La stratégie du leader

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•• La stratégie du leader •• Etre leader n’est pas en soit une récompense mais plutôt un statut qui confère un certain nombre d’obligations et de stratégies. Les Américains avaient parlé il y a presque un siècle du « Penalty of Leadership ». Explorons quelques pistes pour bien saisir cette notion.

Dans la grande majorité des secteurs, il existe un intervenant reconnu comme leader du marché. C’est lui qui prend généralement l’initiative des modifications de prix, des lancements de nouveaux produits et possède le système de distribution le plus vaste. Généralement, son budget de communication/marketing est aussi le plus important.


Il est LE référent que la concurrence s’efforce de suivre. On peut citer les plus connus comme Michelin pour les pneus, L’Oréal en cosmétique, Bic pour les stylos, Danone pour les produits laitiers, McDonald’s pour la restauration. Ces leaders définissent les attributs mêmes du marché ou de la catégorie dans laquelle ils opèrent, a fortiori lorsqu’ils l’ont créée. Qu’est-ce qu’un hamburger idéal pour le public sinon le Big Mac ? Qu’attend-on d’un soda ? Rien car c’est Coke qui domine la catégorie et façonne nos attentes. Il est difficile pour un autre intervenant d’être plus évident voire mécanique dans le choix d’un consommateur. Pour conserver sa place, il doit rester en éveil permanent, c’est le premier des « penalties of leadership ». En effet, il subit les attaques constantes sur ses positions, une innovation d’un concurrent peut provoquer un moindre attrait pour ses produits… Le seul objectif du leader est de combattre pour maintenir sa position. En fait, le leader est celui qui influence la société et qui inspire le marché • Il remplit une valeur d’universalité. Ex de Google qui rend l’information accessible à tous gratuitement • Il modifie le comportement des consommateurs. Ex de Apple qui modifie la façon de « consommer » de la musique avec l’iPod et iTunes • Il est constamment facteur d’innovations. Ex de Toyota qui lance en premier la voiture hybride Un leader est doté de deux types de rôles 1. Un rôle absolu : le pouvoir économique. 2. Un rôle pour sa catégorie et son marché. Une autorité intellectuelle : améliorer sa catégorie, Innovation et influence, Diviser et occuper son marché de manière pertinente Une autorité morale : représenter sa catégorie. Responsabilité sociale, Porte le poids d’être l’emblème de sa catégorie (pour le meilleur et pour le pire. Trois types de stratégies s’offrent à lui :


A - Accroissement de la demande primaire En jouissant de la première place sur un marché, un leader bénéficiera « mécaniquement » d’un accroissement global du marché. Si les Français se sont peu à peu convertis aux délices du fast-food, McDonald’s a été au cours de la première moitié des années 90, le principal (et de loin) bénéficiaire de la pénétration de la restauration rapide. Développer la demande générique pour un produit peut se faire de trois façons : 1) Chercher et convaincre de nouveaux utilisateurs Il peut s’agir d’acheteurs qui ne connaissent pas le produit ou qui étaient peu enclins à l’achat en raison de son prix ou de tout autre facteur. Un exemple fameux est celui de Garnier qui, leader sur le marché des shampooings pour bébés avec Mixa, tira profit de sa douceur légendaire pour le proposer aux femmes. 2) Entraîner de nouvelles utilisations On peut aussi imaginer et promouvoir une nouvelle utilisation non perçue au départ. L’exemple d’Evian, bon leader sur les eaux, a bien joué le coup en commercialisant au début des années 90 le vaporisateur qui connut le succès que l’on sait. Parfois, ces découvertes de nouvelles façons d’utiliser un produit ont entraîné une modification de l’image de la société. Citons notamment St-Marc qui, d’une utilisation principalement exercée par des professionnels, a connu un rajeunissement de son image en proposant ses produits au grand public. Plus récemment, Legrand, leader du matériel électrique destiné au corps de métiers professionnels, a conçu une campagne très efficace à destination du grand marché. 3) Un niveau de consommation plus élevé Cette approche consiste à convaincre le marché de consommer davantage de produit à chaque utilisation. Si une marque de shampooing arrive à persuader sa clientèle existante d’utiliser son produit deux fois plus souvent, sa position se confortera d’autant plus. Pour prendre le cas de Michelin, le constructeur a eu la fine idée de proposer cartes routières et guides touristiques pour que les automobilistes roulent davantage.


B - Protection de la part de marché Quand on est leader, contenir l’action de ses concurrents demande une attention et une capacité de réaction quotidiennes. La guérilla se développant, ces attaques proviennent de plus en plus d’intervenants extérieurs au cœur de métier de l’entreprise leader, ce qui suppose une défense multi-niveaux. Une stratégie d’innovation est la réponse la plus constructive. En effet, en restant continuellement à la pointe, une société leader a de bonnes chances d’essouffler les actions des concurrents. A ce propos, Michelin s’illustre magistralement par le lancement continuel de pneus aux bénéfices divers et l’amélioration perpétuelle de leur mode de fabrication. Même si le leader ne lance pas l’offensive, il a tout intérêt à regarder de tous les côtés pour ne pas laisser la moindre ouverture à la concurrence. Il va multiplier les variétés de produits, tant dans leurs tailles que dans leurs conditionnements, afin d’accroître sa présence en magasin, maintenir les prix à un niveau acceptable par les consommateurs et continuer à soutenir publicitairement les marques. Cette concurrence accrue a toujours remis en valeur les écrits de stratèges militaires (Sun Tzu, Clausewitz). A partir de ceux-ci, on peut identifier 5 stratégies de défense : 1) La défense de position qui consiste à fortifier sa marque de façon à rendre sa position imprenable. C’est la plus difficile ! Même des géants ont dû se diversifier pour élargir leur métier de base qui était de plus en plus difficile à défendre. Exemple de Coca-Cola qui a développé les boissons fruitées. 2) La défense d’avant-poste par laquelle le leader avance de nouvelles marques pour se protéger des entrées surprises des concurrents et surtout de leurs attaques sur les prix. 3) La défense préventive qui consiste à attaquer un concurrent déterminé avant qu’il ne déclenche les hostilités. C’est dans ce cas le leader qui prend l’initiative du conflit. Ce genre de situation se rencontre le plus souvent sur le marché des lessives ou de l’hygiène (exemple de Lever qui lança Wisk sur le marché US avant que P&G ne propose Vizir annoncé de longue date). Une autre tactique consiste aussi à laisser entendre que l’on va baisser ses prix pour dissuader un concurrent d’agir. Toutefois, une société qui domine un marché limite ces actions préventives en laissant plutôt ses concurrents s’épuiser lors d’attaques coûteuses en énergie et en argent. On peut ici citer le cas de Elf (cas BDDP) contre les distributeurs, ou Darty qui a toujours réussi à contenir les attaques des concurrents sur les prix. Une autre riposte efficace consiste à envahir le terrain de prédilection de l’attaquant comme on a pu l’observer dans la guerre du café lyophilisé.


Lorsque Nescafé attaqua GF sur le marché US, cette dernière répondit en lançant Maxwell sur le marché européen, secteur de prédilection de Nescafé. 4) La défense mobile : elle consiste à se déplacer sur d’autres terrains qui pourront servir de points d’appui offensifs. Cette politique allie innovation et diversification afin d’élargir le marché. L’extension de marché induit pour l’entreprise de remonter du produit au besoin générique qui le sous-tend comme l’on fait les compagnies pétrolières qui interviennent de plus en plus sur le marché générique de l’énergie ou EDF dans sa dernière campagne (sim City). La diversification constitue l’autre option stratégique. Le meilleur exemple est celui de sociétés comme Philip Morris qui, sentant les attaques répétées et massives sur le tabac, se mit à racheter Kraft et tant d’autres intervenants de l’agroalimentaire pour devenir un leader sur ce nouveau marché. 5) Le repli stratégique. Cette option se présente quand un leader ne peut plus défendre l’ensemble de son territoire d’activité. On peut alors sortir d’un marché (exemple d’Aventis qui vend à Bayer ses activités de produits de jardins ou agricoles) pour consolider sa position sur la pharmacie.

C - L’extension de la part de marché (PDM) Un leader peut également progresser en s’efforçant d’accroître sa PDM. En résumé, plus une PDM est forte, plus l’accroissement de la rentabilité est important. Le seul « hic » est celui du coût d’acquisition de la PDM qui peut devenir prohibitif à partir d’un certain seuil et une politique de stabilisation s’avère alors nécessaire. Il convient d’admettre qu’il existe une PDM optimale sur chaque marché. Un chiffre d’affaires plus élevé ne conduit à un accroissement de bénéfice que dans deux cas : 1) Si le coût unitaire de production baisse à mesure que la PDM augmente (c’est la technique imaginée par Henry Ford il y a bien longtemps, ou par les distributeurs dans les années 70). 2) Si l’entreprise peut offrir un produit de qualité supérieure qui sera toujours vendu à un prix élevé. Cette stratégie est celle de la qualité qui permet de se différencier du marché tout en dégageant des bénéfices importants (exemple de Mercedes, Stella-Artois, Tag Heuer, Volvo ou Miele).


D. Quelles communications pour le leader ? Tout d’abord, il convient de rappeler les caractéristiques des campagnes de leaders : ce sont des campagnes « larges » elles créent un sentiment d’universalité elles s’approprient une valeur/un rôle elles répondent à l’attente centrale du marché elles sont suivies par la concurrence qui les considère comme la référence.

1) Manpower 1986 Attente centrale : la solidarité. Traité créatif : le film Puzzle avec comme thème « à chacun sa place ». La concurrence a suivi, souvenez-vous de la patrouille Adecco.

2) Duracell Attente centrale : la longévité de la pile. Traité créatif : Ce territoire fut symbolisé par les « petits lapins roses » qui sont devenus la « propriété de la marque » en 1973 et qui sont apparus dans une centaine de spots depuis. Ces lapins roses deviennent tellement célèbres que la concurrence les copie (Energizer) ou les utilise (Minute Maid).


3) McDonald’s Attente centrale : la facilité. Chez McDo tout est facile et accessible. Il s’agit du discours simple du leader incontesté du marché.

4) Leclerc Attente centrale : parler plus de défense du pouvoir d’achat que de combat sur les prix. Traité créatif : Un rôle de leader : défendre la cause et le pouvoir d’achat du consommateur en combattant les rigidités du système français. Un combat quotidien contre les monopoles, les réglementations et les barrières à la liberté du commerce. Un ton militant peu à peu repris par nombre d’enseignes.

5) Danone Attente centrale : l’alimentation est la première des médecines. Traité créatif : Créer une campagne transversale prouvant les actions de Danone en faveur de la santé. Adopter le rôle de leader de la catégorie en créant une forte association entre la marque ombrelle et les valeurs d’alimentation saine et bénéfique. Création de l’institut Danone en 1990, suivie d’une grande campagne sur la santé. Un registre radicalement nouveau puisque quasi institutionnel : « Danone Entreprendre pour la santé ».


6) Darty Attente centrale : encapsuler le meilleur de ce qu’un distributeur puisse apporter. Traité créatif : le Contrat de confiance depuis 1973.

7) Midas (USA) Attente centrale : passer de l’expertise technique à la confiance. Traité créatif : l’enseigne élabore le « Midas Way » : un engagement en 7 points, un credo respecté par tous les franchisés : • qui devient le terreau de toute la communication de Midas • qui est affiché dans tous les points de vente, devenant la pierre angulaire de la relation avec le client.


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