15 mars 2013 • Pages spéciales du Moniteur N°5703 • www.lemoniteur.fr
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BESANÇON, COLMAR, METZ
Architecture et culture : de nouvelles ambitions se lèvent à l'Est
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BESANÇON, COLMAR, METZ
Architecture et culture : de nouvelles ambitions se lèvent à l'Est
> ÉDITORIAL
S O M M A I R E 4 Arrêt sur images 8 Points de vue BESANÇON 10 13
La cité des arts Interview Jean-Louis Fousseret, maire de Besançon Marie-Guite Buffey, présidente du conseil régional de Franche-Comté
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Prés de Vaux METZ
16 Le centre Pompidou 18 Boulevard de la Seille 20 Interview Dominique Gros, maire de Metz Jean-Luc Bohl, président de la communauté d'agglomération Metz Métropole
COLMAR 22 Le musée Unterlinden 25 Interview Gilbert Meyer, maire de Colmar Vincent Berjot, directeur général des patrimoines au ministère de la culture et de la communication
26 La petite Venise 27 L'arbre Liebherr 28 Prospective 30 Vu d'ailleurs
Architecture et attractivité : table-ronde le 20 mars à Besançon À l’occasion de l’achèvement des travaux de la Cité des Arts conçue par Kengo Kuma, le Moniteur organise le 20 mars à Besançon une table ronde pour explorer les liens entre architecture et attractivité du territoire à travers trois exemples dans le Grand Est : la Cité des Arts de Besançon, le Centre PompidouMetz et l’extension du musée Unterlinden. À la Cité des Arts et de la Culture, 12 avenue Arthur Gaulard, à 10h30. Visite guidée de la Cité des Arts à 14h. Contact et inscription jusqu’au 15 mars : redacregions@groupemoniteur.fr
La preuve par trois Besançon, Colmar et Metz ont fait appel à trois architectes de renommée mondiale pour relever le même défi : celui de l’investissement dans la culture, comme source de rayonnement et de richesse. Depuis la bibliothèque d’Alexandrie jusqu’à la pyramide du Louvre, la recette a fait ses preuves. Elle n’en garde pas moins ses attraits, y compris en période de cure d’austérité budgétaire. Sous la conduite de Shigeru Ban, Kengo Kuma ou Herzog & de Meuron, les trois villes auront franchi de nouvelles frontières entre le rêve et sa traduction construite, mais aussi entre l’objet architectural et son insertion urbaine et paysagère : moins de trois ans après sa livraison, Pompidou Metz a déjà donné naissance à un morceau de ville promis depuis 30 ans ; à l’ombre de la citadelle Vauban et au bord du Doubs, la Cité des arts annonce un foisonnement d’activités culturelles dans d’anciennes friches industrielles ; l’extension du musée Unterlinden prolonge 10 ans d’embellissement du patrimoine et des espaces publics du centre-ville de Colmar. À l’aube de l’Acte III de la décentralisation, les trois œuvres architecturale et urbaine ouvrent de nouvelles voies à l’idée de centralité, appliquée à des régions frontalières. n Laurent Miguet, chef de service rédaction Est
PRÉSIDENT, DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Guillaume Prot. DIRECTEUR GÉNÉRAL : Olivier de la Chaise. DIRECTEUR POLE CONSTRUCTION : Nathalie Auburtin. ÉDITEUR : Anton Keil. CONCEPTION : Jean-Yves Zagnoni. DIRECTEUR DE LA RÉDACTION : Patrick Piernaz. RÉDACTION : Laurent Miguet, Christiane Perruchot, Pascale Braun, Jean-Marc Matalon (coordination). INFOGRAPGHIES : Idé. PUBLICITÉ : Tony Bonilla (Directeur Commercial), Sophie Yon et Frédéric Bapst. DIFFUSION : Franck Chatel. PRINCIPAL ACTIONNAIRE : Groupe Moniteur Holding. SOCIÉTÉ ÉDITRICE : Groupe Moniteur SAS au capital de 333 900 euros. RCS : Paris 403 080 823. Code APE 5814Z. Siège social : 17 rue d’Uzès 75018 Paris Cedex 02. NUMÉRO DE COMMISSION PARITAIRE : 0912 T82147. Hebdomadaire, dépôt légal : janvier 2011. ISSN : 0026-9700. IMPRESSION : Roto France, rue de la Maison-Rouge, 77185 Lognes
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> ARRÊT SUR IMAGES Cité des arts/Besançon
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Constituée de l'association aléatoire de verre, panneaux photovoltaïques en aluminium et de bacs végétalisés, la couverture de la cité des arts compose une 5ème façade visible depuis la Citadelle, en surplomb. Le passage des arts distingue le conservatoire à gauche et le Fonds régional d’art contemporain et ouvre une percée sur le doubs. Les panneaux en bois et en acier des façades dessinent le motif des textiles japonais.
© NICOLAS WALTEFAUGLE
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Besançon les arts ont leur passage
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> ARRÊT SUR IMAGES Centre d'arts contemporain/Metz
Metz, chapeau Pompidou ! À Metz, le centre d'art contemporain conçu par Shigeru Ban a propulsé la ville parmi les premières destinations de France. 3 ans après son inauguration, le célèbre "chapeau chinois" catalyse les projets tertiaires et immobilier du quartier de l’Amphithéâtre, le nouveau cœur de ville qui s'ouvre au sud de la gare.
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© HERZOG & DE MEURON
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Extension du musée d'Unterlinden/Colmar
© Roland Halbe
Colmar : le musée traverse la place
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Sur la place d’Unterlinden traversée par le canal remis au jour, l’extension du musée se matérialise dans l’aile nouvelle (bâtiment rouge, au fond) et dans les anciens bains municipaux, qui ajoutent une fonction événementielle à l’équipement. Sous le pavillon placé au centre, une galerie souterraine relie ces extensions à l’ancien couvent Unterlinden.
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> POINTS DE VUE
Mondialement connus, les architectes de la cité des arts de Besançon, du centre Pompidou-Metz et de l’extension du musée Unterlinden de Colmar évoquent leur premier grand projet public français.
C
hristine Binswanger, Shigeru Ban et Kengo Kuma ont dénoué le fil qui relie architecture et attractivité, à travers leur référence majeure dans l’Est de la France. Réponse à « un besoin de base » selon Christine Binswanger (Herzog & de Meuron), la culture s’inscrit dans des projets urbains au long cours.
Comment résumeriez-vous le parti architectural ? KENGO KUMA : Mon architecture résulte de l’assemblage de petits éléments qui fractionnent l’espace et que je nomme les particules. Ils me permettent de trouver la bonne échelle pour que le bâtiment se fonde dans le paysage et trouve une dimension humaine. Sur 10 000 m2, je courais le risque d’un bâtiment volumineux, imposant. Les panneaux de bois des façades effacent le volume et créent une ambiance intime, douce pour les gens. Par la trame différenciée, ils rendent clairement identifiables le conservatoire et le Frac. Ces deux équipements ont un public et un rythme de fréquentation différents. La toiture
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Née en 1964 1990 : diplôme de l’école polytechnique fédérale de Zürich 1994 : entre à l’agence Herzog et De Meuron. Fait partie des cinq Senior Partners. 2009 : chef de projet pour le musée Unterlinden de Colmar
DOMINIQUE GIANNELLI /LE MONITEUR
La culture fait partie des besoins de base
Christine Binswanger
les unit. J’y attache une grande importance, comme dans l’architecture traditionnelle japonaise. Généreuse, elle reste cependant légère grâce aux pixels que forme l’alternance d’éléments opaques et transparents. CHRISTINE BINSWANGER : Les rénovations et extensions de bâtiments existants constituent un des fils conducteurs de notre travail, depuis la Tate Modern de Londres ou le musée Küppersmühle à Duisburg, jusqu’au Caixa Forum de Madrid, tous équipements issus de la reconversion d’anciens bâtiments industriels. Le musée Unterlinden prolonge la recherche autour de la matérialité de la brique. Parmi les autres équipements de la même veine encore en cours de réalisation, citons le projet de Park Avenue Armory à New-York, initié en 2006. SHIGERU BAN : L’élément le plus spectaculaire de Pompidou-Metz est sa toiture, que personne n’avait jamais faite nulle part ailleurs. Cet équipement concentre toute l’expérience que j’ai acquise en 25 ans d’études des espaces, des structures et des matériaux. Je suis très fier d’emmener des amis japonais, allemands ou new-yorkais voir cette réalisation.
La démonstration messine m’a ouvert le marché des États-Unis, où j’ai été retenu pour la création d’un musée à Aspen, dans le Colorado. Les Américains ne tentent pas ce genre d’expérience architecturale sans s’assurer que cela fonctionne ailleurs. En France, les maîtres d’ouvrage savent prendre le risque d’être les premiers. Lorsque j’ai commencé à travailler sur ce projet voici sept ans, il y avait une grande discussion à propos des musées entre les partisans d’une architecture iconique et ceux d’une architecture fonctionnelle. Pompidou-Metz constitue une combinaison des deux aspects, en répondant à des exigences techniques très particulières.
Comment votre projet s’insère-t-il dans son contexte urbain ou paysager ? CHRISTINE BINSWANGER : Au centre de la place Unterlinden qui finalement méritera son nom, une petite maison marque la présence du musée. Elle occupe la place de l’entrée des anciennes dépendances du couvent, avant
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Kengo Kuma
Né en 1954 1979 : diplôme d’architecture à l’université de Tokyo 1997 : prix de l’Institut architectural du Japon 2013 : livraison simultanée du Fonds régional d’art contemporain, à Marseille, et de la Cité des arts à Besançon.
Shigeru Ban
la construction des bains. Nous reprenons le volume de cet ancien bâtiment, mais il ne s’agit pas d’une reconstruction littérale. Cette maison offre aux curieux une vue restreinte sur la galerie souterraine de liaison. De même, les quelques ouvertures en forme d’ogives qui cadrent la partie extérieure des baies de l’aile nouvelle ne cherchent pas à imiter le gothique : parlons plutôt d’une évocation, appropriée à un projet qui évite le clash, la rupture radicale avec le contexte historique, qu’aurait provoqué une boîte en verre ou en béton. Il essaie de s’inscrire dans son contexte sans devenir un pastiche. SHIGERU BAN : Outre la toiture, l’autre concept fort du Pompidou-Metz est celui des baies vitrées panoramiques braquées sur les éléments-clé de l’histoire de la ville – la gare et la cathédrale. Cette spécificité contribue à rendre le bâtiment unique : il ne pouvait être bâti nulle part ailleurs. KENGO KUMA : Le site dégage une force naturelle. D’un côté, les berges du Doubs ; de l’autre les collines ; à l’intérieur, des vestiges du passé : le bastion de Vauban et le
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bâtiment en briques des anciens entrepôts portuaires des années 1930 que j’ai choisi d’envelopper dans le projet. Et puis, imposante, la citadelle inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Ce fut pour moi non pas intimidant, mais honorifique de travailler à proximité d’un édifice qui dégage cette force. Le projet tisse un lien fort avec la rivière, grâce au passage des arts. Espace de transit et de connexion, ce passage couvert fait entrer la nature en ville.
Quelle contribution pensez-vous apporter à l’attractivité locale et internationale du site ? SHIGERU BAN : Je sais que le centre Pompidou-Metz a rencontré plus de succès qu’espéré, et que sa fréquentation a eu un effet bénéfique pour l’hôtellerie et la restauration. Rarement une réalisation n’avait suscité autant de remerciements et de félicitations. C’est le plus beau compliment qu’un architecte puisse recevoir. KENGO KUMA : En France, les maîtres d’ou-
© DBOX
© THOMAS GOGNY/LE MONITEU
Né en 1957 1984 : diplôme d’architecture à la Cooper Union de New-York 1995 : création de maisons en tubes de carton, après le tremblement de terre de Kobe (Japon) 2010 : livraison du centre Pompidou Metz
vrage se passionnent pour l’architecture. Je ne doute pas qu’ils sauront partager cet engouement avec leurs concitoyens. À Besançon, le bois est peu présent dans les bâtiments publics, ce qui rend la Cité des arts peu ordinaire. Cela donnera envie aux gens de la voir. CHRISTINE BINSWANGER : Chacun sent à Colmar que quelque chose bouge dans la ville. Nous avons toujours senti beaucoup d’enthousiasme et une grande appréciation. En changeant la vocation des bains, initialement prévus comme lieu d’exposition, notre projet contribue à l’adhésion générale. Cet espace événementiel donnera aux colmariens l’occasion d’un usage du musée dans leur vie quotidienne, au-delà des arts visuels ou de l’histoire du patrimoine. Pour moi, la culture ne vient pas en plus du reste… Elle fait partie de nos besoins de base, pour aider à construire une identité. Cette considération s’ajoute à celle des retombées économiques que ce projet va créer.
Propos recueillis par Pascale Braun, Laurent Miguet et Christiane Perruchot
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La Cité des arts, une précision de mise en œuvre pour tous les corps de métier La première commande publique française de l’architecte japonais Kengo Kuma a suscité une maîtrise d’ouvrage conjointe entre le Grand Besançon et le conseil régional de Franche-Comté.
Signatures architecturales du projet, la toiture et les façades imposent une rigueur de mise en œuvre pour tous les corps d’état, organisés en groupement par famille de métiers dans le cadre d’une procédure restreinte. Trait d’union entre les deux bâtiments séparés par un passage couvert appelé «Le passage des arts», la toiture se déploie sur 5600 m2 et découvre le dernier étage du bâtiment en brique de l’ancien entrepôt fluvial. Une appréciation technique expérimentale (Atex) a validé la double pente de la surtoiture, inclinée de 1,6% vers le centre du bâtiment. Des panneaux en verre, en aluminium, photovoltaïques et de bacs végétalisés
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c’est le poids au mètre carré des coques en bois fixées au plafond et sur la scène de l’auditorium.
forment ce que l’architecte nomme « des pixels ». Disposés en apparence de façon aléatoire, ils se répartissent en fonction des besoins des espaces abrités: les foyers sont transparents, les espaces de travail et d’exposition opaques. Posés sur place, un à un, sur une ossature métallique, les panneaux sont clipsés sur le bac d’étanchéité dans le sens de la longueur et sont autoportants dans le sens de la largeur. « Des essais de chargement ont été faits en atelier », indique Christian Jacob, chef de projet à l’entreprise alsacienne Hefi Roschmann, titulaire du lot couverture étanchéité en groupement avec Soprema (Mulhouse). En poutres de bois lamellé collé, la charpente épouse une courbe au-dessus du passage des arts. Selon les endroits, elle repose sur une ossature en bois, les murs en béton armé ou de minces colonnes en acier. « Le montage de cette structure unique de 40 mètres de large à 15 mètres de hauteur et le calage de la pente ont nécessité une précision au
millimètre », se souvient Delphine Tissandier, conductrice de travaux à l’entreprise jurassienne Avenir Bois Structure.
Études d’exécution très poussées Sur les façades, Kengo Kuma réinterprète les motifs en damier des anciens textiles japonais par une alternance de panneaux de bois et en acier thermolaqué. Les deux équipements se différencient par leur trame, horizontale pour le Frac, et verticale pour le CRR. « Le parement forme un écran qui dissimule le plus possible les ossatures en acier », explique Sarah Markert, architecte à l’agence Kengo Kuma. Sur les façades opaques, les panneaux en acier sont positionnés par crapautage et maintenus par une fixation mécanique. Un système de boutonnière fixe les panneaux de bois. De chaque côté du passage des arts, de larges baies vitrées fixées sur un mur rideau en profilés reconstitués soudés forment les cloisons. Sur la façade arrière, les panneaux de bois suffisent à LE MONITEUR _ 15 mars 2013
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Pixels expérimentaux
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remier équipement public que réalise Kengo Kuma en France, la Cité des arts et de la culture concentre une multitude de défis techniques, depuis le choix du site jusqu’à sa conception et à sa mise en œuvre. Les deux bâtiments qui abritent, l’un le conservatoire à rayonnement régional de musique (CRR), l’autre le fonds régional d’art contemporain (Frac), sont implantés sur la friche portuaire de la rive gauche du Doubs, en lisière du centre historique et face à la citadelle de Vauban. Ses dimensions sont imposantes. D’une surface hors œuvre nette de 11 400 m2, l’équipement s’étire sur 185 mètres et s’élève jusqu’à 15 mètres. Deux documents réglementaires guident la requalification du site de deux hectares : le plan de prévention des risques contre les inondations (PPRI) et le plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) du secteur sauvegardé.
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Réoxygénée dans un bassin, l© eau issue de la pompe à chaleur et les eaux pluviales finissent leur course dans le Doubs
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SARAH MARKERT, architecte chez Kengo Kuma And Associates
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La cité des arts est le premier gros chantier que je conduis seule. J’ai travaillé sur la conception après le concours, puis conduit le chantier dès les terrassements. Au début, je venais régulièrement de Paris puis les quatre derniers mois, je me suis installée à Besançon. Ce fut un projet très exigeant par son architecture, mais aussi en tant que première commande publique de l’agence en France. Nous n’avions pas l’habitude de tous les aspects réglementaires qui ont engendré un travail administratif très lourd. Je garderai en mémoire la richesse des échanges avec les entreprises et le pilote coordonnateur.
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panneaux rectangulaires d’une dimension de 0,625 m sur 1,25 m dessinent sur la toiture un motif visible à distance.
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Témoin de l’histoire du site, l’ancien entrepôt en brique inséré dans le Frac, inscrit le projet dans une démarche de développement durable, déclinée dans les constructions neuves. « Évidence pour la maîtrise d’ouvrage, la prise en compte de la composante environnementale se concrétise par le label de performance énergétique BBC Effinergie et une démarche de certification HQE », indique Élodie Dumas, chef de projet chez Alto Ingénierie. Une lame d’air sépare les parements des bâtiments neufs d’un complexe isolant de 200 mm fixé mécaniquement sur
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Les échanges avec le programmiste ont tourné autour de la question : comment faire évoluer la pédagogie ? L’organisation spatiale y répond. Chaque famille instrumentale dispose d’une salle de pratique collective permettant des rencontres spontanées entre élèves et professeurs. Les couloirs et les escaliers larges ainsi que les flux séparés entre le rez-dechaussée et le dernier étage évitent l’engorgement. Renforcée dans les salles des percussions et de répétition, les protections acoustiques n’empêchent pas la musique de filtrer dans les couloirs. L’ambiance sereine me stupéfait. PIERRE MIGNARD, directeur du conservatoire de musique
la façade en béton. Le bâtiment ancien est isolé de l’intérieur. « Nous avons également travaillé sur la limitation des consommations d’eau grâce à des appareils hydro économes comme des urinoirs sans eau et des espèces végétales ne nécessitant pas d’arrosage…», ajoute-t-elle. Pour compenser l’impact de l’isolation acoustique sur le bilan carbone du bâtiment, Alto Ingénierie a réalisé une analyse de cycle de
vie et des impacts sanitaires des matériaux. Peintures, colles et enduits sont à faible émission de COV, les produits bois arborent la classe E1 et les sols en caoutchouc et les moquettes, un label. « Nous avons également abordé le sujet santé à travers la protection contre les émissions électromagnétiques, la qualité de l’air et de l’eau courante », ajoute l’ingénieure. La géothermie sur nappe alluviale participe à l’aménagement paysager. Les eaux de la pompe à chaleur et de pluie se réoxygènent dans un bassin situé au pied du parvis du bâtiment et une noue en contrebas. Elles s’écoulent dans la rivière à travers les batardeaux enterrés à l’arrière du bâtiment, destinés contenir les crues. Les spécificités du chantier n’ont pas échappé au lycée du bâtiment Adrien Paris de Besançon. Trois à quatre fois par semaine, Philippe Perreau, enseignant, a emmené sur le chantier des élèves du CAP au BTS ainsi que des adultes en formation continue. Une dizaine de classes a suivi le projet dès la phase d’appels d’offres et avec tous les corps de métiers. « Le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre m’ont accordé une grande confiance. J’ai pu suivre des réunions de chantier et accéder aux plans. Une salle dans la base de vie nous était réservée. Ce fut très valorisant pour les élèves, pour l’enseignant aussi ! », explique-t-il. Une visite à l’agence de Kengo Kuma à Paris a étendu l’étude de cas à la culture japonaise.
FICHE TECHNIQUE Maître d’ouvrage : Grand Besançon et conseil régional de Franche-Comté. Maître d’œuvre : Kengo Kuma & Associates (Tokyo) et Archidev (Cachan), architectes ; Iosis Grand Est (Schiltigheim), bureau d’études techniques ; Agence de paysage L’Anton (Arcueil) ; Jean-Paul Lamoureux (Paris), acousticien ; Changement à vue (Paris), scénographe ; Guy Cholley (École-Valentin), économiste ; Alto Ingénierie (Lyon), bureau d’études techniques HQE ; Gescem (Sophia-Antipolis), AMO. Coût d’opération : 46,4 millions d’euros TTC, Surface hors œuvre nette : 11 400 m2
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© JEAN-CHARLES SEXE / VILLE DE BESANÇON
Analyse de cycle de vie des matériaux
L© ancien entrepôt en brique qui émerge de la toiture offre par la suppression d© un plancher, une salle d© exposition d© une hauteur de 6m sous la charpente.
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constituer le damier, par leur alternance avec des vides. « Les études d’exécution ont été très poussées en raison du nombre important de détails », précise Benjamin Jourdan, chef de projet chez Laubeuf (Val-de-Marne), mandataire du lot-façades avec Codex Obliger (Doubs) et Bové (Vosges). Spectaculaire dans l’auditorium de 290 places du conservatoire de musique, l’acoustique se veut au contraire invisible dans les salles de répétition. Les plus bruyantes sont conçues comme « une boîte dans la boîte ». L’isolation est indépendante des cloisons et des planchers pour éviter les vibrations. Composées de cinq éléments sur la scène de l’auditorium et de quatre dans l’espace spectateurs, les coques en bois tressé traduisent la dextérité des menuisiers du Doubs, Martel et VD Menuiserie. De forme courbe, les panneaux de 10 mm d’épaisseur renforcés de trois plaques de plâtre ont été fixés un à un sur une structure métallique. « Avec 30 kg au m2, c’est un véritable exploit », reconnaît Sarah Markert. Revêtement des salles d’exposition, des sanitaires et des escaliers du Frac, un sol en béton ciré s’exprime sur 2200 m2. « Une première en France par sa surface dans un équipement public », affirme Dominique Madec. Pour le directeur de la prescription du fabricant Grace, ce sera un test supplémentaire de la résistance de ce revêtement de 2 millimètres, en attente d’un avis du CSTB. « L’application qui a nécessité jusqu’à six personnes pour 500 m2 a été délicate car lorsqu’il fait froid, le produit sèche plus vite », témoigne Lucien Aranda, P-DG de Prosol Technologie.
« Un bel emblème pour la capitale régionale »
JEAN-LOUIS FOUSSERET
© JEAN-CHARLES SEXE / VILLE DE BESANÇON
Maire de Besançon et président de la communauté d’agglomération
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des Arts est appelée à devenir un lieu de curiosité pour les touristes et un lieu de promenade pour les Bisontins. Une signature internationale amplifie l’attractivité culturelle qui contribue, j’en suis convaincu, au développement économique. m Quel est l’impact de cet équipement culturel sur l’urbanisme ? Amorcée par la transformation du quartier de La Mouillère puis la construction de la salle des musiques actuelles La Rodia, la requalification de l’entrée est de la ville fait, avec la Cité des Arts, un bond en avant qualitatif. Elle donne une nouvelle vie à une friche portuaire. Grâce à l’animation qu’il apporte au quartier, l’équipement permet aux bisontins de se réapproprier les berges du Doubs. Dossier long et compliqué mais qui avance, la reconversion de l’ancienne usine de la Rhodiaceta constituera la prochaine étape. Il s’agit, sur environ 17 hectares bruts, de clore le chapitre industriel de l’histoire du site par une reconversion innovante, à laquelle je souhaite donner une connotation culturelle forte. L’idée est de faire de Besançon un lieu d’accueil des productions créatives et culturelles.
MARIE-GUITE DUFAY
© RÉGION FRANCHE-COMTÉ
m Quand l’argent public se raréfie, comment justifier un investissement lourd dans un équipement culturel ? La cité des arts répond à deux besoins émanant de deux collectivités. Equipement communautaire, le conservatoire de musique, trop à l’étroit dans ses locaux, devait déménager pour conserver son label de conservatoire à rayonnement régional. De son côté, le conseil régional avait décidé de rapatrier le fonds régional d’art contemporain (Frac) à Besançon. Les économies réalisées en réunissant les deux équipements sous un même toit se prolongent dans le fonctionnement. Des locaux et des moyens sont mis en commun sous le pilotage du Grand Besançon : l’accueil, l’auditorium, des salles d’exposition, le serveur informatique, la billettique, le service de nettoyage. m Quelle valeur ajoutée attendez-vous d’une signature architecturale de renommée mondiale ? Nous avons voulu un bel objet pour en faire un emblème de la capitale régionale. En résonance avec la rivière et le patrimoine historique - la citadelle en surplomb et les bastions Vauban sur le site-, la Cité
Présidente du conseil régional de Franche-Comté
« Développer une culture de l’échange » m Quel enseignement tirez-vous de la co-maîtrise d’ouvrage ? La co-maîtrise d’ouvrage avec la ville de Besançon est une volonté politique de mon prédécesseur Raymond Forni. Ce ne fut pas une expérience facile, mais nous avons dépassé les obstacles et aujourd’hui, je suis fière de cette réussite. Déménager le fonds régional d’art contemporain (Frac) est un investissement significatif pour le conseil régional. La mutualisation des moyens a permis de générer des économies et ce n’est pas anodin en ces périodes de difficultés budgétaires. La démarche haute qualité environnementale épouse la politique du conseil régional en matière du développement durable. m Quelle valeur ajoutée attendez-vous d’une signature architecturale de renommée mondiale ? Kengo Kuma a donné sa force et sa légèreté à ce bâtiment unique, qui joue le rôle d’une vitrine pour la région. En triplant le budget de fonctionnement du Frac, on change d’échelle. Je souhaite que l’Etat accompagne notre ambition en augmentant sa participation à 30% du budget, comme c’est le cas dans les autres régions. Il ne s’agit plus seulement de faire tourner les collections, il faut maintenant que cet équipement rayonnant suscite la rencontre du public et de l’art contemporain. Je mesure le défi pédagogique. La proximité avec le conservatoire nous incite à créer des passerelles avec la musique, en nous appuyant notamment sur l’orchestre symphonique régional cofinancé par la Région. J’espère que nous réussirons à transmettre cette culture de l’échange. »
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Besançon BESANÇON
Prés de Vaux annonce un quartier dédié à la culture La déclaration d’utilité publique du projet des Prés de Vaux dénoue la procédure d’expropriation de l’ancienne usine chimique. En écho à la cité des arts, se dessine un quartier culturel et de loisirs.
Constitués d’un ensemble hétéroclite de bâtiments vétustes, Les Prés de Vaux donnent une image peu flatteuse de Besançon en descendant du plateau, en provenance de la Suisse. Imminente, la déclaration d’utilité publique du projet de reconversion permet à la ville d’activer une procédure d’expropriation de l’ancienne usine de Rhône-Poulenc, communément appelée «La cathédrale» à cause de ses dimensions imposantes. Un périmètre d’attente de projet d’aménagement (P.A.P.A.) fige la situation. Cette procédure empêche la cession de droits à construire en attendant l’approbation d’un plan d’ensemble. Des acquisitions foncières à l’amiable ont été réalisées grâce au programme « Avenir du Territoire entre Saône et Rhin, consécutif à l’abandon par l’État du projet de canal Rhin-Rhône à grand gabarit. Retenue dans un marché de définition, l’équipe d’urbanistes Patrick Duguet associé à Alfred Peter (Strasbourg), à l’Atelier d’écologie urbaine (Paris) et au bureau d’études
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La salle des musiques actuelles La Rodia (Architecte : Denu & Paradon) fut en 2010 le premier signe de reconquête de la friche industrielle. OTE (Illkirch-Graffenstaden) donne une forte connotation écologique au projet. « L’idée d’un parc habité autorise une dédensification des bâtiments et le développement d’un aspect sauvage, au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la ville », expose Michel Loyat. Le plan de prévention des risques contre les inondations (PPRI) et une difficile accessibilité renforcent la place prépondérante des espaces verts, dans un ensemble de logements qui ne dépassera pas une centaine d’unités.
Des techniques de dépollution écologiques Cœur du projet sur l’emprise de l’ancienne usine chimique, une grande esplanade se prolongera vers le Doubs avec des espaces de promenade submersibles. Le parc public prendra forme au fur et à mesure de la dépollution des sols. La ville expérimente les techniques de phytoremediation (dépollution par les plantes) et bioremediation (dépollution par les bactéries) afin de piéger les hydrocarbures, solvants et métaux lourds. Selon les endroits, le traitement pourra durer entre un et dix ans. En amont de la rivière, l’aspect sauvage de berges est préservé avec des activités de plein air ne nécessitant pas d’équipement.
Le quartier résidentiel se situe à l’entrée du site, côté ville. Les immeubles sont disposés en peigne pour être accessibles depuis l’avenue Chardonnet, réhaussée hors de la crue centenale. Situés dans le prolongement de l’ancienne friche de La Mouillière, urbanisée il y a quelques années, Les Prés de Vaux renforcent l’idée d’un centre-ville élargi. « L’instrument de mesure est la marche à pied », affirme Michel Loyat. L’élu exprime ainsi son espoir de voir les riverains utiliser massivement la passerelle de liaison entre la Cité des Arts et la salle des musiques actuelles, pour se rendre à pied au centre-ville. Après s’être résolue à suspendre le projet d’un nouveau pont pour des questions budgétaires, la ville s’emploie à rendre visibles les cheminements d’une rive à l’autre et jusqu’au centre-ville. « L’absence de stationnement à la cité des arts peut inciter les visiteurs à emprunter la passerelle sur le Doubs », estime Michel Loyat. Côté ville, une étude de l’agence d’urbanisme de l’agglomération de Besançon (Audab) esquisse un parcours piétonnier. Prévu sur une dizaine d’années, le projet pourrait démarrer l’an prochain, par l’acte hautement symbolique de la démolition de «La cathédrale». La ville se réserve ce délai pour décider de la procédure d’aménagement. LE MONITEUR _ 15 mars 2013
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Hétérogène et vétuste
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n choisissant un architecte de renommée internationale pour la cité des arts, la Ville de Besançon donne un signal fort à la reconversion de la friche industrielle des Prés de Vaux, sur l’autre rive du Doubs. « La cité des arts ne fait pas partie du périmètre, mais elle renforce la vocation culturelle et de loisirs du quartier », affirme Michel Loyat, adjoint à l’urbanisme. Construite en face sur la rive droite par les architectes strasbourgeois Denu & Paradon, la salle des musiques actuelles et contemporaines (SMAC) La Rodia, fut en 2010 le premier signe de reconquête de cet espace de 25 hectares. Les Prés de Vaux sont pressentis pour devenir un lieu d’expression artistique en plein air et d’hébergement d’activités culturelles, associatives et marchandes. En 2011, la Fabrique Artistique a démarré de façon provisoire dans les locaux de l’ancienne usine Supérior. Cette expérimentation nourrira le programme du futur équipement culturel qui prendra place à terme au cœur du site.
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Un quartier résidentiel peu dense et quelques équipements publics remplacent les bâtiments industriels.
AVANT
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APRÈS
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Les formes pures de la cité des arts s’intègrent parfaitement au patrimoine Vauban. Depuis la citadelle, on voit qu’elle porte nullement atteinte aux bastions. Le traitement paysager affirme la relation avec la rivière et ramène le végétal dans la ville. La mémoire du bâtiment en briques des anciens entrepôts est préservée. Je suggère une meilleure relation avec le centre ancien en prolongeant le parvis dans la traversée de l’avenue Gaulard. Et j’ai demandé un garde-corps plus fidèle à l’architecture de Vauban à la place du métal déployé. JEAN-MARIE RUSSIAS, architecte des bâtiments de France
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C’est le nombre maximum de logements collectifs qui seront construits autour de la place Guyon reconfigurée.
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Un Divo sobre et modulaire Le premier complexe tertiaire de la Zac a commencé son rodage en septembre dernier. L’agence parisienne Combarel et Marrec a coordonné les six entités – trois immeubles, deux parkings semi-enterrés et un jardin – en plus de la maîtrise d’œuvre complète de son immeuble-phare, le Divo. Imbriquant bureaux et logements, le complexe mutualise certains équipements, dont le jardin partagé et les parkings semi-enterrés ventilés et éclairés naturellement. Réalisé sous maîtrise d’ouvrage de Foncière des régions, qui en occupe depuis septembre dernier les trois premiers niveaux, l’immeuble de sept étages propose 5 000 m2 de bureaux de standing, associant haute qualité environnementale et basse consommation. « Sur un bâtiment en T très compact, nous avons pu déterminer avec les futurs occupants des espaces modulables et fonctionnels privilégiant l’éclairage naturel », indique l’architecte Dominique Marrec. La coque du bâtiment se distingue par l’effet de vague que lui confère son revêtement composite ciment-verre parcouru de pig-
ments dorés. Les sept niveaux sont gérés par un système centralisé de gestion des fluides assurant confort et modularité. 500 poutres froides intégrant un échangeur diffusent l’air climatisé via une grille incorporée au plafond. Associés à un système de stores mécaniques, 800 luminaires éclairent l’ensemble.
Une Halle fine et dense Charnière entre la gare, le centre Pompidou-Metz et le nouveau quartier, la Halle conçue par Nicolas Michelin se distingue par la finesse de sa structure et la complexité son agencement. « Le bâtiment cristallisait les contraintes urbanistiques, économiques et techniques. Nous avons modifié le programme initial pour assurer la rentabilité du projet, qui présente un coût de construction élevé pour une ville de province », souligne Didier Godfroid, directeur de l’agence Nacarat Grand Est, maître d’ouvrage et promoteur de la Halle. La Ville a modifié son plan local d’urbanisme pour permettre la construction, au long de la courbe de la rue François Mitterrand, de cette fine halle de métal et de verre. Le bâtiment repose sur une forêt de pieux enfoncés à 15 m de profondeur et prend appui sur le parking attenant. La lame de 180 m de longueur est traversée par trois passages publics qui offrent aux 9 points de vente du rez-dechaussée une triple façade commerciale. Reposant sur une dalle en béton alvéolaire de 12 m de large, les trois étages de bureaux accueilleront au printemps le siège social de la Caisse d’Epargne Lorraine Champagne Ardenne. n Pascale Braun LE MONITEUR _ 15 mars 2013
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en service du centre commercial Muse et de la cité des congrès », explique Laurent Delaise, ingénieur chargé des études et du développement d’UEM. Le groupe a mis en service en janvier dernier sa chaudière à biomasse d’une puissance de 9,5 MW, produisant 44 millions de kWh.an. Le quartier de l’Amphithéâtre constitue ainsi l’un des premiers grands complexes urbains français à consommer majoritairement des énergies renouvelables.
© LUC BERTAU/ ANMA/NACARAT
PHILIPPE HUBERT, directeur technique du centre Pompidou-Metz
© ANMA/ARTEFACTORY
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ccroché depuis novembre 2012 dans la grande nef du centre Pompidou-Metz, le rideau de parade symbolise la fonctionnalité du centre d’art contemporain messin. Le Plus grand Picasso du monde (10,50 m *16.50 20) n’avait jamais pu être exposé à Beaubourg. Les vastes espaces aménagés au-dessus des galeries ont déjà permis d’exposer plusieurs autres pièces monumentales. Les solutions pionnières mises en place pour exposer, éclairer et protéger les œuvres n’ont jamais été prises en défaut. Certes, la membrane translucide cède de manière récurrente au niveau des poteaux-tulipes lors de la fonte des neiges. Mais le « chapeau chinois » conçu par Shigeru Ban n’en demeure pas moins un écrin prestigieux et efficace. Point d’ancrage du nouveau quartier de l’Amphithéâtre, le centre Pompidou Metz a généré dans son sillage maintes prouesses techniques. En 2003, l’annonce de son implantation a conduit le groupe UEM, chargé de la production et de la distribution d’énergie, à accélérer son projet de station de froid urbain collective combinant climatisation et déshumidification de l’air sans tour de refroidissement. Mis en service fin 2009 au terme d’un investissement de 2,4 millions d’euros HT, l’équipement constitué de deux groupes de condensation intégrait dès sa conception une possibilité d’extension. UEM s’apprête aujourd’hui à ajouter quatre nouvelles machines intégrant un dispositif de « free cooling » qui permet de récupérer le froid extérieur lorsque la température descend en-dessous de 12° C. L’installation entrera en service fin 2013 pour un montant de 2,5 millions d’euros HT. « Ce phasage nou permettra de différer les investissements, puis d’arriver progressivement à la puissance maximale lors de la mise
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Le centre-Pompidou Metz tient les promesses de saprogrammation. Nous disposons de 5 000 m2 de réserves climatisées auxquels s’ajoutent les grands espaces du forum et des jardins. L’éclairage indirect et le plafond homogène crée un environnement sobre et neutre. Le faux plancher en dalles perforées contribue à la flexibilité et à la souplesse de nos 60 zones d’exposition. Réalisé dans des délais courts avec un budget serré, le centre Pompidou-Metz propose aux œuvres un environnement sobre.
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Dans le quartier de l’Amphithéâtre, le centre Pompidou Metz s’entoure d’une nouvelle génération de bâtiments tertiaires de haute technicité alimentés par une énergie renouvelable.
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Le centre Pompidou s’entoure d’immeubles de haute technologie
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d’acier lorrain forment la structure de la Halle qui propose une surface de 8 500 m2, dont trois niveaux de bureaux et 9 cellules commerciales en liaison directe avec la gare.
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mètres
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de longueur, 9 m d’épaisseur à la base et 12 m aux étages permettent au bâtiment de concilier finesse et densité.
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Boulevard de la Seille, un nouvel axe routier pour une nouvelle fluidité Reconfiguré et doté de deux nouveaux ponts, le boulevard de la Seille irriguera au printemps un quartier de l’Amphithéâtre en pleine émergence.
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Créer du cachet Un nouvel équipement majeur, la cité des congrès, se profile à entre la gare et le centre Pompidou-Metz. La communauté d’agglomération, la ville de Metz et le conseil général de la Moselle s’apprêtent à constituer une
Inauguré voici dix ans, le parc de la Seille a constitué la première réalisation du quartier de l’Amphithéâtre qui ouvre aujourd’hui 50 hectares à l’urbanisation. nouvelle société publique locale pour lancer ce chantier d’un montant prévisionnel de 70 millions d’euros. Le centre des congrès regroupera deux halls d’exposition, soit 4 500 m2 sur deux niveaux, un auditorium de 1 200 places, d’un autre de 400 places modulables et un espace de restauration d’une capacité de 1 200 places. L’espace sera exploité par la société GL Events, qui gère déjà le parc des expositions de Metz Métropole. La cité des congrès se complètera d’un hôtel de 4 000 m2 et d’immeubles de bureau. Le chantier pourrait démarrer en septembre 2014. Refondée fin 2012 sous forme de Société publique locale, la Saremm accompagnera le projet en veillant à donner du cachet à ce nouvel espace stratégique à la sortie sud de la gare. « Les architectes devront se livrer à un exercice de style pour intégrer le nouvel ensemble à proximité d’un équipement aussi rayonnant que le Centre Pompidou-Metz, sans prétendre rivaliser avec lui », observe Hassen Bouflim, directeur de la Saremm. La structure renforcée assure la maîtrise d’ouvrage déléguée des grands chantiers de la ville et de l’agglomération. n Pascale Braun LE MONITEUR _ 15 mars 2013
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Le désenclavement induit par l’avenue de Seille amplifie la portée du premier geste urbain qui a lancé la Zac de l’Amphithéâtre, concomitant à l’ouverture du centre Pompidou-Metz en mai 2010. Avec la passerelle qui relie la gare à un parvis donnant accès à l’équipement culturel et au nouveau quartier, Nicolas Michelin avait d’emblée cassé la barrière ferroviaire Est Ouest qui isolait l’ancienne friche du centre-ville. Depuis lors, une effervescence urbaine ininterrompue et spectaculaire met en scène un échantillon des architectes et promoteurs nationaux et régionaux : après la Halle de 180 m de long conçue par Nicolas Michelin comme l’interface entre Pompidou et l’Amphithéâtre, le Divo, dessiné par Combarel et Marrec, accueille depuis septembre dernier ses premiers occupants, les équipes lorraines du groupe Batigère. Courant mai, le groupe Apsys lancera un chantier d’un montant de 280 millions d’euros. Le projet signé par Jean-Paul Viguier comporte le centre commercial Muse, qui offrira 37 000 m2 de surface de vente en 2015, 6 000 m2 de bureaux et 450 logements. Après une longue période de pénurie d’offre immobilière de qualité, Metz se découvre une fièvre constructive. Les programmes d’habitat du groupe Bouygues, d’Adim Est (groupe Vinci) et du promoteur messin Claude Rizzon densifient peu à peu le sud de la Zac au droit de la rue Lothaire. En face de l’Amphithéâtre, sur la rive droite de la rivière, l’écoquartier des Coteaux de la Seille doit accueillir en fin d’année ses premiers occupants. Lancée sous maîtrise d’ouvrage communale, la première tranche du programme prévoit 260 logements.
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Fièvre constructive
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vec la construction du boulevard de Seille, le projet Amphithéâtre change d’échelle. L’extension de centre-ville conçue par Nicolas Michelin dans le sillage du centre Pompidou Metz se connecte, à partir du printemps 2013, à un système de déplacement urbain bouleversé par cette infrastructure qui mobilise 32 millions d’euros, sous maîtrise d’ouvrage de Metz Métropole. L’avenue fluidifie l’une des principales entrées routières de l’agglomération. Elle compense la suppression de la circulation routière sur l’avenue de Plantières, désormais dédiée au nouveau transport urbain Mettis. Enfin, elle crée une continuité entre les pistes cyclables et les liaisons douces au long de la rivière qui lui donne son nom et qu’elle longe sur 2,25 km du nord au sud. Porte d’entrée Est du quartier de l’Amphithéâtre, le nouvel axe routier, inscrit dans le plan de déplacement urbain dès l’an 2000, dessert deux de ses équipements phares : le Centre Pompidou-Metz et le palais omnisport Les Arènes, conçu par Paul Chemetov. Sa livraison interviendra en trois étapes, à partir de ce printemps. « Concomitant aux travaux du Mettis, le chantier a connu un phasage compliqué pour permettre de maintenir la circulation durant 18 mois. Les travaux se sont déroulés en concertation avec le conseil général de la Moselle, gestionnaire de la liaison intercommunale, le pôle de régulation du trafic et l’architecte des bâtiments de France dans le périmètre de la porte des Allemands», indique Annie Picard, responsable du chantier du boulevard de la Seille à la Société d’aménagement et de restauration de Metz Métropole (Saremm). Aux deux ponts, l’un ferroviaire, l’autre routier, qui enjambaient déjà la Seille, se sont ajoutés deux nouveaux franchissements : un pont de liaison routier et une passerelle réservée à Mettis. Les paysagistes Décor Harmonie Réalisation à Moulinslès-Metz et Hurstel à Saulxures-les-Nancy ont redessiné la place Mazelle et replanté quelque 700 arbres tout au long du parcours.
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Le boulevard de la Seille achève de désenclaver le quartier de l’Amphithéâtre. Les travaux ont également permis de reconfigurer la place Mazelle.
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RICHARD LIOGER, premier adjoint à l’Urbanisme de la ville de Metz et président de la Saremm
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Il était temps que Metz recommence à construire. Avec Pompidou, le quartier de l’amphithéâtre et le Mettis, nous nous mettons en ordre de bataille pour recentrer la population, le commerce et l’économie sur la ville. Des promoteurs nationaux y implantent simultanément de grands projets en connaissance de cause, en assumant la concurrence. Les nouveaux centres commerciaux ramènent le commerce en centre-ville et relancent Metz comme ville phare de la Grande Région aux côtés de Sarrebruck et de Luxembourg.
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Le nouveau boulevard de la Seille reconfigure les abords de la rivière sur 2,25 km au long l’un axe nord-sud. Le budget prévisionnel de 39 millions d’euros a été respecté.
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m Trois ans après l’ouverture du centre Pompidou-Metz, l’effet Bilbao qu’espérait la ville est-il au rendez-vous ? L’effet Bilbao se mesure sur le long terme. Pour l’heure, la réalité que nous constatons dépasse nos espérances. Le centre Pompidou-Metz a positionné la ville parmi les destinations touristiques inédites de l’Europe continentale. Son rayonnement présente des impacts directs et quantifiables : la fréquentation de l’office du tourisme a bondi de 65 % entre 2009 et 2011 et même des sites éloignés, tels la cathédrale, ont vu leur fréquentation augmenter de près de 20 %. m Le quartier de l’Amphithéâtre, dont l’esthétique est parfois critiquée, engendre-t-il la dynamique économique escomptée ? Des goûts et des couleurs, on ne discute pas. Le quartier de l’Amphithéâtre, sur lequel aucun contrat n’était signé lors de notre arrivée en 2008, est aujourd’hui rempli à 50 %. En ouvrant ce nouvel espace, nous avons facilité le travail des promoteurs. Ils sont tous là, porteurs de projets nombreux et ambitieux, accompagnés de grandes signatures architecturales. Dans une Lorraine en crise, Metz
JEAN-LUC BOHL
demeure une ville attirante où s’installent les sièges sociaux de groupes importants, tels Foncière des régions, la Caisse d’Epargne Lorraine Champagne Ardenne ou la Banque populaire de Lorraine, qui conduit un programme important sur la sortie historique de la gare. m Le projet Muse sur le quartier de l’Amphithéâtre et celui de Wave Grand Sud en périphérie représentent à eux seuls 63 000 m2 de surfaces commerciales supplémentaires. La ville est-elle en mesure d’absorber un tel accroissement ? Les projets commerciaux ne relèvent pas de la ville, mais des promoteurs, qui viennent en connaissance de cause. Je me suis prononcé en faveur du projet Wave Grand sud, car la Zac de Moulins-lesMetz, délabrée et peu gérée, avait besoin d’un point d’ancrage. m Que répondez-vous à vos détracteurs qui craignent une dérive financière ? La ville, qui présente une situation saine et un faible endettement, avait besoin de réinvestir dans de grands équipements publics. Je n’ai qu’une crainte, c’est que ses infrastructures ne soient pas à la hauteur de ses ambitions.
Président de la communauté d’agglomération Metz Métropole
« Le risque plutôt que l’inertie »
DOMINIQUE GROS
© JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN
Maire de Metz, vice-président de la communauté d’agglomération Metz Métropole
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© METZMETROPOLE_PHILIPPE GISSELBRECHT
« Nous facilitons le travail des promoteurs »
m Comment analysez-vous l’effet Pompidou à l’échelle du territoire ? Le centre Pompidou-Metz a joué pleinement son rôle de catalyseur. Il a tiré vers le haut tous les autres équipements du territoire et contribué à la forte valorisation du quartier de l’Amphithéâtre. La future cité des congrès ne fera pas exception et le nouveau quartier laissera une trace à la postérité. m L’agglomération a-t-elle les moyens de tels équipements ? Certes, ces équipements sont chers, mais l’image de l’agglomération n’a pas de prix et les investissements sont répartis de manière pragmatique entre les différents acteurs du territoire. Nous avions l’opportunité unique de créer un nouveau cœur de ville. Nous avons fait le choix du risque plutôt que celui de l’inertie. Ce choix assumé à l’unanimité inscrit l’agglomération parmi celles qui ont su faire de la culture un outil de développement. Lors de l’inauguration de l’antenne du musée du Louvre-Lens, on a évoqué l’exemple de Bilbao, mais aussi celui de Metz. m L’agglomération valorise-t-elle-t-elle pleinement l’effet Pompidou ? Le centre Pompidou-Metz a donné lieu à une réflexion sur l’économie touristique du territoire. Metz Métropole n’a pas de compétence directe en matière de tourisme, mais il lui revient d’accompagner les grands événements du centre, telle l’exposition 1917, événement-phare de 2012. Les acteurs du tourisme, du commerce et de l’hôtellerie doivent se mobiliser pour profiter pleinement de cet équipement.
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COLMAR
Le musée Unterlinden, entre mémoire et modernité Le plus grand chantier jamais engagé par la ville de Colmar donne au musée emblématique de l’Alsace sa physionomie du XXIème siècle, 165 ans après son ouverture.
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heures de travaux de plâtrerie : pour WereyStenger Plâtre et Staff comme pour d’autres entreprises locales, l’extension du musée colmarien constitue l’un des grands chantiers de l’année 2013.
Posture d’humilité La clé de la réponse architecturale prend la forme humble d’une « petite maison », au centre de l’emprise et de la place Unterlinden. Entre le couvent médiéval qui abrite les collections anciennes d’une part, l’aile nouvelle et les anciens bains municipaux
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posteriori, le choix de l’architecte s’impose comme une évidence. Qui, mieux que Herzog & de Meuron, pouvait interpréter la partition à la fois locale et internationale demandée par la ville, à l’occasion du plus grand chantier de son histoire ? Consacrés par le prix Pritzkler et par le stade des jeux olympiques de Pékin, les voisins bâlois poursuivent à Colmar la recherche d’une synthèse ambitieuse entre mémoire et modernité, déjà exprimée à Londres dans la Tate Modern. A l’articulation douce entre les architectures médiévale, néobaroque et contemporaine, s’ajoute la sortie par le haut du bras de fer qui a longtemps opposé la ville, partisan d’une extension aérienne, et la direction des musées de France, qui défendait une option souterraine : la réponse de Herzog & de Meuron associe une galerie semi-enterrée et une aile nouvelle. L’idée d’une salle événementielle, dans les anciens bains, stimulera l’appropriation de l’équipement par les colmariens, dont beaucoup ont appris à nager sur ce site. Le maître d’ouvrage a tiré parti d’une décennie de gestation : « Lors de la négociation du contrat de projets, il n’y avait pas d’autre dossier culturel prêt à démarrer », souligne Gilbert Meyer, maire de Colmar. La fréquentation vient en tête de ses préoccupations : comment ramener un minimum de 320 000 visiteurs par an, au lieu de 150 000 en 2010, dans le musée encyclopédique majeur de l’Alsace, depuis sa création en 1848 ?
d’autre part, les architectes n’ont pas choisi son implantation au hasard : « Nous reprenons le volume d’un ancien bâtiment qui servait autrefois d’entrée aux dépendances du couvent », précise Christine Binswanger, chef de projet et Senior Partner de l’agence Herzog & De Meuron. Au-dessus du canal remis au jour, ce pavillon laissera entrevoir la galerie souterraine, pour mettre en appétit les passants. Lauréate du concours d’architecture en octobre 2009, l’agence bâloise n’a pas attendu la notification des marchés, en mai 2012, pour mobiliser le meilleur du savoir-faire d’une poignée d’entreprises locales. Toutes se souviendront de la visite guidée au musée des Arts et traditions populaires de Bâle, au cours de laquelle Herzog & De Meuron a détaillé son savoir-faire et ses objectifs d’excellence. Le respect d’exigences sans précédent, avant et pendant les travaux, justifie la fierté de participer à une opération qui, pour la
plupart des entreprises retenues, suscite le plus gros marché de l’année 2013.
Prototype à l’échelle 1 Sans certitude de remporter les appels d’offres, elles ont participé en 2011 à la réalisation d’un mur prototype de 11 m à l’échelle 1, pour permettre aux architectes de vérifier la faisabilité des concepts développés pour l’aile neuve. Des murs enveloppés de briques cassées, selon un calepinage précis, prolongent des recherches menées à Londres sur la matérialité de la façade ; des ouvertures rectangulaires à l’intérieur se transforment en baies ogivales à l’extérieur, pour harmoniser l’œuvre contemporaine avec le couvent gothique. « L’agrafage des briques sur le mur en béton isolé par l’extérieur crée une occasion rare de marier le savoir-faire de nos équipes spécialisées respectivement en gros œuvre et en monuments historiques », s’enorgueillit LE MONITEUR _ 15 mars 2013
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Me THIERRY CAHN, vice-président de la société Schongauer, exploitant du musée Unterlinden
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Depuis 1848, la société Schongauer a fait la preuve de sa capacité à gérer avec souplesse et inventivité un des musées les plus fréquentés de France. La diminution actuelle des budgets publics contribue à mettre à l’ordre du jour une méthode de gestion privée, tout en restant dans le cadre rigoureux des Musées de France. La société créera une boutique et une cafétéria. Elle s’est également mobilisée pour le mécénat, comme en témoigne le recrutement d’une personne dédiée.
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m2 de couverture et 350 m2 de bardage en cuivre : l’aile neuve servira de référence pour les tenants de l’expression contemporaine de ce matériau.
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L’harmonie du résultat final contraste avec la vision du chantier au premier trimestre 2013. L’espace contraint conduit à des impacts sur les bâtiments environnants : la sortie de secours du cinéma voisin emprunte les locaux techniques municipaux implantés dans une ancienne laiterie. A 8 m sous le niveau du sol, les fondations de l’aile neuve s’organisent autour d’un radier. Selon la méthode dite de la paroi parisienne, Botte Fondations (Vinci) cale les pieux sur une poutre de couronnement, proche de la surface, tout en surveillant les éventuels mouvements de terrain à l’aide d’un réseau de cibles témoins. Sur la place Unterlinden où s’est implantée la base vie, il
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euros : en fixant à cette hauteur la part du mécénat dans le financement de l’extension du musée Unterlinden, la société Schongauer lance un défi sans précédent à Colmar.
faut encore de l’imagination pour percevoir les délicats rattrapages de niveau qui concilieront l’accessibilité des personnes handicapées et la visibilité de l’office du tou-risme, sur la façade des anciens bains. À l’intérieur de ces derniers, les planchers s’adaptent à des charges qui, dans la salle événementielle, atteindront jusqu’à 620 kg/m2, grâce à des renforcements de béton et de métal, voire à des reconstructions complètes, quand les ravages du chlore se révèlent irrémédiables. Autre chantier sur bâtiment existant, la restauration du couvent médiéval n’a commencé qu’au début de l’année, autour de la future entrée du musée. « A gauche de cette dernière se situe le point névralgique de toute l’opération, qui conditionne à la fois la galerie souterraine, les aménagements extérieurs et la restauration du couvent », résume Antoine
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Passage étroit
3 500 000
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Rinaldi, titulaire de la mission d’ordonnancement, pilotage et coordination pour le compte de Realbati. Après 2014, les visiteurs choisiront, à partir de ce sas, de s’orienter vers les salles historiques ou contemporaines. À cette échéance, la restitution du couvent médiéval gardera un goût d’inachevé : en interdisant le déménagement provisoire du retable d’Issenheim pendant la durée du chantier, le ministère de la Culture aura contraint la maîtrise d’œuvre à abandonner l’idée d’aménager un écrin contemporain associant des fonctions esthétiques et de régulation thermique à la hauteur du statut du chef-d’œuvre mondial. D’autres étapes de restauration se profilent pour les décennies à venir, mais le musée Unterlinden n’en aura pas moins acquis sa physionomie du XXIème siècle.
Comme je l’ai dénoncé dans mon diagnostic de 2006, les transformations successives de cet ensemble conventuel ont abouti à la disparition de sa destination première : en dehors du cloître et de la chapelle, plus rien n’évoque aujourd’hui l’ancien couvent. Le projet arrêté porte essentiellement sur la restauration des toitures afin d’assurer une certaine pérennité au monument. L’hygiène naturelle des bâtiments ne sera pas totalement retrouvée en l’absence d’intervention intérieure, notamment sur les sols modernes. RICHARD DUPLAT, architecte en chef des Monuments historiques
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David Croci, qui a piloté cette phase préparatoire comme chef du département monuments historiques de l’entreprise Scherberich. Egalement colmarien, le couvreur Schoenenberger salue l’écoute des architectes suisses, qui ont retenu ses propositions pour dissimuler les chenaux, à la jonction invisible entre la toiture le bardage en cuivre : « Jamais nous n’avions eu l’occasion d’appliquer une esthétique contemporaine à ce matériau noble et ancien, sur une telle surface », s’enthousiasme le directeur technique Claude Schoenenberger. La créativité de l’entreprise s’est également appliquée à la sécurité, avec la conception de garde-corps amovibles au fur et à mesure de la progression du chantier. Egalement associé au prototype, le plâtrier WereyStenger identifie son morceau de bravoure dans l’escalier hélicoïdal de trois niveaux qui donnera accès à la mezzanine des anciens bains municipaux. La vérification de la résistance des plaques de staff à la perforation acoustique pousse la PME alsacienne dans ses retranchements, mais sans la désarçonner : « La rigueur de l’architecte et ses exigences de validation en amont nous vont bien : cela correspond aux habitudes de l’entreprise », soutient Christophe Missenard, conducteur de travaux. « La tradition d’un artisanat de qualité, commune à l’ensemble de l’espace rhénan, s’ajoute à la volonté générale des entreprises d’aller au-delà de leurs limites habituelles, d’ajouter une dimension artistique au simple respect des normes », se réjouit l’architecte Christiane Binswanger.
FICHE TECHNIQUE Maître d’ouvrage : ville de Colmaret Architecte : Herzog & De Meuron. Bureau d’études : Artelia. Economiste : C2BI. Maître d’œuvre de la restauration du monument historique : Richard Duplat. Conducteur d’opération : Domial. Ordonnancement, pilotage et coordination : Realbati. Bureau de contrôle : Socotec. Surface : 7800 m2. Coût d’opération (travaux, honoraires et annexes) : 41,8 millions TTC. Calendrier : second semestre 2012 – second semestre 2014
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« Le point d’orgue d’une stratégie longue »
VINCENT BERJOT
les 320 000 visiteurs par an : nous avons fixé cet objectif minimal par convention avec la société Schongauer, mais je pense que nous atteindrons les 450 000. Après le concours, j’accorde toute ma confiance à l’équipe mondialement reconnue : je me bats pour le respect du calendrier, jamais sur le contenu du projet. Quand il a fallu trancher entre mes services et les architectes, j’ai presque toujours retenu l’avis de ces derniers. m En quoi ce projet concourt-il à l’attractivité de Colmar ? Le projet Unterlinden s’inscrit dans un centre-ville totalement relooké et facile d’accès. Sur le plan économique, les premiers de la classe se remarquent : le magazine Capital classe Colmar en tête des 112 villes de plus de 50 000 habitants, du point de vue de l’attractivité fiscale. Dans le cadre des discussions sur le conseil unique d’Alsace, les experts soulignent le rayonnement à 360 ° qui caractérise Colmar, par opposition aux deux plus grandes villes : Strasbourg, limitée à 180° par le Rhin, et Mulhouse, absorbée par le pôle bâlois. Le succès de l’offre foncière dégagée par l’agglomération témoigne de ce rayonnement.
Directeur Général des patrimoines au ministère de la Culture et de la Communication
« Protéger une œuvre exceptionnelle »
GILBERT MEYER
© DOMINIQUE GIANNELLI /LE MONITEUR
Maire de Colmar
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© T. CHAPOTOT / MCC
m Comment justifier un investissement lourd dans la culture, en temps de crise ? À la notion de crise, j’oppose l’idée d’une dynamique. Mais pour soutenir une telle vision, on ne peut se contenter d’un seul projet, aussi important soit-t-il. L’extension du musée Unterlinden vient en point d’orgue d’une stratégie longue, qui se décline dans l’animation et les équipements. Il y a 10 ans, la rénovation du théâtre municipal avait mobilisé 33 millions de francs d’investissements, un chiffre que l’on retrouve aujourd’hui en euros pour l’opération Unterlinden. Chiffré à 4,5 millions d’euros, mon premier chantier culturel, la restauration de l’église Saint-Matthieu, a offert il y a 15 ans un cachet supplémentaire au festival international de musique. Les 10 ans de réflexions qui ont précédé le lancement du projet Unterlinden ont abouti au bon moment, pour en faire le dossier culturel phare du contrat de projets Etat Région. m Quel plus apporte une signature architecturale de renommée mondiale ? Je ne mésestime pas la compétence des architectes locaux. Mais sur un tel projet, une signature locale n’aurait pas permis de doubler la fréquentation pour atteindre
m Comment le ministère intervient-il dans la programmation et le suivi de l’extension et de la rénovation du musée Unterlinden ? Le projet du musée Unterlinden rassemble de multiples contraintes, au sein d’un édifice remarquable par son histoire et l’importance de ses collections. Le ministère de la Culture et de la Communication assure ses missions de conseil et d’expertise, depuis la phase initiale de l’élaboration du Projet scientifique et culturel (PSC) jusqu’à l’ouverture au public. La décision de la ville de Colmar de lancer un concours international a permis de sélectionner une équipe de maîtrise d’œuvre de grand talent, et parallèlement de mener une restauration sur la partie classée au titre des monuments historiques. m Quels avantages et inconvénients présentent les solutions techniques envisagées pour la protection du retable d’Issenheim ? La société Schongauer, association gestionnaire du musée, souhaite que les collections restent visibles par le public pendant la durée des travaux. Il est donc nécessaire de prévoir une protection pour éviter tous risques de dégradation de cette œuvre exceptionnelle. La mission a été confiée par le maître d’ouvrage à Richard Duplat, architecte en chef des monuments historiques. La solution technique envisagée à ce stade consisterait à mettre en place une protection horizontale mobile au-dessus du retable sur l’ensemble du chœur de la chapelle, pour éviter la propagation de poussières et prévenir les chutes accidentelles d’objets pendant les travaux.
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COLMAR
© MAIRIE DE COLMAR
La petite Venise s'agrandit
En 2012, la ville de Colmar avait déjà renforcé son attractivité culturelle par l’aménagement de la Place du 2 février et de la Médiathèque (à droite de la vue aérienne et sur la photo en bas à gauche).
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à étendre la « Petite Venise » qui donne son cachet au centre-ville. Principaux investissements municipaux achevés en 2012, le réaménagement de la place du 2 février et la reconversion de l’ancien hôpital en médiathèque apparaissent, a posteriori, comme une préfiguration de l’opération Unterlinden : là aussi, la ville a saisi l’occasion de la construction d’un nouvel équipement pour créer un espace public de qualité. « Les deux opérations se complètent pour renforcer l’attractivité du centre-ville de Colmar autour d’une fonction culturelle », se réjouit Daniel Meyer, adjoint au maire chargé des travaux. Pour renforcer la cohérence de son centre historique et touristique, Colmar s’appuiera sur les préconisations de l’agence Herzog
& De Meuron, sans forcément les suivre à la lettre : l’harmonisation du jalonnement hôtelier pourrait s’appuyer sur une couleur unique, un brun foncé désigné comme « le noir de Colmar », proche de la couleur des colombages. Les mâts d’éclairage qui entoureront le musée Unterlinden pourraient préfigurer un nouveau standard du centre-ville. Contrepartie de la diminution de l’espace accessible aux voitures, l’enrichissement de l’offre de stationnement se poursuit, en lisière du quartier historique : avant l’édition 2013 du marché de Noël, le service de l’architecture livrera le parking Saint-Josse, doté de 484 places. L’espace libéré offrira le cadre d’une opération urbaine du prochain mandat.
Face à la complexité inédite du programme d’extension du musée, la ville a souhaité un accompagnement, concrétisé en juillet 2008 par la notification du marché de conduite d’opération. Au-delà de cette mission, Domial a facilité l’enrichissement du programme, sans parler de l’adaptation du projet à l’annulation du plan local d’urbanisme. La prestation s’est progressivement élargie à la rénovation du monument historique, compte tenu des interactions non identifiées au départ avec le projet d’extension. MICHEL GABAGNOU, conducteur d’opérations pour le groupe Domial
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as de clash : dans son architecture comme dans son approche urbaine, l’extension du musée Unterlinden participe à une métamorphose profonde, mais douce, du centre historique de Colmar. La voiture y cède peu à peu la place aux modes doux. Sur la place Unterlinden, espace central du projet, l’évacuation de la gare routière et le déménagement de l’office du tourisme dans les anciens bains municipaux rendent possible la réouverture du canal. La redécouverte de l’eau avait déjà commencé l’an dernier, à l’occasion de la réfection de la rue des Ecoles. L’année précédente, le réaménagement du Quai des poissonniers, prolongement urbain de la rénovation du Marché couvert, avait également contribué
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© CABINES 3S
Avec deux investissements de 90 millions d’euros en moins de cinq ans, le groupe Liebherr symbolise l’attractivité économique de l’agglomération colmarienne.
L’arbre Liebherr cache une forêt d’implantations E
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Certes, une implantation résulte d’un dossier global, dans lequel le coût de l’investissement, la qualité de la main d’œuvre et l’environnement économique jouent les premiers rôles. Mais il faudrait être myope pour ne pas identifier le rôle de l’offre culturelle. Avec l’œuvre de Schongauer qui figure parmi les 20 tableaux les plus connus au monde, Colmar résonne aux oreilles de tous ceux qui s’intéressent à l’art, notamment les américains qui identifient aussi la ville de Batholdi. ANDRÉ KLEIN, président du centre européen d’études japonaises d’Alsace, ancien directeur du comité d’action économique du Haut-Rhin.
Le plus culturel Pour renforcer l’identification de son foncier économique, la collectivité a lancé une démarche « Ecodesign ». Sur la totalité des 622 ha concernés, un prestataire, dont la désignation doit intervenir au printemps, traitera à la fois l’esthétique et la fonctionnalité. L’agglomération souhaite profiter de cette mission pour renforcer la visibilité de la desserte des zones d’activités par les transports publics.
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n moins de cinq ans, le groupe Liebherr aura investi deux fois 90 millions d’euros au nord de Colmar, dans la zone de l’aérodrome. Après la livraison du chantier en cours, 300 nouveaux emplois auront renforcé le groupe familial à Colmar. « Un troisième dossier, en cours d’instruction pour 42 millions d’euros, me paraît encore plus significatif : il s’agit d’un département recherche, signe d’un enracinement dans la durée », se réjouit Gilbert Meyer, maire de Colmar et président de l’agglomération. Derrière l’arbre de Liebherr, une forêt d’implantations se déploie au fur et à mesure des aménagements réalisés par la jeune communauté d’agglomération colmarienne (Cac). Ses services recensent 53,15 hectares de zones d’activités créées au cours des cinq dernières années, dont 35,8 pour le site de l’aérodrome. La dynamique de croissance facilite l’adoption d’une fiscalité attractive, grâce à l’élargissement des bases : avec un taux de 23,7 % pour la Contribution foncière des entreprises au lieu d’une moyenne de 26,49, la Cac se situe en 164ème position, parmi les 201 communautés d’agglomération.
Dans l’analyse globale de l’attractivité économique de la locomotive urbaine du centre de l’Alsace, cette touche de design complètera l’offre culturelle. Le lien entre les deux thèmes a déjà convaincu les premiers mécènes américains de l’extension du musée : la fondation Timken – du nom du fabricant de roulements à billes implanté à Colmar pour 270 000 dollars, et le musicien William H Scheide, petit-fils d’un ancien associé de Rockfeller, pour 500 000.
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> PROSPECTIVE
directeur général des services du Grand Besançon
© NICOLAS WALTEFAUGLE/LE MONITEUR
« L’impact d’un investissement public sur des initiatives privées »
Laurent Van Herreweghe
L’émergence d’un quartier culturel autour de la Cité des arts conduit Besançon à explorer le potentiel des industries culturelles et créatives. Le projet européen ESIMeC a permis de défricher le sujet.
m Pourquoi Besançon a-t-elle adhéré au projet européen ESIMeC ? L’adhésion de la ville et de la communauté d’agglomération de Besançon a coïncidé avec le lancement du projet de la Cité des arts. L’émergence d’un nouveau quartier culturel au cœur de la ville a conduit à se poser la question : quelles retombées économiques un investissement public lié à la culture peut-il avoir sur des initiatives privées dans ce domaine ? Un édifice comme la Cité des arts n’est pas seulement destiné à consolider l’attractivité culturelle et touristique. Il peut aussi stimuler l’économie et le développement urbain. La stratégie économique du Grand Besançon est de développer un modèle entrepreneurial et durable qui s’articule autour de deux sphères d’activités majeures : la précision et l’intelligence liées au passé industriel fondé sur l’horlogerie ainsi que, comme capitale régionale, le tertiaire et les services. Un recensement des industries culturelles -de l’horlogerie au multimédia en passant par le design, le luxe, les arts graphiquesrévèle une filière à part entière avec près de 350 entreprises représentant 2500 emplois, des structures artisanales pour la plupart. D’où le choix de travailler sur les industries culturelles et créatives. Mais il faut rendre ces activités plus visibles, renforcer leur professionnalisation, faire émerger des innovations. m Comment ESIMeC a appuyé votre réflexion ? Le projet a fédéré les acteurs autour de trois volets : urbanisme, formation et économie. La démarche a débouché sur un plan local d’action, en quelque sorte une feuille de route.
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L’agence d’urbanisme de l’agglomération de Besançon (Audab) a analysé le potentiel urbain du secteur Rivotte-Prés de Vaux, en le resituant dans un cadre large, d’approche globale des sites en mutation : Saint-Jacques, Arsenal, Vauban…L’attention s’est ensuite focalisée sur un périmètre plus serré, pour traiter la valorisation de l’entrée de ville, les berges du Doubs et leur articulation avec l’hypercentre.
« Vérifier l’opportunité de créer un outil d’accueil et d’accompagnement des activités créatives » La Cité des arts complète une offre culturelle déjà riche : la salle des musiques actuelles La Rodia et la friche artistique qui accueille des compagnies et associations, toutes les deux ouvertes en 2011 ; le bastion qui abrite depuis longtemps des studios de répétitions pour les musiciens amateurs. Si toutes les activités artistiques et culturelles n’ont pas vocation à se localiser sur le site, la proximité des équipements et d’acteurs d’horizons différents est source d’émulation pour la création de contenus innovants. Dans ce contexte, Le Grand Besançon souhaite vérifier l’opportunité de créer un outil d’accueil et d’accompagnement des activités
créatives. La réflexion porte sur le service (formation, guichet unique, ...), mais aussi un lieu d’hébergement. Car l’agglomération dispose d’une offre de pépinières et d’hôtels d’entreprises, mais elles sont majoritairement généralistes. m Que vous ont apporté les échanges avec les autres villes du réseau ? Les plans d’action locaux des autres villes du réseau ont apporté des exemples de bonnes pratiques susceptibles d’aider à la réflexion pour les projets bisontins : la transformation d’une friche industrielle en lieu de spectacle à Gävle, la reconversion d’une zone d’activités à Basingstoke, un guichet unique pour les jeunes en attente de formation Sabadell. m Comment se poursuit le projet ? ESIMeC se termine, mais la dynamique demeure. Le programme nous a convaincus que la mise en réseau des compétences est le levier majeur pour développer les industries créatives et culturelles dans le long terme. Parallèlement à la poursuite du volet urbain, notre travail va maintenant consister à mobiliser les acteurs locaux privés. Concrètement, des ateliers permettront de détecter les besoins et de dessiner les contours d’un «cluster créatif». Il s’agira aussi de cerner la faisabilité technique et financière, le calendrier et les maîtrises d’ouvrage pressenties.
NEUF VILLES MOYENNES : Economic Strategies and Innovation in Medium sized Cities (ESIMeC) fait partie du programme européen Urbact. Neuf villes forment un réseau autour de « stratégies économiques innovantes dans un esprit de croissance durable » : Besançon, Cherbourg et Charleroi (France), Sabadell et Albacete (Espagne), Basingstoke (Angleterre), Debrecen en Hongrie, Bistrita (Roumanie), Gävle (Suède).
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> VU D'AILLEURS
© BY THOMAS DIX/VITRA
Show-Room signé par Herzog & De Meuron, la Vitra Haus rend un hommage ironique à la forme archétypale de la maison à double pans. Dans un désordre apparent, cinq galeries de 40 m de long s’empilent. Les pignons vitrés offrent des vues incomparables sur la campagne environnante et l’agglomération bâloise.
Vitra : les dividendes d’un pari architectural E ntre Vitra et l’architecture, l’histoire d’amour commence en 1981 par l’incendie de l’usine de meubles de Weil-am-Rhein, banlieue allemande de Bâle. Trois décennies plus tard, le chapitre 2012 s’est achevé sur le record historique de fréquentation du site industriel rebaptisé Campus Vitra : le Vitra Design Museum, construit en 1989 par Franck O.Gehry pour accueillir les collections de chaises de Rolf Fehlbaum, président de la firme familiale, est entré dans le club envié des musées accueillant plus de 100 000 visiteurs. Entre temps, six titulaires du prix Pritzkler ont construit sur le site. « Mais à l’exception de Herzog & De Meuron, tous ont obtenu cette consécration mondiale après leur intervention à Weil-am-Rhein », souligne Marc Zehntner, directeur du Vitra Design Museum.
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Feu d’artifice
La détection précoce de talents prometteurs sert de marque de fabrique à l’industriel du meuble. Willi Fehlbaum, fondateur de l’entreprise dans les années 30, a transmis ce savoir-faire à la seconde génération, qui l’a décliné dans l’architecture. Six mois après l’incendie, la reconstruction d’un bâtiment industriel, confiée au britannique Nicholas Grimshaw, s’inscrit déjà dans une vision à long terme. Second déclic, la rencontre entre la famille Fehlbaum et Franck O. Gehry déclenche un véritable feu d’artifice architectural, dans les années 90 : avec la caserne des pompiers dont les lignes reflètent les vignobles badois, Zaha Hadid décroche sa première commande en 1993. La même année, à côté
du musée aux formes débridées et extraverties, Tadao Ando invite les visiteurs au recueillement intérieur, dans son centre de conférence semi-enterré dont les murs en béton brut n’émergent pas plus haut que les cerisiers du verger environnant.
Autofinancement record Au début de l’actuelle décennie, la diversification de Vitra dans l’habitat entraîne un troisième déclic, avec des architectes confirmés : Herzog & de Meuron et Sanaa. Cette seconde agence achève en 2013 le nouveau bâtiment de production circulaire, enveloppé d’une façade acrylique blanche. « Impossible à mesurer, le gain d’attractivité pour la marque ne fait aucun doute », commente Marc Zehntner. LE MONITEUR _ 15 mars 2013
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