Contrats Publics - Extrait

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Dossier

Actualités

Le BIM au regard du droit de la commande publique

► Réflexions préalables

Pourquoi et comment recourir au BIM ?

Appréciation de l’opportunité de recourir au BIM

Le recours au BIM doit-il devenir obligatoire ?

► Rédaction des documents

Élaboration des documents du processus BIM

Intégrer le BIM dans les documents de la consultation

► BIM et exécution des marchés

Le BIM à l’épreuve de la propriété intellectuelle

Apports du BIM dans la démarche environnementale

Quelles sont les responsabilités des intervenants en BIM ?

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Viedes contrats

CONTENTIEUX

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N° 235 • Octobre 2022 N° 235 – Mensuel – 42  €

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Le(s) droit(s) du BIM et le droit de la commande publique

Signe de son importance croissante dans le sec teur public, la revue Contrats Publics consacre ce numéro aux relations entre le Building Information Modeling – le BIM – et la commande publique.

Certains secteurs comme l’eau et l’assainissement, l’électricité ou la mobilité avaient pu faire l’objet d’un numéro dédié, c’est ici la preuve de l’importance du sec teur de la construction et de sa transformation numé rique, dans un contexte de recherche d’économie d’éner gie et de sobriété.

BIM et sobriété du bâtiment

Le secteur du bâtiment est confronté à un double constat que l’on peut résumer, de façon volontairement triviale, ainsi : il pollue trop et il coûte trop cher, ou du moins des économies – en particulier énergétiques – sont réali sables.

L’urgence écologique, exacerbée par la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine, confirme ce constat et amène à revoir les modes de construction, à anticiper dès la conception de l’ouvrage son exploitation (le coût de cette dernière est généralement estimé à près de 75 % du coût global de l’ouvrage), mais également sa réhabilitation (ou destruction) : en définitive à appréhender l’ouvrage tout au long de son cycle de vie.

À cela s’ajoute la mise en application d’un certain nombre de réglementations prescrivant des obligations en ma tière d’économie d’énergie des bâtiments privés comme publics, comme le décret tertiaire ou la RE 2020.

Au regard de ces enjeux, le recours au processus BIM trouve tout son sens.

En effet, l’ouvrage est envisagé à toutes les étapes de son cycle de vie, les besoins en matière d’exploitation et de la gestion sont anticipés dès la conception de l’ouvrage, le travail collaboratif favorise la conception, cette der nière phase et la réalisation sont optimisées grâce à la maquette numérique, sa gestion est optimisée grâce aux données et informations collectées à toutes ces étapes.

Autant d’éléments qui vont permettre au maître d’ouvrage de disposer des outils et informations pour « mieux » construire son ouvrage, puis surtout « mieux » l’exploiter, afin de répondre à cette nécessité – pour ne pas dire obli gation – de sobriété de ses ouvrages.

Le(s) droit(s) du BIM

C’est aussi parce que le BIM pose un certain nombre de questions au regard du cadre posé par les règles de la commande publique que ce numéro lui est consacré.

Comme rappelé par plusieurs auteurs dans ce dossier, le BIM, processus fondé sur la collaboration étroite des inter venants à l’acte de construire, va à rebours du cadre juridique posé en particulier par le Code de la commande publique et auparavant par la loi MOP, qu’est celui d’une segmentation des interventions et missions des intervenants : maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre, entreprises de travaux, exploi tant ou gestionnaire de l’ouvrage, pour ne citer qu’eux.

De fait, sans pour autant constituer un véritable boule versement des missions de chacun, le BIM fait naître de nouvelles obligations pour les intervenants, que ce soit entre eux ou que ce soit vis-à-vis de la maîtrise d’ouvrage.

À ce titre, les parties, et principalement cette dernière, devront apporter un soin particulier à l’établissement des documents contractuels, à la répartition des droits, obliga tions et responsabilités de chacun au cours de l’opération. Outre cette nécessaire collaboration entre intervenants, le BIM fait émerger des sujets (on se gardera de parler de problématiques) nouveaux pour ceux-ci, surtout pour le maître d’ouvrage, liés au recours et à l’utilisation d’outils numériques (outils de collecte et de traitement des don nées de l’opération, maquettes numériques, outils de ges tion de chantier, de GMAO) nécessitant d’articuler le droit de la commande publique avec, entre autres, le droit des données, le droit de la propriété intellectuelle, le droit des assurances, de s’interroger sur la possibilité d’imposer aux candidats ces outils dans un appel d’offres, ou encore sur l’interopérabilité de ceux-ci avec ceux du maître d’ouvrage.

En abordant ces différents sujets par rapport au droit de la commande publique, ce dossier constitue donc un apport important dans la réflexion juridique liée au BIM. Enfin, ce dossier, comme plusieurs études, ouvrages et articles parus ces dernières années sur le sujet, participe à l’objectif nécessaire de « désacraliser » le BIM, pour en généraliser le recours dans les opérations de construction publique, voire peut-être à terme le rendre obligatoire.

Éditorial Retrouvez les textes cités sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
Contrats Publics – 235 - Octobre 2022 3

ÉDITORIAL 3

Le(s) droit(s) du BIM et le droit de la commande publique

VEILLE 7

JURISPRUDENCE EUROPÉENNE 7

Offres anormalement basses – Vérification par les pouvoirs adjudicateurs – Contrôle juridictionnel

CJUE 15 septembre 2022, aff. C‑669/20

Motifs d’exclusion facultatifs – Indices suffisamment plausibles – Égalité de traitement

CJUE 15 septembre 2022, aff. C‑416/21

JURISPRUDENCE NATIONALE 8

Maître d’œuvre – Responsabilité contractuelle – Prestations indissociables de la réalisation de l’ouvrage

CAA Douai 22 août 2022, req. n° 20DA01683

Procédure concurrentielle avec négociation –Attributions du juge du référé précontractuel

TA Bordeaux 26 août 2022, req. n° 2204175

Conditions d’exécution du marché – Exigences particulières – Objet du marché – Objectif d’intérêt général

TA de la Guyane 29 juillet 2022, req. n° 2200937

Offre anormalement basse – Hausse du prix des matières premières

TA Orléans, 2 août 2022, req. n° 2202386

Rejet d’une offre – Communication des motifs – Contrôle des garanties professionnelles, techniques et financières des candidats

TA Versailles, 26 août 2022, 2206118

Marché public – Offre inacceptable

TA Paris 19 août 2022, req. n° 2215997

Marché de travaux – Dérogation à l’obligation d’allotir

TA Rennes 25 août 2022, req. n° 2203868

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AP - Editions du Moniteur - Eboutique V2 - 100x174.indd 1 01/03/2021 11:57 Contrats Publics – 235 - Octobre 2022 4 Retrouvez les textes cités sur moniteurjuris.fr/contratspublics/

DOSSIER

Le BIM au regard du droit de la commande publique

Maîtres d’ouvrage publics : pourquoi et comment recourir au BIM ? 14 Florian Laurençon

Appréciation de l’opportunité de recourir au processus BIM 18 Laurent Bidault

Rédaction des documents du processus BIM : conseils et recommandations 22 Laurent Bidault

BIM obligatoire en marchés publics : avantages, inconvénients et perspectives 28 David Richard

Intégrer le BIM dans les documents de la consultation : conseils, recommandations 36 Daniel Aranovich

Identifier et anticiper les difficultés juridiques inhérentes à l’utilisation du BIM : le contrat rien que le contrat 42 Stéphanie de Laroullière

Recours au BIM dans le cadre de l’exécution des marchés publics 47 Jérémie Couette et Solène Bernard

Quelles sont les responsabilités des intervenants en BIM ? 51 Grégoire Boissinot et Christophe Cabanes

Le BIM à l’épreuve de la propriété intellectuelle 55 Marie Soulez

Les apports du BIM dans la démarche environnementale 60 Gabrielle Millan

BIM : lever les dernières incertitudes juridiques 64 Xavier Matharan

VIE DES CONTRATS 69

⬛ CONTENTIEUX

Absence de production du décompte final et mémoire en réclamation : le Conseil d’État protège les droits à réclamation du titulaire 70 Pierre Cailloce

Au sommaire du prochain numéro Allotissement : état des lieux
Contrats Publics – 235 - Octobre 2022 5Retrouvez les textes cités sur moniteurjuris.fr/contratspublics/ Sommaire
13

Antony Parc 2

10, place du Général de Gaulle

BP 20156, 92186 Antony Cedex

Tél.: 01 79 06 73 42

RÉDACTION

Responsable éditorial : Richard Deau Courriel : richard.deau@infopro-digital.com

Conception graphique : Catherine Lattuca

Maquette : STDI

Illustrations : Alain Bouteveille

Ont collaboré à ce numéro* : Daniel Aranovich, Solène Bernard, Laurent Bidault,  Grégoire Boissinot, Pierre Cailloce, Christophe  Cabanes, Jérémie Couette, Stéphanie de Laroullière,

Florian Laurençon, Xavier Matharan, Gabrielle Millan,  David Richard, Marie Soulez

* Les opinions ou interprétations exprimées par les auteurs de cette revue n’engagent qu’eux-mêmes et non les organismes auxquels ils appartiennent.

DIRECTION

Éditeur : Claire de Gramont

Directeur éditorial : Thierry Kremer

Directeur commercial : Christophe Vitiello

Service commercial : Maël Gombert (35 68)

Gestion des abonnements : Nadia Clément (50 55)

Abonnements : Antony Parc 2

10, place du Général de Gaulle, BP 20156, 92186 Antony Cedex

Tél.: 01 79 06 70 70

Internet : www.editionsdumoniteur.com

1 numéro : 45 € (TTC) ; 11 nos (1 an) : 390 € (TTC) ; 22 nos (2 ans) : 619 € (TTC)

Fabrication : Isabelle Fontaine

Gestion : Awa Faye

Comité de rédaction

Claudie Boiteau

est professeur de droit public à l’université Paris-Dauphine et coordinatrice de la revue. Elle est l’auteur de l’ouvrage Les conventions de délégation de service public*.

Mireille Berbari

est avocate à la Cour. Elle est l’auteur de nombreux ouvrages notamment Les CCAG des marchés publics annotés et commentés*.

Nicolas Charrel est avocat à la Cour. Il est l’auteur des commentaires du Code des marchés publics*.

Guy Duguépéroux

est président de section à la Chambre régionale des comptes du Centre, professeur associé à la faculté de droit de Poitiers.

Jean-Pierre Jouguelet est conseiller d’État.

Michaël Karpenschif est professeur à l’université Lyon III (Jean-Moulin).

Gilles Le Chatelier est avocat associé.

Pierre Pintat est avocat associé.

Catherine Ribot est professeure de droit public à l’université Montpellier I.

Laurent Richer

est professeur de droit à l’université Paris I (Panthéon-Sorbonne) et avocat au barreau de Paris. Il est directeur scientifique de Délégation de service public*.

Patrick Sitbon

est conseiller référendaire à la Cour des comptes, secrétaire général de la Cour de discipline budgétaire et financière.

* Édité(s) par Les Éditions du Moniteur

La mention abrégée de la revue est Contrats publics-Le Moniteur.

La revue peut être citée comme suit : Auteur(s), « Titre de l’article »,  Contrats publics-Le Moniteur, n°, mois et année, page(s).

Nous alertons nos lecteurs sur la menace que représente, pour l’avenir de l’écrit, le développement massif du « photocopillage ». Le Code de la propriété intellectuelle interdit expressément la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or, cette pratique s’est développée dans de nombreux cabinets, entreprises, administrations, organisations professionnelles et établissements d’enseignement, provoquant une baisse des achats de livres, de revues et de magazines. En tant qu’éditeur, nous vous mettons en garde pour que cessent de telles pratiques.

Origine du papier : Allemagne

Ce papier provient de forêts durablement gérées et ne contient pas de fibres recyclées. Certification PEFC. Impact sur l’eau (P tot) : 0,02 kg/tonne

Aux termes du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction ou représentation, intégrale ou partielle, de la présente publication, faite par quelque procédé que ce soit (reprographie, micro‑filmage, scannérisation, numérisation…) sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite et consti‑ tue une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335‑2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. Toutefois, l’autorisation d’effectuer des reproductions par reprographie peut être obtenue auprès du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC), 20, rue des Grands‑Augustins, 75006 Paris, tél. : 01 44 07 47 70, fax : 01 46 34 67 19.

Actualités
Contrats Publics – Actualité MoniteurJuris est éditée par Groupe Moniteur Président, Directeur de la publication : Julien Elmaleh Société éditrice : GROUPE MONITEUR SAS au capital de 333 900 euros. Siège social : Antony Parc 2 10, place du Général de Gaulle  La Croix de Berny BP 20156, 92186 Antony Cedex  RCS NANTERRE 403 080 823 N° SIRET : 403.080.823.00228 N° TVA intracommunautaire FR 32 403 080 823 Principal associé : Infos Services Holding. Imprimerie, brochage, routage Imprimerie Maqprint 43 rue Ettore Bugatti 87280 Limoges Commission paritaire : 0623T80648 ISSN 1760-2483 Mensuel. Dépôt légal à parution. IMPRIMÉ EN FRANCE
Contrats Publics – 235 - Octobre 2022 6 Retrouvez les textes cités sur moniteurjuris.fr/contratspublics/

Veille

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Jurisprudence européenne

Cour de justice de l’union européenne

Offres anormalement basses – Vérification par les pouvoirs adjudicateurs – Contrôle juridictionnel

⬛ CJUE 15 septembre 2022, aff. C-669/20

► Le vice-ministre de l’Intérieur bulgare a lancé une procédure « restreinte » de passation de marché portant sur la conception, la réalisation et la gestion d’un système de délivrance de docu ments personnels bulgares de génération 2019. À cet égard, une commission auxiliaire a été nommée pour présélectionner les candidats ainsi que pour examiner, évaluer et classer les offres. À la suite de la présélection effectuée, Veridos ainsi que le consor tium « Mühlbauer ID Services GmbH – S&T » ont été invités à soumissionner. Par une décision du 29 avril 2020 du vice-ministre de l’Intérieur, le marché a été attribué à ce consortium. Veridos a introduit un recours contre cette décision devant les juridictions nationales.

Dans le cadre de ce litige, la Cour administrative suprême a décidé de surseoir à statuer et de poser des préjudi cielles à la CJUE concernant l’interprétation des dispo sitions des directives 2014/24/UE et 2009/81 relatives aux offres anormalement basses.

La Cour souligne que le droit de l’Union ne définit pas la notion d’« offre anormalement basse ». Toutefois, les contours de cette notion ont déjà été définis par la Cour dans le cadre de l’interprétation de directives relatives aux marchés publics. Ainsi, la Cour a jugé, à plusieurs reprises, qu’il appartient aux États membres et, notam ment, aux pouvoirs adjudicateurs de déterminer le mode de calcul d’un seuil d’anomalie constitutif d’une offre anor malement « basse » (voir, notamment, CJCE 27 novembre 2001, Lombardini et Mantovani, aff. C‑285/99 et C‑286/99 ; CJUE 18 décembre 2014, Data Medical Service, aff. C‑568/13) ou d’en fixer la valeur, à la condition d’employer une méthode objective et non discriminatoire. Elle a également jugé qu’il incombe au pouvoir adjudicateur « d’identifier les offres suspectes » (voir, en ce sens, CJCE 27 novembre 2001, Lombardini et Mantovani, aff. C‑285/99 et C‑286/99). En outre, la Cour a précisé que le

caractère anormalement bas d’une offre doit être appré cié par rapport à la prestation concernée. Ainsi, dans le cadre de l’examen du caractère anormalement bas d’une offre, le pouvoir adjudicateur peut, en vue d’assurer une saine concurrence, prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents au regard de cette prestation (voir, notamment, CJUE 29 mars 2012, SAG ELV Slovensko e.a., aff. C‑599/10 ; CJUE 18 décembre 2014, Data Medical Service, aff. C‑568/13).

Selon la Cour, les articles 38 et 49 de la directive 2009/81/ CE du 13 juillet 2009 doivent être interprétés en ce sens que « les pouvoirs adjudicateurs, en cas de soupçons qu’une offre présente un caractère anormalement bas, sont tenus de vérifier si tel est effectivement le cas en tenant compte de tous les éléments pertinents de l’appel d’offres et du cahier des charges, sans que l’impossibilité d’appliquer les critères prévus à cette fin par une législa tion nationale et le nombre d’offres soumises aient une incidence à cet égard ».

L’article 55, paragraphe 2, de la directive 2009/81, lu en combinaison avec l’article 47 de la charte des droits fon damentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens que « lorsqu’un pouvoir adjudicateur n’a pas engagé une procédure de vérification concernant l’éven tuel caractère anormalement bas d’une offre, au motif qu’il a considéré qu’aucune des offres qui lui ont été sou mises ne présentait un tel caractère, son appréciation peut faire l’objet d’un contrôle juridictionnel dans le cadre d’un recours contre la décision d’attribution du marché en cause ».

Motifs d’exclusion facultatifs – Indices suffisamment plausibles – Égalité de traitement ⬛ CJUE 15 septembre 2022, aff. C-416/21

► Le 19 décembre 2019, le district allemand a publié un avis de marché en vue de l’attribution, par voie de procédure ouverte, d’un marché public concernant des services de transports publics par autobus, dont la valeur estimée excède le seuil prévu à l’article 4, sous c), de la directive 2014/24. J est un commerçant agissant en nom propre et K. Reisen est une société à responsabilité limitée de transport par autobus dont J est le gérant et unique associé. Le 27 février 2020, tant J que K. Reisen ont soumis des offres

Contrats Publics – 235 - Octobre 2022 7Retrouvez la veille sur

concernant l’avis de marché par l’intermédiaire de la même personne, à savoir J. Le patrimoine de J a fait l’objet d’une pro cédure d’insolvabilité le 1er novembre 2019 et, par décision du 1er décembre 2019, l’administrateur judiciaire a sorti du champ de cette procédure l’activité indépendante de J. Dans son offre, J a déclaré qu’aucune procédure d’insolvabilité n’avait été demandée ni ouverte contre son entreprise. Le 2 avril 2020, J et K. Reisen ont été informés, d’une part, que leurs offres avaient été exclues pour violation des règles de la concurrence, dans la mesure où elles avaient été établies par la même personne, et, d’autre part, que le marché en cause serait attribué à E. Gmbh & Co. KG. J et K. Reisen ont introduit un recours devant les juridictions nationales et le tri bunal régional supérieur de Bavière a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour des questions préjudicielles.

Selon la Cour, l’article 57, paragraphe 4, premier alinéa, sous d), de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014, lu conjointement avec l’article 80, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2014/25/UE du 26 février 2014 doit être interprété en ce sens que « le motif d’exclusion facul tatif prévu à cet article 57, paragraphe 4, premier alinéa, sous d), vise les cas où il existe des indices suffisam ment plausibles pour conclure que des opérateurs éco nomiques ont conclu un accord proscrit par l’article 101 TFUE, mais n’est pas limité aux seuls accords prévus à ce dernier article ».

En outre, l’article 57, paragraphe 4, de la directive 2014/24/ UE lu conjointement avec l’article 80, paragraphe 1, troi sième alinéa, de la directive 2014/25 doit être interprété en ce sens que « cet article 57, paragraphe 4, régit de manière exhaustive les motifs d’exclusion facultatifs susceptibles de justifier l’exclusion d’un opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché pour des raisons fondées sur des éléments objectifs relatifs à sa qualité professionnelle ainsi qu’à un conflit d’intérêts ou à une distorsion de la concurrence qui naîtrait de sa participation à cette procédure. Toutefois, ledit article 57, paragraphe 4, n’empêche pas que le principe d’égalité de traitement, prévu à l’article 36, paragraphe 1, de la direc tive 2014/25, telle que modifiée par le règlement délégué 2017/2364, puisse faire obstacle à l’attribution du marché en cause à des opérateurs économiques qui forment une unité économique et dont les offres, bien que soumises séparément, ne sont ni autonomes ni indépendantes ».

Jurisprudence nationale

Cours administratives d’appel

Maître d’œuvre – Responsabilité contractuelle –Prestations indissociables de la réalisation de l’ouvrage

CAA Douai 22 août 2022, req. n° 20DA01683

► Dans le cadre du projet d’extension et de la réhabilitation d’un gymnase, la région Normandie a conclu le 17 mars 2009 un contrat de maîtrise d’œuvre avec M. B… A…, architecte et mandataire

du groupement solidaire de maîtrise d’œuvre, et la société ID+ Ingénierie, bureau d’études, économiste et OPC. Par acte d’enga gement signé le 17 janvier 2011, le lot n° 2 a été confié à la SARL ECK et la SARL SHM s’est vu attribuer le lot n° 8 prévoyant notam ment une rénovation du parquet existant du gymnase. À la suite de l’apparition au cours du mois de décembre 2011 de désordres liés à la déformation du parquet du gymnase qui devait être conservé pendant l’opération, une expertise amiable a été organisée en 2012 par la société S. La région Normandie a, sans attendre la dési gnation d’un expert judiciaire, préfinancé des travaux de reprise de la totalité de la surface du parquet qui ont été réalisés par la société SHM, suivant avenant du 5 novembre 2012, pour un mon tant de 98 058,84 euros TTC. La société ID+ Ingénierie relève appel du jugement, par lequel le TA l’a condamnée solidairement avec M. A… à verser à la région la somme de 66 000 euros TTC au titre du remplacement intégral du parquet en bois du gymnase, avec intérêts et capitalisation et a mis à leur charge définitive les frais de l’expertise taxés et liquidés à hauteur de 11 361,82 euros TTC. Par la voie de l’appel incident, M. A… demande également l’annu lation de ce jugement.

La CAA de Douai rappelle qu’« Indépendamment de la décision du maître d’ouvrage de réceptionner les pres tations de maîtrise d’œuvre prévue par les stipulations […] du CCAG PI [1978] applicable au marché en litige, la réception de l’ouvrage met fin aux rapports contractuels entre le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre en ce qui concerne les prestations indissociables de la réalisation de l’ouvrage, au nombre desquelles figurent, notam ment, les missions de conception de cet ouvrage » (cf. CE 2 décembre 2019, req. n° 423544).

En l’espèce, il résulte de l’instruction que la demande formée devant le TA par la région Normandie, maître de l’ouvrage, tend à l’engagement de la responsabilité contractuelle de M. B… A… et de la société ID+ Ingénierie. Il résulte toutefois de l’instruction, et il n’est pas contesté en appel, que les travaux de réhabilitation et d’extension du gymnase ont fait l’objet d’une réception définitive. À cet égard, la région a produit les PV de réception des travaux du marché en litige, notamment des prestations relatives au lot n° 2 réalisées par la société ECK et du lot n° 8 confié à la société SHM, signés respectivement les 12 novembre 2013 et 28 juin 2013 par le maître d’ouvrage. Si les tra vaux relatifs au remplacement du parquet du gymnase n’étaient pas initialement prévus au marché d’extension et de réhabilitation du gymnase, il est constant qu’ils ont été engagés en raison de désordres apparus au cours de ce chantier et ont été réalisés après conclusion d’un ave nant le 5 novembre 2012 avec la société SHM chargée ini tialement de sa seule rénovation dans le cadre du même marché. Or, comme il a été dit précédemment, la réception de l’ouvrage emporte réception de l’ensemble des presta tions de maîtrise d’œuvre, y compris celles relatives à la conception de l’ouvrage, qui sont indissociables, de sorte que cette réception fait obstacle à ce que la responsabilité contractuelle des maîtres d’œuvre soit recherchée à rai son des fautes de conception et de surveillance du chan tier qu’ils ont éventuellement commises. Il suit de là que les conclusions de la région présentées sur ce fondement ne peuvent qu’être rejetées.

Contrats Publics – 235 - Octobre 2022 8 Retrouvez la veille sur moniteurjuris.fr/contratspublics/ Veille Jurisprudence nationale

Jurisprudence nationale

Tribunaux administratifs

Procédure concurrentielle avec négociation –Attributions du juge du référé précontractuel ⬛ TA Bordeaux 26 août 2022, req. n° 2204175

► Par un avis d’appel public à la concurrence publié le 22 février 2022, un OPH a lancé une procédure avec négociation, sur le fondement du 4° de l’article R. 2124 3 du CCP, pour la passation d’un marché public de travaux ayant pour objet la restructuration et l’extension d’un EHPAD. Ce marché était divisé en 17 lots. La société M. a candidaté pour le lot n° 12. Toutefois, elle a été infor mée, par une lettre du 18 juillet 2022, que son offre était rejetée au profit de celle de la société E. La société M. demande au juge des référés d’annuler la procédure de passation du lot n° 12.

Le TA de Bordeaux rappelle que « Si la directive 2014/24/ UE du 26 février 2014 a entendu introduire davantage de souplesse dans la possibilité, pour les pouvoirs adjudica teurs, de recourir à une procédure de passation de marché prévoyant des négociations et a, à cette fin, créé la pro cédure concurrentielle avec négociation, placée au même niveau que les procédures ouvertes et restreintes, et si, en conséquence, le Code de la commande publique a fait de cette procédure l’une des procédures formalisées aux quelles peuvent avoir recours les acheteurs publics, les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent néanmoins recourir à cette procédure que dans les cas limitativement énumérés à l’article R. 2124‑3 du Code de la commande publique » (cf. CE 7 octobre 2020, req. n° 440575).

En l’espèce, la société M. soutient qu’il ne serait pas établi que l’objet du marché revêt des circonstances particulières justifiant le recours à une procédure avec négociation, au sens du 4° de l’article R. 2124‑3 du CCP. Toutefois, il n’est pas sérieusement contesté que le marché en litige a pour objet la restructuration et l’extension d’un établissement recevant du public, un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes de 74 lits, pour un coût estimé de 10 680 000 euros, avec démolition partielle des bâtiments, reconstruction de trois corps de bâtiments et création d’une coursive fermée reliant les différents bâtiments, selon un procédé de construction particulier tenant en un chantier dit en « filière sèche », c’est à dire sans utilisation d’eau. S’il est vrai que l’impact de ce procédé de construction sur le lot n° 12 auquel la requérante s’est portée candidate est faible, il s’agissait cependant d’une circonstance particulière qui justifiait, pour l’ensemble de l’opération, le recours à la pro cédure concurrentielle avec négociation, sur le fondement du 4° de l’article R. 2124‑3 du CCP.

En outre, le TA souligne qu’« il n’appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se pronon cer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obliga tions de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d’un contrat, de se prononcer sur l’appréciation portée sur la valeur d’une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu’il est saisi d’un moyen en ce sens, de

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vérifier que le pouvoir adjudicateur n’a pas dénaturé le contenu d’une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l’attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d’égalité de traitement des candidats » (cf. CE 20 janvier 2016, req. n° 394133).

En l’espèce, La société M. soutient que la mise en œuvre des critères serait entachée d’irrégularité. Toutefois, si elle fait valoir que son offre financière était plus intéressante que celle de la société E. et que son mémoire technique, qu’elle produit, était complet, il ressort du rapport d’ana lyse des offres fourni en défense que sa « note méthodolo gique » a été jugée cohérente en dépit de lacunes sur les moyens matériels mis à disposition pour le chantier, alors que celle de l’attributaire a été qualifiée de « Mémoire technique sérieux et détaillé, très satisfaisant ». Dans ces conditions, il n’est pas établi que l’OPH aurait dénaturé le contenu d’une offre.

Conditions d’exécution du marché – Exigences particulières – Objet du marché – Objectif d’intérêt général

⬛ TA de la Guyane 29 juillet 2022, req. n° 2200937

► L’ONF a lancé une consultation le 11 mai 2022, en vue de la passation, selon une procédure d’appel d’offres ouvert, d’un accord-cadre à bons de commande ayant pour objet la commande de missions de travail aérien et de transport public. La société H., qui s’est portée candidate le 13 juin 2022, conteste la légalité d’une clause insérée au règlement de la consultation et au cahier des clauses particulières, ayant selon elle pour effet d’exclure sa candidature, et demande au juge des référés d’ordonner à l’ONF de reprendre le processus d’analyse des offres en écartant cette clause ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel appel d’offres en écartant cette clause d’exclusion des documents contractuels.

Le TA de Guyane précise que « si un pouvoir adjudicateur peut imposer, parmi les conditions d’exécution d’un mar ché public, des exigences particulières pour prendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’inno vation, à l’environnement, au domaine social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations, de telles exigences ne peuvent être édictées dans le respect des principes d’égalité des candidats à l’attribution d’un contrat de la commande publique et de liberté d’accès à la commande publique qu’à la condition qu’elles présentent un lien suffi sant avec l’objet du marché, qu’elles poursuivent un objec tif d’intérêt général, soient propres à garantir la réalisation de celui ci et qu’elles n’aillent pas au delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif » (cf. CE 4 décembre 2017, req. n° 413366).

En l’espèce, si l’exigence de confidentialité des opérations de surveillance et de contrôle menées par l’ONF répond à un objectif d’intérêt général en lien direct avec l’objet même du marché, il résulte de l’instruction que cette exigence pourrait être respectée par d’autres moyens que celui consistant à exclure purement et simplement de la consul tation toute entreprise présentant « un lien organique ou capitalistique avec une personne physique et/ou morale exerçant une activité professionnelle, soit d’exploitation

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du sol ou du sous sol, soit étroitement liée à ce secteur d’activité », consistant par exemple en l’édiction de clauses de confidentialité précises ou de chartes de confidentia lité pour les pilotes des hélicoptères. L’exclusion prévue dans les documents contractuels litigieux, qui n’est, en tout état de cause, pas de nature à garantir, à elle seule, la confidentialité des opérations de contrôle de l’ONF, excède donc significativement ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de l’établissement public dans l’exécution du marché public. Le principe de neutralité du service public ne permet pas davantage de justifier le choix de la clause litigieuse. Il s’ensuit que la société H. est bien fondée à soutenir qu’en insérant cette clause dans le règlement de consultation et dans le cahier des clauses particulières du marché public litigieux, l’ONF a méconnu les principes d’égalité de traitement des candidats à la commande publique et de libre accès à la commande publique, et a ainsi manqué à ses obligations de mise en concurrence.

Offre anormalement basse – Hausse du prix des matières premières

⬛ TA Orléans, 2 août 2022, req. n° 2202386

► Un coordonnateur d’un groupement de commandes constitué avec une communauté de communes et une communauté d’agglo mération a lancé, le 21 février 2022, par une publication au JOUE et au BOAMP, une consultation, en vue de l’attribution d’un mar ché public de travaux des installations d’éclairage public et des réseaux secs, sous la forme d’un accord-cadre à exécuter par bons de commande pour un montant maximal total de 40 millions d’euros HT, reconduction éventuelle comprise. Ce besoin avait déjà fait l’objet d’un précédent marché public, en 2018, attribué à un groupement d’opérateurs économiques alors formé par les sociétés L., la société E. et la société S. Aux termes du délai de remise des dossiers, deux candidatures ont été déposées. Par courrier transmis le 30 juin 2022, la communauté d’agglomération a informé le groupement formé par les sociétés L…, dont la société L. est le mandataire, que son offre n’était pas retenue. Elle l’a éga lement informée que le marché public était attribué au groupe ment constitué par l’entreprise de réseaux S. et par la société E. La société L. demande au juge des référés d’annuler la procédure de passation en vue de l’attribution de l’accord-cadre précité.

Après avoir cité les dispositions des articles L. 2152‑5 et L. 2152‑6 du CCP, le TA précise que « quelle que soit la procédure de passation mise en œuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu’une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l’offre » (cf. CE 29 mai 2013, req. n° 366606).

En l’espèce, la société L. soutient que la collectivité a man qué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en ne mettant pas en œuvre la procédure contradictoire prévue à l’article L. 2152‑6 du CCP, l’offre retenue d’un montant de seulement 647 756,17 euros étant susceptible d’être anormalement basse dans un contexte de pénurie mondiale et de hausse du prix des matières premières et,

qui plus est, largement inférieure à celle du précédent mar ché dont la société E. était également attributaire. Toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que le prix proposé par le groupement attributaire, inférieur de 17 % à celui du grou pement évincé d’un montant de 780 195,50 euros était, en lui même, manifestement sous évalué dans sa globalité, le défendeur faisant valoir à cet égard que le bordereau des prix unitaires de la société attributaire, pièce contractuelle, fait clairement apparaître une augmentation de certains prix par rapport à l’ancien marché. En outre, il n’est nul lement établi, ni même allégué, que le prix proposé était de nature à compromettre la bonne exécution du marché, condition également exigée par l’article L. 2152‑6 du CCP. Par suite, le moyen doit être écarté.

Rejet d’une offre – Communication des motifs –Contrôle des garanties professionnelles, techniques et financières des candidats

⬛ TA Versailles, 26 août 2022, 2206118

► Par un avis d’appel public à la concurrence publié au BOAMP et au JOUE, le ministre des armées a lancé une procédure négo ciée avec publicité préalable pour le maintien en condition opé rationnelle des matériels de travaux publics en service dans les armées. La société T. a déposé sa candidature le 31 mai 2022. Par un courrier en date du 23 août 2021, elle a été informée que sa candidature était retenue et a été invitée à concourir à la phase « offre ». Par un courrier en date du 2 août 2022, elle a été infor mée du rejet de son offre, ce courrier précisant en outre que l’offre de la société A. était retenue. La société T. demande l’annulation de cette procédure.

Après avoir cité les dispositions des articles L. 2181‑1, R. 2181‑1, R. 2181‑3 et R. 2181‑4 du CCP, le TA de Versailles rappelle que « L’exigence de motivation de la décision rejetant une offre posée par ces dispositions a, notamment, pour objet de permettre à l’auteur de cette offre de contester utilement le rejet qui lui a été opposé devant le juge du référé précontractuel saisi en applica tion de l’article L. 551‑1 du CJA. Par suite, l’absence de respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence.

Toutefois, un tel manquement n’est plus constitué si les motifs de cette décision ont été communiqués au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue et si le délai qui s’est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge statue a été suffisant pour per mettre à ce candidat de contester utilement son éviction » (cf. CE 29 octobre 2013, req. n° 371233).

En l’espèce, la société requérante a sollicité la commu nication des motifs du rejet de son offre le 4 août 2022.

Dans le HT des deux sous critères financiers, valeur coût (VC) et panier type (PT) pour lesquels il existe un prix. Par ailleurs, en ce qui concerne les caractéristiques et avan tages de l’offre retenue et les notes obtenues sur chacun des critères et sous critères par la société requérante et la société A., le pouvoir adjudicateur a produit des tableaux détaillant la comparaison des notes obtenues par les deux soumissionnaires. Il suit de là qu’à la date à laquelle le juge des référés statue, le pouvoir adjudicateur doit être regardé comme ayant respecté son obligation

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d’information nonobstant la circonstance que n’ont pas été communiqués les taux de remise proposés par les soumissionnaires sur les prix constructeur du fait de leur caractère secret au sens de l’article L. 151‑1 du Code du commerce. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 2181‑1 et R. 2181‑3 du CCP doit être écarté.

En outre, après avoir cité les articles l’article 51 de l’ordon nance n° 2015‑899 du 23 juillet 2015, l’article 44 du décret n° 2016‑360 du 25 mars 2016, l’article 3 de l’arrêté du 29 mars 2016 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux mar chés publics, le TA estime qu’« Il résulte de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur doit contrôler les garanties professionnelles, techniques et financières des candidats à l’attribution d’un marché public et que cette vérification s’effectue au vu des seuls renseignements ou documents prévus par les prescriptions de l’arrêté ministériel précité. Les documents ou renseignements exigés à l’appui des candidatures doivent être objectivement rendus néces saires par l’objet du marché et la nature des prestations à réaliser. Le juge du référé précontractuel ne peut censu rer l’appréciation portée par le pouvoir adjudicateur sur les niveaux de capacité technique exigés des candidats à un marché public, ainsi que sur les garanties, capacités tech niques et références professionnelles présentées par ceux ci que dans le cas où cette appréciation est entachée d’une erreur manifeste » (cf. CE 25 mai 2018, req. n° 417869).

Concernant les capacités techniques et professionnelles, si la société A. ne dispose que de références concernant le maintien en condition opérationnelle de véhicules, cette circonstance ne permet pas à elle seule de considérer qu’elle ne dispose pas des capacités nécessaires à l’exé cution du marché, une parfaite similarité entre les presta tions du marché et les principaux services fournis par le candidat n’étant pas exigée. En ce qui concerne les presta tions de maintenance et d’entretien des engins, la société sous traite ces prestations à la société AU. comme la réglementation l’y autorise. Il résulte de l’instruction que la société AU. est bien en mesure d’assurer les prestations sous traitées. S’agissant de l’absence d’équipe de main tenance proche des sites détenteurs d’engin, il résulte de l’instruction que l’offre de la société A. a été précisément complétée sur ce point. S’agissant de l’absence d’ateliers proches des sites détenteurs d’engin, l’offre de la société A. a été également complétée. Il en est de même s’agis sant des pièces adaptables. Enfin il résulte de l’instruction que la société A. applique un système de management de la qualité répondant aux exigences de la norme ISO 9001. Il suit de là que les moyens tirés de ce que la société A. n’avait manifestement pas les capacités requises pour exécuter le marché ou que son offre ne répondrait pas aux besoins exprimés par l’administration et ce même après négociation, ne peuvent qu’être écartés.

Marché public – Offre inacceptable ⬛ TA Paris 19 août 2022, req. n° 2215997

► Le GIP Bulac (bibliothèque universitaire des langues et civi lisations), coordonnateur dans le cadre d’un groupement de

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commandes, a lancé une procédure de passation d’un marché public pour des prestations de nettoyage de locaux d’un bâtiment. Le lot n° 1 concerne plus particulièrement le nettoyage régulier, périodique et ponctuel des locaux et de leurs abords, comprenant l’entretien et la maintenance de matériel pour les sanitaires. La SAS C., qui était également l’entreprise sortante, a présenté une offre pour le lot n° 1 mais celle-ci a été rejetée comme inaccep table au motif qu’elle était supérieure aux crédits budgétés par le GIP, fixés à 500 000 euros pour le lot n° 1. La SAS C. demande au juge des référés d’annuler la procédure de passation.

Après avoir cité les articles L. 2152‑1 et L. 2152‑3 du CCP, le TA de Paris juge que « Ces dispositions font obligation au pouvoir adjudicateur d’éliminer les offres dont le mon tant est supérieur à l’estimation qu’il a faite du montant du marché. Aucune disposition ne dispense les marchés à bon de commandes sans minimum ni maximum de cette comparaison entre la valeur estimée par le pouvoir adjudi cateur et la valeur proposée de l’offre de chaque candidat, ni ne prévoit que le pouvoir adjudicateur doit communiquer son estimation aux candidats, dès lors que ses besoins et, partant, l’étendue du marché, sont déterminables par l’indication du nombre des prestations constatées l’année précédente ».

En l’espèce, il résulte de l’instruction que le montant des crédits budgétaires alloués ont été fixés par le GIP avant l’engagement de la procédure de passation du marché, pour chaque lot et par année, lors du vote du budget ini tial 2022 adopté par l’assemblée générale du GIP qui s’est tenue le 9 décembre 2021 et que les autorisations d’enga gement et les crédits de paiement correspondants, pour les quatre derniers mois de l’année 2022 ont été intégrés au budget. Il est constant que les prix proposés par la requérante étaient supérieurs au maximum de ces crédits. Par suite, la société requérante n’est pas fondée à sou tenir que le GIP a rejeté son offre comme étant inaccep table sans avoir préalablement apprécié la possibilité de la retenir, en dépit des prix élevés proposés, compte tenu des crédits budgétaires alloués à chacun des lots.

Marché de travaux – Dérogation à l’obligation d’allotir ⬛ TA Rennes 25 août 2022, req. n° 2203868

► Par un avis publié le 1er mars 2021 au BOAMP et au JOUE, un syndicat mixte a, en qualité d’entité adjudicatrice relevant des articles L. 551 5 et suivants du CJA, lancé une consultation en vue de l’attribution, en procédure négociée avec appel à la concur rence préalable, d’un marché public unique de travaux portant sur la réalisation des prestations nécessaires à l’aménagement d’une usine d’eau potable. Le groupement composé des sociétés A…, qui s’est porté candidat, a été informé, par courrier du 13 juillet 2022, du rejet de son offre. Par sa requête, la société A. doit être regar dée comme ayant saisi le juge des référés d’une demande sur le fondement de l’article L. 551 5 du CJA.

La TA de Rennes rappelle que « Saisi d’un moyen tiré de l’irrégularité de la décision de ne pas allotir un marché, il appartient au juge du référé précontractuel de détermi ner si l’analyse à laquelle l’entité adjudicatrice a procédé et les justifications qu’elle fournit sont entachées d’appré ciations erronées, eu égard à la marge d’appréciation dont elle dispose pour décider de ne pas allotir lorsque

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Contrats Publics – 235 - Octobre 2022 11Retrouvez la veille sur

la dévolution en lots séparés présente l’un des inconvé nients que mentionnent les dispositions précitées de l’article L. 2113‑11 du Code de la commande publique. Le juge des référés s’assure ainsi de l’existence de raisons suffisamment sérieuses et circonstanciées invoquées par l’acheteur pour justifier de déroger à l’obligation d’allotir le marché » (cf. CE 25 mai 2018, req. n° 417428).

En l’espèce, le recours à un marché unique est justifié par un syndicat mixte, dans le règlement de la consultation, par la circonstance que « Du fait de la technicité parti culière des ouvrages mis en œuvre, la dévolution en lots séparés rend la réalisation techniquement difficile, finan cièrement plus coûteuse, implique une dilution des res ponsabilités entre les différents intervenants et entraîne également des délais supplémentaires importants ».

La société A. soutient que l’entité adjudicatrice a méconnu l’obligation de procéder à l’allotissement du marché dès lors que ce dernier porte sur différents types de pres tations techniques qui auraient pu faire l’objet de mar chés distincts. Il résulte toutefois de l’instruction que les

prestations à réaliser ne peuvent être regardées, eu égard à leur nature et à leur forte interdépendance liée aux tech niques mises en œuvre, comme des prestations distinctes justifiant la passation de marchés par lots séparés. Pour ce seul motif et alors même que le marché en litige ne figure pas au nombre des marchés limitativement définis par le Code de la commande publique qui échappent par principe à l’allotissement, le syndicat mixte, qui a suffisamment justifié dans les pièces de la consultation le recours à un marché global, a ainsi pu, sur le fondement du 2° de l’ar ticle L. 2113‑11 du CCP, estimer que la dévolution en lots séparés risquait de rendre techniquement difficile ou finan cièrement plus coûteuse l’exécution des prestations objet du marché. Au surplus, la société A., dont la candidature en groupement avec la société S. a été sélectionnée par l’en tité adjudicatrice, ne démontre pas qu’en présentant seule une offre correspondant à sa spécialité, elle aurait disposé de chances sérieuses d’être attributaire de ce lot corres pondant à sa spécialité. Il ne résulte ainsi pas de l’instruc tion que le recours à un marché global a été susceptible de la léser. Ce moyen doit, par suite, être écarté.

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LE BIM AU REGARD DU DROIT DE LA COMMANDE PUBLIQUE

Le BIM permet d’envisager l’ouvrage à toutes les étapes de son cycle de vie : les besoins en matière d’exploitation et de la gestion sont anticipés dès la conception de l’ouvrage, le travail collaboratif favorise la conception, sa gestion est optimisée grâce à la maquette numérique… En outre, son utilisation permet notamment l’économie des coûts de réalisation. Cependant, au regard du droit de la commande publique, le recours au BIM soulève un certain nombre de questions pour les acheteurs : comment recourir au BIM ? Est-il opportun d’utiliser cet outil pour le projet envisagé ? Comment rédiger les documents du processus BIM ? Comment intégrer le BIM dans les documents de consultation ? Quelles sont les responsabilités des intervenants en BIM… ?

les textes cités sur L E BIM AU REGARD DU DROIT DE LA COMMA n DE PUBLI q UE
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Maîtres d’ouvrage publics : pourquoi et comment recourir au BIM ?

En 2016, la MIqCP a publié un guide intitulé BIM et maquette numérique – Guide de recommandations à la maîtrise d’ouvrage. Six ans après sa publication, il semble utile de réaffirmer l’intérêt pour les maîtres d’ouvrage de s’engager dans une démarche BIM, et de repréciser les précautions à prendre pour en retirer tous les avantages.

Auteur

Florian Laurençon

Conseiller aux maîtres d’ouvrage Mission Interministérielle pour la Qualité des Constructions Publiques (MIQCP)

Il s’agit ici de partager une synthèse du guide de la Mission Interministérielle pour la Qualité des Constructions Publiques, publié en juillet 2016, intitulé BIM et maquette numérique – Guide de recommandations à la maîtrise d’ou vrage . Cette publication a été écrite en réponse à une commande du Plan de Transition Numérique du Bâtiment initié par le Gouvernement, sous le pilotage d’un groupe de travail composé des représentants de toutes les parties prenantes de l’acte de construire. Ce plan quadriennal a vu ses objectifs réaffirmés par le Plan BIM 2022, puis, aujourd’hui, par le Plan BIM : avec désormais six années de retours d’expérience, il semble utile de réaffirmer l’intérêt pour les maîtres d’ouvrage de s’engager dans une démarche BIM, et de repréciser les précautions à prendre pour en retirer tous les effets mélioratifs pour la qualité de l’ouvrage attendu et pour l’intérêt général.

Avant de rappeler les définitions plurielles du BIM et les niveaux de plus-value qui peuvent en être espérés, il convient d’une part de préciser l’impact du BIM en matière de passation de contrats publics ; d’autre part et surtout de réaffirmer en quoi la transition numérique constitue une opportunité majeure pour les maîtres d’ouvrage publics dans l’exercice de leurs missions et des responsabilités spécifiques qui sont les leurs.

La transition numérique : une opportunité majeure pour les maîtres d’ouvrage publics

La maîtrise d’ouvrage publique est une fonction d’inté rêt général, qui découle de l’exercice de compétences en matière de politiques publiques, précisément fixées et encadrées par le législateur, et vis-à-vis desquelles est opposable une obligation de résultat. Cette fonction est définie à l’article L. 2421 1 du Code de la commande publique. Cette codification récente reprend à l’intérieur

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du vaste champ de l’achat public les principes spéci fiques fixés dans la loi n° 85 704 du 12 juillet 1985, dite « loi MOP ». Ces principes impliquent pour la personne publique ou la personne morale de droit privé agissant dans certains secteurs spécifiques un niveau de respon sabilité renvoyant à l’intérêt supérieur des compétences exercées.

Dans les faits, le maître d’ouvrage public réalise ou fait réaliser des travaux, et pour cela il passe des com mandes qui prennent la forme d’achats encadrés par des marchés publics. À la réception de l’ouvrage, celuici intègre le domaine public et des services à la popu lation y sont rendus dans le cadre de son exploitation. Autrement dit, la responsabilité du maître d’ouvrage public est exorbitante du droit commun, et elle impose un niveau de contrôle et de planification renforcés, à chacune des étapes de son exercice, depuis la décision politique, préalable à la conception de l’ouvrage, jusqu’à l’exploitation opérationnelle, qui conditionne l’efficience du service rendu et sa soutenabilité dans la durée.

À ce titre, les évolutions des technologies numériques appliquées au champ de la construction peuvent contri buer à aider le maître d’ouvrage public à mieux exercer ses responsabilités, en lui permettant de modéliser ex ante et plus précisément chacune des étapes qui le conduiront à remplir in fine son obligation de résul tat devant la loi : le Building Information Modelling, que l’on traduit littéralement par « Modélisation des infor mations du bâtiment », renvoie en effet à une nouvelle méthode de conception, rendue possible par l’innovation numérique, permettant de simuler en trois dimensions et en mode objet la construction d’un bâtiment ou d’une infrastructure dès avant la pose de la première pierre ou le creusement des fondations. Par l’élaboration d’une maquette virtuelle interactive et interopérable avec l’ensemble des corps d’état, le maître d’œuvre pourra intégrer en avance de phase, avec toutes les précisions géométriques utiles, une quantité de données tradi tionnellement traitées ultérieurement, et constituant autant de facteurs d’aléas potentiels. Bref, la simula tion numérique, à la condition d’être renseignée par des données précises, réduirait les incertitudes de la réalité matérielle et les préjudices pour l’intérêt général en cas d’imprévision.

Cette méthode, employée de longue date dans les indus tries navales, aéronautiques et automobiles par le biais d’outils de simulation et de réalité virtuelle, ne remet pas en question la nature foncièrement itérative de la conception architecturale, dont le processus intellec tuel est par définition de formuler, tester, rectifier ou abandonner des hypothèses ; elle permet en revanche d’intégrer beaucoup plus tôt et de traiter plus précisé ment quantité de variables physiques ou normatives, en associant dès le départ les expertises qui conditionnent la faisabilité et la concrétisation de l’esquisse.

On conçoit dès lors aisément pourquoi la méthode et les processus BIM sauraient constituer un élément facilitateur et rassurant pour les maîtres d’ouvrage publics, dans la mesure où ils augmentent la fiabilité et la prédictibilité des éléments provisoires et abstraits qui

servent de base à leurs décisions budgétaires, organi sationnelles et institutionnelles : sécurisation des coûts, des délais, affinement des périmètres organisationnels, représentation virtuelle de ce que sera l’ouvrage récep tionné in concreto, anticipation de ses contraintes de fonctionnement, instruction des permis, réduction des dommages ouvrage, etc.

La MIQCP, dans la continuité de l’esprit de la loi de 1985, a toujours posé comme préalable à la qualité d’un ouvrage public la qualité de sa conception, et dès lors de l’importance de la relation de consultation et de contrac tualisation entre maître d’ouvrage et maître d’œuvre : on considère en effet communément que le fonctionnement d’un ouvrage compte pour 75 % de son coût total, rap porté à sa durée intégrale d’utilisation, et que la majeure partie de ces coûts ne sauraient être comprimés une fois l’ouvrage réalisé. Selon les retours d’expérience qui commencent aujourd’hui à faire l’objet d’une consoli dation et d’une analyse structurées, l’utilisation du BIM par la maîtrise d’œuvre et par les entreprises de travaux constituerait un vecteur largement accru d’anticipa tion de la vie de l’ouvrage tout au long de son fonction nement, et permettrait ainsi d’améliorer la qualité des constructions publiques, en favorisant le traitement des dysfonctionnements avant même qu’ils ne surviennent.

La MIQCP conseille donc, relayant de ce fait les pré conisations du PTNB et désormais du Plan BIM, l’utili sation du BIM dans la commande publique de maîtrise d’œuvre et de travaux. Pour autant, ce conseil d’ordre général, dont les attendus ont été expliqués supra, doit être assorti d’un certain nombre d’éclairages et de recommandations.

Impacts du BIM en matière de passation de contrats publics

Afin d’exercer sa fonction de maître d’ouvrage, la per sonne publique passe des marchés, selon des procédures de consultation qui sont fixées par la loi en vertu de l’éga lité devant la commande publique et du respect d’une concurrence non faussée. S’agissant de pratiques d’achat appliquées à la spécificité métier de la construction, ces procédures d’achat public ont fait l’objet, par arrêté du 30 mars 2021, de cahiers de clauses administratives générales dédiés au nombre de deux : CCAG-Travaux et CCAG-Maîtrise d’œuvre. Le maître d’ouvrage est défini comme le « responsable principal de l’ouvrage », c’està-dire « l’acheteur pour le compte duquel les prestations objet du marché sont réalisées par le maître d’œuvre et les travaux objet de l’opération sont exécutés par les opé rateurs économiques chargés des travaux ». Ces deux CCAG apportent les définitions du BIM, du cahier des charges BIM et de la convention BIM.

Les contrats qui lient dès lors le pouvoir adjudicateur au maître d’œuvre d’une part, aux entreprises de travaux de l’autre, ont pour objectif de transcrire un engagement à apporter « une réponse architecturale, technique et économique » au programme défini par le maître d’ou vrage sur la base du besoin estimé. Ainsi, le marché de

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Maîtres

maîtrise d’œuvre et les marchés de travaux permettent au maître d’ouvrage de fixer et d’attribuer des missions précises, et aux entreprises attributaires de s’engager sur des livrables correspondants.

La loi MOP, son décret de mission n° 93 1268 du 29 novembre 1993, et l’arrêté du 21 décembre 1993(1) ont fixé la déclinaison du phasage et de la répartition de l’ensemble des missions qui concourent successivement à la livraison finale de la commande. Leurs principes ont depuis été repris dans le Code de la commande publique, et ils servent de référentiel commun à l’ensemble des maîtres d’ouvrage publics et de la filière.

Or, les conditions d’intégration de la démarche BIM dans la passation des contrats publics de maîtrise d’œuvre et de travaux sont subordonnées à l’article 22.4 de la direc tive européenne 2014/24/UE en date du 26 février 2014, qui vise à réglementer les règles de publicité, de transpa rence et de communication de la passation des marchés publics, et qui prévoit que « pour les marchés publics de travaux et les concours, les États membres peuvent exiger l’utilisation d’outils électroniques particuliers tels que des outils de modélisation électronique des données du bâtiment ou des outils similaires. Dans ces cas, les pouvoirs adjudicateurs offrent d’autres moyens d’accès, selon les dispositions du paragraphe 5, jusqu’à ce que ces outils soient devenus communément disponibles au sens de paragraphe 1, premier alinéa, deuxième phrase » Cette directive a été transposée en France par l’ordon nance n° 2015 899 du 23 juillet 2015, qui a reçu son décret d’application n° 2016 360 du 25 mars 2016, textes ensuite codifiés dans le Code de la commande publique.

Cette introduction de la notion de BIM dans le cadre réglementaire de la commande publique de maîtrise d’œuvre et de travaux appelle plusieurs remarques : premièrement, il importe de souligner que le législa teur privilégie l’incitation à la contrainte, et n’impose pas aux maîtres d’ouvrage publics de recourir à ces nouveaux modes collaboratifs. En outre, si l’article 42 du décret du 25 mars 2016 – aujourd’hui codifié dans l’article R. 2132 10 du Code de la commande publique –ouvre la possibilité pour les acheteurs publics d’impo ser quant à eux le recours à des outils électroniques tels que le BIM dans leurs règlements de consultation, il leur impose corrélativement de prévoir les conditions dans lesquelles le recours à ce type de moyens électroniques n’est pas discriminatoire, et, le cas échéant, de mettre à disposition gratuitement les outils correspondant à leur volonté de voir appliquée par ses prestataires une méthode BIM. Bref le BIM n’est pas une fin en soi, mais une manière de mieux construire, à la condition d’une appropriation suffisamment développée par l’ensemble de ceux qui concourent à un même ouvrage, d’où le choix de la possibilité ouverte plutôt que de celui de l’obligation normative, alors même que l’obligation d’une dématé rialisation complète des échanges lors d’une procédure de passation est en revanche consacrée par le Code de la commande publique dans son article R. 2132 7.

Deuxièmement, l’intégration de la transition numérique dans les règles de passation des marchés ne préjuge pas de la forme ultérieure des marchés ni de leurs conditions d’exécution : en particulier, elle ne modifie en rien les étapes prévues par la loi de 1985 et son décret de 1993 : certes, la modélisation 3D orientée objet per met à la maîtrise d’œuvre d’intégrer, avec une meil leure précision et cohérence technique, et en avance de phase, une quantité de variables très importante, mais elle n’abolit pas la dimension itérative du processus de conception, ni la nécessité de ménager des points d’ar rêt permettant à la maîtrise d’ouvrage de s’approprier le projet au fur et à mesure de son avancement afin d’en valider la progression étape par étape. Ainsi, le décou page du marché de maîtrise d’œuvre en éléments de mission successifs, tel qu’institué par la loi MOP et ses textes d’application, n’est nullement remis en cause par la démarche BIM.

Troisièmement, la volonté du maître d’ouvrage d’enga ger une démarche BIM, si elle ne modifie en rien le processus de consultation et de passation, implique d’introduire un, voire deux acteurs supplémentaires dans son organisation de l’ensemble des missions qui concourent à la réalisation de l’ouvrage. Sur ce point, la MIQCP recommande au maître d’ouvrage souhaitant entamer une démarche BIM de bien définir ses besoins et ses exigences en la matière, dès le stade de l’appel public à la concurrence sous la forme d’un cahier des charges BIM, et, le cas échéant, de s’attacher les ser vices d’une assistance à la maîtrise d’ouvrage formée à ces nouveaux outils numériques, en l’absence d’une compétence dédiée interne à ses services. En revanche, il est indispensable d’introduire et de circonscrire une nouvelle mission, qui donnera lieu à des livrables nou veaux : le BIM constituant un mode de partage des infor mations facilitant la collaboration entre les acteurs de la construction d’un même ouvrage, il convient en effet d’organiser le partage des informations et de définir les modalités d’échange des données produites par chaque entité et relevant de son champ d’expertise propre.

Cette gestion de la démarche collaborative et de la don née appelle une fonction spécifique, celle de BIM mana ger, dont le positionnement relève de l’appréciation du maître d’ouvrage. Cette mission complémentaire donne lieu à un livrable qui conditionnera l’interopérabilité et la cohérence des autres livrables : la convention BIM. Ce document contractuel supplémentaire, mais préalable, définit les conditions de la collaboration et de l’intero pérabilité : il est préconisé sur ce point de se référer à la norme NF EN ISO 19650. En l’absence d’expertise dédiée du côté du maître d’ouvrage, cette mission de BIM management peut être confiée à un prestataire spécia lisé ou, le cas échéant, à l’équipe de maîtrise d’œuvre, sous forme de mission complémentaire. Chaque acteur sera signataire d’une seule et même convention, propre à l’opération en cours, où il s’engagera sur l’interopéra bilité entre les données qu’il produit et celles produites par les autres. Cette interopérabilité de la donnée per mettra une superposition cohérente des maquettes 3D, autorisant la visualisation de l’ouvrage complet avec toutes ses composantes techniques.

(1) Arrêté du 21 décembre 1993 (NOR : EQUU9301426A).
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d’ouvrage publics : pourquoi et comment recourir au BIM ?

Définitions plurielles du BIM et niveaux de plus-value espérés

Cette série de remarques invite pour conclure le maître d’ouvrage à réfléchir de façon approfondie à l’usage qu’il entend faire des possibilités offertes par le BIM et des gains de divers ordres qu’il peut en attendre. Ces niveaux d’attente renvoient à des niveaux de définition du BIM luimême : la modélisation des informations du bâtiment ( Building Information Modelling) est un ensemble de pro cessus permettant de faciliter le partage des données constitutives d’une opération de construction (bâtiments ou infrastructures), ayant pour principe d’intégrer ab initio de façon numérique et virtuelle tous les éléments de la vie d’une maîtrise d’ouvrage, depuis la concep tion jusqu’à l’exploitation, en passant, bien sûr, par les étapes successives de la réalisation.

Ce mode de partage, rendu possible par les outils numé riques, vise à lever les freins à la collaboration entre des métiers culturellement différents, dont le concours est cependant indispensable. Il peut sur ce point permettre à tous les acteurs de la construction, sous l’égide du maître d’ouvrage, de mieux se projeter et de mieux se coordonner, avec tous les gains de productivité qui peuvent mécaniquement en découler : prévisions de l’approvisionnement en matériaux, recrutement de la main-d’œuvre, gestion des carnets de commande, réduction de la duplication des tâches, anticipation du fonctionnement de l’ouvrage une fois achevé, consom mation énergétique, provisionnement des moyens inhé rents à sa maintenance et à son exploitation, etc. Une étude datant de 2018 réalisée par Sia Partners(2), effec tuée sur la base de plusieurs retours d’expérience de construction en mode BIM, projette à terme une réduc tion de 10 % de la durée des chantiers, et une réduction globale du coût total de l’ouvrage sur son cycle de vie d’en moyenne 12 %.

Il convient d’être cependant précis sur ces gains espé rés : premièrement, ceux-ci nécessitent préalablement des coûts investissement, avec notamment le déve loppement de missions et d’expertises nouvelles. Ces coûts seront plus ou moins importants selon les niveaux d’appropriation du BIM par l’ensemble des acteurs de la filière. De même pour la durée des chantiers : la collabo ration se construit et ne se décrète pas ; autrement dit, si des gains de productivité peuvent être attendus à moyen terme (l’étude Sia partners évoque un délai d’entre cinq et sept ans), ils ne seront pas immédiats. Concernant les procédures de consultation et de passation de marchés, il n’est pas non plus pertinent d’espérer un raccour cissement des délais, souvent perçus comme contrai gnants par les maîtres d’ouvrage publics : il n’y a aucune raison pour que la numérisation des partages d’infor mation réduise le temps itératif de la conception ; à tous le moins pourra-t-elle réduire le temps de retraitement

de la donnée par les entreprises de travaux. Si une accé lération peut légitimement être espérée, c’est donc au niveau de la phase de chantier, et non de la conception architecturale, laquelle bénéficiera et mettra à profit la meilleure efficacité conceptuelle permise par les outils BIM en multipliant les simulations pour trouver la meil leure optimisation des caractéristiques architecturales et techniques du projet.

Enfin, le niveau d’appropriation des possibilités collabo ratives rendues possible par le BIM est variable selon les attentes et le niveau d’appropriation par les parties pre nantes : on parle communément de « niveaux de BIM » selon le niveau d’intégration simultanée de la donnée dans une seule ou plusieurs maquettes numériques : aujourd’hui l’usage le plus répandu est celui du par tage de données issues de maquettes superposables et liées(3) entre tous les acteurs cosignataires de la conven tion BIM : ceux-ci travaillent chacun sur leurs propres outils, qui sont tous interopérables puisque référés à la même norme. En l’état actuel de la pénétration du BIM dans les usages constatés sur l’ensemble des territoires métropolitains et ultramarins, la MIQCP fait porter ses recommandations sur cet usage, dit de niveau 2, compte tenu de l’état global des solutions techniques et des niveaux divers d’appropriation par les intervenants.

Ce niveau de conception numérique est à proprement parler collaboratif et interactif, et ne fait pas nécessaire ment de la maquette numérique un document contrac tuel en tant que tel – seulement le référentiel duquel les documents contractuels traditionnels – plans coupes, élévations, perspectives – devront être extraits, ce dont le maître d’œuvre devra attester à chaque remise. Seul le dossier final des ouvrages exécutés (DOE), s’il est exigé sous le format d’une maquette numérique, constituera alors un livrable contractuel en tant que tel, nécessitant dans le marché de maîtrise d’œuvre une définition du degré de précision graphique (niveaux de détails) et du niveau d’informations relatives aux objets représentés dans la maquette.

En conclusion, l’un des aspects de la démarche colla borative favorisée par le BIM est la mobilisation plus précoce des acteurs, ce qui devrait conduire à avancer l’échéancier de paiement des missions successives, du fait du plus grand volume de travail et de données produits dès les premières phases. La finalité de cette démarche est l’augmentation de la fiabilité des informa tions pour l’ensemble des intervenants de la chaîne de la construction, avec pour finalité subséquente la réduc tion des risques et préjudices de toute nature pour le maître d’ouvrage, les usagers et le contribuable. En ce sens, il s’agit pour le maître d’ouvrage d’investir plus dès le début de la conception, pour réduire considérable ment les surcoûts d’exploitation, les risques ultérieurs de sinistres, et les frais d’assurances construction (Dommages-ouvrage, décennales).

(3) Donc à l’issue de l’ouvrage ne faisant qu’une maquette.

L E BIM AU REGARD DU DROIT DE LA COMMA n DE PUBLI q UE
(2) Energy Lab – Sia partners – septembre 2018
Contrats Publics – 235 - Octobre 2022 17Retrouvez le
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Dossier

Appréciation de l’opportunité de recourir au processus BIM

Une réflexion générale du maître d’ouvrage sur le processus BIM apparaît être un préalable indispensable au recours à ce processus dans le cadre d’une opération donnée, afin de mesurer l’opportunité d’y recourir. Dans le cadre de sa réflexion quant au recours au processus BIM, le maître d’ouvrage définit la liste des objectifs qu’il souhaite atteindre. Ces objectifs seront ensuite traduits concrètement en cas d’usage.

Auteur

L

’élaboration par le maître d’ouvrage de sa démarche BIM constitue un préalable indispensable au lance ment d’une opération en BIM.

Dans ce cadre, le maître d’ouvrage, le cas échéant assisté par un prestataire intellectuel (de type AMO BIM) doit mener une réflexion sur quels sont ses objectifs (« le BIM, pour quoi faire ? ») et les usages (« le BIM, de quelle façon ? ») qu’il va retirer du processus BIM dans ses opérations.

Ces objectifs et usages seront ensuite définis et précisés dans les documents BIM, que ce soit de façon générale dans une charte BIM (ou tout document équivalent) ou de façon plus spécifique sur une opération particulière dans un cahier des charges BIM et une convention BIM.

Le processus BIM

L’article 2 des cahiers des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de Travaux (1) et de Maîtrise d’œuvre(2) définit le BIM comme un outil de représentation numérique partagée per mettant de faciliter les processus de conception, de construction et d’exploitation et de former une base fiable permettant les prises de décision. Cette définition peut être complétée avec celle apportée par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) qui précise que « le BIM n’est pas un outil numérique ou un logiciel, mais

(1) Arrêté du 30 mars 2021 (NOR : ECOM2106871A), portant appro bation du cahier des clauses administratives générales des mar chés publics de travaux.

(2) Arrêté du 30 mars 2021 (NOR : ECOM2106877A), portant appro bation du cahier des clauses administratives générales des mar chés publics de maîtrise d’œuvre.

Contrats Publics – 235 - Octobre 2022 18 Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/

l’ensemble des processus collaboratifs qui alimentent la maquette numérique tout au long du cycle de vie des ouvrages » (3)

En d’autres termes, à chaque étape de l’opération de construction ou de réhabilitation, les intervenants à celle-ci viendront alimenter une maquette numérique de leurs données propres (interventions, spécifications techniques, matériaux utilisés), laquelle évoluera de façon collaborative au fil de l’opération.

Dans ce cadre, la maquette numérique – à laquelle est souvent réduit le processus BIM(4) – constitue le support de la collaboration entre les différents acteurs de l’opé ration de construction et la représentation graphique des données et informations collectées lors des phases de conception et de réalisation de l’ouvrage(5)

Outre que ce processus (les méthodes de collaboration, les obligations des parties, les exigences techniques, etc.) nécessite d’être décrit contractuellement(6), il est nécessaire que ce processus ait une finalité, qu’il pour suive des objectifs préalablement définis par le maître d’ouvrage.

En ce sens, comme le souligne la doctrine, « dès son ori gine la démarche BIM est construite sur la base de finali tés précises, qui cumulées donneront un ensemble plus ou moins vaste en fonction du nombre d’objectifs pour suivis » ; partant, « la démarche globale restera contin gente de ces objectifs premiers, qui détermineront l’objet de la prestation et bien entendu la maquette numérique finale, tout comme les livrables intermédiaires » (7)

L’appréciation de l’opportunité de recourir au processus BIM

Comme évoqué ci-dessus, une réflexion générale du maître d’ouvrage sur le processus BIM apparaît être un préalable indispensable au recours à ce processus dans le cadre d’une opération donnée, afin de mesu rer l’oppor tunité d’y recourir dans ses opérations. Plus encore, cette réflexion va permettre au maître d’ouvrage de définir précisément ses attentes et in fine son besoin.

De la nécessaire appréciation de l’opportunité de recourir au processus BIM…

En pratique, il semble dorénavant clair que ce n’est qu’à condition pour le maître d’ouvrage d’avoir apprécier au

préalable l’opportunité de recourir au processus BIM et d’avoir défini et déterminé précisément les objectifs et usages du BIM que l’opération sera réussie, ou du moins que le maître d’ouvrage s’inscrira dans une démarche durable et pérenne en matière de BIM et en tirera les gains escomptés.

Sur ce point, en particulier sur des opérations de construction, cela suppose pour le maître d’ouvrage d’avoir une vision à moyen ou long terme, d’appréhender non pas l’ouvrage à une ou deux étapes de son cycle de vie, mais dans son ensemble.

L’un des intérêts du BIM – voire le principal – est en effet de pouvoir apprécier un ouvrage de sa programmation et conception jusqu’à sa réhabilitation voire sa destruction, le maître d’ouvrage enrichissant au fur et à mesure des étapes du cycle de vie de l’ouvrage les informations et données relatives à celui-ci et nécessaires pour la phase d’après.

Cependant, l’un des écueils un temps observé en pra tique était celui du maître d’ouvrage qui n’anticipant l’exploitation future de son ouvrage ou de son équi pement, n’avait pas collecté en phase de conception et de construction les données nécessaires et utiles à l’exploitation.

Une telle situation est désormais moins courante, les maîtres d’ouvrage apparaissent avoir structuré leur démarche et être montés en compétence, via de la for mation ou des prestataires extérieurs à l’instar des AMO BIM.

Sur ce point, l’appréciation de l’opportunité du recours au BIM passera nécessairement à ce que le maître d’ou vrage s’interroge sur le niveau de ses infrastructures (équipements, outils informatiques, logiciels) et le degré de maturité de ses équipes, ce qui peut le conduire à s’entourer pour monter en compétence.

En définitive, tout cela nécessite que le maître d’ouvrage ait anticipé suffisamment ses besoins au préalable.

À l’obligation de définir préalablement ses besoins en BIM

En effet, cette réflexion préalable relative à l’opportu nité de recourir au processus BIM doit s’inscrire dans l’obligation qui est faite au maître d’ouvrage de définir la nature et l’étendue de ses besoins, à satisfaire par la conclusion d’un marché public, en vertu de l’arti cle L. 2111 1 du Code de la commande publique.

(3) Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, Gérer un parc immobilier avec un pro cessus BIM, Méthodologie, conseils et points de vigilance, 2019. (4) L. Bidault, « Réforme des CCAG : la reconnaissance du BIM dans la commande publique », Contrats Publics – Le Moniteur, n° 220, mai 2021.

(5) C. Sabut, J B. Taillan, Dictionnaire de la maîtrise d’ouvrage publique et privée, Éditions Le Moniteur, 2019. (6) Voir par ailleurs.

(7) D. Richard, Le droit du BIM, Lexisnexis, 2020.

Ainsi, une définition efficiente du besoin va permettre, tout à la fois, à l’acheteur d’appréhender précisément l’étendue de son besoin et les caractéristiques de celui-ci.

Concomitamment, une définition précise des besoins de l’acheteur va permettre aux opérateurs économiques d’avoir une bonne compréhension de celui-ci et des prestations attendues par l’acheteur.

S’agissant du BIM, le maître d’ouvrage doit garder à l’esprit qu’il sera in fine amené à conclure un marché

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Dossier

Appréciation

public pour satisfaire son besoin en BIM, particulière ment au regard des objectifs et usages identifiés.

Par exemple, si l’un de ses objectifs est d’optimiser la gestion de son patrimoine, celui-ci justifiera la conclu sion d’un marché public portant sur la modélisation du patrimoine en maquette numérique pour la gestionexploitation-maintenance de celui-ci.

D’ailleurs, il faut relever qu’en toute rigueur, les docu ments de la consultation devraient préciser ces objectifs et usages, notamment pour justifier le choix du maître d’ouvrage d’imposer éventuellement le recours au BIM(8)

En d’autres termes, de la bonne définition des objectifs et usages BIM du maître d’ouvrage découleront la bonne défi nition du besoin par le maître d’ouvrage et in fine l’objet du marché à conclure : il s’agit donc d’une étape à la fois obli gatoire et essentielle pour la réussite du processus BIM.

Objectifs et usages du BIM

Dans le cadre de sa réflexion quant au recours au pro cessus BIM, la première étape pour le maître d’ouvrage est de définir la liste des objectifs qu’il souhaite atteindre en y ayant recours dans ses opérations. Dans un second temps, ces objectifs se traduisent concrètement en cas d’usage.

Les objectifs BIM

Ces objectifs ne doivent pas être génériques mais à l’in verse être propres au maître d’ouvrage, à sa structure, son organisation et ses spécificités, particulièrement à celles de son patrimoine.

Par exemple, un maître d’ouvrage qui exploite un patri moine immobilier important avec une logique de réha bilitation progressive sera sensible à l’amélioration et l’optimisation de la gestion patrimoniale que permettent les outils BIM, notamment via la collecte de données (données patrimoniales, des équipements), la représen tation numérique des ouvrages et la gestion de ceux-ci via des outils de GMAO(9) par exemple.

Plus généralement, ces objectifs peuvent également résider dans la meilleure compréhension du projet par la visualisation 3D du projet (notamment dans le cadre de jury de concours ou vis-à-vis des élus et de la population), l’amélioration de la communication et de la collaboration du projet ou la maîtrise des délais de réalisation via le processus collaboratif du BIM et les outils numériques associés, ou encore l’optimisation de la maintenance d’un ouvrage en anticipant les besoins (via la collecte d’informations relatives par exemple à la durée de vie des équipements).

En pratique, ces objectifs sont généralement énumérés et décrits par le maître d’ouvrage dans sa charte BIM.

Exemple : Objectifs BIM de la Ville de Toulouse et de Toulouse Métropole (Charte BIM) (10)

« La maîtrise d’ouvrage escompte que de nouvelles pratiques fondées sur la maquette numérique et le travail collaboratif conduiront aux effets suivants :

– meilleure compréhension du projet par les membres du jury grâce à la visualisation de la maquette numérique et de son insertion dans le site ;

– meilleure appropriation du projet par la direction gestionnaire et les futurs utilisateurs ;

– réduction des avenants de chantier du fait de la détection de conflits en amont, avec pour conséquences une gestion plus sereine et une maîtrise des délais ;

– facilitation de la maintenance ultérieure par une meilleure anticipation des besoins.

La maîtrise d’ouvrage est concernée par la gestion de son patrimoine. À l’issue des travaux, elle souhaite obte nir des informations utiles à l’exploitation des bâtiments à partir des maquettes numériques des bâtiments tels que construits et de la documentation associée.

Exemple : Objectifs BIM de la Ville de Toulouse et de Toulouse Métropole (Charte BIM)(11)

« La maîtrise d’ouvrage escompte que de nouvelles pratiques fondées sur la maquette numérique et le travail collaboratif conduiront aux effets suivants : – meilleure compréhension du projet par les membres du jury grâce à la visualisation de la maquette numérique et de son insertion dans le site ; – meilleure appropriation du projet par la direction gestionnaire et les futurs utilisateurs ; – réduction des avenants de chantier du fait de la détection de conflits en amont, avec pour conséquences une gestion plus sereine et une maîtrise des délais ;

– facilitation de la maintenance ultérieure par une meilleure anticipation des besoins.

La maîtrise d’ouvrage est concernée par la gestion de son patrimoine. À l’issue des travaux, elle souhaite obtenir des informations utiles à l’exploitation des bâtiments à partir des maquettes numériques des bâtiments tels que construits et de la documentation associée. »

Le maître d’ouvrage peut ensuite hiérarchiser ses objec tifs comme les adapter selon l’opération concernée (et la phase de l’opération concernée), en particulier aux termes du cahier des charges BIM de l’opération.

À titre d’illustration, en phase de conception d’un ouvrage, les objectifs BIM du maître d’ouvrage peuvent principalement porter sur la nécessité de vérifier la cohérence entre les différentes composantes de

(8) L. Bidault, « Exiger des outils BIM lors de la passation et l’exé cution d’un marché public », Contrats Publics – Le Moniteur, n° 227, janvier 2022.

(9) Gestion de maintenance assistée par ordinateur.

(10) Exemple issu de L. Bidault, C. Hassine, Guide d’une opération de construction publique en BIM, Éd. du Moniteur, 2021.

(11) Exemple issu de L. Bidault, C. Hassine, Guide d’une opération de construction publique en BIM, Éd. du Moniteur, 2021.

Contrats Publics – 235 - Octobre 2022 20 Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/
de l’opportunité de recourir au processus BIM

Dossier

l’ouvrage, du site et des ouvrages avoisinants ; ou de vérifier la qualité architecturale et paysagère du projet ; voire encore d’assurer une meilleure communication entre les différentes parties prenantes au projet (maî trise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre, élus, riverains) ; et ce via notamment l’utilisation d’outils de modélisation graphique et de représentation numérique de l’ouvrage.

La méthode d’évaluation BIMétric

Sous l’égide du Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA), service interministériel, a été développée une méthode d’évaluation du recours BIM dans une opération et de son opportunité.

Cette méthode vise à apporter des éléments de réponse aux questions suivantes :

Quel est le ratio coût/bénéfice de la mise en place d’une démarche BIM pour une opération donnée ?

– Comment apprécier le degré d’intégration du BIM dans les pratiques d’une opération ?

– Quelle corrélation entre ce degré d’intégration et les niveaux de maturité des intervenants dans le domaine du BIM ?

– Comment comparer une opération dont le processus intègre des pratiques BIM à une opération sans BIM ?

Cette méthode peut donc s’avérer utile pour le maître d’ouvrage qui s’interroge sur l’opportunité de recourir au processus BIM dans ses opérations.

Les usages BIM

Les usages BIM – ou cas d’usage BIM – permettent de décrire factuellement les usages voulus du processus BIM et ils servent « à traduire les objectifs spécifiques ou finalités pour lesquels une démarche BIM sera utili sée, et le processus d’un usage est décrit au travers de plusieurs cas d’usage » (12)

Il s’agit donc pour le maître d’ouvrage de décrire les usages qu’il souhaite du processus BIM, des maquettes numériques et des données et informations associées.

En d’autres termes, les usages BIM sont d’une certaine façon la traduction opérationnelle des objectifs BIM.

Là encore, les usages identifiés par le maître d’ouvrage ne doivent pas être trop génériques mais à l’inverse être définis en fonction de sa structure, son organisation et les spécificités de son patrimoine, son expérience et sa maturité en matière de BIM.

En pratique, les maîtres d’ouvrage – publics comme pri vés – se réfèrent à la liste des usages BIM élaborés par buildingSMART France – Mediaconstruct.

Liste des usages BIM

Définition, analyse et vérification du programme

Analyse du site

Modélisation du site/données existantes

Communication du projet

Revue de projet

Production des livrables

Études analytiques (structure, lumière, performances environnementales, etc.)

Planification 4D et 5D (dimension temps et dimension ressources)

Extraction des quantités et valeurs significatives

Gestion de conflits à partir de maquettes numériques (synthèse géométrique et technique).

Organisation et coordination tous corps d’état pour l’exécution

Systèmes constructifs préfabrication tous corps d’état

Support à la logistique

Analyse des performances effectives de l’ouvrage (et comparaison aux performances simulées)

Opérations préalables à la réception

Consolidation des DOE et DIUO

Gestion des ouvrages et équipements

Gestion des espaces

19. Contrôle de conformité aux exigences réglementaires à partir de la maquette numérique

20. Modélisation de conception

Modélisation des objets

Consultation, mise au point et passation des marchés

Modélisation de la constructibilité des ouvrages.

La définition des objectifs BIM peut être confiée à l’assis tant à maîtrise d’ouvrage BIM ou à tout autre prestataire intellectuel spécialisé, selon le degré de maturité du maître d’ouvrage et son expertise propre en la matière. Comme on le verra, le maître d’ouvrage peut aussi s’ins pirer de ce qui a pu être mis en place par d’autres maîtres d’ouvrage ou encore mettre en œuvre une démarche de sourcing.

Par la suite, ces objectifs ont vocation à être dévelop pés par le maître d’ouvrage aux termes de sa charte BIM et ils doivent ensuite être rappelés, voire affinés, aux termes des documents afférents à chaque opération, et ce afin de prendre en compte les spécificités propres à chacune.

Ces éléments s’avèrent en effet essentiels. Sauf à ce que la charte BIM ait une valeur contractuelle – ce qui n’est en principe pas le cas –, ces objectifs doivent guider le processus BIM jusqu’à répondre aux besoins du maître d’ouvrage.

2020.

Par conséquent, ils doivent être, dans la mesure du pos sible, opposables aux intervenants et cocontractants de ce dernier.

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(12) D. Richard, Le droit du BIM, Lexisnexis,
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Appréciation de l’opportunité de recourir au processus BIM

Rédaction des documents du processus BIM : conseils et recommandations

Dans le cadre du processus BIM, on recense trois documents importants : la charte BIM, le cahier des charges BIM et la convention BIM. Le maître d’ouvrage doit définir précisément ses attentes et ses besoins en matière de BIM dans ces différents documents.

Auteur

Le processus BIM, seulement esquissé par le Code de la commande publique, est aujourd’hui pleine ment intégré dans le droit de la commande publique après la réforme des cahiers des clauses administratives générales (CCAG). Désormais, le CCAG-Travaux (1) et le CCAG-Maîtrise d’œuvre(2) définissent le cahier des charges BIM et la convention BIM, lesquels prennent place dans la liste des pièces contractuelles du marché public, lorsque celui-ci fait intervenir le BIM.

Ces deux documents ont pour objet de préciser, pour une opération donnée (que celle-ci porte sur de la conception, de la construction, de la réhabilitation ou encore de la gestion-exploitation-maintenance (GEM) d’un ouvrage) les attentes du maître d’ouvrage du processus BIM (don nées et informations à collecter, ouvrage à modéliser, objectifs à atteindre…) et les conditions de déroulement du processus (missions et responsabilités des interve nants, prescriptions techniques et fonctionnelles).

Ces documents ont donc une importance essentielle dans le processus BIM, de sorte que le maître d’ouvrage doit s’assurer de leur pleine opposabilité à l’ensemble des intervenants et de la cohérence de l’ensemble de ces documents entre eux mais également vis-vis des pièces "classiques" d’un marché public.

Dans ce schéma contractuel, vient s’ajouter la charte BIM – dont se dotent de plus en plus de maîtres d’ou vrage publics et privés – qui a pour objet de structurer

(1) Arrêté du 30 mars 2021 (NOR : ECOM2106871A), portant appro bation du cahier des clauses administratives générales des mar chés publics de travaux.

(2) Arrêté du 30 mars 2021 (NOR : ECOM2106877A), portant appro bation du cahier des clauses administratives générales des mar chés publics de maîtrise d’œuvre.

Contrats Publics – 235 - Octobre 2022 22 Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/

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