Chronique
TRANSPORTS Jacques Dabreteau Avocat responsable du droit public, Ashurst LLP Avec le concours de Sidney Zaroukian Juriste en droit public des affaires
CSP 2015-19-4
La décision Mme Rispal c/ Société des Autoroutes du Sud de la France, changement pour l’avenir de la qualification des contrats conclus par les concessionnaires d’autoroutes TC 9 mars 2015, Mme Rispal c/ Société des Autoroutes du Sud de la France, req. n° C3984 Avec la décision Mme Rispal c/ Société des Autoroutes du Sud de la France(1), le Tribunal des conflits a vraisemblablement signé la sortie d’une célèbre décision des Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative, dont la renommée tenait moins à la rigueur du raisonnement la sous-tendant qu’à l’opportunisme créatif de la juridiction chargée de trancher les conflits d’attribution. En effet, avec le revirement du 9 mars 2015, la fiction née de la jurisprudence Société Entreprise Peyrot(2) a vécu. Nombreuses sont les générations d’étudiants en droit qui, depuis 1963, ont analysé ou tenté de comprendre les ressorts de cette décision par laquelle, de façon tout-à-fait dérogatoire et pour tout dire déconcertante, le juge avait qualifié de contrats administratifs des conventions conclues par… des personnes privées, reléguant au passage le critère organique à un rang subalterne. Il s’agissait, il est vrai, d’un domaine bien particulier, celui des concessions autoroutières, et plus précisément des marchés de travaux passés par les concessionnaires. Dans la décision Société Entreprise Peyrot, le Tribunal des conflits avait ainsi jugé que les marchés de travaux passés par le
1 TC 9 mars 2015, Mme Rispal c/ Société des Autoroutes du Sud de la France, req. n° C3984. 2 TC 8 juillet 1963, Société Entreprise Peyrot, Société de l’autoroute Estérel Côte-d’Azur, req. n° 01804.
maître de l’ouvrage pour la construction d’autoroutes étaient soumis, par principe pourraiton dire, aux règles du droit public, y compris lorsque ce maître d’ouvrage se trouve être un concessionnaire, et même s’il revêt la qualité de personne privée. La justification ou, pour être plus précis, le motif avancé par le Tribunal des conflits pour parvenir à cette conclusion résidait dans l’objet même de la construction d’autoroutes, à la fois opération de travaux publics et surtout opération appartenant par nature à l’État. À l’instar de la décision Société Entreprise Peyrot, c’est à nouveau dans le cadre d’une action en responsabilité intentée par le cocontractant d’une société concessionnaire d’autoroute que le Tribunal des conflits a été conduit à revenir sur une jurisprudence qui apparaissait de plus en plus menacée dans ses fondements, eu égard aux décisions récentes du juge répartiteur des compétences. En l’espèce, Mme Rispal, artiste sculptrice, avait conclu le 23 avril 1990 un contrat avec la société des Autoroutes du Sud de la France (ASF) aux termes duquel elle s’était vu confier la réalisation de trois esquisses et d’une maquette en vue de l’érection d’une œuvre d’art sur une aire de service de la future autoroute A89. Rappelons que l’arrêté du 18 juin 1980 avait imposé aux concessionnaires de réserver 1/1000e du montant de la participation budgétaire du ministère des Transports à la réalisation d’une œuvre conçue par un artiste.
MOTS CLÉS Concession autoroutière Marché de travaux Modulation des effets dans le temps Jurisprudence Société Entreprise Peyrot
JUILLET 2015
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