10 minute read

COUP DE COEUR

Next Article
LES PENSÉES DE

LES PENSÉES DE

SARAH HAMAN

BRAND MANAGER PREMIUM BRANDS PERNOD RICARD WEST AFRICA

Advertisement

« MON TRAVAIL REPRESENTE 10% DE MON ÉPANOUISSEMENT PERSONNEL »

Interview réalisée par Joan YOMBO

Authentique et cash, Sarah Haman est une personne solaire. On pourrait lui parler des heures. Cette jeune femme d’une trentaine d’années est experte dans le développement des marques premium sur les marchés émergents, notamment dans le domaine des cosmétiques et des spiritueux. J’ai beaucoup aimé son discours très détaché du besoin de reconnaissance sociale, et très axé sur l’épanouissement personnel. Notion qu’on a tendance à mettre de côté quand on est la poursuite de sa carrière. Pour Sarah Haman, la performance professionnelle doit être au service de la quête de soi, et il est possible d’atteindre le plein épanouissement dans tous les aspects de sa vie, sous certaines conditions …

De quoi êtes-vous le plus fière dans votre parcours ?

Le fait qu’il soit typiquement africain. Je n’ai pas fait HEC, Laval, ni aucune de ces grandes écoles étrangères. Je suis un pur produit de l’ESSTIC à Yaoundé, au Cameroun (Ecole Supérieure des Sciences et Techniques de l’information et de la Communication, ndlr). Je me suis retrouvée dans le journalisme par défi. Mon père m’a défié en me disant que si je passais le concours, il m’achèterait une voiture. J’ai passé le concours haut la main, en étant major du concours. Plus tard, j’ai été major de ma promotion et j’ai fini par beaucoup aimer ce que je faisais à l’ESSTICC, alors qu’au départ, j’envisageais plutôt des études en Sciences Politiques à L’IRIC, toujours à Yaoundé (Institut des Relations Internationales, ndlr). Il y’a aussi peut-être un peu d’héritage dans tout ça, parce que mon père est un éminent journaliste. (Il s’agit de Monsieur HAMAN MANA, Directeur du quotidien camerounais Le Jour, ndlr).

Comment on passe du journalisme au marketing ?

J’ai commencé ma carrière en rédigeant des news et des chroniques, mais je sentais que quelque chose me manquait. Alors par hasard, je suis tombée sur une opportunité aux brasseries, où j’ai pris en charge les relations média de l’entreprise, ce qui m’amenait entre autres, à manager des journalistes. Je trouvais déjà ça plus épanouissant. Mais au fil du temps, ce sentiment est revenu : il me manquait quelque chose... Dans le cadre de mon métier, j’étais souvent amenée à me rendre dans les bureaux de l’agence Média Plus. J’étais fascinée par leur manière de mettre en avant les marques, les produits. Ça sera mon premier contact avec le marketing, aux côtés de son Directeur Général, Mr Georges DOOH COLLINS, qui deviendra mon premier mentor, celui qui m’a mis le pied à l’étrier.

Et ensuite vous vous retrouvez au Nigéria pour apprendre le marketing…

Oui. J’ai tellement aimé cette énergie transmise notamment par mon premier mentor, que je décide de me former, d’en apprendre plus. Je m’envole pour le Nigéria et intègre la Lagos Business School pour un MBA en Marketing. Quelques mois après ma rentrée, une seconde opportunité se présente à moi. L’Oréal a besoin d’une brand manager pour un remplacement de congés maternité. Je saisis l’occasion, je suis prise et me retrouve donc avec un job de brand manager dans l’une des entreprises de cosmétiques les plus prestigieuses au Nigéria, et un MBA à finaliser. J’avais en charge notamment la marque Maybelline New York. C’est là que je rencontre mon second mentor, Mr Sekou Coulibaly, DG de l’Oréal Nigéria à l’époque. Il me donne toutes les clés pour réussir dans ce nouveau métier. Quelques années plus tard je suis débauchée par Moet. Ensuite, par Pernod Ricard. Et l’aventure continue …

Je dirais que j’ai eu la chance d’avoir été formée par 2 monstres sacrés du marketing en Afrique, en plus de mon apprentissage théorique à l’école, avec qui j’ai su me lier d’amitié au-delà de la sphère professionnelle

J’ai aussi la chance d’être naturellement curieuse de tout. J’apprends vite et j’ai une forte capacité d’absorber l’information. J’ai également la chance d’avoir l’esprit très ouvert. Je me ravie du peu. Je n’ai jamais prié pour travailler spécifiquement pour les marques pour lesquelles j’ai travaillé. Avant d’intégrer L’Oréal, je ne m’étais jamais maquillée. Je me rappelle que mon premier maquillage, je l’ai fait dans le cadre professionnel. (Rires) Non ma prière a toujours été de réaliser de grandes et belles choses, de réussir professionnellement et de m’épanouir, et accessoirement d’inspirer les autres grâce à ce parcours. Je n’ai pas calculé les choses, je me suis focalisée sur mon ressenti en me dirigeant toujours vers là où je pensais que j’allais m’épanouir. C’est pour cette raison que je n’ai aucun mal à partir et à laisser un emploi, si je ne m’y sens plus épanouie.

C’est quoi un brand manager et qu’est-ce qu’il faut avoir comme qualité pour être bon dans ce métier ?

Quand on me pose cette question, je réponds toujours ceci. Un brand manager, c’est comme une maman qui a des bébés. Les marques sont vos bébés. C’est la meilleure analogie qu’on puisse trouver. Les bébés grandissent et ont plusieurs cycles dans leurs vies. Certaines marques sont encore à la naissance, d’autres sont déjà en pleine maturité, et d’autres sont en milieu de parcours. Votre travail est de développer ces marques à leur potentiel plein, en fonction du stade où elles se trouvent au moment où vous en prenez la responsabilité, et en fonction des objectifs qu’elles se donnent. C’est comme si on vous confie un enfant qui a 14 ans et on vous dit qu’à 16 ans on veut qu’il soit un footballeur professionnel. Vous allez donc devoir mettre en place un plan d’action pour atteindre cet objectif, prendre les décisions adéquates : trouver un coach, trouver un club, trouver les tenues, etc. Ce qui est intéressant dans ce métier c’est qu’il est à la fois stratégie et exécution. Celui qui est en dessous du brand manager ne pense pas la marque. Il est dans la pure exécution. Celui qui est au-dessus du brand manager ne vit pas la marque, il n’est que dans la stratégie. La première qualité pour réussir dans ce métier c’est dans d’avoir un grand sens de la responsabilité. Je l’ai dit, la marque c’est comme votre enfant, vous devez en prendre soin, en être jaloux et vous souciez vraiment d’elle. Ensuite, il faut avoir d’excellentes bases en marketing. C’est assez incontournable. Ayez une formation solide en marketing. Il faut être très cultivé et curieux : savoir ce qui se passe sur votre marché et les autres, ce que les concurrents font, faire énormément de veille. Il faut être très structuré, surtout quand vous gérez plusieurs marques. Il vous faut être très organisé pour ne pas tout mélanger. Savoir documenter, classer, analyser, expliquer, évaluer la marque. Et pour finir, il faut s’amuser. Et pour y arriver, il faut être brand manager pour une marque qui vous passionne. C’est plus simple pour s’approprier une marque.

Des différences entre le Nigéria, le Ghana et le Cameroun sur le marché de spiritueux ?

Oui, il y’a pas mal de nuances, malgré le fait que les pays sont très proches et partagent des frontières similaires. Si on observe ce qui se passe dans le monde de la nuit par exemple, les différences sont déjà présentes. Les Nigérians sont « show off ». Ils aiment montrer ce qu’ils ont. S’ils arrivent en boîte de nuit, ils achètent plein de bouteilles de champagne. Il faut montrer qu’on a beaucoup d’argent et aligner les bouteilles sur la table. Les femmes, elles, boivent du champagne, pas de whisky ou autre alcool fort. Au Ghana, c’est la discrétion qui prime. Une personne qui affiche son opulence en alignant des bouteilles est très mal vue. Les filles ne boivent que des cocktails. Si vous êtes un groupe de filles avec plein de bouteilles sur une table, vous donnez l’impression d’être des ivrognes. Les hommes sortent entre eux, les filles entre elles. Au Cameroun, c’est encore différent. Les femmes peuvent boire du whisky, des alcools forts, les hommes et les femmes peuvent sortir en groupe mixte.

Comment on fait pour prendre des décisions marketing éclairées sur des marchés où il y’a très peu d’études sur les consommateurs ?

Il y’a beaucoup de test & learn à faire, surtout la première fois qu’on arrive sur un marché. Les anglo-saxons disent qu’il faut « try an error », littéralement « essayer une erreur ». Brand manager, c’est un métier d’intuition, surtout en Afrique. Il faut descendre sur le terrain, observer les gens au quotidien, dans leurs habitudes de consommation. A un moment, c’est l’expérience qui va jouer. D’où l’importance d’être une entreprise qui laisse la place à l’apprentissage, la recherche, l’observation. Au final, c’est un mélange d’expérience, de données d’autres pays, d’intuition. Prendre la bonne décision c’est important, mais c’est encore plus important d’être flexible et agile. D’avoir une excellente capacité à réagir, de savoir analyser ses actions et évaluer où on s’est trompé et pourquoi.

Comment on fait pour prendre des décisions marketing éclairées sur des marchés où il y’a très peu d’études sur les consommateurs ?

Il y’a beaucoup de test & learn à faire, surtout la première fois qu’on arrive sur un marché. Les anglo-saxons disent qu’il faut « try an error », littéralement « essayer une erreur ». Brand manager, c’est un métier d’intuition, surtout en Afrique. Il faut descendre sur le terrain, observer les gens au quotidien, dans leurs habitudes de consommation. A un moment, c’est l’expérience qui va jouer. D’où l’importance d’être une entreprise qui laisse la place à l’apprentissage, la recherche, l’observation. Au final, c’est un mélange d’expérience, de données d’autres pays, d’intuition. Prendre la bonne décision c’est important, mais c’est encore plus important d’être flexible et agile. D’avoir une excellente capacité à réagir, de savoir analyser ses actions et évaluer où on s’est trompé et pourquoi.

Vous nous avez dit que votre travail représente à peine 10% de votre épanouissement. Qu’est-ce qui vous épanoui au quotidien ?

Premièrement mon fils, qui est ma plus belle réalisation et ma plus grosse fierté. Je l’ai eu par fécondation in vitro, et je l’éduque seule. Éduquer un enfant vous montre qui vous êtes réellement. Ensuite ma famille. J’ai la chance d’être dans ces rares familles ou il n’y a presque jamais de clash. On se soutient, on s’adore. Puis il y’a mes amis, et toutes les belles rencontres que j’ai pu faire dans ma vie. Le fait de passer du bon temps ensemble, de se retrouver, de se célébrer, ça n’a pas de prix. Et je termine par le plus important, ma foi en Dieu, qui m’épanouie complètement et m’apporte la sérénité et la paix dont j’ai besoin dans ce monde où tout est incertain. Finalement je suis une personne simple qui aime les voyages, les célébrations, les moments passés ensemble, le champagne, les beaux sacs, la vie quoi …

Votre dernier conseil pour une vie et une carrière épanouie ?

Ça ne se sert à rien de se battre pour des choses qui ne vous remplissent pas de joie. La quête de soi doit être une quête permanente. L’argent c’est important, mais il faut toujours se demander jusqu’où et savoir se fixer des limites qu’on ne peut pas franchir même pour tout l’argent du monde. Pour arriver à le faire, la confiance en soi est clé. J’ai eu la chance d’avoir un père qui m’a appris très jeune à me faire confiance, à faire confiance à mes choix, même quand je me trompe. A apprendre à être bienveillante envers moi-même, à m’écouter, à me faire plaisir. Les gens pensent que le bonheur est inatteignable. Moi je pense que c’est une succession de choix, et qu’au final c’est le parcours qui rend heureux, pas la destination finale. Je suis de celles qui pensent qu’on peut tout avoir à condition d’accepter qu’on n’aura pas tout en même temps, et surtout d’accepter les saisons de la vie, les hauts et les bas.

This article is from: