ATOME
GENRE
DÉTERMINISME
HASARD
VIE
ARCADIE
LES MOTS DE LA NATURE ARTIFICE
COMMUNAUTÉ
ESSENCE NOMBRE D’OR
INSTINCT
CULTURE
COLLECTION DIRIGÉE PAR ÉRIC COBAST
N°21
La mission d’INSEEC Business School est d’accompagner nos étudiants dans la définition et la construction de leur projet professionnel, tant en France qu’à l’international. Notre objectif repose sur le savoir-faire et le savoir-être tout en développant auprès de nos apprenants un esprit entrepreneurial responsable et collaboratif contribuant à la création de valeur dans des activités existantes ou nouvelles. Pour ce faire, et, répondre aux besoins d’une société en constante évolution, l’expertise de l’INSEEC Business School s’appuie sur celle d’un corps professoral fortement impliqué dans la création et la transmission de savoirs en réponse aux attentes des acteurs économiques. Les classes préparatoires constituent pour nous une filière d’excellence à laquelle nous sommes très attachés. Afin de vous accompagner à préparer aux mieux à devenir les leaders de demain, nous diffusons depuis plusieurs années dans les établissements des outils méthodologiques, qui, en marge du thème de culture et sciences humaines retenu pour l’année, leur offre des applications inattendues et originales, de la réflexion menée dans le cadre des cours suivis. Cette initiative forte du Groupe INSEEC, à toujours être collaboratif, est une occasion de vous faire connaître la richesse de nos programmes et de partager ensemble notre identité commune et nos valeurs, avec l’intime conviction que la culture générale doit jouer un rôle prépondérant dans la formation des futurs managers qui constitueront la société de demain. Ce premier lexique de l’année que nous vous proposons sur le thème « Les Mots de la Nature » d’Eric COBAST, Professeur agrégé de l’université et Conseiller spécial pour la recherche et les productions académiques au sein du Groupe INSEEC, vous permettra d’une façon simple et efficace de réviser sans peine le cours et les notions acquises. Nous vous invitons également à découvrir Cache-Cache, le MOOC INSEEC Business School, exclusivement destiné aux prépas et qui vous préparera aux concours des Grandes Écoles (www.mooc-prepas.com). Vous le savez, cette année sera une année de choix structurants pour votre avenir, comme ce fut le cas pour les 917 préparationnaires étudiant actuellement au sein de l’INSEEC Business School. Je vous souhaite d’être récompensé(e) des efforts consentis lors de vos années préparatoires et vous donne rendez-vous sur nos différents campus dans les mois à venir. JACQUES CHANIOL, DIRECTEUR D’INSEEC BUSINESS SCHOOL
LES MOTS DE LA VÉRITÉ
LES MOTS DE LA NATURE Par Éric Cobast Professeur agrégé de l’université Conseiller spécial pour la recherche et les productions académiques au sein du Groupe INSEEC Titulaire de la chaire de philosophie à INSEEC Business School
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LES MOTS DE LA VÉRITÉ
SOMMAIRE AVANT-PROPOS ................................................................................................4 LA NATURE… D’UN MOT............................................................................5 PREMIÈRE PARTIE : La Nature telle qu’on la pense..........................................................................7 DEUXIÈME PARTIE : La Nature telle qu’on la transforme.............................................................16 TROISIÈME PARTIE : La Nature telle qu’on l’imagine......................................................................31
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AVANT-PROPOS Voici 100 mots pour dire et penser « la nature », thème de réflexion retenu pour les Concours d’entrée dans les Grandes Écoles de Commerce en 2016. Ces définitions sont à la fois des rappels et des incitations à envisager les questions posées par le cours d’une façon parfois un peu différente ou décalée. D’un point de vue pratique, le rappel des significations des termes qui pourraient figurer dans un énoncé de dissertation vous sera aussi d’une aide extrêmement précieuse. Vous le savez bien, pour avoir fréquenté certainement l’an passé les dialogues de Platon, la philosophie commence toujours par la recherche de la juste définition des mots qui nous servent à penser les choses ! Il s’agit donc bien d’un lexique et l’ordre suivi reste celui de l’alphabet mais c’est un lexique ordonné, construit à partir d’une direction, celle qui a été également retenue pour l’élaboration du « mooc-prépas » : la nature n’est pas si évidente que l’affirme Aristote, elle ne cesse de se dérober, de se « retirer ». Il ne nous reste plus qu’à la penser, à constater sa disparition dans la Culture et les nombreuses altérations qu’on lui a fait subir, ou plus simplement à l’imaginer. Est-ce à dire qu’elle n’existe plus, « qu’elle a fait son temps » (Huysmans) ? Ou bien qu’elle est par définition absente, c’est-à-dire que sa présence ne s’éprouve finalement qu’à distance ? EC
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LES MOTS DE LA VÉRITÉ
LA NATURE… D’UN MOT Nature se dit en plusieurs sens annonce d’emblée Aristote. Et c’est une première difficulté : car reconnaître en préalable à toute analyse la polysémie d’un mot, c’est accepter l’exigence d’en maintenir une diversité de significations sans pour autant sacrifier l’unité d’un sens commun à tous les emplois particuliers du terme. Natura traduit tout d’abord et tout simplement en latin le grec physis. C’est exactement la même image : « phynesthaï » et « nascor » signifient « naître », « croître ». Nature se dit dans un premier sens de la génération de ce qui croît, dit encore Aristote dans la Métaphysique. C’est donc une poussée, un jaillissement, une éclosion mais sans autre cause qu’elle-même. Une spontanéité. D’où la remarque qui vient préciser : Parmi les êtres, en effet, les uns sont par nature, les autres par d’autres causes. Or si l’on revient à l’idée de « croissance », de « génération », il faut aussi lui attacher l’idée de mouvement, mais aussi l’idée d’origine et de naissance. Mais nature ne dit pas seulement cette poussée qui n’a d’autre cause qu’elle-même, elle désigne aussi ce qui en résulte, exactement comme la « création » est à la fois action et résultat. C’est ainsi que l’on a pris l’habitude depuis Aristote de distinguer la « nature naturante », ce jaillissement premier, de la « nature naturée », toutes les formes visibles, palpables, sensibles. La nature a donc partie liée avec le sensible et la sensation. C’est tout simplement cette extériorité qui « tombe sous le sens » que l’on appelle « nature », c’est le monde extérieur sensible et évident. Et pourtant, la « nature d’une chose » c’est aussi ce qui la fait être telle. C’est un principe de permanence, c’est ce qui ne change pas, l’invariant. Bref, on l’aura compris en quelques mots, « nature » renvoie à des réalités nombreuses et souvent contradictoires : Nature désigne, nous venons de le dire, autant un processus qu’un résultat, elle se manifeste dans le changement mais elle est aussi synonyme de permanence, elle est mouvement et immobilité, elle devient en même temps qu’elle est. À bien des égards, elle est insaisissable. Les nombreuses représentations qu’en donne d’ailleurs notre culture témoignent de cette incertitude. Paradisiaque pour les uns, elle semble aux autres infernale. Source de continuels émerveillements pour sa richesse et sa variété, certains la qualifieront par ailleurs également de sempiternelle radoteuse… Tout oppose par exemple l’état de Nature tel que l’imagine Rousseau à celui que brosse Hobbes dans Léviathan. Et on multiplierait ainsi à l’envi les contradictions !
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C’est qu’elle ne semble pas très contrariante au fond cette Nature à qui on pourrait faire dire ce que l’on veut - aveugle et implacable pour les uns, elle paraît aux autres sage et finalisée-. Cette Nature à qui tous les philosophes ont fait dire ce qu’ils voulaient, à quoi ils ont attribué toutes sortes de qualités et de valeurs. Comment cela fut-il possible ? Et si la nature n’était plus que l’écran sur lequel nous projetons tous nos désirs, y compris les plus contradictoires ? Si elle avait disparu au moment où se réalise l’inadéquation de l’homme à son milieu, de la nature humaine à la nature comme pure extériorité : l’homme étant par nature inadapté à la nature, il l’escamote… Serge Moscovici rappelle dans Essai sur l’Histoire humaine de la nature que paradoxalement, c’est Rousseau qui le premier a porté le deuil d’une nature qu’il définit avant tout comme une origine et une origine perdue, irréversiblement perdue et que les hommes se plaisent à imaginer. Dans les faits, la nature a disparu dans la culture. C’est ce que constatera également au début du vingtième siècle le célèbre physicien allemand Heisenberg : Nous vivons dans un monde si totalement transformé par l’Homme – écrit-il dans « L’Image de la nature dans la physique contemporaine » – que nous rencontrons partout les structures dont il est l’auteur (…) de sorte que l’homme ne rencontre plus que lui-même. Ce qui revient à concéder évidemment que la nature est en fin de compte produite et découverte par et dans la pensée. Et cette activité revient évidemment au premier chef à l’homme de Sciences, celui qui mobilise sa raison. Mais : La raison ne voit que ce qu’elle produit elle-même d’après ses propres plans. Husserl dans La Crise des Sciences européennes et la phénoménologie transcendantale. C’est d’ailleurs ce que précise le physicien Pierre-Gilles de Gennes : Les chercheurs de notre temps ne prétendent jamais construire une vérité ultime. Nous fabriquons seulement, avec beaucoup d’hésitations et de maladresses une description approchée de la Nature. Cette Nature, comparable à la fleur de Mallarmé, absente de tout bouquet, nous ne cessons de nous la représenter à travers des « théories », véritables « visions » dont parle de Gennes, nous ne cessons de la poursuivre à travers les formes qu’elle revêt dans la Culture, pour finir toujours plus ou moins par l’imaginer, faire de celle qui a « disparu », au sens de Proust, un mythe.
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PREMIÈRE PARTIE : LA NATURE TELLE QU’ON LA PENSE 1. Animal Organisme vivant doué de sensibilité, de motilité et d’une certaine forme limitée d’intelligence, une intelligence non rationnelle. L’animal vit en totale adhérence avec la nature. Il y est totalement adapté. Il l’épouse, s’y incorpore et la constitue, alors que l’homme fait tout pour s’en détacher. Enfin l’animal vit dans l’immédiateté. Dans le présent. Ce qui réduit la portée des signes qu’il manie : Dans le comportement animal, les signes restent toujours des signaux et ne deviennent jamais des symboles. Merleau-Ponty
2. Animalité Ce n’est pas la bestialité (voir Bête). Bergson, dans L’évolution créatrice, écrit : faculté d’utiliser un mécanisme à déclenchement pour convertir en actions « explosives » une somme aussi grande que possible d’énergie potentielle accumulée. On pourrait en faire une forme exacerbée de vitalité.
3. Atome Étymologiquement, particule indivisible dont est constituée la matière (atomos signifie « ce que l’on ne peut pas couper »). Imaginé par Démocrite puis par Epicure, l’atome permet de penser les phénomènes naturels comme relevant de combinaisons et de mouvements de particules. L’atome des philosophes grecs est un concept qui offre la possibilité de donner une « cause » aux choses et partant de rendre la Nature pensable, intelligible et non soumise aux caprices des Dieux. La foudre ne fera plus peur si elle a une cause intelligible.
4. Besoin C’est un manque qui revient parce qu’il est inscrit dans la nature même de celui ou celle qui éprouve ce manque. Par définition le besoin est « naturel », voilà pourquoi il peut être satisfait mais provisoirement.
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5. Bête C’est l’animal sans cette part d’intelligence non rationnelle qu’on lui reconnaît à présent. Voilà pourquoi si on parle volontiers d’animal domestique, cela n’aurait guère de sens de parler de « bête domestique », en revanche on évoque la « bête de somme », pour dire l’animal soumis à une charge de travail écrasante et qui s’y livre sans répit. Il y a quelque chose de profondément « inhumain » dans la bête, alors que l’on peut convenir que l’homme est aussi un animal.
6. Biologie Sciences du vivant. Le regard du biologiste est un regard sur les animaux et les plantes qui font partie intégrante de la Nature. Avec la géologie, la science de la Terre, au sens de la matière inerte, la biologie constitue ce que l’on appelait autrefois les « Sciences naturelles »
7. Clinamen Dans la philosophie d’Epicure, il s’agit de la déviation spontanée (c’est ce que signifie clinamen en latin) grâce à laquelle les atomes tombant dans le vide s’écartent de la ligne droite et partant se rencontrent. C’est aussi l’autre nom du hasard.
8. Corps C’est une solidarité, une solidité sensible qui constitue la composante matérielle d’une réalité. Par extension, on appelle corps toute substance matérielle.
9. Corruption Du latin corruptio, altération, destruction Dans la philosophie grecque, il désigne la destruction de la substance par opposition à la génération qui est de l’ordre de la création. Il est important de noter qu’à travers ce terme, qui a aussi bien une dimension morale dans le langage, le biologique sert de métaphore au moral.
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10. Déterminisme Il s’agit de la croyance selon laquelle les phénomènes sont déterminés, c’est-à-dire qu’un phénomène B ne peut être observé que si et seulement si un phénomène A lui est antérieur. Si A, alors B. Le phénomène A est la cause du phénomène B qui en est l’effet. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Tous les phénomènes naturels sont déterminés. Sur cette croyance repose la Science.
11. Essence Ce qui dans une réalité ne change pas, ne peut être altéré, se révèle être immuable. L’essence, c’est ce qui est sans devenir. Parce que l’essence relève de l’Être et non de l’apparence, elle est aussi située du côté de la vérité des choses mais une vérité évidemment insensible (puisqu’elle n’apparaît pas). Or, par des glissements successifs de sens, Nature prend occasionnellement la signification de « essence », d’où la dimension ontologique que revêt parfois (particulièrement chez les Grecs) la réflexion sur la nature.
12. Fatalisme Tout est dit, tout est écrit. Aux yeux du fatalisme, il n’y a pas de place pour la liberté (ce que refuse d’admettre par exemple le déterminisme). Je n’ai aucunement la possibilité de manier les phénomènes, je n’ai sur eux aucune forme d’emprise. Ces phénomènes sont nécessaires, ils ne peuvent pas ne pas être. La nature inscrit dès lors ce qui la constitue dans le cadre d’une sombre fatalité.
13. Finalisme Tout dans la nature, pense Aristote, a une finalité, un but, un « telos », c’est-à-dire un achèvement. Tout a ainsi un sens dans la nature et ce sens est donné par ces fins qui sont d’autant plus difficiles à déterminer qu’elles sont assignées par la nature elle-même. Tout de même, certains s’efforcent avec plus ou moins d’ingéniosité de déduire cette finalité des transformations que les hommes font subir à la nature. Cette « science », longtemps prise au sérieux (Voir Bernardin de Saint Pierre au XVIIIe), porte depuis Théophraste qui s’y adonna avec jubilation le nom de « téléologie » (« La finalité de la vigne, c’est le vin, celle de l’arbre, la poutre etc.). C’est l’exemple même d’une approche totalement anthropocentrique de la nature.
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14. Génération C’est l’action d’engendrer (et par métonymie l’ensemble de ce qui a été engendré à la même époque ou encore l’intervalle de temps qui sépare l’époque à laquelle on a été engendré de celle où on est en âge d’engendrer.)
15. Girafe C’est plus exactement du « cou » de la girafe dont il faudrait parler. En effet il est à l’origine de l’affrontement des différentes théories évolutionnistes. Ainsi en 1809, Lamarck imagine qu’à force d’allonger son cou pour rechercher dans les frondaisons des arbres sa nourriture, les girafes avaient transmis ce trait à leur descendance. Plus tard, en 1872, Darwin va montrer que ce long cou résultait d’une sélection liée aux périodes de famines, au cours desquelles quelques centimètres de cou supplémentaires allaient faire toute la différence.
16. Hasard Dans notre contexte, le hasard s’oppose à la nature et à l’artifice. En effet Aristote définit les réalités dites naturelles par leur spontanéité et leur finalité. Elles sont à elles-mêmes leur propre cause et détiennent une fin, un but, une « utilité ». Ce « telos », les réalités artificielles le partagent avec les réalités naturelles. Mais les artifices ne sont pas spontanés. Quant aux fruits du hasard, s’ils sont eux bien spontanés, ils restent dépourvus de toute forme de finalité. Nature, artifice et hasard s’articulent bien à partir de la double opposition spontanéité-finalité.
17. Homme La question de la nature ne se pose qu’à partir de la présence des hommes dans cette même nature. D’où le titre du célèbre essai de Serge Moscovici : Essai sur l’histoire humaine de la nature. L’homme se distingue des autres vivants, il y a pour l’établir de nombreux critères, sans qu’aucun paraisse pleinement satisfaisant (le langage, « l’intelligence », la sensation, l’émotion ouvrent sur de vastes discussions à travers les siècles). Il y a pourtant dans la nature de l’homme quelque chose qui en fait une véritable exception : l’homme est par nature inadapté à la nature dans laquelle il surgit. Pour survivre dans / à son milieu, il doit le transformer. C’est dire aussi que la nature telle qu’elle lui est donnée lui est fatale. Mortelle. Il doit en faire de la culture, soit au fond une nature seconde puisque ce faisant, c’est à la nature et à la nature seule qu’il obéit.
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18. Instinct Du latin instinctus : excitation, impulsion et d’instigare, stimuler. Par opposition à l’acquis, issu de la culture, l’instinct désigne l’ensemble des comportements innés. Mais le terme est peu utilisé pour l’homme : on lui préfère le mot « pulsion » tant l’instinct désigne le monde animal, inconscient et automatique. Car l’instinct est du côté du comportement inconscient de l’animal, caractérisé par des actions héréditaires, ordonnées et liées à la conservation de l’espèce ou de l’individu. Manger, se reproduire, se protéger : le comportement instinctif s’explique par le déclenchement, sous l’impulsion de stimuli externes, d’un mécanisme toujours identique, comme s’il existait chez l’animal un système nerveux préétabli et complexe de réflexes inscrits dans leur nature. Plus on s’élève dans la hiérarchie des animaux, plus cet instinct se rapproche de certaines réactions de l’homme. Car tel est bien l’enjeu de ces automatismes instinctifs de l’animal : ils sont complexes, évolutifs et s’adaptent au milieu tant et si bien que l’homme voit des ressemblances entre son propre comportement et celui de l’animal. L’instinct de l’insecte semble toujours répétitif, stable et immuable. Mais l’instinct des mammifères est susceptible d’évolutions, de changements et d’adaptations. Chez le dauphin, notamment, cet instinct est propice au dressage, mais plus encore à l’émergence d’une forme d’intelligence à travers l’apprentissage. Si l’on admet aujourd’hui qu’il n’y a pas d’instinct chez l’homme, notre langage nous trahit pourtant. De quoi parlons-nous en effet quand nous désignons l’instinct maternel, sinon d’une nature qui agit en nous par automatisme, d’un mouvement naturel qui, précisément, ne se commande pas ni ne s’apprend. Pour comprendre et donner du sens à cet élan vital qui parle et s’exprime en nous, Bergson lui donne un statut au même titre que l’intelligence. L’instinct pour lui est du côté de l’intuition, donc du côté de la vie. Là où l’intelligence appréhende le réel en l’objectivant par les médiations, l’instinct est de l’ordre de l’immédiat, de la proximité avec le réel, bref du vivant. Intelligence et instinct sont donc deux formes de connaissance spécifiques qui résident et cohabitent en l’homme tant bien que mal. L’instinct promet une connaissance d’un seul l’objet, plus vive et plus authentique que la médiation. L’intelligence quant à elle épouse une multiplicité d’objets : elle est plus extérieure et abstraite. L’une et l’autre de ces connaissances sont donc limitées par leur propre nature. Cette incomplétude fondamentale montre que ces deux formes d’appréhension du réel ne se rejoignent pas : « Il y a des choses que l’intelligence seule est capable de chercher, mais que, par elle-même, elle ne trouvera jamais. Ces choses, l’instinct seul les trouverait ; mais il ne les cherchera jamais » (L’Évolution créatrice). Si l’instinct est plus proche de la vie, il ne se sait pas connaissant car il est limité dans sa capacité d’autoréflexivité.
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19. Matière Au sens propre, il s’agit de la substance dont est faite la mater de l’arbre, c’est-à-dire son tronc. Puis materia sera opposé à lignum en latin, l’un et l’autre désignant le bois. Mais dans le premier cas il s’agit du bois de construction, dans le second de chauffage. La matière apparaît bien comme la substance naturelle (elle se tient dessous) à partir de laquelle se construit la réalité culturelle.
20. Mécanisme C’est la théorie selon laquelle des processus mécaniques suffisent à expliquer des faits physiques et / ou biologiques. Par opposition au finalisme, tout s’explique par le jeu des causes efficientes, sans l’intervention de la finalité. Le mécanisme s’oppose aussi au vitalisme puisqu’il explique les phénomènes vitaux par les propriétés physico-chimiques de la matière sans le recours d’un quelconque principe vital.
21. Merveilles Les mirabilia des Anciens et du Moyen-Age, ce sont les choses étonnantes (mirari : étonner) que le voyageur découvre au cours de ses périples (On songe avant tout au Livre des Merveilles de Marco Polo au XIIIe siècle). Ces merveilles peuvent être des constructions humaines ou bien des curiosités naturelles (les poissons volants que décrit par exemple Jean de Léri). Ou bien la combinaison savante des deux : les jardins suspendus de Babylone construit par Nabuchodonosor et qui figurent parmi les Sept Merveilles du Monde.
22. Naturalisme Doctrine de ceux qui n’admettent d’autre réalité ou d’autre norme que la nature. Le terme s’emploie dans le champ métaphysique, théologique ou encore moral et esthétique. Dans le domaine littéraire, le naturalisme est une forme de réalisme mais qui prétend ne retenir de la nature que les aspects les plus laids, les plus sordides. Le cas Zola est à part car pour lui le naturalisme suppose l’application à l’art des méthodes des sciences de la nature, notamment de la « méthode expérimentale » telle que la conçut Claude Bernard.
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23. Naturaliste Le mot désigne celui qui étudie la nature (Sciences naturelles) et /ou celui qui empaille les animaux pour les conserver.
24. Naturiste Attention, un naturiste n’est pas nécessairement un nudiste ! En effet, le mot désigne celui qui rend un culte à la nature. L’une de ces pratiques religieuses consiste à prétendre vivre au plus près de la nature, en plein air, ne consommant que des aliments naturels et éventuellement nu. Mais l’homme n’étant pas adapté à ce mode de vie, celui-ci connaît rapidement des limites. (Voir : Enfant Sauvage)
25. Physiologues Ce sont les premiers philosophes de la nature qu’ils cherchent à décrire mais surtout à comprendre grâce à un principe, un élément à la fois premier et originaire, ce qu’en grec on nomme « archè ». Thalès privilégie l’eau, Anaximène l’air, Héraclite le feu etc. Leur pensée s’exprime de façon souvent poétique et non rationnelle. C’est pourquoi on les appelle aussi « présocratiques ».
26. Physique Ce sont toutes les connaissances qui concernent la nature (physis), ce qui existe à titre de réalité matérielle perceptible par les sens. La physique s’oppose à la Métaphysique et à la Mathématique. Précisément jusqu’à Descartes, le mot recouvre cette partie de la philosophie qui étudie la nature. C’est ainsi par exemple que les stoïciens considéraient que l’étude de la philosophie se divisait en trois disciplines bien distinctes : la physique, la morale et la logique.
27. Repos La physique d’Aristote accorde au repos (c’est-à-dire à l’absence de mouvement) un véritable « privilège ontologique » puisque le corps au repos, c’est celui qui est installé dans un lieu naturel. La nature, ce n’est donc plus vraiment le mouvement. C’est un mouvement qui a pour fin le repos.
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28. Secret On parle volontiers des secrets de la nature et notamment Pascal : Les secrets de la Nature sont cachés ; quoiqu’elle agisse toujours, on ne découvre pas toujours ces effets. Le secret a vocation à être secrété, discrètement diffusé. C’est ce qui advient des secrets de la nature que dévoile peu à peu la Science.
29. Substance C’est ce qui se tient par-dessous et permet à la matière d’avoir une véritable consistance.
30. Téléologie C’est la science des fins ultimes.
31. Tératologie Littéralement, science des monstres. L’étude des monstres s’est longtemps située du côté de la superstition et de la théologie. Ovide fut le premier à décrire ces anomalies de la nature en leur donnant une acceptation mythologique, aveu d’une impuissance de la raison face à ce qui lui échappe. Le Moyen Âge y verra les effets du diable sur la nature. Toutes ces démarches ne sont pas sans rappeler que le « monstre », c’est ce qui est montré, ce qui se voit et qui choque la raison. Michel Foucault indique en ce sens que dans l’imaginaire social, la vie est conçue comme parfaite, conforme à la nature et aux déterminismes. C’est pourquoi l’anomalie n’aura de cesse d’être ramené à du normal ou à du superstitieux. Le philosophe démontre alors qu’il n’est pas innocent que le « monstre moral » apparaisse au XIXe siècle dans le champ judiciaire au moment même où le champ médical de la psychiatrie ambitionne de les soigner. (Les Anormaux, Cours au Collège de France, 1974-1975). De fait, le monstre n’est objectivé que si notre raison peut le comprendre ou l’approcher, voire le corriger. Ainsi le monstre interpelle notre raison et nous oblige à changer notre regard sur le monde et sa perfection, à admettre du hasard là où nous préfèrerions voir du déterminisme. Michel Foucault affirme en ce sens que le monstre, c’est ce que nous ne savons pas nommer sans pourtant échapper à la nécessité de la nommer. Le défectueux dérange : « Les monstres sont comme le bruit de fond, le murmure ininterrompu de la nature » (Les Mots et les Choses).
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LES MOTS DE LA VÉRITÉ Partant, le monstre nous rappelle que la nature agit en dépit de nous et c’est, précisément, ce qui nous le rend monstrueux. La tératologie permet d’appréhender les monstruosités en les expliquant, les ramenant à des phénomènes objectifs et rationnels pour mieux les prévenir. Le siècle des Lumières permettra notamment de comprendre l’impact de certaines substances ingérées par la mère sur le fœtus et son évolution.
32. Vie C’est le mode d’existence et d’activité des organismes et que caractérisent l’assimilation, la croissance et la reproduction.
33. Violence La société semble se fonder sur un principe d’éviction de la violence, c’est-à-dire de la puissance destructrice de la nature. Elle est pourtant travaillée de l’intérieur par une violence humaine que même l’invention de l’État ne parvient pas à résorber, celle par exemple des passions. Ce qui distingue alors la force de la violence, c’est que l’une est réglée, l’autre pas. La violence, c’est la force de la nature que cette dernière ne parvient à contrôler, à réduire.
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DEUXIÈME PARTIE : LA NATURE TELLE QU’ON LA TRANSFORME 34. Affect La théorie des affects décrit de quelle manière notre corps affecte notre âme et vice versa. Que signifie « affecter » sinon modifier, « altérer », faire « devenir » autre ? Les affects relient la nature (le corps, le sensible, l’extérieur) à ma nature (mon âme, ma pensée, l’intérieur). Quand la dimension somatique l’emporte sur le psychique (le corps contrôle l’âme), on parle d’émotion. En revanche si le corps s’absente au profit de l’âme, il restera un sentiment. L’équilibre entre le corps et l’âme est atteint dans la passion (c’est le corps en l’âme, selon la formule de Descartes.)
35. Agressivité Le rappel de cette disposition à l’attaque dont tous les êtres vivants sont dotés, à un degré plus ou moins important il est vrai, vaut surtout ici pour rappeler le travail de Konrad Lorenz (qui reçut en 1973 avec Karl Von Frisch le prix Nobel de Physiologie pour récompenser ses travaux sur « l’organisation et la mise en évidence des modes de comportement individuel »). Dans son ouvrage, publié en Allemagne en 1963, L’agression, une histoire naturelle du Mal, il établit que les hommes, à l’instar des animaux, sont sujets à cet instinct. Mais l’agressivité ne doit pas être comprise comme une priorité donnée à la violence ni même aux tensions latentes des rapports de force. Il s’agit davantage d’une énergie dont les diverses cultures optimisent les formes d’expression sociale. En société, les hommes vivent de façon « agressive », comme les animaux sur leur territoire ou dans leur milieu. Est-ce à dire que pour comprendre le comportement des hommes, il suffit d’étudier celui des bêtes ?
36. Art S’appliquer à un art, c’est considérer la façon d’amener à l’existence une de ces choses qui sont susceptibles d’être ou de n’être pas, mais dont le principe d’existence réside dans l’artiste et non dans la chose produite Livre VI de Ethique à Nicomaque. Voilà dans notre contexte la définition utile de l’art que nous retiendrons.
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37. Artifice Réalité qui se distingue de la réalité naturelle en ce qu’elle est produite par l’homme. Aristote précise que l’artifice est doté d’une finalité externe et qu’il n’est pas spontanée, alors que la nature est à la fois finalité et spontanéité. (voir Hasard)
38. Automate Dans un premier temps : « ce qui pense par soi-même. » Puis : « qui agit de son propre mouvement. » Enfin : « qui arrive par hasard. » Ces glissements finissent par opérer un complet renversement du sens du mot, de l’affirmation de l’intelligence à sa privation. Ce qui nous retiendra ici, c’est la fascination exercée par les automates au XVIIIe siècle que l’on voulait voir concurrencer la vie et la nature. On songe évidemment au célèbre Canard de Vaucanson, automate conçu pour digérer les aliments qu’on lui présentait !
39. Campagne La campagne, ce n’est déjà plus la nature. Ce que dit le mot « campus », c’est le travail du paysan, c’est à proprement parler la culture du champ. Dès lors, si le bonheur (et l’amour !) se trouvent peut-être encore dans le pré, la nature n’y est plus depuis fort longtemps. Vivre à la campagne, ce n’est pas vivre plus près de la nature qu’en ville : les terres sont saturées d’engrais chimiques et les nappes phréatiques sont plus polluées que les eaux de la Seine ! Mais le monde rural s’approprie la nature pour s’en faire un certificat d’authenticité, de pureté, voire de vertu et de vérité. La nature acquiert dès lors une fonction idéologique.
40. Catastrophe naturelle Prélevé du vocabulaire de la tragédie, le mot désigne le retournement final de la pièce qui conduit au dénouement malheureux. Il s’inscrit dans un constat fataliste de la destruction et le plus souvent se trouve mobilisé pour exprimer l’impuissance des hommes dont la volonté fut paralysée par un funeste destin. Aujourd’hui, l’expression est employée le plus souvent dans le contexte d’une Nature rebelle qui semble ramener l’homme à la vanité de ses prétentions. Mais ce que nous nommons des « catastrophes naturelles » ne sont catastrophiques que par abus de langage. En effet, l’événement malheureux – la mort d’êtres humains- pouvait avec plus de prudence et moins d’insouciance être empêché. La responsabilité des hommes est généralement totale : nul n’est contraint de coucher au pied du volcan. 17
Tsunamis, tremblements de terre, éruptions volcaniques, lorsqu’ils font des victimes humaines, sont souvent perçus comme des catastrophes en ce que ces « tragédies », précisément, nous semblent inévitables. Les hommes ne sauraient ainsi être tenus pour responsables. Ils sont les jouets – non plus des Dieux comme dans la tragédie antique - mais de la nature. Celle-ci endosse alors le costume de la Fatalité, du Destin. On se souvient ainsi des accents déchirants et rageurs d’un Voltaire, révolté par le tremblement de terre de Lisbonne. De fait, le 1er novembre 1755 à 9h40 du matin – au lendemain des fêtes de la Toussaint - la ville de Lisbonne va subir trois secousses distinctes sur une durée d’environ dix minutes. Suivent un gigantesque tsunami (des vagues de 10 mètres) et un incendie général qui ne s’éteindra qu’au bout de cinq jours. Sur les 275 000 habitants de Lisbonne, on dénombrera plus de 60 000 morts. La ville dans son ensemble est entièrement détruite. La catastrophe fascine jusqu’au jeune Kant qui jette alors les bases de la sismologie future. C’est bien la Nature que l’on s’efforce d’interroger et d’étudier à travers les catastrophes observées. Mais on se souvient aussi de la réponse de Rousseau à Voltaire en 1756 après le tremblement de terre de Lisbonne : la terre tremble aussi dans les déserts et elle ne fait aucune victime. Ce sont les hommes qui édifient des bâtiments trop hauts et trop rapprochés les uns des autres qui sont les véritables responsables, non la Nature et encore moins Dieu. De fait, c’est la décision qui se révèle être catastrophique : Sans quitter votre sujet de Lisbonne, convenez, par exemple,- écrit Jean-Jacques Rousseau à Voltaire - que la nature n’avait point rassemblé là vingt mille maisons de six à sept étages, et que si les habitants de cette grande ville eussent été dispersés plus également, et plus légèrement logés, le dégât eût été beaucoup moindre et peut-être nul. Tous eussent fui au premier ébranlement, et on les eût vus le lendemain à vingt lieues de là, tout aussi gais que s’il n’était rien arrivé. De fait, c’est d’une certaine façon aussi la conclusion à laquelle parviennent le premier ministre Pombal et le roi du Portugal puisqu’ils lancent au lendemain du séisme un vaste programme de reconstruction (places et avenues plus larges) à partir de tests effectués sur des maquettes en bois de la ville. Parler de « catastrophes naturelles » est donc un « abus de langage » complet puisqu’il ne saurait y avoir de « catastrophe » (la mort et la destruction ne sont pas inéluctables) et surtout pas « naturelle » puisque ce sont les hommes et leurs décisions qui sont responsables des maux observés. Ainsi, la crue d’un fleuve n’est pas catastrophique en elle-même, elle le devient si elle provoque inondations et noyades mais celles-ci sont occasionnées par l’action et la présence humaines.
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41. Communauté La communauté, c’est ce qui est commun, ce que l’on partage et partant ceux avec lesquels je partage. De fait, communis s’oppose en latin à proprius, ce qui est en propre, c’est-à-dire ce qui n’appartient qu’à un seul. Vivre en communauté, c’est renoncer à toute forme de propriété privée, d’appropriation personnelle. À cette idée, s’ajoute celle de lien naturel qui attacherait les membres de la communauté. C’est la nature qui fait la communauté, la culture jette en revanche les fondements de la société. La communauté est nature, la société est artifice.
42. Coutume La Boétie dans le Discours sur la Servitude Volontaire le réaffirme souvent : la coutume est une seconde nature qui finit par se substituer à la première. Ainsi les hommes libres par nature mais habitués à servir finissent par considérer la servitude comme naturelle, comme une nécessité.
43. Crainte Pour Hobbes, la crainte est la passion primitive de tous les hommes, celle qui leur permettre de demeurer en vie alors que l’État de Nature s’avère un état de guerre de chacun contre tous !
44. Cuisine L’invention de la cuisine, c’est-à-dire le passage du cru au cuit dans l’alimentation marque l’une des entrées des hommes dans la Culture. Cuite, la viande est plus digeste et les hommes se l’assimilent plus facilement. Tous les raffinements à venir de ce qui deviendra un « art » (culinaire) marqueront les grandes étapes du développement de la culture et de la civilisation.
45. Culture L’étymologie du mot, colere, associe à l’action des hommes sur la nature l’idée d’une spiritualisation de cette même nature. En effet, colere c’est aussi honorer les dieux, on parle alors de culte. On comprend donc pourquoi Hegel dans la pensée est l’expression même de la valorisation de la culture ne conçoit la beauté qu’à l’aune de la spiritualité. C’est dire qu’il n’y a de beauté qu’artistique, produite par la culture. 19
46. Développement durable L’expression est traduite de l’anglais mais de façon au fond assez maladroite. « Sustainable development » dit un développement technologique et industriel « soutenable », c’est-à-dire supportable. La formulation française dédramatise la question. Quoi qu’il en soit le concept est pour la première fois pensé en 1987, dans le rapport Brundtland, intitulé « Notre avenir à tous ». Il s’agit de désigner alors un mode de développement qui satisfait les besoins du présent en permettant aux générations futures de satisfaire les leurs. Voilà qui exige d’accorder écologie, économie et politique sociale.
47. Droit (naturel) Il se distingue du « droit positif » qui est constitué de l’ensemble des règles destinées à organiser une société déterminée et située historiquement. On parle alors de « droit naturel » car ce dernier rassemble les normes qui n’ont pas fait l’objet de convention, qui se sont imposées d’elles-mêmes. Il est perçu comme « antérieur » et d’une certaine façon « au-dessus », que ce soit l’ensemble « des lois non écrites des Dieux » (Sophocle) ou des usages coutumiers immémoriaux.
48. Droits (naturels) Ce sont les droits que reconnaît le Droit naturel : des droits inhérents à l’Homme, en dehors de toute histoire, de tout cadre historique. Ces droits sont évidemment imprescriptibles et inaliénables. Ils sont formulés dans une « Déclaration des Droits ». La plus connue demeure celle de 1789 à l’article 2 de laquelle la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppresseur sont affirmés comme des droits de l’Homme.
49. Écologie En 1866 le naturaliste allemand, Ernst Haeckel, forge ce néologisme pour désigner l’étude des êtres vivants dans leur rapport avec leur milieu. Au sens strict, il s’agit de la « Science de la Maison ». C’est rappeler que la Nature est notre maison (« Notre Maison brûle et nous regardons ailleurs… »). En 1992 Luc Ferry publie Le nouvel ordre écologique, un ouvrage qui distingue trois « écologies » : - L’écologie que l’on peut qualifier d’« anthropocentrique » ou « environnementaliste ». La Nature n’est perçue que comme une périphérie d’un centre où l’on trouve les hommes. Les risques de destruction de l’environnement ne sont considérés qu’en tant qu’ils menacent l’existence humaine. C’est l’approche politique habituelle qui institue le plus souvent Ministre et Ministère de l’environnement.
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LES MOTS DE LA VÉRITÉ - L’écologie de type « utilitariste » : elle maintient l’homme au centre mais s’efforce de résorber toute lésion « inutile », toute violence faite à la Nature qui n’ait pas sa nécessité. C’est elle en particulier qui milite en faveur du contrôle des expériences menées sur des animaux. La chaîne de produits de soin, The Body Shop, s’est développée à partir d’une telle position (refus de commercialiser des cosmétiques testés sur des animaux). - L’écologie profonde enfin, la plus radicale, « écocentrique » ou « biocentrique », elle fait de la défense de la Nature un impératif, un absolu, au prix parfois le plus élevé qui soit pour l’humanité. Luc Ferry cite les « travaux » de William Aiken, lesquels énoncent qu’Une mortalité humaine massive serait une bonne chose. Il est de notre devoir de la provoquer. C’est le devoir de notre espèce, vis-à-vis de notre milieu, d’éliminer 90 % de nos effectifs. (Cité par Luc Ferry en page 157 du Nouvel ordre écologique, chez Grasset.)
50. État Civil Ce n’est évidemment pas le sens « administratif » de cette expression usuelle qui nous retiendra ici mais plutôt celui qu’on lui prêtait au XVIIIe siècle et qui désigne le fait de vivre en société civilement. Chez Rousseau et ses contemporains, l’État civil s’oppose à l’État de Nature. Cette opposition est surtout comprise comme une succession et « raconte une histoire » : de l’État de Nature, les hommes seraient passés à l’État civil. Mais c’est précisément ce passage qui est problématique. En effet si l’État civil est notre réalité, quelle trace pouvons-nous observer de cet État de Nature antérieur ? Les Grandes Découvertes qui font connaître la vie sauvage (des tahitiens, par exemple) laissent imaginer à Bougainville et à Diderot ce qu’a peut-être été cet État de Nature. Sauf que les tahitiens connaissent aussi un ordre social, un « état civil ». De là à faire de l’État de nature une fiction, il n’y a qu’un pas que Rousseau franchit aisément.
51. Génie Kant y voit le moyen par lequel la Nature donne ses règles à l’Art. C’est dire que ce mot « génie », qui dérive du verbe naître, au fond n’exprime rien d’autre que notre incompréhension devant la création artistique, une forme de mystère. Mais c’est aussi subordonner la culture à la Nature, rappeler que l’œuvre belle est certes l’œuvre d’un homme mais que cet homme n’en est l’auteur que par une disposition « naturelle ». La Nature ne disparaît donc pas dans l’œuvre de Génie, elle y brille au contraire.
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52. Genre Cette notion récente permet de bien comprendre comment nature et culture s’articulent l’une à l’autre, se prolongent sans vraiment s’opposer, se complètent parfois sans jamais cesser de se différencier. Ainsi le genre se distingue t’-il du sexe. La différence sexuelle entre les mâles et les femelles est déterminée par la nature. Ce que l’on appelle par conséquent le genre – masculin ou féminin – est défini par la culture. C’est dire que les comportements dits « féminins » ou « masculins » dans une société donnée à une époque déterminée sont dictés non par la nature mais par les mœurs, l’éducation, la religion, bref par la culture. Ce qui revient à reconnaître que ces comportements sont contingents, relatifs et partant susceptibles d’être modifiés.
53. Jardin Il ne s’agit pas d’un espace intermédiaire entre la nature et la culture. Le jardin est tout entier du côté de la Culture. De fait l’action des hommes est de doubler la nature Elle est renforcée et dépassée. Mais c’est aussi un substitut (la « doublure » au théâtre ou au cinéma »). Tout d’abord, c’est un lieu protégé. Le jardin se définit en effet par une clôture, c’est d’ailleurs ce que conserve l’étymologie : jardin dérive directement de « gardinus » en latin qui signifie « entouré par une clôture » (ce que l’on retrouve dans l’anglais « garden »). Le jardin fait l’objet d’une protection du monde extérieur. Et à l’intérieur, l’action des hommes prend la forme d’un soin, d’un souci accordé aux plantes (exception faite du jardin zen, entièrement minéral). Il y a différents types de jardins : potager, botanique, public, écologique… jardin ouvrier, jardin du curé (où sont cultivés ensemble fruits, légumes et fleurs). Il y a aussi des styles et le jardin d’adopter le style persan, maniériste, chinois, à l’anglaise, à la française… Mais le jardin est aussi un motif culturel puissant : on le sait originel, planté en Eden, avec pour nom « Paradis » (lieu clos en grec). On connaît aussi celui d’Epicure où y enseignait à la périphérie d’Athènes l’un des premiers philosophes matérialistes.
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54. Machine Du grec mèchanè, invention ingénieuse. La machine est un artifice et fait triompher le génie inventif des hommes (comme le souligne donc l’étymologie). Au sens plus étroit, la machine est une invention qui est destinée à transformer une énergie qu’elle reçoit. Elle vise à rendre inutile le recours à la force (humaine ou animale), ce grâce à quoi la production gagnera en efficacité (plus de fatigue ni d’interruption des travaux pénibles). Néanmoins, l’ambivalence de ce génie humain reste perceptible dans le mot composé sur machine : machination. On y entend certes la construction ingénieuse, mais cet artifice est un piège. Une machination est en effet destinée à tromper. “Le cheval de Troie” est-il une invention glorieuse ? Certes, la machination (et le cheval est, en même temps, machine et machination, selon qu’on envisage l’objet ou le piège) est efficace, habile. Mais quel contraste entre l’issue de la guerre de Troie et la noblesse des combats qui l’ont rythmée dans l’Iliade ! Ulysse n’est pas Achille ! Homère lui invente un qualificatif, “aux mille ruses” : polymechanos.
55. Maquillage Le maquillage embellit peut-être, il dissimule toujours. Ainsi « maquiller les faits », c’est en travestir la vérité, chercher à en faire disparaître la vérité précisément. En faire l’éloge, à l’instar de Baudelaire dans Le peintre de la vie moderne, revient à valoriser l’artifice au détriment de la nature : …mais, pour nous restreindre à ce que notre temps appelle vulgairement maquillage, qui ne voit que l’usage de la poudre de riz, si niaisement anathématisé par les philosophes candides, a pour but et pour résultat de faire disparaître du teint toutes les taches que la nature y a outrageusement semées, et de créer une unité abstraite dans le grain et la couleur de la peau, laquelle unité, comme celle produite par le maillot, rapproche immédiatement l’être humain de la statue, c’est-à-dire d’un être divin et supérieur ? Quant au noir artificiel qui cerne l’œil et au rouge qui marque la partie supérieure de la joue, bien que l’usage en soit tiré du même principe, du besoin de surpasser la nature, le résultat est fait pour satisfaire à un besoin tout opposé. Le rouge et le noir représentent la vie, une vie surnaturelle et excessive ; ce cadre noir rend le regard plus profond et plus singulier, donne à l’œil une apparence plus décidée de fenêtre ouverte sur l’infini ; le rouge, qui enflamme la pommette, augmente encore la clarté de la prunelle et ajoute à un beau visage féminin la passion mystérieuse de la prêtresse. Renversement étonnant : le maquillage ne dissimule plus, il révèle. Il ordonne et réalise à partir d’une nature ingrate, un cosmos… d’où son action cosmétique.
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56. Nombre d’or Le sculpteur Phidias utilisa la première fois le nombre d’or pour sculpter la statue d’Athéna au Parthénon. Il s’agit du nombre 1,618 supposé représenter un idéal de proportion et de perfection dans la nature et dans l’art. Très exactement, le nombre d’or est une proportion définie comme le rapport entre deux longueurs telles que le rapport de la somme des deux longueurs sur la plus grande soit égal à celui de la plus grande sur la plus petite. Ce nombre intervient dans la construction de pentagone régulier. Il est associé à la notion d’idéal de beauté et à la Renaissance, est surnommé « divine proportion ». Le nombre d’or a été utilisé dans la composition des œuvres de Bach, Dürer, Le Corbusier, ou encore Paul Valéry.
57. Origine La nature bénéficie assurément du prestige de l’Origine. Elle est le commencement mais un commencement plus fascinant encore que la fondation, toujours plus ou moins datable et partant historique. La nature n’a pas de date de naissance. C’est une origine indéfinissable qu’il faut assurément penser avant même le Temps linéaire que nous connaissons. De fait la nature a partie liée avec le temps cyclique des âges mythiques. Le prétendu « retour à la nature » régulièrement préconisé est lourd de non-dits : renaissance, purification, renouveau en constituent l’horizon.
58. Paysage La Nature pour Aristote se donne comme une évidence (evidere, voir) mais c’est en réalité le paysage que l’on voit ! Le paysage est d’abord un espace que l’on perçoit. Ce qui ne suffit pas pour être assimilée à la campagne. Baudelaire ou Verlaine ont su brosser des « paysages urbains ». En outre, il appelle l’affirmation d’un point de vue. C’est le choix pertinent du point de vue qui permet au paysage de se révéler.
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59. Paysan C’est l’homme du « pays », territoire peu étendu mais profondément affectif. C’est l’homme qui est attaché à une terre qu’il cultive et qu’il honore, à laquelle il voue un culte, à laquelle des divinités sont associées, dissimulées dans les rivières et dans les arbres. Voilà d’ailleurs pourquoi le mot « paysan » vient de « paganus » en latin, le « païen ».
60. Perfectibilité Disposition naturelle de l’homme à se parfaire sans cesse. Parce qu’il est « inachevé », c’est-à-dire incapable de vivre tel qu’il est né dans la nature, l’homme, dit Kant a besoin d’un maître. Il lui faut apprendre à vivre et à transformer cette nature à laquelle il est inadapté. Elle devient alors culture. Et cette culture se manifeste notamment à travers la constitution des sociétés. Cette capacité de l’homme à se « parfaire », c’est-à-dire à développer ses aptitudes, est la condition des progrès que réalise l’espèce humaine au nombre desquels on peut raisonnablement compter le perfectionnement de ces mêmes sociétés visant le « bien vivre ensemble », le bonheur.
61. Pitié C’est avec « l’amour de soi » (l’instinct de conservation) la seule passion que Rousseau reconnaît à l’homme à l’État de nature. Comme cet état est fictif et normatif, cela revient à faire de la pitié un sentiment inné que la culture va peu à peu éteindre.
62. Plan caché (de la Nature) On peut envisager l’histoire de l’espèce humaine en gros comme la réalisation d’un plan caché de la nature pour produire une constitution politique parfaite… C’est la huitième des propositions que formule Emmanuel Kant dans Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique. Ce dessein de la nature, c’est la cosmopolis et la nature se sert de l’insociable sociabilité des hommes pour parvenir à ses fins. De fait, la nature ne joue pas franchement – le cache-cache se poursuit. Mais ce sont les intentions de la Nature qui sont obscures. Alors pourquoi ne pas les clarifier en offrant une hypothèse, une « idée » selon laquelle la nature se sert des divisions et des antagonismes entre les hommes pour contraire ceux-ci à les dépasser, fût-ce au prix de la guerre.
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63. Précaution Traduction littérale de l’allemand Vororge prinzip, l’expression désigne ce que l’on pourrait d’abord définir comme un impératif politique dicté par la nécessité d’agir dans un monde incertain, pour reprendre le titre de l’ouvrage de Barthe et Callon. L’ignorance de la nature précise des dangers qui nous menacent conduit en effet à adopter une attitude distincte par exemple de la prévention. Une politique de prévention ne s’applique que pour des risques avérés et parfaitement identifiés. Des risques bien connus. Avec les risques écologiques, nous sommes confrontés à des périls mal définis qui rendent difficilement évaluable le risque précisément, lequel n’est jamais qu’une probabilité, un calcul. Parce que les conséquences d’une action sont désormais incalculables et qu’elles impliquent l’avenir de la planète et de l’espèce humaine, il est urgent de la suspendre. La précaution consiste bien à anticiper (prae, à l’avance) sur des effets incertains, par souci (cavere, faire attention.). Ainsi, le principe de précaution n’a- t ’il rien à voir avec la frilosité ou le manque de courage. Il exprime au contraire la foi positive en l’homme et l’idée qu’il est bien le seul artisan de sa destinée : il n’y a pas de catastrophes, puisqu’il n’y a pas de tragique, rien n’est fatal ni fixé à l’avance. Le principe de précaution ne relève pas de la prudence attentiste mais de l’action attentive. Il se nourrit surtout de l’œuvre du philosophe contemporain Hans Jonas qui dans Le Principe responsabilité : une éthique pour la civilisation technologique commence par rappeler que la technique moderne a installé nos sociétés dans une situation nouvelle : il devient nécessaire de reformuler l’impératif catégorique kantien et de ne plus s’en tenir simplement aux principes de l’action mais bien à leurs conséquences prévisibles sur la Nature et les générations futures. La pensée de Jonas est le socle philosophique de la politique de précaution. Elle s’exprime à travers une série de commandements : - Agis de telle sorte que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre - Ne compromets pas les conditions pour la survie indéfinie de l’humanité sur terre - Inclus dans ton choix actuel l’intégrité future de l’homme comme objet secondaire de ton vouloir
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64. Propriété Est-elle la raison d’être de la société, comme le pensent Locke et Rousseau ? En tous cas, la question sociale est le plus souvent formulée en des termes qui interrogent toujours ce que l’on appelle la « propriété », ce qui appartient « en propre » et non en « commun », ni de façon contingente et fugitive comme la possession. De fait, pour Locke la propriété est naturelle dans la mesure où elle est la condition de survie des hommes et en tant que telle elle figure au nombre des droits naturels qu’énonce la « Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ». Mais au sens strict, c’est la possession qui est naturelle, la possession, ce contact intime de l’être et de l’avoir et qui cesse quand cesse ce contact même.
65. Race Le philosophe Vladimir Jankélévich définit le racisme comme la doctrine qui conduit à juger les hommes non pas pour ce qu’ils font mais pour ce qu’ils sont, par nature… Le racisme (qui se traduit pas des comportements) et le « racialisme » (avatar » scientifique ») reposent évidemment sur le concept de « race ». La race – le mot est employé pour la première fois dans le sens que nous lui donnons ici par François Bernier, en 1684 – n’a évidemment aucune valeur biologique. C’est – pour reprendre la formule de Todorov- la force d’un préjugé qui va conduire depuis cinq siècles les penseurs les plus variés – de Voltaire à Auguste Comte en passant par Renan - à élaborer ce curieux discours « racialiste » qui conduit parfois les ardents défenseurs des Lumières à nier l’Universel. Renan voit ainsi dans la « race blanche » celle des seigneurs, dans la « noire » celle des agriculteurs et dans la « jaune » celle des ouvriers. Le racisme repose sur un certain nombre de croyances : la continuité entre le physique et le moral, les différences physiques devant inévitablement se traduire par des différences culturelles ; la prévalence de l’action du groupe sur l’individu, l’idée que les caractères communs s’imposent toujours à l’idiosyncrasie. Enfin, la différence sert toujours d’alibi à l’expression d’un sentiment de supériorité. Le raciste rejette donc l’idée même d’universel, il affirme un communautarisme étanche, refuse la mixité et procède de façon systématique à une naturalisation des différences. Il nie en réalité le devenir et la perfectibilité humaine, la liberté créatrice et le librearbitre. La Nature pèse comme une sombre fatalité sur l’Histoire des Hommes et ramène l’existence à la vie organique. On l’aura compris, le racisme se nourrit davantage d’une haine de l’Homme et de l’Histoire que d’une haine de l’Autre.
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66. Religion (naturelle) On appelle « religion naturelle » celle qui se fonde sur les seules données du sentiment et de la Raison, sans aucun recours à une révélation divine. Dieu parle directement à mon cœur ou à mon intelligence, sans qu’il soit nécessaire de passer par ces traducteurs que sont les prêtres.
67. Sauvage C’est l’homme des bois, celui qui vit dans la forêt. Est-il pour autant dépourvu de culture ? Bien-sûr que non, on lui découvre une culture… elle peut-être choquante et cruelle (Montaigne le signale dès qu’il entend parler des cannibales du Brésil), elle ne s’inscrit cependant pas moins dans le cadre de mœurs bien connus, dans le cadre d’une Culture.
68. Sélection naturelle De seligere, choisir et mettre à part, trier. En biologie, la sélection naturelle est l’un des mécanismes qui guident l’évolution des espèces. Ce mécanisme est particulièrement important du fait qu’il explique l’adaptation des espèces aux différents milieux dans lesquels elles évoluent. La théorie de la sélection naturelle énoncée par Darwin permet d’expliquer et de comprendre comment l’environnement influe sur l’évolution des espèces et des populations en sélectionnant les individus les plus adaptés et constitue donc un aspect fondamental de la théorie de l’évolution. Le principe sur lequel Darwin fonde sa théorie repose sur le fait qu’ « il naît un nombre d’individus supérieur à celui qui peut vivre ». Il y a donc une sélection de fait qui sans conscience ni but permet aux plus aptes de survivre et condamne les autres à disparaître. Les plus aptes sont ceux qui, par rapport aux autres individus de leur espèce, mais aussi d’espèce différente, se trouvent posséder, par l’accumulation au cours des générations de variations accidentelles, à la naissance, de meilleures chances de survie et de reproduction et par hasard rencontrent également un milieu physique plus favorable.
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69. Sensibilité La sensibilité est une faculté qui appartient à tous mais qui manifeste aussi la singularité de chacun. Tout d’abord, par sensibilité, il faut entendre la capacité de recevoir des sensations. Mais si les capteurs sensoriels sont identiques d’un individu à l’autre, en revanche, ils filtrent les sensations de manière spécifique. Tel sera ainsi plus réceptif à la lumière, tel aux odeurs, tel à l’atmosphère, etc. De fait, la sensibilité de chacun a connu dès la prime enfance une éducation dont il est resté inconscient. La sensibilité est dès lors révélatrice de l’intimité profonde d’un être mais aussi d’une époque (sensibilité baroque du XVIIe siècle). Mais la sensibilité désigne aussi un degré de finesse dans l’évaluation des sensations reçues. On évoquera par exemple la sensibilité d’un instrument, d’un appareil pour dire leur précision. Chez l’individu, la sensibilité révèle alors une disposition à recevoir les menus détails, à être attentif au plus petit changement d’attitude ou de physionomie de l’interlocuteur… Un être sensible est ainsi volontiers affecté. On pourra parler aussi d’une sensibilité à la beauté. On se dira plus ou moins « sensible » à la beauté de tel paysage.
70. Technique Du grec technikos, qui se rapporte à un art. La technique dit le savoir-faire, l’habileté à faire quelque chose. Aujourd’hui, le mot semble supposer l’application efficace des connaissances scientifiques. On pourrait croire ainsi que le technicien, l’ingénieur exécute les directives du savant. Sa subordination rappellerait celle de la pratique à la théorie. Mais est-ce si clair que cela ? Ceux que Galilée représente dans le Dialogue sur les deux systèmes du monde, ce ne sont pas des savants mais bien des ingénieurs. Ils siègent presque littéralement dans l’Arsenal de Venise, hommes de pouvoir, quasiment donneurs d’ordre. Et si la ruse de la technique, ce n’était pas précisément de prétendre s’effacer devant la science ? La technique n’use-t-elle pas de la science dans une vaste perspective de domination ? Autre nom du pouvoir, la technique instrumentalise peut-être la science parce que celle-ci tient le discours efficace du moment.
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71. Travail Honni et désirable à la fois, recherché par ceux-là mêmes qui n’auront de cesse ensuite de le dénigrer, libérateur mais aussi aliénant, le « travail » révèle évidemment, par le simple fait de sa nécessité, l’inachèvement et l’imperfection des hommes : inadaptés à la Nature, nous nous devons de la transformer pour y pouvoir vivre (voir supra). Or cette transformation pénible – la Nature résiste, elle fait obstacle – est aussi l’occasion de l’acquisition de l’humanité, de l’apprentissage de toutes les ressources dont les hommes disposent « par nature ».
72. Vulnérabilité (critique) Le concept apparaît très récemment avec les travaux de Bogardi et Birkmann (2004) sur la probabilité (pour un système, une organisation, un territoire, une espèce etc.) de subir des blessures (d’où le mot. Vulnus en latin, c’est la blessure), des détériorations, des pertes. Il s’agit d’intégrer les observations et les études des conséquences des différentes catastrophes passées à une évaluation de la résilience plus ou moins absente. On propose ainsi une échelle de vulnérabilité qui est un outil au service du principe de précaution et des politiques responsables. Les sociétés sont vulnérables pour une large part du fait de défaillances écologiques (politiques énergétiques désastreuses, consommation irresponsable etc.). C’est pourquoi le cadre conceptuel dans lequel se situe la « vulnérabilité critique » est bien celui du développement durable. Hans Jonas, Le Principe Responsabilité (1979), évoque ainsi : la vulnérabilité critique de la nature par l’intervention technique de l’Homme…
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TROISIÈME PARTIE : LA NATURE TELLE QU’ON L’IMAGINE 73. Âge d’or Dans la Théogonie d’Hésiode, l’Âge d’or suit la création de l’homme, sous le règne de Saturne (Chronos) : abondance, bonheur, éternel printemps (il n’y a pas de saison). La nature produisait avec générosité et la terre « ignorant la blessure du soc, donnait sans être sollicitée tous ses fruits. » La nature est nourricière sans que l’homme soit contraint de travailler. Ce que dit le mythe, c’est la nostalgie d’un temps où la nature offrait le meilleur d’ellemême, les hommes vivant en harmonie avec les éléments. Un temps avant l’Histoire. Avant la décadence, c’est-à-dire avant la chute. Les analogies avec la Genèse sont nombreuses
74. Arcadie Comme souvent dans la mythologie grecque, le lieu légendaire est bien réel (l’Arcadie est une région qui se situe au centre du Péloponnèse), c’est le cas par exemple du mont Olympe. L’Arcadie, libérée de la tutelle de Sparte, connut même un certain rayonnement historique, notamment avec la fondation de sa capitale Mégalopolis. Sans doute parce que l’un des récits légendaires de la naissance de Zeus situe celle-ci précisément en Arcadie, la région a peu à peu été identifiée comme le lieu de l’Âge d’Or, habité par des bergers poètes dont le plus célèbre, Orphée.
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75. Achille (lance d’) La lance d’Achille avait la propriété de guérir les blessures qu’elle avait infligées. Elle devint ainsi le symbole de ce que l’on peut appeler avec Jean Starobinski, le remède dans le mal. Le critique dans un essai éponyme de 1989 montre que Rousseau en fait dans son œuvre un usage métaphorique récurrent. Notamment dans sa réflexion sur la corruption que le développement des arts et des sciences avait produite dans la société. Le remède ne viendra que du mal lui-même, c’est- à dire de la Science. On en mesure aujourd’hui la valeur prophétique : c’est la science et son développement qui vont permettre d’effectuer la transition énergétique dont nous avons besoin. Les réussites de l’écologie passent avant tout par celle de la haute technologie. Certes, il faut être conscient de ce mal provoqué par le dévoilement des secrets de la Nature écrit Pierre Hadot. Mais plus encore : que ce mal ne se soignera que par le mal lui-même, c’est-à-dire en poussant plus avant le dévoilement.
76. Artémis Sœur jumelle d’Apollon, Artémis, la déesse chasseresse est associée à la nature sauvage. On la trouve, dit Jean-Pierre Vernant, en bordure de mer, dans les zones côtières où, entre terre et eau ,les limites sont indécises. Elle erre en effet entre le monde civilisé et le monde sauvage. Parce qu’elle est toujours entourée d’animaux sauvages, on la surnomme la « dame des fauves », « la bruyante » (à cause de la meute). Elle incarne la Nature inquiétante, cruelle, dangereuse et qui échappe au contrôle des hommes. Une nature destructrice qui se plaît au spectacle de la destruction des hommes.
77. Atalante Fille du roi du Péloponnèse, elle est abandonnée à la naissance dans la forêt par son père qui ne veut pas de fille. Elle est recueillie par une ourse qui l’élève puis par des chasseurs. C’est une figure redoutable de la nature sauvage (au sens propre, silva : la forêt) mais aussi un témoignage éloquent de la représentation des femmes dans la culture grecque.
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LES MOTS DE LA VÉRITÉ
78. Berger Ce sont des bergers musiciens qui peuplaient l’Arcadie du temps de l’âge d’Or. Des bergers ? Pourquoi pas des cultivateurs ? Des artisans ? Voire de sages philosophes ? Quelle valeur symbolique reconnaître à la figure familière dans la Grèce Antique du pâtre ? C’est d’ailleurs à un berger, Daphnis, que nous devons l’invention de cette poésie pastorale qui chante la simplicité heureuse de la vie dans une nature généreuse et plaisante. C’est que le Berger n’est pas vraiment un travailleur, il ne « travaille » pas la terre et sa présence pendant l’âge d’or témoigne d’une époque où l’effort n’est pas nécessaire. Il se contente d’accompagner, de surveiller son troupeau (davantage que le protéger, car l’âge d’or ne connaît pas les loups). C’est un contemplatif qui vit au rythme de la nature, en plein air. Il a le temps de composer des poèmes et des chants pour la nymphe de son cœur. Il est en outre solitaire, indifférent aux rivalités des autres hommes, loin de la ville et de ses corruptions.
79. Bucoliques Le berger cède au bouvier, « boukolos », la première place et la poésie pastorale se fait bucolique. Est-ce tout-à-fait la même chose ? De fait on reconnaîtra au bouvier les qualités précédemment concédées au berger. À une différence près, sans doute : la richesse. Le troupeau de bœufs « vaut » bien davantage que le troupeau de moutons et les « Bucoliques » témoignent d’un temps d’opulence alors que la pastorale met davantage l’accent sur la simplicité.
80 Calypso Son nom signifie « celle qui cache », « celle qui voile » et pour les néoplatoniciens du XIVe siècle, elle incarne la Nature. Elle règne sur l’île d’Ogygie dont la variété de la flore et de la faune fait une sorte de Paradis : On sentait du plus loin le cèdre pétillant et le thuya, dont les fumées embaumaient l’île. Autour de la caverne, un bois avait poussé sa futaie vigoureuse : aunes et peupliers et cyprès odorants où gîtaient les oiseaux à la large envergure, chouettes, éperviers et criardes corneilles, qui vivent dans la mer et travaillent au large. Au rebord de la voûte, une vigne en sa force éployait ses rameaux, toute fleurie de grappes, et près l’une de l’autre, en ligne, quatre sources versaient leur onde claire, puis leurs eaux divergeaient à travers de moelleuses prairies où verdoyaient la mauve et le persil. (Odyssée V, 59-73.) Lieu idéal où Ulysse est maintenu caché pendant 9 ans, Ogygie est un abri contre les événements mais aussi contre le temps (Calypso propose à Ulysse la vie éternelle), s’il reste.
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81. Des Esseintes À en juger par les quelques portraits conservés au château de Lourps, la famille des Floressas des Esseintes avait été au temps jadis composée d’athlétiques soudards, de rébarbatifs reîtres (…) De cette famille naguère si nombreuse qu’elle occupait presque tous les territoires de l’Ile-de-France et de la Brie, un seul rejeton vivait, le duc Jean, un grêle jeune homme de trente ans, anémique et nerveux, aux joues caves, aux yeux d’un bleu froid d’acier, au nez éventé et pourtant droit, aux mains sèches et fluettes. C’est ainsi que Joris-Karl Huysmans présente au début de son roman, À rebours, publié en 1884, son nouveau héros. Jean Floressas des Esseintes pourrait dire avec Durtal, le personnage principal de LàBas, publié juste après, que « la Nature a fait son temps ». Lassé par cette « sempiternelle radoteuse » notre Dandy ultime va expérimenter le « rebours » des choses, c’est-à-dire au sens strict qu’il va s’efforcer de prendre à « rebrousse-poil » la vie. Il s’isole et s’enferme dans une propriété à la périphérie de Paris, à Fontenay-aux-roses, pour y célébrer l’artifice : À n’en pas douter, cette sempiternelle radoteuse a maintenant usé la débonnaire admiration des vrais artistes, et le moment est venu où il s’agit de la remplacer par l’artifice. Artifice que cette expérience d’hybridation du vivant et du minéral (la tortue dont la carapace est dallée de pierres précieuses) ; artifice que ces correspondances (l’orgue à bouche qui joue des touches de liqueur comme des notes de musique) ; artifice que cette affirmation provocante de la préférence de la machine sur l’homme et la femme (érotisation des locomotives)…L’exacerbation du parfum des essences baudelairiennes entraine Des Esseintes dans un vertige d’où il doit brutalement sortir s’il ne veut pas mourir, non sans nous avoir laissé le catalogue du « bon goût » décadentiste.
82. Dionysos Dieu de la vigne et des excès, Dionysos incarne la Nature exubérante et destructrice. Il n’a pas droit de Cité et son culte est d’ordinaire rendu hors des murs des villes. Il incarne une force de dissolution des valeurs civilisatrices, une « liberté noire » (Artaud).
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LES MOTS DE LA VÉRITÉ
83. Enfant sauvage Victor de l’Aveyron étudié par le Docteur Jean Itard en 1798 donne à l’Enfant sauvage sinon un nom du moins un prénom ainsi qu’une existence « scientifique », lui permettant de sortir du registre de la fiction (Tarzan) ou de la légende (Romulus et Rémus). Pourtant l’imposture du pseudo texte autobiographique de Misha Defonseca, publié en français en 1997 sous le titre Survivre avec les loups qui racontait comment une petite fille avait vécu parmi les loups pendant la seconde guerre mondiale pourrait calmer les ardeurs de tous ceux qui cherchent à prouver – grâce aux enfants sauvagesque la société n’est pas pour les hommes une nécessité vitale. Difficile en effet de faire disparaître le soupçon d’escroquerie. Les corps examinés des enfants prétendus sauvages – c’est-à-dire ayant vécu strictement dans la nature sans autre assistance que celle des bêtes – n’ont jamais révélé rien d’autre que des signes de maltraitance humaine en guise de cicatrices destinées à prouver la vie sauvage. La liste est pourtant très longue de ces enfants exhibés dans les foires ou dans les cours d’Europe : de l’enfant-mouton d’Irlande (1640) à Natacha, la fillette de cinq ans élevée par des chiens en Sibérie (2009), en passant par les fillettes-louves Amala et Kamala découverte en Inde (1920) ou la petite slovaque vivant parmi les ours (1762). Aucun de ces cas n’est aujourd’hui reconnu.
84. Epiméthée Frère étourdi de Prométhée, il est chargé par Zeus de répartir entre les vivants qualités et défauts permettant d’équilibrer leur survie, compensant tel avantage par tel handicap, de façon à ne favoriser personne. Mais il oublie l’Homme. Ce dernier est ainsi entièrement vulnérable, et incapable de véritablement survivre dans la nature. C’est pour réparer cette maladresse que Prométhée dérobe à Zeus la foudre et la donne aux hommes pour en faire, par un retournement spectaculaire, l’espèce dominante.
85. État de Nature À propos de cette « fiction normative » dont les » théoriciens du Contrat Social » font usage, Hobbes donne dans Léviathan la plus juste définition : Un état qui n’existe plus, qui n’a peut-être point existé, qui probablement n’existera jamais, et dont il est pourtant nécessaire d’avoir des notions justes pour bien juger de notre état présent. Hobbes choisit d’imaginer cet état de nature, à la différence de Rousseau, comme un état de violence permanente. Les hommes y vivent dans la terreur de la mort brutale : Ils sont dans cette condition qui se nomme guerre, et cette guerre est guerre de chacun contre chacun.
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86. Eternel féminin C’est cette nature, immuable, que les hommes assignent aux femmes et que dénonce en 1949 Simone de Beauvoir dans Le deuxième sexe. De fait, il n’existe pas de définition de la féminité faite par les femmes. Et les femmes, suggère Beauvoir, ne se connaissent et reconnaissent que par le regard que les hommes posent sur elles, par les mots que les hommes utilisent pour parler d’elles, parfois même du plus intime de leur identité (vagina, en latin : le fourreau). C’est encore à travers les rêves des hommes qu’elles rêvent. Conclut la philosophe. Nombreuses sont ainsi ces constructions culturelles qui assignent aux femmes une « essence » dont elles ne pourront plus sortir, des caractères, une « nature » en quelque sorte. À propos de Sacha Guitry et « des mots d’esprit » misogynes dont il n’était pas avare, Roland Barthes rappelait que « mettre la femme en aphorismes » était une constante de la culture française. De fait, notre culture pousse à l’établissement d’un « éternel féminin » qui s’avère la plus solide des prisons. Curieuses, bavardes, fragiles, imaginatives, fatales, sensibles, les femmes sont tout cela et contribuent à diffuser ces images les textes les plus sacrés comme les chansons les plus insipides (« Vous les femmes… »). Le plus futile et le plus valorisé se retrouvent pour faire des femmes au mieux de délicieuses irresponsables, au pire des malades ou des êtres démoniaques.
87. Frankenstein Publié en 1818, ce roman de Mary Shelley porte un sous-titre éloquent : « Le Prométhée moderne ». Le docteur Victor Frankenstein incarne pour longtemps l’ambition prométhéenne d’un simple mortel qui veut concurrencer la Nature, la Création, en donnant la vie à un être composite, assemblage monstrueux d’organes prélevés sur des cadavres.
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LES MOTS DE LA VÉRITÉ
88. Gaïa C’est la Terre-Mère. La seconde dans l’ordre de la création selon Hésiode, juste après le Chaos. Elle commence alors à donner naissance (par elle-même) à Ouranos, le ciel, à Pontos, la mer, à Ouréa, les Montagnes. Fécondée ensuite par chacun de ses fils, elle donne naissance à une infinité d’êtres surnaturels, certains franchement monstrueux (les cyclopes, les hécatonchires etc.) Elle incarne le principe de génération, c’est la gigantesque matrice, indifférente à ce qu’elle enfante, susceptible d’enfanter le meilleur comme le pire. John Lovelock reprendra cette figure dans son ouvrage intitulé Hypothèse Gaïa en 1970 pour illustrer la thèse selon laquelle la Terre est un être vivant qui s’autorégule. Certains textes célèbres de notre littérature, comme « La Géante » de Baudelaire, raniment de temps à autre cette figure archaïque de la mythologie : Du temps que la Nature en sa verve puissante Concevait chaque jour des enfants monstrueux, J’eusse aimé vivre auprès d’une jeune géante, Comme aux pieds d’une reine un chat voluptueux. Dans Le Gai Savoir, Nietzsche conserve également cette approche primitive de la nature : La nature, comme elle est, avec tout le caractère grandiose de cette prodigalité et de cette indifférence qui nous révoltent mais qui n’en sont pas moins aristocratique…
89. Isis (le voile d’) Il s’agit du titre de l’ouvrage de Pierre Hadot : Le voile d’Isis. Essai sur l’histoire de l’idée de nature (2004) Cette métaphore du voile qui recouvre le corps d’Isis illustre l’idée selon laquelle la nature se cache ou cache des secrets que les hommes tentent de dévoiler au moyen des sciences et des arts.
90. Idylle À l’instar de l’églogue, l’Idylle s’inspire de la poésie pastorale et bucolique. Elle porte sur la vertu de la vie simple et rustique ou bien sur les amours des bergers. Le modèle du genre est l’œuvre du poète Théocrite. Par extension on finit par désigner de ce mot toute œuvre littéraire, musicale ou plastique d’inspiration bucolique (ex : La mare au Diable de G. Sand) puis une relation amoureuse naïve et chaste.
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91. Nature morte La Nature morte représente toujours le beau spectacle offert des fruits et des fleurs prélevés sur la nature. La disposition en est toujours harmonieuse et l’exposition voluptueuse. Mais ce qui est présenté est périssable : la beauté de la nature est fixée par le peintre avant qu’elle ne disparaisse.
92. Nu Représentation d’un corps humain entièrement dévêtu. Mais cette représentation est rarement conforme à la nature. Tableaux et statues représentent en effet des corps drapés des codes de la nudité bien proportionnée et d’un épiderme soigneusement épilé. Cette nudité codée (celle de l’homme de Vitruve comme celle de la Vénus de Botticelli ou encore la Grande Odalisque d’Ingres) fait une fois de plus disparaître la nature dans la culture. Jusqu’au surgissement naturaliste de « L’origine du monde » ou bien d’ « Olympia », même si dans l’un et l’autre cas il s’agit du détournement d’une œuvre classique antérieure (l’art n’est donc jamais très loin !)
93. Nymphe Les nymphes sont des divinités associées à la nature. Elles sont jeunes et belles et favorisent la fertilité (c’est pourquoi elles protègent les amoureux). Selon le milieu naturel où elles vivent, on distingue les épigées (nymphes terrestres) des hydriades (nymphes aquatiques au nombre desquelles il faut compter les néréides et les naïades) mais aussi des ouranies (nymphes célestes) et des lampades (nymphes infernales)
94. Pan Divinité grecque de la Nature, protectrice des bergers et de leurs troupeaux.
95. Paradis Traduit du grec, il s’agit d’un jardin clôturé. L’homme habite ainsi à l’origine un jardin merveilleux. La clôture est essentielle à tout Paradis qu’il faut nécessairement protéger des incursions, des contaminations venues de l’extérieur.
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LES MOTS DE LA VÉRITÉ
96. Pastorale La pastorale est un « motif », celui de la nostalgie des citadins pour le monde rural et de l’harmonie supposée des hommes avec la nature.
97. Prométhée Il est avant tout le créateur des hommes (qu’il aurait façonnés avec de l’eau et de la terre). Et c’est pour la donner à ses créatures démunies que Prométhée dérobe à Zeus la foudre qui symbolise cette technique grâce à laquelle les hommes vont s’extraire de leur nature fragile.
98. Pygmalion Roi légendaire de Chypre et sculpteur à ses heures, Pygmalion revendiquait le statut de célibataire endurci jusqu’au jour où, frappé par la beauté d’une statue de jeune fille dont il était l’auteur, il tomba follement amoureux de sa création. Aphrodite anima la statue et Pygmalion épousa celle qu’il nomma alors Galathéa.
99. Satyres Les satyres, mêles aux nymphes, accompagnent volontiers dans la nature l’errance de Dionysos ou celle de Pan. Ils incarnent une certaine exubérance sexuelle et pulsionnelle, ainsi que la résistance à toute forme de sociabilité et de culture.
100. Silène Fils de Pan et de Gaïa, Silène est peut-être le plus laid des satyres auquel d’ailleurs Socrate est comparé par Alcibiade dans Le Banquet. Il invente la flûte, dite improprement de Pan. Par antonomase, on donne souvent aux satyres le nom de Silènes.
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Eric Cobast est agrégé de l’Université. Après une longue carrière dans les Classes Préparatoires, il est à présent Conseiller à la Recherche et aux Productions Académiques du groupe INSEEC et dirige de nombreux programmes online. Il pilote par ailleurs, au sein du groupe INSEEC, AtoutSup, une École spécialement dédiée à la Préparation des Examens (Bac) et des Concours (Sciences Po, Celsa). Il enseigne également la philosophie dans le cadre de l’INSEEC Business School. Il a depuis vingt ans publié de nombreux ouvrages aux Presses Universitaires de France qui font pour la plupart référence en matière de Culture Générale. Aujourd’hui, il conçoit des ouvrages parascolaires pour les Editions de « L’Etudiant » (« L’Officiel du Tage Mage », « L’Officiel du Tage 2 », « L’officiel du Tage Post Bac ») et anime un blog dédié à la préparation aux examens d’entrée des IEP. Enfin, il intervient régulièrement sur France Info (« Un jour, une question ») et dans les colonnes du journal « Le Figaro ».
40
BCE CONCOURS 2016 300 PLACES OUVERTES LES ÉPREUVES ÉCRITES
INSEEC Business School utilise les épreuves de la BCE selon la grille ci-dessous. Choix des épreuves écrites
Option Scientifique
coef.
Option Économique
Contraction de texte
Épreuve HEC
3
Épreuve HEC
3
-
-
Résumé de texte ESC
-
-
-
-
Épreuve ESC
4
Langue Vivante 1
IENA
7
IENA
7
IENA
3
Langue Vivante 2
IENA
6
IENA
6
IENA
2
Épreuve EM Lyon
5
Épreuve EM Lyon
6
Épreuve ESC
2 4
Dissertation culture générale Mathématiques Histoire, Géographie et Géopolitique
coef. Option Technologique coef.
Épreuve EM Lyon
4
Épreuve EM Lyon
3
Épreuve ESC
Épreuve ESCP Europe
5
-
-
-
-
-
-
Épreuve ESCP Europe
5
-
-
Économie, Sociologie et Histoire Économie-Droit
-
-
-
-
Épreuve ESC
7
Gestion-Management
-
-
-
-
Épreuve ESC
8
Total coefficients
30
Choix des épreuves écrites
Option B/L
Contraction de texte Langue Vivante 1 Langue Vivante 2
30
30
coef.
Option Littéraire (A/L et ENS Lyon)
coef.
Épreuve HEC
2
Épreuve HEC
3
IENA
6
IENA
7
IENA
4
IENA
5
Dissertation littéraire
Épreuve ESSEC
5
-
-
Dissertation philosophique
Épreuve ESSEC
5
-
-
Épreuve ESCP Europe
4
-
-
Épreuve à options
Épreuve ESSEC
4
-
-
Épreuves ENS-BEL
-
-
Moyenne des notes
15
Histoire
Total coefficients
30
30
LES ÉPREUVES ORALES
Les épreuves orales se déroulent sur une journée. Les jurys sont composés de manière équilibrée de professeurs de classes préparatoires, de cadres d’entreprises, d’enseignants ou d’anciens élèves d’INSEEC Business School. Les épreuves orales d’INSEEC Business School ont un double objectif : • discerner l’aptitude du candidat à réussir et bénéficier pleinement des projets et programmes qui lui seront proposés : ouverture internationale, goût pour la communication et l’argumentaire, esprit d’entreprendre, sens de l’équipe… • susciter une première rencontre entre le candidat et l’école. Coefficients INSEEC
Entretien de motivation 11
Question de culture générale ou d’actualité 7
L’ADMISSION ET L’INSCRIPTION
Langue Vivante 1 IENA 7
Langue Vivante 2 IENA 5
Total 30
L’inscription se fait par la procédure centralisée SIGEM 2016. Quel que soit votre rang de classement (liste principale + liste complémentaire), c’est vous qui déciderez d’intégrer le campus de votre choix.
Professeur agrégé de l’université, Éric Cobast est aujourd’hui conseiller spécial pour la recherche et les productions académiques au sein du Groupe INSEEC et titulaire de la chaire de philosophie à INSEEC Business School.
Durant toute l’année, les élèves de CPGE peuvent s’inscrire au MOOC « Cache-Cache » sur le site www.mooc-prepas.com Conçu par Éric Cobast et INSEEC Business School, ce MOOC permet aux élèves de maîtriser les fondamentaux du thème de l’année, les textes et les auteurs incontournables et les aide à préparer le concours, en complément des enseignements de leurs professeurs.
www.mooc-prepas.com
LES MOTS DE LA NATURE COLLECTION LES LEXIQUES N°16 : Lexique d’Anglais N°17 : Formulaire de Mathématique (voie S) N°18 : Les mots du Plaisir N°19 : Les mots de l’Espace N°20 : Les mots de la Vérité N°21 : Les mots de la Nature
Arthur WALUS • Tél. : 01 42 09 95 44 E-mail : awalus@inseec.com INSEEC-BS.COM
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ÉRIC COBAST