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FOCULTURE

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LAISSA MOUEN

PDG KINAYA VENTURES

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« NOUS AVONS ACCOMPAGNÉ PLUS DE 30 000 PME À TRAVERS NOTRE PARTENARIAT AVEC META. »

Interview par Joan YOMBO

En quelques années d’existence, Kinaya Ventures a su se faire une place dans le monde très sélect des accélérateurs de startups e Afrique, en créant notamment des partenariats stratégiques avec des géants issus de secteurs d’activités variés : Meta (ancien Facebook), Nestlé, Partech, Trace, pour ne citer que ceux-là. Derrière la structure, Laïssa Mouen, 48 ans, Camerounaise vivant au Sénégal, banquière de formation, ayant sillonné le continent pendant presque 20 ans dans le cadre de son ancien métier. Des voyages et une richesse culturelle qui ont facilité sa transition professionnelle et qui se manifestent dans la manière dont les activités de Kinaya Ventures se déploient. Rencontre. Vous avez démarré une carrière d’entrepreneur après 17 ans dans la banque. Est-ce que c’est quelque chose qui vous trottait dans la tête tout ce temps ?

Pas vraiment, je n’avais pas forcément prévu ce changement de carrière. Cela dit, avec le recul, je me rends compte que j’ai toujours eu un certain mindset entrepreneurial, dans ma façon de sortir des sentiers battus, même quand j’étais en poste. Le secteur bancaire est un milieu assez formaté et rigide, mais malgré cette rigidité, j’ai toujours su apporter à mes actions ce supplément d’âme et de créativité qui change les choses, parce que par mes passions et mes centres d’intérêt je suis une personne créative. J’aime la mode, la beauté, le design, le lifestyle. J’ai aussi un background familial marqué par la présence de beaucoup de slasheurs (se dit de personnes qui font plusieurs activités professionnelles à la fois, ndlr), et de créatifs, et cela a dû m’influencer sur le long terme, sans que je ne m’en rende compte.

Comment fait-on pour performer dans le milieu bancaire rigide quand est une femme ?

Honnêtement, je trouve que les choses ont beaucoup évolué ces dernières années. Le secteur s’est beaucoup féminisé. Ce n’est plus pareil par rapport à quand je démarrais. Les conseils qu’on pourrait donner aujourd’hui ne sont même plus d’actualité selon moi, parce que les entreprises ont de plus en plus conscience de la capacité des femmes à leader et à diriger. A mon époque, évoluer dans le secteur bancaire demandais de serrer les dents et d’avoir une carapace bien épaisse pour encaisser les coups bas. Les nouvelles générations n’acceptent plus ces choses-là, et l’environnement même a changé. Le secteur est hyper challengé par les acteurs de la fintech.

Certains acteurs de la fintech pèsent déjà plus que les banques traditionnelles en Afrique. Les banques ont donc intérêt à être plus compétitives et à créer un cadre de travail sain pour garder les talents de cette jeune génération qui n’accepte plus l’oppression, la brimade, ou la frustration

C’est vrai, le sexisme existe toujours, mais les hommes sont de plus conscients qu’il ne va plus être possible de fonctionner comme ça. Ils peuvent être exposés. La période est excitante pour les jeunes femmes, parce qu’il y’a des situations qu’elles n’auront plus à subir, notamment grâce aux réseaux sociaux et aux diverses initiatives qui existent pour dénoncer.

Comment est-ce qu’après 17 ans de banque on se retrouve à devenir entrepreneure et accompagnatrice de start-up ?

Un peu hasard en réalité. Il a fallu une certaine configuration dans mon environnement professionnel pour en arriver là. Une institution financière m’avait demandé de mettre en place un projet pour accompagner les startups. Avec l’équipe, on s’était dit qu’on n’avait pas l’expertise pour ça parce que ce n’était pas notre cœur de métier. Pourtant, de fil en aiguille, on a relevé le challenge. Et cela m’a permis de découvrir un univers qui m’était totalement inconnu. Je vous l’ai dit, j’ai toujours eu une fibre créative. Quand je travaillais en banque, l’une de mes activités annexe était l’organisation des éditions du concours de Miss Elite Model Look dans 11 pays africains. Ce que j’appréciais particulièrement dans cette activité, c’était le sourcing des talents, la recherche de partenariats, et toute l’organisation en amont. Je me suis rendu compte que c’était la même approche qu’il fallait développer pour les startups : identifier celles qui avaient du potentiel et mettre en place toute une feuille de route pour les accompagner. J’ai donc puisé dans mon expérience avec Elite Model Look pour mettre en place un incubateur corporate à Dakar et à Abidjan pour cette institution financière. Mon côté créatif avait repris le dessus sans que je ne m’en rendre compte. Pour la mise en place des locaux de l’incubateur, nous faisions des moodboard Pinterest par exemple. Le genre de réflexe qu’un banquier n’aura jamais. (Rires). Cette expérience a été pour moi le point de départ d’une réflexion entrepreneuriale. Le fait de sortir de l’activité traditionnelle de banque, et donc de ma zone de confort a été révélateur. Je me suis dit qu’il était peut-être temps de façonner un projet qui me tenait à cœur.

Avez-vous bénéficié de mentor dans la création de votre entreprise ?

Pour la petite histoire, la première personne à qui je présente Kinaya, c’est Tidjane Deme, un des co-gérants du fonds d’investissement Partech Africa. Et c’est sous son aide et ses recommandations extrêmement bienveillantes que je mets Kinaya sur les rails. A ce moment-là, j’étais encore salariée. Par la suite, mon employeur est contacté par Nestlé pour organiser un corporate innovation bootcamp. Encore une fois, c’est Tidjane Deme, à travers son réseau, qui me permet de trouver le partenaire avec qui nous allions monter le bootcamp. Tidjane est une personne à la fois bienveillante et franche, qui saura toujours dire sans détour ce qui va et ce qui ne va pas. Et dans le monde dans lequel on vit, ça a de la valeur d’avoir ce genre de personne à ses côtés. Kinaya Ventures et Partech Africa sont des partenaires de la première heure.

Il y’a quelques années, vous mettiez fièrement en avant le côté très féminin de l’entreprise….

C’est vrai que dès le début, nous avions travaillé sur un programme d’accélération autour des startups féminines. Mais très vite, nous avons voulu avoir une approche subtile. Au lieu de communiquer massivement sur le fait d’être un accélérateur féminin, nous nous sommes positionnées sur des verticales thématiques où on savait d’entrée de jeu qu’il y’avait une majorité de femmes : beauté, marketing, mode, hôtellerie, etc. Aujourd’hui, nous avons élargie la cible, mais 40% des startups de notre écosystème sont leadés par des femmes.

Kinaya Ventures accompagne donc des startups. A quel stade de leur développement ? Est-ce uniquement sur le financement ?

Nous apportons un accompagnement multiforme, au-delà de l’aspect financier. Nous intervenons sur la structuration de leur croissance, la préparation à l’investissement, le réseau, les besoins opérationnels également, en les mettant en relation avec des experts sur des domaines divers : juridique, marketing relationnel, branding, RH, etc. Tous ces aspects sont importants quand on veut lancer une entreprise et qu’on veut se positionner solidement dans son écosystème, or les startups n’ont pas souvent les moyens de couvrir ces besoins. Nous les y aidons.

Par ailleurs, nous croyons beaucoup aux collaborations entre startups et grands groupes. Et cela est emblématique de notre modèle aujourd’hui

Les grands groupes peuvent être des clients de ces startups, ou alors fournisseurs de solutions. Ils deviennent des partenaires stratégiques pour accélérer leur croissance. Par exemple, une startup que nous avons accompagnée dans la foodtech a pu bénéficier d’une base de données de plus de 2000 restaurants à Abidjan, de la part d’une de nos entreprises partenaires. Ce qui leur a permis de gagner considérablement du temps. S’il avait fallu démarcher ces restaurants en one to one, ils n’en seraient même pas au quart. Chaque grand groupe ou entreprise intervient dans un domaine précis : avec Partech, nous préparons les startups à l’investissement ; avec Meta, nous les accompagnons sur le marketing digital et le social commerce ; avec Stanford University, nous allons déployer pour la première fois en Afrique subsaharienne, le curriculum d’accompagnement de startups conçu par les professeurs de l’Université. On a conçu Kinaya dès le départ comme une plateforme, en nous appuyant sur un écosystème puissant d’experts dans des domaines variés, afin d’apporter le meilleur service aux entrepreneurs. Nos partenariats avec les grands groupes nous ont aussi permis de travailler dans une quinzaine de pays africains, parce qu’il fallait y déployer les activités et les opérations. En réalité, nous ne sommes présents physiquement et juridiquement au Sénégal et en Côte d’Ivoire, avec une représentation au Cameroun et au Gabon.

Que faites-vous concrètement avec Meta (ancien Facebook) ?

Au-delà de l’accompagnement classique des startups, nous avons accompagné plus de 30 000 PME à travers notre partenariat avec Meta, avec qui nous construisons des formations gratuites pour booster la productivité de ces PME grâce au digital. Le programme Boost With Facebook, qui deviendra bientôt Metaboost accompagne les entrepreneurs dans la maitrise des outils de marketing & communication digitale et de social commerce. C’est également l’occasion de créer des ponts avec d’autres grandes multinationales. Par exemple, notre dernière activation Boost With Facebook était en partenariat avec MTN Cameroun qui a aussi un programme d’accompagnement dédié aux entrepreneurs. Je reviens sur cette notion de penser Kinaya Ventures en plateforme, ce qui permet de telles collaborations, et qui apporte énormément de valeur aux startups. Le fait de travailler avec Meta spécifiquement sur le sujet du marketing digital nous donne des informations précieuses sur ce qui se passe sur le continent en termes de digitalisation des entreprises. Quels sont leurs besoins, leurs blocages, leur priorité dans le digital, etc. On se donne pour mission d’autonomiser aux maximum les startups grâce à nos outils.

Comment bénéficier de l’accompagnement de Kinaya Ventures ?

Il y’a trois possibilités. Premièrement, vous manifestez votre intérêt lors d’un appel à candidature que nous faisons pour le compte d’un de nos partenaires. L’appel à candidature peut également se faire dans le cadre d’un projet que nous montons en collaboration avec plusieurs partenaires. La seconde option, nécessite que votre entreprise nous ait tapé dans l’œil. En effet, une partie de notre métier consiste à screener l’écosystème et à discuter avec les entrepreneurs pour identifier des pépites. Dès qu’on en a identifié une, on l’approche. Nous fonctionnons aussi beaucoup à la recommandation, notamment en provenance de nos partenaires qui observent l’écosystème comme nous. Cette manière de fonctionner correspond au modèle vers lequel nous sommes progressivement en train de nous diriger. Un modèle de venture capital classique finalement, où nous allons co-construire les startups, là où aujourd’hui nous les accompagnons simplement. La troisième option est plus accessible. Ce sont nos 350 formations en ligne gratuites en collaboration avec Meta, dont n’importe quelle jeune entreprise peut bénéficier.

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