Patrimoine Infos N°4

Page 1

N° 4 - juin 2012

Pourconsolider lepatrimoine, lerempartdelaprévoyance TABLE RONDE

GRAND ANGLE

MÉTIERS

L’art de sélectionner les fonds

Belgique, la gestion de patrimoine encore timide

Les notaires bien positionnés pour les missions patrimoniales

p. 28

p. 32

p. 8

Le magazine des professionnels du patrimoine


‘‘ with a strong track record

Trust a solid asset manager

‘‘

Tocqueville Finance has over 20 years’ experience in investment convictions and expertise. Tocqueville Finance has a proven investment strategy and a solid, powerful shareholder base. Tocqueville Finance has maintained, an independent management spirit, with a highly-experienced team motivated by a common determination : to build a long-term performance.

Value driven stock pickers www.tocquevillefinance.fr

Tocqueville Finance SA – Portfolio management company – AMF agreement N° GP 91-12. Insurance intermediary agent - recorded in the register of insurance intermediaries under the N°07 035 215 (www.orias.fr). www.tocquevillefinance.fr

Annonce_Tocqueville_H270xL210mm_PatrimoineInfo_150512.indd 1

14/05/12 11:58


SOMMAIRE

Laetitia Duarte

Sylvie Humbert

ÉDITO

8 28

VITTORIA DE BAGNOLO

Fausse piste

A

lors que le salon Patrimonia s’invite pour la première fois à Bruxelles, la médiatisation des exilés fiscaux bat son plein dans notre pays. Nul doute que ce sujet nourrira les conversations entre professionnels du patrimoine français, belges et luxembourgeois. Nicolas Sarkozy a proposé d’instaurer en France un impôt de nationalité, comme aux États-Unis, tandis que François Hollande a souhaité taxer tous ceux qui s’exilent en Belgique, en Suisse et au Luxembourg pour mettre leur patrimoine à l’abri. À vrai dire, cette chasse aux sorcières risque de passer à côté du problème. Seulement un tiers des 25 à 30 milliards d’euros de recettes perdues pour la France à cause de la fraude et de l’évasion fiscale sont imputables à l’impôt sur le revenu ou l’ISF des particuliers. La plus grande partie, soit 66 %, provient des entreprises. Pourquoi pointer ainsi du doigt quelques grandes fortunes exilées en Belgique ou en Suisse plutôt que de dénoncer la fraude et l’évasion des entreprises ? Les sommes sont pourtant bien plus importantes !

« La chasse aux sorcières risque de passer à côté du problème : la fraude et l’évasion des entreprises. »

PATRIMOINE INFOS, une publication de la société ETAI SAS. RCS Nanterre n° 806420360 Antony Parc II, 10,place du Général-De-Gaulle 92160 Antony. Tél. : 01 77 92 92 92. Président Christophe Czajka. Directeur général délégué des pôles Assurance-Finance, Distribution Sandrine Rampont srampont@infopro.fr. Rédaction Anne Lavaud, directrice de la rédation ; Vittoria De Bagnolo, rédactrice en chef ; Emmanuelle Bernard ; Pascale Larguier, directrice des réalisations ; Éric Auger, conception graphique et 1er rédacteur graphiste. Publicité Anne-Sophie Mellone, directrice de publicité (asmellone@infopro.fr Tél. : 01 77 92 92 86) ; Christelle Fougeroux, responsable commerciale (cfougeroux@infopro.fr. Tél. : 01 46 62 11 66). Directeur de la publication Christophe Czajka. Imprimerie de Compiègne, avenue Berthelot, Zac de Mercières, BP 60524 60205 Compiègne cedex. Tél. : 03 44 30 51 00. ISSN en cours. Dépôt légal 2011 : à parution.

Dans ce numéro... 5 Étude

Les épargnants belges guidés par la prudence

6 Le bloc-notes de Philippe Baillot 7 Longue vue

32 45

DOSSIER

18 Pour consolider le patrimoine, le rempart de la prévoyance

Un taux d’épargne élevé e pas embellie ne signifi signifie sur les placements

Cyril Blesson, associé du cabinet Pair conseil et cofondateur des Cahiers de l’épargne

Exercice de la profession, l’interprétation des tribunaux

PLACEMENTS

8 Table ronde

L’art de sélectionner les fonds Quels sont les outils et les méthodes utilisés par les CGPI pour sélectionner les fonds ? Une question essentielle dans l’exercice de cette profession à laquelle les cinq invités de la table ronde organisée par Patrimoine Infos ont accepté de répondre.

14 Les rencontres de Patrimoine Infos Les défis de la gestion patrimoniale

Fotolia

Rédactrice en chef

DROIT & FISCALITÉ

24 Juridique Me Dounia Harbouche livre le deuxième volet de son analyse sur l’abondante jurisprudence relative à l’exercice de la profession de CGP.

26 Jurisprudence ■

MÉTIER

28 Grand angle Belgique La gestion de patrimoine encore timide

32 Notaires Bien positionnés pour les missions patrimoniales

Le jeudi 12 avril, Patrimoine Infos organisait une conférence qui a réuni 150 représentants et acteurs de la profession. Photo de couverture : Fotolia

n° 4 - juin 2012 - Patrimoine Infos 3


NOVEMBRE 2012

LE SALON DE LA BOURSE

20 98- 12

PALAIS DES CONGRÈS DE PARIS

AN

RE

& DES PRODUITS FINANCIERS

N IV

AI

19

23 | 24

ERS

 40 présidents

de grands groupes

 200 experts des

marchés boursiers

 120 exposants  100 conférences

Les fils rouges pédagogiques :

Un rendez-vous d’information incontournable

La Bourse mode d’emploi Les idées fortes sur les valeurs moyennes ISR et développement durable des entreprises

Accès gratuit au salon en vous pré-enregistrant sur www.actionaria.com

Indiquez le code

2U149645X1

Antony Parc II - 10, place du Général de Gaulle - La Croix de Berny - BP 20156 - 92186 Antony Cedex - France

pub-210x270-PATINF_0312-v2.indd 1

23/03/12 12:00


Étude Belgique La fiscalité et la conjoncture économique sont de loin les premières préoccupations des épargnants belges. Tels sont les principaux enseignements de l’étude conduite conjointement par Patrimonia Congrès et Morningstar à l’occasion de la première convention Patrimonia Congrès à Bruxelles, les 7 et 8 juin 2012.

Les épargnants belges guidés par la prudence Commedanslaplupartdespayseuropéens, la prudence guide les choix des épargnants. En Belgique, ils placent la fiscalité en tête de leurs préoccupations (42 %), loin devant la conjoncture économique (28 %), même si tous sont conscients de l’inéluctable lien de causalité entre les deux. Cet état d’esprit rejaillit sur le choix des placements. Ainsi, les conseillers se tournent vers des actifs peu risqués et incitent leurs clients à les conserver plus longtemps. Signe des temps, les obligations corporate ou d’État tirent leur épingle du jeu, tandis que chez les épargnants les plus téméraires s’esquisse un goût prononcé pour les pays émergents côté actions et obligations (voir schéma). La crise économique et financière a également mis à mal la confiance des épargnants envers les acteurs de la finance… tandis que les gestionnaires orientent leur choix vers des valeurs sûres. Ainsi, 43 % des personnes interrogées affichent leur préférence pour leur propre banque ou assureur (lire page 28). L’étude Patrimonia Congrès & Morningstar souligne combien le contexte réglementaire pèse sur le quotidien des conseillers financiers. La directive Mif2, qui détermine les règles pour les intermédiaires en renforçant la transparence et le conseil, ne devrait pas avoir d’impact pour 40 % des répondants. Ils sont tout autant à en attendre des conséquences positives, et seulement 18 % à en craindre les effets. Quant aux attraits fiscaux de la Belgique pour les ressortissants des pays voisins, 16 % du panel pensent que, ternis, ces attraits ne retiennent plus les étrangers, qui retournent dans leurs pays. Mais 63 % estiment que tous leurs clients étrangers restent en Belgique… C’est donc que la Belgique détient bien d’autres attraits que les seuls avantages fiscaux ! n

La fiscalité, une préoccupation majeure qui dicte les choix Les plus grandes préoccupations des clients (%) La conjoncture économique

Instruments d’épargne à long terme 18

28

La retraite (mode de 17 calcul et travailler plus longtemps)

Les clients se tournent vers… (%)

et succession 42 Fiscalité 5

Gestion de patrimoine 7 Branche-23 6 Fonds de pension 6 6 4 Autre Fonds (Sicav et OPCVM)

8

Autre Avoir épuisé son épargne de son vivant

d’assurance* 31 Produits

*Vie et non-vie

22 Comptes d’épargne

L’impact sur l’allocation d’actifs (%) élevée pour des produits 47 Préférence plus prudents

Préférence inchangée 35 Préférence élevée pour 3 des produits plus agressifs

15 Pas de réponse

Les actifs privilégiés (%) Pas de réponse Matières premières 6 Gestion alternative & Hedge Funds 4 4

15 Actifs monétaires

Actions des marchés émergents 10

Actions internationales 5 Actions de la zone euro 4 Immobilier 9

12 Obligations d’état

10

Obligations des marchés émergents

5

16 Obligations d’entreprise Obligations à haut rendement

Les préférences de choix du gestionnaire (%)

Méthodologie Plus de 200 intermédiaires financiers belges ont répondu par e-mail au questionnaire envoyé conjointement par Patrimonia Congrès et Morningstar, en avril 2012. Le profil type des sondés est celui d’un conseiller indépendant travaillant dans un cabinet de taille petite ou moyenne (89 % des sondés) et exerçant cette profession depuis plus de dix ans.

Sociétés de gestion disposant 1 Pas de réponse d’un historique court mais innovant 5 Sociétés de gestion disposant d’un long historique 14

banque/assureur 43 Propre

Sociétés étrangères 5 Sociétés belges 5 Petites sociétés de gestion proposant 12 une gamme spécialisée de produits

15

Grandes sociétés de gestion proposant une large gamme de produits

n° 4 - juin 2012 - Patrimoine Infos


LE BLOC -NOTES DE PHILIPPE BAILLOT Ses conseils face aux durcissements fiscaux prévisibles en 2012 z Après avoir débuté sa carrière

Prévoyez une hausse des impôts et taxes Aujourd’hui, le conseil patrimonial s’apparente à de la conduite sur glace par temps de brouillard. Une seule certitude: en l’absence de réduction drastique des dépenses de l’État, il faut s’attendre à une hausse des taux d’imposition, à un élargissement de l’assiette de la CSG, à une chasse aux niches fiscales, à une éradication des «angles morts» dans la taxation (à l’exemple du démembrement de la clause bénéficiaire des contrats d’assurance vie), et à un continu «détricotage» des mesures passées (ISF, bouclier fiscal, plus-values immobilières).

Inversez revenus et charges Traditionnellement, la stratégie fiscale vise à retarder la perception des revenus et à accélérer l’imputation des charges pour bénéficier d’un gain de trésorerie d’une année. Aujourd’hui, au regard d’une quasi-certitude de hausse des taux des prélèvements et de la modestie de la rémunération d’une épargne à court terme, ce schéma pourrait être utilement inversé! 6 Patrimoine Infos - n° 4 - juin 2012

Accélérez les transmissions Une hausse des droits de succession dans une approche de rendement fiscal et d’égalité est plus que vraisemblable dès l’automne. Une imposition des plus-values réalisées sur la cession d’une résidence principale est à craindre. Accélérez leurs cessions et les donations envisagées par vos clients afin de profiter de conditions encore favorables. Inversement, pour les autres actifs immobiliers, leurs détenteurs pourront patienter quelques jours dans l’espoir d’un retour à l’exonération dès la 22e année de détention.

Optez pour la bonne niche La seule niche en brique : le pacte Dutreil, qui permet de bénéficier d’une réduction substantielle des droits de mutation lors de la transmission d’une entreprise ou de titres de sociétés. Car la logique sous-jacente consiste à protéger l’emploi.

Privilégiez les avantages fiscaux solides et one-shot La crise budgétaire actuelle induit un «vibrionnisme fiscal». Par suite, tout montage fiscal est fragile. Aussi convient-il de privilégier les montages juridiques, à l’image des régimes matrimoniaux ou du droit des sociétés, moins susceptibles d’être remis en cause. Sur le plan fiscal, préférez les montages one-shot, pendant qu’ils subsistent (Sofica, réduction ISF, Girardin industriel), qui ne pourront ni être modifiés ni remis en cause a posteriori par le fisc, contrairement aux dispositifs fiscaux étalés dans le temps, constamment remaniés.

Fotolia

DR

comme avocat chez Gide Loyrette Nouel en 1982, Philippe Baillot rejoint l’UAP en 1984 en tant que fiscaliste à la direction juridique, puis devient secrétaire général du département assurances de personnes. Il prend les fonctions de directeur juridique et du conseil patrimonial chez Abeille Vie en 1988 (Aviva), puis de directeur des réseaux, du développement et du marketing stratégique jusqu’en 2001. Depuis 2002, il est directeur de Bred Banque privée (groupe BPCE). Philippe Baillot est chargé d’enseignement à Paris IXDauphine. Il est professeur associé à Paris II-Panthéon Assas et auteur de nombreux ouvrages sur la gestion du patrimoine professionnel et privé.


LONGUE VUE

DR

Alors que le taux d’épargne des Français n’a jamais été aussi haut, pourquoi la part du revenu disponible affectée aux placements financiers est-elle en berne? Explications de Cyril Blesson.

Cyril Blesson, associé du cabinet Pair conseil et cofondateur wdes Cahiers de l’épargne.

Un taux d’épargne élevé ne signifie pas embellie sur les placements

L

’épargne des ménages a atteint des records à 16,8 % de leurs revenus* en 2011 (Insee), témoignant d’une grande prudence des Français face à la crise. Mais alors, comment expliquer que, dans le même temps, les enveloppes de placements ne profitent pas de ce matelas de précaution? En effet, si le livret A et en général les placements liquides tirent leur épingle du jeu, les autres types de placements financiers (actions, OPCVM, assurance vie) sont à la peine. Bref, malgré un taux d’épargne record, la part du revenu disponible affectée aux placements financiers est inférieure à 8 % en 2011, soit très en deçà de sa moyenne de long terme, à 10 %, et des 12 % les meilleures années. Pourquoi un tel décalage entre les deux indicateurs théoriquement corrélés ? Parce qu’en réalité, le taux d’épargne est

un faux-ami. La comptabilité nationale définit cet indicateur comme étant la part des revenus non consommés, oubliant de facto les autres ressources des ménages que sont les plus-values réalisées lors de la revente d’un logement, les héritages et cession d’entreprise ou le recours au crédit. Or, c’est bien là que se situe la source du flux des placements financiers et principalement du côté de l’immobilier. Mais, depuis fin 2011, les banques commencent à fermer le robinet du crédit, le désir d’endettement des ménages est au plus bas et les ventes de logements anciens sont en baisse. Ce repli du marché flagrant, puisque la production de crédits habitat a chuté en glissement annuel de 32,2 % sur les quatre premiers mois de 2012 selon l’Observatoire Crédit Logement, laisse supposer que seuls les ménages dotés

d’un apport important peuvent encore emprunter auprès des banques. Ce qui les pousse, d’ailleurs, à effectuer des rachats sur les contrats d’assurance vie pour nourrir la hausse des apports dans les opérations immobilières. Ainsi, on constate depuis dix ans que plus le taux d’épargne est faible, grâce aux ressources additionnelles du crédit, plus les flux de placements financiers sont robustes. Conclusion: le recul du crédit habitat continuera de pénaliser le marché des nouveaux placements financiers des ménages en 2012. Il faut s’attendre à des faibles flux au mieux proches de 100 Mds€ en 2012 et 2013, soit un recul d’un quart par rapport à l’année 2010. * revenus d’activité, dividendes, intérêts sur les produits d’épargne et prestations sociales moins impôts, cotisations sociales et remboursements d’intérêt

n Taux dépargne n Taux de placement financiers

201317 16 15 14

Plus le taux d’épargne est faible, plus les flux de placements financiers sont robustes

13

Pourcentage du revenu disponible des ménages

12

Source : les Cahiers de l’épargne, Pair conseil

11 10 9 8

1992

1994

1996

1998

2000

2002

2004

2006

2008

2010

2012

7

n° 4 - juin 2012 - Patrimoine Infos


PLACEMENTS TABLE RONDE

L’art de sélectionner les fonds

«L

es CGPI n’ont pas de temps, donc ils regardent les étoiles. » Poète, l’un de nos invi­ tés résume dans cette formule un rien lapidaire un état d’esprit plus qu’une réalité, car, au fil de la discussion, force est de constater que « les étoiles » accordées par les sites de notation comme Morningstar ou Europerformance ne font pas tout. Dès les premiers échanges, il Patrimoine Infos - n° 4 - juin 2012

Photos : Sylvie Humbert

Quels sont les outils et les méthodes utilisés par les CGPI pour sélectionner les fonds ? Une question essentielle dans l’exercice de cette profession à laquelle nos cinq invités ont accepté de répondre ouvertement à l’occasion d’une table ronde organisée par Patrimoine Infos. Des propos forts et des avis divergents qui démontrent, une fois encore, une grande diversité dans la pratique de la gestion de patrimoine.

F. Gazier

De gauche à droite : Ph. Malaise et Ph. Bénard

apparaît évident que la question de l’étendue de l’offre précède de beaucoup celle de la sélection des fonds dans l’esprit de ces profes­ sionnels réunis par Patrimoine Infos. Et c’est sa rareté qui suscite le plus de commentaires. « L’offre est assez pauvre en France par rapport au reste de l’Europe », constate Jean­Pierre Corbel, président de Corbel Conseil. En effet, en France, les conseillers doivent se contenter des unités de compte proposées par les

contrats d’assurance vie et les pla­ tes­formes de comptes­titres. Les fonds thématiques et sectoriels sont encore rares, sans parler des fonds de pays émergents, surtout si l’objectif est de s’orienter vers l’Asie, l’Inde ou même des zones européennes spécifiques comme les pays scandinaves. Philippe Benard, directeur associé de Financière Montaigne Gestion privée, admet que « le CGPI n’est pas forcément armé et il ne veut pas prendre le risque de sélection-


TABLE RONDE PLACEMENTS

nos invités Philippe Benard, Financière Montaigne Gestion privée, Paris 16e - Après dix-huit ans en tant que directeur de gestion de patrimoine chez Deutsche Bank SA puis chez ING Ferri, il crée son cabinet en 2006. Ses spécialités: la restructuration juridique et fiscale d’un patrimoine privé et/ou professionnel et la sélection d’OPCVM dans le cadre d’une allocation d’actifs. Pierre Bermond, EOS Allocations, Toulouse - Diplômé de l’ESC de Bordeaux et titulaire d’un MBA en analyse financière et banque d’investissement, il a débuté en salle de marchés produits dérivés actions de la Société générale. Aujourd’hui, il accompagne les investisseurs institutionnels et les grandes entreprises dans la gestion de leurs actifs chez Eos Allocations. Il intervient à l’université deToulouse I Capitole et à Bordeaux Management School.

Ph. Bénard

Jean-Pierre Corbel, Corbel Conseil, Paris 2e - Dès 1988, il rejoint l’équipe du doyen Aulagnier pour créer le DESS de gestion de patrimoine de l’université d’Auvergne. À la même époque, il crée des modules de formation de l’Institut notarial du patrimoine. Membre de la Chambre des indépendants du patrimoine, il en a présidé la région Paris - Ile-de-France. P. Bermond

François Gazier, Haussmann Patrimoine, Paris 1er - Après une vingtaine d’années en tant que responsable de l’offre de la banque Robeco, il est aujourd’hui gestionnaire de patrimoine au sein du département financier de Haussmann Patrimoine, où il est en charge de la sélection de fonds. Philippe Malaise, Koris International, Nice - Président de la société Koris International, qui opère pour le compte de sociétés de gestion, banques privées ou family offices en Europe, Philippe Malaise est également professeur à l’Edhec-Risk Institute.

J.-P. Corbel

ner un fonds et de ne le trouver sur aucune plate-forme ».

Une sélection drastique

Ainsi l’offre se heurte­t­elle à une sélection drastique. « Quand on compare l’offre disponible pour les institutionnels avec celle destinée aux particuliers, on peut dire que c’est parfois désespérant ! », lance Philippe Malaise, président de Koris International SAS, néan­ moins convaincu qu’avec une forte capacité de persuasion, et

même si cela est plus difficile depuis la crise de 2008, on peut quand même « rentrer sur des fonds exotiques par le biais de certaines plates-formes ». Car des fonds disponibles en Europe, il y en a quand même plus de 20 000, si l’on en croit François Gazier, conseiller financier chez Haussmann Patrimoine : « Dans la base de données que nous avons constituée, nous en recensons d’ailleurs près de 11 000, même si notre short list se réduit à 200.»

La gestion de patrimoine… Une pratique qui soulève moult questions et met en évidence des divergences parmi les invités à la table ronde organisée par Patrimoine Infos.

Un chiffre qui fait réagir Pierre Bermond, associé gérant d’Eos Allocations, qui considère que «sur les 400 fonds mis à disposition des professionnels dans les contrats d’assurance vie du moment, il y en a qu’une vingtaine de réellement différents pour la simple raison que 80 % des UC sont des fonds actions, et le plus souvent actions européennes ». Et c’est Jean­Pierre Corbel qui fait la synthèse en rappelant que « les plates-formes anciennes proposent peu de fonds, entre 30 et

•••

n° 4 - juin 2012 - Patrimoine Infos


PLACEMENTS TABLE RONDE

« Est-ce le CGP qui réalise

l’allocation d’actifs en s’appuyant sur des fonds purs ou la délègue-t-il à un gérant multistyle, multiclasse et à travers des fonds dits réactifs ou flexibles? Jean-Pierre Corbel

•••

»

50, les plus modernes pouvant aller, elles, jusqu’à 1 000 ». Il ressort des échanges nourris entre les différents participants qu’il est possible, pour un CGPI qui le souhaite vraiment, d’avoir accès à un nombre important de fonds. Il lui suffit de travailler avec un large panel de plates­formes ou encore de signer des contrats avec mandat de gestion, ce qui ouvre l’accès à une offre plus large. Une autre solution consiste à se tourner vers des contrats d’as­ surance vie luxembourgeois. Mais si tous s’accordent pour admettre, comme Jean­Pierre Corbel ou François Gazier, que plus l’offre est étendue mieux ils peuvent exercer leur métier, beaucoup de CGPI ne retiennent qu’une centaine de fonds au final.

L’allocation prime

Avant toute sélection, les profes­ sionnels présents posent quelques postulats de base. Tout d’abord, ils rappellent que, de manière générale, l’allocation moyenne des encours placés en assurance vie se répartit souvent à 70 % sur le fonds en euros et à 30 % en uni­ 10 Patrimoine Infos - n° 4 - juin 2012

tés de compte. Puis ils évoquent les grandes notions qui président au choix des fonds composant le cœur du portefeuille et celui des « satellites », les uns détenus à long terme et les seconds dans le cadre d’une gestion plus tactique et opportuniste. Mais le vrai débat, c’est plutôt de savoir qui réalise l’allocation d’ac­ tifs, rappelle Jean­Pierre Corbel : « Est-ce le CGP qui la réalise en s’appuyant sur des fonds purs ou la délègue-t-il à un gérant multistyle, multiclasse et à travers des fonds dits réactifs ou flexibles ? » Un sujet qui n’est pas anodin puisque « 90 % de la performance proviennent de l’allocation », souligne Philippe Malaise. En choisissant un type de fonds à gestion réactive, le CGP ne perd­il pas finalement sa valeur ajoutée vis­à­vis du client ? Comment être sûr que le gérant va réduire la voilure au bon moment ? Une question cruciale, à tel point que certains CGPI préfèrent afficher haut et fort qu’ils ne font pas d’allocation d’actifs, estimant que « leur propre stratégie d’allocation risque d’être biaisée par

l’allocation des fonds », tandis que d’autres arbitrent entre mener leur propre allocation d’actifs sur des fonds « purs » ou déléguer. R é p o n d re à c e s q u e s t i o n s permet au CGPI d’identifier les préalables à sa sélection. Mais ce n’est qu’une étape, car, comme le souligne Philippe Benard, « c’est aujourd’hui encore plus difficile qu’avant de trouver le bon fonds ». La crise est passée par là et les réflexes d’hier ne sont plus forcément efficients aujourd’hui, surtout lorsque les marchés affichent une volatilité à effrayer l’épargnant ! Néanmoins quelques règles structurantes demeurent d’actualité. « Depuis toujours, la recherche du meilleur gérant de sa catégorie n’a jamais été une obsession, poursuit Philippe Bénard. Mon premier critère est plutôt l’environnement dans lequel on se trouve, car on peut avoir le meilleur fonds possible en actions, si les actions ne marchent pas, ça ne sert à rien.» Cette prime aux challengers est également de mise pour Pierre Bermond qui estime « qu’il ne faut pas aller chercher les premiers de la classe ou ceux qui affichent des performances extrêmes, car c’est souvent le résultat de fortes prises de risques que l’investisseur n’a pas forcément identifiées ». D’autant plus, comme le confirme le reste de l’assistance, que la construction d’allocation d’actifs se fait le plus souvent sur du long terme et « qu’il n’est pas question de tout changer du jour au lendemain » !

« Sur les 400 fonds mis à disposition des

professionnels dans les contrats d’assurance vie du moment, il y en a qu’une vingtaine de réellement différents pour la simple raison que 80 % des UC sont des fonds actions, et le plus souvent européennes. Pierre Bermond

»

Ajouter du contenu aux étoiles

De très nombreux CGPI ont recours aux sites d’information ou bases de données de fonds avant de procéder à leur sélec­ tion. Ces Quantalys, Morningstar et autres Europerformance ou MyFlow attribuent des étoiles, comparent les fonds entre eux, listent leurs disponibilités sur les


TABLE RONDE PLACEMENTS plates­formes et aident ainsi les professionnels à s’y retrouver. Reste à savoir si ces indicateurs sont les bons ou les seuls à devoir être suivis ! « Sur Morningstar et autres, il y a un regard critique fondé sur l’analyse des performances passée, souligne Philippe Bénard. Mais attention, ce n’est pas un gage de succès pour l’avenir. En réalité, je lis les analyses, j’observe les étoiles, mais je n’y attache pas une importance déterminante. » Comme beaucoup de ses confrè­ res, même s’il ne fonde pas sa déci­ sion sur ces critères, il en prend régulièrement connaissance. « J’utilise, entre autres, les trois critères de sélection mis en avant par Europerformance – le calcul de l’alpha par rapport au benchmark, le risque extrême et la persistance de la surperformance – afin de repérer les gérants qui dégagent

« Quand on compare l’offre disponible

pour les institutionnels avec celle destinée aux particuliers, on peut dire que c’est parfois désespérant! Philippe Malaise

une vraie valeur ajoutée », explique Philippe Malaise. Une persistance de la performance que Quantalys intègre également systématiquement. Mais attention, même si ces sites se sont désormais imposés comme de vrais outils de travail pour la profession, les CGPI restent critiques : « Ils donnent de

»

la statistique, pas du réel », lance Pierre Bermond, alors que, de son côté, Philippe Benard regrette que ces outils ne permettent pas d’identifier la part de valeurs financières dans les fonds, par exemple afin de rassurer le client sur son exposition à ces secteurs ou seulement avec six mois de retard. Autre critique évoquée : le danger de ne déterminer la sélection que sur des items quantitatifs alors que rien ne doit faire oublier que la valeur ajoutée du CGPI est liée à son apport qualitatif dans la

•••

n° 4 - juin 2012 - Patrimoine Infos 11


PLACEMENTS TABLE RONDE •••

relation client. Bref, même si ces sites sont beaucoup consultés, ils n’évitent pas, pour certains, la constitution de leurs propres outils : « Nous utilisons Quantalys, mais aussi MyFlow, ce qui nous permet de croiser des infos et des usages et de savoir rapidement où se trouvent les fonds que nous avons sélectionnés, souligne François Gazier. Néanmoins, nous avons créé notre propre outil, que nous mettons à jour au fur et à mesure des référencements de fonds par contrat. Par ailleurs, au niveau de l’allocation d’actifs, nous apprécions les outils qui permettent d’étudier la frontière efficiente ou la corrélation entre différents fonds. Mais attention, il ne faut pas non plus se perdre dans la technique.» Voilà qui est dit. Ainsi, les professionnels ne fon­ dent pas leur jugement unique­ ment sur ces bases de données, et ce constat semble d’ailleurs un soulagement pour l’assistance, qui gagne toujours à promouvoir sa valeur ajoutée. Parmi les autres critères observés de très près, la structure des frais s’impose comme une évidence. En cause, les commissions de transaction

Pris sUr Le viF

Quels reportings attendez-vous des sociétés de gestion ? Philippe Benard « Même si les reportings des sociétés de gestion ne sont pas aussi riches qu’on le souhaiterait, ils nous permettent d’avoir un détail plus pointu de leur allocation. » Jean-Pierre Corbel « On est à l’âge des cavernes sur les reportings des sociétés de gestion.

« On peut avoir le meilleur fonds possible en actions, si les actions ne marchent pas, ça ne sert à rien. » Philippe Bénard 12 Patrimoine Infos - n° 4 - juin 2012

On devrait être en droit d’obtenir tous les reportings en temps réel. » Pierre Bermond «Les reportings sont encore trop hétérogènes d’une société de gestion à une autre. Il faudrait des critères minimaux à respecter par type de fonds. »

ou de mouvements qui peuvent venir considérablement relever le taux de frais global de gestion du fonds. « Ça devrait être interdit par le régulateur », tempête Jean­ Pierre Corbel.

La relation avec les gérants

Parmi les critères de sélection, la renommée du gérant. Tandis que Philippe Malaise tente de mettre tout le monde d’accord en estimant que « quelle que soit la classe d’actifs, il y a une minorité de gérants qui vous sortent des alphas positifs de façon persistante. Les trois quarts produisent des alphas négatifs et, pour le quart restant, la surperformance moyenne vis-à-vis du benchmark statistique, par opposition au benchmark déclaré par le gérant reste souvent plutôt faible ». C’est dire si le paramètre confiance est essentiel dans la relation entre gérant et CGPI ! Mais, là aussi, deux écoles s’op­ posent. « C’est très important de nous imprégner de la personnalité des gérants de fonds et de les rencontrer, explique François Gazier. C’est une relation intuitu personae et rien ne vaut les échanges que l’on peut avoir avec eux en direct.» Ce à quoi Philippe Malaise ajoute qu’il faut suivre de près l’évolution des équipes afin de pouvoir réagir rapidement aux événements potentiellement dés­

Philippe Malaise « D’une manière générale les sociétés de gestion devraient en faire beaucoup plus en termes d’attribution de performance. Pourquoi les CGP ne pourraient-ils pas bénéficier de la même qualité d’information que celle qui peut être fournie aux investisseurs institutionnels ? »

tabilisateurs tels que la démission d’une personne clé. À ces deux opinions bien tranchées vient s’opposer un « non » franc et massif porté par Jean­Pierre Corbel et Philippe Benard. Pour eux, pas question de rencontrer les gérants. Objectifs : conserver son libre arbitre et ne pas se laisser influencer « par les belles histoires qu’ils racontent ». « Ce qui serait intéressant, serait d’aller relire ce qu’ils ont promis, afin de savoir s’ils ont tenu leurs promesses. En clair, en écoutant les gérants, je me demande si je vais raconter la bonne histoire à mon client. Or, depuis quelque temps, on a entendu des choses tellement étonnantes, qu’il vaut mieux s’abstenir ! » Autre solution, consulter les sites de notations et suivi des gérants comme Citywire.

Ne pas oublier le client

Convaincus de la pertinence de la problématique de cette table ronde, les cinq participants ont néanmoins souhaité conclure sur l’élément déterminant dans l’exercice de leur profession, à savoir le client. Ainsi, même si les sociétés de gestion de la Terre entière leur délivraient les plus beaux reportings et les meilleures performances, rien ne doit leur faire oublier la prédominance du client… Et avec lui son appé­ tence au risque. S’en est suivi


TABLE RONDE PLACEMENTS

&

EXPERTISE CONVICTIONS

« C’est très important de nous imprégner

de la personnalité des gérants de fonds et de les rencontrer. C’est une relation “intuitu personae” et rien ne vaut les échanges que l’on peut avoir avec eux en direct.» François Gazier une levée de boucliers contre les questionnaires et autres tests de profil de risque. Seul François Gazier tente une défense de ces documents, saluant non pas leur efficacité, mais plutôt l’occasion qu’ils procurent d’échanger formellement avec les clients sur ce thème. Jean­Pierre Corbel a lui aussi créé son propre outil 2 en 1, Sélection et pédagogie du client. Explications : « Nous avons créé un tableau à double entrée : fonds euros et allocation actions. Nous notons les pires drawdown(1) depuis dix ans et nous les montrons aux clients. Or, sur dix ans, la moyenne de la baisse des actions est de 60 %. Ensuite, nous modélisons le portefeuille en allant jusqu’à du 50/50. Puis, nous regardons où nous en sommes par rapport à l’histoire et, là seulement, nous définissons un niveau de risque accepté.» Des échanges que certains d’entre eux provoquent parfois non pas sur les risques, mais sur

»

les fonds eux­mêmes. « Ils sont très renseignés et lisent la presse patrimoniale. Il est donc important pour eux d’avoir dans leurs actifs les stars qu’ils connaissent, explique Jean­Pierre Corbel. Ainsi, psychologie du client oblige, dans la partie UC de l’assurance-vie, j’ai en général trois poches différentes réparties équitablement en trois tiers : une poche d’actifs flexibles, une poche stable, et une poche d’actifs plus pointus.» Après deux heures de débat, il ressort clairement que le premier critère de sélection d’un fonds n’est pas à chercher dans les étoi­ les, mais bel et bien directement chez son client ! ■ ANNe LAvAUd AveC vittoriA de BAGNoLo (1) Correspond à l’importance de la baisse en valeur du compte client, en pourcentage ou en dollars, calculée en prenant le point le plus élevé et le point le plus bas. Par exemple un compte client augmente en valeur de 10 000 $ à 20 000 $, puis chute jusqu’à 15 000 $ et en suite remonte à 25 000 $. On considère que ce client a eu un drawdown maximum de 5 000 $ (qui a eu lieu lorsque le compte est passé de 20 000 $ à 15 000 $), même si le compte n’a jamais été en situation de déficit.

GENERALI FRANCE SMALL CAPS L’EXPERTISE DE GENERALI INVESTMENTS AU SERVICE DES PETITES ET MOYENNES VALEURS Fonds présentant un risque de perte en capital

Lauréat sur 10 ans Catégorie Equity France Small and Mid Caps

Activement investis

www.generali-investments.fr

Les informations contenues dans ce document sont fournies par Generali Investments France et sont données à titre purement indicatif. Elles reflètent les études et analyses conçues par Generali Investments France à partir de sources qu’elle estime fiables. Aucune décision d’investissement ne devra être faite sur la seule base de celui-ci. Avant toute souscription, le souscripteur doit s’assurer que sa situation financière et ses objectifs sont en adéquation avec le produit et consulter le prospectus complet et les derniers documents périodiques établis par la société de gestion. Ces documents sont disponibles sur le site Internet : www.generali-investments.fr. Les performances passées ne préjugent en rien des performances futures. Les valeurs liquidatives ne sont pas garanties et peuvent donc perdre de la valeur. Les performances sont exprimées nettes de frais de fonctionnement et de gestion facturés aux OPCVM, coupons nets réinvestis. Elles ne tiennent pas compte des frais éventuels de souscription-rachats et sont présentées hors fiscalité et/ou frais liés au cadre d’investissement.

n° 4 - juin 2012 - Patrimoine Infos 13


Le jeudi 12 avril, Patrimoine Infos réunissait un important panel de représentants et d’acteurs de la profession à l’occasion d’une conférence qui a accueilli près de 150 participants. Voici l’essentiel de ce qu’il faut retenir des débats qui ont porté sur les grandes problématiques du moment.

Photos : Luc Perenom

PLACEMENTS LES RENCONTRES PATRIMOINE INFOS

Débattre autour des produits d’épargne et d’investissements lorsque le monde économique est en crise, donner des pistes de travail… De beaux challenges qu’ont bien voulu relever les invités de la conférence.

Les défis de la gestion patrimoniale Retraite Comment saisir les opportunités du marché et répondre aux nouveaux besoins des clients ?

Le constat dressé par Philippe Crevel, secrétaire général du Cercle des épargnants, est sans appel : la réforme des retraites mise en place en 2011 ne suffit pas à équilibrer les régimes. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault devra de nouveau aborder la question. Il faut donc s’attendre à ce que la durée de cotisation passe à quarante-deux puis à quarante-trois ans, et que l’âge de départ dépasse les 65 ans. Parmi les mesures prises, l’indexation des pensions sur les prix, à partir de 1993, en lieu et place des salaires, passée inaperçue, a

une conséquence sur le pouvoir d’achat des retraités : actuellement, les pensions fournissent 85 % des revenus. L’augmentation de l’inflation, qui n’a été qu’imparfaitement et avec retard intégrée dans les pensions, explique également la dégradation relative de la situation des retraités. Pourtant, l’épargne retraite est encore très en retard en France, constate Lionel Tourtier, délégué général de l’Afpen (Association française professionnelle de l’épargne retraite), puisqu’elle fournit à peine 5 % des revenus aux retraités. L’épargne retraite représente 12 à 13 Mds€ de primes par an, répartis aux deux tiers sur des contrats collectifs et pour le tiers restant sur des contrats individuels. Les non-salariés

5%

La part des revenus des retraités constituée par l’épargne retraite

sont les mieux équipés, plus de la moitié de cette catégorie étant pourvue d’une couverture contre seulement 12 % des salariés. Comment expliquer ce retard ? Le taux de remplacement a jusqu’ici été assuré par le système de retraite par répartition. Pour l’instant, les Français préfèrent se constituer un complément de retraite en investissant dans l’assurance vie et l’immobilier, des placements aux règles simples. Ils se perdent dans les produits spécifiques de retraite tels que le Perco, le PERP ou les contrats Madelin. Quant aux CGPI, ils ne sont pas présents non plus sur le monde de la retraite, avance Henry Masdevall, président fondateur d’Actualis associés et président du cabinet Valorey Finance. Rares sont ceux qui couvrent les problématiques de retraite et de prévoyance de leurs clients. En moyenne, cette activité représente à peine 4 % du chiffre d’affaires de la profession. Il est difficile d’entrer sur ce marché, il existe un besoin d’accompagne-

14 Patrimoine Infos - n° 4 - juin 2012 CONFERENCE_PATR4V2.indd 14

25/05/12 17:59:13


LES RENCONTRES PATRIMOINE INFOS PLACEMENTS ment et de formation important des CGPI qui pourrait être délivré par les fournisseurs. Sonia Fendler, directeur général de Generali Patrimoine, a tenté de former ses CGPI partenaires aux produits de type Art. 83. Des outils de bilan retraite ont été mis à disposition des apporteurs par la Mondiale, ce qui a représenté un investissement lourd, mais sans grand succès. Les produits spécifiques n’ont pas percé, à l’instar du Perp mort-né, car il supporte un trop grand nombre de contraintes et ne permet pas aux assureurs de rémunérer les apporteurs. Les contrats eurodiversifiés, qui proposent une garantie à l’échéance, restent complexes ; il faudrait un assouplissement fiscal. Quant aux contrats à annuités garanties (variable annuities), Sonia Fendler avoue ne pas être convaincue par leur proposition : la garantie est chère et le capital n’est pas couvert contre l’inflation. L’assurance vie et plus particulièrement les fonds en euros, qui apportent une garantie du capital peu chère, continuent de séduire. On estime que 7 % des clients ont mis en place des rachats partiels programmés pour tirer des revenus de leur assurance vie.

Assurance vie Vers la fin des fonds en euros ? Comment innover pour relancer la collecte ?

Indiscutablement, les intervenants à cette table ronde sont tous d’accord : « Le fonds en euros est un tel pilier de l’épargne des Français qui ne disparaîtra pas.» Ce postulat étant établi, la litanie des « mais » peut ensuite s’égrainer. « Mais la crise des dettes souveraines en Europe fait peur aux épargnants » ; « Mais il faut trouver des alternatives pour restaurer des rendements attractifs » ; « Mais nos clients sont en attente d’innovations » ; « Mais les épargnants veulent une garantie en capital et souhaitent le moins

de frais de gestion possible » ; mais, mais, mais… Pour satisfaire des exigences formulées toujours plus haut par les clients des CGPI, deux solutions tiennent la corde : la pierre et les variables annuities. « Nous avons une solution qui garantit à la fois la liquidité, le capital et la disponibilité constante, explique Laurent Gaillot, directeur marketing et commercial chez Cholet Dupont Partenaires. Il s’agit d’un fonds en euros comprenant 71 % d’OPCI(1) et de SCPI(2) qui nous a permis de servir un rendement de 3,70 % en 2011. Rendement qui aurait pu être encore meilleur si nous n’avions pas préféré constituer des réserves.» Un tel exemple ne peut qu’éveiller l’attention. Pourtant, Gilles Artaud, vice-président de l’Association française des conseils en gestion de patrimoine certifiés (CGPC), émet des réserves : « L’immobilier dans un fonds en euros pose la question de la liquidité, surtout si sa part y est élevée. En outre, on peut s’interroger sur le volume d’actifs de qualité disponible.» Une objection qui permet à Laurent Gaillot de préciser que, justement, « la commercialisation n’est pas ouverte tout le temps afin de bien gérer le flux ». Quant à la présence de l’immobilier dans les fonds en euros, Étienne BouasLaurent, directeur général d’Axa Wealth Management, souligne qu’il a toujours pesé environ 7 ou 8 % des actifs, « mais qu’un fonds doit rester très diversifié afin de ne pas bloquer les rachats ».

L’atout variable annuities

Parce qu’ils sont tous convaincus qu’il faut à tout prix arrêter l’hémorragie de rachats de l’assurance vie qui se prolonge désormais depuis plusieurs mois malgré un léger mieux en février 2012, les recherches de solutions sont au programme dans toutes les structures. Chez Oddo AM, pas de doute : on croit énormément

ILS ONT DIT...

« J’en ai assez qu’on me présente

le modèle anglo-saxon où les conseillers sont rémunérés sur les arbitrages. En juin et décembre, les portefeuilles tournent beaucoup, juste avant les vacances. Ce n’est pas beaucoup mieux! Patrice Ponmaret, président de la Chambre des indépendants du patrimoine

»

« Nous ne sommes pas convaincus

de l’intérêt des contrats à annuités garanties. La garantie est chère et le produit ne couvre pas le capital contre l’inflation.

»

Sonia Fendler, directeur général de Generali Patrimoine

« Le débat s’équilibre face

aux Anglais. On a montré qu’on savait aller tous dans le même sens collégialement, et que nos propositions n’étaient pas moins bonnes que celles d’autres pays. David Charlet, président de l’Anacofi

aux variable annuities. « C’est la troisième génération d’assurance vie, lance Bertrand Sance, directeur de la distribution. Les banquiers savent parfaitement que c’est le marché du siècle, mais, avec Bâle III, ils ne peuvent pas suivre pour le moment. Dès qu’ils auront réglé ce problème, ils y viendront tous.» Un enthousiasme qui soulève quelques réserves chez Étienne Bouas-Laurent, qui estime que «dès que l’on parle Perp ou variable annuities, donc de long terme, les

»

•••

n° 4 - juin 2012 - Patrimoine Infos 15 CONFERENCE_PATR4V2.indd 15

25/05/12 17:59:17


PLACEMENTS LES RENCONTRES PATRIMOINE INFOS •••

Français rechignent, car ils ne savent pas bloquer longuement leur épargne. En revanche, aux ÉtatsUnis, les variables annuities sont l’équivalent de nos fonds en euros». Pour lui, cette nouvelle génération d’assurance vie permettrait aux clients de se prémunir contre un risque de longévité. Mais, comme toujours, « aller chercher du return ne peut pas être totalement exempt de risque ». Pour Laurent Gaillot, la question fondamentale reste comment apporter une sécurité sans écarter complètement une certaine

prise de risque. « Les fonds euros à coussin ou eurodynamiques se présentent comme une alternative plus qu’intéressante. Avec une partie en UC, l’assuré perçoit au pire un rendement à 0 % et, au mieux, on lui promet de passer au-dessus des rendements des fonds en euros.» En effet, le mécanisme fait que la partie UC de ces produits n’a le droit que de perdre ce que gagne la partie fonds en euros. Un procédé séduisant pour les épargnants « surtout quand on les met dans des variables annuities », conclut Bertrand Sance !

Capital investissement Une alternative à la Bourse ou à l’assurance vie ?

ILS ONT DIT...

« La question des retraites est centrale dans le rétablissement des finances publiques en Europe. » Philippe Crevel, secrétaire général du Cercle des épargnants

« Le fonds en euros est un tel

pilier qu’il ne disparaîtra pas. C’est davantage la part des fonds en euros qui devrait se réduire, mais pour le moment, il n’y a pas de produit de substitution.

»

Étienne Bouas-Laurent, directeur général d’Axa Wealth Management

« La Commission européenne

et les députés fonctionnent par rapport à des images. Or, aujourd’hui, le monde de la finance a mauvaise image, car les banques ont fait n’importe quoi.

»

Jean-Paul Gauzes député européen, coordinateur de la commission des affaires économiques et monétaires au Parlement européen

« Un cabinet de CGPI réalise en moyenne 350 000 € de collecte par an, dont 80 % en assurance vie et seulement 2 % en non-coté », lance Patrick Ganansia, fondateur associé de Herez et président de la Boétie Patrimoine, même si, pour sa part, ce sont plutôt entre 5 et 15 % des actifs qui filent vers le non-coté, histoire de doper les rendements de ses clients. Pourtant, le constat est bien là, et l’analyse de Paul-Henri de La Porte du Theil, président de l’AFG, ne fait que la conforter : « Les multiples sources de financement en fonds propres des PME se tassent sous le coup de la fiscalité au risque de créer une pénurie. Les banques ont arrêté et les assureurs ont réduit cette poche d’actifs en prévision de Solvabilité 2. Reste les pouvoirs publics, qui, de toute évidence, ne pourront pas longtemps être les seuls ! » Face à cela, il y a le marché. D’une part le coté: sachant que même si les PME s’introduisaient en Bourse – ce qui est rarement le cas –, il faudrait trouver les épargnants pour les suivre. D’autre part, le non-coté, avec des besoins estimés entre 3 et 3,5 milliards d’euros par an, alors que la partie financée par l’épargne des particuliers pèse, au mieux, entre 1 et 1,5 milliard par an. «Mais attention, prévient Paul-

Henri de La Porte du Theil, les FIP, FCPI et FCPR n’ont concentré que 750 millions d’euros, en baisse en 2011 en raison de l’abandon de la défiscalisation sur l’IR.» Pas seulement, estime Olivier Goy, PDG de 123Venture, qui considère que cette désaffection tient également à l’absence de performance. Que faire ? Les idées fusent : « Il faut conserver la déduction ISF sur les FIP et les FCPI » ; « pousser l’ISF vers les financements des PME » ; « inventer le PEA/PME » ; « relancer les supports DSK en assurance vie » ; « obliger les entreprises qui offrent des FCPE en épargne salariale à proposer des fonds investis en PME, comme cela se fait pour le solidaire »… Optimiste, Charles Beigbeder, président de Audacia, estime « qu’il y a plus d’épargne qui s’oriente vers les PME qu’il y a dix ans. Audacia a d’ailleurs investi 175 M€ dans 94 PME grâce au dispositif ISF PME de la loi Tepa ». Un dispositif visiblement peu utilisé alors que, théoriquement « 100 % des redevables de l’ISF devraient y souscrire, alors qu’ils ne sont qu’entre 10 et 15 % », s’étonne Olivier Goy.

Rémunération en question

Alors que tous les participants à la table ronde s’accordent pour évoquer un certain manque de professionnalisme lors de la création des premiers FCPI, tous confirment que, désormais, la courbe d’apprentissage est achevée. « C’est un métier où les équipes sont longues à constituer et les premiers produits ont clairement essuyé les plâtres, concède Paul-Henri de La Porte du Theil. À l’époque [en 1997, NDLR], le législateur a obligé les équipes à investir très vite. C’était une ânerie totale, car il faut du temps pour choisir les investissements.» Voilà qui est dit. Par ailleurs, la question de la rémunération fait encore débat. « Il faudrait baisser la partie frais fixe et faire en sorte que l’équipe de gestion ne gagne que si le produit gagne »,

16 Patrimoine Infos - n° 4 - juin 2012 CONFERENCE_PATR4V2.indd 16

25/05/12 17:59:21


LES RENCONTRES PATRIMOINE INFOS PLACEMENTS estime Patrick Ganansia. D’autres avancent la limitation de la rémunération aux seuls intermédiaires. Pour sa part, le président de l’AFG alignerait « les intérêts des clients et ceux des équipes de gestion, le carried interest (intéressement à la performance) n’étant aujourd’hui pas taxé. » Et quand après avoir entendu Charles Beigbeder relayer la proposition de Paris Europlace de transformer les plans d’épargne en actions en plan d’épargne active pour aller vers les PME, la salle prend la parole et souligne l’absence de performances des FCPI. Olivier Goy conclut : « On arrive désormais sur des millésimes qui sont plus normalisés que ceux post-bulle internet.Vous allez maintenant voir des performances très importantes et rendre entre deux et trois fois le capital investi. Il faut de la patience pour que l’herbe donne du lait ! »

Statut et de la rémunération de la profession de CGPI Comment anticiper les évolutions ?

Dounia Harbouche, avocat au barreau de Paris, commente un arrêt important rendu par la cour d’appel de Paris le 15 mars 2011. Il donne, pour la première fois, une définition légale du conseil en gestion de patrimoine : il est tenu d’une obligation de moyens, doit guider son client dans le choix des différents placements, l’éclairer sur les conséquences juridiques et fiscales de ceux-ci et les risques comparés de tel ou tel investissement, mais n’est pas tenu de garantir la rentabilité à long terme du placement et n’engage sa responsabilité que dans la mesure où il a donné des informations erronées. Pour Patrice Ponmaret, président de la Chambre des indépendants du patrimoine (CIP), cette définition rejoint celle donnée par le député Louis Giscard d’Estaing dans sa proposition de loi de juillet 2010 et convient à la CIP. David

Charlet, président de l’Anacofi, estime qu’entre les différentes fédérations il n’existe pas de divergence sur la définition, mais plutôt sur la manière dont on construit le statut en droit. Abordant le sujet des rétrocessions, Arnaud Osredczuk, secrétaire général adjoint de l’AMF, affirme que le conflit d’intérêt est au cœur des préoccupations de la commission européenne. L’article 24 de la directive MIF 2 prévoit que la perception de rétrocessions est incompatible avec la fourniture d’un conseil indépendant. Il ne faut pas se réjouir trop tôt du rapport du député européen Markus Ferber qui revient en arrière sur ce point. Un avis partagé par Patrice Ponmaret et David Charlet, même s’ils s’avouent soulagés par cette première avancée. La directive DIA est à leur avis un enjeu nettement plus fort puisque l’essentiel du chiffre d’affaires des CGPI est réalisé à travers l’assurance vie. Il faut éviter le risque de capillarité entre la MIF2 et la DIA. L’AMF se dit favorable à un alignement des modalités de distribution des produits concernés par la MIF et par la DIA. Il serait incompréhensible que l’épargnant soit protégé quand il achète des OPCVM mais pas lorsqu’il investit dans les unités de compte d’assurance vie. L’AMF constate que l’épargnant français

Retraite, assurance vie, capital investissement… Autant de sujets qui ont passionné les 150 participants.

350 000 € Telle est, en moyenne, la collecte annuelle réalisée par les CGPI. L’assurance vie en représente 80 %.

n’est pas encore mûr pour le paiement d’honoraires, mais qu’à terme il faudra que la profession s’oriente vers cette pratique. Parmi les adhérents de la CIP, les honoraires représentent 10 % du chiffre d’affaires, souligne Patrice Ponmaret. Au nom de quoi interdirait-on les commissions en France alors qu’au Royaume-Uni les IFA sont rémunérés sur les arbitrages? En quoi cela protèget-il l’épargnant ? Un CGPI peut être parfaitement transparent sur sa rémunération et être un très mauvais conseiller. Ce qui protège les épargnants, c’est avant tout la qualité du conseil. Jean-Paul Gauzes, député européen, rappelle le fonctionnement du Parlement européen : « Les députés ont jusqu’au 10 mai pour proposer des amendements. Le travail du rapporteur Markus Ferber va consister à trouver des amendements de compromis entre les différents groupes politiques et à disposer de la capacité de conviction pour préserver l’essentiel.Après, soit la Commission estime que le texte n’est pas dénaturé et nous votons le texte en séance plénière, soit on engage un Trilog sous présidence chypriote et, si nous n’arrivons pas à nous entendre, le texte sera abandonné.» Mais la Commission et les députés fonctionnent par image et, aujourd’hui, le monde de la finance et les banques est mal perçu. Derrière l’initiative de supprimer les rétrocessions, il y a l’idée que le produit reviendra au final moins cher pour l’épargnant. Le conflit d’intérêt est une notion à la mode. Jean-Paul Gazes conseille aux présidents de poursuivre l’activité de lobbying auprès des députés européens étrangers pour défendre un modèle économique, peut-être différent de celui en vigueur au Royaume-Uni mais qui délivre un véritable conseil transparent aux épargnants. ■ VIttoRIA de BAGnoLo et Anne LAVAUd

n° 4 - juin 2012 - Patrimoine Infos 17 CONFERENCE_PATR4V2.indd 17

25/05/12 17:59:25


Fotolia

DOSSIER

Pour consolider le patrimoine, le rempart de la prÊvoyance 18 Patrimoine Infos - n° 4 - juin 2012


DOSSIER

Alors qu’elle représente encore une part infime de l’activité des conseillers financiers, la prévoyance, lorsqu’elle est pratiquée, contribue significativement au chiffre d’affaires du cabinet. Elle est désormais considérée comme un véritable relais de croissance. Pourquoi s’intéresser à elle ? Réponses en sept points…

Un potentiel pour faire croître son activité Ventilation du chiffre d’affaires global de la profession (%)

Conseil en vente immobilière Stratégie patrimoniale Santéprévoyance

Répartition de la clientèle (%)

20 59

15

42

Conseil en investissement

Autres activités Pour beaucoup de CGP, la prévoyance ne fait pas encore partie intégrante de la gestion de leur patrimoine. Elle ne représente que 4 % du chiffre d’affaires en moyenne. La clientèle qui compose le portefeuille clients des CGP est majoritairement composée de chefs d’entreprise et de professions indépendantes. Leur point commun: un taux d’équipement en prévoyance très faible.

7

PME et autres entreprises

24

Chefs d’entreprises, artisans, commerçants

25

Professions libérales

17

Retraités

28

Particuliers actifs Source : Aprédia

1 Vous avez déjà en portefeuille

2 Vos clients sont peu équipés

Les raisons de vous intéresser à la prévoyance ne manquent pas. Tout d’abord, « la prévoyance répond à un vrai besoin de la part de la clientèle traditionnelle des conseillers en gestion de patrimoine », souligne Philippe Chaumeret, directeur général de l’Aprep (Groupe AG2R-La Mondiale). D’après les chiffres Apredia, votre portefeuille clients est composé à hauteur de 56 % en moyenne par des chefs d’entreprise, des artisans, des commerçants et des professions libérales. Or, ces professions indépendantes ont toutes un point commun : aucun régime obligatoire ne leur assure un filet de protection en cas de coup dur. « En cas d’invalidité ou d’incapacité, ils recevront au mieux 20 % de leur revenu d’activité», alerte PierreYves Lagarde, dirigeant de la société Influx Conseil (lire son témoignage page 20). « Lorsque l’on dispose de revenus relativement confortables – ce qui est le cas de la majorité des professionnels libéraux –, se retrouver dans l’incapacité d’exercer, surtout lorsque cette incapacité se prolonge ou devient définitive, c’est une tragédie financière qui vient s’ajouter à une tragédie personnelle », ajoute-t-il. Cerise sur le gâteau, les non-salariés peuvent déduire les cotisations versées sur un contrat de prévoyance de leurs revenus professionnels : c’est le régime dit « Madelin ».

Tous les indépendants n’en sont pas conscients et leur taux d’équipement en prévoyance est faible, ce qui justifie d’autant plus le conseil d’un professionnel du patrimoine. D’après les chiffres de la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA), moins d’un travailleur non salarié (TNS) sur trois en activité (34 %) dispose d’une garantie incapacité-invalidité, et un sur cinq (19 %), un contrat prévoyant la garantie décès. Le conseiller doit donc les convaincre de l’utilité d’une telle protection effectuée à fonds perdus et pas immédiatement ressentie comme utile, contrairement

une clientèle mal couverte par les régimes obligatoires

en prévoyance et la dimension de conseil est essentielle

•••

DE QUOI PaRlE-T-ON n La prévoyance est une notion

vaste. Elle peut inclure jusqu’aux contrats d’assurance santé, obsèques, dépendance et les produits d’épargne retraite. n Dans ce dossier, nous avons

décidé de retenir une définition plus restrictive qui s’applique aux contrats prévoyant le versement

d’un capital ou d’une rente en cas de décès de vos clients et ceux couvrant leur perte de revenus suite à une incapacité de travail (partielle ou totale, temporaire ou permanente) ou leur invalidité. Il peut s’agir de contrats d’assurance souscrits à titre individuel ou par une entreprise.

n° 4 - juin 2012 - Patrimoine Infos 19


DOSSIER Bref, le marché existe et le conseil d’un professionnel expérimenté et de confiance est indispensable.

LE POINT DE VUE DU CONSEILLER INDÉPENDANT Pierre-YvesLagarde,expertfinancier,membredelaCNCIFetdirigeantdelasociétéInflux Conseil,consultantenstratégiesderémunérationetdeprotectionsociale.

Fotolia

« Une majorité des conseillers en gestion de patrimoine considère encore les sujets relatifs à la couverture sociale de leurs clients comme moins nobles que les matières juridiques, fiscales ou financières. Pourtant, il me semble au moins aussi important de protéger mon client contre le risque qu’il perde 80 % de ses revenus faute d’une couverture satisfaisante en cas d’invalidité que de lui faire économiser 5000 € d’impôts à travers un investissement locatif sous la loi Scellier. J’estime que la prise en compte des garanties de prévoyance devrait faire partie intégrante de tout bilan patrimonial digne de ce nom. Occulter ce sujet relève quasiment du défaut du conseil. Cela ne sert à rien de pousser les clients à accumuler de l’épargne si on ne prend pas aussi les mesures pour sécuriser ce

•••

13 % La part de l’activité prévoyance dans le chiffre d’affaires d’un cabinet qui la pratique Source: Apredia

Vous prenez le risque que vos clients aillent s’équiper ailleurs

DR

« La prise en compte des garanties de prévoyance devrait faire partie de tout bilan patrimonial »

3

patrimoine en cas de coup dur. L’objectif, c’est tout de même de parvenir à l’âge de la retraite ni mort ni invalide! La question à se poser est donc d’abord quantitative: de quel niveau de revenus annuels a-t-on besoin pour se substituer aux revenus du travail dans l’hypothèse où toute reprise d’activité deviendrait impossible? Elle est ensuite qualitative: quel contrat choisir, pour quel coût, mais aussi, et surtout, pour quel niveau de couverture. Cette matière exige un investissement important en termes de formation. Par ailleurs, les commissions apportées par les contrats de prévoyance sont modestes en instantané mais confortables sur le long terme en raison de leur récurrence. Je conseille de facturer des honoraires pour rentabiliser l’investissement et le temps consacré à l’audit social.»

Unautreargument? «Quandonadéjàuneclientèle,ilest plus facile de l’équiper,car elle vous fait déjà confiance», avance Bruno Leyrit, responsable du développement de l’offre Entreprise de l’Union financière de France (UFF) et des partenariats avec les experts comptables. Ce dernier s’appuie sur un sondage réalisé par l’assureur Quatrem: 75 % des indépendants préfèrent mettre en place des solutions prévoyance avec leur conseiller existant. «Certains professionnels du patrimoine ont bien compris que c’est un outil essentiel, car s’il ne s’y intéresse pas, son client ira s’équiper ailleurs», ajoute Laurent Ouazana, directeur général de Ciprès vie.

4

Un outil de protection qui fait partie intégrante de la gestion du patrimoine

aux contrats couvrant les frais de santé ou préparant la constitution d’un complément de retraite. «La plupart des travailleurs non salariés ont une tendance naturelle à inverser l’ordre des priorités des trois grandes problématiques de la protection sociale que sont la prévoyance, la retraite et la santé », avance Pierre-Yves Lagarde. «Autrement dit, ces professionnels cherchent d’abord à couvrir les risques à forte fréquence de survenance –les frais de santé–, se préoccupent à un moment ou à un autre des risques certains –la retraite, le décès–, mais négligent les risques les moins statistiquement probables –l’incapacité, l’invalidité.» Ainsi, près de la moitié de TNS (42 %) détient un contrat frais de soins.

«Il y a une fusion entre la santé du travailleur non salarié et son outil de travail, poursuit Laurent Ouazana. Sa protection fait partie intégrante de la gestion de son patrimoine. Ne pas le voir est une erreur.» Pourtant, même à l’UFF, filiale d’Aviva, cette prise de conscience est assez récente : les premiers produits datent de septembre 2010. «Nous nous sommes aperçus que nos conseillers financiers créaient des montages très sophistiqués qui pouvaient s’écrouler comme un château de cartes en cas d’accident», avance Bruno Leyrit. L’UFF a donc décidé d’intégrer la protection sociale au conseil patrimonial tant pour les conseillers spécialisés sur les entreprises que pour ceux axés sur les individuels.

5 Vous voulez capter une clientèle nouvelle

S’intéresser à la prévoyance, c’est aussi l’occasion de capter une nouvelle clientèle en se démarquant de vos confrères qui négligent cette dimension. «Il s’agit d’une spécialité que mes clients apprécient d’autant plus qu’ils sont majoritairement des professionnels de santé et, de ce fait, déjà sensibilisés à ces sujets», avance Guillaume

Exemples de produits pour répondre aux attentes de vos clients PROTECTION HOMME CLE Pour garantir la pérennité de l’entreprise Lorsqu’une personne vitale au bon fonctionnement de l’entreprise, à son développement, au suivi de ses marchés, disparaît, les conséquences peuvent être lourdes pour la bonne marche de l’activité et mettre en péril la pérennité de l’entreprise.

LES ATOUTS Des réductions de tarifs pour : • les non-fumeurs • les femmes • les capitaux supérieurs à 500 000 €

aSSURaNCE HOMME ClÉ (aprep)

Une assurance décès « packagée » pour protéger l’entreprise et faciliter la poursuite de l’activité par les associés en cas de disparition d’un dirigeant. Une rapidité de décision et de réponse sous réserve que tous les documents nécessaires à l’analyse du dossier soient en notre possession.

LE FONCTIONNEMENT

Le contrat s’adresse à toute personne dont la disparition entraînerait un préjudice financier pour l’entreprise : • le dirigeant de l’entreprise • un ou plusieurs de ses collaborateurs : chef de ventes, directeur technique, responsable de chantier, ingénieur de recherche, collaborateur disposant d’un savoir-faire spécifique

Après avoir évalué le manque à gagner de l’entreprise en cas de disparition de l’homme-clé : ralentissement d’activité, perte de marchés, frais de réorganisation, de recrutement, de formation… Il s’agit de couvrir cette perte en prévoyant le versement d’un capital. • Adhérent : l’entreprise • Assuré : l’homme-clé • Bénéficiaire : l’entreprise Le contrat prévoit le versement du capital en cas de décès ou de perte totale et irréversible d’autonomie et 2 garanties optionnelles : l’indexation des garanties et l’IPT.

A S S O C I AT I O N P O U R L A P R O T E C T I O N D E L A R E T R A I T E D E L’ É P A R G N E E T D U P AT R I M O I N E

20 Patrimoine Infos - n° 4 - juin 2012

aVIVa SENSÉO lIBÉRal (aviva)

se décline en version classique individuelle, pour les professions libérales, médicales ou agricoles.

aSSURaNCE DE PRÊT PaREO EMPRUNTEURS GROS CaPITaUX (alptis)

Une assurance en couverture de prêt spéciale pro, gros capitaux (10 M€) et âges élevés (jusqu’à 85 ans)

Age maximum à l’adhésion : 60 ans (âge calculé par différence de millésime / en cas de cogérance, c’est l’âge moyen arithmétique des cogérants qui est pris en compte) Pour l’assurabilité GEP et Protecfi, l’âge maximum à l’adhésion est limité à 55 ans Traitement de base :  Jusqu’à 55 ans : 0,5 à 4 PASS  De 56 à 60 ans : 0,5 à 3 PASS

Offre packagée :

Toute la protection sociale du TNS sur un même bulletin Prise en considération de l’ENSEMBLE des revenus imposables majorés au maximum de 50 %

(par tranche de 0,1, correspondant au TRAITEMENT NET déclaré à l’administration fiscale majoré éventuellement de 50% au maximum)

Jusqu’à 55 ans :  Jusqu’à 3 PASS : DS  De 3,1 à 4 PASS : DS + QM De 56 à 60 ans : QM

(rémunération, dividendes,…)

Les+ Prévoyance

PRÉVOYANCE : Décès, Rente de conjoint, Rente éducation, Incapacité / Invalidité

Tarif AGE A L’ADHESION  Une classe d’âge unique en Décès et Rentes  9 classes d’âge en arrêt de travail et invalidité Formalités médicales réduites (DS à valider) Cogérance : prise en compte de la moyenne d’âge des cogérants pour l’adhésion

Les+ Santé

Hospitalisation aux frais réels en secteur conventionné Plafonds dentaires et optiques élevés Médecine douce prise en charge Aucun délai d’attente

PaCK PRO ENTREPRISES (Cipres Vie)

Un contrat simplifié par l’absence d’options et des niveaux de garanties/franchises uniques , déclinés pour 7 catégories différentes de professions indépendantes. Prévoyance et Santé : Les garanties dont les prestations ne sont pas libellées en capital sont éligibles à la loi Madelin (Art 154 bis du Code général des impôts)

Assurabilité / Protecfi : La garantie est éligible à la fiscalité Art 39 du Code général des impôts

Santé / Prévoyance / Assurabilité : Aucun délai d’attente Protecfi : Carence de 3 mois en cas de maladie

SANTÉ : 10 niveaux de garanties en complément du régime obligatoire

(tarification indépendante pour chaque cogérant en fonction de son âge)

PROTECFI : Frais généraux permanents jusqu’à 4 PASS sur un an

ASSURABILITÉ Garantie Emprunt Pro (GEP) : 1 an ou 5 ans (Capital emprunté ≤ 500.000 €) Santé : Accès à la gamme santé conditionné à la souscription d’une garantie Incapacité / Invalidité

Hors pack, ces garanties peuvent être souscrites séparément (hors assurabilité GEP)

DS : Déclaration de Santé - QM : Questionnaire Médical complémentaire - PASS : Plafond Annuel de la Sécurité sociale

Possibilité de souscrire une assurabilité pour une Garantie Emprunt Professionnel (GEP) ultérieure (jusqu’à 5 ans plus tard)

Paiement des cotisations : Trimestriellement d’avance par prélèvement automatique Cas d’exonération des cotisations : Dès le 1er jour d’arrêt de travail indemnisé


DOSSIER

61 % La part des professionnels considérant que la prévoyance est un relais de croissance, contre 57 % il y a un an Source: Apredia

6 Une source de diversification des revenus

À l’heure où la collecte devient plus difficile sur les produits financiers et les unités de compte en assurance vie de même que les encours sur lesquels sont fondées vos commissions, la prévoyance a de quoi apporter une source de revenus stable, croissante et décorrélée des marchés financiers. «La prévoyance répond à des choix stables dans le temps», précise Hervé Cazade, responsable de la distribution et du développement commercial de BNP Paribas Cardif en France. «Les primes étant croissantes avec l’âge de l’assuré, la rémunération augmente dans le temps», ajoute Philippe Chaumeret. Par ailleurs, «les commissions apportées par les contrats de prévoyance sont modestes en instantané mais confortables sur le long terme en raison de leur récurrence», avance Jean-Yves Lagarde, qui conseille de facturer des honoraires pour rentabiliser l’investissement et le temps consacré à l’audit social.

7 Franchir un frein culturel et s’investir en formation

Chez Alptis, on a mené des sondages pour connaître les freins au développement de la prévoyance chez les CGP. Ceux qui ont démarré depuis peu leur activité ont pris de plein fouet la baisse de leur rémunération sur l’épargne. «Ce sont les plus convaincus de l’intérêt de la prévoyance», explique Patrick Julien, directeur marketing et développement chez Alptis. «Les plus anciens

GROUPE PaSTEUR MUTUalITÉ

Une large offre décès, arrêt de travail et invalidité, emprunteur dédiés aux professions médicales, selon leur mode d’exercice (en société ou pas).

n’y trouvent aucun intérêt, tandis que les plus jeunes ont la volonté de se pencher sur le sujet mais ils doivent d’abord acquérir la formation nécessaire», ajoute-t-il. Cette matière est encore périphérique dans leur cursus de formation et les contrats de risque exigent un vrai changement de culture et des notions techniques pour être capables de comparer la qualité et l’étendue des garanties proposées par les contrats plutôt que de sélectionner les tarifs! Enfin, les conseillers craignent de faire passer leur client par un long processus d’examens médicaux pour, à la fin, essuyer un refus d’assurance. L’allégement des formalités d’adhésion est d’ailleurs l’un des chevaux de bataille des fournisseurs de solutions de prévoyance comme April, Aprep, Ciprès Vie ou Alptis, pour ne citer qu’eux. n VITTORIa DE BaGNOlO

LE POINT DE VUE DU CONSEILLER INDÉPENDANT GuillaumeEyssette, conseilengestionetdéveloppementdepatrimoine chezFiducéeGestionprivéeàParis

« Une plus-value qui me permet de fidéliser ma clientèle mais aussi de l’accroître » La prévoyance est pour mon cabinet un relais de croissance mais elle reste minoritaire dans mon chiffre d’affaires. Il s’agit d’une spécialité que mes clients apprécient d’autant plus qu’ils sont majoritairement professionnels de santé et, de ce fait, déjà sensibilisés à ces sujets. Ils connaissent bien les problèmes financiers que cela peut engendrer. Dans mon travail, la prévoyance est une plus-value qui me permet de fidéliser ma clientèle et aussi de l’accroître par simple recommandation. Cette compétence augmente la qualité de mon conseil. D’ailleurs, j’estime qu’on ne peut pas élaborer une stratégie

CaRDIF GaRaNTIE EMPRUNTEURS

assurance en couverture de prêt sur de gros capitaux avec option prévoyance, sports à risque couverts.

QUalIGE PRÉVOYaNCE (Quatrem)

DR

Eyssette, conseil en gestion de patrimoine chez Fiducée Gestion privée (lire son témoignage ci-contre). Ils connaissent bien les problèmes financiers que cela peut engendrer. «Dans mon travail, la prévoyance est une véritable plus-value qui me permet de fidéliser ma clientèle et aussi de l’accroître par simple recommandation», témoigne-t-il. La légitimité du CGPI s’étend aux contrats d’entreprise. «Les dispositions mises en place par les assureurs ne sont pas réactualisées», constate Bruno Leyrit, qui pense au montant des revenus assurés au dirigeant et à ses salariés par le régime collectif de prévoyance ou à la mise à jour des personnes bénéficiaires des garanties décès.

patrimoniale sans inclure au moins un audit des garanties de prévoyance dont disposent mes clients. Je propose cet audit de manière systématique, elle est bien adaptée aux professions médicales. Pour être capable de proposer du conseil en prévoyance, il faut s’y investir pleinement, suivre une formation et se tenir au courant de manière permanente, car les régimes obligatoires évoluent. Par exemple, au sein même des professions médicales, les régimes sont différents d’une profession à l’autre, selon que l’on s’adresse à un chirurgien-dentiste, un pharmacien ou un médecin.

Pour conjuguer la prévoyance individuelle du chef d’entreprises et celle de ses salariés.

SWISS lIFE PRÉVOYaNCE INDÉPENDaNTS

Un contrat personnalisable, de multiples niveaux de franchises, montants assurés et durées d’indemnisation.

n° 4 - juin 2012 - Patrimoine Infos 21


DOSSIER

Quels contrats pour quels besoins

la GaRaNTIE PlaNCHER EN aSSURaNCEVIE

La prévoyance se décline dans l’assurance vie, les garanties emprunteurs en passant par les pertes d’exploitation. Explications.

n La garantie plancher disponible

en option dans les assurances vie multisupports est destinée compenser les moins-values constatées sur le contrat d’épargne au décès de l’assuré. n Cette couverture peut se décliner

sous des formes bien plus sophistiquées (majorée, plus-haut ou indexée) afin que les bénéficiaires de l’assuré touchent au moins les versements effectués majorés de l’inflation, ou bien le point haut historiquement atteint par l’épargne.

V

ous l’aurez compris, la prévoyance est un domaine que les professionnels du patrimoine auraient tort de négliger. Ceci dit, par où commencer? Le plus simple consiste à apprivoiser d’abord les contrats qui couvrent exclusivement le risque de décès prématuré de l’entrepreneur individuel. En revanche, les contrats de prévoyance qui versent des revenus de remplacements en cas de maladie et incapacité sont nettement plus complexes à maîtriser. Enfin, dès lors que vous vous attaquez à des régimes collectifs d’entreprise, mieux vaut suivre une formation spécifique sur les régimes obligatoires, complémentaire (conventions collectives), les différents statuts sociaux et contrats de travail.

les contrats décès

Sans le savoir, vous côtoyez tous les jours les assurances décès, ne serait-ce qu’à travers les garanties emprunteur adossés à un investissement immobilier. Dans ce cas, c’est la banque qui bénéficie du capital restant dû, ou bien l’assureur prend le relais pour verser les mensualités restantes à la place du défunt. Mais il existe bien d’autres solutions destinées à protéger les proches ou bien pérenniser l’activité de l’entreprise. Le fait générateur est le décès du titulaire, mais les événements garantis sont très divers. Les fiches présentées ci-contre font un tour d’horizon rapide des déclinaisons existantes. Dans tous les cas, les

61 €

par jour Le montant versé en cas d’arrêt de travail aux avocats après trente jours de franchise en cas de maladie, huit si accident, aucun délai si hospitalisation

Les garanties décès prévoyant le versement d’un capital ne sont pas déductibles des revenus professionnels, contrairement à celles qui déclenchent le paiement d’une rente. 22 Patrimoine Infos - n° 4 - juin 2012

garanties décès prévoyant le versement d’un capital ne sont pas déductibles des revenus professionnels, contrairement à celles qui déclenchent le paiement d’une rente, comme les rentes de conjoint et d’éducation permettent de déclencher le versement d’un revenu de remplacement à votre conjoint survivant. Les rentes d’éducation sont moins onéreuses, car la garantie est limitée dans le temps (25e anniversaire des enfants s’ils poursuivent des études). La prime augmente avec l’âge de l’assuré et en cas de maladie. Parfois, un tarif « spécial non-fumeur », plus avantageux, est proposé. Conséquence : passés 45 ans, ces contrats deviennent prohibitifs. En outre, préalablement à son adhésion, votre client devra se plier à des formalités médicales, et la garantie pourra cesser à 60 ou 65 ans maximum, excepté les contrats haut de gamme, qui s’adaptent à des assurés âgés. Soyez par ailleurs très attentif aux exclusions de garantie, qui varient selon les compagnies. Les accidents consécutifs à la pratique de sports à risque (alpinisme, yachting, équitation, randonnée en montagne) ne sont parfois pas couverts. Gare aussi aux fausses déclarations de santé, qui vont tout simplement provoquer la nullité du contrat.


DOSSIER

lE CONTRaT «HOMME ClÉ» n Le contrat « homme clé »

est souscrit par l’entreprise qui veut se protéger contre la disparition d’une personne disposant d’une expertise essentielle à sa pérennité. Par exemple le « nez » chez un parfumeur.

n Si l’expert employé ne peut plus

exercer son art, l’entreprise perçoit, grâce au contrat, un capital couvrant le préjudice estimé à l’avance, lors de l’adhésion : pertes de commandes, frais de recrutement et de formation du remplaçant.

Lisez donc très attentivement les conditions générales pour exercer pleinement votre devoir de conseil.

les revenus de remplacement en cas de maladie

Mais c’est ici que le sujet se corse. Car le niveau de garantie à souscrire va dépendre des prestations offertes par les régimes obligatoires de votre client tant en montant qu’en durée. Or, si le régime social des indépendants (RSI) est le régime unique de prévoyance obligatoire pour les artisans et commerçants, il n’en va pas de même pour les exploitants agricoles ou les professions libérales, qui disposent d’une protection très variable d’une spécialité à l’autre (avocats, notaires, architectes, médecin, pharmaciens, etc.). Ainsi, le RSI verse 40 % du revenu plafonné à 49,82 € par jour aux artisans et commerçants sur une durée limitée à un an. Pour un avocat, le régime obligatoire verse 61 € par jour. Un vrai casse-tête ! Il est donc conseillé de souscrire une garantie dite d’indemnités journalières. Ces garanties se déclenchent après trois à six mois de franchise. Petite astuce : il suffit de mettre de côté l’équivalent de trois à six mois de salaire et de s’assurer

Fotolia

Des solutions pour protéger vos clients lES INDEMNITÉS JOURNalIÈRES

lE COMPTE CROISÉ aSSOCIÉS

n Ce type de contrat de prévoyance

n Le contrat « croisé associés »

permet de garantir des revenus de remplacement à votre client en cas d’incapacité de travail.

s’adresse aux associés à la tête d’une entreprise. Chaque associé souscrit un contrat à son profit sur la tête de l’autre. Si l’un d’entre eux décède, le survivant disposera des sommes nécessaires pour racheter les parts transmises aux héritiers.

n La somme pourra être définie

n Le contrat peut être souscrit

n Certains contrats prévoient

par l’associé en personne ou par l’entreprise pour son compte, auquel cas les primes sont déductibles du bénéfice imposable.

de manière forfaitaire (1 500 €, par exemple) ou indemnitaire (en pourcentage des revenus professionnels de l’année précédente), ce qui peut être pénalisant en cas de forte fluctuation d’activité. aussi le remboursement des frais généraux (salaires et charges sociales, loyers et frais fixes relatifs aux locaux professionnels).

« Le niveau de garantie à souscrire va dépendre des prestations offertes par les régimes obligatoires du client tant en montant qu’en durée. »

7274 € Le capital décès versé aux actifs en 2012 par le régime social des indépendants

au-delà de ce délai pour faire baisser sensiblement la prime. Attention également aux pathologies exclues. La grossesse (même pathologique) n’est pas forcément couverte, ainsi que les maladies psychiques ou encore les sciatiques, hernies discales et autres lombalgies. Souvent, une hospitalisation d’au moins cinq jours sera nécessaire pour qu’un revenu de remplacement puisse être versé. Cela n’arrive pas qu’aux autres. Prévoyez surtout de quoi faire face à un handicap plus lourd qui empêcherait définitivement vos clients d’exercer leur profession. Pour cela, proposez-leur une rente d’invalidité. Elle viendra compenser leur perte de revenu jusqu’au moment de la retraite. Soyez très attentif aux exclusions et aux conditions de mise en jeu des garanties (carence, franchise, mode de calcul), car la matière est complexe et les pièges nombreux ! n VITTORIa DE BaGNOlO

n° 4 - juin 2012 - Patrimoine Infos 23


DROIT ET FISCALITÉ JURIDIQUE

Me Dounia Harbouche livre le deuxième volet de son analyse (1) sur l’abondante jurisprudence relative à l’exercice de la profession de CGP. Sont visés ici les contentieux risquant de survenir dans le cadre de l’exécution des produits d’investissements.

L

e devoir de conseil du CGP et son action peuvent être source de contentieux dans plusieurs cas, dont l’évolution de la clause bénéficiaire dans le temps, l’exécution des ordres d’arbitrage, la proposition de passation de ces ordres ou encore en matière de rachat total. Concernant l’exécution des ordres d’arbitrage, il apparaît que le conseil en gestion de patrimoine comme le courtier ne peuvent faire l’objet d’aucune condamnation contrairement aux sociétés de gestion, qui engagent leur responsabilité dans deux cas de figure. Selon le TGI de Nice (15.11.05), la faute ne peut pas être retenue contre le conseil en gestion de patrimoine, car, au titre de son obligation de conseil, il devait sélectionner la nature des UC et conseiller son client dans le choix du produit et de l’assureur. Par ailleurs, étant soumis à une obligation de moyen et non de résultat, il n’est pas possible de lui faire endosser la dégradation des valeurs de référence, surtout que le souscripteur a reconnu avoir

24 Patrimoine Infos - n° 4 - juin 2012

reçu l’ensemble des documents d’information, notamment sur le risque de variation des cours. Ainsi, au jour de la souscription, il avait une parfaite connaissance des mécanismes du contrat corroborée par les nombreuses opérations réalisées sur son contrat, tandis que le TGI souligne que ces placements étaient, à l’époque de la souscription, sérieux, multisupports et à long terme. Enfin, en l’espèce, la souscription correspondait aux objectifs de transmission du souscripteur à ses nièces avant ses 70 ans et le produit proposé était en adéquation avec sa situation. Concernant le courtier, c’est le jugement du TGI de Paris (9e ch., 8.12.04, définitif ) qui fait jurisprudence. Or, il atteste qu’aucune faute ne peut être retenue, car la signature du bulletin de souscription précédée de la mention «lu et approuvé » atteste de la connaissance des « conditions générales » par le souscripteur. Par ailleurs, l’existence de fautes de gestion ne peut être tirée de la simple constatation de la réalisation de pertes dès lors que la gestion acceptée par

Laetitia Duarte

Exercice de la profession L’interprétation des tribunaux Avocate au barreau de Paris, Me Dounia Harbouche intervient principalement dans les domaines du contentieux responsabilité civile professionnelle, du droit des assurances de personnes, droit des contrats et du droit patrimonial de la famille.

le mandant (le souscripteur étant médecin et investisseur en Bourse depuis 1973) autorisait la prise de risques. En ce qui concerne le mandat de gestion et la pratique d’arbitrage en blanc (pratique à bannir) résultant d’un accord commun, il n’y a pas d’obligation d’information du CGPI sur les opérations qu’il entend réaliser dans le cadre du mandat dont il est investi.

Attention à l’arbitrage en blanc

À propos de la responsabilité du courtier au titre des ordres d’arbitrage en blanc, il ressort du jugement du TGI de Paris (9e ch., 8.8.08) confirmé sur ce point par la cour d’appel de Paris (novembre 2011) qu’aucune faute ne peut être mise à la charge du courtier parce que le souscripteur est régulièrement tenu informé de l’ensemble des opérations sur son contrat; qu’il n’a rien contesté pendant six ans et que cette pratique est prévue dans le cadre d’une convention de gestion conseillée. En revanche, la responsabilité de la société de gestion de


JURIDIQUE DROIT ET FISCALITÉ portefeuille peut être engagée en cas de non-respect du profil «équilibre» retenu dans le mandat de gestion ou de l’obligation d’information sur les pertes subies. Il convient cependant de signaler qu’un courtier a été condamné à de faibles dommages et intérêts (10000 €) pour une perte de chance lors d’un arbitrage conseillé consistant à désinvestir un support à taux garanti au profit d’une unité de compte risquée (CA Paris, 16.1.07), car en opérant à la demande de son client un arbitrage sur le contrat d’assurance vie pour abandonner totalement le support d’origine pour deux nouveaux supports, il a fait abandonner à son client un support avec une rentabilité garantie au profit de supports sans garantie. Le souscripteur a alors perdu une chance de conserver un placement protecteur.

Proposition de passation d’ordres d’arbitrage

Dans le cas d’une proposition de passation d’ordre d’arbitrage, la jurisprudence est claire : aucune faute ne peut être retenue contre le conseil en gestion de patrimoine (TGI Rennes, 1re ch. civile, 7.11.06 confirmé par CA Rennes 7.3.08). Pourquoi ? Parce que dans le cadre de son mandat de gestion, le CGP est tenu à une obligation

de moyen ou obligation normale de diligence et non de résultat. Par ailleurs, il est considéré que, lors de la souscription, le souscripteur avait connaissance de l’orientation « action » par la remise de notices d’informations des supports sélectionnés dont le risque de fluctuations, en fonction de la volatilité des marchés, ne pouvait lui avoir échappé. En revanche, une banque agissant en sa qualité de courtier d’assurances ne peut se contenter d’adresser les relevés de situation trimestriels (CA Dijon 3.2.11). En l’espèce, il a été considéré que la banque a manqué à ses obligations lors de l’exécution du contrat d’assurance vie, dès lors que la faiblesse du rendement des investissements réalisés étant avérée, elle s’est contentée de communiquer les relevés trimestriels faisant état de l’évolution des placements sans qu’un gestionnaire prenne la moindre initiative sur le profil du placement pour le préserver. Elle a été condamnée à des dommages et intérêts (50 000 €) pour perte de chance de conclure un contrat plus avantageux et de recourir à une solution adaptée lors de la réalisation des moins-values latentes. Il ressort des différentes jurisprudences que les courtiers

JurisPruDEncE récEntE obligation de mise en garde à la charge de l’iob (tgi Agen 12 avril 2012) n Un CGPI agissant notamment en qualité de

courtier d’assurances n’a pas été condamné au titre d’un manquement à son obligation d’information et de conseil au moment de la souscription. En effet, cette obligation n’étant que de « moyens » et non de « résultat », il ne peut être reproché au courtier les aléas de l’activité économique, qui demeurent une composante importante du succès ou de l’échec d’une opération de placement financier, dès lors que le souscripteur en était parfaitement conscient. n En revanche le CGPI a été condamné à de

faibles dommages et intérêts pour préjudice, au titre de sa qualité d’intermédiaire en opération de banque, car, tout aussi tenu d’une obligation d’information et de conseil, il doit vérifier l’état de solvabilité du client à l’aide d’outils techniques professionnels et ne pas se contenter des seules déclarations de son client. n Il était également tenu d’une obligation

de mise en garde pouvant aller jusqu’à conseiller l’abandon d’un projet qui pouvait s’avérer inadapté, voire risqué, nonobstant les désirs de son client.

doivent faire des propositions d’arbitrages à leurs clients si les placements ne réalisent pas de bons rendements.

En cas de rachat total

Un courtier peut être condamné pour avoir incité le souscripteur à racheter son contrat d’assurance vie arrivé à terme et à en souscrire un de même nature alors que son contrat initial pouvait être prorogé, permettant de conserver l’antériorité. Une appréciation critique du courtier est destinée à orienter avec loyauté les choix du client au mieux de ses intérêts (CA Nancy, 23.2.04). Pour aller dans le même sens, on constate la condamnation d’un agent général (et de l’assureur) et la désignation d’un expert afin d’évaluer quel était son intérêt au rachat d’un ancien contrat pour en ouvrir un autre (TGI Paris 25.1.07). Enfin, en mai 2010, la cour d’appel de Montpellier condamnait une banque en sa qualité de courtier d’assurances pour avoir fait perdre un avantage fiscal au souscripteur en provoquant le rachat total de son contrat d’assurance vie avant l’expiration du délai de huit ans. Il a été considéré qu’elle ne pouvait ignorer que, de ce fait, le souscripteur ne pourrait bénéficier de l’avantage fiscal lié à l’exonération des plus-values attachées à ce type de contrat. À supposer même que le souscripteur ait sollicité de sa propre initiative le rachat du contrat, le courtier aurait alors gravement manqué à son obligation d’information et de conseil en n’attirant pas l’attention de son client sur la perte de l’avantage fiscal lié à l’exonération des plus-values. La banque est condamnée à des dommages et intérêts équivalents à l’impôt complémentaire et aux intérêts de retard pour un montant total de 43 515 € (CA Montpellier 4.5.10). n Me DouniA HArboucHE (1) Premier volet publié dans Patrimoine Infos n° 3

n° 4 - juin 2012 - Patrimoine Infos 25


DROIT & FISCALITÉ JURISPRUDENCE

Divorce et assurance emprunteur

Civ. 1re, 12 avril 2012, pourvoi n° 11-14653 Les faits

Un couple en procédure de divorce est en désaccord sur le partage de la communauté concernant l’intégration des échéances de plusieurs emprunts immobiliers prises en charge par l’assureur à la suite de l’invalidité du mari. Ce dernier demande que son ex-épouse soit tenue à récompense au titre des échéances prises en charge par l’assureur.

La décision

La cour d’appel de Chambéry rejette sa demande, estimant que « les échéances des prêts prises en charge par l’assureur n’ouvrent pas droit à récompense ». Les juges relèvent que « ces échéances ont été prises en charge par les assureurs au titre de l’invalidité du mari, ne sont pas entrées dans le patrimoine de celui-ci de sorte que ni la communauté ni aucun des deux époux n’ont déboursé ces fonds ». La Cour approuve.

Le commentaire

En principe, toutes les fois qu’un époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté en acquérant des biens propres avec des deniers communs, il en doit « récompense », c’est-à-dire réinjecter la somme dans le patrimoine commun du couple avant d’effectuer le partage et la liquidation en cas de divorce. La Cour estime ici que les sommes versées par l’assureur en remboursement des échéances d’un emprunt immobilier souscrit par un couple n’entrent pas dans leur patrimoine respectif puisqu’aucun d’entre eux, ni la communauté, n’a déboursé de fonds. Ces sommes n’ouvrent donc pas droit à récompense. ■

Divorce et opposabiLité auxtiers D’un partage homoLogué

Civ. 1 , 12 avril 2012, pourvoi n° 11-13456 re

Les faits

Un couple qui venait de divorcer sur requête conjointe attribue leur maison d’habitation au mari dans leur convention définitive du partage de la communauté (homologuée par la juge). Pour protéger cet immeuble commun d’une éventuelle saisie par ses créanciers, le mari avait fait une déclaration d’insaisissabilité (en 2004) un mois avant d’être condamné à rembourser la Caisse de crédit mutuelle suite à un prêt pour lequel il avait accordé une garantie du passif en 2000. Pour être payée, la banque assigne les ex-époux en liquidation et partage de ce bien.

26 Patrimoine Infos - n° 4 - juin 2012

La décision

La cour d’appel accueille la demande et ordonne la liquidation de l’immeuble considérant que la convention définitive n’est opposable aux tiers qu’une fois la formalité de publicité foncière effectuée. L’arrêt est cassé : « Le partage de la communauté contenu dans la convention définitive homologuée par le juge du divorce est opposable aux tiers (ici la banque) à compter de l’accomplissement des formalités de publicité du jugement ».

Le commentaire

Une banque qui accorde un emprunt à un seul des époux ne peut saisir que les biens qui lui sont propres en cas de défaut de paiement. L’enjeu était donc de savoir à quel moment un immeuble appartenant au patrimoine commun sort de la communauté. La cour opte pour la publicité du jugement homologuant la convention de partage (et non la publicité foncière). ■

point De Départ De La prescription biennaLe

Civ. 2e, 29 mars 2012, pourvoi n° 11-13991 Les faits

Un assuré, qui avait souscrit un contrat d’assurance vie chez Generali, alimenté en partie par une somme empruntée à la BNP Paribas, souhaite y renoncer. L’assureur lui explique qu’il devait adresser une « main levée » à la banque (qui avait pris le contrat d’assurance vie en garantie du prêt) pour procéder au rachat de son contrat mais refuse de lui restituer les fonds investis. Assigné en justice par l’assuré, l’assureur invoque la prescription de l’action en restitution des fonds.

La décision

La Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel, qui avait condamné Generali à restituer les fonds, retenant que « l’action engagée par le souscripteur d’un contrat d’assurance vie ayant renoncé à ce contrat conformément à l’article L 132-5-1 du code des assurances pour obtenir la restitution des sommes versées qui dérive du contrat d’assurance est soumise à la prescription biennale prévue par l’article L 114-1 du code des assurances, dont le point de départ est le refus de restitution opposé par l’assureur ».

Le commentaire

Le point de départ de la prescription biennale est le refus de restitution opposé par l’assureur à l’assuré. ■


PagES CooRDoNNéES PaR EmmaNUEllE BERNaRD

actuaLités régLementaires un chèque nevaut pas renonciation au DéLai De rétractation

Civ. 3e, 13 mars 2012, pourvoi n° Y11-12232 Les faits

Un acquéreur qui avait signé une promesse d’achat pour une maison ne confirme finalement pas la vente. Pour éviter de payer la clause pénale (*), réclamée en justice par les vendeurs, il décide d’exercer son droit de rétractation. Mais changeant à nouveau d’avis, il envoie une lettre et un chèque à l’assureur de protection juridique des vendeurs (qui les représente en justice) pour confirmer sa volonté d’acheter.

La décision

La cour d’appel condamne l’acquéreur à payer 11 000 € au titre de la clause pénale au lieu des 30 000 € jugés « excessifs ». Les juges retiennent qu’il avait « renoncé à la faculté de rétractation » et confirmé « son engagement d’acquérir l’immeuble aux conditions contractuelles, en adressant à l’assureur de protection juridique des vendeurs un chèque en complément de la somme séquestrée lors de la signature de la promesse de vente ». L’arrêt est cassé : « L’exercice du droit de rétractation de l’acquéreur avait entraîné l’anéantissement du contrat. » La clause pénale ne doit donc pas s’appliquer.

Le commentaire

impôt : désolidarisation des époux séparés ou divorcés

PubliéauJournalofficieldu20avril,undécretdu18avril2012(2012-511)prévoitqueles personnesséparéesoudivorcéespeuventdésormaiscontournerlepaiementsolidairedel’impôt encasdedisproportionnotoireentreleursituationfinancièreetpatrimonialeetlemontant deleurdettefiscale

réduction des avantages fiscaux de 15 %

Un décret (n° 2012-547) du 23 avril 2012 (JO du 25) vient d’appliquer une réduction homogène de 15 % des avantages fiscaux procurés par les réductions et crédits d’impôts sur le revenu compris dans le champ d’application du plafonnement global. Les avantages relatifs à l’incitation à l’emploi (salarié à domicile, frais de garde des jeunes enfants) et du dispositif d’incitation fiscale en faveur du logement social en outre-mer ne sont pas concernés.

bruxelles s’apprête à simplifier les successions internationales

Au programme de Bruxelles depuis plus de deux ans, le règlement européen d’unification des règles de droit international privé est en passe d’être adopté définitivement. Le texte doit être finalisé d’ici au 7 juin. Désormais, les successions seront réglées par une seule autorité, selon une seule loi, celles de l’État de la dernière résidence habituelle du défunt. Le règlement instaure également la possibilité pour chacun de décider que la loi applicable à sa succession sera sa loi nationale. Avec ce texte, les décisions judiciaires et des actes authentiques circuleront librement dans l’Union. Un certificat européen des successions sera créé, permettant de prouver partout dans l’Union européenne sa qualité d’héritier ou de légataire ; de prouver un pouvoir d’administrateur ou d’exécuteur de la succession. D’après la Commission européenne, 450 000 successions internationales portant sur un patrimoine total de 123 milliards d’euros s’ouvrent chaque année au sein de l’Union.

La Cour estime ici qu’un chèque versé « en complément du premier versement effectué à la signature de la promesse de vente sous seing privé » par un acquéreur après qu’il s’est rétracté d’une vente ne vaut pas renonciation à la rétractation. En d’autres termes, cela ne suffit pas pour « annuler » la rétractation de l’acheteur et poursuivre la vente. Selon l’article L 271-1 du code de la construction et de l’habitation, un acquéreur non professionnel a sept jours pour se rétracter de la vente à partir du lendemain de la remise de l’acte (notification attestée par LRAR) lorsque la vente est conclue par un professionnel intermédiaire (un agent immobilier en l’espèce). ■

ir : de nouveaux plafonds pour les déductions

(*) La clause pénale prévoyait que celui qui ne régularise pas la vente par acte authentique verse 30 000€ à l’autre.

Déclaration de l’isF entre le 13 juin et le 15 septembre

Une instruction fiscale du 30 mars 2012 (BOI n°5 B-14-12) vient de fixer les nouveaux plafonds applicables aux déductions pour l’imposition des revenus de l’année 2011. Par exemple, les contribuables peuvent, sous certaines conditions, déduire de leur revenu global les pensions alimentaires versées à leurs ascendants, descendants, époux ou ex-époux, la contribution aux charges du mariage ainsi que les avantages en nature consentis, en l’absence d’obligation alimentaire, aux personnes âgées de plus de 75 ans vivant sous leur toit. Par exemple, le contribuable qui recueille sous son toit une personne de sa famille de plus de 75 ans dont le revenu imposable n’excède pas 8 907,34 € pour une personne seule et 14 181,30 € pour un couple marié peut déduire de son revenu global, sans avoir à fournir de justifications, 3 359 € au titre de la pension alimentaire engendrée par ascendant recueilli toute l’année.

Les contribuables dont le patrimoine taxable est compris entre 1,3 et 3 millions d’euros devront déclarer leur ISF sur la déclaration complémentaire de revenus n° 2042C au plus tard avant le 31 mai 2012 et auront, selon les départements, jusqu’au 21 juin au plus tard en cas de télédéclaration. Les contribuables ayant un patrimoine égal ou supérieur à 3 millions d’euros devront obligatoirement déposer une déclaration ISF spécifiques (n° 2725) au plus tard le 15 juin 2012 pour ceux domiciliés en France, le 16 juillet 2012 pour ceux domiciliés à Monaco (auprès du service des impôts des particuliers de Menton), le 31 août 2012 pour les résidents à l’étranger (auprès du Service des impôts des particuliers non-résidents, à Noisyle-Grand).Voir article 885 A du CGI Ilexisteunoutildecalculgratuitdel’ISF2012, sur le site du ministère des Finances : http://www3.finances.gouv.fr/isf/2012/calcul_isf/

n° 4 - juin 2012 - Patrimoine Infos 27


MÉTIER GRAND ANGLE

Dans chaque numéro, le point sur la gestion de patrimoine dans un pays d’europe

Dans un pays historiquement dominé par les banques, les conseillers financiers sont rares et exercent plutôt sous la casquette de courtiers d’assurances.

Belgique La gestion de patrimoine encore timide

E

n Belgique, seules trois professions sont officiellement reconnues en matière de gestion de patrimoine : les agents bancaires, les courtiers d’assurances et les courtiers bancaires. En réalité, seuls les deux premiers distribuent des produits de placement. « Le statut de courtier bancaire, créé en 2006, est assez nouveau et n’a pas encore décollé», explique Daniel Nicolaes, président de BZB (association

28 Patrimoine Infos - n° 4 - juin 2012

professionnelle des intermédiaires financiers indépendants). Sans véritable équivalent en France, ce statut autorise le courtier à proposer à ses clients les produits de différentes banques. «En pratique, on n’en recense qu’une dizaine dans le pays pour le moment, car les banques n’y sont pas très favorables.» Également spécifiques à la Belgique, les agents bancaires (au nombre de 4000) sont affiliés à une banque mais sans en être salariés: ils ont le statut juridique

de professionnels indépendants, mais ne sont nullement indépendants commercialement puisqu’ils ne vendent que les produits de leur marque. C’est le cas de tous les agents Dexia et d’une centaine d’agents BNP Paribas Fortis. Sorte de « franchisés », ils sont gérants de leur agence et emploient pour les plus gros jusqu’à 5 ou 6 salariés. Mais ils sont rémunérés à la commission. « C’est assez difficile à concevoir en France, mais, en Belgique, tout ceci se fait de façon


GRAND ANGLE MÉTIER invisible pour le client. En entrant dans une agence bancaire, il ne sait pas s’il a en face de lui un conseiller bancaire salarié ou un agent bancaire indépendant. Les produits sont les mêmes de toute façon », confirme Patrick Cauwert, CEO de Feprabel (Fédération des courtiers d’assurances et intermédiaires financiers de Belgique). Les principaux réseaux bancaires en Belgique sont BNP Paribas Fortis, Belfius, ING Bank, KBC Bank, Record Bank et Axa Banque. Ils bénéficient d’une bonne notoriété et, malgré la crise financière récente, d’une confiance des Belges, qui se tournent majoritairement vers eux pour leurs placements (dans 43 % des cas selon une étude Morningstar 2012). D’autant plus qu’ils possèdent souvent une filiale d’assurance leur permettant de compléter leur offre bancaire par des produits d’assurance.

Les courtiers, seuls face aux banques

La Belgique compte très peu d’agents d’assurances. Les courtiers – 8 000 affiliés à BZB, 17000 recensés par la FSMA (autorité de contrôle belge) – représentent 70 % de la distribution de produits d’assurance. Ils exercent leur métier de la même façon qu’en France, et vendent des produits d’assurance IARD, santé et vie souscrits auprès de plusieurs compagnies. Seule différence : plus de 50 % d’entre eux sont aussi agents bancaires, car, en Belgique, les deux statuts sont cumulables ! Et comme les banques peuvent également vendre des produits d’assurance, au final, les Belges trouvent, chez l’un comme chez l’autre, des produits de placements similaires. « En matière de placements, il y a une dizaine d’années, les banques vendaient des produits bancaires (comptes sur livret, Sicav, obligations…) et les courtiers d’assurances des produits d’assurance (principalement assurance vie). Aujourd’hui, seul “l’emballage”

diffère, et c’est le profil du client et sa planification successorale qui vont influer sur le choix », estime Patrick Cauwert. Comme les agents bancaires, les courtiers sont rémunérés par des commissions correspondant à des rétrocessions. « Il est important d’arriver à trouver l’équilibre entre la rémunération et l’objectivité du conseil, la seconde ne devant pas être pervertie par la première», fait remarquer Patrick Cauwert. Et Emmanuel Begat, managing partner au sein du cabinet de conseil Ebsylon et directeur de programme de Patrimonia Congrès, d’ajouter: «Il n’y a pas véritablement de CGPI en Belgique, c’est un concept qui n’existe pas.» Selon lui, la future directive européenne Mifid, qui institutionnalise le statut de conseiller financier indépendant, ne changera pas la donne. « Les courtiers qui font de la gestion de patrimoine ne sont pas enclins à demander des honoraires, surtout pour de petits montants investis par le client. Il est plus simple pour eux de continuer à vendre des placements financiers, en précisant bien au client, comme ils le font aujourd’hui, qu’ils sont indépendants dans le choix des produits, même s’ils sont ensuite rémunérés par des commissions.» Pour Patrick Cauwert, «la directive Mifid permettra néanmoins de renforcer le statut des courtiers ayant une activité de placement, avec des règles d’exercice plus strictes ». Et d’ajouter : « Sur certains aspects, Mifid est moins exigeante en termes

« En entrant dans une agence bancaire,

le client ne sait pas si il a en face de lui un conseiller bancaire salarié ou un agent bancaire indépendant. Les produits sont les mêmes de toute façon…

»

Patrick Cauwert, CEO de la Fédération des courtiers d’assurance et intermédiaires financiers de Belgique

43 %

La part des Belges se tournant vers les principaux réseaux bancaires pour leurs placements financiers. Source : étude Morningstar 2012

Le reNDeZ-Vous ■ Patrimonia Congrès, le premier salon dédié aux intermédiaires financiers belges, aura lieu les 7 et 8 juin à Bruxelles. Cet événement fédérateur, attendu depuis des années par les professionnels, réunira plus de 500 intermédiaires et 40 sociétés de gestion, avec au programme 15 ateliers pédagogiques et 2 conférences plénières. Pour tout renseignement www.patrimonia-congres.com

de protection du consommateur que notre réglementation belge, portant sur le devoir d’information du client lors de la souscription de chaque contrat,très surveillée par la FSMA. Nous sommes actuellement en négociation : j’espère pour ma part que l’on n’imposera pas aux intermédiaires belges à la fois la directive Mifid et le devoir d’information, car il y aurait distorsion de concurrence.»

un des taux d’épargne les plus élevés d’europe

Jean-Michel Reheul, gérant du cabinet de courtage Cogeppa (Conseil gestion et protection patrimoine), est installé depuis vingt ans dans la même agence, à Estaimpuis. Il a également le statut d’agent bancaire Fintro (groupe BNP Paribas). Ses clients viennent le voir pour placer un patrimoine qui excède rarement 300 000 €. «Aujourd’hui, 90 % de mes clients me demandent un produit sécurisé. En fonction de leur profil et de leur souhait de liquidité, je leur propose –grâce à mon double statut– soit un produit bancaire de type compte sur livret (rémunéré entre 1 et 2 %), soit une assurance vie de la branche 21, l’équivalent de votre fonds en euros avec capital et taux minimal garantis. Ce sont les deux produits que je vends le plus : je ne vends pratiquement plus d’assurance vie de la branche 23 (unités de compte avec SICAV) ni de produits à risque (Actions, Sicav d’actions…)! » Et Emmanuel Begat de confirmer: « Les Belges ont toujours eu une aversion au risque, et une tendance naturelle à l’épargne.La crise n’a fait

•••

n° 4 - juin 2012 - Patrimoine Infos 29


MÉTIER GRAND ANGLE •••

qu’accentuer une tendance lourde.» Une récente enquête Morningstar menée auprès de 201 intermédiaires financiers belges (dont 86 % d’indépendants) vient confirmer cet état de fait : leurs clients privilégient les investissements de long terme et les produits à faible profil de risque (plan d’épargne, assurance vie) et s’orientent vers des actifs obligataires et monétaires (lire page 5).

La concurrence des banques

Comme courtier d’assurances, Jean-Michel Reheul pratique le conseil en gestion de patrimoine de façon régulière. Au milieu de l’assurance auto, MRH et santé, les produits de placement représentent 25 % de son chiffre d’affaires. En moyenne, en Belgique, seuls 5% des courtiers d’assurances réalisent plus de 50 % de leur chiffre d’affaires en assurance vie. « Les Belges consultent en priorité leur banquier pour un placement : ils ont plus d’opportunités de contacts avec lui et préfèrent regrouper leurs comptes courants, leurs livrets, leurs crédits en un seul endroit...», déplore Jean-Michel Reheul. « Mais les conseillers tournent tous les trois ou quatre ans dans les grandes banques, il n’y a pas de suivi… Moi, je suis là depuis vingt ans. Mes clients viennent le plus souvent grâce au bouche à oreille, tant de Belgique que de France.» Et d’ajouter : « Les avantages fiscaux ont certes diminué, suite au nouveau régime fiscal adopté par le gouvernement et à la politique d’harmonisation européenne, mais il reste encore intéressant de placer un capital en Belgique.» De fait, le pays comporte plusieurs atouts : il n’y a toujours pas d’ISF, les plus-values sont exonérées, l’imposition des revenus du capital n’excède jamais 25 % et il n’y a pas de contribution sociale de type CSG. Afin de pouvoir valider ses acquis et son expérience, et renforcer son statut de conseiller en 30 Patrimoine Infos - n° 4 - juin 2012

patrimoine, Jean-Michel Reheul est en train de passer le diplôme d’European Financial Adviser, un label qui lui permettra, s’il quitte le statut d’agent bancaire, de bénéficier d’un autre diplôme professionnel reconnu.

Les ChIffres à reteNIr

7 690

762,2 Mds€

19 millions

354,4 Mds€

Le nombre d’agences bancaires en Belgique Le nombre de comptes d’épargne réglementés, soit 214,8 Mds€

Les « family office », proches des CGPI

16,2 %

La part de revenu disponible des ménages consacrée à l’épargne brute (15,7% en France)

Hervé Stulemeyer est associé gérant du cabinet Albatros Estate Planning, un family office qui intervient auprès d’une clientèle fortunée. Il a aussi le statut de courtier d’assurances. « Mon rôle est d’organiser, de structurer et de suivre les patrimoines familiaux,de manière objective et indépendante. L’objectif étant que ce patrimoine soit organisé de façon harmonieuse, qu’il continue à croître et puisse, à terme, être transmis sans heurts. Pour ce faire, j’interviens essentiellement sur cinq domaines: les rapports familiaux, les portefeuilles de valeurs mobilières, les biens immeubles, le private equity et les collections d’art.» Très peu d’acteurs belges peuvent, selon lui, se dire conseillers « indépendants » en gestion de patrimoine : seuls les family offices ont cette approche globale et objective, dont le cadre réglementé est en cours d’élaboration. « Après analyse des besoins du client, de sa situation familiale et de ses objectifs, je lui propose un mode d’organisation de son patrimoine, qui est ensuite validée auprès d’avocats, de notaires ou d’experts. En ce qui concerne la gestion financière, j’établis avec lui son profil de risque, et je recherche le ou les gestionnaires qui seront en mesure

Le patrimoine financier brut des ménages belges* Le secteur bancaire dans l’économie belge

57,2 %

La part des contrats d’assurance vie individuelle vendus par les banques

*Monnaie fiduciaire non comprise Source : Febelfin-BNB de novembre 2011

« Le client doit rester au centre de

nos préoccupations. Il faut faire preuve d’une grande capacité d’écoute et, parfois, de pédagogie pour parvenir à conceptutaliser ses besoins.

»

Hervé Stulemeyer, associé gérant du cabinet Albatros Estate Planning

de le mettre en œuvre. J’assure enfin le suivi de cette gestion, ainsi que la consolidation des portefeuilles et l’analyse des performances. » Et de poursuivre : « Jamais je ne m’immisce dans la gestion. Ce n’est pas mon métier. C’est l’investisseur qui choisit ses gestionnaires. Je suis d’ailleurs exclusivement rémunéré en honoraires pour mes conseils. À cet effet, si des commissions doivent m’être versées, j’en informe le client et les lui rétrocède.» Pour Hervé Stulemeyer, ce métier de «chef d’orchestre» exige d’avoir une bonne expertise de la gestion de patrimoine et une longue expérience pour prendre le recul nécessaire. «En tant que conseiller indépendant, le client doit rester au centre de nos préoccupations.Il faut faire preuve d’une grande capacité d’écoute et, parfois, de pédagogie pour parvenir à conceptualiser ses besoins, au-delà de ses espérances ou idées préconçues.» UnavispartagéparPatrickCauwert, et salue l’initiative de la région de Flandre qui a récemment instauré un cours obligatoire d’éducation financière dans les lycées. «Il serait bien d’instaurer cet enseignement également dans les établissements de Wallonie et de Bruxelles, afin d’aider les citoyens à se poser les bonnes questions, à être conscients des risques et à ne pas être bernés par les taux mirifiques promis par certains acteurs peu scrupuleux », conclut-il. ■ AuréLIe NICoLAs



MÉTIER NOTAIRES

Les notaires bien positionnés pour les missions patrimoniales

D

ifficile d’être plus clair : « Le notaire est au cœur du patrimoine. Il n’y a quasiment aucune de ses activités qui ne soient pas liées au patrimoine », résume Sophie Gonsard, responsable stratégie patrimoniale au sein du réseau notarial Althémis. Force est de constater que le notaire est présent aux côtés de ses clients lors d’étapes clés ayant des conséquences sur

32 Patrimoine Infos - n° 4 - juin 2012

Fotolia

Ils ont la confiance de leurs clients et sont présents à leurs côtés dans des moments cruciaux (contrat de mariage, succession, vente). De quoi positionner le notaire conseil patrimonial comme un interlocuteur incontournable.

son patrimoine : pacs, mariage, divorce, acquisition, vente, échange, donation, succession… De là à s’intéresser davantage à cette matière, il n’y a qu’un pas, que certains franchissent. Il suffit de regarder les effectifs des différentes formations en gestion de patrimoine sur le territoire pour le constater. « Le diplôme universitaire (DU) gestion de patrimoine de l’Association universitaire de recherche et d’enseignement sur le patri-

moine (Aurep) forme en moyenne de 70 à 80 notaires par année scolaire », illustre son président, Jean Aulagnier. Rien d’étonnant, selon Sophie Gonsard : « Il y a un besoin évident chez les notaires de disposer d’une culture générale sur la gestion de patrimoine, de ne pas se limiter au juridique. Il ne peut ignorer tout le reste.» Cela ne signifie pas pour autant qu’ils vont se spécialiser sur ce créneau. Comme le rappelle Me Arlette Darmon, notaire asso-


NOTAIRES MÉTIER

« Les notaires ne

préconisent pas tel ou tel produit financier; ils s’intéressent au volet conseil, qui consiste notamment à organiser le patrimoine sur le plan juridique et fiscal.

»

Sophie Gonsard, responsable stratégie patrimoniale au sein du réseau notarial Althémis ciée au sein de l’office Monassier & Associés, présidente du groupe Monassier, « les notaires pratiquent la gestion de patrimoine tous les jours sans le savoir ; souvent, ils en font de manière indirecte. Parfois, ils se donnent les moyens de développer un service dédié pour être rémunérés dans le cadre de ces missions ». À l’heure actuelle, les notaires affichant clairement une activité autonome axée sur les stratégies patrimoniales sont loin d’être majoritaires. Mais ceux qui sont identifiés comme tels sont des professionnels reconnus qui ont acquis une vraie légitimité sur le créneau tant convoité de la gestion de patrimoine. Attention, prévient d’emblée Sophie Gonsard, « il ne s’agit pas de gestion de patrimoine au sens où l’entendent les banquiers ou les conseillers en gestion de patrimoine indépendants. Concrètement, les notaires ne préconisent pas tel ou tel produit financier ; ils s’intéressent au volet conseil, qui consiste notamment à organiser le patrimoine sur le plan juridique et fiscal ». Elle sait de quoi elle parle puisqu’elle a exercé plus de quinze ans à la direction du pôle d’ingénierie du cabinet conseil en gestion de patrimoine Cyrus Conseil. L’office Monassier & Associés dispose par exemple depuis vingt ans d’un service et de collaborateurs dédiés à cette matière. Deux

raisons expliquent ce choix. Tout d’abord, « le notaire ne peut pas être le spécialiste de tout. Si l’on veut développer un service de qualité, il faut identifier certains domaines de prédilection », précise Arlette Darmon. Ensuite, « il est important que des personnes se consacrent uniquement à cette activité ; sinon, elles vont se faire manger par les activités traditionnelles du notariat », note Arlette Darmon. Cela permet également de facturer clairement le travail effectué. Un point fondamental alors que « beaucoup d’acteurs – banques, CGPI – proposent des bilans patrimoniaux gratuits et peinent à facturer leur activité de conseil », précise Sophie Gonsard.

Le Csn fixe les règles du jeu

La mission de conseil en gestion de patrimoine par les notaires est prise très au sérieux par le Conseil supérieur du notariat. Pour bien faire les choses, ce dernier a en effet souhaité établir les règles de déontologie s’imposant aux notaires en matière de conseil patrimonial. Un document de cinq pages intitulé Charte du notaire conseil patrimonial a ainsi été diffusé en octobre 2008 à l’ensemble des notaires. Pour information, il s’agit d’une modernisation de la Charte du notaire consultant en gestion de patrimoine élaborée en 1991. Le document est intéressant à plusieurs titres. Tout d’abord, comme le résume M e Bruno Delabre, notaire à Seclin (59), « c’est une vraie prise de position. Dorénavant, il n’y a aucune

un offiCier puBLiC n Selon les termes de l’article 1er de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, «les notaires sont les officiers publics établis pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d’authenticité attaché aux actes de l’autorité et pour assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses et expéditions». Le notaire est un professionnel libéral, rémunéré par ses clients selon un tarif fixé par l’État pour les services qu’il rend. Outre cette mission légale d’authentification et de conservation des

« Je suis très ouvert. Mon métier concerne la partie juridique et fiscale, je trouve normal de travailler avec les conseils financiers des clients ou de recommander des conseillers en gestion de patrimoine. Me Bruno Delabre, notaire à Seclin (59)

»

actes, l’intervention des notaires est beaucoup plus large: c’est un généraliste du droit ayant une vision globale des problèmes juridiques. Il intervient dans l’ensemble du domaine juridique et fiscal ce qui le rend naturellement compétent pour sa fonction de conseil des clients. «Il vous appartient donc de vous rapprocher de votre notaire habituel pour lui demander d’établir un bilan patrimonial, et ce afin de vérifier que vous gérez bien votre patrimoine en bon père de famille», précise le Conseil supérieur du notariat sur son site internet.

ambiguïté en la matière ». Il fait référence à la rémunération du notaire conseil patrimonial. Selon cette charte, le notaire est « rémunéré par son client pour son activité de conseil patrimonial par un honoraire ». Le conseil patrimonial « ne devra jamais déboucher sur une opération d’intermédiation ». Exit donc la perception d’honoraires par les notaires auprès des compagnies d’assurance. « C’est un moyen sage d’éliminer toutes les suspicions. Cela simplifie nos rapports avec les partenaires financiers », estime ainsi Sophie Gonsard. Bien évidemment, la charte rappelle également le rôle du notaire en la matière. « Ces trois composantes – création, organisation, transmission – sont indissolublement liées dans la démarche, et le notaire doit développer une approche globale du patrimoine

•••

n° 4 - juin 2012 - Patrimoine Infoss 33


MÉTIER NOTAIRES prenant en compte l’environnement économique, social et professionnel du client ainsi que celui de sa famille et envisageant ces demandes et les solutions apportées dans une perspective à long terme.» Enfin, la charte précise que « les connaissances en matière de conseil patrimonial sont généralement acquises dans le cadre de la formation permanente organisée par la profession ou par la préparation d’un diplôme universitaire de 3e cycle (master) et par une solide expérience professionnelle ». Toujours concernant le CSN, il est intéressant de noter qu’il est assisté dans ses missions par des instituts. Parmi eux, l’Institut notarial du patrimoine et de la famille (INPF). Ses missions ? Renforcer les compétences des notaires et développer l’activité notariale dans ces domaines. Le président de cet institut, nommé par le président du CSN, est Bruno Delabre. « Nous organisons deux colloques par an, produisons des fiches techniques,des consultations à destination de tous les notaires. Un tour dans toutes les régions de France est également organisé chaque année, qui regroupe 2 500 à 3 000 notaires.»

« Les notaires pratiquent la gestion de patrimoine tous les jours sans le savoir; souvent, ils en font de manière indirecte. Parfois, ils se donnent les moyens de développer un service dédié pour être rémunérés dans le cadre de ces missions.

»

DR

•••

Me Arlette Darmon, notaire associée au sein de l’office Monassier & Associés, présidente du groupe Monassier

«Le choix du CSN via la charte du notaire conseil patrimonial est de positionner les notaires aux côtés d’autres acteurs. Nous ne sommes donc pas en concurrence vis-à-vis des autres professions tels que les banquiers et les CGPI, mais en profonde complémentarité », rappelle Sophie Gonsard. Même écho du côté de Bruno Delabre : « Je suis très ouvert. Mon métier concerne la partie juridique et fiscale, je trouve normal de travailler avec les conseils financiers des clients ou de recommander des conseillers en gestion de patrimoine.»

L’interprofessionalité, une réalité

80

Le nombre de notaires formés chaque année à la gestion de patrimoine par l’Association universitaire de recherche et d’enseignement sur le patrimoine

Il est donc tout à fait possible de trouver des CGPI travaillant main dans la main avec les notaires. Certains ont même décidé de se consacrer exclusivement à cette clientèle. « Pour y arriver, il est

L’unofi au serviCe Des notaires n L’Union notariale financière

(Unofi) est une structure, composée de plusieurs filiales, créée par le CSN. Cette dernière, qui est dédiée aux notaires, propose les solutions financières, d’assurance, de crédit, etc., à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs définis dans la consultation patrimoniale. Parmi les produits phares, il convient de citer Notapierre, UnofiAvenir et Unofi capital Plus.

n Ce réseau présent

sur toute la France avec 16 directions régionales annonce une collecte globale de 699 M€ à fin 2011 (+ 17 %). Dont 496 M€ pour la partie assurance et capitalisation. n Mais difficile pour le CSN d’échapper à certaines critiques. Parmi les reproches exprimés, le fait que le notaire, officier public, ne devrait pas

conseiller puis proposer des produits maison. Deuxième critique émise : le fait que les notaires auraient touché une rétribution. Une rétribution qui n’est plus d’actualité selon les notaires interrogés. Face à ces critiques, le CSN a annoncé vouloir se retirer doucement du capital de l’Unofi. À noter qu’Axa est également dans le capital de l’Unofi.

important de nouer une relation de confiance. Il faut en outre s’imposer face à l’Union notariale financière (lire encadré ci-dessous), qui reste une référence pour les notaires », explique Patrice Bonvoisin. Cet ancien banquier, qui a créé et dirigé Unofi Normandie, est à son compte depuis 1993. Sa structure Conseil & Stratégie Patrimoniale apporte aux clients des offices «le même service qu’à l’Unofi avec une indépendance totale vis-à-vis des fournisseurs et des produits ». À 58 ans, il ne travaille «que sur recommandation du notaire, et généralement en binôme avec lui. Si bien que, pour le client, nous sommes souvent considérés comme faisant partie de l’équipe de son notaire ! ». Même écho du côté de Fabrizio Rallo, fondateur et gérant de la société Jurexfi, à Marseille. Un cabinet en gestion de patrimoine créé par trois CGPI et un groupe de 20 notaires marseillais. «80 % des clients sont amenés par les notaires, qui attendent de moi une indépendance totale vis-à-vis des produits.» À noter que la clientèle de ces deux cabinets diffère quelque peu de celle de leurs confrères : « Notre partenariat, fondé sur la confiance, fait que je ne gère quasiment que des fonds en euros et que la grande prudence est de mise dans mes recommandations », illustre Patrice Bonvoisin. Qui plus est, comme le précise Fabrizio Rallo, « j’ai très peu de chefs d’entreprise ou de professions libérales parmi mes clients. Il s’agit avant tout de familles, de retraités ». Mais pas de quoi décourager les CGPI. n CaroLine Dupuy

34 Patrimoine Infos - n° 4 - juin 2012



Projet1:Mise en page 1

16/03/12

15:40

Page 2

4 GRANDES CONFÉRENCES traitant de thèmes majeurs de la gestion patrimoniale.

50 ATELIERS-TABLES RONDES abordant l’actualité économique, financière, sociale, juridique et fiscale. 250 PARTENAIRES représentant les métiers de l’assurance, la banque, la bourse, le crédit, l’immobilier, l’informatique, les associations professionnelles et la presse spécialisée.

2 JOURS DE FORMATION ET D’ÉCHANGES Accès réservé aux professionnels

Avec le concours de

CGPC

Et le soutien de plus de 20 titres de la presse financière et patrimoniale

inscription en ligne & Informations sur www.patrimonia.fr


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.