Chapitre II
L’assurance des risques après réception de l’ouvrage
Section I – L’obligation de s’assurer..................................................................................... 199 Section II – L es dérogations à l’obligation d’assurance : dispense ou exemption...................................................................................... 203 Section III – L’obligation d’assurer : le Bureau Central de Tarification (BCT)....... 204 Section IV – La justification de l’assurance......................................................................... 205 Section V – La sanction du défaut d’assurance............................................................... 206 Section VI – Dispositions communes aux assurances de dommages et de responsabilité.............................................................................................. 212
Section I – L’obligation de s’assurer I – L ’obligation de souscrire l’assurance de responsabilité L’obligation d’assurance de responsabilité des acteurs de la construction est inscrite aux articles L. 241-1 et L. 241-2 du Code des assurances (L. n° 78-12, 4 janv. 1978, mod. Ord. n° 2005-658, 8 juin 2005). L’article L. 241-1 du Code des assurances, fait état de l’obligation générale tandis que l’article L. 241-2 du Code des assurances consigne une obligation spécifique aux constructeurs non réalisateurs. Code des assurances Article L. 241-1 Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du Code civil, doit être couverte par une assurance. À l’ouverture de tout chantier, elle doit être en mesure de justifier qu’elle a souscrit un contrat d’assurance la couvrant pour cette responsabilité. Tout contrat d’assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie www.argusdelassurance.com
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La prise en charge des risques : les assurances pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l’obligation d’assurance. Article L. 241-2 Celui qui fait réaliser pour le compte d’autrui des travaux de construction doit être couvert par une assurance de responsabilité garantissant les dommages visés aux articles 1792 et 1792-2 du Code civil et résultant de son fait. Il en est de même lorsque les travaux de construction sont réalisés en vue de la vente.
A – L’obligation générale (art. L. 241-1 C. assur.) Cette obligation s’impose aux constructeurs réalisateurs : La responsabilité qui doit être obligatoirement assurée est, selon le législateur, celle des articles 1792 et suivants du Code civil, ce qui devrait inclure, pour ceux -ci : – l’article 1792-2 : éléments d’équipement relevant de la fonction construction et de la responsabilité décennale ; – l’article 1792-3 : éléments d’équipement relevant de la fonction équipement et de la responsabilité biennale (sous réserve de l’exclusion du nouvel art. 1792-7 C . civ. – ord. n° 2005-658 du 8 juin 2005, art. 1er) ; – l’article 1792-4 : les Epers, pour les fabricants de matériaux et composants ; – l’article 1792-6 : garantie de parfait achèvement de l’entrepreneur. Mais le phrasé employé par le législateur est trompeur. D’une part, l’obligation d’assurance ne s’applique, en réalité, que pour les dommages relevant de la responsabilité décennale des articles 1792 et 2270 ancien du Code civil – nouvel art. 1792-4-1 du Code civil (L. n° 2008-561 du 17 juin 2008). L’article 1792-3 du Code civil ne fait donc pas partie de l’obligation d’assurance mais d’une simple garantie facultative). L’article L. 241-1 du Code des assurances est à rapprocher sous cet angle des clauses-types de l’annexe I de l’article A. 243-1 définissant le champ d’application des contrats d’assurance obligatoires (rédaction du 19 nov. 2009). D’autre part, l’article 1792-6 du Code civil est relatif à la garantie annale de parfait achèvement des travaux due par l’entrepreneur au maître de l’ouvrage, à compter de la réception de l’ouvrage. Il ne s’agit pas, dès lors, d’une présomption de responsabilité mais d’une garantie, ayant pour objet l’exécution même de l’obligation contractuelle de livraison que l’entrepreneur doit au maître de l’ouvrage (art. 1147 C. civ. ou art. 1604 C. civ.). Si bien que les désordres apparents et réservés par le maître de l’ouvrage à la réception des travaux sont, par définition, s’agissant d’un risque d’entreprise, exclus du champ de l’assurance de responsabilité décennale de l’entrepreneur. La garantie obligatoire de l’assurance ne renaît, dans l’année de parfait achèvement des travaux que pour les désordres qui, cachés à la réception de l’ouvrage, dégénèrent en dommages à caractère décennal, retombant ainsi, dans l’orbite des articles 1792 du Code civil et L. 241-1 du Code des assurances. La garantie décennale ne s’applique, en effet, qu’aux désordres ou vices cachés de la construction (Civ. 3e, 29 avr. 1987, Bull. civ. III, n° 124 ; RGAT 1987, p. 435 ; Civ. 3e, 17 juill. 1992, RCA 1992, comm. n° 431 ; Civ. 1re, 3 févr. 1993, RGAT 1993, p. 305 ; RCA 1993, comm. n° 185). On ne doit pas perdre de vue, en outre, que l’achèvement de l’ouvrage n’est pas, selon la jurisprudence, une condition de la réception. Si bien que le maître de l’ouvrage peut exercer contre l’entrepreneur qui a abandonné le chantier avant l’achèvement des travaux, une action en réparation de malfaçons (cachées) fondée sur la garantie décennale, même enfermée à l’intérieur du délai d’un an de l’article 1792-6 du Code civil (V. sur les conditions de la réception : Civ. 3e, 200
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L'assurance des risques après réception de l'ouvrage 12 juill. 1989, Bull. civ. III, n° 161 ; D. 1989, inf. rap., p. 238 ; RDI 1990, p. 83, obs. Malinvaud et Boubli ; RDI 1990, p. 104, obs. Dubois ; Civ. 3e, 9 oct. 1991, Bull. civ. III, n° 230 ; D. 1991, p. 240 ; Civ. 3e, 3 juill. 1991, RGAT 1992, p. 124). L’obligation d’assurance décennale s’est enrichie de la garantie des « ouvrages existants » à l’ouverture de chantier qui « totalement incorporés dans l’ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles » (art. L. 243-1-1 C. assur., ord. n° 2005-658, 8 juin 2005, mod. L. n° 2008-735, 28 juill. 2008).
B – L’obligation spécifique (art. L. 241-2 C. assur.) Elle concerne les constructeurs non réalisateurs (CNR) principalement, le promoteur immobilier de l’article 1831-1 du Code civil et le vendeur d’immeuble à construire de l’article 1646-1 du Code civil : ils sont tenus des mêmes obligations que les intervenants à l’acte de construire. Il faut y ajouter, sans nul doute : – le marchand de biens qui revend le bâtiment après sa rénovation ou sa restructuration lorsque l’une ou l’autre, est assimilable par son importance et son ampleur, à une opération de construction ; – le particulier qui revend après construction, avant l’expiration du délai de garantie décennale de l’article 2270 du Code civil. L’obligation d’assurance ne concerne que les dommages visés aux articles 1792 et 1792-2 du Code civil mais que signifie l’expression « résultant de leur fait », employée par le législateur et à laquelle se raccroche le texte de l’article L. 241-2 du Code des assurances ? On s’interroge toujours sur la portée juridique de cette réserve, du moins au regard de la responsabilité de plein droit que l’article 1792 du Code civil fait peser sur tout constructeur au sens de l’article 1792-1 du Code civil. Il faut, du point de vue de l’objet de l’assurance décennale obligatoire, ajouter aux articles 1792 et 1792-2 du Code civil, le nouvel article L. 243-1-1 du Code des assurances relatif aux ouvrages existants incorporés à l’ouvrage neuf.
C – L’énumération des constructeurs assujettis à l’obligation d’assurance Le législateur, en désignant les acteurs responsables de la fonction « construction » dans l’article 1792-1 du Code civil a, par la même, énuméré les assujettis à l’obligation d ‘assurance obligatoire. Le contrôleur technique y occupe une place à part qui ont mérité quelques explications qui nous viennent autant du législateur que de la jurisprudence (V. supra p. 47). On a vu, en outre, surgir de nouvelles catégories de techniciens, qu’on a tenté, en les appréhendant comme des constructeurs, de faire basculer, dans l’obligation d’assurance obligatoire, mais sans succès à ce jour au moins devant les juridictions administratives : ainsi en est-il des personnes chargées de « missions géotechniques » : CAA Lyon, 7 oct. 2010, n° 07LYO1210, RGDA 2011, p. 786, note J. Roussel (V. supra p. 31). www.argusdelassurance.com
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La prise en charge des risques : les assurances
II – L’obligation de souscrire l’assurance dommages-ouvrage A – L’obligation d’assurance figure aux articles L. 242-1 et L. 242-2 du Code des assurances Code des assurances Article L. 242-1, al. 1 Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l’ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l’ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l’article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l’article 1792 du Code civil. Article L. 242-2 Dans les cas prévus par les articles 1831-1 à 1831-5 du Code civil relatifs au contrat de promotion immobilière, ainsi que par les articles L. 222-1 à L. 222-5 du Code de la construction et de l’habitation les obligations définies aux articles L. 241-2 et L. 242-1 incombent au promoteur immobilier.
B – Les personnes assujetties Le maître d’œuvre (architecte ou autre) ne figure pas parmi les personnes tenues de souscrire l’assurance DO faute d’être, sauf convention contraire, le mandataire du maître d’ouvrage (CA Agen, 10 mai 2006, L’Argus 2006, n° 6998, p. 46). En revanche, le syndic de copropriété, considéré comme le mandataire du propriétaire d’ouvrage, a l’obligation de souscrire une assurance dommages-ouvrage pour les travaux de bâtiment (de construction) portant sur les parties communes , sinon il engage sa responsabilité quasi-délictuelle à l’égard des copropriétaires (Civ. 3e, 25 janv. 1994, n° 92-16.203, JurisData n° 1994000620). ... Sur le moyen unique, qui est recevable : Vu l’article 1382 du Code civil ; Attendu, selon l’arrêt attaqué (Besançon, 31 mars 1992), que l’assemblée générale des copropriétaires a décidé, le 9 mai 1979, de faire exécuter des travaux sur l’immeuble par M. B…, entrepreneur, sans que le syndic, la société Gestrim, propose la souscription d’une assurance «dommage-ouvrage» ; que des désordres étant apparus après réception et l’assureur de l’entrepreneur ayant refusé sa garantie pour non-paiement des primes, plusieurs copropriétaires ont assigné le syndic en responsabilité ; Attendu que, pour rejeter cette demande, l’arrêt, qui relève que la faute commise par la société Gestrim, en 1979, est caractérisée par le défaut de souscription d’une assurance « dommage-ouvrage », retient que cette faute constitue une négligence du syndic dans l’exercice de ses fonctions, mais non une faute détachable, personnelle et extérieure à la fonction ; Qu’en statuant ainsi, alors que le syndic, investi du pouvoir d’administrer et de conserver l’immeuble en copropriété, ainsi que de sauvegarder les droits afférents à l’immeuble, est responsable à l’égard de chaque copropriétaire, sur le fondement quasidélictuel, des fautes commises dans l’accomplissement de sa mission, la cour d’appel a violé le texte susvisé... Civ. 3e, 25 janvier 1994, n° 92-16.203 202
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L'assurance des risques après réception de l'ouvrage Le « castor », malgré le fait qu’il ne conclut pas de contrat de louage est assujetti à l’obligation d’assurance de dommages (V. décision du BCT du 1er avr. 1988, RDI 1988, 398, obs. Legay) et de responsabilité lorsqu’il est vendeur de son immeuble.
Section II – L es dérogations à l’obligation d’assurance : dispense ou exemption I – L es dispenses concernant les personnes A – L’État L’État est un acteur à part. L’article L. 243-1 du Code des assurances (L. n° 78-12, 4 janv. 1978, mod. L. n° 89-1014, 31 déc. 1989) le dispense des obligations d’assurance de responsabilité et de dommages-ouvrage, lorsqu’il construit pour son compte, conformément au principe selon lequel l’État est son propre assureur (V. F. Vincent, Droit public et assurance, RGAT 1991, p. 241).
B – Les personnes morales de droit public et de droit privé relevant des grands risques L’obligation d’assurance de dommages-ouvrage de l’alinéa 1 de l’article L. 242-1 du Code des assurances ne s’applique « ni aux personnes morales de droit public ni aux personnes morales exerçant une activité dont l’importance dépasse les seuils mentionnés au dernier alinéa de l’article L. 111-6 du C. assur., lorsque ces personnes font réaliser pour leur compte des travaux de construction pour un usage autre que l’habitation » (art. L. 242-1 al. 2 C. assur.). L’article L. 111-6 Code des assurances définit la nature des grands risques et renvoie pour les seuils d’importance à l’article R. 111-1 Code des assurances (V. pour la rédaction antérieure de l’art. L. 242-1 Code des assurances : G. Durry, L’autorité compétente pour accorder une dérogation à l’obligation d’assurance de dommages : RDI 1986, p. 224 ; D. n° 86-551, 14 mars 1986 (JO 18 mars 1986).
II – Les dérogations concernant les ouvrages et équipements L’ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 a créé, pour les marchés ou contrats conclus après le 9 juin 2005, un nouvel article L. 243-1-1 commun aux assurances de responsabilité et de dommages. Article L. 243-1-1 du Code des assurances I. – Ne sont pas soumis aux obligations d’assurance édictées par les articles L. 241-1, L. 241-2, et L. 242-1 les ouvrages maritimes, lacustres, fluviaux, les ouvrages d’infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, héliportuaires, ferroviaires, les ouvrages de traitement de résidus urbains, de déchets industriels et d’effluents, ainsi que les éléments d’équipement de l’un ou l’autre de ces ouvrages. Les voiries, les ouvrages piétonniers, les parcs de stationnement, les réseaux divers, les canalisations, les lignes ou câbles et leurs supports, les ouvrages de transport, de production, de stockage et de distribution d’énergie, les ouvrages de télécommunications, les ouvrages sportifs non couverts, ainsi que leurs éléments d’équipement, sont également exclus des obligations d’assurance mentionnées au premier alinéa, sauf si www.argusdelassurance.com
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La prise en charge des risques : les assurances l’ouvrage ou l’élément d’équipement est accessoire à un ouvrage soumis à ces obligations d’assurance. II. – Ces obligations d’assurance ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l’ouverture du chantier, à l’exception de ceux qui, totalement incorporés dans l’ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles. Ce texte énumère de façon limitative les ouvrages et équipements – VRD et génie civil – non soumis aux obligations d’assurance. Il opère une distinction entre les ouvrages qui ne sont soumis à aucune assurance obligatoire (al. 1) et les ouvrages soumis aux obligations d’assurance seulement lorsqu’ils sont l’accessoire d’un ouvrage devant être assuré (al. 2). Selon la note de présentation de l’ordonnance n° 2005-658, la notion d’accessoire se rapporte à celle d’unité foncière sur laquelle est construit l’ouvrage principal, à l’exclusion des VRD réalisés dans le cadre global des opérations d’aménagement. S’agissant des existants, le nouveau régime pose le principe (al. 2) selon lequel les existants ne sont pas soumis aux obligations d’assurance, à l’exception de ceux totalement incorporés dans l’ouvrage neuf et techniquement indivisible.
Section III – L ’obligation d’assurer : le Bureau Central de Tarification (BCT) L’assurance obligatoire de la construction ne dispose pas, à son chevet, d’un fonds de garantie, pour la raison simple qu’il pèse une obligation d’assurance de dommages sur la personne de la victime, maître de l’ouvrage ou acquéreur, qui n’a donc qu’à s’en prendre à elle-même, si elle se heurte à l’absence d’assurance ou l’insolvabilité du constructeur. Il est clair, en revanche, que l’obligation d’assurance impose, du moins pour les assureurs qui exercent cette branche d’activité, l’obligation d’assurer. C’est pourquoi, le législateur a créé, par l’article L. 243-4 du Code des assurances le Bureau central de tarification. Article L. 243-4 du Code des assurances Toute personne assujettie à l’obligation de s’assurer qui, ayant sollicité la souscription d’un contrat auprès d’une entreprise d’assurance dont les statuts n’interdisent pas la prise en charge du risque en cause en raison de sa nature, se voit opposer un refus, peut saisir un bureau central de tarification dont les conditions de constitution et les règles de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d’État. Le bureau central de tarification a pour rôle exclusif de fixer le montant de la prime moyennant laquelle l’entreprise d’assurance intéressée est tenue de garantir le risque qui lui a été proposé. Il peut déterminer le montant d’une franchise qui reste à la charge de l’assuré. Le BCT de la construction, n’est depuis le 1er janvier 1993 (Décr. 27 nov. 1992), qu’une subdivision du Bureau central de tarification unifié et réglementé par les articles R. 250-1 et suivants du Code des assurances. Le BCT de la construction est, non seulement maître de la tarification, mais il statue également sur sa propre compétence, en contrôlant, pour les personnes qui s’estiment assujetties, le principe et l’étendue de l’obligation d’assurance. Il n’est cependant pas une juridiction mais une autorité administrative indépendante, dont les décisions, si elles font grief, restent sous le contrôle du Conseil d’État, juge de l’excès de pouvoir. Le Conseil d’État statuant au contentieux (CE, 19 janv. 1998, « Grand Littoral », RDI 98 118, obs. G. Leguay) a annulé pour excès de pouvoir une décision dans laquelle le BCT s’était déclaré incompétent pour statuer sur une demande de tarification d’un risque décennal de construction 204
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L'assurance des risques après réception de l'ouvrage présentée par une société en nom collectif et une société civile immobilière aux motifs « qu’elle n’avait été formulée qu’après l’engagement des travaux (en contravention avec l’art. L. 241-1 al. 2 C. assur.) et que la nature du terrain sur lequel les ouvrages devaient être édifiés ainsi que les méthodes de construction envisagées, rendaient quasi-certain le risque d’engager la responsabilité décennale des constructeurs » (V. annexe I, recueil de décisions 1991-1997, éd. FLDJ Documentation juridique). Le Conseil d’État relève, à cet égard que « le seul fait de l’engagement des travaux ne rend pas certaine la survenance d’un dommage, ni impossible l’évaluation de l’aléa ». La doctrine relative au BCT de la construction est par ailleurs de s’incliner, pour l’avenir, devant les solutions solidement établies devant les juridictions étatiques, judiciaire ou administrative, de manière à ne pas créer une rupture de jurisprudence, qui risquerait d’être préjudiciable aux assujettis à l’obligation d’assurance (V. la Préface de George Durry, Président du BCT, in Recueil de décisions 1991-1997, éd. FLDJ, Documentation Juridique). Le refus d’assurance après avis du BCT est sanctionné par l’article L. 243-6 du Code des assurances. De son côté le réassureur est lié par l’article L. 243-5 du Code des assurances. Article L. 243-6 du Code des assurances Toute entreprise d’assurance qui maintient son refus de garantir un risque dont la prime a été fixée par le bureau central de tarification est considérée comme ne fonctionnant plus conformément à la réglementation en vigueur et encourt le retrait de l’agrément administratif prévu par l’article L. 321-1 du présent code.
Section IV – La justification de l’assurance La justification de l’assurance est réglée par les dispositions des articles L. 243-2 et R. 243 2 du Code des assurances dont les dispositions sont communes aux assurances de responsabilité et de dommages. Les attestations d’assurances pour les architectes doivent être conformes à un modèle type (arrêté 15 juill. 2003, RDI 2003, p. 544). Code des assurances Article L. 243-2 Les personnes soumises aux obligations prévues par les articles L. 241-1 à L. 242-1 du présent code doivent être en mesure de justifier qu’elles ont satisfait aux dites obligations. Lorsqu’un acte intervenant avant l’expiration du délai de dix ans prévu à l’article 2270 du Code civil a pour effet de transférer la propriété ou la jouissance du bien, quelle que soit la nature du contrat destiné à conférer ces droits, à l’exception toutefois des baux à loyer, mention doit être faite dans le corps de l’acte ou en annexe de l’existence ou de l’absence d’assurance. Article R. 243-2 Les justifications prévues à l’article L. 243-2, doivent être apportées, lors de la déclaration d’ouverture du chantier, à l’autorité compétente pour recevoir cette déclaration. En outre, pendant l’exécution des travaux, le maître de l’ouvrage peut demander à tout intervenant à l’acte de construire de justifier qu’il satisfait aux obligations prévues par les articles L. 241-1 et L. 241-2. La justification de l’assurance prend normalement la forme d’une attestation d’assurance (il appartient à l’assureur de fournir dans l’attestation les informations précises sur le secteur d’activité professionnelle déclaré par l’assuré, dont le dépassement peut entraîner la non assurance (Civ. 3e, 29 mars 2006, L’Argus D.J. 26 mai 2006, obs. G. Defrance, RCA 2006.206, obs. H. Groutel), la quittance de la prime est également admise par la jurisprudence (Civ. 1re, 7 oct. 1997, RGAT 1992, p. 859, obs. F. Vincent). Les personnes sur qui repose l’obligation d’assurance doivent www.argusdelassurance.com
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La prise en charge des risques : les assurances pouvoir présenter cette justification, à tout moment, aussi bien lors de la déclaration d’ouverture de chantier (DROC) que pendant l’exécution des travaux. Il est exigé de certains professionnels qu’ils vérifient l’existence de l’assurance, dans la mesure où celle-ci est obligatoire (administrateur de bien, notaire, promoteur, maître d’œuvre, mandataire).
Section V – La sanction du défaut d’assurance Article L. 243-3 du Code des assurances Quiconque contrevient aux dispositions des articles L. 241-1 à L. 242-1 du présent code sera puni d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 75 000 euros ou de l’une de ces deux peines seulement. Les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas à la personne physique construisant un logement pour l’occuper elle-même ou le faire occuper par son conjoint, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint.
I – Sanction pénale Les pénalités sont énoncées à l’article L. 243 3 du Code des assurances. Le défaut d’assurance obligatoire est sanctionné au plan pénal et oblige le contrevenant (ex. : gérant de SCI, Crim., 4 nov. 1986, D. 1987, IR, 71), syndic de copropriété (CA Paris, 25 mars 1988, D. 1987, IR. 1) à réparer les désordres qu’aurait dû prendre en charge l’assurance. La partie civile peut demander l’allocation de dommages et intérêts valant réparation des désordres devant les juridictions pénales (C. pr. pén. art. 5).
II – Sanction civile A – Le défaut de souscription de l’assurance de responsabilité 1° Responsabilité du constructeur L’entrepreneur qui ne produit pas l’attestation d’assurance au maître de l’ouvrage ou qui ne satisfait pas à l’obligation d’assurance est exposé à plusieurs sanctions civiles. Elles s’échelonnent de l’injonction du juge des référés, pour la remise de l’attestation (Civ. 3e, 4 janv. 1991, Bull. civ. I, n° 6 ; RDI 1991, p. 243 ; RCA 1991, comm. n° 120) jusqu’à une retenue de garantie, par le maître de l’ouvrage sur le solde des travaux (Civ. 3e, 17 févr. 1981, RDI 1982, p. 114, obs. G. Durry), ou une action en responsabilité civile, pour l’avoir privé de la sécurité que lui aurait procurée l’assurance en cas de sinistre, d’où une perte de chance, réelle et sérieuse, d’être indemnisé, justifiant, à ce titre, l’allocation de dommages-intérêts. La Troisième chambre civile de la Cour de cassation a même été jusqu’à dépasser le stade de la perte de chance, pour admettre, dans cette hypothèse, l’existence d’un préjudice certain subi par le maître de l’ouvrage, constitué, en l’espèce, par la prime d’assurance qu’il a acquittée, en souscrivant a posteriori, une assurance de responsabilité pour le compte du constructeur de maison individuelle (Civ. 3e, 23 nov. 2005, D. 2005 IR 3032, L’Argus D.J. 23 déc 2005, p. 3, obs G. Defrance, RCA 2006 p. 70, obs. H. Groutel, RDI 2006 p. 34 obs. P. Dessuet, RGDA 2006, p. 140, note M. Périer « L’absence de souscription d’une assurance obligatoire de responsabilité décen206
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L'assurance des risques après réception de l'ouvrage nale par les entrepreneurs prive dés l’ouverture du chantier, le maître de l’ouvrage de la sécurité procurée par l’assurance en prévision de sinistre et constitue, pour lui, un préjudice certain »). L’espèce révèle, toutefois, que le maître de l’ouvrage ne disposait pas, de son côté, d’une assurance de dommages-ouvrage, si bien qu’on peut se dire que la prétention du maître de l’ouvrage n’avait, en définitive, d’autre but que de mettre au passif de l’entrepreneur, la charge d’une assurance dommages ouvrage, dont il s’est lui-même dispensé, en dépit de l’obligation d’assurance. Il a été jugé, par ailleurs, que le gérant d’une SARL qui ne souscrit pas, au nom de l’entreprise, l’assurance de responsabilité décennale obligatoire commet un délit qui engage, à titre personnel, sa responsabilité civile à l’égard des tiers auxquels l’infraction a porté préjudice, peu important que le délit dont le gérant s’est rendu coupable ait été commis ou non dans le cadre de ses fonctions (Crim., 7 sept. 2004, RGDA 2005, p. 162, note J.-P. Karila). Le locateur d’ouvrage, reste, enfin, son propre assureur, lorsque par sa faute, l’assurance de responsabilité qu’il a souscrite, se révèle, partiellement ou totalement, inefficace à l’égard des tiers lésés. Par exemple en cas de nullité de l’assurance (art. L. 113-8 C. assur.) ou de réduction proportionnelle de l’indemnité (L. 113-9 C. assur.) ; mais il ne s’agit pas là d’une sanction spécifique à l’assurance construction. Le défaut d’assurance DO du maître d’ouvrage n’engage pas la responsabilité civile du maître d’œuvre qui n’est pas son mandataire (CA Agen, 10 mai 2006, L’Argus 2006, n° 6998, p. 46). On signalera, enfin que du point de vue de la responsabilité civile de l’assureur, un arrêt a refusé d’admettre l’existence d’un mandat apparent, en cas de présentation par le constructeur de maisons de documents d’assurance falsifiés, laissant croire qu’il était le mandataire de la compagnie d’assurances (CA Pau, 1er oct. 2001, JCP G, 2002.IV.1607 au visa de l’article L. 511-1 C. assur.).
2° Responsabilité du maître de l’ouvrage Le maître d’ouvrage encourt-il, pour absence de contrôle de l’assurance professionnelle des constructeurs, d’une part, une responsabilité civile à l’égard de l’un des constructeurs, privé par sa faute d’un recours en contribution contre un assureur solvable, d’autre part, une sanction contractuelle à l’égard de son assureur de dommages ?
a) Responsabilité civile quasi-délictuelle à l’égard des constructeurs Le maître de l’ouvrage qui omet d’exiger la preuve de la couverture de garantie décennale due par l’un des constructeurs, commet-il une abstention fautive, au visa de 1383 du Code civil, à l’égard d’un autre constructeur, tenu in solidum de la dette de réparation (ou son assureur subrogé dans ses droits), privé de tout recours contre le coresponsable, insolvable ou tombé en faillite ? La Cour de cassation, saisie de cette question, a déclaré que « le maître de l’ouvrage ne commet pas de faute en ne s’assurant pas que les entrepreneurs choisis par lui disposent de la couverture de la garantie décennale due par eux » (Civ. 3e, 12 janv. 2000, RGDA 2000, p. 541, note H. Périnet-Marquet ; RCA 2000, comm. n° 107 ; JCP G, 2000.IV.1433).
b) Sanction contractuelle à l’égard de son propre assureur de dommages L’assuré s’engage, selon les clauses-types de l’assurance dommages ouvrage (annexe II, art. A. 243-1 C. assur., A. – Obligations de l’assuré – 2°, a) : « à fournir, à l’assureur, sur sa demande, la preuve de l’existence des contrats d’assurance de responsabilité professionnelle souscrits tant par lui-même que par les réalisateurs et le contrôleur technique ». L’obligation, lorsqu’elle est prévue contractuellement entre les parties, s’adresse au maître de l’ouvrage, y compris pour son propre compte, lorsqu’il est constructeur non réalisateur (vendeur d’immeuble ou promoteur immobilier ou autre). www.argusdelassurance.com
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La prise en charge des risques : les assurances Quelle sanction encourt le maître de l’ouvrage, en cas d’inexécution de cette obligation ? Le législateur n’a pas assorti d’une sanction légale l’inexécution par l’assuré de cette obligation. L’assureur, de son côté, ne prévoit pas, en général, de sanction contractuelle spécifique contre le souscripteur qui ne donne pas suite à cette exigence. La raison en est simple : ou le souscripteur produit les attestations d’assurance à la souscription du risque ; ou il ne les produit pas et dans ce cas, il est passible d’une majoration de tarif, en général assez dissuasive. La majoration de tarif porte, parfois, la prime du simple au double. Il s’agit là d’une pratique tarifaire que la loi n’interdit pas, du fait du principe de la liberté contractuelle, que consacre la 3e directive européenne non-vie n° 92/49, non soumise, par ailleurs, à la législation sur les clauses abusives (art. L. 132-1, C. consom.). Cette pratique est spéciale à l’assurance de dommages construction où elle a été généralisée par les assureurs et recueillie, au surplus, par le Bureau central de tarification, statuant en matière de travaux de bâtiment (V. par ex. avis n° 17 / 98 in Recueil de décisions 1998-2000, p. 39, éd. FLDJ Documentation Juridique). On ne retrouve pas, ainsi, cette pratique tarifaire en assurance de biens « incendie » et « dégât des eaux » vis-à-vis du propriétaire du bien immobilier, malgré l’obligation d’assurance RC « risques locatifs » qui pèse sur le locataire, en matière de bail d’habitation (L. n° 89-462 du 6 juill. 1989, art. 7). La majoration doit, en principe, être portée à la connaissance du souscripteur et figurer sur la « fiche d’information sur le prix et les garanties », que l’assureur est obligé de lui fournir en période précontractuelle en vertu de l’article L. 112-2 al. 1 du C. assur. Il s’est trouvé, cependant, un litige où la Cour de cassation a cru devoir entrouvrir la porte des articles L. 113-4 et L. 113-9 du Code des assurances au profit de l’assureur, en considérant que « l’absence de communication des attestations d’assurance de responsabilité des constructeurs, en cours de contrat, constituait l’aggravation du risque dénoncée par la compagnie d’assurances de dommages ouvrage » (Civ. 2e, 6 oct. 2004, RGDA 2005, p. 152, note critique Michel Périer). Il n’est pas douteux que l’assureur dommages ouvrage ne veuille pas et ne doive pas être privé de la sécurité que lui procure l’assurance de responsabilité des constructeurs pour l’exercice de son recours subrogatoire (V. pour l’obligation pour l’entrepreneur de fournir, au maître de l’ouvrage, l’attestation réclamée : Civ., 4 janv. 1991, RCA 1991, comm. 120 et chron. n° 7, H. Groutel, ibid). Mais il doit s’organiser en conséquence dans ses pourparlers avec l’assuré à la souscription du risque. Nous estimons, en toute hypothèse, que la sanction de droit commun des articles L. 113-4 et L. 113-9 du Code des assurances en cas de manquement de l’assuré à son obligation, est inadaptée à la situation parce qu’il s’agit au stade de la souscription, non d’une aggravation objective du risque, mais d’une aggravation subjective qui, en réalité, ne se réalise pas dans « l’absence de communication des attestations d’assurances » (laquelle n’a de sens, par ailleurs, que si tous les constructeurs de l’article 1792-1 du Code civil se sont soustraits à l’obligation d’assurance), ni même dans l’inexistence de cette assurance, mais dans l’insolvabilité purement hypothétique de chacun d’entre eux dès lors qu’ils sont tenus d’une responsabilité de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage (art. 1792 et s. C. civ.). Insolvabilité, totale ou partielle qui paralyserait, dans la même mesure, l’action subrogatoire de l’assureur dommages ouvrage. L’aggravation de risque n’est jusqu’à la constatation de l’insolvabilité des constructeurs, que virtuelle et nous semble impuissante à ce titre, à déclencher, pour l’assureur dommages ouvrage, le jeu de l’article L. 113-9 du Code des assurances. Elle se résout, à ce stade, ce qui dissipe l’illusion que la sanction demeure dans l’article L. 113-9 du Code des assurances en une perte de chance pour l’assureur dommages ouvrage, de récupérer le préfinancement des travaux de réparation. Mais la jurisprudence se révèle, sous cet angle, assez affligeante pour lui dès lors qu’elle décide, au visa de l’article 1383 du Code civil, que « ne caractérise pas la faute (ou la négligence fautive) du maître de l’ouvrage, la Cour d’appel qui reproche à celui-ci de n’avoir pas exigé d’un constructeur (entre-temps tombé en règlement judiciaire) qu’il dispose de la couverture de 208
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L'assurance des risques après réception de l'ouvrage la garantie décennale » (Civ. 3e, 12 janv. 2000, RCA 2000, comm. 107, RGAT 1989, p. 605 note J. Bigot ; Defrenois 1989, p. 765 note Aubert). L’assureur ne devrait-il pas, en définitive, au lieu de faire appel aux articles L. 113-4 et L. 113-9 du Code des assurances qui semblent, en l’espèce, sortir de leur rôle, envisager une clause lui ouvrant la faculté de réclamer à l’assuré une indemnité proportionnée au préjudice que lui cause le manquement à ses obligations contractuelles ? Mais vu le caractère exceptionnel de l’hypothèse traitée, la doctrine de la Cour de cassation a été conduite à faire beaucoup de bruit pour rien.
3° Responsabilité du notaire Le notaire est tenu, en tant que rédacteur de l’acte de vente d’un bâtiment, de prendre toutes les dispositions utiles pour en assurer l’efficacité, notamment en ce qui concerne la protection des parties à l’acte. Il a, ainsi l’obligation, aux termes de l’article L. 243-2 al. 2 du Code des assurances de vérifier, au bénéfice des acquéreurs, l’exactitude des déclarations du vendeur, concernant la souscription des assurances de responsabilité visées aux articles L. 241-1 et suivants du Code civil (Civ. 1re, 7 févr. 1989, RCA 1989, comm. n° 209, SCI, venderesse à l’égard du syndicat des copropriétaires ; CA Versailles, 24 avr. 1989, JCP G 1991.II.21648).
B – Le défaut de souscription de l’assurance de dommages 1° Responsabilité du vendeur d’immeuble à construire ou promoteur Il n’est pas douteux que le constructeur non réalisateur (vendeur d’immeuble à construire ou promoteur immobilier), qui ne souscrit pas une assurance de dommages pour le compte du maître de l’ouvrage ou de l’acquéreur, commet une faute, à l’égard de l’un ou de l’autre. Mais le préjudice, si l’omission d’assurance est constatée avant tout sinistre, est incertain. Il ne se réalise, en fait, que si le maître de l’ouvrage ou l’acquéreur ne trouve pas d’assureur ou se trouve dans l’obligation, a posteriori, de payer une surprime d’assurance. Il aurait dû supporter en tout état de cause, le prix normal de l’assurance de dommages, incorporé dans le coût de la construction. Si, en revanche, l’omission est constatée après sinistre, le préjudice s’analyse, en principe, en « une perte de chance » d’être indemnisé, par les constructeurs et leur assureur de responsabilité décennale. La situation est la même, par analogie, en cas d’inefficacité, totale ou partielle, de l’assurance de dommages, résultant de la faute du vendeur ou du promoteur (par ex. en vertu des articles L. 113-8 ou L. 113-9 C. assur.). Le maître de l’ouvrage ou l’acquéreur lésé, semble disposer, en outre, en vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation, d’une action en responsabilité civile, à titre personnel, contre le dirigeant social d’une personne morale qui a failli à son devoir, en s’abstenant de souscrire l’assurance de dommages (Crim., 7 sept. 2004, RGDA 2005, p. 162, note J.-P. Karila). Il existe sans doute d’autres hypothèses où la non-souscription de l’assurance de dommages, par le vendeur d’immeuble, peut être à l’origine d’une action de l’acquéreur. Non plus pour des désordres, mais au plan même de la validité de la vente de l’ouvrage. Il est douteux qu’elle puisse, en l’absence de clause contraire, servir de fondement à une action en résolution de la vente par l’acquéreur, pour vice de consentement ou erreur substantielle, au sens des articles 1109 et suivants ou 1641 et suivants du Code civil, d’autant plus que le mal n’est pas irréparable, du moins avant la survenance d’un sinistre. L’hypothèse, reste, au surplus, d’école, en raison du devoir de contrôle qui incombe au notaire chargé d’instrumenter la vente de l’immeuble. On dispose, néanmoins, d’un exemple de cet ordre qui s’est élevé jusqu’à la Cour de cassation où était en cause non une vente d’immeuble, mais la cession, par son preneur, d’un bail à construcwww.argusdelassurance.com
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La prise en charge des risques : les assurances tion au profit d’un tiers. La nullité de la cession a été rejetée, au motif qu’ « en l’absence de dispositions contraires en ce sens dans les documents de la vente, l’existence d’une assurance ne peut être considérée comme un élément substantiel de la cession, et son absence ne peut donc entraîner la nullité de celle-ci » (Civ. 3e, 15 déc. 1999, RGDA 2000, p. 110, note H. PérinetMarquet).
2° Responsabilité du maître de l’ouvrage Le maître de l’ouvrage qui a omis de souscrire une assurance obligatoire de dommages, destinée à pré-financer dans l’urgence les travaux de réparation nécessaires à la remise en état de l’ouvrage, commet-il une faute susceptible d’engager, au visa de l’article 1382 du Code civil, sa responsabilité quasi-délictuelle à l’égard des locateurs d’ouvrage ou autres constructeurs (ou leur assureur subrogé) pour avoir alourdi, par suite du retard à réparer les dommages, leur propre dette de réparation ? La jurisprudence refuse de sanctionner, à l’égard des assureurs de responsabilité des constructeurs (mais jusqu’à quand ?) le défaut de souscription, par le maître de l’ouvrage, de l’assurance obligatoire de dommages-ouvrage, pas plus qu’elle ne sanctionne son absence de mise en œuvre ou sa mise en œuvre tardive (Civ. 3e, 11 oct. 1995, RGAT 1996, p. 136, note critique J. Bigot), même si l’absence de préfinancement des travaux est à l’origine d’une aggravation des dommages matériels ou immatériels dont ils doivent répondre. La Cour de cassation justifie son refus par le fait que « le défaut de souscription de l’assurance obligatoire dommages-ouvrage par le maître de l’ouvrage n’est, en lui-même, ni une cause de désordres ni une cause exonératoire de la responsabilité de plein droit mise à la charge du locateur d’ouvrage par l’article 1792 du Code civil » (Civ. 3e, 23 avr. 1992, Bull. civ. III, n° 134 ; D. 1992, inf. rap., p. 189 ; Civ. 3e, 30 mars 1994, Bull. civ. III, n° 67, p. 40 ; RCA 1994, comm. n° 360, obs. critiques G. Courtieu in Double langage sur la finalité de l’assurance dommagesouvrage, ibid. chron. n° 32 ; RGAT 1994, p. 580, note J.-P. Karila). Il est vrai qu’exprimée sous l’angle du lien de causalité la solution est exacte, mais elle néglige une forme « de participation ou d’acceptation de risque » du maître de l’ouvrage, pouvant être à l’origine, par l’absence de préfinancement des dommages, d’une aggravation de préjudice à la charge du constructeur. On relève, d’ailleurs, sous cet aspect, un arrêt de la Troisième chambre civile ayant imputé à faute du maître de l’ouvrage des retards de réparation dus à l’absence d’assurance de dommagesouvrage (Civ. 3e, 4 juin 1997, RDI 1997, p. 601 ; V. aussi, CA Rouen, 9 oct. 1990, RGAT 1991, p. 599, note J. Bigot. L’arrêt considère que l’absence d’assurance dommages ouvrage est de nature à justifier le refus d’indemnisation de certains préjudices annexes, liés au retard de réparation). La question est-elle susceptible de rebondir, malgré la résistance que lui oppose la Cour de cassation ? Un revirement de jurisprudence ne nous semble pas à exclure, ne serait-ce que pour enrayer, chez les particuliers, le phénomène de sous assurance qu’on peut actuellement constater en matière de dommages-ouvrage. Le défaut de souscription de l’assurance dommages ouvrage, par l’assujetti à l’obligation, est à rapprocher de l’hypothèse où l’assurance n’est pas mise en œuvre, simplement par la volonté du maître de l’ouvrage, ou n’est pas exécutée par suite de la défaillance de l’assureur.
C – Le défaut de mise en œuvre de l’assurance dommages-ouvrage La jurisprudence admet que le maître de l’ouvrage est en droit, abstraction faite de l’assurance dommages-ouvrage, de poursuivre directement les constructeurs (TGI Dunkerque, 16 nov. 1983, RGAT 1985, p. 90, obs. J. Bigot ; en ce sens, Réponse ministérielle, JO Sénat, 16 mai 1985). 210
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L'assurance des risques après réception de l'ouvrage Qu’ainsi, il n’est pas obligé de solliciter la garantie de l’assureur dommages-ouvrage avant de mettre en cause les locateurs d’ouvrage et leurs assureurs RC (Civ. 3e, 29 mars 2000, RGDA 2000, p. 556, obs. H. Périnet-Marquet ; Civ. 2e, 11 oct. 2001, RDI 2002, p. 127). La Cour de cassation, a consolidé cette jurisprudence par deux nouvelles décisions relatives, l’une au défaut de mise en œuvre de l’assurance par le maître de l’ouvrage, l’autre à l’inexécution du contrat par l’assureur.
1° Défaut de mise en œuvre de l’assurance « Le grief adressé aux bénéficiaires de la police dommages-ouvrage au motif de la non utilisation de l’assurance dommages-ouvrage n’a pas pour effet d’exonérer les constructeurs de leur responsabilité légale » (Civ. 3e, 1er mars 2006, Cabinet Alliaume et autres c/ SNC 231, rue Lecourbe et autres, L’Argus 2006, DJ n° 6972, p. 7 ; RCA 2006, comm. n° 171, note G. Courtieu).
2° Mise en œuvre défectueuse de l’assurance L’assureur dommages-ouvrage qui ne satisfait pas ou tardivement, à son obligation de préfinancer les travaux de réparation, en vertu des dispositions légales mises à sa charge par l’article L. 242-1 du Code des assurances et les clauses-types (annexe II, art. A. 243-1 C. assur.), n’exécute pas son contrat d’assurance et commet, dès lors une faute contractuelle (art. 1147 C. civ.) à l’égard du maître de l’ouvrage ou de l’acquéreur. D’où une première question : la faute, consistant dans l’inexécution d’une convention par l’un des cocontractants, peut-elle se résoudre en faute délictuelle à l’égard des tiers étrangers au contrat (penitus extranei) en vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil lorsqu’elle leur cause, par ricochet, un préjudice ? Suivie d’une autre : l’effet relatif des conventions que consacre l’article 1165 du Code civil, le permet-il ? La jurisprudence répond à ces deux questions en disant que l’article 1165 du Code civil n’interdit pas aux tiers d’invoquer, en droit commun, la situation de fait crée par les contrats auxquels ils n’ont pas été parties (Com., 1er avr. 1965, Bull. civ. IV, n° 252, p. 226) et de se prévaloir, ainsi, de leur exécution défectueuse par l’un des cocontractants lorsqu’elle leur a causé un dommage (V. en dernier lieu : Cass. Ass. plén., 6 oct. 2006, Gaz. Pal., 7 nov. 2006, pan., p. 31 : « Le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement leur a causé un dommage » ; Civ. 1re, 21 nov. 1978, JCP G, 1979 II 19033, note R. Savatier ; Com., 17 févr. 1981, JCP G, 1981 IV 157 ; Civ. 1re, 15 déc. 1998, Bull. civ. I, n° 368, p. 253 ; RCA 1999, comm. n° 60 ; Defrénois 1999, p. 745, obs. D. Mazeaud ; Civ. 1re, 18 juill. 2000, Bull. civ. I, n° 221, p. 144 ; RCA 2000, comm. n° 372 ; JCP G, 2000 II 10415, rapport Sargos ; Civ. 1re, 13 févr. 2001, Bull. civ. I, n° 35, p. 21 ; JCP G, 2001 I 338, n° 10, obs. G. Viney ; V. aussi, Leturmy, La responsabilité contractuelle du contractant : RTD civ., 1998, p. 839. Tchendjou : Gaz. Pal. 2000 ; 1. doctr. 614 (La faute extra-contractuelle). Un arrêt de la Cour de cassation, dont la portée reste énigmatique, s’est mis en retrait par rapport à cette jurisprudence en déclarant que « un tiers à un contrat ne peut obtenir, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, réparation d’un des cocontractants que s’il démontre que celui-ci lui a causé un dommage en manquant à son égard au devoir général de ne pas nuire à autrui, sanctionné par l’art. 1382 C. civ.). Les assureurs de responsabilité peuvent-ils se prévaloir de cette jurisprudence contre l’assureur de dommages ? Leur action a été déclarée recevable dans son principe, au visa des articles 1382 et 1383 du Code civil, mais la Deuxième chambre civile de la Cour de cassation l’a jugée mal fondée. www.argusdelassurance.com
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La prise en charge des risques : les assurances La responsabilité civile n’est en effet, exceptée dans les régimes spéciaux d’indemnisation, une voie de réparation pour la victime, qu’en présence d’un trinôme : une faute, un préjudice direct et certain et un lien de cause entre la faute et le préjudice. Les doléances des assureurs de responsabilité répondent-elles à ce postulat ? Ils se plaignent d’une augmentation de leur dette de réparation à l’égard du maître de l’ouvrage ou de l’acquéreur, par suite de l’aggravation des désordres ou par suite de l’indemnisation de dommages immatériels consécutifs (privation de jouissance, perte de loyer ou pertes d’exploitation) auxquels ils n’auraient pas dû avoir à faire face en cas de préfinancement, à bref délai, des travaux de remise en état de l’ouvrage par l’assureur de dommage. Sous cet angle, leur demande ne semblait pas illégitime. Mais la Cour de cassation est restée sourde à leur complainte en leur objectant que : « L’assureur en responsabilité décennale d’un constructeur ne peut se prévaloir de la faute de l’assureur dommages-ouvrage ouvrant droit à garantie à son profit (dès lors) que l’assurance dommagesouvrage, assurance de chose, bénéficiant au maître de l’ouvrage, ne constitue pas pour le constructeur une assurance de responsabilité et qu’il (l’assureur de responsabilité) était à même de faire cesser le préjudice en finançant lui-même les travaux de réparation nécessaire à la remise en état de l’ouvrage » (Civ. 3e, 1er mars 2006, Mutuelle des architectes français c/ Bureau Véritas et autres, L’Argus 2006, DJ n° 6972, p. 7 ; RCA 2006, comm. n° 171, note G. Courtieu ; RGDA 2006, p. note Michel Périer ; Gaz. Pal. spécial Assurances n° 44, 23 sept. 2006, p. 27, note Michel Périer). La Cour de cassation n’autorise pas, ainsi, l’assureur de responsabilité à invoquer sa propre faute pour fonder son action en réparation contre l’assureur de dommages. Ou, en d’autres termes, leur faute constitue une cause d’exonération de responsabilité pour l’assureur dommages-ouvrage, ou encore, il n’existe pas de lien de causalité entre la faute de l’assureur dommages ouvrage et le préjudice allégué par les assureurs des constructeurs, qui trouve sa cause exclusive dans leur apathie. Sans doute celle-ci peut-elle être mise au passif de la convention inter-professionnelle Cacrac qui délègue à l’assureur dommages-ouvrage, l’instruction et la gestion du sinistre, pour leur compte commun. Mais c’est aux assureurs liés par la convention, de prévoir, entre eux, une sanction adaptée à la situation. La doctrine que développe la Cour de cassation en la circonstance, n’est pas sans rappeler celle qu’elle professe en matière de réparation du dommage corporel où dit-elle « la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable » (Civ. 2e, 19 juin 2003, RCA 2004, chron. n° 2, Marie-Annick Agard, Ne t’aide pas, le ciel t’aidera quand même !).
Section VI – Dispositions communes aux assurances de dommages et de responsabilité I – La loi applicable La loi n° 78-12 du 4 janv. est une loi de police au sens de l’article 3 du Code civil. C’est donc la loi française qui régit l’obligation de s’assurer et celle de l’assureur. Les contrats destinés à satisfaire à une obligation d’assurance imposée par une loi française sont, selon l’article L. 182-1 du Code des assurances régis par le droit français (V. Heuzé in Traité de droit des assurances, T. III, n° 2014 212
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