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INSPIR’ASSOCIATION
SOURIRES DE FEMMES
Par Marie Simone NGANE SOUA
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Selon les Nations Unies, 30% des femmes de plus de 15 ans ont subi au moins une fois des violences de la part d’un homme. Au Cameroun, l’association de lutte contre les violences faites aux femmes (ALVF) annonce en 2020 que 6 femmes sur 10 sont victimes de violences et 39% n’ont jamais parlé à personne de la violence qu’elles subissent ou qu’elles ont vécue. Sur le site du Ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille, on peut lire que 31% des hommes reconnaissent avoir déjà exercé des violences sur des femmes. Un journal titre « un homme coupe le pied à sa femme pour lui avoir refusé un morceau de viande », un autre, « Une femme brûlée vive par le père de ses enfants qu’elle tentait de quitter ». Les faits divers se succèdent et se ressemblent au point de ne plus émouvoir personne. Redonner le sourire aux victimes de violence, c’est la mission que se sont fixés les membres de l’Association Sourire de Femmes (ASDF). Créée en 2018, elle est constituée de survivantes qui ont voulu s’affranchir des barrières de la société et communiquer leur courage à d’autres femmes. Basée dans la région du Centre, l’ASDF descend dans les quartiers chaque semaine, pour sensibiliser les jeunes filles. Ce sont des femmes qui ne peuvent parfois pas parler à leurs proches et qui vivent leurs souffrances dans le silence. L’association les accompagne et les encourage à les rejoindre. Elles ont le droit de se dévoiler ou non mais elles bénéficient d’un espace de sécurité où elles peuvent s’exprimer auprès de femmes qui comprennent car, ayant vécu des épisodes similaires.
Où sont les hommes ?
Nous avons un seul homme dans l’association. Il se fait souvent charrier par ses pairs qui pensent qu’il deviendra efféminé à force d’être avec des femmes » nous explique Viviane Tathi, coordinatrice exécutive de l’association. Le He for She, on en est encore loin. Ils sont nombreux à penser que « L’homme, c’est l’homme
et que ses décisions ne doivent pas être discutées. Mais les mentalités changent…. De plus en plus d’hommes se rallient à la cause pour leurs filles, leurs mères, leurs sœurs. La société camerounaise est essentiellement patriarcale et le rôle des hommes est primordial pour faire entendre les voix des victimes. Pour faire avancer le combat, il faut non seulement faire un plaidoyer et du lobbying auprès des institutions, mais aussi auprès des chefs de communauté. Ils diffusent alors le message et le respect que la communauté a pour eux, apporte du crédit à la cause. Les jeunes garçons sont exposés de plus en plus tôt à la pornographie. La valeur de la femme est dégradée à leurs yeux. Les violences sont souvent répétées par ceux qui les ont vécues ou qui ont vu leurs proches les vivre.
Libérer la parole
L’association Sourires de Femmes veut briser le cycle de la violence. Les victimes ont peur de parler de peur d’être stigmatisées. « Une maman de victime de l’association a dû déménager pour retrouver sa paix, car elle était harcelée pour avoir dénoncé le violeur de sa fille » explique peinée, Viviane. Le système ne protège pas les femmes qui parlent. Elles sont pointées du doigt.
La faiblesse du système judiciaire en décourage plus d’une. Lorsqu’elles réussissent à faire fi des questions déplacées au commissariat, elles doivent attendre jusqu’à quatre ans parfois pour être entendues par un juge
…Déplore l’association. ADSF milite pour des actions fortes de l’Etat envers les survivantes pour qu’elles sachent qu’elles sont entendues. Des procédures accélérées ou des campagnes d’éducation pour la réception des victimes dans les postes de police seraient un premier rempart de protection.
Reconstruire
En attendant, Viviane et toute l’équipe accompagnent les jeunes femmes pour qu’elles réapprennent leur valeur.
Nous promouvons la sororité dans un monde où on nous apprend que les femmes sont en rivalité
explique-t-elle. Les jeunes membres de l’association apprennent leurs droits durant des ateliers. L’association leur apprend à prendre la parole en public. Un club des filles leaders a été créé. Il accueille des filles entre 14 et 20 ans. La dernière réunion en date a eu lieu à Ayos où les jeunes filles ont répété en chœur que les premières violences auxquelles elles font face viennent des hommes dont elles ont refusé les avances. Dans ce club, on parle des violences, mais pas seulement. On apprend aussi des choses utiles : fabriquer du savon par exemple, pour avoir une activité et gagner en autonomie. L’association offre des consultations psychologiques et se déplacent dans les villes reculées de la région pour sensibiliser les parents sur l’éducation des jeunes filles. A l’heure où le monde scande #MeToo, l’Afrique crie #nonauchatnoir, #nafijeex, #justicepourlouise, #justicepourfatima… Avec les réseaux sociaux, les voix sont de plus en plus entendues mais sont-elles écoutées ? La pauvreté est un facteur aggravant de survenance de violence. Dans des pays à faible développement où le patriarcat règne en maître, le chemin est long pour les victimes mais pas impossible. Les sourires des femmes de ADSF en témoignent.