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François Lichère
III.221 MOTS CLÉS
CE QU’IL FAUT RETENIR
TEXTES CODIFIÉS TEXTES NON CODIFIÉS
LES PROCÉDURES DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC
Hypothèses de recours à la procédure concurrentielle avec négociation Appel d’offres infructueux – Offre inacceptable ou irrégulière – Spécifications du marché ne pouvant être établies préalablement avec une précision suffisante – Solution innovante – Circonstances particulières liées à sa nature, à sa complexité ou au montage juridique et financier ou en raison des risques qui s’y rattachent – Solutions immédiatement disponibles ■ Le code 2006 procéda à l’alignement sur le droit communautaire dans sa version issue du décret n° 20018-1356 du 19 décembre 2008 qui a supprimé l’obligation de procédure formalisée pour les marchés de travaux inférieurs au seuil européen mais supérieur à un seuil national. Le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 profite des nouvelles opportunités offertes par la directive n° 2014/24. Mais alors même que les conditions permettant de recourir à la procédure négociée avec publicité et mise en concurrence (rebaptisée procédure concurrentielle avec négociation) sont très assouplies, toutes ces hypothèses prévues à l’article 25-II du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 nécessitent d’apporter des justifications sérieuses puisqu’il s’agit d’une dérogation à l’appel d’offres qui restent la procédure de principe au-delà des seuils européens.
Néant Directive n° 2014/24/UE du parlement européen et du conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive n° 2004/18/CE
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Décret du 25 mars 2016, article 25-II
III.221.1
Procédure infructueuse en cas d’offres irrégulières ou inacceptables (art. 35-I-1°) 1
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LA PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS
Caractéristiques de la procédure infructueuse en cause
La procédure dépend désormais, depuis le code 2006, de la cause de l’infructuosité : si l’on n’est en présence que d’offres irrégulières et/ou d’offres inacceptables, la procédure à suivre sera la procédure négociée avec publicité (sauf si le pouvoir adjudicateur en décide autrement – cf. infra) et avec mise en concurrence. Sur la procédure à suivre en cas d’infructuosité (autorité compétente pour déclarer l’infructuosité et pour choisir la procédure de relance de la consultation, règles à respecter dans le cadre de ces nouvelles procédures…), voir Point-clé III.225.5. Si la déclaration d’infructuosité fait suite à des candidatures irrecevables, à des offres inappropriées ou à l’absence d’offres, c’est la procédure
négociée sans publicité ni mise en concurrence qui sera ouverte (voir Point-clé III.225.6). ■ Déclaration d’infructuosité au sens de l’article 25.II.6° et déclaration d’infructuosité au sens de l’article 30.I.2° du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016
Compte tenu de l’introduction d’une possibilité de procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence depuis le code 2006 en cas d’absence d’offres ou d’offres inappropriées, il existe donc désormais deux types d’infructuosité, celle conduisant à une procédure négociée avec mise en concurrence négociée, renommée procédure concurrentielle avec négociation, et celle conduisant à une procédure négociée sans mise en concurrence ni publicité. ■ Déclaration d’infructuosité et décision de ne pas donner suite
Pour des raisons diverses, l’administration peut souhaiter ne pas continuer une procédure qu’elle a lancée. Elle peut décla-
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rer la procédure infructueuse, elle peut aussi ne pas lui donner suite (voir Point-clé III.215.3). Le champ d’application, les conditions et les conséquences de chacune de ces formules sont différentes. Leur mauvaise application peut non seulement entraîner l’annulation de la décision, mais, également, constituer un délit de favoritisme. Le régime de la déclaration d’infructuosité est beaucoup plus strict que celui de la décision de ne pas donner suite. Pour une comparaison plus précise de ces deux décisions, voir Point-clé III.215.3. Mais le grand intérêt de la déclaration d’infructuosité au regard de la décision de ne pas donner suite est de permettre d’engager une procédure négociée. Bibliographie J.-M. Peyrical et J. de Saint-Pol, « Marchés publics : distinguer l’infructuosité du sans suite », MTP 30 avril 2004, p. 88.
■ Déclaration d’infructuosité et différentes procédures de passation
Traditionnellement, la notion de procédure infructueuse caractérise la procédure d’appel d’offres ouvert ou restreint. Est-ce-à-dire que seule la procédure d’appel d’offres peut déboucher sur une déclaration d’infructuosité, avec pour conséquence la possibilité de lancer une procédure négociée ? ` Déclaration d’infructuosité et procédures négociées ?
On comprend bien qu’une procédure initialement négociée ne puisse pas être déclarée infructueuse pour déboucher sur une nouvelle procédure négociée. Il y a déjà eu négociation et, au demeurant, s’il fallait recommander la procédure, il est probable que l’on se trouverait à nouveau dans une situation autorisant le recours à la procédure négociée. ` Déclaration d’infructuosité et procédure de dialogue
compétitif, et procédure propre aux marchés de conceptionréalisation ?
Sous l’empire du code ante 2001 et du code 2001, la question s’est posée de savoir si les procédures d’appel d’offres dérogatoires (appel d’offres sur performances et procédure propre aux marchés de conception-réalisation) pouvaient déboucher sur une déclaration d’infructuosité ouvrant sur la possibilité de négocier. Pour les auteurs du code des marchés publics, la réponse était négative : ces procédures ne permettaient pas de déclarer la procédure infructueuse et de négocier ; il ne pouvait qu’être décidé de ne pas donner suite à la procédure (sur le code ante 2001, Note d’information n° 2000-40 du 17 mars 2000, Économie, MTP 18 août 2000, Suppl. TO p. 232 ; TMP 2000, n° 226 : l’appel d’offres sur performances ; sur le code 2001, Instruction d’application, art. 68.3.3). Pourtant, la jurisprudence administrative (très rare sur la question, et le Conseil d’État ne semble pas s’être prononcé) avait pu autoriser la déclaration d’infructuosité et le lancement d’une procédure négociée.
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Jurisprudence Notamment, sur des appels d’offres sur performances : – TA Pau 22 juillet 1998, Société ADSF c/ Syndicat intercommunal d’alimentation en eau potable de Valence-sur-Baîse, Société Degremont, req n° 98928, réf. précontractuel, n° 981013 : le recours à la déclaration d’infructuosité avant de lancer une procédure négociée n’est pas condamné en soi mais, en l’espèce, les offres n’étaient pas inacceptables ; – CAA Lyon 3 mai 2001, Commune de Saint Bezin d’Azy, req. n° 00LY01669, sur une déclaration d’infructuosité suivie, ici, d’un nouvel appel d’offres sur performances.
– Dialogue compétitif. La directive n° 2004/18/CE du 31 mars 2004 sur les marchés publics dans les secteurs classiques (art. 30-1-a) rendait possible la conclusion d’un marché négocié pour procédure infructueuse, du fait d’offres irrégulières ou inacceptables, en réponse à un dialogue compétitif infructueux. Mais le code 2004 ne transposait pas cette possibilité : l’article 35-I-1° du code 2004 disposait, expressément : « peuvent être négociés après publicité préalable et mise en concurrence les marchés, qui, après appel d’offres… ». Par conséquent, à la suite d’un dialogue compétitif, la déclaration de procédure infructueuse avec possibilité de lancer une procédure négociée devait être impossible. Le code 2006 admettait cependant explicitement la possibilité d’infructuosité dans le cadre du dialogue compétitif (art. 35-I.1°). Mais le décret de 2016 ne prévoit plus une telle possibilité. Ceci résulte du fait que, désormais, les conditions de recours au dialogue compétitif sont alignées sur celles de la procédure concurrentielle avec négociation, qui sont largement ouvertes et qui rendent sans intérêt le fait de prévoir une déclaration d’infructuosité (cf. supra sur déclaration d’infructuosité et procédure négociée). – Marchés de conception-réalisation. Pour la procédure propre aux marchés de conception-réalisation, la réponse est plus délicate, cette procédure étant proche du dialogue compétitif. Il semblerait que, comme par le passé, la déclaration de procédure infructueuse avec possibilité de lancer une procédure négociée soit impossible en ce que cela n’est prévu ni par la directive, ni par le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016. ` Déclaration d’infructuosité et procédure du concours ?
Sous le code antérieur à 2001, la procédure d’appel d’offres avec concours ne pouvait pas déboucher sur une déclaration d’infructuosité suivie d’une procédure négociée. Pour la Commission centrale des marchés (CCM), cette situation se justifiait à deux titres : la possibilité pour le jury de demander aux concurrents d’apporter certaines modifications à leurs propositions et les garanties offertes par le cadre spécifique du concours qui disparaîtraient entièrement s’il était possible de recourir au marché négocié sans refaire un appel à la concurrence (Courrier CCM, MP n° 236, août-septembre 1988, p. 3). Il en allait de même des concours d’ingénierie et d’ar-
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chitecture (Courrier CCM, MP n° 244, septembre 1989, p. 5 : ces concours ne sont ni des adjudications, ni des appels d’offres). La réponse est restée en l’état sous le code 2001, le code 2004 et le code 2006. Il devrait en être de même sous le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 : compte tenu de son régime, la procédure de concours ne peut pas — en raison de son infructuosité — déboucher sur une procédure négociée. Par contre, la procédure du concours peut permettre la conclusion d’un marché négocié sans publicité ni mise en concurrence avec le lauréat du concours (art. 30-II-6°). ■ Des conditions relatives d’une part, aux offres, d’autre part, aux modalités de consultation
Aux termes de l’article 25-II-6° du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, peuvent faire l’objet d’une procédure concurrentielle avec négociation les marchés « lorsque, dans le cadre d’un appel d’offres, seules des offres irrégulières ou inacceptables, au sens de l’article 59, ont été présentées pour autant que les conditions initiales du marché public ne soient pas substantiellement modifiées. Le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu de publier un avis de marché s’il ne fait participer à la procédure que le ou les soumissionnaires qui ont présenté des offres conformes aux exigences relatives aux délais et modalités formelles de l’appel d’offres ». L’article 59 définit l’offre irrégulière comme celle qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation notamment parce qu’elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale et l’offre inacceptable comme celle dont le prix excède les crédits budgétaires alloués au marché public tels qu’ils ont été déterminés et établis avant le lancement de la procédure. ». ` Condition relative aux offres et non aux candidatures
La condition relative aux offres est traditionnelle (code ante 2001, art. 104-I-2° ; code 2001, art. 35-I-1), même si le code 2001 en a donné une rédaction partiellement nouvelle et parlait d’offres « non conformes ». Il n’est toujours question que d’offres et non de candidatures s’agissant de l’infructuosité qui débouche sur la procédure concurrentielle avec négociation. Par contre, la directive n° 2004/18/CE du 31 mars 2004 sur les marchés publics dans les secteurs classiques (art. 31-1-a) mentionna en sus l’absence de candidature (et non plus simplement d’offre) comme hypothèse de procédure infructueuse permettant de recourir à une procédure négociée sans publicité préalable. Ces dispositions communautaires de la directive n° 2004/18/CE (les anciennes directives ne visaient pas les candidatures) n’avaient pas été transposées. Dans le cadre du Code des marchés publics 2006, en cas d’absence de candidature, l’acheteur pouvait, tout au plus, décider de ne pas donner suite à l’appel d’offres (voir Point-clé III.215.3). Le recours à la procédure négociée ne lui était pas ouvert.
La situation change avec le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, qui reprend les dispositions de la directive n° 2014/24/UE qui permettent, en cas de candidatures irrégulières, de recourir à la procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence (voir Points-clés III.222.0). ` Condition relative aux modalités de consultation
La condition relative à la future consultation négociée existe depuis 2001, mais, déjà, sous le code antérieur à 2001, la jurisprudence administrative imposait des exigences à la fois quant à la consultation initiale et quant à la future consultation négociée. Ces exigences sont en quelque sorte fusionnées et renforcées dans la nouvelle obligation du code 2001, maintenue en 2004 et légèrement assouplie en 2006 et 2016 puisque les conditions initiales du marché ne doivent pas être substantiellement modifiées, l’assouplissement tenant à l’ajout de l’adverbe « substantiellement ».
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Conditions relatives aux offres
La première condition est relative aux offres : on doit être en présence d’offres irrégulières ou offres inacceptables au sens de l’article 59 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016. L’absence d’offres qui en 2004 autorisait le recours à la procédure négociée avec publicité et mise en concurrence a basculé dans la catégorie de la procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence, laquelle s’est vue ajoutée aussi l’hypothèse de l’offre inappropriée en 2006 et celle de la candidature irrégulière en 2016 (voir Point-clé III.221.0). Texte officiel Les anciennes directives communautaires comme la directive n° 2004/18/CE du 31 mars 2004 (art. 30-1-a et 31-1-a) sur les marchés publics dans les secteurs classiques utilisaient — en dehors de l’hypothèse d’absence d’offre — les termes d’offres irrégulières, d’offres inacceptables et d’offres inappropriées. Le code 2006 reprit ces expressions (en supprimant celles d’offres non-conformes et d’offres irrecevables) et en tira les mêmes conséquences que la directive. Les termes sont inchangés avec la directive n° 2014/24/UE et le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 mais les définitions ont légèrement évolué.
■ Offres irrégulières sous le code 2006 et le décret de 2016
Le code 2006 a supprimé la notion d’offres irrecevables et introduit celle d’offres irrégulières. Cependant, dans la mesure où il redéfinissait aussi l’offre inacceptable et introduisait celle d’offres inappropriée, on ne pouvait conclure à un simple changement sémantique. La définition donnée par le code 2006 (art. 35-I.1°) était la suivante : « Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation ». Il convient, pour bien cerner la notion d’offre irrégulière en 2006, de donner les définitions des deux autres notions dont elle se distinguait ainsi : « Une offre est inacceptable si les
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conditions qui sont prévues pour son exécution méconnaissent la législation en vigueur, ou si les crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire ne permettent pas au pouvoir adjudicateur de la financer » (art. 35-I.1°) ; « Est inappropriée une offre qui apporte une réponse sans rapport avec le besoin du pouvoir adjudicateur et qui peut en conséquence être assimilée à une absence d’offre » (art. 35-II.3°). Doctrine Pour une première approche des 3 notions en 2006, voir Jean-Marc Peyrical, comment distinguer l’offre inappropriée, inacceptable ou irrégulière ?, CP-ACCP, n° 58, septembre 2006, p. 98.
Avec le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, la définition de l’offre irrégulière s’enrichit puisque s’y ajoute un élément qui relevait auparavant de la définition de l’offre inacceptable : « Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation notamment parce qu’elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale ». Le basculement de cet élément de définition de la notion d’offre inacceptable à celle d’offre irrégulière, somme toute logique, est toutefois sans incidence pratique puisque la conséquence est la même pour les deux catégories d’offres : permettre d’ouvrir la procédure négociée avec mise en concurrence (avec ou sans publicité). ` Cas des offres ne respectant pas les exigences formulées
dans les documents de consultation
Cette hypothèse soulève deux questions : celle de savoir si les exigences posées dans les documents de consultation ne sont pas discriminatoires, et celle de savoir si on peut entrer en négociation avec des candidats dont l’offre ne répond pas, avant la négociation, aux documents de consultation. Sur le premier point, un récent arrêt du Conseil d’État fait preuve d’une approche accommodante pour le pouvoir adjudicateur. Jurisprudence CE 10 février 2016, Société SMC, req. n° 382148, JCP A 2016, act. 141, comm. V. Drain : « 3. Considérant qu’aux termes du IV de l’article 6 du Code des marchés publics : « Les spécifications techniques ne peuvent pas faire mention d’un mode ou procédé de fabrication particulier ou d’une provenance ou origine déterminée, ni faire référence à une marque, à un brevet ou à un type, dès lors qu’une telle mention ou référence aurait pour effet de favoriser ou d’éliminer certains opérateurs économiques ou certains produits. Toutefois, une telle mention ou référence est possible si elle est justifiée par l’objet du marché ou, à titre exceptionnel, dans le cas où une description suffisamment précise et intelligible de l’objet du marché n’est pas possible sans elle et à la condition qu’elle soit accompagnée des termes : ’ou équivalent’ » ; (...) 5. Considérant que la cour administrative d’appel a estimé que les prescriptions des articles 4.2 et 4.3 du cahier des clauses techniques particulières du marché contesté, excluant tout système de fixation des toiles de couverture du bâtiment par cordes, drisses, sandows ou tout système assimilé, ne pouvaient être satisfaites sans recourir
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à la technique de fixation par profilés métalliques dont le brevet appartenait à la société SMC2 et qu’ainsi les dispositions précitées de l’article 6 du Code des marchés publics avaient été méconnues ; qu’elle a, pour ce motif, annulé le marché contesté ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, d’une part, la commune de Bondy a fait le choix d’adopter une technologie alors novatrice de fixation des toiles de couverture permettant d’améliorer l’esthétique de l’ouvrage et d’éviter les contraintes de maintenance qu’imposait la méthode de fixation par cordes, drisses ou sandows et, d’autre part, que les prescriptions en cause, motivées par ce choix, n’avaient pas pour objet de favoriser l’entreprise SMC2 ; que, par suite, la commune de Bondy est fondée à soutenir, par son pourvoi incident, que la cour administrative d’appel de Versailles a inexactement qualifié les faits en estimant que l’illégalité relevée était, dans les circonstances de l’espèce, d’une particulière gravité et de nature à justifier l’annulation du contrat ; (...) 10. Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’objet du marché contesté est la construction d’une halle des sports couverte par une toile ; que la commune a voulu choisir un système de fixation de cette toile de couverture offrant les meilleures garanties de vieillissement, un moindre coût de maintenance et une meilleure esthétique ; qu’à cette fin, elle a retenu, par les prescriptions de l’article 4.3 du cahier des clauses techniques particulières, le procédé de fixation de la toile de couverture « par des profilés métalliques inoxydables (...) non visible et discret », lequel ne nécessite « aucune maintenance » ; que ce procédé de fixation de la couverture de l’ouvrage est justifié par l’objet même du marché ; que, par suite, la commune n’a, en faisant le choix de ce procédé, pas méconnu les dispositions du IV de l’article 6 du Code des marchés publics citées ci-dessus ni le principe d’égalité entre les candidats ; (...) Sur le second point, la jurisprudence européenne était très stricte mais le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ouvre des perspectives intéressantes pour les pouvoirs adjudicateurs. CJUE 5 décembre 2013, Nordecon c/ Rahandusministeerium, aff. C-561/12, Contrats publics – Le Moniteur, n° 140, novembre 2014, p. 11 ; RTDE 2014, p. 511 : « 1) Convient-il d’interpréter l’article 30, paragraphe 2, de la directive [2004/18/CE] en ce sens qu’il autorise le pouvoir adjudicateur à négocier avec les soumissionnaires s’agissant d’offres qui ne répondent pas aux exigences impératives prévues par les spécifications techniques relatives au marché? 2) En cas de réponse affirmative à la [première question], convient-il d’interpréter l’article 30, paragraphe 2, de la directive n° 2004/18/CE en ce sens qu’il autorise le pouvoir adjudicateur à modifier les exigences impératives des spécifications techniques au cours des négociations, après l’ouverture des offres, à condition de ne pas modifier l’objet du marché public et de garantir l’égalité de traitement de tous les soumissionnaires? 3) En cas de réponse affirmative à la [deuxième question], convientil d’interpréter l’article 30, paragraphe 2, de la directive n° 2004/18/CE en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation qui, après l’ouverture des offres, empêche la modification des exigences impératives des spécifications techniques au cours de négociations? 4) En cas de réponse affirmative à la [première question], convient-il d’interpréter l’article 30, paragraphe 2, de la directive n° 2004/18/CE en ce sens qu’il interdit au pouvoir adjudicateur de considérer comme meilleure offre une offre qui, à l’issue des négociations, n’est pas conforme aux exigences impératives des spécifications techniques? (…) L’article 30, paragraphe 2, de la directive n° 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation
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des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, n’autorise pas le pouvoir adjudicateur à négocier avec les soumissionnaires des offres qui ne répondent pas aux exigences impératives prévues par les spécifications techniques du marché. »
Le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 prévoit quant à lui l’obligation pour le pouvoir adjudicateur, dans la procédure concurrentielle avec négociation, de fixer des « exigences minimales que doivent respecter les offres » (art. 71), lesquelles ne peuvent faire l’objet de négociation (art. 73-I). En revanche, celles des exigences qui ne sont pas qualifiées de minimales peuvent donc faire l’objet de négociation, ce qu’elles ne doivent pas être rejetées automatiquement. Il s’agit là d’une innovation dans la mesure où la fixation d’exigences minimales n’existait, dans le code 2006, que dans le cas où le pouvoir adjudicateur admettait des variantes et, depuis le décret n° 2014-1097 du 26 septembre 2014 portant mesures de simplifications applicables aux marchés publics, pour les partenariats d’innovation. En complément, le pouvoir adjudicateur a la possibilité de demander, en amont, de régulariser des offres irrégulières (cf. infra). ` Cas des offres ne respectant pas la législation applicable
L’offre irrégulière peut donc désormais être celle qui résulte de la méconnaissance de la législation applicable au marché. Il s’agit d’une précision qui n’existait pas avant le code 2006 et qui vise tout type de législation. Doctrine administrative La circulaire du 3 août 2006 (NOR : ECOM0620004C) relative au Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics indiquait qu’ « Il peut s’agir, par exemple, de règles relatives à la sous-traitance, à la fiscalité, à la protection de l’environnement, au droit du travail, ou au déroulement de la procédure de passation. Ainsi, la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et son décret d’application n° 2006-555 du 17 mai 2006 relatif à l’accessibilité des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des bâtiments d’habitation et modifiant le code de la construction et de l’habitation imposent, notamment, que les bâtiments d’habitation collectifs et leurs abords soient construits et aménagés de façon à être accessibles aux personnes handicapées. Dès lors, une offre qui ne répondrait pas à ces exigences doit être écartée comme inacceptable (…) ».
Le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 a précisé qu’est « notamment » concernée la législation applicable en matière sociale et environnementale. Mais il est clair que cela peut concerner d’autres domaines tels que le droit de la concurrence ou la législation sur les tarifs réglementés des médicaments ou des examens médicaux. L’article 59 du décret ne permet pas d’affirmer clairement qu’on peut faire entrer dans les offres irrégulières celles reposant sur des pratiques anticoncurrentielles mais la logique du droit de la concurrence est de rendre obligatoire le fait d’écarter une offre si le pouvoir adjudicateur a la conviction que l’offre recèle une pratique anticoncurrentielle.
Jurisprudence Sur le contrôle du prix abusivement bas qui, au sens de l’article L4202 du Code de commerce, peut révéler un abus de position dominante, cf. TA Rouen, 23 juin 2000, Société Jean Behotas, req. nos 992309,992310, BJCP 2001, p. 164 ; cette jurisprudence tend à rendre donc obligatoire le fait de rejeter une offre anormalement basse (contrairement au code qui ne prévoit qu’une simple faculté) mais uniquement si l’on en présence d’un abus de position dominante, ce qui suppose une position dominante de l’entreprise en cause. Sur l’illégalité de l’admission d’une offre faisant suite à une entente dont la personne publique connaissait l’existence, cf. TA Bastia 6 février 2003, SARL Autocars Mariani, req. n° 0100231, AJDA 2003, p. 738 Sur toutes les questions relatives au droit de la concurrence, voir plus généralement O. Guézou, Points-clés III.130.0 à III.153.0.
Il ne peut toutefois être question d’offres irrégulières uniquement si le niveau de la concurrence est insuffisant dès lors qu’il existe des offres satisfaisantes (Réponse ministérielle, JO Ass. nat. 20 juillet 1998, p. 4002 ; BJCP 1998, n° 1, p. 114). Ainsi, « le fait qu’une seule offre ait été reçue n’implique pas que la procédure soit déclarée infructueuse ; l’offre, si elle est acceptable et économiquement avantageuse, peut être retenue » (Courrier CCM, MP n° 1/2002, p. 14). On peut même estimer que si l’offre en question n’est pas inacceptable, on ne peut déclarer l’appel d’offres infructueux. Mais, là encore, le pouvoir adjudicateur peut décider de ne pas donner suite à la procédure. Sur la décision de ne pas donner suite, voir Point-clé III.215.3. Une hypothèse plus évidente de non-respect de la législation existante concerne les cas où le prix est encadré, à l’image des tarifs réglementés des examens médicaux. Doctrine administrative Question écrite n° 5463, Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie : Critères permettant de qualifier une offre d’inacceptable, Question de M. Jean-Claude Carle : « M. Jean-Claude Carle interroge M. le ministre de l’économie et des finances sur les critères permettant de qualifier une offre d’inacceptable. Dans le cadre de l’attribution des marchés publics, la règlementation exige que l’acheteur élimine les offres inacceptables. S’agissant d’offres dont le prix est excessif, un arrêt du Conseil d’État indique que le pouvoir adjudicateur ne peut se contenter d’affirmer son incapacité à financer une offre : « Qu’en jugeant, après avoir souverainement relevé qu’il ne résultait pas de l’instruction que l’offre de la société APS n’aurait pas pu être financée par l’office, que cette offre ne pouvait être qualifiée d’inacceptable (?), le juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit... » (cf. CE 24 juin 2011, « Office public de l’habitat interdépartemental de l’Essonne », req. n° 346665). Ce faisant, il est difficile pour l’acheteur d’éliminer ces offres en les qualifiant d’inacceptables. C’est pourquoi il lui demande de l’orienter sur les indices permettant une telle qualification, le seul dépassement du budget alloué à l’opération ne semblant pas, lui non plus, permettre d’écarter une offre sur cette base » (Publication au JO : Sénat du 21 mars 2013). Réponse du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie : « Le Code des marchés publics qualifie une offre d’inacceptable
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LA PASSATION DES MARCHÉS PUBLICS LES PROCÉDURES DE PASSATION DU MARCHÉ PUBLIC
dans deux cas : soit les conditions prévues pour son exécution méconnaissent la législation en vigueur, soit les crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire ne permettent pas au pouvoir adjudicateur de la financer. Ainsi, une offre inacceptable peut être une offre qui répond aux besoins de l’acheteur public, mais dont les conditions d’exécution ne sont pas conformes à une exigence fixée par la législation ou la réglementation nationales. Il peut s’agir d’une exigence relative à la sous-traitance, la fiscalité, la protection de l’environnement, les conditions de travail, aux obligations imposées en matière d’accès des bâtiments aux personnes handicapées ou bien encore à l’exercice d’une profession réglementée. Ainsi, l’offre dont les prix ne seraient pas conformes à l’article L. 6211-21 du Code de la santé publique imposant la facturation d’examens de biologie médicale au tarif de la nomenclature de la sécurité sociale doit être éliminée. (…) » (Publication au JO : Sénat du 22 août 2013).
` Possibilité de régulariser des offres irrégulières
L’article 59-II du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ajoute une possibilité de régularisation par exception au principe posé dans le même article, qui veut que les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées. L’acheteur peut en effet autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu’elles ne soient pas anormalement basses, alors que l’article 59-III du code 2006 ne prévoyait aucune dérogation à l’obligation d’élimination. ■ Offres inacceptables sous le code 2006 et le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016
A` la différence de l’expression d’« offre irrégulière » ou même de la notion (supprimée en 2006) d’« offre irrecevable », celle d’« offre inacceptable » est, a priori, plus délicate à définir, car elle paraît plus subjective (M. Quancard, L’adjudication des marchés publics, Librairie du Recueil, S. 1945, p. 323 : « est inacceptable, toute offre jugée comme telle par l’administration »), ce qui peut expliquer le laconisme traditionnel de la jurisprudence administrative sur le caractère acceptable ou non de l’offre. Jurisprudence Sur la période antérieure à 2001, notamment : – CE 9 février 1949, Martin, req. n° 58.615, Lebon, p. 65 : « offre la plus acceptable compte tenu de toutes les circonstances entrant en ligne de compte » ; – TA Pau 10 mai 1972, Bonneau, Lebon, p. 879 : « si ces textes confèrent incontestablement à l’administration un pouvoir discrétionnaire et lui permettent de ne pas donner suite à des propositions qu’en opportunité elle estime inacceptables, ils trouvent cependant leurs limites dans le cas où ce caractère prétendu inacceptable des offres est manifestement contraire aux faits ou s’avère incompatible avec d’autres clauses contractuelles imposées par cette même administration » ; – TA Strasbourg 4 juin 1998, SARL Gysperger, req n° 93827, MP n° 5/1999, p. 28, concl. F. Malvasio : « la collectivité publique dispose d’un pouvoir lui permettant de ne pas donner suite à des propositions qu’elle estime inacceptables et de procéder ainsi un nouvel appel d’offres à condition toutefois que l’entreprise évincée n’ait pas
DMP-CPS
François Lichère
été écartée pour des motifs manifestement contraires aux faits ou incompatibles avec d’autres clauses contractuelles imposées par cette même collectivité ».
Dans le code 2006, l’offre inacceptable fut définie de manière plus précise qu’auparavant : « Une offre est inacceptable si les conditions qui sont prévues pour son exécution méconnaissent la législation en vigueur, ou si les crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire ne permettent pas au pouvoir adjudicateur de la financer » (art. 35-I.1°). On sait qu’avec le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, la partie de la définition relative au respect de la législation a — logiquement — basculé dans la définition de l’offre irrégulière, de sorte que l’offre inacceptable est seulement celle « dont le prix excède les crédits budgétaires alloués au marché public tels qu’ils ont été déterminés et établis avant le lancement de la procédure ». Une offre peut donc être inacceptable par son prix trop élevé : on entendait par-là, avant 2006, une différence notable avec l’estimation faite par l’administration. L’administration devait-elle nécessairement procéder à une estimation financière préalable des prestations ? La cour administrative d’appel de Paris avait considéré, de manière un peu surprenante, qu’une commune pouvait légalement fonder une décision d’infructuosité sur le coût trop élevé de l’ensemble des propositions, alors même qu’elle n’avait pas préalablement arrêté une estimation prévisionnelle du prix auquel elle entendait contracter (cf. CAA Paris 24 mars 2003, Crédit d’équipement des petites et moyennes entreprises, req. n° 98PA01226, BJCP septembre 2003, n° 30, p. 367, concl. C. Heu). Pour le commissaire du gouvernement, « aucune disposition n’impose une estimation financière préalable, et un marché informatique tel que celui passé par la commune est extrêmement complexe… On doit au contraire relever que la détermination d’un prix prévisionnel ou d’un prix plafond par la commune, en début de procédure ou lors de la déclaration d’infructuosité, serait tout à fait contre-productive ». En outre, l’administration avait-t-elle l’obligation de déclarer l’infructuosité dès lors qu’il y a dépassement de l’estimation ? La réponse était négative. L’administration disposait, en la matière, d’un pouvoir discrétionnaire. Ainsi « la commission d’appel d’offres est libre d’accepter une offre d’un montant supérieur à l’estimation initiale, même si le conseil municipal a déjà délibéré sur son projet de marché, dès lors que la signature de ce marché est autorisée par une nouvelle délibération du conseil municipal » (Réponse ministérielle Q., JO Assemblée Nationale, 27 décembre 1999 ; MP n° 1/2000, p. 9). Les choses ont changé depuis 2006 : l’offre inacceptable n’est plus celle qui dépasse l’estimation du pouvoir adjudicateur, c’est celle qui dépasse les crédits alloués, ce qui n’est pas la même chose, ainsi que le rappelle la réponse ministérielle précitée qui s’appuie sur un arrêt du Conseil d’État Doctrine administrative Question écrite n° 5463, Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie : Critères permettant de qualifier une offre d’inaccep-
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GROUPE MONITEUR
– Juillet 2016
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