Inside Motorsport n°3

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inside motorsport stop the race _ open your eyes

Spécial Copilote _ WRC Monte Carlo _ Boucles de Spa _ Nicolas Gilsoul _ WRC Suède _ Photoshoot ...

numéro_#3



numéro_#3

Hiver 2013

Edito

Si une chose est à dire, c'est que ce magazine fut un réel pari. Ce ne fut pas le projet de 6 amis de longue date, se faisant plaisir autour d'un magazine commun, non. Victor et Jean-Charles en avaient parlé ensemble dès 2008, puis avaient ressorti cette idée de magazine décalé autour d'un verre lors du Rallye de Finlande 2011. Moins d'un an plus tard, c'était parti, sans même réellement se connaître. Une chose était sûre, Victor et JC étaient motivés et avaient chacun leurs premiers contacts. Victor contactait les Thuillier Brothers, JC s'occupait de Maxence et Quentin. Et c'était parti. Internet nous offrait de fantastiques outils de communication et il a fallu attendre les Legend Boucles de Spa 2013, où 5 des 6 mousquetaires allaient se rejoindre le temps d'un weekend. Il ne manquait que Victor, retenu professionnellement. Alors ce weekend allait-il bien se passer ? Allions-nous trouver une alchimie entre nous ? La réponse est claire : oui. Ces Legend Boucles de Spa 2013 seront à marquer d'une pierre blanche dans l'histoire de votre magazine favori et nous sommes aujourd'hui assez fiers du travail fait. Inside Motorsport, acte 3. La Belgique et sa Belgitude rallystique faisaient le grand dossier du précédent numéro. Un succès, vous nous l'avez dit, tout comme les 25 000 lectures en ligne l'ont confirmé. Cette fois, nous entrons dans l'inside de l'inside, au sein du cocon bien fermé des habitacles, du côté du baquet de droite. Vous l'aurez compris, nous nous intéresserons aux copilotes. Ces hommes et ces femmes, au service de leurs géants, tous bosseurs et ne rechignant pas à la tâche, à se coucher tard et à se lever tôt pour que leurs pilotes soient aux petits oignons. Certains se disent « secrétaires » (avec aucun point négatif là dessus), d'autres avoueront que c'est un sacerdoce. Alors, cachés, loin des lumières et des flashs crépitants, l'occasion était bonne pour s'intéresser à eux, à elles, ces héros de l'ombre, maîtres du temps. A ce dossier, nous ajouterons la tournée d'hiver de l'équipe. Rallye Monte-Carlo, Rally Sweden, Boucles de Spa Legend, Rallye des Routes du Nord, Rallye du Touquet, Rally Van Haspengouw... Nos six petits bonhommes ont eu froid mais la passion fut plus forte que les températures négatives, la neige et la glace. Ce premier numéro de l'année 2013 est aussi l'occasion d'accueillir un nouveau venu dans la bande, un certain Christian Cazalet, à vous de le découvrir. En attendant, stop the race, open your eyes. A tous, bonne lecture, et à très bientôt.

Rédaction Victor Bellotto Christian Cazalet Quentin Champion Jean-Charles Huvelle Maxence Pierre Romain Thuillier Vincent Thuillier

www.only-rally.com www.ccazaletcreations.odavia.com www.quentinchampion.be dinorallyteam.over-blog.com www.maxencepierre.com www.eyesofrally.com www.eyesofrally.com

Merci à Nicolas Gilsoul pour avoir accepté notre interview et partagé sa passion Toute l'équipe de First Motorsport ainsi qu'à Eric Brunson et David Heulin pour le photoshoot Toute reproduction, même partielle est interdite sans accord des auteurs. L'ensemble des textes et photographies appartiennent à leurs auteurs respectifs.


Grand angle : Action

Mikko Hirvonen - Jarmo Lehtinen CitroĂŤn DS3 WRC Rallye Monte Carlo 2013 Victor Bellotto Canon EOS 50D f3,5 - 1/400s - 126mm - iso400

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Grand angle : Ambiance

Atmosphère Rally Van Haspengouw 2013 - Belgique Quentin Chamion Canon 7D f41 - 1/250s - 159mm - iso800

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Grand angle : Insolite

Qatar M-Sport World Rally Team Ford Fiesta WRC Rallye de SuĂŠde 2013 Romain Thuillier Nikon D300S f3.5 - 1/640s - 135mm - iso400

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Grand angle : Portrait

Julien Ingrassia Ralye de SuĂŠde 2013 Vincent Thuillier Nikon D300S f7.1 - 1/320s - 150mm - iso400

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Grand angle : Ambiance

First Motorsport Subaru Impreza S12b WRC Romain Thuillier Nikon D700 f9 - 1/250s - 16mm - iso200

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Grand angle : Lancement

Charlotte Berton - Charlène Gallier Opel Adam Rallye Cup Rallye du Touquet 2013 Maxence Pierre Nikon D700 f3.5 - 1/2500s - 200mm - iso320

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Grand angle : Action

Jos茅 Barbara - Sylvie Grech Mini JCW WRC Rallye de la C么te Fleurie 2013 Vincent Thuillier Nikon D7000 f10 - 1/40s - 17mm - iso320

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Grand angle : Bosseur

Julien Ingrassia Polo R WRC Rallye de SuĂŠde 2013 Romain Thuillier Nikon D300S f5 - 1/200s - 70mm - iso320

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Grand angle : Ambiance

Steve Perez - Staffan Parmander Lancia Stratos HF Legend Boucles de Spa 2013 Maxence Pierre Nikon D700 f2.8 - 1/60s - 24mm - iso400

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Vu ! Rallye Monte Carlo 2013 Photos: Victor Bellotto

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Déjà légendaire, le plus célèbre rallye du monde est entré dans l'histoire grâce à des conditions dantesques. Le duo Loeb-Elena commence 2013 comme il avait terminé 2012: par une victoire ! Et devant la paire Ogier-Ingrassia, prouvant ainsi que le petit nouveau du WRC, Volkswagen, n'est pas venu pour faire de la figuration. La saison promet d'être palpitante !

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Date: 01/08/2010 Heure: 15h25 Lieu: Spa-Francorchamps, Belgique Dernière heure de course. Dans le clan BMW, la bonne humeur est de mise. La M3 #79 est en tête des 24 heures et la concurrence maintenue à bonne distance. Sur le muret, Mario Theissen et Charlie Lamm rêvent d'un nouveau succès sur la classique spadoise si chère à la marque à l'hélice. Mais à 15h20, l'image renvoyée par les écrans fait l'effet d'une bombe: Werner est planté dans un bac à l'autre bout du circuit ! Heureusement, il se sort de ce mauvais pas mais est contraint de remonter le circuit au ralenti car quelque chose est cassé ! Les journalistes se pressent en nombre autour du stand. La voiture arrive et les mécaniciens s'empressent de la rentrer à l'ombre fraîche du stand. Ils s'engouffrent sous l'avant-gauche et remplacent la biellette de direction meurtrie. Las, l'avance constituée durant 23h20 part en fumée. Jorg Bergmeister, alors au volant de la 997 rouge de la Scuderia Italia, a déjà pris la 1ère place et ne la quittera plus. BMW vaincu par KO, Porsche signe un succès de plus en endurance.

Quentin Champion


C'était le baptême du feu pour mon antique bridge, mon tout premier appareil numérique. Le baptême du feu aussi pour moi qui découvrais une nouvelle façon d'exploiter la photographie. Si tôt déballé du carton, j'embarquais mon nouveau jouet sur les hauteurs de Gap pour admirer les équipages sur les routes enneigées du Rallye Neige et Glace. Sorte de course de consolation pour tous les passionnés que le Rallye Monte Carlo avait oubliés en désertant le tracé mythique des Hautes Alpes. Arrivé au tout dernier moment, j'entendais déjà le moteur de la Clio RS du numéro 0 se rapprocher et j'eu à peine le temps d'allumer mon boitier que l'inimitable Jean Ragnotti me gratifiait d'un passage dont lui seul à le secret. Une glisse parfaitement maitrisée qui lança les hostilités de la meilleure des façons. La magie du numérique compensa ma précipitation et immortalisa ce moment incroyable. Victor Bellotto Date: 08/01/2005 / Heure: 9h54 Lieu: Gap, France


Date: 29/08/2010 Heure: 15h46 / Lieu: Spa-Francorchamps, Belgique Le drapeau à damier vient d'être agité. Ce grand prix de Belgique s'achève sur une domination des flèches d'argents et de Lewis Hamilton. Au pied du Raidillon, les barrières s'ouvrent et la foule s'engouffre sur la piste pour remonter jusqu'au podium. Certains courent, d’autres déambulent sur les trajectoires encore chaudes. Je fais partie de ceux qui ne s’attardent pas pour tenter d’aller capturer l’atmosphère du podium. Toute l’attention semble se porter sur les premières notes des hymnes et la clameur de la foule qui commence à se faire entendre, lorsque j’aperçois, là dans l'ombre des stands 24 heures, une autre flèche d'argent qui a elle aussi terminé sa mission. Le grand prix fut calme pour la belle allemande, mais elle a du rester là, à l'affut du moindre accrochage, sortie de piste ou débris sur la trajectoire, prête à bondir. Le repos semble donc tout autant mérité...

Romain Thuillier


En sport automobile, il existe ces fameuses "place to be" si connues et reconnues pour leurs atmosphères et leur spectacle. En Belgique, le rallye du Condroz est à lui seul un grand rassemblement de passionnés avant la trêve hivernale, mais l'arrivée de Strée représente un des grands lieux de l'épreuve. La petite route sinueuse se termine sur un chemin non revêtu. Elle devient en automne une véritable patinoire taillée sur mesure pour le passage d'une belle épreuve de rallye. Au point stop, la pression retombe, mais tout rappelle encore cette ambiance vécue quelques mètres plus tôt. La mécanique peut encore largement réchauffer les plus frileux, l'odeur d'essence de compétition peut encore faire surgir les meilleurs souvenirs d'un amoureux de la course, le ralenti du moteur peut encore faire vibrer les tympans des passants. La nuit tombante, la boue reflète les rares sources lumineuses et nous attire vers ce point de verdict pour l'équipage, point de vérité pour les plus proches, point de rencontre pour les plus fans. Tous sont des ombres anonymes, mais tous participent à ce côté magique du sport automobile. Maxence Pierre Date: 07/11/2009 / Heure: 18h31 Lieu: Strée-Lez-Huy, Belgique


Date: 22/6/2012 Heure: 21h42 / Lieu: Ypres, Belgique Il y a certaines journées moins faciles que d'autres lorsque l'on crapahute avec un boitier sur les spéciales de rallye. Tout était réuni pour que cette première journée du « Geko Ypres Rally » 2012 en soit une : des nuages bien épais, une lumière terne et fade, un vent à décorner les bœ ufs, des marshals pas très conciliants... Heureusement, parfois, les éléments semblent tourner en votre faveur alors que rien ne pouvait en présager. La fin de journée approchant, les nuages commencèrent doucement à s’estomper sans même que nous ayons pris la peine de le remarquer. Notre partie de cache-cache avec les commissaires et les hélicoptères tourne à notre avantage : nous nous retrouvons presque seuls sur une belle corde gauche, précédée d’une enfilade rapide, le tout sur un relief digne du plat pays ! A l’approche des premières voitures, le soleil amorce inexorablement sa descente ! Au bout d’une dizaine de voitures, l’astre solaire tourne au rouge, et vient se glisser à la hauteur d’une maison typiquement flandrienne. Magique !

Vincent Thuillier


Ce week-end là, j'étais missionné avec l'équipe DPPI au Rallye d'Ypres. En tant que « régional de l'étape », mon objectif était d'assister les photographes de l'agence, de voir les clients, d'être l'homme à tout faire au final. Vendredi après-midi, sacro-sainte conférence de presse terminée, chacun des pilotes retournait vaquer à ses occupations avant le départ du rallye. Déjà vêtu de sa combinaison rouge, François Duval semblait déjà prêt à en découdre et buvait un café au bar de l'hôtel. Freddy Loix l'avait rejoint. La meute de photographes et journalistes accrédités étaient déjà partis en spéciale et j'étais seul à profiter de cet instant tout particulier. La photo est floue, les réglages de l'appareil avaient été fait à la va-vite. Un clic, l'instant était dans la boîte, plus proche du document photographique que du cliché réellement utilisable par l'agence. Je n'avais pas voulu déranger ce moment particulier de deux champions avant la bataille... Le lendemain soir, Loix montait sur la troisième marche du podium, tandis que Duval n'était pas allé plus loin que la première spéciale du rallye. « Un café serré s'il vous plait » au résultat très amer... Jean-Charles Huvelle Date: 19/06/2009 Heure: 15h24 Lieu: Ypres, Belgique


Direction assistĂŠe Dossier spĂŠcial copilotes

Introduction

Le chef d'orchestre : Nicolas Gilsoul

Ouvreurs: Les anges gardiens

Galerie du baquet de droite

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Textes: Victor Bellotto, Jean Charles Huvelles et Romain Thuillier Photos: L'ĂŠquipe Inside Motorsport au complet !

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aître du temps. Une description flatteuse bien que réductrice du rôle d'un copilote. Il n'existe aucun équivalent dans le monde des sports mécaniques, considéré à tort comme des activités individualistes. Le pilote n'est que la partie émergée de l'iceberg, celui qui concrétise le travail de toute une équipe, indispensable à la performance. Le pilote et le copilote forment un véritable couple avec ses joies, ses coups de gueule, ses doutes mais partagent surtout des émotions indescriptibles, amplifiées par l'habitacle exigu d'une voiture de course.

de prendre votre place s'ils étaient aux commandes. Paradoxal non ? Pourtant le coéquipier n'est pas un fou ou un inconscient. Il faut être passionné, organisé, humble, ponctuel, perfectionniste, parfois psychologue pour transformer les doutes de votre pilote en motivation. Il faut savoir aussi encaisser les coups durs et avoir une âme de mélomane car même sans volant ni pédales, c'est le coéquipier qui donne le ton. Il peut vous ralentir ou au contraire vous demandez d'hausser le rythme au simple son de sa voix et sa cadence de diction. Des sensations grisantes et uniques

"Si le copilote était un objet, ce serait un couteau Suisse" Nicolas Gilsoul, dont vous pourrez retrouver l'interview complète dans ce dossier spécial, nous donnait comme valeurs primordiales le respect, la complicité et surtout la confiance. Imaginez-vous lancé sur les boueuses pistes galloises, dans un épais brouillard à plus de 150 km/h avec comme seul guide la personne à votre droite. Le mot confiance prend ici tout son sens ! Si le copilote était un objet, ce serait un couteau suisse : un personnage hors norme aux multiples options et dont vous ne pouvez vous passer lorsque vous partez à l'aventure. On ne devient pas copilote par hasard, c'est une véritable vocation, qui bien souvent dépasse vos proches et surtout les pilotes, qui n'accepteraient jamais

qui ne s'expliquent pas mais lorsque tout fonctionne, que l'équipage est en osmose, que la voiture répond aux doigts et à l'oeil de son pilote, le plaisir est immense. Beaucoup vous diront qu'ils n'échangeraient leurs cahiers de notes et leur baquet pour rien au monde et je fais partie de ceux là. A travers ces quelques reportages, nous avons voulu vous montrer l'envers du décor, le visage de ces hommes et ces femmes qui exercent une position unique et capitale en rallye, sans rechercher la lumière des projecteurs. Vous regarderez peut-être ces personnes de l'ombre avec un autre regard ...●

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orsqu'on donne rendez-vous à un copilote, on peut s'attendre à un pointage à l'heure ! Nicolas Gilsoul ne fait pas exception à la règle lorsqu'il nous retrouve à son hôtel au soir de la dernière journée de reconnaissances du rallye de Suède ! Cependant, la ponctualité n'est sans doute pas la seule qualité d'un coéquipier. Avoir la chance de rencontrer un copilote de haut niveau est une occasion unique de percer les secrets de ces hommes et ces femmes qui oeuvrent dans l'ombre des plus grands exploits du rallye.

Tout naturellement, nous commençons par les débuts de Nicolas, l'origine de cette passion du rallye : « Mon papa était président d'un petit comité dans la commune où j'habitais, « l'écurie le Sanglier ». Evidemment, j'allais régulièrement aux réunions du comité dès mon plus jeune âge, aux courses avec eux le weekend, voir les membres et les soutenir. J'ai grandi dans cette ambiance, cette atmosphère. Adolescent, ça me démangeait ! Moi aussi je voulais essayer ! » La réalité financière du sport automobile, même au niveau local, mène Nicolas à des aspirations plus pragmatiques : « Naturellement, je me suis intéressé à la cartographie. On faisait des petits rallyes d'orientation le vendredi soir. On apprenait à lire un roadbook, une carte, à décoder ce genre d'informations. J'ai pris goût à ça et ça m'intéressait. J'ai donc commencé à développer des aptitudes et cette place de copilote est naturellement devenue ma

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place. » Les premières épreuves de régularités à 16 ans et de bons résultats d'emblée face à des cadors expérimentés ont achevé de parfaire sa motivation. Puis à 18 ans, les premiers rallyes de vitesse : « J'ai pu faire mes débuts avec quelqu'un qui avait à l'époque 25 ans d'expérience derrière lui, qui avait la tête sur les épaules. J'ai donc appris rapidement pas mal de choses. » Quelques piges avec d'autres pilotes expérimentés plus tard, Nicolas était devenu le « petit jeune qu'on appelait à la dernière minute lorsque que quelqu'un était en panne d'équipier. » La meilleure manière d'accumuler leur savoir et d'apprendre encore et toujours. Puis vient la rencontre décisive avec Bruno Thiry : « On s'était rencontré six mois auparavant au rallye d'Allemagne, on était allé voir le shakedown avec des amis communs, et on avait passé la soirée ensemble à se raconter nos meilleurs moments. Il m'avait alors posé quelques questions sur la manière dont je préparais mes courses et ce à quoi je faisais attention... il était un peu émerveillé. Il a donc mis ça dans un coin de sa tête, au cas où. » L'année suivante, lorsque Jean-Marc Fortin décide de partir avec Nicolas Bernardi, Bruno se retrouve en panne d'équipier : « Bruno s'est dit qu'il avait deux options : la première était de repartir avec quelqu'un de son âge, mais qui aurait sa propre méthode de travail et qui allait essayer de lui imposer. Bruno avait fait la majorité de sa carrière avec Stéphane Prévot et ils avaient leurs habitudes, tout était routinier; donc finalement il s'est dit que ce serait plus sympa de repartir avec un jeune, de lui transmettre son expérience tout en imposant sa manière de fonctionner. Et on s'est directement bien entendu. D'ailleurs on est devenu de vrais amis, on se tient tout le temps au courant, c'est vraiment quelqu'un que j'affectionne... et puis c'est vrai que dans mon parcours il a un rôle non négligeable, parce que si je ne l'avais pas croisé à l'époque je ne serais probablement pas assis là aujourd'hui ! Donc c'est sûr... enfin, parfois je ne peux pas m'empêcher de penser à l'effet papillon ! » ►


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Le championnat d'Europe s'offrait donc à Nicolas, à 22 ans, à droite d'un des pilotes Belges les plus reconnus au niveau international ! « Le choix de Bruno était tout de même audacieux ! Mais c'est vrai que j'ai eu des moments difficiles ! Parce qu'entre faire un championnat que tu connais par coeur à la maison, et arriver au 1000 Miglia, où ça tournait dans tous les sens, où on roulait avec la Saxo qui était en fin de vie face à tous les Italiens avec les Clio, sur des spéciales qu'ils connaissent par coeur, c'était chaud bouillant !»

Malgré tout, la difficulté de concilier études et un championnat d'Europe allait mener Nicolas à des moments bien plus compliqués. Les copains qui filent un coup de main sans rechigner, un directeur conciliant pour les examens, les moments passés loin des amis, de la famille, c'est le prix à payer pour vivre sa passion. Ce défi est aussi la meilleure manière de tester sa motivation : « C'est bizarre à dire, mais je ressens un truc au fond de moi : même lorsque c'est dur, même quand ça ne va pas, tu es fatigué, tu passes tellement de temps à préparer, à recopier le soir à l'hôtel, ta famille te manque, même si tu es super content d'être là, tu as un coup de blues. Mais à l'intérieur, tu sais que c'est ce que tu as toujours voulu faire, tu as fait d'énormes sacrifices depuis longtemps, les anniversaires manqués, les fêtes de famille... Mais tu sais pourquoi tu le fais, ça te tient à coeur, tu aimes ça, et tu ne le lâcherais pour rien au monde ! » Tous ces sacrifices cachent donc quelque chose. Comment peut-on prendre du plaisir dans la voiture à distiller les notes

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tête baissée, gérer le timing, sans cesse obligé de penser à tout ? « Il y a une relation de confiance réciproque entre le pilote et le copilote, c'est-à-dire que lui se repose entièrement sur ce que je lui dis. Tu es en quelque sorte le chef d'orchestre dans la voiture, et cette sensation est très grisante. Même si ce n'est pas toi qui tiens le volant, tu sais que si tu déconnes, tu vas le faire sortir et si tu es trop prudent, on ne va jamais faire le résultat. Donc c'est vraiment un équilibre à trouver qui évolue sans cesse en fonction des objectifs. » Cette image de chef d'orchestre est plutôt bien choisie, avec comme principal outil, la voix : « Il y a le timbre de voix que j'utilise, le rythme de diction, la manière dont je décompte le départ d'une spéciale : si je décompte comme si j'étais entrain de m'endormir, ou si je mets de l'intonation; je me suis déjà amusé à faire le test et ce n'est clairement pas la même chose, ça donne en quelque sorte un coup de fouet au pilote. » Comme un chef d'orchestre, il y a la partition, une partition toujours plus rapide : « Avec Thierry, on a beaucoup étudié les caméras embarquées d'un peu tout le monde, et on se rend compte qu'il n'y a plus de temps de réflexion : Il faut de l'instantané ; lorsque Thierry entend la note, il doit savoir exactement ce que ça représente, et particulièrement ici sur du très rapide. Tout doit être limpide. Avec le grip des voitures modernes, il y a beaucoup de virages en relance qui, peu importe l'angle, sont à fond ! Sur les onboard de Loeb, il y a même des fois où l'on se dit « oulala il y a un virage, il n'a rien mis ! » Non, il a mis la distance, il y en a un avant mais ça n'a aucune importance, il sait que c'est à fond et il se concentre sur le virage suivant; ça évite de s'encombrer l'esprit avec de l'accessoire. On travaille pas mal là-dessus et on doit encore s'améliorer. On vient de changer complètement le système de note, rien que pour ce rallye. On était entré dans un système abracadabrant, où avec une petite voiture ça pouvait aller, parce qu'il y avait le temps d'interpréter, mais avec une WRC, ça va trop vite. » ►


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ne voulait rien lâcher et ça a fonctionné ! C'était vraiment un super souvenir, d'autant plus qu'on savait que l'aventure avec Kronos, Peugeot Belgique, se terminait. Cette équipe reste vraiment familiale, je les connais de l'époque avec Bruno, donc je les appelais tous par leur prénom, je sais où ils habitent, je connais leur femme, leurs enfants. Les bons résultats sont d'autant plus sympas à partager lorsqu'il y a cette relation avec l'équipe. » Et chaque bon moment est particulier. Impossible pour Nicolas de nous dire si l'une des victoires IRC de 2011 (Tour de Corse et San Remo) lui reste plus mémorable que l'autre : « Il y a deux saveurs différentes. Lorsque je suis parti pour le Tour de Corse, j'ai dit à ma compagne "je pense qu'on va gagner". On revenait de notre séance d'essais, et c'était seulement mon 2ème rallye avec Thierry... Je lui dit "écoute, je ne sais pas pourquoi, mais la voiture marchait tellement fort en essais, c'est pas possible..." Le premier jour, on faisait deux fois la spéciale du Fangu, qu'on n'avait pas vraiment apprécié lors des recos et on fait le scratch au premier passage en sachant comment améliorer le setup de la voiture ! Au second passage, avant le final, on avait 5 secondes d'avance, on a encore poussé pour en finir avec 8 ! Là je me suis dit "je pense que ça va le faire". J'ai su dès le premier jour que ça allait le faire. Alors qu'au San Remo, ça n'était pas du tout le cas. Le premier soir, quand on fait la Ronde, on n'est pas bien : Thierry roule un peu trop "pied gauche" et surchauffe les freins. On prend 10 ou 12 secondes de retard, le rallye était en quelque sorte

perdu. Le soir, en rentrant à l'hôtel, je ne sais pas quoi lui dire. Mais je ne peux pas le laisser dormir comme ça; alors je lui fais un sms : "c'est pas grave, demain c'est un autre jour, on se lève une heure et demi plus tôt et on revisionne les caméras embarquées des spéciales, et on va envoyer, ça va le faire !". Même si parfois, je n'en crois pas un seul mot, c'est mon job de le dire, juste le côté psycho peut faire la différence. Il a juste besoin d'être bien dans sa tête. Le lendemain, on a tenté de n'embarquer qu'une seule roue de secours, chose que personne n'avait osée faire. Mais dans la montagne avec une Super 2000, 20kg en plus dans le coffre, ça fait une différence ! Quand on a vu que mathématiquement, on pouvait revenir, on a poussé, et ça a marché ! »

Finalement, les cotés psychologique et humain au sein de l'équipage prennent une part insoupçonnée dans la performance. Au-delà de ça, passer 150 jours par an à droite d'un même individu vous force à entretenir des liens tous particuliers : « il y a des valeurs essentielles : la première, c'est un respect mutuel. Ensuite, il faut un minimum d'affinités. J'ai déjà remarqué, notamment à mes débuts lorsque je roulais avec un peu tout le monde, que si tu n'as pas cette affinité, alors automatiquement tu n'es pas prêt à te donner à 100% et tu n'es pas aussi bon. ►

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Avant la Suède, j'ai passé deux jours à recopier les notes de l'an dernier, à faire en sorte que tout soit prêt, le plus joli possible, emballé dans des chemises en plastique. Changer de système de notes, comme on l'a finalement décidé avec Thierry, m'oblige à mettre tout ce travail à la poubelle. Si je n'avais pas ce respect pour lui, je lui aurais dit « tu deviens fou, on ne change pas de système de notes, c'est très bien comme ça... » Je sais que ce changement est un mal pour un bien... cette affinité te permet d'aller de l'avant. Maintenant, être les meilleurs amis du monde n'est pas indispensable : on n'a pas la même langue maternelle par exemple, donc on ne va peut-être pas partir en vacances ensemble, mais ça ne nous empêche pas de passer des supers bons moments, on rigole, on fait les sots, on fait des fêtes, on prend l'avion toujours ensemble et c'est bien d'avoir cette complicité et de la développer. Avoir du respect l'un envers l'autre, la confiance, et la complicité sont pour moi trois choses incontournables. »

Ce weekend se concluait par une solide 5ème place pour nos deux compères, surement un nouveau départ avec ce changement de système de notes. Un mois plus tard, Nicolas et Thierry décrochaient leur premier podium au Mexique. A n'en pas douter, et quoi qu'en pensent certains, leur approche pragmatique et terre-à-terre en appellent d'autres. Quant à nous, cette rencontre avec un équipier si humble, passionné et qui a le souci constant de son pilote nous fait penser que le quotidien d'un équipage n'est finalement qu'une question d'harmonie... une harmonie menée par un véritable chef d'orchestre. ●

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e Rallye Monte Carlo, cette course mythique, légendaire. Au même titre que les 24h du Mans, les 500 miles d'Indianapolis ou le Grand Prix de Monaco (encore), ce rallye pionnier de la discipline reste une étape incontournable du calendrier, que l'on soit spectateur ou concurrent. Pour moi, le

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Monte Carlo est surtout synonyme de premier contact avec le monde du rallye. En ce mois de Janvier 2001, planté depuis trois heures dans la neige au départ de Sisteron-Thoard, j'étais soudainement réveillé par le vacarme de la Focus WRC d'un certain Colin McRae. Pneus froids, il passait devant moi dans sa position


préférée, en crabe ! Je suis resté scotché, tétanisé par ces machines incroyables et ces pilotes hors normes. Douze ans et douze Monte Carlo plus tard, ma passion pour ce sport est toujours intacte. Une nouvelle fois, je me destinais à me rendre sur cette édition en tant que spectateur. Pourtant, à quelques heures de

franchir le cap de 2013, je recevais un coup de téléphone de mon ami Anderson Levratti, équipier de Mathieu Maurage, pour me proposer une place de copilote ouvreur. Comment refuser ? Récit.

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uvreur, voilà encore un rôle unique dans le sport automobile. exclusivement présents en rallye sur les manches asphaltes, les ouvreurs sont les anges gardiens, le petit plus qui peut faire la différence et surtout les garants de la sécurité de l'équipage, rien que ça... Munis des notes du copilote, les ouvreurs parcourent les spéciales au maximum 1h10' avant le départ de la première voiture de course. Ils doivent noter tous les pièges que l'équipage aurait oubliés en reconnaissance et surtout répertorier les changements d'adhérence en fonction de l'évolution du terrain. Des informations indispensables qui pourront influencer un choix des pneus et aussi permettre de diminuer la marge d'improvisation du pilote en spéciale. Ainsi mis en confiance, l'équipage pourra se libérer d'une certaine pression et rouler au maximum de leurs possibilités sans mauvaise surprise. Les ouvreurs doivent donc être choisis soigneusement car leur rôle est crucial. Spécialement sur un Monte Carlo, où les conditions peuvent radicalement changer d'une spéciale, voire même d'un kilomètre, à l'autre. L'expérience est un atout considérable pour ces hommes de l'ombre, et on compare volontiers les meilleurs d'entre eux à des fondus du détail lorsqu'ils commencent à toucher le sol, regarder continuellement leur thermomètre ou vérifier l'exposition de la route par rapport au soleil. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si pour cette manche si particulière, le gratin mondial fait appel à d'anciennes gloires pour assurer ce rôle capital. On trouve par exemple le couple François Delecour - Denis Giraudet pour le compte d'Evgeny Novikov, Toni Gardemeister pour Jari-Matti Latvala ou encore Nicolas Vouilloz pour Sébastien Ogier. Et nous alors, au milieu de tout ce beau monde ? C'est Laurent Clutier qui officiera à ma gauche en qualité de pilote ouvreur.

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"François Delecour, Denis Giraudet, Toni Gardemeister ou encore Nicolas Vouilloz... Et nous alors, au milieu de tout ce beau monde ?"

Grand animateur du championnat de France, Laurent est aussi moniteur et associé dans l'une des plus réputées écoles de pilotage du pays : Drive Control. Il participa bien au Monte Carlo en 2011 en tant que pilote, en course cette fois là, mais un problème mécanique le contraindra à un abandon après quelques kilomètres à peine. Bref, à nous deux, question expérience sur le Monte Carlo, nous sommes loins du compte. Toutefois, nos parcours respectifs dans les différents


domaines de la course automobile pourront nous être très utiles, surtout l'approche du pilotage de Laurent, qui sera extrêmement importante dans la lecture de la route et l'aide au choix des pneus. Tout comme pour un copilote, mon boulot en tant qu'ouvreur commence bien avant le début de la course. Outre l'analyse du parcours et des cartes, le travail le plus important pour cette

semaine reste l'établissement du plan ouvreur : il faut déterminer précisément notre heure d'entrée dans la première spéciale pour avoir le temps de passer dans tous les chronos de « la boucle », et transmettre à Anderson nos corrections lorsqu'ils arrivent à l'assistance. Calcul des temps de liaison, des moyennes horaires dans la spéciale, prise en compte du traffic, etc. Rien ne doit être laissé au hasard. C'est ici que mon ►

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passé de copilote arrive à point nommé, car il faut bien comprendre comment se déroule un rallye pour parer à toute éventualité. En temps normal, la sonnerie de mon réveil qui se déclenche en pleine nuit n'aurait eu que peu d'effet sur mon sommeil profond. Mais ce mercredi 16 Janvier, je l'attendais comme une délivrance. Difficile de trouver le sommeil, un mélange d'excitation et d'appréhension pour débuter cette première journée de course. Arrivés au départ de la première spéciale, dans le timing, il fait nuit noire. Ma frontale vissée sur le front et le cahier de notes sur les genoux, cette fois nous y sommes. Nous roulons calmement pour avoir le

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temps d'analyser, de comprendre le système de notes, et pour nous échauffer aussi ! Le seul bémol est que nous passons en même temps que les gendarmes : allure d'escargot, arrêts fréquents et pour cause : pas équipés, les forces de l'ordre bloquent complètement la route, incapables d'avancer. Nous finissons par trouver une porte de sortie pour poursuivre notre boulot mais nous avons déjà pris du retard. Ce premier chrono est un exemple du casse tête typique que l'on ne rencontre qu'au Monte Carlo : sur les 36kms de spéciale, nous trouvons 12kms glacés et enneigés avant le col mais au départ

et une fois la Fayolle franchie, seules quelques plaques de verglas subsistent. Dans le Burzet en revanche la question ne se pose pas : nous peinons à trouver les quelques traces de goudron ! Avec ce manteau blanc et verglacé, ces spéciales sont encore plus magiques. Naviguer en sous-bois, sur un tapis de coton est un privilège rare. Je n'ose imaginer le plaisir pris à bord des Mitsubishi et autres Volvo 4 roues motrices équipées de pneus clous ! Sitôt la ligne d'arrivée franchie, nous nous garons pour appeler nos copilotes respectifs. Un des rares endroits où le réseau téléphonique est disponible ! Merci les montagnes... Une vraie hantise durant ces quatre jours de course !


Bon, il s'agit de ne pas trainer car les transmissions de corrections peuvent être longues : 30 minutes pour les spéciales de la dernière journée. Dès lors, nous utilisons un code rapide : « Page 3, deuxième ligne, à la fin, D130 neige. » A l'autre bout du fil, Anderson ne chôme pas et regarde sa montre pour vérifier s'ils sont toujours bien dans les temps. Laurent profite de ce moment pour appeler Mathieu, lui décrire la spéciale, les

pièges, l'adhérence et ils débattent sur le choix des pneus. Sachant qu'ils ont le droit à 2 roues de secours, il est possible d'établir une stratégie sur une boucle de deux spéciales. Toutefois, avec autant de neige pour ce tour, le choix des clous s'impose tout naturellement. Notre rôle à l'heure d'aborder la seconde boucle est encore plus déterminant, puisque le passage des 80 concurrents

a radicalement transformé le profil du parcours : cordes profondément creusées, boue ramenée sur la route, changement de grip, les détails sont nombreux et l'attention doit être à son maximum. La voiture balai est parti et un véhicule de l'organisation se place sur la ligne de départ pour retenir la meute. Les ouvreurs forment bientôt une longue file d'attente, en attendant le feu vert. Certains en profitent même pour faire une sieste ! Ces quelques pauses cassent le rythme et provoquent instantanément le fameux « coup de barre », si bien qu'il est difficile de résister à fermer les yeux quelques minutes.

Le troisième jour de course fut très particulier pour moi, puisque j'étais au départ de mon Turini. Sisteron-Thoard. Vous vous souvenez, la spéciale où tout a commencé il y a douze ans, à quelques kilomètres de la maison familiale ! Ah Sisteron... J'en parle depuis que le parcours 2013 a été dévoilé. Onze ans que la spéciale n'est plus au programme. Avec ce retour aux sources faisant la part belle à un rallye long et difficile, impossible de passer à côté de ce monument. La neige fait défaut mais qu'importe, le tracé reste magnifique et le cadre radicalement différent des deux premières

journées. Nous la parcourons une première fois pour établir les premières corrections et se faire une idée de l'état de la route pour le choix des pneus. Nous nous arrêtons un moment à Thoard pour manger un morceau en compagnie de quelques journalistes, puis nous décidons de reprendre une deuxième fois la spéciale avant la fermeture, pour s'assurer qu'il n'y a pas eu d'évolution notable. Excepté les 5kms du Col de Fontbelle entièrement verglacés, le chrono est totalement sec et toute la subtilité sera donc de préserver ses pneus sur les 37km de chrono. Alors que nous étions en course depuis mercredi, la dernière journée arrivait tout de même trop vite. La première spéciale étant programmée dans l'aprèsmidi, nous pouvions cette fois nous permettre une vraie nuit. On ne traine pas non plus car on sait que les accès sont très compliqués, surtout quand tout le public se concentre sur deux spéciales, voire une seule : le Turini. Comme une prémonition, nos craintes ne tarderent pas à se vérifier : les gendarmes, débordés, demandent aux spectateurs de faire demitour à 5 kilomètres du Moulinet. Problème, à l'endroit où nous sommes, la route forme une sorte d'entonnoir entre les voitures garées. Entre ceux qui rebroussent chemin et les ouvreurs comme nous qui tentent d'accéder au ►

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"Le Monte Carlo aime rappeler qu'il reste un monument imprévisible, neige ou pas." départ, le bouchon est inévitable. Nous sommes ainsi restés immobiles une bonne trentaine de minutes, avant que François Delecour et mon pilote du jour ne prennent les choses en main. Nous forçons le passage pour aller remplir notre mission. La spéciale est blanche du début à la fin. Il ne pleut pas encore et la température est juste négative. Dans la spéciale de Lantosque par contre, il n'y a quasiment aucune trace de neige et la pluie s'intensifie à mesure que les températures remontent. Nous devons enfin faire un choix de pneus digne du Monte Carlo ! De retour à Sospel, nous nous arrêtons pour manger un morceau dans une petite pizzeria. Lieu de rendez-vous improvisé puisque l'on y retrouve notamment Mathieu Arzeno, Florian Bernardi, l'ouvreur d'Armin Kremer et Toni Gardemeister. C'est malheureusement là que nous apprendrons avec beaucoup d'amertume la fin de l'aventure pour Mathieu et Anderson. Après 1 petit kilomètre dans cette soupe imbuvable, la DS3 sous-vire et heurte le rail de sécurité. Triangle de suspension cassé. c'est la fin prématurée d'une course splendide. Nous décidons de les rejoindre et regardons avec eux les premières voitures passer dans la spéciale. Ce n'est plus du rallye mais de la survie : il fait nuit noire, il pleut, la neige a maintenant laissé place à une couche de pâte verglacée et très collante où aucun pneu n'est efficace. Nous ne fûmes pas surpris lorsque les hautes

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instances décidèrent d'annuler la spéciale quelques minutes plus tard. Nous retournons à notre voiture et finalement, Anderson nous rejoint, tétanisé par le froid. Nous récupérons aussi Mathieu sur le chemin pour rentrer chez nous. Nous n'imaginions pas terminer ainsi, si près du but. Le Monte Carlo aime rappeler qu'il reste un monument imprévisible, neige ou pas. C'est lorsqu'on croit en venir à bout et


que l'on baisse notre garde qu'il aime frapper. A chaud il est difficile d'en retirer du positif, mais désormais je pense que les garçons mesurent leur performance pour leur première manche en mondial. En tête des 2 roues motrices quasiment de bout en bout, dans le Top 15

au scratch sur un Monte Carlo et dans de telles conditions, cela reste un véritable exploit. Personnellement, j'en retire bien sûr énormément de points positifs. Avoir parcouru toutes les spéciales aux côtés de Laurent Clutier, quel privilège ! Un mec en or,

aussi passionné que moi et aimant partager ses connaissances. Encore une expérience enrichissante dans mon rôle de copilote et qui me servira pour le futur. Je n'ai qu'un seul regret : ne jamais avoir pu enfiler un casque durant ces quatre jours ! ●

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Les patronnes...

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ains manucurées, ongles vernis. Un regard, un visage, une manière de remettre en place ses cheveux. Un geste, un regard, une attitude. Certains détails ne trompent pas. Biche, Ilka Minor, Fabrizia Pons, Sabrina de Castelli, Lara Vanneste, Kathi Wüstenhagen, Cicek Guney, Marielle Grandemange, Veronica Engan (et bien d'autres !)... Ce sont des femmes dans la

course, des copilotes. Epiées, observées, regardées, matées. Dieu que les hommes manquent de finesse doivent-elles se dire dans ce monde machiste qu'est le sport automobile. Leur présence ne passe pas inaperçue, elles ne laissent pas indifférents et marquent d'un charme tout particulier notre sport. Nous pourrions parler d'elles pendant des heures !

Quoi de mieux que la voix d'une femme pour parfaire notre immersion dans le baquet de droite ? Cette femme, c'est Lara Vanneste, qui retrace, au micro d'Eurosport à l'occasion du Rallye d'Ypres 2012, quelques facettes du rôle de copilote. http://www.youtube.com/watch?v=x8idceIxPZY

Vidéo: Eurosport

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La Phrase

Citation de Thierry Delaunnay, photographe DPPI _76


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Vu ! Rallye de Suède 2013

Photos: Romain & Vincent Thuillier

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Imaginez des routes scandinaves, ponctuées d'inombrables sommets en aveugle, bordées de ces fameux murs de neiges, tantôt bienveillant, tantôt traîtres et ponctués de fans venus affronter le froid pour se retrouver autour un feu et admirer cette bataille de vikings en pneus cloutés: c'est le rally de Suède !

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hotographier un monstre de puissance filant au milieu des pins finlandais est un jeu fait de spontanéité, de réactivité et d'improvisation. De retour dans ses

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ateliers, la belle retrouve le calme et l'intimité, plus propices à des poses plus travaillées et plus calculées. C'est à cet exercice particulier que nous nous sommes prêtés.


Actrice studio Photos: Quentin Champion, Jean Charles Huvelles, Maxence Pierre, Romain Thuillier et Vincent Thuillier

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Bleu de travail

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e maillot jaune du Tour de France, le rose Barbie, le mauve de la vache Milka, l'orange Bic. Certaines couleurs collent à la peau d'une marque et bien souvent, de belles métaphores colorées sont utilisées pour rappeler ces marques. N'avez-vous jamais dit « les Rouges » pour parler de Citroën ou

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« Les Bleus » pour parler de Ford ? Ici, c'est un autre bleu qui nous appelle : le Bleu mythique Subaru. Dans ce garage d'Andenne, en province de Namur, le bleu Mica est de mise. Impreza WRC S12, Impreza WRC S10, Impreza 555... Soyez les bienvenus chez First Motorsport. Et qu'on ne les prenne pas pour des bleus...


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L'envers du décor

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as de doute, ce lieu respire la passion ! Imaginez les S12 et S10 cotoyant la petite MKI sur le pont au fond de l'atelier... L'ambiance de travail en témoigne également : la pause du midi est courte, pas le temps de s'atarder, tout juste peut-être pour

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feuilleter le dernier numéro d'Autonews ou d'Echappement qui composent la pile à côté des assiettes. On ne compte pas les heures, pas un moment de répit, ou de relachement, début de saison oblige. Passion encore, celle de ces hommes et retranscrite ►


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par les mots de Willy, le patron, échangés en fin de journée : les déboires de Petter Solberg à la fin de l'épisode Subaru en WRC; Robert Kubica, qui a étréné une des deux S12 de First, un gars super, anti-star par excellence et dont le caractère colle parfaitement avec l'esprit du rallye, mais qui ferait mieux de rester en circuit pour gagner sa vie; les craintes au sujet de la domination naissante de la paire Ogier-Volkswagen,

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néfaste pour les petites structures privées; les progrès, encore timides selon lui, de Thierry Neuville... bref, la vie, les préocupations et la vision d'un patron d'équipe. Finalement, un tel lieu est une aubaine pour le photographe, sans doute de part la présence de ces grosses autos et ces couleurs mythiques, mais avant tout pour relever le défi de vous faire partager cette passion. ●


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Vu ! Legend Boucles de Spa 2013

Photos: Quentin Champion, Jean-Charles Huvelles, Maxence Pierre, Romain Thuillier, Vincent Thuillier

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Une nouvelle jeunesse, c'est sans doute ce qu'on peut espérer en venant à Spa, ville thermale. C'est aussi ce que nous sommes venus chercher aux détours de noms mythiques comme Le Redoute ou la Clémentine. Les legend Boucles de Spa, c'est une atmosphère si spéciale !

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RĂŠtromobile Photos: Jean Charles Huvelle AutoCult.fr

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"Racing is Life, anything before or after is just waiting.� Steeve McQueen _113


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