour les ministères et autres services de l’État, des fournitures et des prestations de services relatives aux systèmes d’information des
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
En application du décret n° 2014-114 du 7 février 2014 et de la circulaire du 16 mai 2014 (BOAC 60 de septembre-octobre 2014), les index nationaux bâtiment, travaux publics, divers de la construction et l’indice de de réactualisation des actifs matériels dans la construction s’établissent pour le mois de novembre 2014 aux valeurs indiquées dans les tableaux qui ont été publiés au JO du 15 février 2015.
Avis relatif à l’indice du coût de la construction du troisième trimestre de 2014 (décret n° 2009-1568 du 15 décembre 2009) (JO du 20 décembre 2014) L’indice du coût de la construction du troisième trimestre de 2014, publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques, atteint 1627. Cet indice est calculé avec une référence 100 au quatrième trimestre 1953. Cet indice a été publié par l’INSEE le 16 décembre 2014. Prix à la consommation Avis relatif à l’indice des prix à la consommation (JO du 16 janvier 2015) À partir de février 1999, l’indice des prix à la consommation est publié en base 100 en 1998. L’indice mensuel des prix à la consommation de l’ensemble des ménages s’établit à 127,73 en décembre 2014 (127,64 en décembre 2013 sur la base 100 en 1998). L’indice mensuel des prix à la consommation, hors tabac, de l’ensemble des ménages s’établit à 125,81 en décembre 2014 (125,82 en décembre 2013 sur la base 100 en 1998). L’indice mensuel des prix à la consommation, hors tabac, des ménages urbains dont le chef est ouvrier ou
Retrouvez la veille sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
9
Veille Jurisprudence européenne
employé s’établit à 125,64 en décembre 2014 (125,62 en décembre 2013 sur la base 100 en 1998). L’indice mensuel des prix à la consommation, hors tabac, des ménages du premier quintile de la distribution des niveaux de vie s’établit à 126,93 en décembre 2014 (127,01 en décembre 2013 sur la base 100 en 1998).
Textes dont la publication est signalée Organisation de la commande publique Arrêté du 26 janvier 2015 pris pour l’application au sein des ministères économiques et financiers du III de l’article 7 du décret n° 2009-300 du 17 mars 2009 portant création du service des achats de l’État (JO du 28 janvier 2015) Arrêté du 26 janvier 2015 modifiant l’arrêté du 30 avril 2010 portant organisation du secrétariat général des ministères économiques et financiers et l’arrêté du 17 juillet 2013 portant organisation du service des achats de l’État (JO du 28 janvier 2015)
Jurisprudence européenne CJUE Marchés publics – Notion et passation Caractère onéreux du contrat – Contre-prestation consistant dans le remboursement des frais encourus pour fournir le service convenu – Activité de transport sanitaire d’urgence réservée aux associations de bénévolat CJUE 11 décembre 2014, Azienda sanitaria locale n° 5 « Spezzino », ANPAS, Regione Ligura c/ San Lorenzo Soc. Coop. Sociale, Croce verde Cogema cooperativa sociale Onlus, aff. C-113/13
X Par une décision du 9 février 2010, la région italienne de Ligurie a approuvé un accord-cadre régional conclu entre l’ANPAS, le CIPAS et la Croix rouge italienne représentant les associations de bénévolat, d’une part, et les associations de bénévolat, d’autre part, en application de la législation régionale. Cet accord fixe les modalités des conventions particulières devant être conclues entre les agences sanitaires et hospitalières régionales et ces associations. Il a été mis en œuvre le 22 décembre 2010 par l’autorité sanitaire locale ASL n° 5 « Spezzino » à travers la conclusion, avec deux organisations bénévoles (l’ANPAS et la Croix rouge italienne), de conventions relatives à la prestation de services de transport sanitaire d’urgence et d’extrême urgence. Deux sociétés coopératives ayant une activité de services de transport sanitaire dans la région de Ligurie ont saisi le juge administratif d’un recours visant à contester l’attribution directe de ces marchés, sans aucune publicité, par ASL n° 5. En l’espèce, le Conseil d’État italien demande à la Cour de justice si une disposition nationale qui exige des autorités publiques, sous certaines conditions, qu’elles attribuent les services de transport sanitaire directement aux organisations bénévoles est compatible avec les dispositions de l’Union concernant les marchés publics, d’une part, et la concurrence, d’autre part. Cette juridiction
10
Retrouvez la veille sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
s’interroge en particulier sur la qualification en marchés publics des conventions litigieuses et, plus précisément, sur leur caractère onéreux, eu égard au fait que l’exécution de celles-ci donne lieu à des remboursements de frais fixes.
AV 8djg XdchiViZ! | i^igZ eg a^b^cV^gZ! fjZ aÉVXXdgY" cadre en cause au principal relève, de façon général, du champ d’application matériel de la directive 2004/18 et, en particulier de la qualification juridique de marchés publics. Par ailleurs, elle rappelle que la circonstance selon laquelle ledit accord-cadre et ses conventions d’application ne prévoient que des remboursements de coûts n’est pas décisive dans la qualification en marchés publics. Autrement dit, l’accord-cadre régional ainsi que les conventions qui en découlent, rentrent, en principe, dans le champ des marchés publics du droit de l’Union, même si les coûts devant être remboursés aux associations par les autorités publiques se limitent uniquement aux coûts directement liés au service fourni. La Cour insiste également sur le fait que, du moment où l’accord-cadre présente un intérêt transfrontalier suffisant, c’est-à-dire que la valeur des services de transport (relevant de l’annexe II A) et celle des services médicaux (figurant à l’annexe II B) excède le seuil fixé à l’article 7 de la directive 2004/18, il doit être passé conformément aux règles procédurales de la directive 2004/18. Toutefois, une distinction est à opérer selon la valeur respective des services de transport et des services médicaux. Dans le cas où la valeur des services de transport de l’annexe II A dépasse celle des services médicaux de l’annexe II B, les autorités doivent alors attribuer l’accordcadre après publicité et mise en concurrence des entreprises. Ainsi, en l’espèce, la règlementation de l’Union s’oppose à la législation italienne qui permet aux autorités locales de confier la fourniture des services de transport sanitaire d’urgence et d’extrême urgence par priorité et par voie d’attribution directe, en l’absence de publicité, aux organismes de bénévolat conventionnés. En revanche, si la valeur des services de transport est inférieure à celle des services médicaux, seuls sont alors applicables le principe d’égalité de traitement du Traité UE ainsi que l’obligation de transparence qu’il implique ; à condition toutefois que ce marché présente bien un intérêt transfrontalier certain. En l’espèce, la juridiction de renvoi n’ayant pas vérifié l’existence d’un intérêt transfrontalier certain aux vues des données factuelles, la Cour lui rappelle les critères objectifs permettant de l’identifier tels que, le montant d’une certaine importance du marché au regard du lieu d’exécution des travaux ou des caractéristiques techniques du marché, ou bien encore l’introduction de plaintes par des opérateurs situés dans d’autres États membres (point 49 de l’arrêt). Au demeurant, la Haute juridiction juge que le système de conventionnement instauré, en l’espèce, par la législation italienne est contraire aux objectifs de libre concurrence et de libre circulation des services poursuivis, tant par la droit primaire que par le droit dérivé de l’Union, en ce qu’il permet d’attribuer directement et prioritairement, donc
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Veille Jurisprudence nationale
sans transparence, aux organismes de bénévolat conventionnés un marché de service de transport sanitaire (point 52). Au surplus, le juge de l’Union rappelle que si, en principe, les États membres ne peuvent ériger aucune mesure légale restrictive des libertés fondamentales dans le domaine de la santé, ils bénéficient toutefois d’une marge de manœuvre. Ainsi, en application de la jurisprudence Sodemare (CJCE 17 juin 1997, aff. C-70/95, Rec. 1997, p. 301), les autorités nationales peuvent, dans l’aménagement de leur système de santé publique et de sécurité sociale, déroger notamment à la libre prestation de services à une double condition. Premièrement, le mode particulier d’organisation du système doit effectivement répondre à l’objectif d’accessibilité et de qualité des soins de santé. Deuxièmement, il vise à maintenir l’équilibre financier du système de sécurité sociale selon le principe d’efficacité budgétaire. En l’espèce, la Cour estime que le mode d’organisation du service de transport sanitaire en Ligurie, qui prévoit le recours aux associations de bénévolat remplit bien ces deux conditions. En effet, il correspond, d’une part, à la finalité exclusivement sociale du service de transport sanitaire d’urgence et d’autre part, il contribue à la maîtrise des coûts liés à ce service (points 59 et 60). La Cour précise, par ailleurs, que le recours aux associations de bénévolat implique nécessairement que ces dernières : – ne poursuivent aucun but lucratif, même indirect ; – ne réalisent aucun profit du fait de leurs prestations ; – respectent strictement le droit national du travail quand elles n’ont d’autre choix que de faire appel à des travailleurs (points 61 et 62).
Jurisprudence nationale Conseil constitutionnel Réforme du droit des obligations et des contrats Habilitation législative – Modernisation et simplification du droit des contrats – Sécurité juridique Conseil constitutionnel, décision n° 2015-710 DC du 12 février 2015, Loi relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures
X Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l’article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, par 60 sénateurs contestant la conformité à la Constitution de l’article 8 de la loi relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. Aux termes de l’article 8, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour modifier la structure et le contenu du livre III du Code civil, afin de moderniser, de simplifier, d’améliorer la lisibilité, de renforcer l’accessibilité du droit commun des contrats, du régime des obligations et du droit de la preuve, de garantir la sécurité juridique et l’efficacité de la norme. Cet article 8 détaille le contenu de la réforme projetée en 13 points.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
« 1° Affirmer les principes généraux du droit des contrats tels que la bonne foi et la liberté contractuelle ; énumérer et définir les principales catégories de contrats ; préciser les règles relatives au processus de conclusion du contrat, y compris conclu par voie électronique, afin de clarifier les dispositions applicables en matière de négociation, d’offre et d’acceptation de contrat, notamment s’agissant de sa date et du lieu de sa formation, de promesse de contrat et de pacte de préférence ; « 2° Simplifier les règles applicables aux conditions de validité du contrat, qui comprennent celles relatives au consentement, à la capacité, à la représentation et au contenu du contrat, en consacrant en particulier le devoir d’information et la notion de clause abusive et en introduisant des dispositions permettant de sanctionner le comportement d’une partie qui abuse de la situation de faiblesse de l’autre ; « 3° Affirmer le principe du consensualisme et présenter ses exceptions, en indiquant les principales règles applicables à la forme du contrat ; « 4° Clarifier les règles relatives à la nullité et à la caducité, qui sanctionnent les conditions de validité et de forme du contrat ; « 5° Clarifier les dispositions relatives à l’interprétation du contrat et spécifier celles qui sont propres aux contrats d’adhésion ; « 6° Préciser les règles relatives aux effets du contrat entre les parties et à l’égard des tiers, en consacrant la possibilité pour celles-ci d’adapter leur contrat en cas de changement imprévisible de circonstances ; « 7° Clarifier les règles relatives à la durée du contrat ; « 8° Regrouper les règles applicables à l’inexécution du contrat et introduire la possibilité d’une résolution unilatérale par notification ; « 9° Moderniser les règles applicables à la gestion d’affaires et au paiement de l’indu et consacrer la notion d’enrichissement sans cause ; « 10° Introduire un régime général des obligations et clarifier et moderniser ses règles ; préciser en particulier celles relatives aux différentes modalités de l’obligation, en distinguant les obligations conditionnelles, à terme, cumulatives, alternatives, facultatives, solidaires et à prestation indivisible ; adapter les règles du paiement et expliciter les règles applicables aux autres formes d’extinction de l’obligation résultant de la remise de dette, de la compensation et de la confusion ; « 11° Regrouper l’ensemble des opérations destinées à modifier le rapport d’obligation ; consacrer, dans les principales actions ouvertes au créancier, les actions directes en paiement prévues par la loi ; moderniser les règles relatives à la cession de créance, à la novation et à la délégation ; consacrer la cession de dette et la cession de contrat ; préciser les règles applicables aux restitutions, notamment en cas d’anéantissement du contrat ; « 12° Clarifier et simplifier l’ensemble des règles applicables à la preuve des obligations ; en conséquence, énoncer d’abord celles relatives à la charge de la preuve, aux présomptions légales, à l’autorité de chose jugée, aux conventions sur la preuve et à l’admission de la preuve ;
Retrouvez la veille sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
11
Veille Jurisprudence nationale
préciser, ensuite, les conditions d’admissibilité des modes de preuve des faits et des actes juridiques ; détailler, enfin, les régimes applicables aux différents modes de preuve ; « 13° Aménager et modifier toutes dispositions de nature législative permettant d’assurer la mise en œuvre et de tirer les conséquences des modifications apportées en application des 1° à 12° ». L’habilitation donnée au Gouvernement pour modifier par voie d’ordonnance le livre III du Code civil concerne une profonde réforme du droit des obligations et des contrats. Les requérants estimaient dans leur saisine que l’habilitation excède, en raison de son ampleur et de l’importance que revêt dans l’ordre juridique le droit des contrats et des obligations, les limites qui résultent de l’article 38 de la Constitution en matière de recours aux ordonnances. Le Conseil constitutionnel a rejeté ce moyen en considérant que cette habilitation ne méconnaît pas les exigences qui résultent de l’article 38 de la Constitution. Il a aussi rejeté le moyen tiré du fait que la sécurité juridique serait méconnue compte tenu des modifications qui pourraient être apportées au droit des contrats et des obligations par le Parlement à l’occasion de la ratification de l’ordonnance. Après avoir rappelé l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le Conseil a indiqué que le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit à la condition de poursuivre un but d’intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions. De plus, le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789. À NOTER L’article 8 de la loi habilitant le gouvernement à procéder à une importante et profonde réforme du droit des contrats ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle et est conforme à la constitution.
Conseil d’État Marché – Passation – Candidat irrégulièrement évincé – Calcul de l’indemnité CE 19 janvier 2015, Sté Spie Est, req. n° 384653
X La société Spie Est a contesté, devant le Conseil d’État, le mode de calcul du manque à gagner consécutif à son éviction irrégulière d’un marché relatif à l’exploitation d’installations de chauffage collectif.
La décision. L’entreprise candidate à l’attribution d’un marché public qui a été irrégulièrement évincée de ce marché qu’elle avait des chances sérieuses d’emporter a droit à être indemnisée de son manque à gagner. Ce manque à gagner doit être déterminé en prenant en compte le bénéfice net qu’aurait procuré ce marché à
12
Retrouvez la veille sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
l’entreprise. L’indemnité due à ce titre, qui ne constitue pas la contrepartie de la perte d’un élément d’actif mais est destinée à compenser une perte de recettes commerciales, doit être regardée comme un profit de l’exercice au cours duquel elle a été allouée et soumise, à ce titre, à l’impôt sur les sociétés. En jugeant qu’il convenait d’évaluer le manque à gagner de la société Spie Est à partir de son résultat d’exploitation, après déduction de l’impôt sur les sociétés, la CAA a entaché son arrêt d’erreur de droit. Marché de travaux – Règlement financier – Notification du décompte CE 19 janvier 2015, Commune de Châteauneuf, req. n° 374659
X Une commune a confié à une société l’installation d’un générateur photovoltaïque. Le maître d’ouvrage a notifié à cette société un décompte général, retenant des pénalités de retard, par lettre recommandée avec accusé de réception. La commune a émis un titre exécutoire à l’encontre de la société au titre du solde du marché. La CAA de Lyon a annulé le titre exécutoire et condamné la commune à indemniser la société.
La décision. Aux termes de l’article 13.42 du CCAG applicable aux marchés publics de travaux, approuvé par le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 et alors en vigueur : « Le décompte général signé par la personne responsable du marché doit être notifié à l’entrepreneur par ordre de service avant la plus tardive des deux dates ci-après : quarante-cinq jours après la date de remise du projet de décompte final ; trente jours après la publication de l’index de référence permettant la révision du solde (...) ». Ces dispositions n’imposent pas que le décompte général soit notifié par le maître d’œuvre. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la société a reçu notification du décompte général de son marché, signé par le maître d’œuvre, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée par le maître d’ouvrage. En se fondant sur la seule circonstance que le décompte général n’avait pas été notifié par le maître d’œuvre pour en déduire que cette notification était irrégulière et que, de ce fait, le décompte reçu par la société ne pouvait être regardé comme définitif, la CAA de Lyon, a commis une erreur de droit.
Jurisprudence nationale Cours administratives d’appel Calcul du retard donnant lieu au versement de pénalités définitives Pénalités de retard – Décomptes généraux et définitifs – Calcul du délai global contractuel d’exécution CAA Lyon 8 janvier 2015, SARL Chevillard et Fils, req. n° 14LY00293
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Veille Jurisprudence nationale
X Le TA de Dijon a arrêté le montant des décomptes généraux et définitifs établis par la commune de Sauvigny-le-Bois au titre des lots n° 8 et 11 du marché de construction d’un groupe scolaire, attribués à la SARL C. par actes d’engagement. La société requérante demande à la Cour que la commune de Sauvigny-le-Bois soit condamnée à lui verser une somme retenue au titre des pénalités de retard.
Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d’œuvre (article 20.1 du CCAG travaux approuvé par le décret n° 76-78 du 21 janvier 1976). L’article 4.3 du même CCAG annexé aux contrats évalue par jour de retard dans l’achèvement des travaux, la pénalité à 3/1000e du montant HT de son marché, sachant que le maintien final du délai est subordonné au respect de la cadence et de l’échelonnement des travaux fixés par le calendrier d’exécution. Tout dépassement en cours d’exécution des délais correspondant aux phases de travaux qui y sont figurées, donne le droit au maître de l’ouvrage d’exiger de l’entrepreneur responsable du retard la constitution immédiate d’une provision de pénalité qui est effectuée par une retenue sur le montant de l’acompte. Pour l’application des pénalités, le délai à prendre à compte court à partir de l’ordre de service se rapportant à la date retenue pour l’achèvement des travaux, compte tenu du délai global contractuel. L’article 3 des actes d’engagement des contrats relatifs aux lots n° 8 et 11 prévoit que le délai d’exécution de l’ensemble des lots est de 22 mois suivant CCAP, hors période de préparation, et hors congés et intempéries. Au cours du chantier et avec l’accord des différents titulaires concernés, le maître d’œuvre peut modifier le calendrier détaillé d’exécution, dans la limite du délai d’exécution de l’ensemble des lots fixé à l’article 3 de l’acte d’engagement. Les juges de la Cour vérifient qu’il ne ressort pas de l’instruction que la SARL C. ait entendu renoncer à l’application du délai global contractuel de 22 mois et à la déduction, pour ce calcul, des périodes de congés payés et d’intempérie (S. Dyens, « La distinction entre durée et délai d’exécution dans les marchés publics de travaux : une coquetterie de juristes ? », Contrats publics – Le Moniteur, n° 150, janvier 2015, p. 18). Le fait qu’elle ait signé l’ordre de service n° 1, l’invitant à démarrer l’exécution des prestations du marché, à compter de l’achèvement de la phase de préparation des travaux, et prévoyant l’achèvement des travaux 22 mois plus tard, ne peut être regardée comme étant le consentement à l’abandon de la neutralisation des périodes de congés payés et d’intempérie prévue par les contrats. Il est alors constaté que la commune ne peut utilement se prévaloir, pour le calcul des pénalités définitives, du non-respect du calendrier détaillé d’exécution qui pouvait uniquement justifier que soient retenues des provisions, au cours de l’exécution du chantier. Le délai global d’exécution, compte tenu des congés payés et des intempéries, étant fixé à une date postérieure à l’achèvement des travaux de ses lots, la commune n’est pas fondée à soutenir qu’il existe des retards de nature à justifier l’application de pénalités dans le cadre du décompte général et définitif.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
À NOTER Le retard de nature à donner lieu à l’application de pénalités définitives, à l’occasion de l’édiction du décompte général et définitif, doit être calculé au regard de ce délai global contractuellement défini, et non au regard des délais de fin de travaux mentionnés dans les calendriers détaillés d’exécution successivement établis.
Réparation des désordres sur le fondement de la garantie décennale Responsabilité solidaire des constructeurs – Identification des désordres – Abattement et coefficient de vétusté applicables à l’indemnité (non) CAA Douai 20 janvier 2015, Hitachi Zosen Inova AG et Inova SAS, req. n° 13DA01246
X Le syndicat mixte d’élimination des déchets de l’arrondissement de Rouen (SMEDAR), a confié au groupement d’entreprises constitué, à la date de l’arrêt, par les sociétés H. et la société I., la fourniture et l’installation des trois chaudières de l’unité de valorisation énergétique (UVE) dont l’exploitation a été confiée à la SNVE. Le TA de Rouen a condamné les sociétés requérantes à verser solidairement à la SNVE, subrogée dans les droits du SMEDAR, la somme de 3 639 595,44 euros TTC en réparation des désordres affectant l’unité de valorisation énergétique que cette société exploite.
L’examen du détail de la nature des travaux réalisés par les sociétés requérantes permet aux juges d’appel d’estimer que cet ensemble immobilier constitue un ouvrage qui a sa destination propre, au sens des principes dont s’inspire l’article 1792 du Code civil. Les désordres affectant la production ou le traitement de vapeur sont susceptibles d’entrer dans le champ de la garantie décennale due par les constructeurs de l’ouvrage (Ph. Terneyre, « Contenu de la garantie décennale », feuillets mobiles droit des marchés publics, VI.320.4, septembre 2013). Les sociétés H. et I. ne sont pas fondées à soutenir que les économiseurs seraient des équipements dissociables de l’ouvrage. La dégradation généralisée des conduites compromet la solidité de l’ouvrage, les déperditions constatées sur les économiseurs affectent la performance des chaudières et, par suite, rendent l’ouvrage impropre à sa destination. Certes, des fuites étaient survenues avant la réception des travaux ou entre la réception des travaux et la levée des réserves. Toutefois, les manifestations de ces désordres ne pouvaient être appréhendées dans toute leur ampleur au moment de la réception des travaux. Il résulte de l’instruction, pour la Cour, que les désordres trouvent leur origine dans un défaut de conception et de construction et « aucun élément du dossier » ne démontre que l’ignorance par l’exploitant des préconisations d’utilisation des chaudières, à la supposer établie, ne soit à l’origine de l’apparition des désordres en litige. La responsabilité solidaire des entreprises est retenue pour la réparation des désordres sur le fondement de la garantie décennale. Les juges doivent préciser si le TA aurait dû tenir compte d’une plus-value apportée à l’UVE pour réaliser un abattement sur les indemnités mises à la charge des entrepreneurs responsables des désordres auxquels
Retrouvez la veille sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
13
Veille Jurisprudence nationale
lesdits travaux doivent mettre fin. Ils vérifient que les travaux nécessaires pour rendre l’ouvrage conforme à sa destination n’ont pas apporté à l’ouvrage une plus-value par rapport à la valeur des ouvrages et installations prévues au contrat. Ensuite, les juges s’attachent à indiquer que le coût du remplacement des économiseurs ne correspond pas à d’autres travaux que ceux strictement nécessaires pour mettre en conformité l’installation avec les spécifications du marché. Enfin, ils établissent qu’il n’y a pas lieu d’appliquer au montant de l’indemnité un coefficient de réduction pour tenir compte de la vétusté de ces installations. À NOTER En vertu des principes dont s’inspirent l’article 1792 du Code civil, lorsque des désordres de nature à compromettre la solidité d’un ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination sont survenus dans un délai de dix ans à compter de la réception de celui-ci, les constructeurs en sont responsables de plein droit envers le maître d’ouvrage, sauf à s’exonérer de leur responsabilité en établissant que les désordres résultent d’une cause étrangère à leur intervention.
Indemnisation pour travaux supplémentaires Maîtrise d’œuvre – Obligation de mise en demeure préalable de production du décompte définitif – Modification des prestations ayant fait l’objet du forfait de rémunération-indemnisation sur la base d’un taux de rémunération (non) – Calcul des intérêts moratoires et de leur capitalisation CAA Douai 22 janvier 2015, SARL Société Arc Ame, req. n° 14DA00324
X L’office public de l’habitat dénommé Pas-de-Calais Habitat a confié la maîtrise d’œuvre d’une opération de construction d’une résidence universitaire et d’un logement de fonction à Arras, dont il était maître d’ouvrage, à un groupement dont la société d’architecture A. était le mandataire. À la suite d’un différend sur le règlement du marché, la société A. a saisi le TA de Lille qui a rejeté sa requête, rejet confirmé par un arrêt de la CAA de Douai, lui-même annulé par une décision du 10 février 2014 du Conseil d’État. Celui-ci a retenu une erreur de droit car en l’absence de signature d’un avenant, la société Arc Ame ne pouvait prétendre à une augmentation de sa rémunération liée à des prestations supplémentaires. Le Conseil d’État a renvoyé l’affaire à la CAA pour qu’elle statue à nouveau sur la requête d’appel de la société A. demandant l’annulation du jugement du TA de Lille et la condamnation de Pas-de-Calais Habitat à lui verser une somme correspondant à des travaux de maîtrise d’œuvre effectués par elle en plus des prestations prévues au marché.
La Cour se prononce dans un premier temps sur la recevabilité de la demande de la société Arc Ame devant le TA de Lille. Lorsque le maître de l’ouvrage n’établit pas le décompte général, il appartient à l’entrepreneur, préalablement à toute saisine du juge, par un mémoire en réclamation au sens de l’article 40.1 du CCAG PI, de mettre le maître de l’ouvrage en demeure d’y procéder. Il n’en est pas de même lorsque ce décompte est irrégulier si, par exemple, il ne comprend pas l’ensemble des éléments devant figurer dans le décompte général en application de l’article 6.3.2 du CCAP. La société A. n’ayant pas eu à
14
Retrouvez la veille sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
mettre en demeure l’office public de l’habitat d’établir un nouveau décompte général, Pas-de-Calais Habitat n’est pas fondé à soutenir que sa demande devant le TA de Lille était irrecevable, en l’absence de mise en demeure préalable de produire le décompte général définitif. La demande de la société Arc Ame devant les premiers juges était, de plus, bien recevable puisque précédée d’un courrier à la société Pas-de-Calais Habitat constituant un mémoire de réclamation au sens de l’article 40.1 du CCAG PI ; c’est-à-dire ayant pour objet le règlement du solde du marché résultant des travaux supplémentaires exécutés, faisant état du fondement de la réclamation ainsi que du montant des sommes demandées. Le titulaire d’un contrat de maîtrise d’œuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l’ensemble de ses charges ainsi que le bénéfice qu’il en escompte et seule une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l’ouvrage peut donner lieu, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération (article 9 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 et article 30 du décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993). Le maître d’œuvre, qui effectue des missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d’œuvre et qui n’ont pas été décidées par le maître d’ouvrage, n’a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations que lorsque, soit elles ont été indispensables à la réalisation de l’ouvrage selon les règles de l’art, soit le maître d’œuvre a été confronté dans l’exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l’économie du contrat. Les juges de la Cour constatent que le forfait de rémunération du groupement a été définitivement fixé par l’acte d’engagement mais qu’il résulte de l’instruction et notamment des comptes rendus de réunion de chantier qu’à la suite de demandes successives de modification des prestations émanant du maître d’ouvrage, le coût final des travaux s’est élevé à la somme supérieure. En conséquence, la société A. a droit à être indemnisée des prestations supplémentaires de maîtrise d’œuvre qui ont été utiles à l’exécution de ces modifications. Il va être nécessaire de déterminer la base d’évaluation de l’indemnisation. Le forfait de rémunération du groupement a été défini par l’acte d’engagement sans faire référence à un taux de rémunération. Le CCAP précisant que ce forfait est définitif (article 4), la société requérante n’est pas fondée à demander une indemnisation sur cette base. Les juges calculent l’indemnisation sur la base du coût réel des modifications induisant, pour la société requérante, un surcoût lors de la phase « études » et des travaux supplémentaires au cours de l’exécution de la phase « travaux », à la suite de la signature de 7 avenants. Avant d’évaluer la somme finalement due, les juges précisent d’ailleurs que ces différentes prestations réalisées par la société A. ont « été utiles à l’exécution des modifications décidées par le maître d’ouvrage ». Il est à noter que les juges fixent la somme due par le maître d’ouvrage au maître d’œuvre à une valeur supérieure de plus de 20 000 euros TTC à la demande indemnitaire formée par la requérante. C’est donc cette dernière qui lui sera allouée.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Veille Jurisprudence nationale
Le défaut de paiement, dans un délai de 45 jours, des sommes dues par le maître d’ouvrage fait courir de plein droit les intérêts moratoires fixés conformément aux dispositions réglementaires (article 6.4 du CCAP du marché en litige, article 1er du décret n° 2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics pris pour l’application de l’article 96 du Code des marchés publics, dans sa rédaction alors applicable). Pour le calcul des intérêts moratoires contractuels et de leur capitalisation, les juges décomptent le délai de 45 jours à partir de la date de réception de la notification du mémoire en réclamation de la société A. La capitalisation est due à partir de la première demande formulée dans son mémoire enregistré au greffe, ainsi qu’à chaque échéance annuelle à compter de cette date. À NOTER Dans l’hypothèse où une modification du programme ou des prestations a été décidée par le maître de l’ouvrage, le droit du maître d’œuvre à l’augmentation de sa rémunération est uniquement subordonné à l’existence de prestations supplémentaires de maîtrise d’œuvre utiles à l’exécution des modifications décidées par le maître de l’ouvrage. Ce droit n’est subordonné, ni à l’intervention de l’avenant qui doit normalement être signé ni même, à défaut d’avenant, à une décision par laquelle le maître d’ouvrage donnerait son accord sur un nouveau montant de rémunération du maître d’œuvre.
le marché indique la répartition des prestations entre les membres du groupement. Si tel n’est pas le cas, le juge administratif est également compétent pour connaître des actions en garantie entre les constructeurs, quand bien même la répartition des prestations résulterait d’un contrat de droit privé conclu entre eux, hormis le cas où la validité ou l’interprétation de ce contrat soulèverait une difficulté sérieuse. Ainsi, et dès lors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans le silence du marché sur ce point, la répartition des prestations incombant respectivement aux membres du groupement de maîtrise d’œuvre, cocontractant de la commune pour la construction d’une école élémentaire, reposerait sur des accords dont la validité ou l’interprétation soulèverait une difficulté sérieuse, les actions en garantie engagées l’un envers l’autre devant le juge administratif dans le cadre du litige les opposant à l’assureur de la commune, subrogé dans ses droits, relèvent de la compétence du juge administratif.
Jurisprudence nationale Juridictions financières CRC Auvergne – Rhône Alpes Rapport d’observations définitives – septembre 2014 Contrat de partenariat – Périmètre et réalisation
Jurisprudence nationale Tribunal des conflits Contentieux – Action en garantie entre membres d’un groupement – Compétence du juge administratif TC 9 février 2015, Société Ace European Group Limited c/ M. Targe et autres, n° 3983
X Le juge de la mise en état du TGI a décliné la compétence du juge judiciaire pour connaître de l’action de la société ACE Insurance, assureur « dommages-ouvrage » d’une commune subrogé dans ses droits, contre les constructeurs d’une école communale affectée de désordres. Ce juge a également décliné la compétence du juge judiciaire pour connaître des actions en garantie engagées par les constructeurs entre eux. La cour d’appel a confirmé cette ordonnance. Saisi par la société ACE Insurance, le TA a réglé le litige entre cette société, subrogée dans les droits de la commune, et les constructeurs mais s’estimant incompétent pour connaître des actions en garantie présentées l’un envers l’autre par les deux membres du groupement de maîtrise d’œuvre, a sursis à statuer sur leurs conclusions et renvoyé au Tribunal des conflits le soin de décider de la question de compétence en application de l’article 34 du décret du 26 octobre 1849.
La décision. Lorsque le juge administratif est saisi d’un litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics opposant le maître d’ouvrage à des constructeurs qui ont constitué un groupement pour exécuter le marché, il est compétent pour connaître des actions en garantie engagées par les constructeurs les uns envers les autres si
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Centre hospitalier de Roanne (CHRO) En 2007, le CHRO a choisi de confier à un opérateur privé la conception, le financement, la réalisation et l’exploitation-maintenance d’un pôle énergie dans le cadre d’un contrat de partenariat, signé pour 18 ans. Une clause du contrat prévoyait également la maintenance d’une station déjà existante et faisant l’objet d’un crédit-bail. Au terme du crédit-bail en 2013, le contrat de partenariat a été modifié, attribuant le statut de producteur d’électricité et le coût de remplacement du moteur de la station de cogénération à l’entreprise signataire. La chambre interroge cette modification de périmètre du contrat qui, indépendamment de toute éventuelle complexité, aurait dû donner lieu à une nouvelle procédure de marché, et souligne le déséquilibre économique induit par l’avenant. La chambre questionne également une condition du contrat initial, reconduite, qui permet à l’entreprise de bénéficier pour un euro symbolique de la mise à disposition de biens publics, la gratuité de cette mise à disposition étant interdite par l’article L. 2125-1 du CG3P. CRC Pays de la Loire Rapport d’observations définitives – octobre 2014 Délégation de service public Commune de Saint-Jean-de Monts La chambre régionale des comptes des Pays de la Loire a mis en exergue une problématique similaire liée à l’absence de redevance pour occupation du domaine public, dans le cadre de l’analyse de la délégation de service public conclue par la commune de Saint-Jean-de-Monts pour l’exploitation, l’entretien et certains travaux relatifs à
Retrouvez la veille sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
15
Veille Jurisprudence nationale
ses équipements sportifs, culturels, de loisirs ou à vocation touristique. La SEM délégataire, dont la commune possède 64 % du capital, bénéficie par ailleurs de redevances conséquentes pour sujétions de service public, sans que ces dernières aient été mises en question. CRC Ile de France Rapport d’observations définitives – août 2014 Concession d’aménagement Commune de Bagneux
CRC Pays de la Loire Rapport d’observations définitives – septembre 2014 Partenariat public privé Commune de Thouaré sur Loire
La commune de Bagneux a confié la réalisation d’une ZAC au principal bailleur social œuvrant sur son territoire dans le cadre d’une concession d’aménagement. Des d’études préalables suffisamment précises auraient permis d’objectiver les risques et de justifier le recours à cette procédure. La rédaction contradictoire de la convention ouvre par ailleurs la possibilité d’une participation financière du délégant, ce qui est susceptible de modifier l’équilibre économique de cette concession.
La commune de Thouaré sur Loire a conclu un contrat de partenariat pour le développement et l’aménagement de son centre bourg. Le choix de cette procédure n’est pas justifié, d’autant qu’à l’absence des critères habituels (urgence, complexité et avantage économique) s’ajoute une interrogation sur le caractère de service public d’une opération susceptible d’intégrer la construction de bâtiments d’ordre privé. Par ailleurs, certaines irrégularités ont pu être relevées quant au respect des critères de sélection des offres.
CRC Bretagne Rapport d’observations définitives – septembre 2014
CRC Ile de France Rapport d’observations définitives – octobre 2014
Commande publique
Commande publique
Centre dramatique de Bretagne
Commune de Saint-Maur-des-Fossés
Le centre dramatique de Bretagne est géré par une SARL. Ses actionnaires sont majoritairement des structures publiques, ce qui interroge sur la pertinence de la forme juridique retenue, tout en justifiant par ailleurs l’obligation pour le centre dramatique de respecter les grands principes de la commande publique.
La définition des besoins est un préalable indispensable pour respecter les règles de marchés publics, choisir les procédures les plus pertinentes et optimiser l’achat public. La chambre rappelle notamment l’intérêt pour la collectivité de rapprocher des demandes apparemment diverses mais pouvant constituer des besoins homogènes au sens de la nomenclature européenne CPV.
CRC Midi-Pyrénées Rapport d’observations définitives Commande publique – Transfert de maîtrise d’ouvrage Communauté de communes de la vallée du Louron La chambre rappelle qu’une SEM peut reprendre la maîtrise d’ouvrage d’un projet initialement détenue par son actionnaire principal (collectivité ou EPCI) à condition d’une part que ce projet entre dans le cadre de son objet statutaire, et d’autre part qu’elle respecte les règles de la commande publique, considérations méconnues au cas d’espèce. CRC Ile de France Rapport d’observations définitives – septembre 2014 Commande publique Chambre de métiers et de l’artisanat de Paris Pour la réalisation de son site internet la chambre de métiers et de l’artisanat de Paris a conclu un marché principal, puis trois marchés complémentaires avec le même prestataire. La CRC rappelle que la conclusion de marchés complémentaires sans publicité ni mise en concurrence répond à des conditions particulières définies par le Code des marchés publics. Ainsi, les prestations doivent être devenues nécessaires, à la suite d’une circonstance imprévue, et ne pas pouvoir être techniquement ou économiquement séparées du service principal sans inconvénient majeur pour le pouvoir adjudicateur. Si ces services
16
sont séparables, ils doivent être strictement nécessaires au parfait achèvement du marché initial. Par ailleurs, le montant cumulé de ces marchés complémentaires ne doit pas dépasser 50 % du montant du marché initial.
Retrouvez la veille sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
CRC Corse Rapport d’observations définitives – mai 2014 Commande publique Syndicat mixte pour la valorisation des déchets de Corse (SYVATEC) L’analyse des marchés de transport et de stockage des déchets met en évidence la situation de quasi-monopole auquel le syndicat fait face, la prévalence de candidatures uniques en réponse à ses appels d’offres ne lui permettant pas de faire jouer la concurrence et de bénéficier de tarifs proches des conditions habituellement négociées en métropole. CTC Polynésie française Rapport d’observations définitives – octobre 2014 Commande publique Polynésie française La loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française a créé pour cette collectivité des obligations et des droits vis-à-vis de ses communes, de leurs groupements ou de leurs établissements publics, se traduisant notamment par l’élaboration de règles de droit spécifiques. La chambre a constaté la carence de mise en œuvre de ces mesures, notamment au regard de la commande publique, seules les délégations de service faisant à ce jour l’objet d’un cadre réglementaire.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier
Pièces et renseignements demandés aux candidats
Retrouvez les textes cités sur
Les articles 45 et suivants du Code des marchés publics contiennent un certain nombre d’indications concernant les documents que les candidats peuvent être amenés à communiquer aux acheteurs publics. Cependant, des distinctions doivent être opérées. En effet, il faut, s’agissant des documents exigibles, distinguer les marchés dits « traditionnels » des marchés de défense, dissocier les phases d’examen des candidatures, d’analyse des offres et d’attribution des marchés. Enfin, cette thématique soulève un certain nombre de questions : les listes de pièces figurant dans le CMP sont-elles limitatives ? Quelles sont les incidences de l’inexactitude des renseignements communiqués ? Les directives marchés contiennent-elles de nouvelles dispositions concernant les pièces à fournir par les candidats… ?
Les documents pouvant être demandés aux candidats .............................................
18
Sophie Guillon-Coudray
Les pièces exigées à l’appui des candidatures : la preuve d’exemplarité sociétale et d’aptitude des entreprises .......................................................................
22
Emmanuel Lambert et Arnaud Latrèche
Pièces et renseignements fournis par un candidat placé en redressement judiciaire.........................................................................................................................
27
Pierre-Manuel Cloix
Les listes de pièces et documents figurant dans le CMP sont-elles limitatives ? .................................................................................................
31
Jacques Dabreteau et Olivia Le Baube
Documents exigibles : ne pas confondre examen des candidatures et analyse des offres .....................................................................................................
36
Sylvain Boueyre
Documents demandés aux candidats dans le cadre des marchés de défense ........
41
Pierre de Baecke
Opportunité et modalités de présentation d’un sous-traitant lors de la passation des marchés publics ...................................................................
45
Vincent Michelin et Christophe Cabanes
Inexactitude des renseignements fournis : conséquences .......................................
50
Nicolas Fouilleul
Les pièces à fournir par les candidats retenus ..........................................................
55
Maximilien Godgenger
Directives marches publics : quelles nouveautés concernant les pièces et documents demandés aux candidats ? ...................................................................
59
Julien Bosquet
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Retrouvez le dossier sur
17
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
Les documents pouvant être demandés aux candidats Afin de vérifier les capacités financières, techniques et professionnelles, les pouvoirs adjudicateurs peuvent exiger des candidats la production de différentes pièces et documents. Cependant, un certain nombre de dispositions tendent à simplifier la constitution des dossiers de candidature et par là même à restreindre le nombre de documents exigibles.
L
e pouvoir adjudicateur doit contrôler les capacités des candidats à exécuter le marché faisant l’objet d’une procédure de publicité et de mise en concurrence. Cette étape est cruciale pour l’acheteur public puisqu’elle permet de limiter les risques de difficultés d’exécution. Si le droit de la commande publique impose un contrôle des candidatures des opérateurs économiques, cette phase de la procédure ne doit pas écarter des candidats de façon discriminatoire. Pour limiter ce risque, l’article 45 du Code des marchés publics rappelle : « Le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d’évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager. Le pouvoir adjudicateur peut également exiger, si l’objet ou les conditions du marché le justifient, des renseignements relatifs à leur habilitation préalable, ou à leur demande d’habilitation préalable, en application des articles R. 2311-1 et suivants du code de la défense relatifs à la protection du secret de la défense nationale. La liste de ces renseignements et documents est fixée par arrêté du ministre chargé de l’économie ». Cette limitation des documents susceptibles d’être réclamés aux candidats pour évaluer leur expérience et leurs capacités constitue une garantie des principes généraux de la commande publique. Des règles similaires ont été introduites pour les pouvoirs adjudicateurs soumis à l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005(1).
Sophie Guillon-Coudray Avocat associé – Cabinet Coudray
Mots clés 7VhZ YZ Ydcc Zh 8VeVX^i ÒcVcX^ gZ 8Zgi^ÒXVih H^bea^ÒXVi^dc
18
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
Cette étape impose donc aux acheteurs publics de fixer les documents réclamés dans une liste limitative, l’évolution du droit de la commande publique ayant pour objectif de simplifier la tâche des opérateurs économiques afin d’améliorer l’accès aux marchés publics. À titre liminaire, il sera souligné que les règles applicables aux entités adjudicatrices non soumises au Code
(1) Article 17 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
des marchés publics sont différentes. En effet, alors que l’article 45 du Code des marchés publics et l’article 17 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 limitent la liberté de l’acheteur dans les renseignements et documents susceptibles d’être réclamés aux candidats, l’article 18 du décret n° 2005-1308 du 20 octobre 2005 relatif aux marchés passés par les entités adjudicatrices non soumises au code précise : « L’entité adjudicatrice peut demander aux candidats de fournir des renseignements permettant d’évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilités à les engager ».
– permettre aux acheteurs publics la vérification préalable de la capacité des opérateurs économiques pour assurer une bonne exécution du marché.
Ainsi, ces entités disposent d’une simple faculté de réclamer des renseignements au titre de la capacité des candidats ; la liste des documents n’est pas fixée même si l’objectif poursuivi par ces documents est déterminé. La liberté offerte à ces entités adjudicatrices est donc beaucoup plus large et les développements ci-après ne leur sont donc pas applicables.
Le Conseil d’État a toutefois rappelé que, si le juge doit vérifier que les renseignements demandés aux candidats correspondent au moins à l’un de ceux prévus par l’article 1er de l’arrêté du 28 août 2006, l’acheteur public peut réclamer l’imprimé dit « DC2 » qui n’est pas expressément visé par cette liste exhaustive. Mais, dans la mesure où cet imprimé contient notamment les renseignements relatifs à la situation financière du candidat, et plus précisément le chiffre d’affaires hors taxe des trois derniers exercices disponibles avec une distinction entre le chiffre d’affaires global et la part de ce dernier concernant les fournitures, services ou travaux objet du marché, réclamer uniquement cet imprimé au titre de la capacité financière, sans expressément demander la production du chiffre d’affaires, permet de vérifier les capacités financières du candidat(3).
Des capacités appréciées à partir de documents choisis dans une liste exhaustive L’arrêté du 28 août 2006 (NOR : ECOM0620008A) fixe, dans son article 1er une liste précise des renseignements ou documents que le pouvoir adjudicateur peut réclamer en application de l’article 45 du Code des marchés publics ou de l’article 17 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005. Ainsi, l’acheteur public est libre de choisir les documents qu’il souhaite solliciter pour vérifier les capacités des candidats, à supposer que les conditions cumulatives suivantes soient remplies : – il doit respecter la liste fixée par l’article 1er de l’arrêté ministériel du 28 août 2006. Cette liste a un caractère exhaustif et il est parfaitement illégal, pour l’acheteur public, de réclamer un renseignement ou document absent de cet inventaire ; – il doit contrôler chacune des capacités financières, techniques et professionnelles à partir des documents réclamés(2) ; – enfin, les documents exigés au titre de la candidature doivent être objectivement rendus nécessaires par l’objet du marché et la nature des prestations à réaliser. Cette liste exhaustive et le respect de ces conditions susmentionnées ont pour objectif, au titre des documents réclamés aux candidats pour contrôler leurs capacités, de conjuguer deux objectifs bien différents : – permettre aux opérateurs publics de présenter leur candidature à tous les marchés publics qu’ils sont susceptibles d’exécuter, l’égalité d’accès à la commande publique étant ainsi respectée ;
' 8: '. Vkg^a '%&&! <VgYZ YZh HXZVjm! B^c# YZ aV ?jhi^XZ Zi YZh Libertes, req. n° 344617.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Documents exigibles au titre de la capacité financière L’article 1er de l’arrêté en date du 28 août 2006 précise qu’il peut être réclamé aux candidats une déclaration concernant le chiffre d’affaires global et le chiffre d’affaires concernant les fournitures, services ou travaux, objet du marché, réalisés au cours des trois derniers exercices disponibles.
Cette solution ne paraît que confirmer l’évidence mais elle permet toutefois de rappeler que, si la liste des documents réclamés par l’arrêté du 28 août 2006 est exhaustive, le contrôle du juge sur la liste des pièces de la candidature ne doit pas être purement formel. Rappelons que ce renseignement réclamé au titre de la capacité financière peut être complété par la production des bilans ou extraits de bilans des trois dernières années. Ainsi, il est constant que le pouvoir adjudicateur peut réclamer le chiffre d’affaires et les bilans des trois dernières années en application de l’arrêté du 28 août 2006. Il faut dès lors s’interroger sur l’accès à la commande publique des entreprises nouvellement créées qui restent dans l’impossibilité de fournir de tels documents. C’est oublier que le Conseil d’État, au visa des articles 45 et 52 du Code des marchés publics, a jugé que : « Considérant qu’il résulte de ces dispositions que s’il est loisible à l’acheteur public d’exiger la détention, par les candidats à l’attribution d’un marché public, de documents comptables et de références de nature à attester de leurs capacités, il doit néanmoins, lorsque cette exigence a pour effet de restreindre l’accès au marché à des entreprises de création récente, permettre aux candidats qui sont dans l’impossibilité objective de produire les documents et renseignements exigés par le règlement de la consultation, de justifier de leurs capacités financières
( 8: '& [ kg^Zg '%&)! HdX^ i 6! gZf# c (,(%.+ 0 Contrats publics – Le Moniteur! c &))! _j^c '%&)! e# -%! cdiZ M# Ad^g Zi ?# =ZcdX]hWZg\#
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
19
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
et de leurs références professionnelles par tout autre moyen »(4). C’est encore un exemple de la difficulté de rendre compatibles les deux principes susvisés : le contrôle obligatoire de la capacité financière du candidat pour assurer une exécution satisfaisante et l’égalité d’accès à la commande publique. Mais si l’acheteur public doit offrir aux candidats la possibilité de démontrer leurs capacités par tout moyen, il doit malgré tout rejeter cette candidature lorsque ces autres renseignements produits ne sont pas suffisants : ainsi, la production d’une simple attestation de bonne tenue de compte établie sur papier sans en-tête par le conseiller bancaire d’une entreprise nouvellement créée ne suffit pas à démontrer la capacité financière de l’entreprise(5). Au titre de ce dernier principe, le décret n° 2014-1097 en date du 26 septembre 2014 a encadré la liberté du pouvoir adjudicateur dans la définition du niveau minimum de capacité financière. Ainsi, depuis le 1er octobre 2014, le niveau minimal de chiffre d’affaires que l’acheteur public peut imposer ne peut être supérieur à deux fois le montant estimé du marché ou du lot, sauf à apporter des justifications liées à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution. Enfin, rappelons qu’au titre de la capacité financière, le pouvoir adjudicateur peut réclamer une déclaration appropriée de banque ou la preuve d’une assurance pour les risques professionnels.
Sur les capacités techniques et professionnelles À ce titre, le pouvoir adjudicateur peut réclamer des informations relatives aux ressources humaines et aux matériels du candidat(6). Les acheteurs publics sont également autorisés, pour contrôler la capacité technique et professionnelle de l’entreprise, à réclamer une présentation des références sous forme de liste sur trois ans en matière de fournitures et services et sur cinq ans en matière de travaux. Rappelons, à ce titre, que la candidature ne peut être rejetée pour absence de référence en application de l’article 52 du Code des marchés publics, l’acheteur, tout en disposant de la faculté d’imposer la production d’une telle liste de références, devant toutefois laisser les opérateurs économiques lui démontrer leurs capacités par tout moyen.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la liste des pièces susceptibles d’être réclamées aux candidats, en application de l’article 45 du Code des marchés publics, est limitative. Si l’acheteur public est contraint de contrôler les capacités financières, techniques et professionnelles au regard de ces seules pièces rendues nécessaires par l’objet du marché, il doit toutefois laisser les opérateurs économiques lui démontrer leurs capacités par d’autres moyens. La liberté du pouvoir adjudicateur dans son mode de contrôle des capacités du candidat est donc largement limitée par le principe d’égalité d’accès à la commande publique. Ces règles sont applicables que l’on soit en procédure ouverte ou restreinte. En conséquence, le pouvoir adjudicateur, lorsqu’il décide de limiter le nombre de candidats admis à déposer une offre, ne dispose pas d’une plus large liberté dans la liste des renseignements et documents susceptibles d’être réclamés. L’acheteur public ne peut exiger des candidats, pour sélectionner ceux qui seront admis à présenter une offre, que les renseignements et documents prévus par l’arrêté du 28 août 2006, pris pour application des dispositions de l’article 45 du Code des marchés publics(8).
Vers une simplification des dossiers de candidature Si les documents et renseignements réclamés aux candidats sont nécessaires au contrôle des capacités de l’opérateur économique, les pièces sont nombreuses et la constitution des dossiers de candidature demeure complexe. Un objectif de simplification apparaît désormais. Le décret n° 2014-1097 en date du 26 septembre 2014 portant mesures de simplification applicables aux marchés publics a transposé, au sein du Code des marchés publics, des dispositions des directives communautaires destinées à simplifier les dossiers de candidature.
Enfin, si l’arrêté du 28 août 2006 autorise les pouvoirs adjudicateurs à réclamer aux candidats des certificats de
Ces évolutions ont pour objectif de faciliter l’accès des entreprises, et en particulier des PME-TPE, à la commande publique. En effet, de nombreux opérateurs économiques renonçaient à présenter des offres en raison de la complexité des dossiers de candidature à constituer.
) 8: . bV^ '%&'! 8dbbjcZ YZ Hi 7Zcd^i! gZf# c (*+)**#
Ce décret transpose ainsi deux mesures importantes liées aux pièces de la candidature :
* 8: . bV^ '%&'! 8dbbjcZ YZ Hi 7Zcd^i! eg X^i # + 6^ch^! aÉVgg i Yj '- Vd i '%%+ Vjidg^hZ aÉVX]ZiZjg | YZbVcYZg aV egdYjXi^dc / – d’une déclaration indiquant les effectifs moyens annuels du XVcY^YVi Zi aÉ^bedgiVcXZ Yj eZghdccZa YÉZcXVYgZbZci edjg X]VXjcZ YZh igd^h YZgc^ gZh Vcc Zh 0 Ä YZh i^igZh YÉ ijYZh Zi egd[Zhh^dccZah YZ aÉde gViZjg Xdcdb^fjZ Zi$dj YZh XVYgZh YZ aÉZcigZeg^hZ 0 Ä YÉjcZ Y XaVgVi^dc ^cY^fjVci aÉdji^aaV\Z! aZ bVi g^Za Zi aÉ fj^eZbZci iZX]c^fjZ#
20
qualification professionnelle ou des certificats établis par des services chargés du contrôle de la qualité, ces derniers devront toutefois toujours accepter que la preuve de la capacité soit apportée par d’autres moyens. Cependant, le règlement de la consultation peut imposer que l’attestation équivalente aux certificats de qualification professionnelle réclamés soit délivrée par un tiers indépendant(7).
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
– en interdisant aux acheteurs de réclamer des documents justificatifs qu’ils peuvent obtenir directement
, 8: && Vkg^a '%&'! B^c^higZ YZ aV 9 [ZchZ! gZf# c (***+)# - 8: && Vkg^a '%&)! B^c^higZ YZ aV 9 [ZchZ! gZf# c (,*')* 0 Contrats publics – Le Moniteur! c &)-! cdkZbWgZ '%&)! e# +'! cdiZ H# ;VjX]Zg#
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
par le biais d’une base de données ou d’un espace de stockage numérique ;
ment européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics.
– en incitant les pouvoirs adjudicateurs à permettre aux entreprises de ne pas fournir les documents qu’elles leur ont déjà fournis dans le cadre d’une précédente procédure et qui demeurent valables : le fameux « dites-le nous une fois ».
Cette règle impose qu’une entreprise ne soit plus tenue de présenter des documents justificatifs lorsque le pouvoir adjudicateur les a déjà obtenus dans le cadre d’une procédure antérieure et qu’ils demeurent valables. Ce faisant, l’acheteur public peut également s’affranchir de solliciter systématiquement des documents et/ou renseignements aux candidats, lorsque ceux-ci ont déjà été transmis par le passé et sont toujours réguliers.
Une fiche de la DAJ en date du 29 janvier 2015 détaille ces deux évolutions de manière précise.
Sur le recours aux bases de données, systèmes électroniques et espaces de stockages numériques L’article 45-VI du Code des marchés publics précise aujourd’hui que l’acheteur ne peut plus réclamer des renseignements ou documents, au titre de la candidature, qu’il aurait la faculté d’obtenir directement par le biais d’un système électronique ou d’un espace de stockage numérique. Il n’existe, pour l’instant, que très peu de bases de données administrées par un organisme officiel permettant aux acheteurs publics d’accéder aux informations nécessaires au titre de la candidature, l’évolution essentielle réside donc dans la généralisation, depuis le 1er novembre 2014, de l’expérimentation quant au Marché public simplifié (MPS). Ce dispositif permet à une entreprise de répondre à un marché public avec son seul numéro SIRET dès lors que le pouvoir adjudicateur a identifié le marché comme éligible au dispositif(9). Bien entendu, ce dispositif simplifie, de manière considérable, les modalités de soumission à un marché public, les opérateurs économiques n’ayant plus à constituer un dossier de candidature comprenant l’ensemble des documents et renseignements réclamés par l’acheteur au titre du contrôle des capacités. Il est toutefois limité à certains marchés publics pour lesquels l’acheteur fait le choix du marché public simplifié. L’opérateur économique peut également aujourd’hui, dans une perspective de simplification et d’efficacité, placer les documents susceptibles d’être réclamés au titre de la candidature, sur un espace de stockage numérique. Les documents et renseignements visés par l’article 45 du Code des marchés publics sont tous susceptibles d’être placés sur cet espace de stockage numérique. Une fois ce travail réalisé, les acheteurs publics devront consulter cet espace et l’opérateur n’aura plus à fournir ces documents et renseignements à chaque procédure.
Dites-le nous une fois Le décret n° 2014-1097 du 26 septembre 2014 portant mesures de simplification applicables aux marchés publics a transposé en droit interne de nombreuses dispositions issues de la directive 2014/24/UE du Parle-
Il convient de noter que les dispositions dudit décret ont modifié le Code des marchés publics mais également les termes de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005. L’objectif de ce texte est d’écourter le temps passé par les entreprises aux fins de communiquer les pièces administratives utiles à l’examen de leur candidature, pour que celles-là puissent se focaliser davantage sur la performance de leurs offres. Le dessein de cette simplification est également de faciliter l’accès des petites et moyennes entreprises aux marchés publics. Au demeurant, force est de relever toutefois que cette « nouveauté » n’en est pas totalement une puisqu’une circulaire en date du 14 février 2012(10) affirmait déjà qu’il n’était pas contraire au Code des marchés publics d’autoriser une mutualisation des dossiers de présentation de l’entreprise, c’est-à-dire de permettre aux candidats de ne présenter qu’une seule fois leur dossier de candidature pour une période donnée(11). Cependant, au regard de l’absence de portée juridique contraignante des circulaires, il apparaissait important de règlementer cette possibilité par le biais d’un décret. Ce système impose au pouvoir adjudicateur la mise en place d’un véritable archivage des dossiers de candidature. Ce dispositif, nécessitant une base de données numériques, implique, de la part des candidats, un travail d’actualisation afin qu’aucune information disponible ne se révèle obsolète. Cette faculté de mutualisation ne peut être utilisée que si l’acheteur public l’a autorisée. Ce dispositif deviendra en revanche obligatoire, en application de la directive 2014/24/UE, dès lors que les obligations relatives à la dématérialisation seront entrées en vigueur, soit au plus tard le 18 octobre 2018. Cette nouvelle mesure poursuit un objectif louable de simplification des procédures pour une facilité d’accès à la commande publique. De la même manière que la dématérialisation, il faudra certainement un effort particulier des acheteurs et des opérateurs économiques pour que cette mesure soit réellement utilisée avant qu’elle ne devienne obligatoire.
&% 8^gXjaV^gZ Yj &) [ kg^Zg '%&' CDG / :;>B&'%&*&'8 ! gZaVi^kZ Vj <j^YZ YZ WdccZh egVi^fjZh Zc bVi^ gZ YZ bVgX] h ejWa^Xh# . AV XVcY^YVijgZ hZ Y edhZ Zc a^\cZ hjg aZ h^iZ hj^kVci / beh# Ve^ZcigZeg^hZ#[g
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
&& 8^gXjaV^gZ Yj &) [ kg^Zg '%&' CDG / :;>B&'%&*&'8 ! art. 11.2.3.
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
21
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
Les pièces exigées à l’appui des candidatures : la preuve d’exemplarité sociétale et d’aptitude des entreprises Lorsqu’elles candidatent à un marché, les entreprises doivent fournir des documents afin que les acheteurs publics vérifient leurs aptitudes mais aussi qu’elles ne tombent pas sous le coup d’une interdiction de soumissionner. Si toutes ces vérifications sont prévues par les textes, qu’en est-il du contrôle de la capacité juridique des candidats ?
L
es deniers publics représentent une part importante de la source de financement des contrats de la commande publique. Cela justifie que, préalablement à l’attribution de leurs contrats, les personnes publiques soient tenues de vérifier que les entreprises respectent leurs diverses obligations sociétales. Ainsi, la vérification que les entreprises ne tombent pas sous le coup d’une interdiction de soumissionner, l’examen de leurs moyens, compétences et savoir-faire sont autant de points de contrôle obligatoires de leur candidature. En revanche, la réglementation semble faire peu de cas du contrôle de leur capacité juridique.
La vérification de la non-interdiction de soumissionner à la commande publique L’obligation d’analyser les candidatures s’explique avant tout par le fait que certaines situations dans lesquelles peuvent se trouver les entreprises s’opposent à ce qu’elles puissent prétendre à l’obtention de commandes publiques. Les entreprises candidates ne doivent pas tomber sous le coup d’une interdiction de soumissionner. La réglementation impose cette obligation tant pour les marchés publics(1) que pour les conventions de délégation de service public(2) et les contrats de partenariat(3).
Emmanuel Lambert Avocat au barreau de Dijon Arnaud Latrèche Directeur adjoint commande publique du département de la Côte-d’Or, formateur consultant marchés publics
Mots clés 8VeVX^i _jg^Y^fjZ 8VeVX^i h egd[Zhh^dccZaaZh ;dgbjaV^gZh 98 >ciZgY^Xi^dc YZ hdjb^hh^dccZg
22
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
(1) Article 43 du Code des marchés publics. Cet article renvoie à l’article 38 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005, ainsi qu’à l’article 29 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation à la citoyenneté des personnes handicapées. Relevons que l’article 29 de cette loi avait modifié certaines dispositions du Code des marchés et que lesdites dispositions ont été abrogées depuis par le décret n° 2006-975 du 1er août 2006. Le renvoi opéré à l’article 29 de la loi de 2005 par l’article 43 du Code des marchés en vigueur est dès lors dépourvu d’objet. (2) Article 38 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et de procédures publiques. (3) Article 4 de l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, s’agissant des contrats de l’État et de ses
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
Sans rentrer dans le détail, relevons que les situations entraînant une incompatibilité avec la qualité de candidat à la commande publique ont trait à la condamnation définitive pour certaines infractions prévues par le Code pénal, le Code général des impôts ou encore le Code du travail. Il en va de même des entreprises frappées de liquidation judiciaire et, s’agissant des seuls contrats de partenariat(4), de celles soumises à une procédure de redressement judiciaire. Par ailleurs, les personnes n’ayant pas respecté leurs obligations fiscales et sociales (déclarations ou paiement en temps utile) ne peuvent pas plus espérer postuler à l’obtention d’un contrat de la commande publique. Eu égard à la légion des interdictions de soumissionner, à la diversité des documents permettant d’établir la régularité de la situation du candidat et à la multitude d’organismes publics les délivrant, la vérification de la situation des opérateurs économiques soumissionnaires repose sur une simple obligation déclarative de ceux-ci. Les candidats aux marchés publics et aux contrats de partenariat sont ainsi tenus de produire dans leur dossier de candidature une déclaration sur l’honneur pour justifier qu’ils ne font l’objet d’aucune des interdictions de concourir applicables au contrat concerné(5). En revanche, cette obligation n’est pas reprise expressément s’agissant de la candidature aux conventions de délégation de service public. Cependant, les interdictions de soumissionner visées par l’article 8 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005(6) s’appliquent à ce type de contrat, et il est raisonnable d’admettre que la production d’une telle attestation sur l’honneur à l’appui des candidatures s’impose ipso facto à minima. Le Conseil d’État a jugé qu’une déclaration sur l’honneur non signée rendait la candidature irrecevable(7). Il convient de préciser que les dispositions du Code des marchés publics en vigueur au moment des faits ne permettaient pas encore aux acheteurs publics d’offrir une possibilité de régularisation des dossiers de candidature incomplets. Toutefois, cette décision du Conseil d’État reste applicable si, malgré une demande de régularisation sur ce point, l’attestation sur l’honneur demeure non signée. Par ailleurs, s’agissant des marchés publics et des délégations de service public, les personnes admises à la
établissements publics, et article L. 1414-4 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) pour ce qui concerne les contrats des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. (4) En effet, la durée de la poursuite d’activité susceptible d’être autorisée par le tribunal de commerce ne peut couvrir la durée d’exécution des contrats de partenariat. (5) Article 44 du Code des marchés publics, article 3 du décret n° 2009-243 du 2 mars 2009 et article D. 1414-3 du CGCT pour les contrats de partenariat.
procédure de redressement judiciaire sont tenues de produire une copie du jugement rendu à cet effet. Cette procédure collective met en exergue la fragilité financière de l’entreprise et seule la lecture du jugement permet à la personne publique de vérifier si le candidat est autorisé à poursuivre son activité pendant la durée prévisible d’exécution du marché. À défaut, sa candidature ne peut pas être retenue. Lorsque le placement en redressement judiciaire du candidat intervient postérieurement à la date limite de remise des offres, l’entreprise doit en informer le pouvoir adjudicateur sans délai(8). Ainsi que nous l’avons mentionné ci-avant, l’opérateur économique admis au redressement judiciaire ne peut candidater à un contrat de partenariat. Ce premier point de vigilance quant au contenu du dossier de candidature repose sur un contrôle purement objectif à la charge de la personne publique, invariable selon l’objet du contrat et sans réelle marge d’appréciation de sa part : le candidat produit ou ne produit pas les documents requis en bonne et due forme. Il en va autrement de l’analyse des capacités techniques, professionnelles et financières des candidats.
L’appréciation des capacités professionnelles, techniques et financières Dans le cadre du processus d’achat public, la préparation de la phase de sélection des entreprises constitue l’ultime étape de la définition des besoins. Particulièrement vrai s’agissant du choix en amont des critères d’attribution du contrat, cela est également le cas s’agissant des critères d’appréciation des capacités des entreprises candidates. Cette phase préalable d’évaluation des moyens et compétences des candidats s’applique à l’ensemble des contrats de la commande publique. Elle résulte de l’article 44 du code s’agissant des marchés publics. Pour ce qui concerne les contrats de partenariat, l’article 6 de l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 ainsi que l’article L. 1414-6 du CGCT disposent que les candidats doivent posséder des capacités professionnelles, techniques et financières appropriées. La liste des documents pouvant être exigés pour une telle évaluation est définie par l’article 2 du décret n° 2009-243 du 2 mars 2009 et par l’article D. 1414-2 du CGCT. Quant aux conventions de délégation de service public, l’article 38 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 impose à l’autorité délégante d’examiner les garanties professionnelles et financières des candidats, de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l’égalité des usagers devant le service public. La personne publique
(6) L’article 38 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 renvoie à l’article 8 de cette ordonnance. (7) CE 13 novembre 2002, Commune du Mans, req. n° 245354.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
(8) CE 26 mars 2014, Commune de Chaumont, req. n° 374387.
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
23
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
est en revanche relativement libre quant au choix des documents et renseignements qu’elle exige à cette fin. L’acheteur est censé articuler le contrôle des capacités professionnelles, techniques et financières des candidats avec l’achat concerné (objet, ampleur et technicité des prestations, durée du contrat, investissements préalables à la charge de l’entreprise...) et définir les documents et renseignements idoines que les candidats doivent produire en conséquence. Dès lors, l’examen des candidatures à l’aune des capacités professionnelles, techniques et financières repose sur une analyse plus subjective de l’acheteur public, selon des critères appropriés à l’objet des prestations prévues au contrat. En vertu des dispositions de l’article 44 du Code des marchés publics : « le candidat produit à l’appui de sa candidature : (...) ; 3° Les documents et renseignements demandés par le pouvoir adjudicateur dans les conditions fixées à l’article 45 ». L’article 45 du même code dispose que « I.-Le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d’évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager. (…). La liste de ces renseignements et documents est fixée par arrêté du ministre chargé de l’économie ». Un arrêté du 28 août 2006 (NOR : ECOM0620008A) fixe la liste, limitative, des divers documents et informations susceptibles d’être exigés des candidats. La lecture combinée des dispositions des articles 44 et 45 du Code des marchés publics, dispositions d’ordre général s’appliquant à l’ensemble des marchés (formalisés et non formalisés), pouvait laisser entendre que la personne publique était libre de choisir les informations qu’elle exigeait des candidats – dans la limite de l’arrêté du 28 août 2006 – ainsi que du type de capacités ou garanties qu’elle décidait d’analyser. En effet, il était possible de concevoir que pour certains marchés ne nécessitant pas, par exemple, de technicité particulière ou portant sur des produits standard, l’analyse des candidatures puisse ne porter que sur un examen a minima de la capacité du candidat : l’analyse de la candidature d’un artisan boulanger pour la fourniture de pain dans le cadre d’une cérémonie ponctuelle ne nécessite pas, à l’évidence, le même degré de vérification que pour des travaux de traitement acoustique d’un auditorium. Pourtant, le Conseil d’État n’embrasse pas cette approche casuistique. Selon une jurisprudence jusque-là constante, la personne publique est tenue de vérifier les garanties tant professionnelles, que techniques et financières, en exigeant dans l’avis d’appel public à la concurrence ou le règlement de consultation au moins un des documents ou renseignements limitativement mentionnés dans la liste fixée par arrêté du 28 août 2006 permettant d’analyser
24
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
chacun des trois types de garanties requises(9). Ainsi, à titre d’illustration, le fait de consulter directement les candidats bénéficiant de l’agrément les autorisant à fournir certaines prestations est insuffisant(10). Il convient également d’insister sur le fait que l’acheteur public ne saurait être plus exigeant que les dispositions réglementaires en sollicitant des candidats la production de documents ou de renseignements non explicitement admis par les textes en vigueur. Le juge a ainsi notamment condamné l’exigence à l’appui des candidatures d’une note présentant la composition de l’équipe dédiée au projet et son mode de fonctionnement(11), de certificats de capacité(12), d’une déclaration d’intention vis-à-vis de l’emploi de travailleurs étrangers(13), que les candidats concepteurs soient inscrits à l’ordre français des architectes(14), d’une attestation que les candidats possèdent les autorisations requises pour installer une centrale d’enrobés, quand bien même l’exécution du marché suppose l’obtention de telles autorisations(15). Les candidats doivent avoir connaissance des documents et renseignements exigés par la personne publique. À cette fin, le Conseil d’État a jugé que celle-ci pouvait exiger la production des formulaires « DC » établis par la Direction des affaires juridiques de Bercy. Ces formulaires reprennent en effet, sans ajout, les renseignements qui peuvent être exigés des candidats, déterminent les modalités de leur présentation et sont aisément accessibles, sans frais particuliers, sur le site internet du ministère de l’Économie(16). Par une décision du 21 novembre 2007, les juges du Palais Royal ont également admis que le pouvoir adjudicateur puisse valablement renvoyer à ces formulaires afin de renseigner les entreprises sur les informations exigées à l’appui de leur candidature(17). Toutefois, au moment des faits, le formulaire DC5 comportait, il est vrai, les rubriques « D – Renseignements relatifs à la situation financière du candidat », et « F – Renseignements relatifs aux moyens humains et références du
(9) CE 21 février 2014, Sociétés AD3 et Les Lavandières, req. n° 373096 – CE 29 avril 2011, Ministre de la Justice, req. n° 344617 Ä 8: '% bV^ '%%.! 8dbbjcZ YZ ;dgi"YZ";gVcXZ! gZf# c (&&(,. – CE 8 août 2008, Commune de Nanterre, req. n° 309136 – CE 26 mars 2008, Communauté urbaine de Lyon, req. n° 303779. (10) CE 29 avril 2001, Ministre de la Justice, op. cit. (11) CE 11 avril 2014, Ministre de la Défense, req. n° 375245. &' I6 <gZcdWaZ &( hZeiZbWgZ '%%%! HdX^ i >cYZm H6! gZf# n° 002947. (13) CE 13 novembre 2002, OPHLM de la communauté urbaine du Mans, req. n° 245303. (14) CJCE 26 septembre 2000, Commission européenne c/ République française, aff. C-225/98. (15) CE 21 novembre 2007, Département de l’Orne, req. n° 291411. (16) CE 21 novembre 2007, Département du Var, req. n° 300992 – CE 10 mai 2006, Syndicat intercommunal des services de l’agglomération valentinoise, req. n° 286644. (17) CE 21 novembre 2007, Département du Var, req. n° 300992.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
candidat » avec pour chacun de ces moyens l’indication des informations à produire et la rubrique « G – Capacité professionnelle ». Or, depuis la refonte des formulaires opérée en septembre 2010, le formulaire DC2 (successeur du formulaire DC5) ne comporte plus de rubrique relative aux moyens et références des candidats ni à leur capacité professionnelle. Dès lors, la seule référence au formulaire DC2 ne saurait suffire à renseigner les candidats sur la nature des renseignements et documents à produire pour permettre l’analyse des capacités techniques et professionnelles. En revanche, le fait d’exiger dans le règlement de consultation la production du formulaire DC2 satisfait à l’obligation de demander les informations permettant de vérifier la capacité financière du candidat(18). L’analyse des candidatures ne peut être fondée que sur les documents et informations transmis par le candidat avant la date limite de remise des offres(19), ou dans le délai imparti par l’acheteur public pour compléter sa candidature sur le fondement de l’article 52 du Code des marchés publics. Précisons enfin, qu’en vertu des dispositions de l’article 45 du Code des marchés publics, lorsqu’un candidat entend se prévaloir des capacités professionnelles, techniques et financières d’autres opérateurs économiques afin d’établir ses propres capacités, il est alors tenu de justifier les capacités de ces opérateurs et de prouver qu’il en disposera pour l’exécution du marché. Un engagement écrit de ceux-ci est alors requis. En revanche, lorsque ce renfort de compétences ne compense pas des capacités dont le candidat ne dispose pas, il n’est pas tenu de justifier des capacités de ces tiers(20). Au-delà de la vérification des compétences et savoir-faire des entreprises, la question de l’obligation de vérifier leur capacité juridique peut se poser.
De la vérification de la capacité juridique La question de l’étendue du contrôle de la capacité juridique de l’opérateur économique ne trouve pas de réponse certaine. Le Code des marchés publics l’aborde de manière superficielle. Elle semble pourtant essentielle pour le pouvoir adjudicateur. La capacité juridique comprend la capacité de jouissance, c’est-à-dire l’aptitude à être titulaire de droits – notamment issus d’un contrat – et la capacité d’exercice, c’està-dire le pouvoir d’engager en agissant au nom et pour le compte d’une personne morale. La capacité de jouissance d’un opérateur économique personne morale est limitée à son objet social qui
(18) CE 21 février 2014, Sociétés AD3 Les Lavandières, op. cit.
détermine son champ d’action en désignant l’ensemble des activités qu’il entend exercer : il ne peut contracter que dans ce cadre. On parle d’une capacité de jouissance spéciale. Les statuts de la personne morale déterminent son objet social. L’article 52 I du Code des marchés publics évoque la possibilité pour les candidats de justifier – régularisation de leur candidature – de la capacité juridique leur permettant de déposer leur candidature et, par conséquent, pour les pouvoirs adjudicateurs de contrôler cette condition d’accès à la commande. L’article 45 du Code des marchés publics, auquel renvoie l’article 44 3° s’agissant des documents que le pouvoir adjudicateur peut demander aux opérateurs économiques, n’envisage que les documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager. Il vise ainsi la capacité d’exercice, excluant par prétérition le contrôle de la capacité de jouissance. Une lecture stricte du code conduit à estimer que celui-ci ne contraint pas le pouvoir adjudicateur à vérifier l’aptitude du candidat à être titulaire des droits et des obligations que ferait naître le marché public s’il lui était attribué. Il le lui interdirait même. En principe, le contrat passé par une personne morale en dehors de son objet social est nul. Les conséquences pour le pouvoir adjudicateur pourraient être importantes, nonobstant le principe de loyauté des relations contractuelles. Qu’en serait-il, par exemple, d’une garantie liée à ce contrat apportée par un tiers ? Il existe peu de jurisprudence sur la question de la capacité de jouissance. Le tribunal administratif de SaintDenis de la Réunion a jugé que le pouvoir adjudicateur est tenu d’apprécier la capacité juridique et que la candidature d’un opérateur économique doit être écartée au motif que l’objet du marché n’entre pas dans son objet social(21). Il doit être relevé que le Code des marchés publics applicable à l’espèce était celui de 2001. Toutefois sa rédaction permet raisonnablement de penser que le principe est applicable dans le cadre actuel. En effet, le Code des marchés publics dans cette rédaction ne visait également explicitement que la capacité d’exercice. Ce jugement présente une certaine logique : comment se préoccuper de la capacité d’exercice sans se soucier de la capacité de jouissance ? Comment se focaliser sur l’habilitation d’une personne physique à engager une personne morale par sa signature en ignorant l’aptitude de celle-ci à être titulaire de droits issus du marché public à attribuer ? Il n’en demeure pas moins que le raisonnement tenu par le tribunal administratif est susceptible de se heurter au principe de l’indépendance des législations. La légalité de l’attribution d’un marché public au titre du Code des marchés publics ne peut être contestée sur le fondement du Code civil. Autrement dit, le moyen tiré du fait que le marché public ne rentre pas dans l’objet social de l’attributaire pourrait être déclaré inopérant par le juge.
(19) CE 30 juin 2014, Société Eiffage construction Pays de la Loire, req. n° 376504. (20) CE 30 juin 2014, Société Eiffage construction Pays de la Loire, op. cit.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
(21) TA Saint-Denis de la Réunion 15 novembre 2006, Société SR 21, req. n° 04-00435, 04-00867 et 04-00868.
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
25
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
Ce jugement est à rapprocher de la décision d’Assemblée du Conseil d’État du 30 décembre 2014(22) qui vient préciser les conditions dans lesquelles une collectivité territoriale ou un de ses groupements peut valablement postuler à l’attribution d’un marché public. La première de ces conditions est que la candidature de cette dernière à l’attribution d’un marché public doit s’inscrire dans l’intérêt public local qui lui est attaché, c’est-à-dire, selon le Conseil d’État, dans « le prolongement d’une mission de service public dont [elles a] la charge ». Par exemple, s’agissant d’un EPCI, la candidature doit s’inscrire dans le cadre des compétences inscrites dans ses statuts. Il s’agit bien là de capacité juridique et, plus précisément, de capacité de jouissance spéciale car l’intérêt public local attaché à une collectivité territoriale s’apparente à l’objet social d’une personne morale de droit privé. De plus, à l’occasion d’un litige dans lequel un établissement public soumis au principe de spécialité avait postulé à l’attribution d’un marché public, la cour administrative d’appel de Marseille a jugé que « si l’article 45 du code des marchés publics prévoit que “le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d’évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager”, cette disposition ne faisait pas obstacle à ce que la commune de Gréoux-lesBains, comme elle en avait l’obligation, rejetât la candidature du centre de gestion au motif que les statuts de ce dernier, fixés par le législateur, s’opposaient à ce qu’il accomplît l’objet du marché ; que la circonstance que ni les dispositions des articles 43 à 47 du Code des marchés publics, ni l’article 8 de l’ordonnance n° 2005649 du 6 juin 2005 susvisée ne comportent une disposition expresse en ce sens est sans influence sur l’existence de cette interdiction »(23).
Nonobstant le caractère particulier de ces jugements et arrêts du fait qu’ils concernent des personnes publiques, le principe semble aisément transposable aux opérateurs économiques privés dont la candidature à un marché public doit s’inscrire dans leur objet social, dès lors que l’on considère la violation du principe d’égalité en imposant ce traitement aux seules collectivités territoriales. En outre, pour consacrer la capacité de jouissance dans un domaine d’activité, l’objet social doit être licite, à savoir conforme à l’ordre public, aux bonnes mœurs et aux dispositions impératives des lois et règlements et, le cas échéant, les conditions doivent être réunies par l’opérateur économique pour l’exercice d’activités réglementées. Sur cette thématique, le Code des marchés publics ne devrait-il pas rappeler et imposer aux pouvoirs adjudicateurs de respecter le cadre des professions réglementées, en s’assurant notamment que les conditions de diplômes, d’assurances ou d’habilitations sont remplies par les opérateurs économiques ? C’est une condition pour donner aux textes encadrant ces professions leur plein effet. Ainsi, un opérateur économique qui aurait un architecte diplômé dans ses effectifs ne pourrait pas postuler à l’attribution d’un marché d’architecture si son objet social ne prévoit pas la réalisation de telles missions. Il n’en aurait pas la capacité juridique même s’il démontrait une certaine capacité technique par exemple. De la même manière, les opérateurs économiques dits pluridisciplinaires ne pourraient postuler à l’attribution d’un marché que dans la limite de leur objet social et sous réserve du respect du cadre des professions réglementées quand ils interviennent dans leur champ. Une précision du Code des marchés publics sur ces points serait de nature à sécuriser et à optimiser la commande publique.
(22) CE 30 décembre 2014, Société Armor SNC, req. n° 355563. (23) CAA Marseille 10 novembre 2014, Centre de gestion de la fonction publique territoriale des Bouches-du-Rhône, req.
26
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
n° 13MA02001.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
Pièces et renseignements fournis par un candidat placé en redressement judiciaire En période de crise, concilier la bonne exécution des marchés publics avec la volonté de ne pas pénaliser les entreprises en difficulté s’avère délicat. Quelles pièces doivent être fournies par les candidats placés en redressement judiciaire ? Quelles règles s’appliquent lorsque l’un des membres d’un groupement candidat fait l’objet d’une telle procédure ?
S
i le traitement de la situation des entreprises en difficulté est varié, compte-tenu des outils mis en place par le législateur et de la diversité des problématiques rencontrées, le droit des marchés publics se révèle pour sa part assez peu disert sur le traitement de ces situations. Sans être hostile à cette problématique, le droit de la commande publique n’aborde que de façon assez marginale la question, révélant ainsi un relatif déséquilibre entre le souci d’accompagner les entreprises les plus fragiles et celui d’assurer la bonne exécution des marchés publics. Après avoir présenté les formes les plus courantes de traitement des entreprises en difficulté, on s’intéressera plus précisément à la prise en compte par les marchés publics, de l’incidence de cette situation ainsi qu’à la situation particulière des groupements.
Présentation succincte du traitement des difficultés des entreprises Le sort d’une entreprise en difficulté peut revêtir différents aspects au regard des possibilités de traitement ouvertes par le législateur. Le Code de commerce distingue schématiquement quatre situations : la prévention, la sauvegarde, le redressement et la liquidation.
Pierre-Manuel Cloix Avocat au barreau de Paris Spécialiste en droit public Cabinet Cloix et Mendès-Gil
Mots clés A^fj^YVi^dc _jY^X^V^gZ Eg kZci^dc EgdX YjgZ YZ hVjkZ\VgYZ GZYgZhhZbZci _jY^X^V^gZ
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Prévention et liquidation Deux situations ne relèvent pas, pour des raisons opposées, de la question de la candidature à un marché public : soit parce qu’il s’agit d’une mesure de prévention et que l’entreprise n’est pas en difficulté, soit parce qu’il s’agit d’une liquidation qui interdit la formulation ou le maintien d’une candidature. D’une part, la prévention, qui se traduit par la nomination d’un conciliateur désigné par le président du tribunal de
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
27
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
commerce en vue d’établir, avec les principaux créanciers, un moratoire destiné à éviter une possible cessation des paiements : à ce stade, l’entreprise ne peut se voir opposer de refus de délivrance d’attestations de régularité des cotisations fiscales ou sociales, puisqu’elle n’est pas en état de cessation de paiement, et il est donc logique que cette situation ne soit pas envisagée par le Code des marchés publics. On ne peut toutefois que souligner l’intérêt, en particulier pour les entreprises fortement dépendantes de la commande publique, d’opter pour ce type de prévention afin d’éviter, précisément, les difficultés ultérieures si les organismes sociaux et fiscaux sont associés en amont à une telle prévention. D’autre part, dans l’hypothèse d’une liquidation judiciaire, la conséquence est à la fois radicale et logique : l’article 43 du Code des marchés publics, renvoyant aux dispositions des articles 38 et 8 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005, prévoit une interdiction absolue de soumissionner à l’attribution d’un marché public. En application de l’article L. 640-4 du Code de commerce, la procédure de liquidation, constatée par un jugement d’ouverture, débute dans les 45 jours suivant la cessation des paiements. Dans l’hypothèse où le candidat serait tombé en liquidation judiciaire après la remise de son offre (ce qui pourrait survenir si le délai de validité des offres est important), il lui appartient d’en informer le pouvoir adjudicateur. Le Code des marchés publics, pour sa part, rappelle à l’article 47 qu’en cas d’inexactitude des documents fournis, une résiliation aux torts du titulaire doit être prononcée.
La sauvegarde Le Code de commerce prévoit une situation intermédiaire relative à la procédure de sauvegarde. Selon l’article L. 620-1, cette procédure est instituée à la demande du débiteur qui « sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter. Cette procédure est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif ». En d’autres termes, il s’agit là d’anticiper une cessation des paiements. La procédure est ouverte par un jugement du tribunal de commerce désignant un mandataire judiciaire et, le cas échéant, un administrateur judiciaire, chargés d’accompagner le dirigeant de l’entreprise. Une période d’observation de six mois, renouvelable une fois, est déclenchée, au cours de laquelle doit être défini, en accord avec les créanciers, un plan de sauvegarde qui, s’il est adopté, permettra la continuité de l’activité de l’entreprise. Pendant toute la durée de cette procédure, si une cessation des paiements intervient, une conversion en procédure de redressement pourra être décidée par le tribunal. Curieusement, le droit des marchés publics ignore cette procédure particulière pourtant destinée à éviter l’aggravation de la situation d’une entreprise en difficulté.
28
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
En effet, alors que le Code des marchés publics prévoit la situation de l’entreprise en redressement judiciaire (cf. infra), aucune disposition n’intègre le cas de la sauvegarde. L’article 44 vise le cas du candidat en redressement judiciaire, qui doit produire le jugement le constatant, mais reste muet pour le reste. Dès lors, s’il s’avère que l’entreprise a des difficultés ne serait-ce que temporaires ayant justifié la mesure de sauvegarde, qui conduisent à un défaut momentané de paiement des cotisations fiscales et sociales, cela lui interdira l’accès à la commande publique. Il en résulte un certain paradoxe : l’entreprise qui n’est pas encore en cessation des paiements mais qui connaît des difficultés, bien que n’ayant aucune restriction à présenter sa candidature, sera moins bien lotie que celle ayant une situation plus critique. Certes, la procédure de sauvegarde peut évoluer vers un redressement judiciaire et placer l’entreprise sous ce régime plus protecteur, mais il revient aussi à l’entreprise en difficulté de se diriger – au regard de la commande publique – vers une cessation des paiements pour ne pas risquer de prolonger une situation incertaine et peu protectrice. En définitive, seule la situation du redressement judiciaire, et donc le constat de la cessation des paiements, va permettre à l’entreprise en difficulté de bénéficier de certaines garanties.
Le candidat placé en redressement judiciaire La procédure de redressement judiciaire doit être sollicitée par le débiteur au maximum dans les 45 jours suivant la cessation des paiements ou peut être déclenchée par un créancier. Le jugement d’ouverture va déterminer la date de cessation des paiements et désigner les organes de la procédure, jusqu’à l’adoption d’un plan de redressement. Le droit des marchés publics suit ce déroulement chronologique.
Appréciation des candidatures Au stade des candidatures, l’article 44 du Code des marchés publics dispose que le candidat en redressement doit fournir, à l’appui de sa candidature, le ou les jugements prononcés. Il ne s’agit que d’une simple obligation formelle : en application du 3° de l’article 8 de l’ordonnance du 6 juin 2005, il appartient au pouvoir adjudicateur de vérifier à ce stade, outre les autres conditions d’admissibilité, que le candidat en redressement justifie qu’il a été habilité à poursuivre ses activités « pendant la durée prévisible d’exécution du marché ». Or, s’agissant d’une période par définition incertaine quant à l’avenir de l’entreprise candidate, et qui évolue au gré des décisions prises par la juridiction commerciale, l’appréciation de la « durabilité » de l’entreprise n’est pas chose aisée, car elle dépend pour une large part de
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
la date à laquelle le juge se situe pour apprécier une telle capacité. Par un arrêt en date du 5 février 2009, la cour administrative d’appel de Versailles avait très fermement rappelé le principe de l’appréciation du contenu des candidatures à la date limite de dépôt des offres : « Considérant que, sauf à méconnaître l’égalité entre les candidats, les capacités techniques et financières de ceux-ci ne pouvaient être appréciées qu’au vu des éléments connus et disponibles à la date limite de remise des offres, soit en l’espèce, le 27 juin 2003 ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutient la société S., la commission d’appel d’offres ne pouvait, pour apprécier son aptitude à concourir, tenir compte du jugement en date du 30 juin 2003 par lequel le tribunal de commerce de Versailles a arrêté son plan de continuation pour une durée de dix ans ; que, dès lors qu’à la date limite de remise des offres, la société S. n’a pu justifier de son aptitude à poursuivre son activité durant la durée prévisible d’exécution du marché, la commission d’appel d’offres, qui l’avait retenue au stade de la sélection des candidats, était cependant en droit d’écarter son offre, le 2 septembre 2003, en raison de ses garanties financières insuffisantes à la date où celles-ci devaient ainsi être appréciées »(1).
retient que, dans le cadre d’une consultation en procédure adaptée qui s’était déroulée « au cours de l’année 2010 », le candidat choisi, qui était en redressement judiciaire, apportait la preuve de la poursuite de ses activités dès lors « qu’il résulte de l’instruction que, si une procédure de redressement judiciaire avec une période d’observation a été ouverte à l’encontre de la société attributaire à compter du 4 novembre 2009, elle était autorisée à poursuivre son activité jusqu’au 4 novembre 2010 ; qu’un jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 2 novembre 2010 a arrêté le plan de redressement et d’apurement du passif de ladite société »(4). Cette approche plus empirique semble effectivement adaptée au regard des difficultés mécaniques générées par l’indépendance des procédures d’attribution des marchés et de redressement judiciaire.
L’attribution du marché Il convient cependant de rappeler que passé l’obstacle de la recevabilité de sa candidature, l’entreprise en redressement doit encore, pour être déclarée attributaire, produire les attestations de régularité fiscale et sociale prévues par l’article 46 du Code des marchés publics.
De même, la cour administrative d’appel de Nantes juge « qu’il résulte de l’instruction que, par jugement en date du 24 novembre 2009, le tribunal de commerce de Paris a placé la société F. en redressement judiciaire durant une période d’observation expirant le 24 mars 2010 ; que le délai d’exécution du lot n° 5 a été fixé à 20 mois à compter de la date de démarrage des travaux qui ne pouvait intervenir, au plus tôt, qu’en janvier 2010 ; que, par suite, à la date limite de dépôt des candidatures, le 11 janvier 2010, la société F. ne pouvait être admise à soumissionner au marché en litige, nonobstant sa reprise d’actifs par la société N. validée par jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 28 janvier 2010 »(2).
Selon la position de l’ACOSS(5) relayée par la DAJ(6), il convient de distinguer selon que l’entreprise en redressement est titulaire ou non d’un plan de redressement. Tant que ce plan n’est pas arrêté et bien que le paiement ou les poursuites soient suspendus, l’entreprise n’est pas à jour de ses cotisations et les attestations nécessaires à l’attribution ne peuvent être délivrées.
Le Conseil d’État semble toutefois avoir récemment assoupli l’application de ce principe en estimant, dans le cadre plus particulier d’un redressement judiciaire intervenu après la date limite de dépôt des offres, la possibilité d’un réexamen des capacités (en l’occurrence insuffisantes) de l’entreprise : « que, dans l’hypothèse où l’entreprise candidate à l’attribution d’un marché public a été placée en redressement judiciaire après la date limite fixée pour le dépôt des offres, elle doit en informer sans délai le pouvoir adjudicateur, lequel doit alors vérifier si l’entreprise est autorisée à poursuivre son activité au-delà de la durée d’exécution du marché et apprécier si sa candidature reste recevable »(3).
Bien qu’elle puisse se revendiquer d’une logique indéniable – l’absence de régularité de la situation fiscale ou sociale de l’entreprise n’étant justifiée que par la décision judiciaire arrêtant le plan de redressement – il reste que l’objectif de continuité semble bien mal servi dès lors qu’il laisse au final l’entreprise candidate dans une situation d’impossibilité d’obtention d’un marché pendant la période comprise entre la cessation des paiements et l’obtention du plan de redressement. À tout le moins, elle instaure une inégalité entre les entreprises concernées selon la complexité du redressement à mettre en œuvre, les délais de jugement des juridictions commerciales et la durée de la consultation.
Cette démarche pragmatique semble également avoir guidé la cour administrative d’appel de Marseille, qui
Au final, au regard de la jurisprudence relative à la date d’appréciation des capacités de l’entreprise en
En revanche, une fois le plan adopté et les conditions fixées respectées, les attestations pourront être délivrées et permettre l’attribution du marché. À notre connaissance, la jurisprudence ne s’est pas prononcée sur cette interprétation.
(1) CAA Versailles 5 février 2009, Société S., req. n° 07VE02058. ' 866 CVciZh '- cdkZbWgZ '%&(! DE= BZio =VW^iVi! gZf# c &(C8%%.+, 0 YVch aZ b bZ hZch 866 CVciZh * dXidWgZ '%&'! HdX^ i YÉ aV\V\Z Zi Yj eVnhV\Z! gZf# c &%CI%'%.,#
(4) CAA Marseille 3 février 2014, Société la Nouvelle Charpente, req. n° 11MA04603.
( 8: '+ bVgh '%&)! HdX# 6iZa^Zgh 7d^h X$ 8dbbjcZ YZ 8]Vjbdci! gZf# c (,)(-,#
(6) Fiche technique, Accès aux entreprises en difficulté aux bVgX] h ejWa^Xh! bV_ ) [ kg^Zg '%&*#
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
(5) Lettre-circulaire 2008-054 du 24 juin 2008.
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
29
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
redressement et la position de l’ACOSS, il semble que l’évènement pivot auquel il faudra se référer sera l’adoption du plan de redressement, ce qui privilégie la stabilité de la commande publique par rapport à l’accompagnement de l’entreprise en difficulté.
Le cas particulier de la situation d’un groupement candidat dont l’un des membres est en difficulté Aux termes de l’article 51-V du Code des marchés publics : « La composition du groupement ne peut être modifiée entre la date de remise des candidatures et la date de signature du marché. Toutefois, si le groupement apporte la preuve qu’un de ses membres est mis en liquidation judiciaire ou qu’il se trouve dans l’impossibilité d’accomplir sa tâche pour des raisons qui ne sont pas de son fait, il peut demander au pouvoir adjudicateur l’autorisation de continuer à participer à la procédure de passation sans cet opérateur défaillant, en proposant le cas échéant à l’acceptation du pouvoir adjudicateur un ou plusieurs sous-traitants. Le pouvoir adjudicateur se prononce sur cette demande après examen de la capacité professionnelle, technique et financière de l’ensemble des membres du groupement ainsi transformé et, le cas échéant, des sous-traitants présentés à son acceptation ». Cette disposition pragmatique vise à ne pas pénaliser l’ensemble d’un groupement dont l’un des membres ne
30
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
pourra poursuivre l’exécution du marché. Par exception au principe d’intangibilité des candidatures, il sera donc possible de se substituer à l’opérateur défaillant soit en reportant la réalisation des prestations concernées sur les autres membres du groupement, soit en proposant un sous-traitant. Si les dispositions précitées sont claires s’agissant de la liquidation judiciaire d’un membre du groupement, il n’en va pas de même en matière de redressement. Il est en effet difficile de considérer que la mise en redressement judiciaire constitue une circonstance qui « n’est pas du fait » de l’opérateur concerné, lequel pourrait d’ailleurs s’opposer à sa sortie du groupement dans l’attente du jugement arrêtant le plan de continuation. Au final, la délicate alchimie entre la volonté de ne pas pénaliser les entreprises en difficulté et le légitime souci d’une bonne exécution des marchés publics peine à se réaliser, le plus souvent pour des raisons objectives tenant à l’existence de situations factuelles et de temporalité très diverses. Il serait peut-être souhaitable, en ces périodes économiques particulièrement troublées, de privilégier l’accompagnement des entreprises en difficulté, quitte à faciliter lors de l’exécution les adaptations nécessaires induites par l’évolution des entreprises concernées.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
Les listes de pièces et documents figurant dans le CMP sont-elles limitatives ? Si on se réfère à l’article 45 du CMP ainsi qu’à la jurisprudence, seuls certains documents peuvent être demandés aux candidats afin d’évaluer leur aptitude à exécuter le marché. Néanmoins, la rigueur du caractère limitatif se trouve atténuée dans certaines hypothèses.
« M
ontrez-moi patte blanche, ou je n’ouvrirai point ». On se souvient que c’est en ces termes que le biquet soupçonneux de la fable Le loup, la chèvre et le chevreau parvint à échapper au glouton qui, bien informé par son oreille indiscrète, avait tenté de le circonvenir. L’expression est depuis lors entrée dans le langage courant et pourrait, certes avec un peu d’imagination, symboliser les relations entre pouvoirs adjudicateurs et candidats à l’attribution d’un marché public au stade de la candidature. En effet, il est constant que la porte de la commande publique ne s’ouvre qu’aux candidats qui sont en mesure de montrer « patte blanche », autrement dit qui présentent les qualités et capacités requises par les pouvoirs adjudicateurs pour l’exécution du marché. Les candidats doivent en effet satisfaire à des conditions minimales d’honorabilité et de solvabilité, et fournir à cet effet des documents justificatifs. Les exigences des pouvoirs adjudicateurs ne doivent, toutefois, pas être d’une nature ou d’un niveau tel qu’elles aient pour effet d’empêcher ou de limiter l’accès aux marchés publics de façon discriminatoire. Le principe de liberté d’accès à la commande publique, élevé au rang de principe général du droit de la commande publique(1), s’y opposerait nécessairement. C’est pourquoi les textes de droit européen comme de droit interne prévoient, de façon très précise, le type de documents dont les pouvoirs adjudicateurs peuvent exiger la production au stade de la candidature, c’est-à-dire au
Jacques Dabreteau Avocat responsable du droit public Olivia Le Baube Avocate Ashurst LLP
Mots clés 8VeVX^i h egd[Zhh^dccZaaZh 9dXjbZcih fj^kVaZcih A^hiZ a^b^iVi^kZ BVgX] ejWa^X YZ Y [ZchZ
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
(1) CE 23 décembre 2009, Établissement public du musée et du domaine national de Versailles, req. n° 328827 ; voir également, sur la consécration du principe par le Conseil constitutionnel, décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003, Loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit. Le principe de liberté d’accès à la commande publique a même été qualifié récemment, et peut-être exagérément, de principe à valeur constitutionnelle (CAA Paris 17 mars 2014, Sociétés Elektron et Foretec, req. n° 12PA00199).
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
31
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
moment d’évaluer l’aptitude théorique des candidats à (bien) exécuter le marché.
Un caractère limitatif résultant expressément des dispositions en vigueur
La marge de liberté des pouvoirs adjudicateurs en la matière est particulièrement encadrée et les sanctions sévères en cas de méconnaissance des règles applicables, l’annulation de la procédure de passation étant le plus souvent encourue.
En droit de l’Union, les documents et renseignements susceptibles d’être demandés aux candidats afin d’établir leurs capacités économiques, financières, techniques et professionnelles figurent actuellement aux articles 47 et 48 de la directive 2004/18/CE(4). Ces articles fixent, de façon détaillée, la nature des renseignements que les pouvoirs adjudicateurs peuvent exiger au stade de la candidature en vue de vérifier leurs capacités.
Les justificatifs demandés à l’ensemble des candidats – distincts de ceux exigés du seul attributaire pressenti(2) – relèvent ainsi de deux catégories d’exigences. La première, qui ne nous retiendra pas, concerne la recevabilité de la candidature. Les candidats doivent, en effet, établir qu’ils ne tombent pas sous le coup d’une interdiction de soumissionner, laquelle peut résulter de condamnations pénales, de la situation personnelle de l’entreprise ou encore de la violation d’obligations fiscales ou sociales. Ils doivent ainsi attester « sur l’honneur qu’il[s] n’entre[nt] dans aucun des cas mentionnés à l’article 43 » du Code des marchés publics. De la même manière, lorsqu’ils sont en redressement judiciaire, ils doivent produire à l’appui de leur candidature la copie du ou des jugements prononcés(3). La seconde exigence, qui sera analysée plus avant, a pour objet la vérification des capacités des candidats. Ces derniers doivent, en effet, justifier de leur aptitude à exécuter les prestations du marché, autrement dit fournir les documents et renseignements requis par le pouvoir adjudicateur pour évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières, et pour vérifier la qualité des personnes habilitées à engager le candidat. Si les documents susceptibles d’être exigés à ce titre sont limitativement énumérés dans les textes en vigueur, il n’en demeure pas moins un certain nombre d’hypothèses dans lesquelles la rigueur de cette énumération limitative se trouve atténuée.
L’énumération limitative des documents susceptibles d’être exigés des candidats pour apprécier leurs capacités Le principe est solidement ancré : seuls certains documents peuvent être demandés aux candidats afin d’évaluer leur aptitude à exécuter le marché. En effet, les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent demander la production de documents autres que ceux figurant sur une liste dont le caractère limitatif résulte expressément des dispositions en vigueur et a été consacré par la jurisprudence.
Ainsi que le relève le rapporteur public Dacosta(5), ces dispositions ont été transposées en droit interne à l’article 45 du Code des marchés publics et surtout dans l’arrêté du 28 août 2006 (NOR : ECOM0620008A), fixant la liste des renseignements et documents pouvant être demandés aux candidats par les pouvoirs adjudicateurs. Le premier de ces textes prévoit, à cet égard, que « le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d’évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager », en ajoutant que « [l]a liste de ces renseignements et documents est fixée par arrêté du ministre chargé de l’économie ». Le second précise qu’« [à] l’appui des candidatures et dans la mesure où ils sont nécessaires à l’appréciation des capacités des candidats, le pouvoir adjudicateur ne peut demander, en application de l’article 45 du code des marchés publics (…) que le ou les renseignements et le ou les documents suivants (…) ». S’ensuit une série de documents reprenant mutatis mutandis ceux énoncés aux articles 46 et 47 de la directive 2004/18/CE : déclaration de chiffre d’affaires, bilans, déclaration indiquant les effectifs du candidat, présentation d’une liste de fournitures, services ou, selon le cas, travaux exécutés au cours des dernières années,… Il résulte donc clairement de ces dispositions que la liste énoncée à l’arrêté du 28 août 2006 présente un caractère limitatif. En effet, les formules selon lesquelles le pouvoir adjudicateur « ne peut exiger » ou « ne peut demander (…) que » certains renseignements ou documents à l’appui des candidatures interdisent, par nature, aux pouvoirs adjudicateurs de solliciter d’autres justificatifs(6).
(4) Directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services. * 8: && Vkg^a '%&)! B^c^higZ YZ aV 9 [ZchZ! gZf# c (,*')*! concl. Dacosta : « l’article 45 du code précise bien que le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d’évaluer leur expérience et leurs capacités professionnelles, techniques et financières, dont la liste limitative est fixée par un arrêté du 28 août 2006, lequel transpose les dispositions de la directive du 31 mars 2004 ».
(2) Cf. article 46 du Code des marchés publics. (3) Cf. article 44.I, 1°, du Code des marchés publics.
32
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
(6) Dans le même sens, voir Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics, 26 septembre 2014, point 11.2.2.2.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
Ce caractère limitatif s’explique, on l’a dit, par le nécessaire respect de la liberté d’accès à la commande publique qui pourrait être remise en cause par des demandes particulières voire « orientées » des pouvoirs adjudicateurs, lesquels cherchent parfois à se prémunir contre tout risque de défaillance du titulaire en cours de marché. D’ailleurs, la nature même des documents et renseignements figurant dans la directive 2004/18/CE et dans l’arrêté du 28 août 2006 témoigne du souci d’éviter que la vérification des capacités dérive en mesure de discrimination. En effet, les documents pouvant être demandés sont assez classiques et contiennent des informations basiques permettant essentiellement de renseigner le pouvoir adjudicateur sur l’activité du candidat. Par là-même, le caractère limitatif des documents pouvant être exigés favorise une certaine homogénéité dans les demandes des pouvoirs adjudicateurs. La liste fixée par l’arrêté du 28 août 2006 présente un caractère limitatif à un second point de vue. En effet, non seulement les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent demander aux candidats que la production de tout ou partie des documents figurant sur cette liste, mais en outre, ils doivent borner leur demande aux seuls documents qui sont nécessaires à l’appréciation des capacités. Au-delà de l’objet des documents pouvant être exigés à l’appui des candidatures, il y a là une question de proportionnalité entre les documents demandés et la nécessité de la demande au regard des caractéristiques du marché. Pour que le pouvoir adjudicateur puisse valablement solliciter la production de tel ou tel document, il est donc indispensable que ce dernier figure sur la liste précitée, mais encore que sa remise soit nécessaire à l’appréciation des capacités. On mesure sans peine le type de demande excessive que cette règle de bon sens vise à prévenir. Il résulte de ce qui précède qu’en l’état du droit en vigueur(7), les documents et renseignements susceptibles d’être demandés aux candidats afin d’apprécier leurs capacités sont énoncés de manière limitative dans les textes, et ne peuvent être demandés que s’ils sont nécessaires à cette appréciation.
pouvoir adjudicateur, qui manquait dans le dossier d’un candidat évincé, ajoutait à la liste des pièces dressée par l’article 45 du Code des marchés publics dans sa version alors applicable. La décision a pu apparaître rigoureuse dans la mesure où le pouvoir adjudicateur exigeait uniquement, en l’espèce, que les candidats certifient qu’ils respectaient le droit du travail. Néanmoins, elle apparaissait tout autant respectueuse des textes propres aux marchés publics. Cette interprétation stricte, cohérente avec le droit alors en vigueur, a depuis lors été confirmée à de nombreuses reprises(9). Récemment, le Conseil d’État a encore eu l’occasion de rappeler, sous l’empire du droit désormais applicable, le caractère limitatif de la liste fixée par l’arrêté du 28 août 2006, en annulant une procédure de passation lancée par le ministère de la Défense : « Considérant qu’il résulte de l’instruction que le ministère de la Défense a (…) exigé (…) la production d’une note présentant la composition de l’équipe dédiée au projet ainsi que l’organisation mise en place pendant la phase de conception et pendant les phases de réalisation, de mise en service et de maintenance de l’ouvrage (…) ; que ces renseignements et documents ne sont pas au nombre de ceux qui sont limitativement prévus par l’arrêté du 28 août 2006 »(10). Dans le même sens, selon le Conseil d’État, il résulte des articles 45 et 52 du Code des marchés publics et de l’article 1er de l’arrêté du 28 août 2006 que la « vérification [des garanties professionnelles, techniques et financières des candidats] s’effectue au vu des seuls renseignements ou documents prévus à l’article 1er de l’arrêté du 28 août 2006 »(11). Dans cette dernière décision, et conformément à la lettre des textes, le juge rappelle le caractère doublement limitatif de la liste fixée par l’arrêté du 28 août 2006 en indiquant que « les documents ou renseignements exigés à l’appui des candidatures doivent être objectivement rendus nécessaires par l’objet du marché et la nature des prestations à réaliser ». Il rappelle également que les documents de la consultation(12) « doivent nécessairement prévoir un de ces documents ou renseignements afin précisément de permettre au pouvoir adjudicateur
Un caractère limitatif consacré en jurisprudence La consécration jurisprudentielle du caractère limitatif des documents et renseignements pouvant être demandés au stade de la candidature est antérieure à la directive 2004/18/CE et à l’arrêté du 28 août 2006. En effet, cette règle a d’abord été énoncée par le Conseil d’État dans une décision du 13 novembre 2002(8). Dans cette affaire, en effet, l’attestation réclamée par le
(9) CE 21 novembre 2007, Département de l’Orne, req. n° 291411 ; CE 26 mars 2008, Communauté urbaine de Lyon, req. n° 303779 ; 8: && Vkg^a '%&)! B^c^higZ YZ aV 9 [ZchZ X$ HdX^ i AZ\gVcY Bâtisseurs, req. n° 375245, Contrats publics – Le Moniteur, n° 148, novembre 2014, p. 62, note S. Faucher. &% 8: && Vkg^a '%&)! B^c^higZ YZ aV 9 [ZchZ X$ HdX^ i AZ\gVcY Bâtisseurs, préc. Dans cette décision, le Conseil d’État ajoute d’ailleurs que, lorsqu’un pouvoir adjudicateur décide de limiter le nombre de candidats admis à présenter une offre, il ne peut exiger des candidats, pour opérer sa sélection, que les renseignements prévus par l’arrêté du 28 août 2006.
(7) Pour les nouvelles règles applicables après transposition, voir articles 57 et s. de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE.
(11) CE 21 février 2014, Sociétés A et Les Lavandières, req. n° 373096, Contrats publics – Le Moniteur, n° 144, juin 2014, p. 80, note X. Loiré et J. Henochsberg.
(8) CE 13 novembre 2002, Office public d’habitations à loyer bdY g YZ aV XdbbjcVji jgWV^cZ Yj BVch! gZf# c ')*(%(#
(12) Avis d’appel public à la concurrence ou règlement de consultation dans les cas de procédures dispensées d’un tel avis.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
33
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
de procéder au contrôle des garanties requises des candidats »(13). Autrement dit, si la liste des justificatifs pouvant être demandés aux candidats est doublement limitative, en termes de type de documents à produire et au regard de la nécessité d’en exiger la production, le pouvoir adjudicateur demeure tenu de solliciter au moins un des documents figurant sur la liste afin d’apprécier leurs capacités professionnelles, techniques et financières. Il ne peut d’ailleurs se borner à contrôler les seules capacités professionnelles sans exiger la production de documents de nature à établir les capacités techniques et financières des candidats pour exécuter le marché(14). Cette exigence a pour vertu d’imposer au pouvoir adjudicateur le contrôle du sérieux de l’entreprise candidate(15), ce qui est justifié dans la mesure où « il s’agit de déterminer si l’entreprise a les reins suffisamment solides pour exécuter les prestations projetées »(16). Ajoutons, sur ce point, que ces principes ne contraignent que le pouvoir adjudicateur, la remise par un candidat d’une pièce additionnelle distincte de celles exigées ne pouvant valablement fonder le rejet de sa candidature(17). Il résulte de ce qui précède que les documents pouvant être demandés aux candidats pour vérifier leurs capacités professionnelles, techniques et financières sont limitativement énumérés, et que le pouvoir adjudicateur doit en requérir la production, sous réserve toutefois qu’ils soient nécessaires à la vérification des capacités. Il apparaît néanmoins un certain nombre d’hypothèses dans lesquelles la rigueur de cette énumération limitative se trouve atténuée.
Hypothèses dans lesquelles la rigueur de l’énumération limitative se trouve atténuée L’homogénéité des documents pouvant être demandés aux candidats, qui résulte de la liste limitative énoncée supra, ne convient pas forcément à l’ensemble des situations rencontrées en pratique. Il apparaît ainsi différentes
(13) Dans le même sens, voir CE 26 mars 2008, Communauté urbaine de Lyon, préc. ; CE 29 avril 2011, Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés, req. n° 344617. (14) Cf. CE 29 avril 2011, Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés, précité. (15) Cf. F. Brenet, Droit administratif, juillet 2014, p. 31 et s. &+ 8[# 8: && Vkg^a '%&)! B^c^higZ YZ aV 9 [ZchZ X$ HdX^ i AZ\gVcY Bâtisseurs, préc., concl. Dacosta, BJCP n° 96, p. 348 et s. &, 8: - Vd i '%%-! K^aaZ YZ BVghZ^aaZ! gZf# c (&'(,%! CP-ACCP, n° 83, décembre 2008, p. 66, note P. Proot : « il résulte [des articles 44 et 52] que le code des marchés publics fixe précisément et limitativement les motifs pour lesquels des candidatures peuvent être écartées et les modalités de ce rejet ; que par suite la K^aaZ YZ BVghZ^aaZ cZ edjkV^i g \ja^ gZbZci gZ_ZiZg aV XVcY^YVijgZ YZ aV hdX^ i A^WgV^g^Z BVjeZi^i Vj bdi^[ fjZ Ò\jgV^i YVch hdc dossier, outre les pièces prévues par les dispositions précitées, un document technique complémentaire ».
34
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
hypothèses dans lesquelles la rigueur du caractère limitatif se trouve atténuée. Elles tiennent, selon le cas, à la qualité du candidat ou à la nature du marché.
Hypothèses d’atténuation tenant à la qualité du candidat Afin de préserver le principe de la liberté d’accès à la commande publique, les textes en vigueur autorisent expressément les candidats à fournir des documents équivalents à certaines pièces pouvant être exigées par les pouvoirs adjudicateurs. Ainsi, l’article 45.II du Code des marchés publics, transposant sur ce point l’article 47.5 de la directive 2004/18/ CE, prévoit que « [s]i le candidat est objectivement dans l’impossibilité de produire, pour justifier de sa capacité financière, l’un des renseignements ou documents prévus par l’arrêté [du 28 août 2006] et demandés par le pouvoir adjudicateur, il peut prouver sa capacité par tout autre document considéré comme équivalent par le pouvoir adjudicateur ». De même, l’article 1er de l’arrêté du 28 août 2006 dispose que des documents équivalents à certaines pièces demandées peuvent être produits par les candidats pour démontrer leurs capacités techniques et professionnelles : – ainsi des certificats de qualifications professionnelles, à l’égard desquels « la preuve de la capacité du candidat peut être apportée par tout moyen, notamment par des certificats d’identité professionnelle ou des références de travaux attestant de la compétence de l’opérateur économique à réaliser la prestation pour laquelle il se porte candidat » ; – ainsi des certificats établis par des services chargés du contrôle de la qualité et habilités à attester la conformité des fournitures par des références à certaines spécifications techniques, le pouvoir adjudicateur devant accepter « d’autres preuves de mesures équivalentes de garantie de la qualité produites par les candidats si ceux-ci n’ont pas accès à ces certificats ou n’ont aucune possibilité de les obtenir dans les délais indiqués ». La souplesse ainsi organisée vient tempérer la rigueur de l’énumération limitative des documents pouvant être exigés. En effet, elle autorise les entreprises nouvellement créées et celles ayant des ressources financières limitées, c’est-à-dire en pratique les plus petites entreprises, à faire valoir leurs capacités par des moyens équivalents. À cet égard, l’affiliation à une fédération professionnelle ou la certification par un organisme professionnel représente un coût pour l’entreprise qui en fait la demande. Or, toutes ne souhaitent pas, ou plus prosaïquement ne peuvent pas, supporter un tel coût. Le Conseil d’État est même allé plus loin en considérant que « s’il est loisible à l’acheteur public d’exiger la détention, par les candidats à l’attribution d’un marché public, de documents comptables et de références de nature à attester de leurs capacités, il doit néanmoins, lorsque cette exigence a pour effet de restreindre l’accès au marché à des entreprises de création récente, permettre
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
aux candidats qui sont dans l’impossibilité objective de produire les documents et renseignements exigés par le règlement de la consultation, de justifier de leurs capacités financières et de leurs références professionnelles par tout autre moyen »(18). C’est donc bien ici la qualité du candidat (et l’impératif de liberté d’accès à la commande publique) qui justifie que ses capacités soient appréciées sur la base de documents qui stricto sensu ne relèvent pas, du moins pas expressément, de la liste fixée par l’arrêté du 28 août 2006. Il en va de même des documents pouvant être exigés d’un candidat se trouvant en situation de redressement judiciaire(19). Certes, la question ne se pose pas si le placement en redressement judiciaire est intervenu avant la remise des candidatures, auquel cas le candidat doit produire la copie du ou des jugements prononcés à cet effet, afin de permettre au pouvoir adjudicateur de s’assurer qu’il est autorisé à poursuivre son activité a minima pendant la durée prévisible d’exécution du marché(20). En revanche, si le candidat est sujet à une procédure de redressement judiciaire ouverte postérieurement à la remise des offres, il résulte désormais de la jurisprudence(21) que, nonobstant le caractère limitatif des pièces pouvant être exigées au titre de la candidature, le candidat doit en informer sans délai le pouvoir adjudicateur, « lequel doit alors vérifier si l’entreprise est autorisée à poursuivre son activité au-delà de la durée d’exécution du marché et apprécier si sa candidature reste redevable ; (…) dans la négative, le pouvoir adjudicateur ne peut poursuivre la procédure avec cette société ».
(18) CE 9 mai 2012, Commune de Saint-Benoît, req. n° 356455 ; voir également CE 10 mai 2006, Société Bronzo, req. n° 281976. (19) La procédure de redressement judiciaire est ouverte à l’encontre d’une entreprise en état de cessation des paiements, autrement dit qui ne peut faire face au passif exigible avec son actif disponible (cf. article L. 631-1 du Code de commerce). (20) Cf. combinaison de l’article 43 du Code des marchés publics et des articles 8, 3°, et 38 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics. (21) CE 26 mars 2014, Commune de Chaumont, req. n° 374387.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Or, pour apprécier si la candidature reste recevable, le pouvoir adjudicateur doit nécessairement obtenir communication du jugement ordonnant le placement du candidat en redressement judiciaire. Autrement dit, c’est là encore la qualité du candidat « placé en redressement judiciaire » au cours de la procédure de passation qui justifie qu’un document supplémentaire (le jugement) soit communiqué par ce dernier après le dépôt de son offre.
Hypothèses d’atténuation tenant à la nature du marché À la différence des règles de droit commun applicables à la grande majorité des marchés publics, les marchés de défense ou de sécurité soumis à la troisième partie du Code bénéficient de règles spécifiques et dérogatoires dérivées du droit de l’Union européenne. S’agissant en particulier des documents et renseignements pouvant être exigés des candidats à l’attribution d’un marché public de défense ou de sécurité, l’arrêté du 28 août 2006 ne s’applique pas. Les documents et renseignements susceptibles d’être demandés aux candidats à ces marchés figurent directement dans le Code des marchés publics. Or, l’article 220 énonce clairement que la liste qu’il fixe n’est pas exhaustive : « A l’appui des candidatures et dans la mesure où ils sont nécessaires à l’appréciation des capacités professionnelles, techniques et financières des candidats, la personne soumise à la présente partie peut notamment demander les renseignements et documents suivants (…) ». Les pouvoirs adjudicateurs intervenant dans le domaine de la défense ou de la sécurité bénéficient donc d’une certaine liberté dans le type de documents pouvant être demandés aux candidats. Précisons, toutefois, que cette liberté n’est pas sans limite. En effet, à l’instar des règles de droit commun applicables à l’ensemble des marchés, les dispositions précitées rappellent l’exigence de proportionnalité entre les documents demandés à l’appui des candidatures et la nécessité de la demande, ce afin de préserver la liberté d’accès à la commande publique.
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
35
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
Documents exigibles : ne pas confondre examen des candidatures et analyse des offres Examen de la candidature et analyse de l’offre ne se confondent pas. A pari, cette distinction joue dans la détermination des documents qui peuvent être exigés des candidats à un marché public. Le juge des référés ne peut pas se fonder sur des dispositions applicables aux seuls documents de sélection des candidatures pour juger de la régularité des exigences portant sur la composition du dossier produit pour la sélection des offres. Par une décision du 7 novembre 2014, le Conseil d’État a apporté une utile précision à la détermination des documents qui peuvent être exigés des candidats selon le stade de la consultation.
P
Sylvain Boueyre Avocat à la Cour
Références CE 7 novembre 2014, req. n° 384014
Mots clés 6cVanhZ YZh d[[gZh 6jidg^hVi^dch VYb^c^higVi^kZh :mVbZc YZh XVcY^YVijgZh :me g^ZcXZ YZh XVcY^YVih
36
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
ar un avis d’appel public à la concurrence publié le 24 avril 2014, le syndicat départemental de traitement des déchets ménagers de l’Aisne (Valor’Aisne) a lancé une procédure de passation d’un marché de prestations de services en appel d’offres ouvert ayant pour objet le traitement des ordures ménagères résiduelles de plusieurs collectivités du département de l’Aisne. L’article 3.2. du règlement de la consultation prévoyait que l’offre de chaque candidat devait comporter un mémoire technique comprenant notamment la copie de l’arrêté préfectoral autorisant l’exploitation du centre de traitement des déchets pour une période correspondant au moins à la durée d’exécution du marché. Voyant sa candidature rejetée par courrier du 8 juillet 2014, la société Sita Dictra, dont l’offre a été classée en deuxième position, a saisi le juge des référés précontractuels du tribunal administratif d’Amiens aux fins d’annulation de la procédure. Elle soutenait notamment qu’en exigeant la production d’une autorisation préfectorale valable pour la durée du marché, le pouvoir adjudicateur avait rompu l’égalité de traitement des candidats. Le juge des référés a fait droit à sa demande en se fondant sur l’article 45 du Code des marchés publics et l’arrêté du 28 août 2006 (NOR : ECOM0620008A) pris pour son application : le syndicat ne pouvait exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d’évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières. En exigeant la production de l’autorisation préfectorale au stade de l’examen de l’offre, le syndicat a commis une irrégularité de nature à porter atteinte à l’égalité de traitement des candidats. Saisi en cassation de l’ordonnance du juge des référés par le syndicat départemental de traitement des déchets, le Conseil d’État devait statuer sur l’applicabilité de l’article 45 du Code des marchés publics et l’arrêté du 28 août 2006 relatifs à la sélection des candidatures à la production d’un document exigé pour la sélection des offres. Au fond, il s’agissait de déterminer si le pouvoir adjudicateur peut exiger, au stade de l’analyse des offres, la production d’une autorisation administrative indispensable à l’exécution du marché public.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
Le Conseil d’État censure le raisonnement retenu par le juge des référés qui, en se fondant « sur des dispositions applicables aux seuls documents de sélection des candidatures pour juger de la régularité des exigences portant sur la composition du dossier produit pour la sélection des offres », a commis une erreur de droit. Procédant à l’examen au fond du litige, le juge de cassation constate que la copie des documents en cause devait figurer dans le mémoire technique, sur le fondement duquel devait être apprécié le critère tiré de la valeur technique de l’offre. Ainsi rattachée au stade de l’analyse de l’offre et parce qu’elle « permet de déterminer les moyens dont disposent les candidats pour exécuter le marché et donc d’évaluer leur offre au regard des critères retenus », cette exigence ne rompt pas l’égalité de traitement entre les candidats. Si en apparence, la cassation de l’ordonnance pour erreur de droit s’imposait, la solution consacrée ouvre la voie à un débat sur la possibilité pour un pouvoir adjudicateur d’exiger la production d’une autorisation administrative indispensable à l’exécution du marché public au stade de l’analyse des offres.
Les documents exigés pour la sélection des candidatures ne se confondent pas avec ceux produits pour la sélection des offres La nécessaire distinction entre examen des candidatures et analyse des offres Dans le cadre des procédures formalisées comme en procédure adaptée(1), le droit des marchés publics distingue depuis longtemps la phase de sélection des candidatures de celle de l’analyse des offres. Sous l’empire de la directive 71/305/CEE du 26 juillet 1971 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, la Cour de justice des Communautés européennes avait déjà pu juger qu’il convient de distinguer « la vérification de l’aptitude des entrepreneurs à exécuter les travaux » et « l’attribution du marché », lesquelles constituent « deux opérations différentes », « régies par des règles différentes »(2). La phase d’examen des candidatures est destinée à apprécier l’aptitude de l’opérateur à répondre au besoin du pouvoir adjudicateur. Elle tend à écarter les candidatures d’opérateurs que le pouvoir adjudicateur estime incapables de répondre à son besoin, indépendamment de toute comparaison laudative entre elles. On y distingue la capacité juridique, administrative du candidat qui s’attache notamment à la production des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à l’engager et sa capacité professionnelle, technique et financière. Le
Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics(3) précise que les capacités professionnelles permettent de vérifier si le candidat possède les qualifications requises à travers ses références ou des justifications professionnelles(4). Les capacités techniques sont les moyens matériels (outillage) et humains (effectifs) du candidat, et les capacités financières reposent essentiellement sur son chiffre d’affaires(5). La phase d’analyse des offres est, quant à elle, destinée à évaluer leurs mérites respectifs au regard de l’efficience de la réponse au besoin du pouvoir adjudicateur. Il ne s’agit plus d’apprécier si le candidat pourra ou non répondre au besoin du pouvoir adjudicateur mais s’il pourra mieux y répondre que ses concurrents, si son offre constitue l’offre économiquement la plus avantageuse. La distinction entre examen des candidatures et analyse des offres se traduit naturellement dans les documents exigibles : ceux exigés pour l’examen des candidatures se rapportent aux aptitudes des candidats à répondre au besoin, et ceux exigés pour l’analyse des offres sont destinés à apprécier les mérites respectifs de chaque offre au regard de l’efficience dans la réponse au besoin. L’article 45 du Code des marchés applicable à la seule phase d’examen des candidatures dispose que « le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d’évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager ». L’arrêté du 28 août 2006(6) est venu dresser la liste limitative(7) des documents pouvant être exigés des candidats. Faisant application de ces dispositions, il a par exemple été jugé qu’un pouvoir adjudicateur ne peut retenir comme critère de sélection des offres la qualification professionnelle des entreprises, « cette dernière ne pouvant être utilisée, contrairement à ce que soutient la commune de Lens, comme un critère additionnel à ceux mentionnés par le code des marchés publics »(8). Plus récemment encore, s’agissant d’un marché de conception-réalisation d’un ouvrage public en procédure
(3) 8^gXjaV^gZ Yj &) [ kg^Zg '%&' gZaVi^kZ Vj <j^YZ YZ WdccZh egVi^fjZh Zc bVi^ gZ YZ bVgX] h ejWa^Xh! VXijVa^h Z aZ '+ hZeiZbWgZ '%&). ) 8Zgi^ÒXVih egd[Zhh^dccZah dj XZgi^ÒXVih YZ fjVa^i # * Dj eVg ViiZhiVi^dc WVcXV^gZ! egZjkZ YÉjcZ VhhjgVcXZ! egdYjXi^dc YZ W^aVch dj YÉZmigV^i YZ W^aVch ZiX# + 6gg i Yj '- Vd i '%%+ CDG / :8DB%+'%%%-6 ! ÒmVci aV a^hiZ YZh gZchZ^\cZbZcih Zi YZh YdXjbZcih edjkVci igZ YZbVcY h Vjm XVcY^YVih Vjm bVgX] h eVhh h eVg aZh edjkd^gh VY_jY^XViZjgh.
(1) 8: '. Vkg^a '%&&! <VgYZ YZh HXZVjm! b^c^higZ YZ aV ?jhi^XZ Zi YZh A^WZgi h! gZf# c ())+&,.
(7) 8: &( cdkZbWgZ '%%'! DE=AB YZ aV XdbbjcVji jgWV^cZ Yj BVch! gZf# co ')*(%( / Rec. CE T. 780 ; BJCP '%%(# &&+! XdcXa# E^kZiZVj! dWh# 8]# BVj\ 0 XdcÒgb eVg 8: && Vkg^a '%&)! B^c# 9 [ZchZ X#$ Hi AZ\gVcY 7}i^hhZjgh! gZf# c (,*')* 0 Contrats publics – Le Moniteur! c &)-! cdkZbWgZ '%&)! e# +'! cdiZ H# ;VjX]Zg.
(2) 8?8: '% hZeiZbWgZ &.--! V[[# 8"(&$-,! Rec. &.--! e# %)+(*.
(8) 8: '. Y XZbWgZ '%%+! Hi 7ZgiZaZ HC8! gZf# c ',(,-(.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
37
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
restreinte, la prise en compte de la « production d’une note présentant la composition de l’équipe dédiée au projet ainsi que l’organisation mise en place pendant la phase de conception et pendant les phases de réalisation, de mise en service et de maintenance de l’ouvrage, avec la définition des rôles et responsabilités des membres de ces équipes et leur méthodologie de travail » pour l’examen des candidatures admises à présenter une offre a été sanctionnée par le juge(9). L’article 53 du Code des marchés publics relatif à la phase d’analyse des offres est beaucoup plus lâche dans la marge de manœuvre laissée au pouvoir adjudicateur pour la fixation des critères d’attribution puisqu’il se limite à imposer des critères non discriminatoires et liés à l’objet du marché. La distinction entre phase d’examen des candidatures et analyse des offres n’est donc pas neutre puisqu’elle conditionne la marge de manœuvre laissée au pouvoir adjudicateur, lequel peut être facilement conduit à confondre les deux lors de l’identification des documents qui seront exigés des candidats. Pour le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur ne peut pas prendre en compte les critères exigés pour l’examen des candidatures (capacités ou références) et réciproquement, la sélection des candidatures doit s’opérer sans tenir compte du contenu des offres.
La source possible de confusion Comme relevé par le rapporteur public dans ses conclusions(10), le juge des référés du tribunal administratif d’Amiens a pu être encouragé dans son erreur de droit par cette ligne jurisprudentielle traditionnellement rigoureuse(11), et notamment, par la décision du Conseil d’État Département de l’Orne du 21 novembre 2007(12). La Haute juridiction y avait jugé que les dispositions de l’article 45 du Code des marchés publics et celles de l’arrêté du 26 février 2004(13) n’autorisent pas le pouvoir adjudicateur à exiger, dès l’examen des candidatures, la détention des autorisations administratives nécessaires à l’exercice de l’activité faisant l’objet du marché. La liste de l’article 1er de l’arrêté du 26 février 2004 ne visant pas les autorisations administratives telles que celles concernées au cas d’espèce, le juge administratif ne pouvait qu’en déduire que de tels documents ne pouvaient pas être exigés au stade de la candidature.
(9) 8: && Vkg^a '%&)! Hi AZ\gVcY 7}i^hhZjgh! gZf# c (,*')*. &% 8dcXa# 7ZgigVcY 9VXdhiV! JCP A c *! ' [ kg^Zg '%&*! '%&*# && A# <^kdgY Zi E# Egddi! » 6eeg X^Vi^dc YZh d[[gZh Zi Xdbbjc^XVi^dc YZh cdiZh YZh hdjh"Xg^i gZh / aZ egV\bVi^hbZ Yj _j\Z ¼! Contrats publics – Le Moniteur! c &*%! _Vck^Zg '%&*! e# ++# &' 8: '& cdkZbWgZ '%%,! 9 eVgiZbZci YZ aÉDgcZ! gZf# n° 291411 ; Rec. CE T. 2007 ; BJCP '%%-! e# ,! XdcXa# 9# 8VhVh# &( 6gg i Yj '+ [ kg^Zg '%%) CDG / :8DB%)'%%%&6 ! eg^h Zc Veea^XVi^dc YZ aÉVgi^XaZ )*! Va^c V egZb^Zg! Yj 8dYZ YZh bVgX] h ejWa^Xh Zi ÒmVci aV a^hiZ YZh gZchZ^\cZbZcih Zi$dj YdXjbZcih edjkVci igZ YZbVcY h Vjm XVcY^YVih Vjm bVgX] h ejWa^Xh! VWgd\ eVg aÉVgg i Yj '- Vd i '%%+#
38
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
S’inspirant probablement de cette décision, le juge des référés du tribunal administratif d’Amiens a cru pouvoir transposer cette solution au marché de traitement des ordures ménagères du département de l’Aisne. Pour annuler la procédure de passation du marché, il a fait application des mêmes dispositions. Mais la liste dressée par l’arrêté du 28 août 2006 ne visant toujours pas de documents relatifs aux autorisations administratives telles que celles qui étaient en cause - arrêtés ICPE autorisant l’exploitation de centres de traitement des déchets -, le juge des référés en a déduit que le syndicat avait commis une irrégularité en exigeant des candidats qu’ils les produisent. Or, l’article 3.2. du règlement de la consultation définissait trois critères d’attribution dont celui de la valeur technique. Ce dernier devait être apprécié au regard du mémoire technique, lequel devait notamment comporter la copie des arrêtés préfectoraux autorisant l’exploitation des usines de traitement des déchets. Le pouvoir adjudicateur avait ainsi eu l’intention explicite de rattacher l’exigence de production de l’autorisation administrative d’exercer l’activité objet du marché au stade de l’analyse des offres et non à celui de l’examen des candidatures. Il s’en déduit que le juge des référés ne pouvait pas appliquer l’article 45 du Code des marchés publics à des documents exigés à l’appui du dossier produit pour la sélection des offres. On se permettra pourtant de supposer que l’erreur de droit ainsi commise ne procède peut-être pas d’une confusion entre la sélection des candidatures et l’analyse des offres mais de ce que le juge des référés a implicitement considéré que l’exigence de production des autorisations administratives devait nécessairement se rattacher au stade de l’examen des candidatures, abstraction faite de ce qu’elle devait être produite à l’appui du mémoire technique. Mais juger ainsi revenait, en tout état de cause, à dénaturer les faits et exposait également l’ordonnance à la cassation. Si l’erreur de droit devait être admise, pour autant, le juge des référés a légitimement pu considérer que l’obligation de produire la copie des arrêtés préfectoraux nécessaires à l’exécution du marché public de traitement des ordures ménagères devait se rattacher à la phase de sélection des candidatures.
le pouvoir adjudicateur peut exiger la production d’une autorisation administrative indispensable à l’exécution du marché public au stade de l’analyse des offres L’autorisation administrative nécessaire à l’exécution du marché ne se rattache pas à la sélection des offres Réglant le litige au fond et bien que le moyen ne semble pas avoir été expressément soulevé, il revenait au Conseil
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
d’État de statuer sur la possibilité pour le pouvoir adjudicateur d’exiger la production d’une autorisation administrative indispensable à l’exécution du marché au stade de l’analyse des offres. La question n’est pas que théorique puisqu’elle conditionne le régime de sanction applicable au non-respect de cette exigence ou, plus généralement, à celle de la détention d’un moyen spécifique nécessaire à l’exécution du marché. Nonobstant le caractère limitatif de la liste de l’arrêté du 28 août 2006 en l’état du droit positif, si l’autorisation ou le moyen spécifique est exigé au stade de l’examen des candidatures, la sanction du non-respect de cette exigence par un candidat résiderait dans le caractère irrégulier de sa candidature conformément à l’article 35 du Code des marchés publics. En revanche, si l’autorisation ou le moyen spécifique est exigé au stade de l’analyse des offres, la sanction résiderait uniquement dans une modulation de l’appréciation de la valeur de l’offre par le pouvoir adjudicateur, laquelle pourrait être compensée par les autres critères d’attribution. Si la phase de sélection des candidatures, destinée à évaluer l’aptitude du candidat à répondre au besoin du pouvoir adjudicateur, ne se confond pas avec la phase d’analyse des offres, destinée à en évaluer les mérites respectifs, le juge administratif, à la différence de la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après, CJUE), fait pourtant preuve d’un assez grand réalisme. Alors même que l’article 45 du Code des marchés publics rattache l’expérience et les capacités professionnelles à l’examen des candidatures, il a été jugé que dans le cadre d’une procédure adaptée, le pouvoir adjudicateur pouvait « en tout état de cause retenir, pour choisir l’offre économiquement la plus avantageuse, le critère tiré de l’expérience du candidat dans les domaines objets des différents lots du marché »(14). Le Conseil d’État a par la suite affiné sa position en ajoutant que le pouvoir adjudicateur peut retenir, pour choisir l’offre économiquement la plus avantageuse, le critère tiré de l’expérience du candidat « lorsque sa prise en compte est rendue objectivement nécessaire par l’objet du marché et la nature des prestations à réaliser et n’a pas d’effet discriminatoire »(15). On aboutit ainsi à une fongibilité de la frontière entre documents exigés au stade de l’examen des candidatures et ceux exigés au stade de l’analyse des offres. À contre-courant de cette évolution, la CJUE semble quant à elle plus rigide dans l’application des principes puisqu’elle a estimé, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, que l’ancienne directive 92/50/CEE relative aux marchés publics de services(16) s’opposait « à ce que, dans le cadre
(14) 8: + bVgh '%%.! 8dbbjcZ YÉ6^m"Zc"EgdkZcXZ! gZf# c (&)+&%. &* 8: ' Vd i '%&&! EVgX cVijgZa g \^dcVa YZh <gVcYh 8VjhhZh! gZf# c ()-'*). &+ 9^gZXi^kZ .'$*%$8:: Yj 8dchZ^a Yj &- _j^c &..' edgiVci XddgY^cVi^dc YZh egdX YjgZh YZ eVhhVi^dc YZh bVgX] h ejWa^Xh YZ hZgk^XZh! bdY^Ò Z eVg aV Y^gZXi^kZ .,$*'$8: Yj &( dXidWgZ &..,#
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
d’une procédure d’adjudication, le pouvoir adjudicateur tienne compte de l’expérience des soumissionnaires, de leur effectif et de leur équipement ainsi que de leur capacité à fournir le marché au moment prévu non pas à titre de « critères de sélection qualitative », mais à titre de « critères d’attribution »(17). Plus récemment encore, la Cour a pu juger « que le critère de l’expérience (…) tel que retenu (…) à titre de critère d’attribution, concerne l’aptitude des soumissionnaires à exécuter le marché et n’a donc pas la qualité de critère d’attribution »(18). Eu égard à la « souplesse » du juge administratif français face au rigorisme de la Cour de justice, appliquée à la question du rattachement de l’exigence d’une autorisation administrative au stade de l’analyse des offres, on peut légitimement s’interroger sur la conformité de la première à la seconde. On voit mal comment la Cour de justice de l’Union européenne pourrait admettre le rattachement de cette exigence à la phase de sélection des offres, quand elle considère que le critère tiré de l’expérience, dont on conviendra qu’il est plus aisément rattachable à la valeur de l’offre dès lors que l’expérience est suffisamment significative et liée à l’objet du marché, s’attache à l’examen de la candidature.
L’autorisation administrative nécessaire à l’exécution du marché ne pouvait pas se rattacher à l’examen de la candidature Dans la décision commentée, le marché avait pour objet le traitement des ordures ménagères résiduelles dans le département de l’Aisne. Cette activité exige de jure, sur le fondement de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), la détention des autorisations administratives d’exploiter les usines de traitement des déchets. Sans une telle autorisation, aucun opérateur ne peut légalement exercer l’activité objet du marché. La détention de cette autorisation préfectorale constituait donc, à raison de l’objet même du marché, une condition sine qua non pour son exécution. Seul le caractère limitatif de la liste des documents exigibles fixée par l’arrêté du 28 août 2006 a pu conduire le syndicat Valor’Aisne à exiger la production d’une telle autorisation à l’appui du mémoire technique des candidats, quand elle s’imposait naturellement dès le stade de l’examen des candidatures, comme critère d’appréciation de l’aptitude du candidat à répondre au besoin du syndicat.
(17) 8?8: ') _Vck^Zg '%%-! :bb# <# A^VcV`^h 6: X$ 9^bdh 6aZmVcYgdjeda^h! V[[# 8"*('$%+ 0 XdcÒgb eVg 8?8: &' cdkZbWgZ '%%.! V[[# 8"&..$%,! 8dbb^hh^dc X$ <g XZ / Rec. CJCE 2009, I, e# &%++.. &- ¿ egdedh YZ aÉVgi^XaZ (% YZ aV Y^gZXi^kZ .($(,$8:: Yj 8dchZ^a Yj &) _j^c &..(! edgiVci XddgY^cVi^dc YZh egdX YjgZh YZ eVhhVi^dc YZh bVgX] h ejWa^Xh YZ igVkVjm / 8?J: . dXidWgZ '%&)! :heV\cZ X#$ 8dbb^hh^dc Zjgde ZccZ! V[[# 8"+)&$&( E.
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
39
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
Pour justifier une solution qui pouvait paraître contestable, le Conseil d’État s’est fondé sur la grande latitude offerte au pouvoir adjudicateur par l’article 53 du Code des marchés publics dans la détermination des critères d’attribution. Dès lors qu’ils sont liés à l’objet du marché et qu’ils sont non discriminatoires, les critères d’attribution peuvent être largement interprétés. Le syndicat pouvait donc valablement introduire, dans l’appréciation de la valeur technique des offres, le mémoire technique à l’appui duquel devait être fournie la copie des arrêtés préfectoraux. Ainsi inclus dans le mémoire technique composant l’offre, les arrêtés préfectoraux étaient dès lors érigés en « quasi-critères » d’appréciation des offres en ce qu’ils permettent « de déterminer les moyens dont disposent les candidats pour exécuter le marché et donc d’évaluer leurs offres au regard des critères retenus ». Si l’exigence tirée de la production des autorisations administratives permet effectivement « de déterminer les moyens dont disposent les candidats pour exécuter le marché », conformément à l’article 45 du Code des marchés publics, c’est au stade de l’examen des candidatures que doivent normalement s’apprécier ces moyens. En apparence seulement, on trouvera étrange que le Conseil d’État, par un raisonnement a fortiori, en tire la conséquence immédiate que l’exigence de production des autorisations préfectorales permet « d’évaluer » les offres des candidats au regard des critères retenus. Sauf à considérer que la procédure d’obtention de l’autorisation suppose elle-même une appréciation des mérites du demandeur, ce qui n’est pas le cas s’agissant de la délivrance des autorisations ICPE par le préfet dont la compétence est liée, le Conseil d’État adopte un raisonnement contestable au regard de l’orthodoxie juridique la plus rigoureuse.
40
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
Sans doute la Haute juridiction a-t-elle souhaité privilégier le pragmatisme(19) et, comme précisé par le rapporteur public, éviter « l’absurdité d’un système dans lequel la personne publique serait dans l’impossibilité juridique de vérifier que le candidat disposera bien, et ceci durant toute la durée d’exécution du marché, des installations indispensables, une telle vérification étant exclue tant au stade de la vérification des capacités qu’au stade du jugement des offres ». Si le bon sens milite en faveur d’une telle solution, elle aboutit néanmoins à abandonner, à la libre appréciation du pouvoir adjudicateur, l’évaluation de la probabilité que le candidat obtienne ou pas l’autorisation nécessaire à l’exécution du marché lorsqu’il ne la détient pas ou qu’il la détient mais pour une durée inférieure à la durée d’exécution du marché, comme c’était le cas en l’espèce. Cette solution s’imposait toutefois en l’état du droit positif puisque l’arrêté du 28 août 2006 ne vise pas les autorisations administratives telles que celles de l’espèce et que le pouvoir adjudicateur, en incluant l’exigence de production de ces autorisations au stade de l’examen des candidatures, s’exposerait à un risque d’annulation de la procédure. En tout état de cause et pour éviter cet écueil, le Conseil d’État n’aurait pas pu considérer, comme l’a probablement fait le juge des référés du tribunal administratif d’Amiens, que la copie des arrêtés préfectoraux devait en réalité être produite à l’appui de la candidature. Outre le fait que la liste limitative de l’arrêté du 28 janvier 2006 rendait impossible une telle interprétation, il aurait, ce faisant, dénaturé les faits.
&. A# <^kdgY Zi E# Egddi! » 6eeg X^Vi^dc YZh d[[gZh Zi Xdbbjc^XVi^dc YZh cdiZh YZh hdjh"Xg^i gZh / aZ egV\bVi^hbZ Yj _j\Z ¼! Contrats publics – Le Moniteur! c &*%! _Vck^Zg '%&*! e# ++#
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
Documents demandés aux candidats dans le cadre des marchés de défense Les marchés de défense requièrent du titulaire qu’il garantisse la protection des informations et la sécurité des approvisionnements. Les règles présidant à la composition du dossier de candidatures sont plus complètes et sont destinées à permettre au pouvoir adjudicateur de s’en assurer.
L
a réglementation traditionnelle de la commande publique consiste essentiellement à mettre en œuvre des procédures de mise en concurrence limitées à l’horizon du contrat : il s’agit de réaliser des achats ponctuels. Elle tend à la réalisation de deux objectifs de valeur constitutionnelle : l’efficacité économique de l’achat public et la protection des deniers et des propriétés publiques(1).
Cette approche de court terme s’avère toutefois insuffisante en matière d’achats de défense. Les besoins de l’État ne se limitent pas, en effet, à l’acquisition de travaux, fournitures ou services pour satisfaire aux besoins des forces armées. Dans ce secteur économique, les opérateurs économiques et l’acheteur public, l’État, sont étroitement interdépendants. Les industriels ont besoin de l’État pour assurer leurs débouchés et crédibiliser leurs produits à l’exportation, l’État a besoin des industriels pour atteindre un objectif d’autonomie stratégique. Il ne s’agit pas, pour lui, d’assurer l’approvisionnement immédiat des forces armées, mais de satisfaire à long terme les besoins de ces forces. La réglementation des marchés publics de défense ou de sécurité, issue de la directive 2009/81/CE du 13 juillet 2009 et transposée dans la troisième partie du Code des marchés publics(2), permet la prise en compte de cette spécificité. Aux deux objectifs traditionnels du droit de la commande publique s’ajoute un troisième objectif, le « renforcement de la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE) »(3) sur le moyen et long terme. Il s’agit d’utiliser la commande publique pour mener, dans le secteur de la défense, une véritable politique industrielle. Il en résulte que les règles de droit commun des marchés publics ont été adaptées, de manière à assurer la protection des informations et la sécurité des approvisionnements, Pierre de Baecke Avocat au barreau de Paris, cabinet VOLTA Avocats
Mots clés BVgX] h YZ Y [ZchZ dj YZ h Xjg^i 8VcY^YVijgZ 9dXjbZcih et renseignements pouvant être demandés aux candidats
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
(1) Cons. const. décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003, Loi autorisant le Gouvernement à simplifier le droit. (2) CMP, art. 176 à 291. (3) CMP, art. 177-II.
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
41
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
sans remettre en cause le principe de la mise en concurrence. Les règles présidant au choix des candidatures ont, elles aussi, fait l’objet de cette adaptation. Garantir la sécurité des approvisionnements et des informations consiste en effet à imposer contractuellement au titulaire du marché des exigences particulières comme : être en mesure d’assurer la disponibilité et la livraison en temps et en heure de quantités suffisantes d’équipements ou de services de défense ou de sécurité, ou l’interdiction de divulguer des informations sensibles. Le pouvoir adjudicateur doit être en mesure d’écarter, dès le stade de l’examen des candidatures, les opérateurs économiques qui ne présentent pas de garanties suffisantes en la matière. Les textes lui permettent, en conséquence, de s’assurer de la capacité du candidat de traiter, stocker et transmettre les informations au niveau de classification ou de protection qu’il a exigé, ou de faire face à une augmentation significative de ses besoins d’approvisionnement. Évidemment peut-il exiger que les candidats soient habilités. L’examen des candidatures revêt donc une importance singulière dans les marchés de défense, la nécessaire satisfaction de ces deux objectifs, protection des informations et sécurité d’approvisionnement, venant évidemment limiter la liberté d’accès à la commande publique. La troisième partie du Code des marché publics traduit cette exigence tant au regard de la recevabilité des candidatures qu’à celui du contrôle des capacités des candidats. Comme pour tout marché public, la candidature des opérateurs économiques soumissionnant à un marché de défense est appréciée sous les angles successifs de la recevabilité et de ses capacités.
Recevabilité de la candidature Cas du redressement judiciaire Le 1° du I de l’article 217 du Code des marchés publics exige en premier lieu des candidats la production, le cas échéant, de la copie du ou des jugements l’ayant placé en redressement judiciaire. Il n’est pas dérogé au principe selon lequel un candidat en redressement judiciaire ne peut, pour cette seule raison, être exclu de la procédure d’attribution, à la condition que la durée qui lui a été impartie par le juge consulaire pour se redresser soit compatible avec la durée d’exécution du marché. La problématique peut être sensible dans le secteur de la défense, dans lequel le pouvoir adjudicateur peut avoir de bonnes raisons d’éviter que le savoir-faire technologique du candidat s’éteigne avec lui. Pouvoir lui attribuer un marché public pour lui permettre de surmonter ses difficultés financières peut donc présenter un enjeu important. En pratique, toutefois, la durée impartie à l’entreprise sera souvent incompatible avec la durée du marché. L’un des enjeux de l’élaboration du régime des marchés de défense ou de sécurité était, en effet, de permettre la mise en place de partenariats de plus longue durée avec les acteurs du secteur de la défense, de manière à faire d’eux, sur un plus long terme, de véritables partenaires
42
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
industriels de l’État, non de simples fournisseurs. C’est cette idée que traduit, par exemple, la durée réglementaire plus longue des accords-cadres et des marchés à bons de commande, qui est de sept ans dans les marchés de défense contre quatre dans les secteurs classiques.
Protection des informations et prévention des atteintes à la sûreté de l’État Mais la fourniture du jugement éventuel du redressement judiciaire ne constitue en rien une spécificité des marchés de défense, pas davantage que la fourniture de la déclaration sur l’honneur prévue par le 2° du même I de l’article 217. Ces dispositions renvoient d’ailleurs, pour le contenu de cette déclaration, au cas mentionnés à l’article 43 du Code des marchés publics, ce qui pourrait signifier que ces cas sont ceux du droit commun. Ce n’est pas tout à fait vrai, car ces dispositions, transposant sur ce point la directive 2009/81/CE du 13 juillet 2009, permettent au pouvoir adjudicateur d’écarter les candidats qui ne donnent pas suffisamment de garanties en matière de protection des informations. Au terme d’un jeu de piste au demeurant absurde, l’article 43 du Code des marchés publics renvoyant à l’article 38 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005, qui renvoie lui-même à l’article 8 de cette même ordonnance, c’est cet article 8 qui fixe les cas d’interdiction de soumissionner pour l’ensemble des contrats de la commande publique. Les deux cas d’interdiction figurant aux 5° et 6° de cet article sont spécifiques aux marchés de défense. Le premier exclut les candidats sanctionnés pour méconnaissance de leurs engagements en matière de sécurité d’approvisionnement ou en matière de sécurité de l’information. Le candidat ainsi mis en cause ne peut échapper à l’exclusion qu’en établissant, d’une part, le cas échéant, l’entière exécution des décisions de justice éventuellement prononcées à leur encontre et, d’autre part, leur professionnalisme, lequel peut s’établir par la production de toute pièce ou élément approprié. Le second exclut les candidats à l’égard desquels « il est établi, par tout moyen et, le cas échéant, par des sources de données protégées, qu’elles ne possèdent pas la fiabilité nécessaire pour éviter des atteintes à la sécurité de l’État ». La référence introduite par ces dispositions aux « sources de données protégées » renvoie aux éléments de preuve apportées par les services de renseignement, mis à contribution pour apprécier la fiabilité d’une entreprise au regard de la nécessaire protection des intérêts de l’État. Le caractère manifestement discrétionnaire des appréciations ainsi portées sur la fiabilité de l’entreprise en cause traduit le caractère éminemment régalien de la matière, mais la question de la compatibilité de cette disposition avec l’interdiction, pour le pouvoir adjudicateur, de s’arroger un pouvoir de choix inconditionné, pourrait se poser. En réalité, le juge administratif admet la recevabilité de telles appréciations, même apocryphes, par exemple dans le contentieux du refus d’entrée sur le territoire
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
national(4) ou dans celui de la contestation d’une décision d’expulsion(5). Ce qui vaut en matière de libertés fondamentales vaut aussi en droit de la concurrence et justifie la modération apportée au principe de liberté d’accès à la commande publique. Le contrôle juridictionnel sur le contenu de l’appréciation portée par les services sur la fiabilité de l’entreprise au regard de la prévention des atteintes à la sûreté de l’État serait nécessairement restreint, mais le juge vérifierait l’existence d’éléments détaillés et concordants.
Préférence européenne et exclusion des opérateurs économiques relevant d’États tiers Le 3° du I de l’article 217 du Code des marchés publics dispose que le candidat produit également « Tous renseignements ou documents justifiant de sa nationalité » et, le cas échéant, pour les candidats relevant d’États étrangers à l’Union européenne, tous documents, renseignements ou justificatifs permettant d’évaluer que ce candidat répond aux critères d’accessibilité à la procédure indiqués dans l’avis d’appel public à concurrence. Le principe des marchés de défense étant celui de la préférence européenne, les opérateurs économiques relevant d’États tiers à cette dernière sont, par principe, exclus de la procédure de mise en concurrence. Dès lors qu’il le justifie, le pouvoir adjudicateur dispose toutefois de la possibilité d’élargir la concurrence à ces opérateurs, mais il doit s’assurer de la sécurité de ses approvisionnements, notamment en cas de crise. Ainsi qu’il est mentionné à l’article 220 du Code des marchés publics, les capacités de production de l’opérateur doivent être établies sur le territoire de l’Union européenne.
Capacités des candidats Capacités propres à assurer la sécurité des approvisionnements et protéger les informations L’appréciation de la capacité des candidats est un point sensible pour les acheteurs publics, qui souhaitent se garantir contre tout risque de défaillance du titulaire durant l’exécution du marché. La limitation des pièces exigibles des candidats a pour objet de limiter leurs
(4) S’agissant d’une « note blanche » des services de renseignement faisant état « avec précision » des activités de trafic de stupéfiants et de blanchiment d’argent dont l’intéressé était soupçonné : CE 3 mars 2003, Ministre de l’Intérieur c/ Rackhimov, req. n° 238662. (5) Les notes comportant sur le mouvement salafiste auquel appartenait l’intéressé, ainsi que des « éléments détaillés et concordants » sur les liens qui entretenait, directement ou indirectement, avec des organisations terroristes appartenant à des filières afghanes, yéménites et tchétchènes : CE 4 octobre 2004, Ministre de l’Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales c/ M. Bouziane, req. n° 266947.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
exigences, susceptibles d’opposer un obstacle disproportionné à la liberté d’accès à la commande publique. Le régime des marchés de défense ou de sécurité déroge, toutefois, à cette règle. L’arrêté du 28 août 2006(6) n’est pas applicable et la liste des pièces exigibles des candidats, fixée par l’article 220 du Code des marchés publics et non par un arrêté d’application, n’est pas exhaustive. Toutefois, la production des renseignements ou documents justificatifs de la capacité des candidats n’est toujours exigible que « dans la mesure où ils sont nécessaires à l’appréciation des capacités professionnelles, techniques et financières des candidats »(7). Le pouvoir adjudicateur est donc contraint par une nécessaire proportionnalité de ses exigences au regard de l’objet du marché et de la nature des prestations à réaliser, justifiée par le respect du principe de libre accès à la commande publique. Sur le fond, le pouvoir adjudicateur doit pouvoir s’assurer, ici encore, que les candidats aient bien les capacités d’assurer la sécurité de ses approvisionnements et de protéger les informations. Sur le premier point, l’article 220 prévoit ainsi expressément qu’il puisse être demandé au candidat de présenter « une description de l’outillage, du matériel et de l’équipement technique, des effectifs du personnel et de son savoir-faire ou des sources d’approvisionnement dont il dispose pour exécuter le marché, faire face à d’éventuelles augmentations des besoins de la personne soumise à la présente partie par suite d’une crise ou assurer la maintenance, la modernisation ou les adaptations des fournitures faisant l’objet du marché ». Il est en outre précisé que ces indications précisent « leur implantation géographique lorsqu’elle se trouve hors du territoire européen », de manière à permettre au pouvoir adjudicateur d’apprécier si le candidat répond aux critères d’accessibilité à la procédure spécifiés dans l’avis d’appel public à la concurrence. Sur le second point, le pouvoir adjudicateur réclame la production des éléments justifiant la capacité de traiter, stocker et transmettre ces informations au niveau de classification ou de protection exigée par le pouvoir adjudicateur, lorsque le marché fait intervenir, nécessite ou comporte des supports ou informations protégés ou classifiés dans l’intérêt de la sécurité nationale : il s’agit de l’habilitation obtensible dans les conditions fixées par l’instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale approuvée par l’arrêté du 30 novembre 2011(8). Les sous-contractants, c’est à dire les sous-traitants et les autres opérateurs économiques sur lesquels le candidat s’appuie pour présenter sa candidature, sont, en application de l’article 222, soumis aux mêmes contraintes.
(6) Arrêté du 28 août 2006 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs. (7) CMP, art. 220. (8) Arrêté du 30 novembre 2011 (NOR : PRMD1132480A).
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
43
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
L’habilitation relative à la protection des secrets de la défense nationale Le candidat peut être appelé à fournir, à l’appui de sa candidature et si l’objet du marché le justifie, c’est à dire si le dossier de la consultation ou l’exécution du marché implique qu’il ait à connaître d’informations classifiées, l’habilitation préalable – ou la demande d’habilitation préalable – fournie en application des articles R. 2311-1 et suivants du Code de la défense nationale et de l’instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale. Le pouvoir adjudicateur qui a exigé la détention d’une habilitation relative à la protection des secrets de la défense nationale doit informer les candidats, dans l’avis d’appel public à la concurrence, du délai imparti, qui ne peut être inférieur à quinze jours, pour fournir les documents nécessaires à l’habilitation et, si le marché nécessite la détention d’informations ou de supports classifiés, les documents nécessaires pour faire procéder à l’évaluation de l’aptitude physique de l’entreprise à détenir de tels informations ou supports. Il précise, dans le dossier de la consultation, les normes physiques à satisfaire et des obligations induites par la détention de tels informations ou supports et du fait que le début des travaux classifiés est suspendu à l’évaluation de l’aptitude qui peut, le cas échéant, intervenir après la notification du contrat(9). L’article 15 de l’Instruction interministérielle 1 300 dispose que : « Les entreprises publiques ou privées dépositaires de secrets de la défense nationale ou titulaires de marchés impliquant le traitement ou la détention d’informations ou de supports classifiés doivent désigner un officier de sécurité », qui « a pour mission, sous les ordres de son autorité d’emploi et en fonction des modalités propres à chaque structure, de fixer les règles et consignes de sécurité à mettre en œuvre concernant les personnes et les informations ou supports classifiés, et d’en contrôler l’application ». L’officier sécurité est l’interlocuteur privilégié des services chargés de s’assurer que l’opérateur économique respecte les conditions propres à garantir la protection des secrets et prévenir les atteintes à la sûreté de l’État. Le pouvoir adjudicateur peut, en tant que de besoin, demander à l’autorité nationale de sécurité de l’État du
candidat ou à l’autorité de sécurité désignée de cet État de vérifier la conformité des locaux et installations susceptibles d’être utilisés, les procédures industrielles et administratives qui seront suivies, les modalités de gestion de l’information ou la situation du personnel susceptible d’être employé pour l’exécution du marché. En pratique, ces informations font l’objet d’échanges d’informations entre services spécialisés, chargés de l’instruction des demandes d’habilitation. Ces services rendent un avis sur l’octroi de l’habilitation. Il convient de souligner que le pouvoir adjudicateur ne peut, sans méconnaître le principe d’égalité de traitement des candidats, rejeter une candidature pour défaut de production de cette habilitation dès lors que le candidat présente, dans son dossier de candidature, le dossier de demande d’habilitation conforme aux dispositions de l’annexe 11 de l’instruction interministérielle n° 1300, ainsi qu’un engagement à déposer un dossier d’aptitude pour chacun des établissements situés sur le territoire français dans lesquels il est envisagé d’exécuter des travaux classifiés(10). En application du droit commun, le Conseil d’État a précisé que dans le silence des textes, le pouvoir adjudicateur ne pouvait exiger la présentation du certificat de sécurité en cours de validité attestant de son habilitation(11). L’instruction interministérielle n° 1300 constitue à cet égard un texte spécial qui permet au pouvoir adjudicateur de réserver la diffusion du dossier de consultation des entreprises aux seuls candidats habilités ou en passe de l’être dès lors que ce dossier contient des informations classifiées. Une procédure est prévue dans le cas où la diffusion d’informations classifiées à un candidat ne disposant pas encore de l’habilitation à les consulter est nécessaire dans le cadre de la procédure d’attribution. Le pouvoir adjudicateur peut accorder aux candidats qui ne sont pas habilités, au moment du dépôt de leur candidature, un délai supplémentaire pour obtenir cette habilitation. Elle indique ce délai dans l’avis d’appel public à la concurrence(12). En revanche, l’habilitation exigée doit être obtenue et fournie au plus tard au moment de la signature du marché, ce dernier ne peut être signé avec un opérateur économique qui ne la détiendrait pas.
(10) Instruction interministérielle n° 1300, art. 95. (11) CE 21 novembre 2007, Département de l’Orne, req. n° 291411. (9) Instruction interministérielle n° 1300, art. 95.
44
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
(12) CMP, art. 219.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
Opportunité et modalités de présentation d’un sous-traitant lors de la passation des marchés publics Le moment de la présentation d’un sous-traitant n’est pas neutre, et peut s’expliquer, au stade de la passation d’un marché public, aussi bien par la contrainte d’un défaut de capacité que par la volonté de renforcer la compétitivité d’une proposition. Une vigilance particulière doit être observée par les candidats en la matière, les écueils susceptibles d’être rencontrés étant nombreux et parfois inattendus.
S
auf rares exceptions(1), le titulaire d’un marché public est toujours libre de recourir à un sous-traitant(2), les dispositions de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 étant d’ordre public(3).
Les modalités de recours et de mise en œuvre de la sous-traitance(4) à l’occasion de l’exécution des marchés publics sont désormais bien connues des acteurs publics et privés qui peuvent notamment s’appuyer sur les dispositions des articles 112 à 117 du Code des marchés publics encadrant précisément les conditions d’acceptation et de paiement du sous-traitant ou encore l’étendue de la responsabilité de l’entrepreneur principal. La possibilité de recourir à un sous-traitant n’est toutefois pas réservée au seul titulaire d’un marché public ; avant même sa signature, et dès le stade de la procédure de passation, chaque candidat à son attribution est autorisé à présenter au pouvoir adjudicateur une demande de sous-traitance. La nature des documents exigés des candidats pour la présentation de leur sous-traitant diffère selon le stade de la procédure auquel elle se rapporte – candidature ou offre – et selon les motivations du candidat, qui peut aussi bien mentionner le recours à la sous-traitance pour pallier un défaut de capacité que pour renforcer la compétitivité de sa proposition alors même qu’il disposerait
(1) TA Grenoble 20 juin 2014, Ordre des avocats au Barreau de Paris, n° 1203893, commenté ci-après. (2) CJCE 18 mars 2004, Siemens AG Ostereich, ARGE Telekom et Partner, aff. C-314/2001. Vincent Michelin et Christophe Cabanes Avocats associés – Selarl Cabanes-Neveu et Associés
Mots clés 8VeVX^i h egd[Zhh^dccZaaZh ;dgbjaV^gZ 98) <VgVci^Z Hdjh"igV^iVcXZ
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
(3) Loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance. (4) L’article 1er de la loi du 31 décembre 1975 rappelle que « la sous-traitance est l’opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant tout ou partie de l’exécution du contrat d’entreprise ou du marché public, conclu avec le maître d’ouvrage ».
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
45
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
déjà, et à lui-seul, de l’ensemble des capacités requises pour l’exécution du marché.
la liste est arrêtée par l’article 45 du Code des marchés publics et l’arrêté du 28 août 2006(8).
Bien qu’ils ne puissent l’exiger et encore moins en faire un critère d’attribution d’un marché public(5), les pouvoirs adjudicateurs attachent parfois un intérêt particulier à la connaissance, dès le stade de la passation du marché, de l’identité des sous-traitants pressentis.
La règle, pourtant simple, est néanmoins à l’origine de contentieux fréquents, notamment à l’occasion de recours en référés précontractuels.
Si le moment de la présentation d’un sous-traitant est donc rarement anodin et peut d’ailleurs correspondre à une stratégie délibérée d’un opérateur économique en vue de maximiser ses chances de remporter une consultation, il comporte également des écueils auxquels les candidats peuvent, parfois sans même le savoir, se retrouver confronter.
Une sous-traitance de capacité au soutien de la candidature L’opportunité de recourir à des sous-traitants à l’occasion de la passation d’un marché public se pose en premier lieu au stade des candidatures, dont l’examen par le pouvoir adjudicateur s’opère « au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières mentionnées dans l’avis d’appel public à la concurrence ou, s’il s’agit d’une procédure dispensée de l’envoi d’un tel avis, dans le règlement de consultation. Les candidatures qui ne satisfont pas à ces niveaux de capacité sont éliminées »(6). C’est la Cour de justice de l’Union européenne qui, la première, a reconnu aux candidats à l’attribution d’un contrat public la faculté de se prévaloir des capacités financières, techniques et professionnelles d’entités tierces, afin de satisfaire aux niveaux de capacités exigés par la personne publique(7). Désormais, les dispositions de l’article 45-III du Code des marchés publics précisent que tout candidat à l’attribution à un marché peut se prévaloir des « capacités professionnelles, techniques et financières d’autres opérateurs économiques, quelle que soit la nature juridique des liens existant entre ces opérateurs et lui ». Ce qui, en pratique, autorise tout opérateur économique à faire état des capacités d’entreprises tierces, qu’il s’agisse par exemple d’un sous-traitant, d’une filiale, ou d’une société mère. Il est ici simplement attendu des candidats, d’une part qu’ils justifient qu’ils disposeront effectivement des capacités (du ou) des sous-traitant(s) mobilisé(s) lors de l’exécution du marché – ce qui implique un engagement écrit de leur part –, d’autre part que ces derniers produisent les mêmes renseignements que le candidat principal, dont
Les candidats doivent tout d’abord veiller à apporter toutes les garanties nécessaires pour attester qu’ils disposeront effectivement des capacités du sous-traitant annoncé, sous peine de voir leur candidature rejetée. C’est en ce sens que le Conseil d’État a pu considérer comme irrégulière la candidature d’un groupement momentané d’entreprises qui n’avait pas donné au pouvoir adjudicateur « la garantie suffisante de l’intervention » d’un bureau d’études environnement présenté en qualité de sous-traitant et dont la présence était exigée par le règlement de consultation : « Considérant qu’ainsi qu’il a été dit, les requérants ont été informés, par lettre du 4 février 2011, du second motif de rejet de leur candidature tiré de ce que la participation du bureau d’études environnement, dont la présence au sein du groupement est exigée par le règlement de consultation, n’était pas apparue avec des garanties suffisantes ; qu’il résulte de l’instruction que, si les requérants entendaient pallier l’absence d’un bureau d’études environnement par le recours à une sous-traitance, la commune a relevé qu’en l’absence au dossier de document portant déclaration de sous-traitance, dont le modèle type est intitulé “DC4”, elle n’avait pas la garantie suffisante d’une telle intervention ; que ce faisant, elle n’a ni sanctionné, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’absence au dossier du document “DC4” non légalement prescrit mais simplement apprécié la vraisemblance des allégations du groupement, ni entaché ce second motif de rejet de la candidature d’une erreur manifeste d’appréciation »(9). Est également irrégulière la candidature d’une entreprise qui se contente d’indiquer qu’elle acquerra des moyens postérieurement à la conclusion du marché(10). Dans d’autres hypothèses encore, la démonstration de ce que le candidat disposera effectivement des moyens d’un sous-traitant satisfaisant au niveau de capacités minimal ne suffit pas à rendre sa candidature régulière. Il en est notamment ainsi dans certains domaines d’activités réglementées dont les règles déontologiques impliquent que les prestations soient directement réalisées par le titulaire du marché, et non par un sous-traitant. En ce sens, le tribunal administratif de Grenoble, par une décision en date du 20 juin 2014, a jugé irrégulière la candidature d’une entreprise à un marché de prestations juridiques au motif pris que celle-ci s’était adjoint les compétences d’un juriste, non en qualité de cotraitant,
(8) Arrêté du 28 août 2006 (NOR : ECOM0620008A), fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs. (5) TA Amiens, Ord. 6 juin 2003, Société Quille, n° 031118.
(9) CE 24 juin 2011, Commune de Rouen, req. n° 347840.
(6) Article 52 du Code des marchés publics.
(10) CAA Bordeaux 24 mai 2005, Cté intercommunale des villes solidaires, req. n° 02BX00318.
(7) CJUE 2 décembre 1999, Holst Italia Spa, aff. C-176/98.
46
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
mais de sous-traitant, en méconnaissance des dispositions de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 : « si l’article 30 précité du code des marchés publics autorise les soumissionnaires à s’adjoindre, notamment par voie de sous-traitance, le concours de spécialistes possédant les compétences dont eux-mêmes ne disposent pas afin de réunir l’ensemble des capacités requises à l’appui de leur candidature à l’attribution d’un marché public, c’est à la condition de ne pas méconnaître les dispositions déontologiques particulières régissant l’exercice de certaines activités […] Considérant que le marché litigieux qui prévoyait, à l’article 5 de son CCTP, l’exécution d’études juridiques et la rédaction d’actes nécessaires au changement de statut du Sivom du canton de Bozel, portait en partie sur la réalisation de prestations dont le titulaire, ou l’un des cotraitants, ne pouvait être qu’un opérateur répondant aux conditions de l’article 54 précité de la loi du 31 décembre 1971 ; qu’en acceptant d’examiner, puis en choisissant l’offre d’un candidat qui ne disposait pas de compétences juridiques et ne s’était pas adjoint le concours d’un juriste en l’intégrant dans un groupement, le pouvoir adjudicateur a méconnu les dispositions précitées »(11). Une solution similaire devrait également s’imposer s’agissant de la présentation d’un architecte en qualité de sous-traitant lorsque ce dernier agit dans le champ des dispositions de l’article 3 alinéa 2 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977(12), le code de déontologie des architectes(13) précisant clairement que ces derniers ne peuvent « ni prendre ni donner en sous-traitance la mission définie à l’alinéa 2 de l’article 3 de la loi sur l’architecture du 3 janvier 1977 »(14). En résumé, les candidats à l’attribution de marchés publics qui entendent se prévaloir des capacités financières, techniques et professionnelles d’un sous-traitant, devront veiller à ce que les trois exigences cumulatives suivantes soient satisfaites : – le sous-traitant annoncé produit les mêmes renseignements que le candidat principal ; – le candidat apporte des « garanties suffisantes de l’intervention » du sous-traitant ; – les prestations objets du marché peuvent régulièrement être sous-traitées.
La sous-traitance au stade de la candidature, dans un but autre que celui de faire valoir des capacités Rien n’empêche en revanche un candidat disposant déjà, et à lui seul, de l’ensemble des capacités requises, de présenter un sous-traitant dès le stade de la remise de son dossier de candidature. Comme l’a rappelé une réponse ministérielle, « dans le cas où la présentation du sous-traitant intervient lors du dépôt de la candidature, il convient de distinguer deux situations : si le titulaire peut réaliser la totalité de la prestation, sa candidature pourra être retenue et la question de l’agrément du sous-traitant sera examinée en parallèle ; si le titulaire ne peut réaliser la totalité de la prestation et a besoin de la capacité technique ou financière du sous-traitant, sa candidature devra être examinée en même temps que les capacités du sous-traitant »(15). Il ne s’agit donc pas, pour le candidat, de se prévaloir des capacités d’une entreprise tierce, mais de présenter à la personne publique, au plus tôt et en toute transparence, le sous-traitant à qui il entend confier l’exécution de certaines parties de son marché dans l’hypothèse où il en serait déclaré attributaire. Les motivations peuvent alors être très diverses et aller du souci de pallier une mobilisation de ses propres capacités sur d’autres chantiers, à la volonté de satisfaire le pouvoir adjudicateur au travers d’une sous-traitance attribuée à des entreprises locales. Cette voie doit néanmoins être empruntée avec la plus grande prudence, un récent contentieux ayant mis en évidence les risques qu’elle était susceptible de faire peser sur la recevabilité d’une candidature. C’est ainsi qu’une entreprise de travaux publics qui disposait, à elle seule, des capacités techniques, professionnelles et financières suffisantes pour l’exécution d’un marché, a vu sa candidature rejetée au motif pris de ce que le sous-traitant proposé par elle ne bénéficiait pas de l’ensemble desdites capacités. Saisi à l’occasion d’un recours en référé précontractuel, le tribunal administratif de Toulon a validé la démarche de la collectivité.
(13) JO du 25 mars 1980 et rectificatif JO – N.C. du 21 juin 1980.
Après avoir relevé que : « 7. Considérant qu’il ressort des pièces versées au dossier, notamment des mentions portées sur le formulaire DC4 “Déclaration de soustraitance” joint au dossier de candidature, que la SAS X a envisagé de sous-traiter à la Société Y les prestations n° 1 à 27 du bordereau des prix unitaires et forfaitaires, lesquelles représentent la totalité des prestations d’abattage, essouchement et rabaissement, soit environ les deux tiers du marché ; que, par conséquent, le pouvoir adjudicateur était tenu de vérifier, au stade de l’examen des candidatures, le niveau de capacité professionnelle
(14) Le tribunal administratif de Besançon a jugé illégale l’attribution d’un marché de maîtrise d’œuvre en méconnaissance des dispositions de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture : TA Besançon 22 juillet 1999, Monnot c/ Cne Boussières, n° 970232.
(15) Rep. min du 25 août 2003, n° 17096.
(11) TA Grenoble 20 juin 2014, précité. (12) L’alinéa 2 de l’article 3 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture précise que « le projet architectural mentionné ci-dessus définit par des plans et documents écrits l’implantation des bâtiments, leur composition, leur organisation et l’expression de leur volume ainsi que le choix des matériaux et des couleurs ».
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
47
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
du sous-traitant conformément aux stipulations du règlement de consultation ; qu’interrogée sur ce point le 15 juillet 2014 par la commune de Toulon en application de l’article 52 précité du Code des marchés publics, la société requérante n’a pas justifié de la détention par la Société Y de la qualification “Qualipaysage – E 140” ». Le tribunal a jugé que : « Considérant que la SAS X ne conteste pas que la Société Y, créée seulement le 5 mai 2014, n’est pas titulaire de la qualification “Qualipaysage – E 140” ; que les documents produits le 21 juillet 2014 pour justifier d’une qualification équivalente ne comportent pas la totalité des éléments exigés par l’article 8-1 du règlement de consultation et que font défaut, d’une part, la présence au sein de l’entreprise sous-traitante d’un salarié titulaire du certificat de spécialisation “taille et soin des arbres” ou du diplôme de niveau V en paysage ou foresterie et ayant validé au minimum 35 heures de formation cumulée spécifique à l’élagage (techniques de taille et grimper-déplacement en sécurité) et ayant au minimum 2 années d’expérience en élagage et titulaire d’une autorisation de grimper en sécurité et, d’autre part, un salarié titulaire d’une autorisation de conduite de nacelle signée par le chef d’entreprise et datant de moins d’un an ; que, par suite, la SAS X n’est pas fondée à soutenir que la commune de Toulon a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en rejetant sa candidature au motif de l’insuffisance professionnelle de son sous-traitant ; que, compte tenu de ce qui a été dit au point 7 ci-dessus, la circonstance que la SAS X soit titulaire de la qualification “Qualipaysage – E 140” est sans incidence sur la légalité du rejet de sa candidature ; que sa demande doit dès lors être rejetée »(16). S’il est vrai que la Cour de justice de l’Union européenne a déjà pu faire de la qualité d’un sous-traitant un élément essentiel du contrat(17), la solution a priori inédite retenue par le tribunal administratif de Toulon n’en pose pas moins un certain nombre de questions qui ne sont pas de nature à simplifier le travail des opérateurs économiques lors de l’élaboration de leur dossier de candidature. En effet, puisque l’article 52 du Code des marchés publics précise que l’appréciation des capacités professionnelles, techniques et financières d’un groupement est globale, et que par voie de conséquent, il n’est pas exigé que chaque membre du groupement ait la totalité des compétences techniques requises pour l’exécution du marché, on peut se demander pourquoi il en serait différemment en cas de sous-traitance, alors même que le sous-traitant, à la différence du cotraitant, n’a pas de lien contractuel avec le maître d’ouvrage. Plus encore, peut-on simplement attendre d’un candidat qui dispose, seul, de l’ensemble des capacités requises pour l’exécution du marché, qu’il justifie des capacités
d’un sous-traitant, dont par construction, il n’a pas entendu se prévaloir ? Le Conseil d’État avait, il y a quelques mois, clairement répondu par la négative(18). On relèvera incidemment que la décision précitée du tribunal administratif de Toulon se fonde sur des éléments de l’offre du candidat principal (le bordereau des prix unitaires), alors, que par hypothèse, si le rejet porte sur la candidature, l’offre est réputée ne jamais avoir été analysée. L’ordonnance du juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Toulon n’en demeure pas moins une illustration intéressante des problématiques juridiques complexes susceptibles de se poser lors de l’analyse d’un dossier de candidature mentionnant le recours à un sous-traitant. Il faut retenir que, dans l’hypothèse où le candidat principal n’entendrait pas recourir à la sous-traitance dans le but de faire valoir des capacités dont il n’aurait pas disposé, la prudence incite à ce que le sous-traitant soit alors présenté au stade de la remise de l’offre, voire après la notification du marché, cela afin d’éviter tout aléa dans l’analyse par la personne publique des niveaux de capacités attendus.
La présentation du sous-traitant au stade de l’offre Les modalités de présentation d’un sous-traitant sont en revanche nettement plus souples au stade de la remise des offres. Ce qui se comprend aisément, car si les capacités d’un sous-traitant dont s’est prévalu le candidat principal doivent être examinées au même titre que celles de l’entreprise candidate, tel n’est pas le cas si le candidat ne fait que présenter un sous-traitant au stade de l’offre(19). Aux termes de l’article 114 du Code des marchés publics, le candidat doit fournir au pouvoir adjudicateur une déclaration mentionnant la nature des prestations sous-traitées, l’identité du sous-traitant, le montant maximum des sommes à verser par paiement direct, les conditions de paiement prévues au projet de contrat de sous-traitance, et enfin les capacités techniques professionnelles et financières du sous-traitant. Il lui remet également une déclaration du soustraitant indiquant qu’il ne tombe pas sous le coup d’une interdiction d’accéder aux marchés publics. Et toujours aux termes de l’article 114-1° du Code des marchés publics, « la notification du marché emporte acceptation du sous-traitant et agrément des conditions de paiement ».
(16) TA Toulon 5 septembre 2014, Ville de Toulon, n° 1402926. (17) CJUE 13 avril 2010, Wall AG, aff. C-91/08 : La Cour a considéré qu’un changement de sous-traitant est susceptible de constituer une modification de l’un des éléments essentiels d’un contrat lorsque le recours à ce sous-traitant a constitué un élément décisif de l’attribution dudit contrat.
48
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
(18) CE 30 juin 2014, Société Léon Grosse, req. n° 376504. (19) Voir en ce sens, rép. min. n° 17096, JOAN Q, 25 août 2003, p. 6654.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
En pratique, la présentation du sous-traitant s’effectue généralement par la remise du formulaire DC4 au pouvoir adjudicateur ou à l’entité adjudicatrice au moment du dépôt de l’offre(20). On relèvera que la nature des documents demandés au stade de l’offre diffère sensiblement de celle des documents exigés au stade de la candidature, lorsqu’un candidat a entendu se prévaloir des capacités d’un sous-traitant. En effet, là où, pour la sélection des candidatures, le pouvoir adjudicateur doit procéder à un contrôle des « documents » transmis par le candidat pour justifier de ses capacités techniques et professionnelles, c’està-dire à un contrôle sur pièce, l’article 114 du Code des marchés publics indique qu’en cas de présentation d’un sous-traitant au stade de l’offre, « le candidat fournit au pouvoir adjudicateur une déclaration mentionnant […] les capacités techniques, professionnelles et financières du sous-traitant ». L’article 114 du Code des marchés publics n’a donc pas pour objet de permettre au pouvoir adjudicateur de vérifier, une seconde fois, les capacités techniques et professionnelles d’un candidat lors de l’analyse des documents justificatifs apportés par le sous-traitant présenté dans son offre. Il a pour objet de permettre d’agréer ledit sous-traitant par une simple déclaration de ses capacités, cela afin d’éviter la sous-traitance occulte et de permettre audit sous-traitant de bénéficier du paiement direct des prestations exécutées. Il est logique, dans ces conditions, que la jurisprudence se montre relativement souple sur le sort à réserver aux offres entachées d’éventuelles irrégularités sur la présentation d’un sous-traitant.
l’offre d’un candidat irrégulière au sens des dispositions de l’article 35-1-1° du Code des marchés publics, mais qu’il avait pour seule conséquence de priver le sous-traitant de l’acceptation et de l’agrément de ses conditions de paiement exigés par l’article 114 du Code précité et nécessaires à la régularité de sa situation(21). Cette solution de bon sens vient opportunément nuancer un avis contestable de la doctrine administrative aux termes duquel « si l’offre est recevable mais se combine avec un sous-traitant qui ne peut être agréé, elle doit être considérée comme partielle et ne peut être retenue en appel d’offres dans la mesure où l’offre ne peut être modifiée et où aucune autre offre ne peut être déposée »(22).
Conclusion En dépit de la simplicité apparente des règles de forme imposées, le recours à la sous-traitance demeure une étape sensible de la procédure d’attribution d’un marché public qui est à l’origine d’un contentieux fourni et de sanctions assez fréquentes. Dès lors que ce recours peut relever non d’une nécessité mais d’une véritable stratégie d’entreprise visant à emporter la conviction du pouvoir adjudicateur, une particulière attention devra être apportée au respect des principes rappelés ci-dessus. Il est en effet plus que regrettable de voir sa candidature rejetée au motif pris d’une faute dans la déclaration d’un sous-traitant alors même que le recours à cette soustraitance, à ce stade de la procédure, ne présentait pas de nécessité absolue. « Que la stratégie soit belle est un fait, mais n’oubliez pas de regarder le résultat » (Winston Churchill).
C’est ainsi qu’il a été jugé que le défaut de signature d’une annexe relative à la sous-traitance ne rendait pas
(20) Ce formulaire peut également être remis par le titulaire après le dépôt de son offre, c’est-à-dire en cours d’exécution du marché public ou de l’accord-cadre.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
(21) TA Marseille, ord., 30 sept. 2010, n° 10-05803, Sté Groupe LCX. (22) Rép. Min., 25 août 2003, prec.
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
49
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
Inexactitude des renseignements fournis : conséquences… Depuis le Code de 2001, les sanctions en cas de non-production ou d’inexactitudes des renseignements… ont connus des évolutions. Préalablement au prononcé de la sanction, le pouvoir adjudicateur doit mettre le candidat à même de présenter sa défense et doit justifier du bien-fondé de la sanction.
L
e principe de liberté d’accès à la commande publique est l’un des principes fondamentaux qui découlent du principe de non-discrimination et, plus généralement, du principe de libre concurrence. Pour satisfaire ces principes généraux consacrés tant par le juge constitutionnel que par le juge administratif, le droit de la commande publique est venu encadrer expressément la procédure d’établissement des candidatures. Les procédures de passation des marchés publics, quelle qu’elles soient, se caractérisent, en effet, par la distinction entre l’examen des candidatures et celui des offres. Bien sûr, la distinction entre le dossier de candidature et celui des offres paraît s’estomper avec la simplification des règles formelles de procédure. En particulier, le décret n° 2008-1355 du 19 décembre 2008 de mise en œuvre du plan de relance économique dans les marchés publics a supprimé en appel d’offres ouvert l’obligation de séparer les pièces relatives aux candidatures et les pièces relatives aux offres dans deux enveloppes distinctes. Toujours est-il que l’examen des candidatures, seul sujet qui nous intéresse ici, est obligatoire, quelle que soit la procédure mise en place. Le candidat à un marché public ou à un accord-cadre doit satisfaire à des conditions minimales d’honorabilité et de solvabilité. Il doit justifier de la régularité de sa situation en fournissant un certain nombre de documents ou pièces limitativement énumérés par le Code des marchés publics. C’est ainsi que les documents et renseignements à fournir par les candidats relèvent successivement de la recevabilité et de l’admissibilité de leur candidature :
Nicolas Fouilleul Docteur en droit public Avocat associé spécialiste en droit public Chargé d’enseignement à l’Université Aix-Marseille
– les candidats doivent d’abord établir qu’ils ne font pas l’objet d’une interdiction de soumissionner(1), ce qui implique notamment qu’ils justifient de la régularité de leur situation fiscale et sociale(2) ;
Mots clés (1) Code des marchés publics, art. 43. 6WhZcXZ YZ e^ XZh 9dhh^Zg ^cXdbeaZi >cZmVXi^ijYZ YZh YdXjbZcih B^hZ Zc YZbZjgZ G [ g eg XdcigVXijZa G h^a^Vi^dc
50
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
(2) Voir notamment la lettre circulaire n° 2008-054 de l’ACOSS : en cas de redressement judiciaire du candidat, les organismes de recouvrement n’entendent plus délivrer l’attestation de
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
– les candidats doivent ensuite établir leurs capacités à assurer l’exécution des prestations qui font l’objet du marché(3), à défaut de quoi leur candidature n’est pas admise(4). La formalité de la constitution du dossier de candidatures a déjà été simplifiée en 2006. En fait, elle ne constitue plus qu’en la fourniture, le cas échéant, du jugement prononçant le redressement judiciaire(5), de celle d’une déclaration sur l’honneur(6) et de celle des documents justifiant de la capacité(7). Seule la recevabilité de la candidature de l’attributaire du marché ou de l’accordcadre fait l’objet d’une vérification détaillée, sur la base de l’ensemble des documents et renseignements qu’il doit alors fournir avant la signature du marché. Il est, par ailleurs, prévu qu’il produise un certain nombre de pièces complémentaires(8). Les travaux de transposition des directives européennes de 2014 vont conduire les autorités nationales à simplifier encore le dossier de candidature, autour de deux axes : – la généralisation de la déclaration sur l’honneur par la transmission d’un document unique de marché européen (DUME) dont le régime est fixé par la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 ; – la mise en œuvre du principe « dites-le nous une fois », consistant à ne pas pouvoir exiger des candidats des renseignements ou documents déjà en possession du pouvoir adjudicateur ou qu’il en mesure de se procurer lui-même. Ces justificatifs doivent être, impérativement, fournis et exacts. Dans le cas contraire, ils risqueraient de conduire à une fausse appréciation par l’administration sur les mérites de chaque candidat. C’est notamment le cas lorsque le candidat a produit une déclaration frauduleuse sur ses capacités techniques et financières. Le défaut de production de pièces et l’inexactitude des renseignements fournis font l’objet de sanctions dont l’évolution et le régime ont été marqués par les différentes réformes du Code des marchés publics.
L’évolution de la sanction Dans le cadre de la simplification initiée par le code de 2001, il est prévu que seul le candidat retenu a l’obligation de produire les certificats et attestations requis. Au stade de la remise de la candidature, les entreprises peuvent se contenter de remettre une déclaration sur l’honneur. Si la simplification de la procédure a permis un
certain assouplissement de la sanction, celle-ci demeure à travers l’évincement du candidat, voire la nullité du contrat, jusqu’à la constitution de l’infraction pénale pour faux et usage de faux.
Le défaut de production des pièces Avant 2001, le défaut de production des certificats et attestations par le candidat retenu imposait le retrait de la procédure et le lancement d’une nouvelle procédure(9). Il était jugé que « la première enveloppe intérieure des plis qui ne contient pas les certificats requis doit être écartée »(10). En outre, dans le cas où l’entreprise retenue n’a pas été en mesure de justifier de la régularité de sa situation fiscale, le marché doit être retiré et une nouvelle procédure de mise en concurrence doit être lancée(11). C’est ainsi que la cour administrative d’appel de Paris a justement relevé dans cette affaire que l’erreur était une erreur de procédure entièrement imputable à la personne publique qui n’avait pas procédé aux vérifications qui lui incombaient concernant la régularité de la situation fiscale de l’entreprise retenue. On rappellera, en effet, qu’au moment de la conclusion du contrat, les entreprises candidates devaient, dès le stade du dépôt de candidature, fournir les formulaires administratifs relatifs à leur situation fiscale et sociale et il incombait à la CAO de vérifier, au moment de l’attribution du marché, que toutes les entreprises candidates remplissaient les conditions pour se voir attribuer le marché. Cette irrégularité de la procédure lors de l’attribution du premier marché emportait, selon la cour, annulation de la procédure de passation. Celle-ci ne pouvant ni être déclarée infructueuse, car les conditions n’étaient pas remplies, ni entachée d’erreur matérielle, le pouvoir adjudicateur devait, après avoir retiré le marché, lancer une nouvelle procédure d’appel public à la concurrence(12). Rendue sous l’empire de la réglementation en vigueur depuis 2001 et confirmée par les codes de 2004 et 2006, la solution serait exactement inverse. En effet, depuis 2001, le défaut de ces productions par le candidat retenu conduit le pouvoir adjudicateur à retenir l’offre classée en deuxième position. Désormais, on le sait, les entreprises candidates sont tenues de faire une déclaration sur l’honneur pour justifier qu’elles satisfont aux obligations fiscales et sociales. C’est uniquement au candidat auquel est attribué le marché de produire les attestations et certificats délivrés
g \jaVg^i ÒhXVaZ Zi hdX^VaZ eZcYVci aV e g^dYZ YÉdWhZgkVi^dc# >a Zc kV Y^[[ gZbbZci YVch aZ XVYgZ YZ aV b^hZ eaVXZ YÉjc eaVc YZ redressement.
. 866 CVciZh '% _j^c '%%&! Hi Id[[daji^! gZf# c ..CI%%(.%! JCP E 2002, n° 677, chron. M. Guibal.
(3) Code des marchés publics, art. 44 et 45.
&% I6 GZccZh '% hZeiZbWgZ &...! Eg [Zi YZh 8 iZh YÉ6gbdg! Marchés publ., 2/2000, p. 23.
(4) Code des marchés publics, art. 52-1. (5) Code des marchés publics, art. 44-1°. (6) Code des marchés publics, art. 44-2°. (7) Code des marchés publics, art. 44-3°. (8) Code des marchés publics, art. 46.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
&& I6 8Zg\n"Edcid^hZ '( _Vck^Zg '%%&! Eg [Zi YZ aV HZ^cZ"HV^ci Denis, BJCP 2001, p. 355. &' 866 EVg^h '( cdkZbWgZ '%%)! 9 eVgiZbZci YZ HZ^cZ"HV^ci Denis, gZf# c %&E6%&&+'! Contrats-Marchés publ. 2005, comm. 33, obs. W. Zimmer.
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
51
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
par les administrations et autorités compétentes, le marché ne pouvant être conclu que si celui-ci produit ces documents dans le délai imparti par la personne responsable du marché. Dès lors, le choix d’une entreprise dont on s’apercevrait après coup qu’elle ne remplirait pas les conditions requises par l’article 45 du Code ne constituerait plus une irrégularité de nature à annuler toute la procédure d’attribution. L’article 46-III du Code de 2006 dispose, en conséquence, que : « III. – Le marché ne peut être attribué au candidat dont l’offre a été retenue que si celui-ci produit dans le délai imparti les certificats et attestations prévus au I et au II. S’il ne peut produire ces documents dans le délai imparti, son offre est rejetée et le candidat éliminé. Le candidat dont l’offre a été classée immédiatement après la sienne est sollicité pour produire les certificats et attestations nécessaires avant que le marché ne lui soit attribué. Si nécessaire, cette procédure peut être reproduite tant qu’il subsiste des offres qui n’ont pas été écartées au motif qu’elles sont inappropriées, irrégulières ou inacceptables ». Bien entendu, la jurisprudence administrative continue de juger que l’absence des pièces requises par le règlement de la consultation, parmi lesquelles celles figurant aux dispositions des articles 44 et 45 du Code de 2006, entache une candidature d’irrégularité. La commission d’appel d’offres est, en effet, tenue de rejeter une candidature qui ne comprend pas les pièces mentionnées aux articles 44 et 45 du Code de 2006, en l’occurrence l’attestation sur l’honneur relative aux obligations fiscales et sociales ou qui comporte des pièces non signées par une personne n’ayant pas le pouvoir d’engager le candidat. Mais si le candidat retenu ne peut produire les documents dans les délais impartis par la personne responsable du marché, cette dernière prononce l’élimination du candidat et présente la demande au candidat suivant dans le classement des offres. Il échet de préciser que la non-admission des candidatures n’est toutefois pas automatique : le pouvoir adjudicateur qui constate qu’un dossier de candidature est incomplet peut demander à tous les candidats concernés de le compléter. Il doit, toutefois, veiller au strict respect de l’égalité des candidats, d’abord, en donnant un délai identique à tous les candidats concernés, ensuite, en informant les autres candidats de cette démarche, ceux-ci ayant la possibilité de compléter leur dossier de candidature dans le même délai. En tout état de cause, ce délai ne peut être supérieur à dix jours(13).
L’inexactitude des renseignements fournis Avant 2001, il était prévu, en cas de déclaration inexacte, deux types de sanctions : – d’une part, une exclusion temporaire (voire définitive) des marchés publics et ;
&( 8dYZ YZh bVgX] h ejWa^Xh! Vgi# *'">#
52
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
– d’autre part, la reprise en régie des prestations prévues au marché ou sa résiliation suivie ou non de la passation d’un autre marché. Le Code de 2001 a laissé subsister les deux séries de sanctions prévues antérieurement, à ceci près que le ministre intéressé ou le préfet ne pouvait prononcer que des exclusions temporaires. L’instruction pour l’application du Code de 2001 indiquait que « l’administration apprécie dans chaque cas, selon la gravité de l’inexactitude et le caractère, volontaire ou non, de l’erreur commise, s’il y a lieu d’infliger une sanction ». Toujours est-il que le Code prévoyait une série de sanctions dont certaines étaient de nature à placer l’acheteur public dans une situation délicate. Depuis le Code de 2004, la seule sanction est contractuelle. La sanction, postérieure à la conclusion du marché, de l’inexactitude des documents et renseignements fournis ou du refus de les produire par le titulaire réside dans la résiliation du marché à ses torts. En pratique, la personne publique résiliait le marché aux torts du titulaire, après mise en demeure restée infructueuse. À cet effet, la Direction des affaires juridiques propose d’insérer la mention suivante dans le CCAP : « Après mise en demeure restée infructueuse, le marché peut être résilié aux torts du titulaire sans que celui-ci puisse prétendre à indemnité et, le cas échéant, avec exécution des prestations à ses frais et risques, lorsqu’il a contrevenu à l’article D. 8222-5 du Code du travail. La mise en demeure doit être notifié par écrit et assortie d’un délai ; à défaut d’indication du délai, le titulaire dispose d’un mois à compter de la notification de la mise en demeure pour satisfaire aux obligations de celle-ci ou pour présenter ses observations ». L’article 47 du Code de 2006 laisse peu de place à une marge d’appréciation : « Après signature du marché, en cas d’inexactitude des documents et renseignements mentionnés à l’article 44 et à l’article 46 ou de refus de produire les pièces prévues aux articles D. 8222-5 ou D. 8222-7 et D. 8222-8 du code du travail conformément au 1° du I de l’article 46, il est fait application aux torts du titulaire des conditions de résiliation prévues par le marché ». La sanction contractuelle présente donc un caractère automatique, seul sans doute de nature à garantir le strict respect des obligations prévues.
Le régime des sanctions Préalable au prononcé de la sanction, le pouvoir adjudicateur est tenu de mettre à même l’entreprise indélicate à faire valoir ses arguments, à peine d’irrégularité. Il est des cas où le pouvoir adjudicateur lui-même n’aura pas connaissance avant l’attribution du marché de l’inexactitude des renseignements ou documents fournis. Il appartiendra alors éventuellement au juge du référé précontractuel de s’assurer, non seulement, que le pouvoir adjudicateur a bien exigé des candidats les informations nécessaires à l’examen de leurs capacités mais également de vérifier le résultat de cet examen, c’est-à-
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
dire les motifs de la décision du pouvoir adjudicateur de retenir ou d’exclure une offre, qui résulte notamment de l’appréciation qu’il a porté sur les capacités des candidats.
Le respect du contradictoire L’entreprise doit être préalablement mise à même de présenter sa défense. Il s’agit là d’une formalité substantielle qui conditionne la régularité de la sanction(14). Toujours en vertu d’une jurisprudence d’application générale, la mise en demeure doit, à peine d’irrégularité : – préciser les manquements reprochés à l’entreprise(15) ; – mentionner la sanction envisagée(16) ; – et être signée par la personne compétente(17). Le juge administratif estime que le principe de droits de la défense est respecté dès lors que l’entreprise a eu la possibilité, à l’occasion des mises en demeure successives qui lui ont été adressées, de présenter sa défense sur les reproches déterminants de l’administration. La méconnaissance des règles de procédure et de forme auxquelles se trouve soumis le prononcé des sanctions contractuelles n’emporte pas l’inexistence de ces dernières qui demeurent opposables aux cocontractants. Mais, alors même que la sanction est justifiée au fond, elle empêche l’administration d’en faire supporter les conséquences onéreuses à l’entreprise(18).
Le bien-fondé de la sanction et la compétence du juge des référés O
Le bien-fondé de la sanction
La sanction n’est régulièrement possible que pour autant que la personne publique dispose d’éléments lui permettant d’établir avec certitude la situation de l’entreprise au regard des services fiscaux et sociaux. En cas de résiliation, le juge s’assure en règle générale que le montant du nouveau marché n’est pas excessif, qu’il a le même objet que le marché initial et qu’il a été passé et exécuté dans des conditions non fautives. Même s’il n’appartient pas, a priori, au pouvoir adjudicateur de vérifier l’exactitude des éléments qui lui sont fournis par les soumissionnaires, en revanche, celui-ci commet un manquement à ses obligations de publicité
&) 8: && bVgh &.+)! Hi djZhi EZ^cijgZ, Rec. CE, p. 937 ; CE '& bVgh &.-+! BZng^\cVX X$ 8cZ YZ KVjm"aZ"E c^a, gZf# c )+.,(, Rec. CE p. 611.
et de mise en concurrence en fondant son choix sur des éléments dont l’inexactitude est révélée ultérieurement. En effet, « le pouvoir adjudicateur doit contrôler les garanties professionnelles, techniques et financières des candidats à l’attribution d’un marché public et cette vérification s’effectue au vu des seuls renseignements ou documents prévus » par les dispositions réglementaires(19). Par exemple, le pouvoir adjudicateur doit vérifier que l’entreprise candidate peut soumissionner, ce qui implique, si elle est placée en redressement judiciaire, de s’assurer que la période d’observation admise par le jugement l’autorisant à poursuivre son activité couvre au moins toute la durée de l’exécution du marché(20). Par ailleurs, lorsque l’attributaire pressenti a, quelque peu exagéré, dans les éléments produits à l’appui de sa candidature, son chiffre d’affaires, ses effectifs salariés et le nombre de véhicules dont il disposait et que le concurrent évincé produit, en cours d’instance des documents, obtenus sur le site « Infogreffe », qui démentaient les éléments en cause, alors la procédure encourt une annulation certaine(21). Le constat, postérieurement à l’exécution du marché, de production de faux de nature à vicier le consentement de la personne publique, emporte donc la nullité du marché. Dans un arrêt du 23 avril 2004, Société Simap, la cour administrative d’appel de Paris avait déjà fait droit à la demande de l’État d’annuler le marché conclu avec une société qui a produit de faux certificats de qualification à la commission d’appel d’offres. Étant nul, le contrat n’avait pu faire naître d’obligations entre les parties et la société titulaire ne pouvait donc réclamer réparation au titre de la méconnaissance de ces obligations. En outre, la cour avait retenu la responsabilité de la société qui a ainsi causé un préjudice à l’État. Elle avait condamné la société titulaire à reverser le montant de son bénéfice évalué à 10 % du chiffre d’affaires réalisé en exécution du contrat nul, soit 11 174 euros(22). Au surplus, le caractère intentionnel d’une fausse déclaration relève de l’application des dispositions de l’article 441-1 du Code pénal, qui sanctionne le faux et l’usage de faux : « Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques. Le faux et l’usage de faux sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ».
(15) CE 26 novembre 1993, SA du nouveau port de Saint-JeanCap-Ferrat, gZf# c -*&+&! RDP 1994, p. 863, obs. F. Llorens. &+ 8: . cdkZbWgZ &.--! 8cZ YZ ;gZ^higd[[! gZf# c +.)*%, RDP 1989, p. 1807, obs. F. Llorens.
&. 8: '+ bVgh '%%-! 8i jgWV^cZ YZ Andc! gZf# c (%(,,.#
&, 8: '* cdkZbWgZ &..)! Hi BVhiZaadid! gZf# c -*()&, RDI 1995, e# &%%! dWh# ;# AadgZch Zi E]# IZgcZngZ#
'& 8: ( dXidWgZ '%&'! HdX^ i 9 b cV\ZbZcih AZ <Vgh! gZf# n° 360952.
(18) CE 8 novembre 1985, Entreprise Ozilou c/ Cté urbaine de 7dgYZVjm! gZf# c )%)).! Rec. CE p. 317.
'' 866 EVg^h '( cdkZbWgZ '%%)! HdX^ i H^bVe, gZf# c %&E6%(%(*! AJDA 2005, p. 453.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
'% 8: &% cdkZbWgZ '%&%! B^c^higZ YZ aV 9 [ZchZ! gZf# c ()&&('#
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
53
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
Il convient de noter que le projet de décret destiné à assurer la transposition accélérée de la directive 2014/24/ UE du 26 février 2014 complète les dispositions de l’article 47 du Code des marchés publics par la précision selon laquelle : « sont assimilés à un constat d’irrégularité le refus de produire les pièces nécessaires aux vérifications prévues par le code du travail, lorsqu’elles ne sont pas disponibles par le biais d’une base de données ou d’un espace de stockage numériques accessibles gratuitement, ainsi que le refus d’en fournir une traduction en français ». Enfin, on observe que, au terme d’une jurisprudence constante, le juge administratif se refuse à prononcer l’annulation des sanctions contractuelles coercitives infligées par l’administration quelles que soient les irrégularités dont elles se trouvent entachées. Lorsqu’elles ne sont pas justifiées au fond, il se borne à octroyer une indemnité à l’entrepreneur en réparation du préjudice subi par lui(23). O
objectivement, indépendamment de ce que savait ou pouvait savoir le pouvoir adjudicateur(25). Dans l’arrêt précité, Société Déménagements Le Gars, le Conseil d’État a jugé qu’une société évincée d’un marché est susceptible d’être lésée par de fausses déclarations d’un concurrent et ce, « quel qu’ait été son propre rang de classement à l’issue du jugement des offres » à moins qu’il ne résulte de l’instruction que sa candidature devait elle-même être écartée, ou que l’offre qu’elle présentait ne pouvait qu’être éliminée comme inappropriée, irrégulière ou inacceptable. Dans cette hypothèse, le juge administratif l’avait donc jugé en relevant que « la prise en compte par le pouvoir adjudicateur de renseignements erronés relatifs aux capacités professionnelles, techniques et financières d’un candidat est susceptible de fausser l’appréciation portée sur les mérites de cette candidature au détriment des autres candidatures et ainsi de porter atteinte au principe d’égalité de traitement entre les candidats ».
La compétence du juge du référé précontractuel
Le thème ici présenté conduit à s’interroger également sur la compétence du juge du référé précontractuel. En effet, ce dernier peut-il tenir compte d’éléments de nature à affecter les garanties professionnelles, techniques et financières des candidats à l’attribution d’un marché public ? La vérification des renseignements ou documents prévus par les articles 44 et 45 du Code des marchés publics s’opèrent sous le contrôle du juge du référé précontractuel, puisque retenir une offre incomplète ou inexacte et donc irrégulière constitue un manquement du pouvoir adjudicateur à ses obligations de mise en concurrence(24). Sur ce point, le contrôle du juge est assez formel : il porte sur la nature des justificatifs exigés des candidats et sur leur caractère complet, ainsi que sur les capacités objectives à soumissionner. Le fait que toutes les candidatures remplissent intégralement ces conditions assure l’égalité entre elles. Il revient donc au juge du référé précontractuel, juge de l’égalité des chances au cours de la procédure, de s’en assurer
Le manquement résulte du simple fait qu’une candidature admise alors qu’elle avait menti sur ses capacités rompt l’égalité entre les candidats, quel que soit le moment auquel le mensonge a été révélé au pouvoir adjudicateur. En tout état de cause, comme le rappelle M. Gilles Pellissier dans ses conclusions sur l’arrêt précité, Commune de Chaumont, « il vaut mieux à notre avis s’en apercevoir avant la signature du marché, même si cela implique de reprendre une partie de la procédure, plutôt qu’après, lorsque le titulaire fait défaut en cours d’exécution ». Finalement, le contrôle des capacités des candidats à exécuter le marché ne se limite pas à vérifier qu’ils présentent, en apparence, des garanties de capacité, mais bien qu’ils en justifient effectivement. C’est cette garantie qui doit permettre au pouvoir adjudicateur de conclure le marché avec une entreprise présentant les capacités nécessaires à sa bonne exécution et, éventuellement, d’être plus à même de déceler – non sans l’aide des concurrents évincés – l’entreprise indélicate qui verrait tomber la sanction contractuelle et pénale tel un couperet, peu importe le moment auquel l’inexactitude a été révélée.
(23) CE 13 janvier 1937, Cne de Fleurance, Rec. CE p. 45. ') Kd^g cdiVbbZci! 8: &' _Vck^Zg '%&&! 9Zei Yj 9djWh! gZf# c ()((')! hÉV\^hhVci Yj Y [Vji YÉ^c[dgbVi^dch eZgbZiiVci YÉVeeg X^Zg aZh XVeVX^i h iZX]c^fjZh Yj XVcY^YVi#
54
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
'* Kd^g 8: '+ bVgh '%&)! 8cZ YZ 8]Vjbdci! gZf# c (,)(-,#
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
Les pièces à fournir par les candidats retenus Le candidat susceptible de se voir attribuer un marché public doit fournir un nombre important d’attestations aussi bien sur le plan fiscal que social. En outre, ce candidat doit démontrer qu'il respecte les dispositions du Code du travail relatives à la lutte contre le travail dissimulé et justifier qu’il a souscrit un contrat d’assurance.
C
onfiés par l’État, les collectivités territoriales ou leurs établissements, les marchés publics et accords-cadres exigent de leur titulaire l’exemplarité. Celle-ci est attendue à la fois sur les plans pénal, commercial, fiscal, social et civil. Sur le plan pénal, elle suppose l’absence d’exclusion des marchés publics(1) ainsi que l’absence de condamnation depuis moins de cinq ans pour trafic de stupéfiants(2), discrimination(3), atteinte au secret professionnel(4), escroquerie(5), abus de confiance(6), blanchiment(7), atteinte au secret de la défense nationale(8), corruption, trafic d’influence(9), entrave à l’exercice de la justice(10), faux(11), participation à une association de malfaiteurs(12), acte de terrorisme(13), fabrication ou commerce illicite de matériels de guerre(14). Sur le plan commercial, elle implique de ne pas être en état de liquidation judiciaire(15), de faillite personnelle(16), ou de redressement judiciaire(17) sauf à bénéficier d’une habilitation à poursuivre ses activités pendant la durée prévisible d’exécution du marché ou de l’accord-cadre. Sur le plan social, elle implique d’être en règle à l’égard
(1) Code pénal, art. 131-10 ou 131-39. (2) Code pénal, art. 222-38 et 222-40. (3) Code pénal, art. 225-1. (4) Code pénal, art. 226-13. (5) Code pénal, art. 313-1 à 313-3. (6) Code pénal, art. 314-1 à 314-3. (7) Code pénal, art. 324-1 à 324-6. (8) Code pénal, art. 413-9 à 413-12. (9) Code pénal, art. 433-1, 433-2, 435-3, 435-4, 435-9, 435-10 et 445-1. (10) Code pénal, art. 434-9 alinéa 8 et 434-9-1 alinéa 2. (11) Code pénal, art. 441-1 à 441-7 et 441-9. Maximilien Godgenger Consultant en marchés publics – www.capao.fr
Mots clés 6hhjgVcXZ Y XZccVaZ 6iiZhiVi^dc hdX^VaZ ;dgbjaV^gZ CDI>' IgVkV^a Y^hh^bja
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
(12) Code pénal, art. 445-1. (13) Code pénal, art. 421-1 à 421-2-3 et 421-5 alinéa 2. (14) Code de la défense, art. 2339-2 à L. 2339-4, L. 2339-11-1 à L. 2339-11-3. (15) Code de commerce, art. L. 640-1. (16) Code de commerce, art. L. 653-1 à L. 653-8. (17) Code de commerce, art. L. 631-1.
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
55
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
de l’obligation d’emploi des personnes handicapées(18) et exige l’absence de condamnation depuis moins de deux ans pour travail dissimulé(19), marchandage(20), prêt illicite de main-d’œuvre(21) ou encore, emploi d’étrangers sans titre de travail(22). Elle requiert enfin, comme sur le plan fiscal, d’avoir effectué les déclarations imparties au 31 décembre de l’année précédente et de s’être acquitté des impôts et cotisations exigibles à cette date. En outre, sur le plan civil, l’attributaire d’un marché de travaux devra faire preuve de responsabilité afin de garantir les dommages susceptibles d’affecter un ouvrage(23). Si dans la plupart des cas, cette exemplarité sera présumée sur la seule foi d’une déclaration sur l’honneur, elle nécessitera parfois la fourniture de justificatifs par le candidat retenu. Tel sera le cas en matière fiscale et sociale, à l’égard du travail illégal ainsi qu’en matière d’assurance.
Les attestations fiscales et sociales Le candidat auquel il est envisagé d’attribuer le marché doit d’abord prouver qu’il a satisfait à ses obligations fiscales et sociales(24). Pour cela, il peut librement opter pour le formulaire NOTI2(25) ou les attestations et certificats émanant des administrations et organismes compétents(26). Délivré par la direction générale des finances publiques, le formulaire NOTI2 (ex-DC7) peut être obtenu, soit auprès de la direction des grandes entreprises pour les entreprises qui en relèvent, soit, pour les autres, auprès de la direction régionale ou départementale des finances publiques. Dans le premier cas, il appartient au candidat retenu de renseigner les rubriques A, B et C1 du formulaire en joignant les originaux de tous les certificats et attestations exigés par l’arrêté du 31 janvier 2003 (NOR : ECOM0200993A). Dans le second, il peut, au choix, soit fournir un formulaire NOTI2 complété aux rubriques A, B et C1 accompagné des originaux des certificats et attestations exigés par l’arrêté du 31 janvier 2003 (procédure normale), soit le même formulaire complété aux rubriques A, B et C2 en autorisant la direction des finances publiques à recueillir les attestations et certificats le concernant et recevra, en retour, le NOTI2 complété et signé (procédure optionnelle). Cette dernière procédure peut cependant nécessiter jusqu’à trente jours
&- 8dYZ Yj igVkV^a! Vgi# A#*'&'"& | &'#
avec le risque que la direction des finances publiques ne délivre pas le NOTI2 dès lors qu’elle n’obtiendrait pas les justificatifs requis. Créé en 1995 afin de simplifier les démarches des entreprises, ce formulaire a peu à peu perdu son intérêt face à la dématérialisation des attestations, si bien que sa suppression fut envisagée en 2013(27). En effet, depuis le 18 décembre 2009, les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés et assujetties à la TVA peuvent obtenir leurs attestations fiscales en ligne. Seules les entreprises soumises à l’impôt sur le revenu doivent continuer à utiliser le formulaire n° 3666(28). Valable pour toute l’année visée dans la demande, l’attestation fiscale certifie au pouvoir adjudicateur qu’à la date de sa rédaction, le demandeur a souscrit les déclarations fiscales lui incombant et acquitté les impôts, droits ou taxes découlant desdites déclarations. Elle est donc délivrée à la double condition d’avoir, d’une part, déclaré le résultat du dernier exercice et payé l’impôt sur les sociétés correspondant au bénéfice dégagé (ou l’impôt sur le revenu) et, d’autre part, effectué les déclarations et paiement de TVA au 31 décembre de l’année précédant la demande d’attestation. Elle ne préjuge en revanche en rien de l’absence d’omissions ou inexactitudes susceptibles d’être relevées à l’occasion d’un contrôle fiscal ultérieur. L’attestation sociale est, quant à elle, destinée à démontrer la régularité de l’entreprise au regard des cotisations et contributions énumérées à l’article 4 de l’arrêté du 31 janvier 2003 pris pour l’application de l’article 46 du Code des marchés publics, et de l’article 8 du décret n° 97-638 du 31 mai 1997 pris pour l’application de la loi n° 97-210 du 11 mars 1997 relative au renforcement de la lutte contre le travail illégal. À l’instar du Trésor public, les URSSAF, la MSA(29) ainsi que le RSI(30) délivrent désormais l’attestation en ligne (voir encadré n° 1). Il faut cependant noter que, depuis 2008(31), l’attestation sociale n’est plus délivrée aux entreprises se trouvant en période d’observation à la suite de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire. Elle le redevient, en revanche, après ouverture du plan de continuation par le tribunal de commerce. Le candidat établi à l’étranger qui se trouverait dans l’incapacité de fournir les attestations émanant des administrations et organismes du pays d’origine pourra, quant à lui, fournir une déclaration sous serment(32). Comme l’a rappelé la Direction des affaires juridiques, cette déclaration ne pourra cependant revêtir la forme d’une attestation sur l’honneur établie par le signataire lui-même mais
&. 8dYZ Yj igVkV^a! Vgi# A# -''&"&! A# -''&"( Zi A# -''&"*# '% 8dYZ Yj igVkV^a! Vgi# A# -'(&"&# '& 8dYZ Yj igVkV^a! Vgi# A# -')&"&# '' 8dYZ Yj igVkV^a! Vgi# A# -'*&"& Zi A# -'*&"'# '( 8dYZ X^k^a! Vgi# &,.'# ') 6gi# )+">"' Yj 8dYZ YZh bVgX] h ejWa^Xh Zi Vgi# &-">"' Yj décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005. '* lll#ZXdcdb^Z#\djk#[g# '+ 6gi# ) YZ aÉVgg i Yj (& _Vck^Zg '%%( CDG / :8DB%'%%..(6 ! pris pour l’application de l’article 46 du code des marchés publics et de l’article 8 du décret n° 97-638 du 31 mai 1997 pris edjg aÉVeea^XVi^dc YZ aV ad^ c .,"'&% Yj && bVgh &.., gZaVi^kZ Vj gZc[dgXZbZci YZ aV ajiiZ XdcigZ aZ igVkV^a ^aa \Va#
56
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
', ;^X]Z YZ aV 96?! » HjeegZhh^dc Yj [dgbjaV^gZ CDI>' ¼! 3 octobre 2013. (28) Cerfa n° 10640*14. '. BjijVa^i hdX^VaZ V\g^XdaZ# (% G \^bZ hdX^Va YZh ^cY eZcYVcih# (& AZiigZ X^gXjaV^gZ c '%%-"%*) YZ aV 9^gZXi^dc YZ aV h Xjg^i sociale, 24 juin 2008. (' 8dYZ YZh bVgX] h ejWa^Xh! Vgi# )+">>#
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
être réalisée « devant un tiers habilité et respecter une certaine solennité »(33).
Les documents requis au titre de la lutte contre le travail illégal Pour tout marché d’un montant supérieur ou égal à 3 000 euros TTC(34), le candidat retenu doit démontrer qu’il respecte les dispositions du Code du travail relatives à la lutte contre le travail dissimulé. Définie par le Code du travail, cette infraction recouvre deux notions : le travail dissimulé par dissimulation d’activité(35) et le travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié(36). La première consiste en l’exercice d’une activité à but lucratif par une personne n’étant pas ou plus immatriculée au répertoire des métiers, au registre des entreprises(37) ou au registre du commerce et des sociétés ou n’ayant pas ou insuffisamment procédé aux déclarations obligatoires aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale. La seconde vise, quant à elle, les hypothèses dans lesquelles l’employeur manquerait intentionnellement à l’obligation de déclaration préalable à l’embauche(38), à la délivrance d’un bulletin de paie sincère(39), ou aux déclarations des salaires ou cotisations sociales à l’égard des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale. Afin de prouver qu’il s’acquitte des obligations mises à sa charge, le candidat retenu devra fournir les pièces énumérées à l’article D. 8222-5 du Code du travail s’il est établi en France ou D. 8222-7 s’il est établi à l’étranger. Le candidat établi en France devra ainsi produire : – l’attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l’article L. 243-15 du Code de la sécurité sociale émanant de l’organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions (URSSAF ou caisses générales de sécurité sociale ou caisses d’allocations familiales ou caisses de mutualité sociale agricole) datant de moins de six mois, dite « attestation de vigilance » ; – et, lorsque l’immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés (RCS) ou au répertoire des métiers (RM) est obligatoire ou lorsqu’il s’agit d’une profession réglementée : hd^i jc ZmigV^i YZ aÉ^chXg^ei^dc Vj G8H ZmigV^i @ edjg aZh eZghdccZh e]nh^fjZh dj @W^h edjg aZh eZghdccZh bdgVaZh 0 hd^i jcZ XVgiZ YÉ^YZci^ÒXVi^dc _jhi^ÒVci YZ aÉ^chXg^ei^dc au RM ;
(( 96?! &* _Vck^Zg '%&(# () 8dYZ Yj igVkV^a! Vgi# G# -'''"&# (* 8dYZ Yj igVkV^a! Vgi# A# -''&"(#
hd^i jc YZk^h! jc YdXjbZci ejWa^X^iV^gZ dj jcZ XdggZhpondance professionnelle, sous réserve qu’y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l’adresse complète et le numéro d’immatriculation au RCS ou au RM ou à une liste ou un tableau d’un ordre professionnel, ou la référence de l’agrément délivré par l’autorité compétente ; hd^i jc g X e^hh Yj Y e i YZ Y XaVgVi^dc Vjeg h YÉjc centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours d’inscription. Le candidat établi à l’étranger devra quant à lui fournir : – un document mentionnant son numéro individuel d’identification attribué en application de l’article 286 ter du Code général des impôts ou, s’il n’est pas tenu d’avoir un tel numéro, un document mentionnant son identité et son adresse ou, le cas échéant, les coordonnées de son représentant fiscal ponctuel en France ; – un document attestant de la régularité de sa situation sociale au regard du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 ou d’une convention internationale de sécurité sociale et, lorsque la législation du pays de domiciliation le prévoit, un document émanant de l’organisme gérant le régime social obligatoire et mentionnant que le cocontractant est à jour de ses déclarations sociales et du paiement des cotisations afférentes, ou un document équivalent ou, à défaut, une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l’article L. 243-15 du Code de la sécurité sociale ; – et, lorsque l’immatriculation du cocontractant à un registre professionnel est obligatoire dans le pays d’établissement ou de domiciliation : hd^i jc YdXjbZci bVcVci YZh Vjidg^i h iZcVci aZ gZ\^higZ professionnel ou un équivalent certifiant cette inscription ; hd^i jc YZk^h! jc YdXjbZci ejWa^X^iV^gZ dj jcZ XdggZhedcdance professionnelle, à condition qu’y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l’adresse complète et la nature de l’inscription au registre professionnel ; hd^i! edjg aZh ZcigZeg^hZh Zc Xdjgh YZ Xg Vi^dc! jc YdXjment datant de moins de six mois émanant de l’autorité habilitée à recevoir l’inscription au registre professionnel et attestant de la demande d’immatriculation audit registre. Depuis le 1er janvier 2012, le pouvoir adjudicateur est tenu de s’assurer de l’authenticité de l’attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l’article L. 243-15 précité. Un service en ligne est proposé à cet effet (voir encadré n° 1). Dans le cadre de la lutte contre le travail illégal, le candidat retenu devra également justifier de l’absence d’emploi d’étrangers sans titre de travail(40). À cette fin, il devra remettre au maître de l’ouvrage, préalablement à la notification du marché, la liste nominative des salariés étrangers qu’il emploie. Cette liste précisera, pour chaque
(+ 8dYZ Yj igVkV^a! Vgi# A# -''&"*# (, 9 eVgiZbZcih YZ aV BdhZaaZ! Yj 7Vh"G]^c Zi Yj =Vji"G]^c# (- 8dYZ Yj igVkV^a! Vgi# A# &''&"&%# (. 8dYZ Yj igVkV^a! Vgi# A# (')("'#
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
)% 8dYZ Yj igVkV^a! Vgi# A# -'*)"&#
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
57
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
salarié, sa date d’embauche, sa nationalité, ainsi que le type et le numéro d’ordre du titre valant autorisation de travail(41).
La preuve d’une assurance décennale Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 2014(42), « tout candidat à l’obtention d’un marché public [ayant pour objet la construction d’un ouvrage] doit être en mesure de justifier qu’il a souscrit un contrat d’assurance le couvrant pour cette responsabilité »(43). Destinée à lutter contre la concurrence déloyale des entreprises, françaises ou étrangères, ayant fait l’impasse sur la souscription d’un contrat d’assurance les couvrant pour la responsabilité décennale, cette mesure vise « toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil »(44). Seront donc concernés tous les marchés de travaux ayant pour objet la construction d’un ouvrage. Seront en revanche exclus de cette obligation : – « les ouvrages maritimes, lacustres, fluviaux, les ouvrages d’infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, héliportuaires, ferroviaires, les ouvrages de traitement de résidus urbains, de déchets industriels et d’effluents, ainsi que les éléments d’équipement de l’un ou l’autre de ces ouvrages ; – les voiries, les ouvrages piétonniers, les parcs de stationnement, les réseaux divers, les canalisations, les lignes ou câbles et leurs supports, les ouvrages de transport, de production, de stockage et de distribution d’énergie, les ouvrages de stockage et de traitement de solides en vrac, de fluides et liquides, les ouvrages de télécommunications, les ouvrages sportifs non couverts, ainsi que leurs éléments d’équipement, sont également exclus des obligations d’assurance mentionnées au premier alinéa, sauf si l’ouvrage ou l’élément d’équipement est accessoire à un ouvrage soumis à ces obligations d’assurance ; – [ainsi que les] ouvrages existants avant l’ouverture du chantier, à l’exception de ceux qui, totalement incorporés dans l’ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles »(45). À la différence de l’attestation pour risques professionnels qui peut être réclamée au stade de la candidature conformément aux dispositions de l’article 45 du Code des marchés publics et de l’arrêté du 28 août 2006 (NOR : ECOM0620008A) dressant la liste des renseignements et documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services, la preuve d’une assurance décennale ne peut être réclamée qu’en marché de travaux au seul candidat
)& 8dYZ Yj igVkV^a! Vgi# 9# -'*)"'#
dont l’offre a été retenue. La justification d’une couverture « garantie décennale » prend la forme d’une attestation d’assurance qui devra comporter des mentions minimales fixées par un arrêté du ministre chargé de l’économie. Dans l’attente de l’entrée en vigueur de cet arrêté, les mentions requises sont celles prévues à l’article R. 243-2 du Code des assurances, à savoir le montant des garanties apportées, les modalités d’articulation de ces garanties entre elles ainsi que, lorsque s’appliquent les plafonds de garantie prévus à l’article R. 243-3 du code précité, la mention du montant du coût de construction de l’ouvrage préalablement déclaré par le maître de l’ouvrage.
Conclusion Avec la mise en place du marché public simplifié, expérimenté en avril dernier puis ouvert à tous au mois de novembre, les formalités à la charge des entreprises vont se trouver grandement simplifiées(46). L’acheteur pouvant obtenir par lui-même l’essentiel des documents ViiZhiVi^dch ÒhXVaZh Zi hdX^VaZh! ZmigV^i @W^h ! hZjaZh resteront à fournir l’attestation d’assurance décennale et l’attestation de congés payés. Toutefois, en attendant la généralisation de cette pratique, l’acheteur public ne manquera pas de réclamer l’ensemble des justificatifs requis, sous peine d’engager la responsabilité solidaire de sa collectivité au paiement des sommes qui seraient dues par l’entreprise(47). Mieux vaudra donc que le candidat classé premier ait anticipé cette demande et collecté, au préalable, les documents susceptibles d’être réclamés. En effet, à défaut de production des pièces dans le délai imparti par le pouvoir adjudicateur, il encourra l’élimination au profit du candidat classé second. Attestations fiscales et sociales dématérialisées : les liens utiles Attestation fiscale : elle peut être obtenue depuis le compte fiscal professionnel accessible à l’adresse : www.impots.gouv.fr/. Attestations sociales : elles sont téléchargeables aux adresses suivantes : – URSSAF : https://mon.urssaf.fr/ – MSA : www.msa-idf.fr/lfr/attestations-msa – RSI : www.rsi.fr/demo-mon-compte – ainsi que sur le portail : www.net-entreprises.fr/ Leur authenticité peut être contrôlée à l’aide des liens suivants : – URSSAF : www.urssaf.fr/employeurs/services/verifications_des_attestations/verifications_des_attestations_01.html – MSA : http://verification-attestations.msa.fr/z84attsec/ accueil – RSI : www.rsi.fr/attestations.html
)' Ad^ c '%&)",.% Yj &% _j^aaZi '%&) k^hVci | ajiiZg XdcigZ aV concurrence sociale déloyale, art. 14. (43) Code des assurances, art. L. 241-1 al. 2.
58
(44) Code des assurances, art. L. 241-1 al. 1.
)+ 9 XgZi c '%&)"&%., Yj '+ hZeiZbWgZ '%&) edgiVci bZhjgZh de simplification applicables aux marchés publics.
(45) Code des assurances, art. L. 243-1-1.
), 6gi# A# -'''"' Yj 8dYZ Yj igVkV^a#
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
Directives marches publics : quelles nouveautés concernant les pièces et documents demandés aux candidats ? La directive 2014/24/CE du 26 février 2014, actuellement en cours de transposition, instaure de nombreux outils facilitant et simplifiant la constitution du dossier de la candidature. Le candidat doit produire une déclaration sur l’honneur relative aux interdictions de concourir et à ses capacités à exécuter le marché prenant la forme d’un DUME. Les pièces justificatives ne sont à produire que par le candidat auquel il est envisagé d’attribuer le marché ou si le pouvoir adjudicateur procède à une vérification en cours de procédure. Cette directive contient également quelques nouveautés et précisions utiles par rapport à la directive 2004/18/CE.
L’
accès des petites et moyennes entreprises à la commande publique est l’un des objectifs affirmés à plusieurs reprises par la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 relative à la passation des marchés publics. Pour atteindre cet objectif, la directive 2014/24/UE, qui remplace et abroge la directive 2004/18/CE prévoit un certain nombre de mesures visant à simplifier la constitution du dossier de candidature des entreprises, objet de la présente étude(1).
L’enjeu est de permettre aux entreprises candidates à l’obtention d’un marché de pouvoir déposer dans un premier temps un dossier de candidature allégé, alors que la directive prévoit parallèlement de maintenir des exigences – au moins identiques à celles prévues par la directive 2004/18/CE – relatives aux interdictions de concourir et à la capacité professionnelle, technique et financière des candidats. Pour alléger le dossier de la candidature, la directive 2014/24/UE prévoit de généraliser dans les procédures ouvertes la déclaration sur l’honneur qui portera à la fois sur l’absence d’interdiction de soumissionner et sur le respect des exigences relatives aux capacités des candidats. Cette déclaration sur l’honneur sera le seul document relatif à la recevabilité de la candidature transmis par tous les candidats lors du dépôt des offres ou des candidatures et prendra la forme d’un formulaire type – le document unique de marché européen (DUME) prévu à l’article 59.
Julien Bosquet Avocat – Adamas
Les pièces et les documents justificatifs de la candidature ne seront demandés qu’au candidat à qui il est envisagé d’attribuer le marché ou si le pouvoir adjudicateur décide de procéder à une vérification en cours de procédure, à moins qu’il ait déjà les documents en sa possession ou
Mots clés 8VeVX^i h 9 XaVgVi^dc hjg aÉ]dccZjg 9JB: >ciZgY^Xi^dch YZ XdcXdjg^g
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
(1) Les cas spécifiques relatifs aux marchés de défense et de sécurité ne sont pas traités ici.
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
59
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
qu’il puisse obtenir directement les éléments pertinents en accédant à une base de données nationale.
Le document unique de marché européen, pièce centrale de la candidature Les règles du Code des marchés publics actuellement en vigueur permettent aux candidats de fournir une déclaration sur l’honneur indiquant qu’ils ne font pas l’objet d’une interdiction de concourir fixée à l’article 8 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 et à l’article 29 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005(2). Pour les capacités professionnelles, techniques et financières, le pouvoir adjudicateur peut, en application de l’article 45 du Code des marchés publics, exiger la production de documents et renseignements dont la liste est fixée par l’arrêté du 28 août 2006 du ministre chargé de l’Économie. Il appartient concrètement aux candidats de produire les documents exigés dès le stade de la candidature tels que notamment certificats de qualité, attestation d’assurances pour les risques professionnels, références en lien avec l’objet du marché. Au stade de la candidature, la directive 2014/24/UE prévoit à nouveau des cas d’interdictions de concourir dont certaines sont obligatoires et d’autres facultatives, ces dernières pouvant être rendues obligatoires par les États membres ou les pouvoirs adjudicateurs(3). La sélection des candidats s’opère au vu de critères limitatifs liés à l’aptitude professionnelle et aux capacités professionnelles, techniques et financières(4). La directive 2014/24/UE a identifié l’exigence de produire les documents requis au stade de la candidature comme étant notamment de nature à limiter les conditions de la concurrence. Le considérant n° 84 de la directive 2014/24/ UE indique en ce sens que « les lourdeurs administratives découlant de l’obligation de produire un nombre important de certificats ou d’autres documents en rapport avec les critères d’exclusion et de sélection constituent l’un des principaux obstacles à leur participation aux marchés publics ». C’est dans la perspective de lever ces obstacles que l’article 59 de la directive 2014/24/UE prévoit l’instauration du DUME, qui a vocation à s’appliquer à toutes les
(2) Article 43 du Code des marchés publics.
60
procédures de passation de marchés(5). L’article 59 de la directive définit le DUME comme « une déclaration officielle par laquelle l’opérateur économique affirme que le motif d’exclusion concerné ne s’applique pas et/ou que le critère de sélection concerné est rempli et il fournit les informations pertinentes requises par le pouvoir adjudicateur. Le DUME désigne en outre l’autorité publique ou le tiers compétent pour établir les documents justificatifs et contient une déclaration officielle indiquant que l’opérateur économique sera en mesure, sur demande et sans tarder, de fournir lesdits documents justificatifs ». Le DUME est élaboré sur la base d’un formulaire type établi par la Commission et dont un projet a été soumis à consultation publique. Une fois adopté, les États membres devront établir un formulaire conforme au modèle fixé par la Commission. La partie III du projet de formulaire type « motifs d’exclusion » prévoit à ce titre une sous-partie A et une sous-partie B consacrées aux interdictions de concourir obligatoires et C et D relatives aux interdictions de concourir facultatives. Pour la sélection des candidatures du point de vue professionnel, technique et financier, le pouvoir adjudicateur devra préciser dans une partie IV « critères de sélection » du projet de formulaire type quelles informations ils exigeront des opérateurs économiques. Le mécanisme de déclaration sur l’honneur, qui s’appliquait déjà pour que les candidats attestent ne pas être dans un cas d’interdiction de concourir, est donc étendu aux capacités professionnelles, techniques et financières pour les procédures ouvertes. La partie V du projet de formulaire type consacrée aux « procédures restreintes, procédures concurrentielles avec négociation, les dialogues compétitifs et les partenariats d’innovation » prévoit que le pouvoir adjudicateur devra indiquer les critères de sélections et le nombre des candidats admis à déposer une offre, ainsi que les pièces justificatives demandées. Le DUME s’appliquera donc pour l’ensemble des procédures ouvertes ou restreintes. Pour ces dernières, les pièces justificatives devront être produites au stade de la sélection des candidatures. La déclaration sur l’honneur ne sera donc utilisable que pour les procédures ouvertes. Si le candidat entend se prévaloir de la capacité d’autres entités ou s’il se présente en groupement, le pouvoir adjudicateur devra alors vérifier que l’entité ou le membre dispose des capacités requises et ne tombe pas sous le coup des interdictions de concourir dans le cadre d’un DUME qui sera à produire par chacun(6). Les opérateurs économiques pourront réutiliser un DUME déjà produit dans une précédente procédure, à condition
(3) Les interdictions de soumissionner obligatoires sont relatives Vjm de gViZjgh Xdcdb^fjZh VnVci [V^i aÉdW_Zi YZ hVcXi^dch e cVaZh he X^ÒfjZh Zi$dj cÉVnVci eVh gZbea^h aZjgh dWa^\Vi^dch Zc bVi^ gZ YZ eV^ZbZci YÉ^be ih dj YZ iVmZh dj YZ Xdi^hVi^dch h Xjg^i sociale (article 57.1 et 2). Les interdictions de soumissionner [VXjaiVi^kZh XdcXZgcZci aZh de gViZjgh VnVci b Xdccj aZh g \aZh relatives au droit environnemental, au droit social ou au droit du travail ou ayant commis des fautes professionnelles graves, dj YZh bVcfjZbZcih Xdbb^h YVch aV eVhhVi^dc dj aÉZm Xji^dc YZ bVgX] h eg X YZcih# >a hÉV\^i Vjhh^ YZh de gViZjgh Ydci aV candidature affecte les conditions de la concurrence ou qui sont en h^ijVi^dc YZ XdcÓ^i YÉ^ci g ih dj Zc iVi YZ [V^aa^iZ Vgi^XaZ *,#) #
* AÉVgi^XaZ -% YZ aV Y^gZXi^kZ '%&)$'*$J: Yj '+ [ kg^Zg '%&) relative aux marchés par des entités opérant dans les secteurs de aÉZVj! YZ aÉ cZg\^Z! YZh igVchedgih Zi YZh hZXiZjgh edhiVjm eg kd^i aZh XVh YVch aZhfjZah hÉVeea^fjZci aZh ^ciZgY^Xi^dch YZ XdcXdjg^g Zi aZh g \aZh YZ h aZXi^dc YZh XVcY^YVih edjg XZh bVgX] h# AZ 9JB: est alors utilisable.
) 6gi^XaZ *-#& YZ aV Y^gZXi^kZ '%&)$')$J: Yj '+ [ kg^Zg '%&)#
+ 6gi^XaZh *. Zi +( YZ aV Y^gZXi^kZ '%&)$')$J: Yj '+ [ kg^Zg '%&)#
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
qu’ils confirment que les informations qui y figurent sont toujours valables. La preuve de l’absence d’interdiction de concourir et des garanties techniques, professionnelles et financières est donc considérablement allégée pour l’ensemble des candidats dans le cadre de la directive 2014/24/UE. Cet allégement n’exclut pas pour autant le contrôle du pouvoir adjudicateur car ce dernier peut procéder à une vérification à tout moment de la procédure, et exiger la production de tout ou partie des documents justificatifs « si cela est nécessaire pour assurer le bon déroulement de la procédure »(7). S’il apparait que le candidat a fourni de fausses déclarations, qu’il n’est pas en mesure de produire les justificatifs demandés ou qu’il a dissimulé des informations, le pouvoir adjudicateur pourra l’exclure de la procédure de passation pour ce motif et le candidat pourra faire l’objet de poursuites pénales(8). Par ailleurs, le fait d’avoir fourni une déclaration sur l’honneur entachée de fausses informations dans le cadre d’un précédent marché pourra être un motif d’exclusion pour d’autres procédures de passation(9). En dehors de l’hypothèse de la vérification en cours de procédure, les pièces justificatives de la candidature seront exigées du seul candidat à qui il est envisagé d’attribuer l’offre(10).
Les pièces justificatives à produire par le candidat auquel il est envisagé d’attribuer le marché ou dans le cadre d’une procédure de vérification La directive 2014/24/UE permet au pouvoir adjudicateur d’exiger la production de pièces justificatives sensiblement identiques à celles prévues par la directive 2004/18/ CE, tout en apportant des nouveautés et des précisions utiles. Ces pièces ne pourront pas être exigées du pouvoir adjudicateur s’il peut obtenir directement les éléments pertinents en accédant à une base de données nationale ou s’il a déjà les documents en sa possession.
Les pièces justificatives relatives à l’absence d’interdiction de concourir et la preuve des capacités Les articles 60 et 62 de la directive 2014/24/UE indiquent les modes de preuves exigibles concernant les interdictions de concourir et le respect des exigences liées à la candidature, étant précisé que le pouvoir adjudicateur pourra inviter les opérateurs économiques à compléter ou à expliciter les documents reçus.
Les pièces justificatives relatives à l’absence d’interdiction de concourir O
Les documents justificatifs exigibles par les pouvoirs adjudicateurs concernant les interdictions de concourir dans le cadre de la directive 2014/24/UE ne diffèrent pas sensiblement de ceux prévus par la directive 2004/18/ CE(11). La nouvelle directive apporte surtout des éléments de souplesse dans l’appréciation de la recevabilité des candidatures. Ainsi, pour le candidat ayant fait l’objet de sanctions pénales spécifiques visées par la directive et/ou tombant sous le coup de l’une des interdictions de concourir facultatives de l’article 57-4, la faculté lui est ouverte de démontrer sa fiabilité. Ce procédé désigné dans le projet de formulaire type de DUME d’« auto-réhabilitation » permet au candidat de fournir des preuves afin d’attester qu’il a pris des mesures permettant de démontrer sa fiabilité malgré l’existence d’un motif d’exclusion pertinent. Si ces preuves sont jugées suffisantes, l’opérateur économique concerné n’est pas exclu de la procédure de passation de marché(12). L’article 57.6 de la directive indique qu’à cette fin, l’opérateur prouve « qu’il a versé ou entrepris de verser une indemnité en réparation de tout préjudice causé par l’infraction pénale ou la faute, clarifié totalement les faits et circonstances en collaborant activement avec les autorités chargées de l’enquête et pris des mesures concrètes de nature technique et organisationnelle et en matière de personnel propres à prévenir une nouvelle infraction pénale ou une nouvelle faute ». Le pouvoir adjudicateur évalue la fiabilité de l’entreprise au regard de la gravité de l’infraction pénale ou de la faute et des circonstances particulières et prend une décision motivée transmise à l’opérateur en cas de rejet de la candidature. Pour les interdictions de concourir relatives aux candidats n’ayant pas remplis leurs obligations en matière de paiement d’impôts ou de taxes ou de cotisations sécurité sociale(13), la candidature est recevable si l’opérateur
, 6gi^XaZ *.#) YZ aV Y^gZXi^kZ '%&)$')$J: Yj '+ [ kg^Zg '%&)# - Egd_Zi YZ g \aZbZci YÉZm Xji^dc iVWa^hhVci aZ [dgbjaV^gZ ineZ pour le document unique de marché européen. . 6gi^XaZ *,#) ed^ci ] YZ aV Y^gZXi^kZ '%&)$')$J: Yj '+ [ kg^Zg 2014. &% ¿ aÉZmXZei^dc YZ XZgiV^ch VXXdgYh XVYgZh XdcXajh Xdc[dgb bZci | aÉVgi^XaZ ((! eVgV\gVe]Z (! dj | aÉVgi^XaZ ((! paragraphe 4, point a).
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
&& 6gi^XaZ +%#' YZ aV Y^gZXi^kZ '%&)$')$J: Yj '+ [ kg^Zg '%&) Zi Vgi^XaZ )*#( YZ aV Y^gZXi^kZ '%%)$&-$8: Yj (& bVgh '%%)# &' 6gi^XaZ *,#+ YZ aV Y^gZXi^kZ '%&)$')$J: Yj '+ [ kg^Zg '%&) 0 aÉVgi^XaZ )& YZ aV Y^gZXi^kZ eg kd^i jc b bZ b XVc^hbZ YVch le cas spécifique concernant les candidats ayant participé à la préparation de la procédure de passation du marché en leur permettant « de prouver que leur participation à la préparation de aV egdX YjgZ cÉZhi eVh hjhXZei^WaZ YZ [VjhhZg aV XdcXjggZcXZ ¼# &( 6gi^XaZ *,#' YZ aV Y^gZXi^kZ '%&)$')$J: Yj '+ [ kg^Zg '%&)#
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
61
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
prouve qu’il a régularisé sa situation ou s’il a conclu « un accord contraignant en vue de payer les impôts et taxes ou cotisations de sécurité sociale dues, y compris, le cas échéant, tout intérêt échu ou les éventuelles amendes ». De plus, les conditions dans lesquelles le manquement à ces obligations est considéré comme établi sont appréciées avec davantage de souplesse puisque l’exclusion du marché doit être proportionnée au regard du manquement et ne parait pas justifiée si notamment le montant des impayés est minime ou si le candidat n’a pas pu régulariser sa situation avant l’expiration du délai de remise des offres ou des candidatures, faute de connaître le montant exact à payer(14). O Les pièces justificatives relatives à la preuve des capacités professionnelles, techniques ou financières
La directive 2014/24/UE précise que les capacités exigées des candidats « sont liées et proportionnées à l’objet du marché ». La nouvelle directive opère un changement par rapport à la directive 2004/18/CE car il n’est plus exigé des candidats qu’ils fournissent des documents sur l’ensemble de leurs capacités mais uniquement ceux qui « sont propres à garantir qu’un candidat ou un soumissionnaire dispose de la capacité juridique et financière ainsi que des compétences techniques et professionnelles nécessaires pour exécuter le marché à attribuer »(15). À ce titre, la directive 2014/24/UE reconduit la possibilité déjà existante que le candidat apporte la preuve de sa capacité économique et financière(16), technique et professionnelle en ayant recours aux capacités d’autres entités « quelle que soit la nature juridique des liens » qui les unissent, ce qui vise notamment les cotraitants ou sous-traitants(17). Cette précision apportée, les éléments exigés des candidats pour prouver leurs capacités ne diffèrent pas fondamentalement de ceux prévus dans le cadre de l’ancienne directive. Ainsi, pour les capacités économiques et financières des candidats, les moyens de preuve sont quasiment identiques à ceux prévus dans le cadre de la directive 2004/18/ CE. La seule différence réside dans le fait que la directive 2014/24/UE prévoit la possibilité d’exiger « la présentation d’états financiers ou d’extraits d’états financiers, dans les cas où la publication d’états financiers est prescrite par la législation du pays dans lequel l’opérateur économique est établi » alors que l’ancienne directive
prévoyait la présentation des « bilans ou d’extraits des bilans »(18). Cette différence tient au fait que la nouvelle directive permet au pouvoir adjudicateur d’exiger que le candidat fournisse « des informations sur leurs comptes annuels indiquant le rapport, par exemple, entre les éléments d’actif et de passif »(19). Par ailleurs, si le candidat a recours aux capacités économiques et financières d’autres entités, le pouvoir adjudicateur pourra exiger que l’opérateur économique et les autres entités en question « soient solidairement responsables de l’exécution du marché »(20). Pour les capacités professionnelles et techniques, la directive 2014/24/UE reprend pour l’essentiel la liste des moyens de preuve exigibles prévue dans la directive 2004/18/CE tout en apportant des précisions et des clarifications(21). Le candidat ne devra pas se trouver dans une situation « de conflit d’intérêts qui pourrait avoir une incidence négative sur l’exécution du marché » car le pouvoir adjudicateur pourra exclure le candidat de la procédure de passation pour ce motif(22). Afin de prouver ses capacités, les candidats pourra fournir la liste des travaux exécutés au cours des cinq dernières années et des livraisons effectués au cours des trois dernières années « tout au plus », ce qui permet implicitement au pouvoir adjudicateur de demander la liste de travaux et de livraisons sur une durée plus courte que cinq ou trois ans. Il est également ajouté que « les pouvoirs adjudicateurs peuvent indiquer que les éléments de preuve relatifs à des travaux exécutés il y plus de cinq ans [pour les travaux] et trois ans [pour les services] seront pris en compte », et ce afin de « garantir un niveau de concurrence suffisant ». L’annexe XII de la directive 2014/24/UE prévoit également que le pouvoir adjudicateur pourra demander aux candidats l’indication des titres d’études et professionnels du prestataire de services ou de l’entrepreneur ou des cadres l’entreprise, « à condition qu’ils ne soient pas évalués comme critère d’attribution ». Cette dernière mention – qui n’était pas présente dans la directive 2004/18/CE – reconnaît explicitement au pouvoir adjudicateur la possibilité d’évaluer les offres des candidats par des critères ou sous critères relatifs au CV et à l’expérience du personnel affecté à la mission et le place devant le choix exclusif de soumettre cette exigence au stade de l’appréciation de la candidature ou de l’offre. La directive 2014/24 précise également que le candidat ne pourra « avoir recours aux capacités d’autres entités que lorsque ces dernières exécuteront les travaux ou
&) 6gi^XaZ *,#+ YZ aV Y^gZXi^kZ '%&)$')$J: Yj '+ [ kg^Zg '%&)# &* 6gi^XaZ *-#& YZ aV Y^gZXi^kZ '%&)$')$J: Yj '+ [ kg^Zg '%&)# &+ 6XijZaaZbZci! aÉVgi^XaZ )*">>> Yj 8dYZ YZh bVgX] h ejWa^Xh# &, AdghfjZ aZ XVcY^YVi gZXdjgi | jcZ Zci^i ! ^a YZkgV aj^"b bZ VeedgiZg aV egZjkZ YZ hV XVeVX^i Zi fjÉZaaZ cZ idbWZ hdjh aZ Xdje YÉjc bdi^[ YÉZmXajh^dc# 8ZiiZ Zci^i YZkgV igZ gZbeaVX Z h^ ZaaZ idbWZ hdjh aZ Xdje YÉjc bdi^[ YÉZmXajh^dc dWa^\Vid^gZ! XZ gZbeaVXZbZci iVci aV^hh | aV Y^hXg i^dc YZ aÉ:iVi bZbWgZ dj Yj edjkd^g VY_jY^XViZjg Zc XVh YZ bdi^[ YÉZmXajh^dc [VXjaiVi^[ Vgi^XaZ +( YZ aV Y^gZXi^kZ '%&)$')$J: Yj '+ [ kg^Zg '%&) #
62
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
&- Ed^ci W YZ aV eVgi^Z > YZ aÉVccZmZ M>> YZ aV Y^gZXi^kZ '%&)$')$J: Yj '+ [ kg^Zg '%&)# &. 6gi^XaZ *-"( YZ aV Y^gZXi^kZ '%&)$')$J: Yj '+ [ kg^Zg '%&)# '% 6gi^XaZ +(#& YZ aV Y^gZXi^kZ '%&)$')$J: Yj '+ [ kg^Zg '%&)# '& 6gi^XaZ )- YZ aV Y^gZXi^kZ '%%)$&-$8: Yj (& bVgh '%%)! Vgi^XaZ +% Zi eVgi^Z >> YZ aÉVccZmZ M>> YZ aV Y^gZXi^kZ '%&)$')$J: Yj '+ [ kg^Zg '%&)# '' 6gi^XaZ *-") YZ aV Y^gZXi^kZ '%&)$')$J: Yj '+ [ kg^Zg '%&)#
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Dossier Pièces et renseignements demandés aux candidats
fourniront les services pour lesquels ces capacités sont requises »(23). Pour l’aptitude et la capacité professionnelle, la directive 2014/24/UE prévoit, à l’instar de la directive 2004/18/CE, la possibilité de demander aux candidats la preuve de l’inscription au registre professionnel ou du commerce ainsi que la production de certificats de qualité attestés par des organismes indépendants et/ou des certificats attestant du respect de normes environnementales(24).
La dispense de production des pièces justificatives Toujours dans un souci de simplification, l’article 59.5 de la directive 2014/24/UE prévoit que les candidats ne sont pas tenus de présenter des documents justificatifs lorsque le pouvoir adjudicateur peut se les procurer luimême directement par le biais d’une base de données nationale accessible gratuitement ou s’il les a déjà en sa possession. L’accès aux pièces de la candidature par une base de données sera possible via des renseignements que le candidat aura transmis dans le cadre du DUME. Le projet de formulaire type prévoit à cet effet des rubriques dans lesquelles le candidat fournit l’adresse internet de la base de données, toute donnée d’identification et, le cas échéant, la déclaration de consentement nécessaire(25). Le recours aux bases de données a déjà fait l’objet d’une transposition anticipée de la directive par le décret
(23) La formulation est plus stricte que pour les autres XVeVX^i h d ^a Zhi Zm^\ fjZ aZ XVcY^YVi VeedgiZ aV » egZjkZ fjÉ^a disposera des moyens nécessaires, par exemple, en produisant aÉZc\V\ZbZci YZ XZh Zci^i h | XZi Z[[Zi ¼ Vgi^XaZ +(#& YZ aV Y^gZXi^kZ '%&)$')$J: Yj '+ [ kg^Zg '%&) #
n° 2014-1097 du 26 septembre 2014 qui a modifié le VI de l’article 45 et le I de l’article 46 du Code des marchés publics. Si le candidat a déjà fourni les documents et pièces justificatives dans le cadre d’une précédente procédure, le pouvoir adjudicateur peut lui-même opérer la vérification. Ce système baptisé « dites-le nous une fois » a été transposé en droit français par le décret n° 2014-1097 du 26 septembre 2014 qui a modifié le 2e alinéa du VI de l’article 45 du Code des marchés publics. À ce jour, ce système n’est requis que si le règlement de la consultation le prévoit. Il deviendra obligatoire lorsque les obligations relatives à la dématérialisation des procédures seront entrées en vigueur, au plus tard le 18 octobre 2018(26).
Conclusion La directive 2014/24/CE instaure de nombreux outils facilitant et simplifiant la constitution du dossier de la candidature tout en maintenant des exigences relatives aux interdictions de concourir et aux capacités professionnelles, techniques et financières. Elle apporte de notables avancées pour les entreprises qui pourront candidater dans des conditions simplifiées et pourront alors focaliser leur attention sur la qualité de l’offre. Pour le pouvoir adjudicateur, la directive déplace le moment de la vérification des justificatifs de la candidature après l’analyse des offres, au stade de l’attribution du marché. Le pouvoir adjudicateur reste libre de vérifier les justificatifs des pièces de la candidature à n’importe quel moment de la procédure et il pourra être opportun de procéder à cette vérification dans certains cas au plus tôt, notamment lorsque l’entreprise invoque des éléments de nature à justifier la recevabilité de sa candidature alors qu’il rentre dans l’un des cas d’interdiction de concourir.
') 6gi^XaZh *-#' Zi +% YZ aV Y^gZXi^kZ '%&)$')$J: Yj '+ [ kg^Zg 2014. '* 6gi^XaZ *.#& YZ aV Y^gZXi^kZ '%&)$')$J:#
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
'+ 6gi^XaZ .% ' Zi Xdch^Y gVci -* YZ aV Y^gZXi^kZ '%&)$')$J:#
Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
63
Viedes contrats Retrouvez les textes cités sur
Passation Le Conseil d’État précise les contours des pratiques de « sourcing » en matière de marchés publics ....................................................................................
66
Pierre-Ange Zalcberg
La candidature d’une collectivité territoriale à un contrat de la commande publique à l’épreuve de l’intérêt public local..............................................................
70
Muriel Dreifuss
Les acheteurs publics organisent fréquemment des consultations préalables à la passation de marchés publics. Cependant, le Conseil d’État a précisé, dans un arrêt du 14 novembre dernier, les conditions de validité de telles consultations. Dans les semaines qui suivirent, la Haute juridiction a souligné que les candidatures des collectivités territoriales et de leurs groupements, à un contrat de la commande publique, doit répondre à un intérêt public local.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Retrouvez la vie des contrats sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
65
Viedes contrats Passation
Le Conseil d’État précise les contours des pratiques de « sourcing » en matière de marchés publics Par arrêt du 14 novembre 2014, le Conseil d’État rappelle opportunément les principes encadrant les pratiques de « sourcing » en matière de marchés publics, par ailleurs récemment consacrées au plan européen. Suite à une consultation préalable du marché, organisée par le pouvoir adjudicateur, il juge que les comportements du soumissionnaire, préalablement consulté, relèvent de ses seuls choix et des risques commerciaux qu’il a entendu assumer et ne sont donc pas imputables à un agissement du pouvoir adjudicateur. En conséquence, ils ne peuvent suffire pour établir un avantage irrégulier.
L
Pierre-Ange Zalcberg Responsable du pôle « Marchés publics, droit immobilier, vie institutionnelle » de l’Établissement français du sang (E.F.S.)
es directives marchés publics du 26 février 2014, en cours de transposition en droit national, viennent consacrer le principe des « consultations préalables du marché » (ou « sourcing ») autorisant les pouvoirs adjudicateurs à réaliser des consultations du marché économique en vue de préparer la passation d’un marché public et d’informer les opérateurs économiques de leurs projets et de leurs exigences en la matière(1). Ces « consultations préalables du marché » posent d’intéressantes questions quant aux modalités de leur mise en œuvre au regard des principes de transparence et d’égalité de traitement des candidats, l’acheteur public imprudent pouvant être tenté, dans cette configuration, de délivrer plus ou moins délibérément des informations privilégiées à un potentiel candidat sur un projet de marché public. Pourtant, et depuis longtemps, ces pratiques sont d’usage assez commun chez les pouvoirs adjudicateurs du fait notamment de jurisprudences nationales qui obligent l’acheteur à se demander, « si la spécialité professionnelle dont il a besoin est courante, si elle est répandue dans son environnement géographique immédiat ou si, au contraire, elle est rare ou en tout cas dispersée sur une large zone géographique »(2). Rappel étant, par ailleurs, que l’acheteur public se doit d’identifier les « opérateurs raisonnablement vigilants » pouvant être intéressés par le contrat qu’il souhaite conclure(3). Dans la décision du 14 novembre 2014, le Conseil d’État, ayant sans doute à l’esprit les récents développements de
Références CE 14 novembre 2014, SMRAG, req. n° 373156
Mots clés 8V]^Zg YZh X]Vg\Zh YZ aV XdchjaiVi^dc 8dchjaiVi^dc eg VaVWaZ >c[dgbVi^dch eg^k^a \^ Zh HdjgX^c\
66
Retrouvez la vie des contrats sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
(1) Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014, art. 40 ; Directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014, art. 58. (2) Conclusions de Didier Casas sous l’arrêt CE 7 octobre 2005, Région Nord-Pas-de-Calais, req. n° 278732. (3) CE 1er avril 2009, Communauté urbaine de Bordeaux, req. n° 323585.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Viedes contrats Passation
la réglementation européenne en la matière, a eu l’occasion de préciser les subtils contours de la validité d’une consultation préalable du marché ayant donné lieu, dans des circonstances d’espèce assez floues, à communication d’informations sur la passation à venir d’un marché public. En l’espèce, le syndicat mixte d’étude, d’aménagement et de gestion de la base de plein air et de loisirs de CergyNeuville (SMEAG) avait lancé en 2006, après avoir envisagé la conclusion d’une convention d’occupation du domaine public, une consultation en procédure adaptée en vue de l’aménagement et l’exploitation de deux parcours d’aventure forestiers, pour laquelle quatre entreprises avaient déposé une offre. Par décision du 9 mars 2006, la commission d’appel d’offres du SMEAG avait retenu l’offre de la société Xtrem Aventure. La société Aventure Land, candidat évincé, avait aussitôt demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d’annuler cette décision au motif notamment que la société Xtrem Aventure avait bénéficié d’un avantage irrégulier par la divulgation d’informations privilégiées préalablement au lancement de la procédure. Le tribunal administratif a d’abord rejeté cette demande mais, exerçant sa voie d’appel, la société Aventure Land a obtenu, par arrêt du 18 juillet 2013 de la cour administrative d’appel de Versailles, l’annulation de la décision du 9 mars 2006 et l’injonction faite au SMEAG de résilier à l’amiable le contrat conclu avec la société Xtrem Aventure, la cour estimant que le SMEAG, après avoir décidé de mettre en œuvre une procédure adaptée, avait méconnu l’égalité entre les candidats en favorisant l’entreprise attributaire par la divulgation d’informations privilégiées. Pour parvenir à cette conclusion, la cour avait relevé qu’avant la publication de l’avis d’appel public à la concurrence, la société Xtrem Aventure avait diffusé, dans le cadre d’un salon professionnel, une plaquette dans laquelle elle indiquait proposer un parcours d’aventure sur la base de loisirs de Cergy-Neuville dans des conditions correspondant au contenu du cahier des charges établi par le SMEAG, qu’elle avait opportunément modifié ses statuts pour élargir ses activités à la création d’un parc de loisirs en plein air, qu’elle avait fait publier, avant la décision attaquée, une offre d’emploi relative à des travaux de mise en place d’un parcours forestier et enfin, qu’elle avait pu commencer les travaux d’installation des parcours seulement deux jours après cette décision. Contestant ces conclusions, le SMEAG s’est donc pourvu en cassation. Dans cette affaire, la question posée aux juges du Palais-Royal s’inscrivait dans la problématique plus générale des modalités de mise à disposition, à une ou plusieurs entreprise(s), d’informations portant sur un projet marché public, problématique exprimée dans des circonstances différentes sur laquelle ils avaient déjà eu à se prononcer. Des conclusions posées dans les situations de communication préalable d’informations, le Conseil d’État a tiré ses principes pour apprécier concrètement si, en l’espèce, la consultation préalable du marché avait été réalisée en méconnaissance des principes de la commande publique.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Les conditions de mise à disposition préalable d’informations portant sur un marché public à passer Il s’agit là d’une problématique à laquelle le Conseil d’État a été maintes fois confronté dans des circonstances néanmoins différentes de celles du cas d’espèce.
Du renouvellement d’un marché public à la participation d’un candidat à la conception d’un projet de marché public On rappellera d’abord que l’égalité de traitement des candidats dans la transmission des informations, telle qu’issue de l’article 1-II du Code des marchés publics, impose aux acheteurs de mettre tout en œuvre pour que l’égale concurrence puisse, très concrètement, se dérouler dans des conditions satisfaisantes. Ainsi, la jurisprudence est constante pour affirmer que la situation plus favorable de l’entreprise déjà titulaire d’un marché public, au regard d’une procédure de renouvellement dudit marché, ne constitue pas en soi une rupture de l’égalité car, par principe, est seulement censurée la volonté avérée du pouvoir adjudicateur de favoriser l’entreprise déjà en place par le biais d’actes, en ce sens, dûment prouvés(4). C’est dans cette logique que s’est également développée la jurisprudence relative à la participation d’un candidat à la conception d’un projet de marché public (cas de l’assistant à maîtrise d’ouvrage rédigeant un CCTP par exemple). Le Conseil d’État, ayant d’abord considéré que cette participation en amont constituait en soi une rupture d’égalité entre les concurrents(5), a finalement jugé qu’un candidat ayant participé à l’élaboration du cahier des charges peut se porter candidat à un marché distinct dès lors qu’il n’a pas retiré de son précédent marché des informations, notamment financières, de nature à l’avantager(6). La CJUE a elle-même précisé, dans un cas d’espèce assez similaire, qu’un candidat ne peut être exclu d’une procédure de passation à la préparation de laquelle il a participé que s’il est établi qu’il a effectivement retiré de sa participation un avantage concurrentiel(7).
Le cadre juridique des consultations préalables du marché À la lumière de ces jurisprudences, il apparaît donc que la personne publique peut d’ores et déjà solliciter un (ou plusieurs) opérateur économique, quand bien même ce dernier est susceptible de se porter candidat à l’attribution du futur marché concerné. Plus encore, l’éviction de ce dernier au seul motif qu’il aurait participé en amont, par exemple, à l’élaboration des documents de la consultation serait sanctionnée.
(4) TA Rennes, 5 avril 1995, Préfet Morbihan c/ Syndicat intercommunal Rochefort-en-Terre. (5) CE 8 juillet 1991, OPHLM département Aisne, req. n° 95305. (6) CE 29 juillet 1998, Garde des Sceaux, req. n° 177952. (7) CJCE 3 mars 2005, Fabricom SA, aff. C-21/03 et C-34/03.
Retrouvez la vie des contrats sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
67
Viedes contrats Passation
Le pouvoir adjudicateur est ainsi tenu de fournir tout document qu’il juge utile à la compréhension du futur marché, et peut donc communiquer aux candidats les études techniques ou économiques réalisées en amont, afin de rétablir l’égalité et faire en sorte qu’aucun des concurrents ne bénéficie d’informations privilégiées. En définitive, ce n’est que s’il est établi que le soumissionnaire a obtenu des éléments lui procurant un avantage indu par rapport aux autres candidats que le pouvoir adjudicateur doit l’écarter de la consultation.
L’appréciation concrète des avantages obtenus par l’attributaire ayant participé à une opération de « sourcing » Sur les bases susévoquées, fidèle à sa jurisprudence selon laquelle, en pareille espèce, le juge doit réaliser une appréciation concrète des avantages obtenus par le candidat en cause(8), le Conseil d’État a procédé à un examen détaillé des moyens soulevés par la requérante pour tenter de démontrer que l’attributaire avait bien bénéficié d’une transmission préalable et exclusive du cahier des charges, moyen qui aurait été de nature à caractériser un manquement au principe d’égalité de traitement des candidats. Précisément, les juges ont d’abord relevé qu’aucune preuve n’était apportée quant à la transmission préalable du cahier des charges à la société Xtrem Aventures en considérant que la modification de ses statuts, pour élargir son objet à des activités conformes à l’objet au projet du SMEAG, ne permettait pas d’établir que cette société avait eu illégalement connaissance du cahier des charges de la consultation mais seulement qu’informée du projet du SMEAG, elle entendait disposer de statuts lui permettant de se porter éventuellement candidate.
Les mesures prises par une entreprise après consultation préalable ne suffisent pas pour démontrer l’avantage indu Il a été par ailleurs estimé que la circonstance par laquelle la société Xtrem Aventures ait diffusé dès janvier 2006, dans un salon professionnel un dépliant publicitaire mentionnant l’exploitation par ses soins d’un « parcours en forêt » sur le site de la base de loisirs de CergyNeuville, ouvert au public du 1er mai au 2 novembre 2006, ne permettait pas davantage d’établir que la société avait eu connaissance à l’avance des dates d’ouverture prévues par le cahier des charges de la consultation, dès lors que les informations mentionnées dans son dépliant étaient celles applicables à un ensemble d’activités exercées sur cette base de loisirs. Plus loin encore, la diffusion par la société Xtrem Aventures, avant la décision du 9 mars 2006, d’une offre d’emploi relative à des travaux de mise en place d’un parcours forestier ne permettait pas davantage d’établir qu’elle aurait bénéficié d’informations dont ne disposaient pas les
(8) CE 24 juin 2011, Ministre de l’Écologie, req. n° 347720.
68
Retrouvez la vie des contrats sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
autres candidats, la publication de cette annonce pouvant s’expliquer par l’engagement qu’elle avait pris, en cas de succès dans la procédure de consultation engagée, de mettre en service l’activité dès le 1er mai 2006. Enfin, le Conseil d’Etat a considéré que si la société Xtrem Aventures avait connaissance du projet du SMEAG de conclure une convention d’occupation du domaine public pour l’exploitation d’un parcours forestier sur le domaine public de la base de loisirs avant l’engagement de la procédure de mise en concurrence, cela ne s’explique que par la visite, par les responsables du SMEAG, du site de parcours d’aventure géré par la société Aventure Land à Magny-en-Vexin, au sein de laquelle le responsable de la société Xtrem Aventures avait été associé. Ainsi, dès lors qu’il n’est pas démontré que le pouvoir adjudicateur a directement communiqué le cahier des charges à la société attributaire, il est jugé que ni la visite des responsables du SMEAG du site de parcours mais également, ni la publication d’une offre d’emploi par la société attributaire, ni la modification opportune de l’objet social dans ses statuts, ni encore les éléments publicitaires mis en œuvre, ne suffisent pour établir un avantage irrégulier mais confirment seulement que la société attributaire avait eu connaissance d’un projet de marché avant l’engagement de la procédure de passation, ce qui n’est pas en soi considéré comme fautif au regard du principe de l’égalité de traitement des candidats dans l’accès à l’information. Considérant que le pouvoir adjudicateur peut tout à fait mener une phase d’échanges destinée à préparer son marché public, visiter les acteurs économiques du marché considéré et communiquer dans ce cadre, en toute transparence et sans discrimination, des informations sur le projet de marché public, la Haute juridiction conclut que les mesures organisationnelles et commerciales délibérément mises en œuvre par la société prospectée du fait des informations dont elle a pu prendre connaissance, relèvent de la stratégie propre à l’entreprise pour se mettre en situation de remporter le marché public et ne sauraient a fortiori être imputables au pouvoir adjudicateur. Lequel ne peut, dès lors, être regardé comme ayant fait bénéficier la société attributaire d’un avantage irrégulier.
Une interprétation in concreto du juge administratif de nature à responsabiliser les acheteurs publics et à encourager l’usage des pratiques de « sourcing » Par cet arrêt, le Conseil d’État résout les quelques questionnements associés au « sourcing » dans l’achat public, comme pour mieux prévenir les interprétations excessivement rigoristes des directives européennes en la matière, face à des usages qu’on pourrait considérer, un peu rapidement, comme de nature à faciliter les manœuvres inadéquates au regard de l’égalité de traitement des candidats. De quoi garantir une certaine sécurité juridique à la pratique des consultations préalables du marché et encourager (et responsabiliser) encore un peu plus les acheteurs publics à y recourir pour une efficiente expression de leurs besoins.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Viedes contrats Passation
La candidature d'une collectivité territoriale à un contrat de la commande publique à l’épreuve de l’intérêt public local Face à un certain flottement de la jurisprudence, la Haute juridiction souligne opportunément à propos du principe même de la candidature des collectivités territoriales et de leurs groupements à un contrat de la commande publique, et ce, de façon inédite, que cette candidature doit répondre à un intérêt public local. Une fois la candidature admise dans son principe, le conseil d’État rappelle une jurisprudence constante : les modalités de la candidature doivent respecter les conditions de la concurrence. Ces règles ne s’appliquent pas aux coopérations organisées entre personnes publiques.
P
ar leur décision d’Assemblée du 30 décembre 2014, Société Armor SNC(1), les juges du Palais-Royal ont apporté d’utiles précisions sur la faculté des collectivités territoriales et de leurs établissements publics de coopération à candidater à un contrat de la commande publique(2) passé par une autre personne publique. En 2006, le département de la Charente-Maritime a été attributaire du marché public de dragage de l’estuaire du Lay, lancé par le département de la Vendée. La société Armor SNC, l’une des deux candidates évincées(3), a demandé l’annulation de la décision de la commission d’appel d’offres du département de la Vendée rejetant son offre et retenant celle du département voisin et la décision du président du conseil général de la Vendée de signer le marché. Dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre ces décisions, seule voie de droit alors ouverte aux candidats évincés(4), la société Armor SNC(5) se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la CAA de Nantes du 4 novembre 2011(6) qui a confirmé le jugement du tribunal
(1) Contrats marchés publ. 2015, comm. 36, L. de Fournoux ; JCP A 2015, p. 2030, comm. H. Pauliat. Muriel Dreifuss Maître de conférences de droit public, Université Lumière-Lyon 2
Références CE Ass. 30 décembre 2014, Société Armor SNC, req. n° 355563
Mots clés 8dcigVi YZ aV XdbbVcYZ ejWa^fjZ ;dgbVi^dc YZh XdcigVih 8VcY^YVijgZ YZh XdaaZXi^k^i h iZgg^idg^VaZh Zi :E8> 8dcY^i^dch >ci g i ejWa^X adXVa Egdadc\ZbZci YÉjcZ b^hh^dc YZ hZgk^XZ ejWa^X BdYVa^i h YZ XZiiZ XVcY^YVijgZ GZheZXi YZh XdcY^i^dch de la concurrence
70
Retrouvez la vie des contrats sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
(2) Cette expression renvoie à diverses catégories de contrats administratifs : marchés publics, délégations de service public, concessions de travaux publics, concessions d’aménagement, contrats de partenariat… (3) L’autre candidate évincée, la société Merceron, avait été déboutée dans le cadre d’un autre recours dirigé contre la candidature du même département de Charente-Maritime attributaire d’un marché public de dragage d’un port lancé par une commune (CAA Bordeaux 15 juillet 2008, Sté Merceron TP, req. n° 07BX00373, AJDA 2008, p. 2296. (4) Le contrat avait été conclu un an avant la décision Tropic : CE Ass. 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation Guadeloupe, req. n° 291545, Rec. CE 2007, CP-ACCP, n° 70, octobre 2007, p. 40 et s.). (5) Aux droits de laquelle est venue la société Entreprises Morillon Corvol Courbot. (6) CAA Nantes 4 novembre 2011, req. n° 10NT01095, AJDA 2012, p. 398 ; et TA Nantes 9 avril 2010, no 0603521.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Viedes contrats Passation
éponyme rejetant sa requête. Le Conseil d’État censure la cour qui a commis une erreur de droit en ne recherchant pas si le département de la Charente-Maritime pouvait se prévaloir d’un intérêt public local lors du dépôt de son offre. Il annule l’arrêt d’appel et renvoie l’affaire devant la même cour qui devra procéder à cet examen. Réuni en Assemblée, le Conseil d’État État tat fait œuvre pédagogique, en reprenant une analyse en deux temps. En premier lieu, il s’interroge sur le principe même de la candidature d’une collectivité territoriale à un contrat de la commande publique, ce qui le conduit à définir pour la première fois l’intérêt public local, et la manière pour la collectivité de le démontrer. Là réside l’apport essentiel de cette décision. Le juge revient ainsi sur la jurisprudence Département de l’Aisne qui avait suscité des interrogations. Dans un second temps, il relève des éléments relativement connus concernant les modalités de la candidature qui ne doivent pas fausser les conditions de la concurrence. Enfin, il pose deux exceptions aux conditions fixées par sa décision : d’une part, les missions confiées par l’État aux collectivités territoriales, d’autre part, les coopérations conventionnelles qui leur permettent d’assurer conjointement des missions communes en dehors du cadre concurrentiel, dans les conditions prévues par la loi.
Une évolution concernant le principe même de la candidature d’une collectivité territoriale à un contrat de la commande publique La candidature de la collectivité territoriale ne sera légale que si elle peut justifier de son intérêt public local tel que défini dans cette décision, qui remet en cause une jurisprudence à l’usage délicat.
La démonstration d’un intérêt public local conditionne la légalité de la candidature d’une collectivité territoriale L’intérêt essentiel de l’arrêt est de compléter, de reformuler la solution posée par l’avis contentieux SJLBC en 2000(7), qui avait admis le principe de la candidature d’une personne publique à un contrat de délégation de service public ou à un marché public, mais n’avait posé aucune condition particulière à la présentation d’une telle offre : « Aucun texte ni aucun principe n’interdit, en raison de sa nature, à une personne publique, de se porter candidate à l’attribution d’un marché public ou d’un contrat de délégation de service public. Aussi la personne qui envisage de conclure un contrat dont la passation est soumise à des obligations de publicité et de mise en concurrence, ne peut-elle refuser par principe d’admettre à concourir une personne publique ». Cet avis ne vise que les contrats de délégation de service public et les marchés publics, alors que l’arrêt de 2014 concerne les contrats de la commande publique recouvrant une catégorie plus large.
Mais en 2014, la question porte exclusivement sur ceux des collectivités territoriales et de leurs groupements. Et là réside la portée de la décision Sté Armor SNC qui souligne la spécificité du statut des collectivités territoriales dont les compétences doivent toujours s’exercer en vue de satisfaire un intérêt public local, en particulier lorsqu’elles candidatent à l’attribution d’un contrat de la commande publique pour répondre aux besoins d’une autre personne publique. La question de la compétence des collectivités territoriales, et donc celle de leur qualité pour contracter, est intimement liée à celle de l’intérêt public. Elles assurent des activités nécessaires à la réalisation de leurs missions de service public, soit au titre de lois attributives de compétences qui prévoient des compétences obligatoires et facultatives exercées dans le ressort territorial de chaque catégorie de collectivités territoriales (dans ce cas l’intérêt public local est présumé), soit au titre de la clause générale de compétence (dans ce cas l’intérêt public local de chaque intervention doit être est démontré). Cette clause générale de compétence est une habilitation générale accordée par la loi à chaque catégorie de collectivité pour agir dans l’intérêt public local. Ainsi en est-il de l’article L. 4221-1 du CGCT pour les régions, de l’article L. 2121-9 du même code pour les communes(8), ou de l’article L. 3211-1 du CGCT pour les départements. Dans ce cas, si l’intervention conduit la collectivité à prendre en charge une mission sur le territoire d’une autre personne publique, en particulier en candidatant à un contrat de la commande publique, l’existence d’un intérêt public conditionne la légalité de son intervention. Suivant son rapporteur public(9), l’assemblée du contentieux s’appuie sur cette clause générale de compétence pour fonder sa solution de principe : « …les compétences dont disposent les collectivités territoriales ou leurs établissements publics de coopération s’exercent en vue de satisfaire un intérêt public local ; que si aucun principe ni aucun texte ne fait obstacle à ce [qu’ils] se portent candidats à l’attribution d’un contrat de commande publique pour répondre aux besoins d’une autre personne publique, ils ne peuvent légalement présenter une telle candidature que si elle répond à un tel intérêt public ». Précisons incidemment que cette solution ne serait pas remise en cause, dans son principe, par une éventuelle suppression de la clause générale de compétences des départements et des régions (au profit de compétences spéciales), prévue par l’actuel projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, et ce, après divers atermoiements en la matière. Elle s’appliquerait toujours pour les candidatures portant sur les activités accessoires aux missions de service public que la loi imposerait ou autoriserait ces collectivités à exercer. Le Conseil d’État procède ensuite à l’identification de l’intérêt public local. La candidature d’une collectivité à un contrat de la commande publique répond à un intérêt
(8) Comme l’a rappelé de façon très pédagogique le Conseil d’État (CE 26 mars 2012, Cne de Vergèze, req. n° 336459, Rec. CE 2012, p. 127). (7) CE avis 8 novembre 2000, Société Jean-Louis Bernard Consultants, n° 222208 ; Rec. CE 2000, p. 492.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
(9) Nous remercions sincèrement B. Dacosta pour la communication de ses conclusions.
Retrouvez la vie des contrats sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
71
Viedes contrats Passation
public local si, d’une part, son objet constitue le prolongement d’une mission de service public dont elle a la charge, et d’autre part, si elle vise notamment à amortir des équipements, à valoriser les moyens dont dispose le service ou à assurer son équilibre financier. Enfin, elle ne doit pas compromettre l’exercice de cette mission initiale. La réalisation des prestations du contrat doit ainsi tendre au bon fonctionnement du service public de la collectivité candidate qui ne doit pas engager des dépenses excessives. Il conviendrait que la délibération et le dossier de candidature de la collectivité soient suffisamment argumentés en termes économique, financier et de ressources humaines pour démontrer l’intérêt public local de la mission. Le prolongement de la mission de service public est appréhendé comme étant exactement la même activité, exercée à titre secondaire, au profit d’une autre personne publique cocontractante. Le Conseil d’État s’inspire largement de la jurisprudence sur les interventions économiques des collectivités territoriales, relative à la création des services publics locaux facultatifs. Mais il faut remarquer que, dans ce cas, le prolongement est conçu comme une activité complémentaire, fonctionnellement distincte du service public initialement créée par la collectivité. L’existence d’un intérêt public local (résultant notamment de la carence de l’initiative privée) justifie une activité économique qui constitue le complément normal ou l’accessoire d’un service public local et contribue à son équilibre financier ou à amortir les investissements que la collectivité a été contrainte de financer. Cette jurisprudence prend anciennement racine dans la célèbre jurisprudence Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers(10) revisitée au fil des décennies notamment par l’arrêt d’assemblée Ordre des avocats au barreau de Paris(11). La Haute juridiction a ainsi admis la légalité de l’adjonction d’une stationservice garage et d’une location de moyenne durée dans un parc de stationnement public en tant que complément de ce service public industriel et commercial(12). Il en a été de même de la création par une communauté de communes d’un service facultatif de réhabilitation d’installations d’assainissement autonome(13), ou d’une activité de thanatopraxie exercée par une commune comme activité annexe du service extérieur des pompes funèbres(14). La décision Sté Armor SNC présente également des analogies, même ême si la parenté est imparfaite, avec la position adoptée à propos de la diversification des activités d’un établissement public, soumis au principe de spécialité. Selon les avis EDF/GDF et VNF du Conseil d’État(15), ce principe ne s’oppose pas à ce qu’un établissement
(10) CE Sect., 30 mai 1930, Rec. CE, p. 583. (11) CE Ass., 31 mai 2006, req. n° 275531, Rec. CE 2006, p. 272, K# ># 7# (12) CE Sect., 18 décembre 1959, Delansorme, Rec. CE, p. 692. (13) CE 23 mai 2003, Cté de communes d’Artois-Lys, req. n° 249995, Rec. CE 2003, p. 234. (14) CE 10 février 1988, M. M., req. n° 67019, Rec. CE. (15) CE avis Sect. trav. publ., 7 juillet 1994, Diversification des activités d’EDF/GDF, n° 356089, RFDA 1994, p. 1156 ; CE avis 16 décembre 2003, Voies navigables de France, n° 369299.
72
Retrouvez la vie des contrats sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
public se livre à d’autres activités, si ces activités annexes sont techniquement et commercialement le complément normal de sa mission statutaire et si elles sont à la fois d’intérêt général et lui sont directement utiles. Pour en revenir à la question précise de la candidature, à l’instar du principe de la compétence des collectivités territoriales, le principe de spécialité des établissements publics conditionne leur candidature. À ce titre, il faut souligner une décision de fond(16) rendue récemment dans le cadre d’un recours Tropic. En appel, le juge du contrat a eu l’occasion de s’appuyer directement sur le principe de spécialité des établissements publics pour annuler un marché public d’une commune attribué à un centre de gestion de la fonction publique territoriale pour l’audit de l’organisation de ses services municipaux(17). Mais à ce jour, le Conseil d’État ne s’est encore jamais prononcé directement sur la question, qu’il s’agisse de l’avis contentieux SJLBC ou du recours pour excès de pouvoir contre un acte administratif autorisant à établir une activité complémentaire(18). Le juge du référé précontractuel(19) considère, quant à lui, que la méconnaissance de la spécialité d’un établissement public ou de l’objet social d’une société est un moyen qui ne peut être utilement invoqué. Dans l’affaire Sté Armor SNC, le rapporteur public suggère, qu’à l’avenir, le juge du référé précontractuel puisse connaître du moyen tiré de la méconnaissance de la compétence, de l’intérêt public local d’une mission d’une collectivité territoriale candidate, et de revenir ainsi sur la solution adoptée par le Conseil d’État dans l’affaire Département de l’Aisne.
La remise en cause de la jurisprudence Département de l’Aisne Dans cette décision du 10 juillet 2009(20), le Conseil d’État avait appliqué le principe de liberté de la candidature d’un opérateur public posé par l’avis SJLBC de 2000, et avait dès lors censuré, pour erreur de droit, le juge du référé précontractuel lillois qui avait subordonné sa légalité à l’existence d’un intérêt public. Il avait en effet considéré qu’il ne s’agit pas de la prise en charge par le département de l’Aisne d’une activité économique mais uniquement de la candidature d’un de ses services (un laboratoire départemental d’analyses sanitaires), dans le
(16) CAA Marseille 10 novembre 2014, CNFPT des Bouches-duG] cZ! gZf# c 13MA02001, AJDA 2015, p. 250. (17) Elle souligne que le marché litigieux ne relève d’aucune des missions confiées à titre obligatoire ou facultatif aux centres de gestion, et ajoute que la mission exercée auprès d’une commune qui n’est pas affiliée à ce centre, « ne peut, en tout état de cause, être regardée comme le complément normal de la mission dévolue à ce centre ». (18) CE 29 décembre 1999, Sté consortium français de localisation, req. n° 185970, Rec. CE. (19) CE 16 octobre 2000, Sté méditerranéenne d’exploitation des services d’eau, req. n° 212054, Rec. CE, RFDA 2000, p. 351, concl. C. Bergeal. (20) CE 10 juillet 2009, Département de l’Aisne, req. n° 324156, Rec. CE, p. 841 ; BCP 2009, p. 444, concl. F. Lenica.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Viedes contrats Passation
respect des règles de la concurrence, à un marché public passé par des services de l’État. L’Assemblée du contentieux casse l’arrêt de la cour nantaise qui a suivi ce raisonnement. Elle juge au contraire que le département de la Charente-Maritime ne pouvait légalement déposer une offre de candidature d’un marché public de travaux de dragage en dehors de ses limites territoriales sans se prévaloir d’un intérêt public local et censure pour erreur de droit la cour qui n’a pas recherché si la candidature de ce département constituait le prolongement de l’une de ses missions de service public. Le Conseil d’État met ainsi fin à la jurisprudence Département de l’Aisne qui avait pu semer le doute(21), certains(22) l’ayant interprétée comme distinguant l’hypothèse particulière d’une candidature publique à la commande publique, affranchie de la justification d’un intérêt public car ne constituant pas encore à ce stade la prise en charge d’une activité économique, et les interventions économiques des collectivités territoriales sur le marché soumises à cet intérêt. Elle ne reprend pas cette distinction subtile, car comme lui suggérait son rapporteur public « Il serait paradoxal de juger que le manquement tiré de l’absence d’intérêt public ne peut être utilement invoqué tant que le marché n’a pas commencé d’être exécuté, alors qu’est en jeu la décision de le signer ». Le juge s’inspire largement de l’arrêt Ordre des avocats au barreau de Paris(23) concernant la création d’un service public facultatif, qui avait précisé en substance que si les personnes publiques entendent, indépendamment des missions de service public dont elles sont investies, « prendre en charge une activité économique, elles ne peuvent légalement le faire que dans le respect tant de la liberté du commerce et de l’industrie que du droit de la concurrence » ; « pour intervenir sur un marché, elles doivent, non seulement agir dans la limite de leurs compétences, mais également justifier d’un intérêt public, lequel peut résulter notamment de la carence de l’initiative privée ». Mais il s’en écarte sur un point : il ne mobilise pas le principe de liberté du commerce et de l’industrie qui, selon le rapporteur public, n’a pas lieu de jouer « lorsqu’une personne publique se borne à proposer des services sur un marché en tant qu’opérateur économique, cela ne se traduit pas par une éviction des personnes privées ». L’arrêt ne fait donc aucune référence à ce principe, car l’intérêt public local, tel qu’il le définit, est une condition nécessaire mais aussi suffisante : « les compétences dont disposent les collectivités territoriales ou leurs établissements publics de coopération s’exercent en vue de satisfaire un intérêt public local ». Il remet donc en cause la jurisprudence Département de l’Aisne, et procède à une certaine harmonisation des conditions des interventions locales dans le milieu concurrentiel, l’intérêt public local devenant le plus grand dénominateur commun.
(21) RFDA 2010, p. 146, note G. Clamour ; AJDA 2009, p. 2006, note J.-D. Dreyfus ; Contrats marchés publ. 2009, comm. 270 ; G. Eckert ; RLCT 2009, n° 1450, note E. Glaser ; G. Marson ; DA 2009, comm. 126. (22) RFDA 2010, p. 146, note G. Clamour. (23) CE 31 mai 2006, précité.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
Un simple rappel : des modalités de la candidature devant respecter les conditions de la concurrence Une fois admise dans son principe via le filtre de l’intérêt public local, le juge doit ensuite vérifier que la candidature ne fausse pas les conditions de la concurrence. La Haute juridiction (dans une partie du deuxième considérant de sa décision) reprend littéralement les deux conditions énoncées au 4°) de l’avis SJLBC, en substituant simplement l’expression « collectivité territoriale ou établissement public de coopération » au terme « personnes publiques » utilisé dans l’avis. Elle souligne ainsi « qu’en particulier, le prix proposé par la collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération doit être déterminé en prenant en compte l’ensemble des coûts directs et indirects concourant à sa formation, sans que la collectivité publique bénéficie, pour le déterminer, d’un avantage découlant des ressources ou des moyens qui lui sont attribués au titre de ses missions de service public et à condition qu’elle puisse, si nécessaire, en justifier par ses documents comptables ou tout autre moyen d’information approprié ». L’analyse doit intégrer l’ensemble des modalités susceptibles de fausser le jeu de la concurrence, dont le prix constitue un élément central. Le Conseil utilise l’expression « en particulier le prix », ce qui renvoie également à d’autres conditions, telles les obligations fiscales(24) et sociales comparables à celles des opérateurs privés, condition posée dans l’avis SJLBC. Le juge précise les conditions de détermination du prix, que la collectivité doit pouvoir justifier par tout moyen adéquat. D’une part, le prix de la prestation proposé par la collectivité doit tenir compte de l’ensemble des coûts directs et indirects concourant à sa formation. On pense évidemment aux dépenses en moyens financiers, matériels, humains, aux frais divers occasionnées pour les déplacements, aux frais exposés pour soumissionner, ainsi qu’à une partie des frais de structure… D’autre part, l’arrêt souligne que la collectivité ne doit pas sous-estimer son prix en occultant des avantages ou des moyens alloués à raison de ses missions de service public, facilités dont, par définition, ses concurrents privés ne bénéficient pas. Le prix doit par exemple intégrer toute subvention perçue, la mise à disposition gratuite de locaux. La collectivité ne doit pas mutualiser les charges de ses différentes missions afin d’abaisser artificiellement le prix qui ne correspond alors plus à l’ensemble des coûts de la seule activité confiée(25). On peut recommander la dissociation comptable entre les diverses activités exercées par la collectivité, qui repose sur une comptabilité analytique ; ou du moins l’identification précise du coût de la prestation en cause. Dans la
(24) En l’espèce, le département de Charente-Maritime attributaire de l’activité de dragage d’un port de plaisance, exerce a priori jcZ VXi^k^i ajXgVi^kZ! hdjb^hZ | aÉ^be i hjg aZh hdX^ i h# (25) V. CAA Douai 16 novembre 2006, Cne Quiévrechain, req. n° 05DA00341.
Retrouvez la vie des contrats sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
73
Viedes contrats Passation
présente affaire, le département a pris le soin d’exercer l’activité de dragage dans le cadre d’un service doté d’un budget annexe. Enfin, la collectivité doit pouvoir justifier, si nécessaire, par tout moyen approprié, tels que des éléments de sa comptabilité analytique, de la juste détermination du prix proposé. Il est donc préférable que les éléments constitutifs du prix soient clairement détaillés dès la remise de l’offre pour éviter toute suspicion de sous-évaluation. Le juge vérifie l’égalité des conditions de concurrence entre les opérateurs publics et privés, sur la base d’un contrôle dit normal (c’est-à-dire approfondi), en particulier lorsque l’offre de candidature émane d’un prestataire public. Fort de l’avis du Conseil d’État, le TA de Dijon(26), au terme d’un examen détaillé, a considéré que l’offre remise par l’IGN ne portait pas atteinte à la libre concurrence et a rejeté la requête de la société JLBC. Sur la base d’une démarche analogue, la cour administrative d’appel de Douai(27) a relevé la rupture de l’égalité dans les conditions de concurrence entre l’opérateur public et les opérateurs privés, et annulé les délibérations du conseil municipal confirmant le choix du maire pour un syndicat intercommunal de distribution d’eau. Dans la présente affaire Société Armor SNC, la cour a commis une erreur de droit en omettant de rechercher si la candidature du département présentait un intérêt public local. Elle devra trancher cette question dans le cadre du renvoi. Si le principe de la candidature est admis, la question de la légalité des modalités ne devrait ensuite, a priori, poser aucune difficulté particulière. Elle a déjà procédé à un contrôle sérieux de l’égalité des conditions de concurrence entre les candidats, au terme duquel elle a écarté le moyen tiré de ce que le département aurait procédé à une sous-estimation du coût de la prestation proposée ou aurait bénéficié d’avantages en méconnaissance des principes de libre concurrence et d’égalité de traitement. La cour devrait parvenir à la même conclusion dans le cadre du renvoi. La méthode d’analyse du juge administratif est relativement éprouvée, mais en cas de doute le juge peut ordonner une expertise. Et depuis l’ordonnance n° 1986243 du 1er décembre 1986(28), il peut aussi solliciter l’avis d’un amicus curiae, tel que l’Autorité de la concurrence(29).
Les exclusions du champ d’application de la commande publique Les règles dégagées par le Conseil d’État sont assorties de deux exceptions déjà bien connues. En premier lieu, certaines missions sont confiées aux collectivités territoriales ou leurs établissements publics de coopération pour le compte de l’État, État, tat, par défi défininition, dans l’intérêt général(30) dont l’État est le garant.
Les attributions exercées au nom de l’État figurent aux articles L. 2122-27 à L. 2122-34 du CGCT. Le maire est, par exemple, chargé de la publication et de l’exécution des lois et règlements, sous l’autorité du préfet de département, ou d’établir des actes d’état civil, sous l’autorité du procureur de la République. En second lieu, le Conseil d’État exclut les coopérations organisées entre personnes publiques « dans le cadre de relations distinctes de celles d’opérateurs intervenant sur un marché concurrentiel ». En effet, ces coopérations ne relèvent pas du champ de la commande publique. Ainsi en est-il des collaborations conventionnelles telles que les ententes intercommunales prévues par l’article L. 5221-1 du CGCT, comme l’a admis le Conseil d’État le 3 février 2012(31). À la faveur de cet arrêt, le juge précise que la mutualisation est légale à la condition que l’entente ne permette pas une intervention à des fins lucratives de l’une des personnes publiques agissant tel un opérateur sur un marché concurrentiel. Il considère que la convention d’entente intercommunale par laquelle la commune avait confié à la communauté d’agglomération la réalisation du service public de la distribution d’eau potable, conclue à des fins des coopération entre personnes publiques dans le cadre de relations qui ne sont pas celles du marché, n’était pas soumise aux règles de la commande publique, et rejette en conséquence les conclusions en référé contractuel. C’est également le cas des ententes interdépartementales, régies égies par l’article L. 5411-1 du CGCT, ou des conventions conclues en application de l’article L. 5211-1 dudit code.
Conclusion L’enjeu de la question de l’étendue et des modalités de l’intervention locale, a conduit le Conseil d’État à solliciter l’avis de deux organismes « experts ».. En application de la procédure de l’article R. 625-3 du CJA(32), l’AMF, représentant les intérêts des collectivités, et l’Institut de la gestion déléguée, plutôt favorable à l’externalisation au profit des sociétés privées, ont rendu leurs contributions écrites. La solution retenue par l’Assemblée du contentieux peut s’analyser comme un recul par rapport à l’avis SJLBC. Elle n’a sans doute pas été insensible à l’influence de l’Autorité de la concurrence ou à celle du juge ge communautaire, qui viennent encore de se prononcer récemment sur la question(33). Par ailleurs, la situation financière délicate des collectivités (diminution des dotations de l’État, emprunts toxiques et leurs dernières vicissitudes liées à la revalorisation du franc suisse…) l’a probablement, in fine, incitée à adopter cette solution de compromis.
D. Truchet, Dalloz, 2015. (26) TA Dijon 20 février 2003, SJLBC, DA 2003, n° 102. (27) CAA Douai 9 juin 2005, Sté CGE, req. n° 03DA00269. (28) C. com. art. L. 462-3. (29) Avis sollicité pour la première fois en 1999 (CE Sect. 26 mars 1999, Sté EDA, n° 202256, Rec. CE, p. 96). (% K# B# 9Z\jZg\jZ! » >ci g i \ c gVa Zi ^ci g i ejWa^X / iZciVtive de distinction », in L’intérêt général, Mélanges en l’honneur de
74
Retrouvez la vie des contrats sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
(31) CE 3 février 2012, Commune de Veyrier-du-Lac et CA d’Annecy, req. n° 353737, Rec. CE 2012, p. 18. (32) Procédure exceptionnelle instituée par le décret n° 2010-1064 du 22 février 2010, art. 46. (33) Autorité de la concurrence, avis n° 14-A-10, n° 14-A-11 et n° 14-A-12 du 31 juillet 2014, DA 2014, comm. 72, A. Sée ; CJUE 18 décembre 2014, aff. C-568/13, Contrats marchés publ. 2015, comm. 37, G. Eckert.
Contrats Publics – n° 152 - mars 2015
NOUVELLE FORMULE CÂ&#x2022; &(+ Â&#x2122; OCTOBRE 2013
Contrats Publics
POUR COMPRENDRE, APPLIQUER LA RĂ&#x2030;GLEMENTATION ET ANTICIPER LES Ă&#x2030;VOLUTIONS DE VOTRE MĂ&#x2030;TIER !
Dossier
ActualitĂŠs
Les 20Â ans des dĂŠcrets relatifs Ă la maĂŽtrise dâ&#x20AC;&#x2122;Ĺ&#x201C;uvre
Chaque mois, retrouvez :
(1re partie)
X Champ dâ&#x20AC;&#x2122;application des dĂŠcrets du 29 novembre 1993 Missions de base et missions complĂŠmentaires Ă&#x2030;volutions des concours de maĂŽtrise dâ&#x20AC;&#x2122;Ĺ&#x201C;uvre
La Veille
X Obligations et rĂŠmunĂŠration du maĂŽtre dâ&#x20AC;&#x2122;Ĺ&#x201C;uvre Devoir de conseil et responsabilitĂŠ RĂŠmunĂŠration des prestations supplĂŠmentaires
X Vers une disparition du clivage public/privĂŠÂ ?
Les textes ofďŹ ciels europĂŠens et nationaux et la jurisprudence analysĂŠs et commentĂŠs pour une vision exhaustive de lâ&#x20AC;&#x2122;actualitĂŠ juridique.
Perte de spĂŠcificitĂŠ de la maĂŽtrise dâ&#x20AC;&#x2122;Ĺ&#x201C;uvre publique Les marchĂŠs de maĂŽtrise dâ&#x20AC;&#x2122;Ĺ&#x201C;uvre des ESH
Viedes contrats
PASSATION
Lâ&#x20AC;&#x2122;âge des bus et critère de choix des offres dans un marchĂŠ de transport scolaire CONTENTIEUX
Un nouveau critère du contrat administratif : le contrat accessoire dâ&#x20AC;&#x2122;un contrat de droit public CoopĂŠration entre personnes publiques et prestations de services : une frontière tĂŠnue
Le Dossier
N° 136 â&#x20AC;&#x201C; Mensuel â&#x20AC;&#x201C; 29
Un dossier thĂŠmatique mensuel : ĂŠtude par type de contrat, analyse par secteur dâ&#x20AC;&#x2122;activitĂŠ, enjeux juridiques, opĂŠrationnels, ĂŠconomiques et ďŹ scaux...
AďŹ n que vous soyez encore plus rapidement informĂŠ de lâ&#x20AC;&#x2122;actualitĂŠ rĂŠglementaire et jurisprudentielle, Contrats Publics est dĂŠsormais ĂŠtroitement associĂŠe Ă la base MONITEUR JURIS.
La Vie des contrats
La revue bĂŠnĂŠďŹ cie ainsi dâ&#x20AC;&#x2122;un nouveau service Internet indissociable qui vous permet de consulter : â&#x20AC;˘ quotidiennement lâ&#x20AC;&#x2122;actualitĂŠ rĂŠglementaire et jurisprudentielle â&#x20AC;˘ les textes ofďŹ ciels et la jurisprudence analysĂŠs â&#x20AC;˘ une newsletter bimensuelle â&#x20AC;˘ toutes les archives depuis le premier numĂŠro (12 ans dâ&#x20AC;&#x2122;archives) â&#x20AC;˘ un moteur de recherche performant.
Lâ&#x20AC;&#x2122;expertise dâ&#x20AC;&#x2122;une ĂŠtape dâ&#x20AC;&#x2122;un contrat Ă travers le commentaire dĂŠtaillĂŠ des textes ofďŹ ciels et de la jurisprudence.
Et en ligne... Des services dĂŠdiĂŠs sur moniteurjuris-contratspublics.fr : actualitĂŠs lĂŠgislatives, rĂŠglementaires et jurisprudentielles, textes ofďŹ ciels et jurisprudence en texte intĂŠgral, moteur de recherche performant, service de veille sur mesure, newsletter bimensuelle... Â
LE COMITĂ&#x2030; DE RĂ&#x2030;DACTION Claudie Boiteau, professeur de droit public Ă lâ&#x20AC;&#x2122;universitĂŠ Paris-Dauphine et coordinatrice ĂŠditoriale de la revue â&#x20AC;&#x201C; Mireille Berbari â&#x20AC;&#x201C; Nicolas Charrel â&#x20AC;&#x201C; Guy DuguĂŠpĂŠroux â&#x20AC;&#x201C; Michel Guibal â&#x20AC;&#x201C; Jean-Pierre Jouguelet â&#x20AC;&#x201C; MichaĂŤl Karpenschif â&#x20AC;&#x201C; Gilles Le Chatelier â&#x20AC;&#x201C; Pierre Pintat â&#x20AC;&#x201C; Catherine Ribot â&#x20AC;&#x201C; Laurent Richer et Patrick Sitbon
BULLETIN D'ABONNEMENT Ă&#x20AC; renvoyer aux Ă&#x2030;ditions du Moniteur â&#x20AC;&#x201C; case 61 â&#x20AC;&#x201C; 17, rue dâ&#x20AC;&#x2122;Uzès â&#x20AC;&#x201C; 75108 Paris cedex 02 â&#x20AC;&#x201C; TĂŠl : 01 40 13 30 05 â&#x20AC;&#x201C; Fax : 01 40 13 51 77 â&#x20AC;&#x201C; www.editionsdumoniteur.com
R Offre Multisupport 1 an au prix de 249 u (Revue papier 11 n° + l'intÊgralitÊ de la revue sur MONITEUR JURIS Contrats Publics + Archives depuis le n°1 + Tous les textes officiels, toute la jurisprudence et la newsletter bimensuelle)
VOS COORDONNĂ&#x2030;ES R Mlle R Mme R M. Fonction
R Offre Multisupport 2 ans au prix de 429 u (Revue papier 22 n° + l'intÊgralitÊ de la revue sur MONITEUR JURIS Contrats Publics + Archives depuis le n°1 + Tous les textes officiels, toute la jurisprudence et la newsletter bimensuelle)
Service
...............................................................................................................................................................................
................................................................................................................................................................................................................
...................................................................................................................................................................................................................
Entreprise ou Organisme ...................................................................................................................................................................... Adresse ..................................................................................................................................................................................................................
R Offre 100 % Internet 1 an au prix de 229 u (L'intÊgralitÊ de la revue sur MONITEUR JURIS Contrats Publics + Archives depuis le n°1 + Tous les textes officiels, toute la jurisprudence et la newsletter bimensuelle)
.........................................................................................................................................................................................................................................
Code postal
Total gĂŠnĂŠral ................................................................................................................................................................................. 6
TĂŠlĂŠphone
Ville
.............................................................................................................................
.........................................................................................
Fax
....................................................................................................
Q Règlement par :
E-mail ......................................................................................................................................................................................................................
R chèque ci-joint Ă lâ&#x20AC;&#x2122;ordre des Ă&#x2030;ditions du Moniteur R mandat Ă rĂŠception de facture (rĂŠservĂŠ aux administrations) R carte bancaire (signature obligatoire)
Code NAF Effectif
n° cryptogramme :
Taille de la commune P303H
expire Ă fin : (notez les 3 derniers chiffres figurant au dos de votre carte)
Siret
cachet et signature obligatoires
Prix TTC, selon les taux en vigueur Ă la date de passage de votre commande. Une facture â&#x20AC;&#x153;acquittĂŠeâ&#x20AC;? vous sera systĂŠmatiquement adressĂŠe avec votre ouvrage. ConformĂŠment Ă la loi du 6.01.78, ces informations peuvent donner lieu Ă lâ&#x20AC;&#x2122;exercice dâ&#x20AC;&#x2122;un droit dâ&#x20AC;&#x2122;accès et de rectification auprès de notre service commercial. Les abonnements annuels sont renouvelĂŠs par tacite reconduction. Informations non contractuelles. Les conditions gĂŠnĂŠrales de vente sont disponibles auprès de notre service clients sur simple demande au 01 40 13 30 05.
editionsdumoniteur.com
°
C om en m lig and ne ez CONTRATS PUBLICS
ZZZ OHPRQLWHXUERXWLTXH FRP NOUVEAUTÉS JURIDIQUE
URBANISME & AMÉNAGEMENT
RÉGLEMENTATION
…
10 ANS DE PPP DANS LA COMMANDE PUBLIQUE Le contrat de partenariat institué par l’ordonnance du 17 juin 2004 a permis de mettre en œuvre plusieurs centaines d’ouvrages et équipements publics, faisant de la France un leader européen dans ce domaine. Tous les grands secteurs de l’action publique ont été couverts. Cet ouvrage a pour ambition de montrer concrètement les premiers retours d’expérience sur ces projets, au-delà des controverses et débats parfois teintés d’idéologie qui ont accompagné la naissance du Partenariat Public-Privé. Agrémenté de nombreuses illustrations et des témoignages des participants à ces opérations, il explique en quoi cet outil apporte des réponses aux maux bien connus de la commande publique traditionnelle. Les plus de l’ouvrage Toutes les réponses aux problèmes de dérapage des coûts et des délais de construction, d’absence de visibilité sur le coût global d’un ouvrage sur la durée, de maintenance et d’entretien défaillant. Auteurs : François Bergère et Xavier Bezançon Avec la collaboration de Pierre-Alix Binet
Pour qui ? Maîtres d’ouvrage, partenaires privés, architectes, maîtres d’ œuvre, juristes et financiers.
J
U
R
I
D
I
Q
U
E
S
C O N T R AT S P U B L I C S L O C A U X
G U I D E S
G U I D E S
Réf. 113018 • 21 x 27 cm Novembre 2014 • 166 pages
J
U
R
I D
I Q
U
E
S
Sous la direction de Stéphane Braconnier
Nil SYMCHOWICZ Philippe PROOT
François Bergère, Xavier Bezançon, Laurent Deruy, Guillaume Goulard et Marc Fornacciari
Troisième édition
Également disponibles…
Le guide opérationnel des PPP CONDITIONS DU RECOURS AU PARTENARIAT PASSATION DU CONTRAT RISQUES ET MATRICE DES RISQUES QUESTIONS FISCALES ET COMPTABLES
PUBLIC-PRIVÉ
Réf. 112718
Xavier Bezançon, Christian Cucchiarini et Philippe Cossalter
Partenariats publicprivé et montages contractuels complexes Analyse et aide à la décision 3e édition
Réf. 112879
Troisième édition
Le guide de la commande publique MARCHÉS PUBLICS CONTRATS DE PERFORMANCE ÉNERGÉTIQUE CONTRATS DE PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ BAUX EMPHYTÉOTIQUES ADMINISTRATIFS DÉLÉGATIONS DE SERVICE PUBLIC
Réf. 112836
Commandez ces ouvrages sur www.lemoniteurboutique.com