INSPIRE Inspir’ Interview:
YETUNDE ODUGBESAN
Inspir’ Politic’ : HIRAM S. IYODI 4 Questions A: Inspir’ Start-Up :
VERONE MANKOU
GHUBAR Inspir’ Association : LAWA FOCULTURE : Enterrer en Beauté INSPIRE AFRIKA – FEVRIER 2012
SOMMAIRE
Page 3 EDITO Page 4 INSPIR’ ASSOCIATION: L.A.W.A Page 6 INSPIR’INTERVIEW: Yetunde Odugbesan
Page 12 Foculture: Burried In Style Page 14 INSPIR’POLITIC’: Hiram Samuel Iyodi Page 20 INSPIR’START-UP: GHUBAR
Page 22 4 QUESTIONS TO: Verone Mankou Page 25 L’AVENIR EST BEAU: Il est temps pour l’Afrique
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EDITORIAL Oser Entreprendre « La jeunesse, fer de lance de la nation ». Cette assertion souligne bien l’importance de la jeunesse dans la dynamique d’un pays. De la même manière que la lance est l’arme privilégiée du chasseur, les jeunes se doivent d’être les principaux vecteurs d’évolution et de développement dans leur pays. Or, l’un des moyens les plus efficaces pour arriver à ce résultat est d’agir sur le terrain, ou du moins, s’intéresser à ce qui s’y passe. Selon l’Unesco, 62,86% des étudiants africains en mobilité en 2009 ont pour destinations privilégiées l’Europe et les USA. Dans cette perspective, savoir que tous les ans l’Afrique perd la majorité de ses cerveaux au profit de continents plus évolués peut se révéler inquiétant sur le long terme. Inspire Afrika zoome sur tous les jeunes africains (issus ou non de la diaspora), qui OSENT. Oser innover, oser investir, oser s’AFFIRMER. Nous sommes en plein dans l’ère de la contestation, alors la tendance est à présent à la remise en question d’ ordres établis. Par conséquent nous avons l’intime conviction que le devenir de l’Afrique passera forcément par la mise en avant de l’entreprenariat. A défaut de chercher des solutions ailleurs, nous pouvons les créer nous mêmes. Certains, à l’instar d’Hiram Iyodi Samuel (p.14) l’ont déjà compris. Ainsi c’est dans l’optique d’encourager et d’informer tous ceux qui hésitent encore à franchir le pas que nous avons créé ce magazine. Dans cette première édition, vous retrouverez les leaders d’aujourd’hui et de demain dans divers domaines. De la mode avec Sarah Diouf (p.20), aux innovations technologiques, (voir Verone Mankou, p.22), tous ont décidé d’oser inspirer les autres. Tous voient en l’Afrique le FUTUR. Voilà ce que nous défendons ici : Une nouvelle vision, de nouveaux projets, une Afrique nouvelle! Bonne lecture.
Joan Y.
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INSPIR’ ASSOCIATION
L.A.W.A. «Le moment est venu de se lever et de construire nos pays» Face
au manque d’actions des institutions gouvernementales destinées à encourager le développement durable, de nombreuses organisations à but non lucratif naissent tous les jours en Afrique. Bien décidées à contribuer au changement social et économique du continent, elles s’attellent aussi à prendre en compte les problématiques environnementales d’aujourd’hui. Souvent créées par des jeunes dynamiques et ambitieux, ces organisations contribuent à l’évolution de secteurs tels que l’éducation, l’agriculture, la santé ou encore l’entreprenariat. C’est dans ce contexte qu’est née l’association Light and Water for Africa (L.A.W.A). Fondée en Octobre 2009 par Privat Ndoutoume et Samuel Bito, L.A.W.A fait partie de ces structures qui œuvrent pour l’émergence du continent, avec pour mot d’ordre « l’action sur le terrain ». Durant l’année scolaire 2009-2010, l’association a mis en place un programme de soutien scolaire pour les élèves de la classe de 3ème du lycée Tokoin au Togo. Ce programme avait pour but d’aider les élèves dans la préparation de leur brevet d’études du premier cycle. L’opération fut un succès puisque 100% des élèves inscrits ont obtenus leur diplôme. Les membres de l’association mettent un point d’honneur à intervenir dans le plus de pays africains possible. Ainsi, après le Togo en 2009, l’association a pu effectuer en 2011 des dons de matériels médicaux au Mali et au Bénin. INSPIRE AFRIKA - FEVRIER 2012
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INSPIR’ ASSOCIATION Consciente que l’union fait la force, L.A.W.A. travaille aussi en tandem avec des structures telles que George Malaika Association, dont le but est de s’occuper de jeunes orphelins congolais. C’est ainsi que les membres de L.A.W.A. ont fait la connaissance d’Angèle, une jeune orpheline du Congo, à qui ils offrent leur aide afin qu’elle puisse grandir dans un environnement stable. Comme le souligne M. Bito, président de l’association, « un membre de L.A.W.A. est une personne active qui ne se limite pas qu’à donner une cotisation financière, mais une personne qui est également disposée à donner de son temps et à participer au suivi des projets au fur et à mesure de leur avancée ». La singularité de cette organisation ne s’arrête toutefois pas à cette démarche «participative». Quand certaines associations fonctionnent exclusivement grâce aux dons externes, L.A.W.A. compte en grande partie sur la générosité de ses membres. C’est comme ça que depuis 2009, Gladys Moth, Karl Lawson, Anne-Gaelle, Patrick Dima, Didier Tésé, et Franck Elias contribuent à la mise en place et au financement des projets de l’association. Cependant, les dons et les bénévoles sont les bienvenus lorsqu’il s’agit de projets bien précis, tel que l’opération « paquet cadeau » organisée en novembre 2011. L.A.W.A. voit l’avenir en grand. En 2012, l’association continuera d’apporter son aide aux élèves de 3ème du lycée Tokoin et à la petite Angèle au Congo. De nouveaux projets seront mis en place, notamment un programme d’éducation numérique, et l’installation de matériel informatique pour permettre la formation des habitants du village de Mékhé au Sénégal. Karl N. C.E.N
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INSPIR’INTERVIEW
Yetunde A. Odugbesan and her empowerment gift Ma première rencontre avec Yetunde Odugbesan se déroule lors du 10ème anniversaire du magazine Applause Africa à New York. Récompensée comme faisant partie des « 30 africains les plus performants de New York », elle donnait un speech de remerciement devant une centaine de personnes réunies pour célébrer l’une des multiples manifestations du phénomène d’ « Africa Rising ». Au-delà de sa beauté et de son charisme naturel, Yetunde impressionne par ses talents d’oratrice. Elle a su, mieux que ses prédécesseurs, capter l’attention de l’audience : sa passion pour l’Afrique transpirait indubitablement de son discours. Yetunde fait partie de ces personnes qui n’ont pas besoin de trop en faire pour attirer l’attention. Née aux EtatsUnis d’Amérique, Yetunde a gravi les échelons en mettant en avant son esprit d’entreprise et son amour pour le continent africain. Au delà du fait qu’elle était prédisposée à devenir un leader, l’expérience acquise lui a permis de faire de l’entreprenariat son cheval de bataille. .
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INSPIR’INTERVIEW Inspire Afrika : Vous avez un parcours académique très impressionnant avec des diplômes dans différentes filières. Quand avez-vous décidé de vous concentrer sur la communication et le leadership ? Yetunde Odugbesan: Mon parcours scolaire reflète mes centres d’intérêt, particulièrement axés sur les Affaires Internationales, le développement et le leadership. Je suis candidate au Doctorat de la division des Affaires Internationales à l’université de Rutgers. J’ai également participé au programme dédié aux professionnels de l’entreprise, du Commerce et des Affaires Internationales organisé par les Nations Unies. De plus, j’ai un certificat professionnel de l’Institut politique d’Eagleton en Politique Appliquée. En plus de tout cela, j’ai un master en Affaires Internationales avec une spécialité en Droit international de l’université de Rutgers. J’ai obtenu un Bachelor en Journalisme et Media avec une mineure en Leadership et Etudes Africaines, toujours à l’université de Rutgers. J’ai toujours été intéressée par le leadership et la compréhension de l’importance de son développement. IA : Vous êtes la créatrice du programme « Putting Your Best Self Forward ».De quoi s’agit-il ? Yetunde: Putting Your Best Self Forward a été créé dans le but de rendre les gens autonomes. Il est particulièrement destiné aux jeunes, afin qu’ils deviennent des leaders et qu’ils puissent mener une existence basée sur des objectifs, le service public et le pouvoir d’accomplir tous leurs projets. C’est aussi un forum en ligne où je partage des astuces, des outils et des conseils qui permettront aux jeunes de gérer au mieux leur vie. IA : Vous êtes également la créatrice de Yetunde Global Consulting. Pouvez-vous nous présenter votre compagnie ? Yetunde: Yetunde Global Consulting est une compagnie de management spécialisée dans le développement du leadership et le conseil en stratégie pour les entreprises, les sociétés, les associations et les professionnels en général. Il s’agit avant tout d’une approche pratique du leadership, à travers la mise à place d’actions précises et l’évaluation des résultats générés par ces actions. Nous développons aussi les compétences du leadership des jeunes cadres et entrepreneurs. A Yetunde Global Consulting, notre vision est de pousser toujours plus haut la barre de l’excellence. Les entrepreneurs, leaders, et professionnels avisés connaissent l’importance du développement du leadership. Notre service de coaching et de conseil spécial représente un investissement sûr afin de pouvoir initier aujourd’hui des changements qui permettront de réaliser de grands projets demain. Nos programmes sont construits pour les leaders et les compagnies qui sont ambitieux et qui voient les choses en grand. Les ateliers et les séminaires offrent une approche unique en matière de développement du leadership.
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INSPIR’INTERVIEW IA : Quelle est l’action la plus importante entreprise par Yetunde Global Consulting durant l’année écoulée ? Yetunde: Nous avons travaillé avec le service « carrière » de l’université Rutgers en organisant des ateliers et des séminaires de développement de leadership et en aidant les étudiants à concevoir leur CV. Nous avons aussi participé au Forum Diplomatique Africain et du développement de la femme, organisé par l’université de Columbia. Nous sommes également partis au Nigéria dans le but d’organiser des séminaires sur le leadership et son usage à l’université d’ Ibadan. IA : Quels sont vos objectifs pour cette nouvelle année ? Yetunde: Pour cette nouvelle année je souhaiterais pouvoir fidéliser une plus grande clientèle et aider certaines associations humanitaires. Je fais partie du conseil d’administration de plusieurs organisations à but non lucratif et j’attends avec impatience de pouvoir leur faire profiter de mon expertise tout en promouvant leur cause à l’international. Nous avons beaucoup de choses à faire en 2012. IA : Pourquoi est-ce si important pour un entrepreneur d’avoir à sa portée un consultant en leadership et communication ? Yetunde: Les gens ont besoin de savoir si ils disposent autour d’eux de personnes capables de guider les autres. Il est important d’avoir des talents de leader et de les améliorer au fil du temps. Vos collaborateurs voudront aussi savoir si vous êtes oui ou non un bon orateur : êtes-vous capable de représenter votre entreprise de façon efficace ? Savez-vous articuler quand vous vous exprimez ? Avez-vous de la prestance ? Telles sont les qualités qui, lorsqu’elles ne sont pas développées, peuvent se transformer en défauts et vous empêcher de saisir des opportunités importantes. Voilà pourquoi Yetunde Global Consulting existe : le but est d’aider les professionnels à exceller non seulement au cours de leurs présentations, de leurs séminaires mais aussi dans leurs prises de décisions. IA : Vous êtes née et avez grandi aux Etats-Unis. Cependant, vous êtes restée très attachée à votre pays d’origine le Nigéria. Vous êtes-vous toujours sentie chez vous ou parfois vous vous sentiez déconnectée ? Yetunde: Je me suis toujours sentie chez moi au Nigéria. J’aime mon pays et je suis fière d’être Nigériane. Je pense que nous avons un énorme potentiel. En ce moment le Nigéria est en phase d’essai, et je pense que le gouvernement a besoin de se concentrer sur le développement des services sociaux, la baisse des inégalités salariales, et s’assurer que tous les diplômés ont du travail et des opportunités à saisir. Cela doit être notre priorité à la place de l’argent, du contrôle et du pouvoir.
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INSPIR’INTERVIEW
IA : Que pensez-vous de la situation économique du Nigéria ? Yetunde: La situation économique du Nigéria à proprement parler n’est pas bonne, même si les rapports économiques mondiaux disent le contraire. Vous savez, la richesse du Nigéria vient de la production et de l’exploitation des ressources naturelles tels que le pétrole, l’étain, le minerai de fer, le charbon, le calcaire, le plomb, les terres arables, pour n’en citer que quelques-unes. Nous sommes le 5ème producteur mondial de pétrole et un fournisseur de choix en sucre brute. Le Nigéria est considéré comme faisant partie des onze1 selon Goldman Sachs et comme ayant un fort potentiel qui lui permettra, avec le BRICS2 de devenir l’une des économies les plus prospères du 21ème siècle. Malheureusement, toutes ces richesses ne sont pas redistribuées de façon égale aux 150 millions de nigérians.
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Selon Goldman Sachs les 11 pays ayant le potentiel d’avoir une prospérité économique constante au 21ème siècle. Dans cette liste figure : le Bangladesh, l’Egypte, l’Indonésie, l’Iran, le Mexique, le Nigéria, le Pakistan, les Philippines, la Corée du Sud, la Turquie et le Vietnam 2 Acronyme des nouveaux pays industrialisés : Brésil, Russie, Italie, Cuba et Afrique du Sud
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INSPIR’INTERVIEW IA : Que pensez-vous de la corruption ? Yetunde: La corruption est mon sujet de thèse, dû au fait que j’y porte un intérêt particulier. C’est un problème économique majeur dans le monde qui crée des disparités économiques, sociales et humaines. Au Nigéria par exemple, la présence de la corruption à tous les niveaux du gouvernement affecte chaque aspect de la vie des citoyens. Elle affecte l’éducation, l’assurance sociale, les services sociaux et plusieurs autres secteurs. La corruption est la racine de tous les problèmes au Nigéria et le problème le plus complexe en ce moment. IA : Le Nigéria fait face à des troubles sociaux dus à l’opposition entre les musulmans et les chrétiens. Pensez-vous que cette situation puisse, à long terme, être dangereuse pour l’environnent économique ? Yetunde: Les tensions socioreligieuses auxquelles fait face le Nigéria sont en effet très préoccupantes. C’est triste que le Nigéria succombe à cela. Je condamne tout type de terrorisme et le gouvernement Nigérian ne devrait avoir aucune tolérance pour ce genre d’entreprise. Je fais appel aux jeunes et aux citoyens du Nigeria : qu’ils maintiennent l’unité et la paix entre eux. Ce type de situations a des effets économiques et sociaux désastreux, surtout lorsqu’elles ne sont pas dénoncées. IA : Avez-vous une idée de la position du gouvernement Nigérian à propos de l’entreprenariat ? Existe-t-il un programme qui aurait pour but de faire revenir la diaspora Nigériane chez elle ? Yetunde : C’est exactement ce sur quoi je travaille en ce moment. Bientôt, il y aura un programme qui promouvra l’entreprenariat des jeunes tout simplement parce que nous avons des jeunes compatriotes, talentueux, intelligents, qui innovent ici, et au sein de la diaspora. Le but de ce projet est de tout faire pour que ce potentiel Nigérian contribue au développement et au progrès de mon pays. IA: Que vous apporte personnellement le fait d’aider, motiver et inspirer les autres? Yetunde: C’est ma passion ainsi que ma destinée. Mon devoir et ma responsabilité consistent à être un leader modèle. Je veux que les jeunes femmes s’expriment de manière claire et aisée, qu’elles soient perspicaces, confiantes, sophistiquées, passionnées et qu’elles aient de la prestance. Je souhaite retrouver en nos jeunes hommes confiance et sagesse afin qu’ils puissent contribuer a l’amélioration de leurs communautés. Je voudrai voir des jeunes éduqués, qui se battent pour quelque chose de plus grand qu’eux mêmes. Je me réjouis de pouvoir motiver et inspirer les autres : j’espère faire la volonté de Dieu.
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INSPIR’INTERVIEW IA: Quel est pour vous LE critère essentiel pour être un bon entrepreneur? Yetunde: Il faut savoir identifier exactement un manque ou un besoin, afin de le combler. Faire de la recherche sur le type d’entreprise que l’on veut bâtir, connaître sa passion (ne le faites pas pour de l’argent, les gens font vite la différence), soyez sûrs d’avoir acquis l’expérience nécessaire dans le domaine qui vous intéresse avant de vous lancer.... IA: Quel est votre conseil pour ceux ou celles qui veulent suivre une voie comme la votre? Yetunde: Etre leader c’est parfois être solitaire, mais cela en vaut la peine. C’est une vie sans égoïsme, dans laquelle l’objectif poursuivi précède les besoins et les envies personnelles. Je conseille aux jeunes hommes et femmes d’être authentiques et de savoir qui ils sont. Soyez sincères, soyez excellents dans tout ce que vous faites, ayez la foi, soyez moralement responsables. Surtout, travaillez dur : rien ne nous est donné facilement dans la vie, il faut se battre pour obtenir toute chose. Pour en savoir plus, contactez Yetunde info@yetundeglobalconsulting.com ou www.yetundeglobalconsulting.com pour avoir toutes entrepreneuriale.
Global Consulting à rendez-vous sur les clés de la réussite Propos recueillis par C.E.N
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FOCULTURE
Dans la plupart des cultures occidentales, la mort représente la fin définitive d’une existence, ainsi que l’occasion de se recueillir. Néanmoins, en dessous de l’équateur, les choses ne se déroulent pas tout à fait de la même manière. La mort y est souvent considérée comme étant le début d’une nouvelle vie. Au Ghana par exemple, une tradition ancestrale veut que les défunts soient accompagnés avec les plus grands honneurs lors de ce nouveau périple. Ainsi, les funérailles commencent avec l’expression d’un deuil profond, puis se terminent en général par une célébration de la vie et des accomplissements du défunt. A Teshie, un village côtier d’Accra - la capitale du pays - la mort est vécue de manière très particulière. La tribu des Ga-Adangbe y est réputée pour ses funérailles festives, au cours desquelles sont présentés des cercueils singuliers, véritables oeuvres d’art, dignes de figurer dans les plus grands musées du monde. Dans différentes zones du village, on trouve donc des créateurs de cercueils. Ces charpentiers fabriquent des cercueils sur-mesure pour les défunts. De couleurs, de tailles et de formes différentes, ils sont créés à l’image des traits de caractères et de l’héritage laissé par ces derniers à la société. En forme de poisson pour un pécheur ou encore de lion pour une personne autoritaire, ils permettent selon les populations, d’« assurer aux morts un meilleur accueil dans l’au-delà ».
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FOCULTURE
Cercueil éléphant fabriqué par Paa Joe’s
Bien que tirant leurs origines d’une coutume ancestrale, les premiers « cercueils proverbiaux » sont nés dans les années 50, lorsqu’un fabricant de cercueil, Ataa Owuo, a voulu créer un pour sa grand-mère décédée. Il décide donc de lui faire un cercueil en forme d’avion, car elle n’avait jamais voyagé. Il espérait que comme cela, le cercueil emmènerait sa grand-mère au paradis. Aujourd’hui, ces cercueils artistiques fascinent de plus en plus: certains magasins comme Paa Joe’s Works reçoivent des commandes des quatre coins du globe. Le Ghana est en effet le seul pays à confectionner ces objets. L’oeuvre la plus originale de Paa Joe’s Works? Un cercueil en forme d’utérus commandé par un médecin allemand en 1992. Nul doute que la créativité dans ce domaine est sans limite. Seule ombre au tableau, ces œuvres d’art une fois créées, sont enterrées à jamais. Mais c’est cette glorification éphémère de la vie d’un individu _faite par ses proches_qui donne à ce métier toute sa valeur.
Amma O.
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INSPIR’ POLITIC’
Hiram Samuel IYODI Et ses rêves de jeune… Généralement quand on prononce le mot « jeune », les qualificatifs « insouciant » et « paresseux » suivent. Ecartés des affaires politiques, parfois sous-estimés et peu préparés à tenir les rênes de leur vie, les jeunes en Afrique sont souvent délaissés, contraints à trouver leur voie par leurs propres moyens. Sans support ni appui, leurs projets sont donc souvent voués à l’échec. Il devient alors difficile de mener des actions qui à long terme pourront changer le quotidien de cette grande majorité de la population qui, de surcroît vit en dessous du seuil de pauvreté. Pour certains d’entre eux cependant, l’envie de se battre et d’oser prendre le pas sur le désespoir et le laisser – aller. C’est le cas d’Hiram Samuel Iyodi. Ce jeune Camerounais âgé de 24 ans est déjà présenté comme l’étoile filante de sa génération. Il se fait aussi appelé « Pouah Massa » ou « celui qui guida le peuple ». Loin du cliché du fils à papa, c’est un garçon consciencieux à la tête pleine. Oui, la tête d’Hiram est pleine de rêves pour son pays. Il défend ses idées becs et ongles et invite les jeunes Camerounais où qu’ils soient à passer à l’action. Au lycée déjà, Hiram passe pour un meneur de foule. En arrivant au Canada il attire encore plus l’attention lors de ses contributions aux différentes activités organisées par l’Association des Camerounais de Québec. Il réussit à tisser des liens forts avec des Camerounais de la diaspora et devient en 2008 le président de cette association. Il entre peu à peu dans des cercles de réflexion, mais veut appartenir aux cercles de décision. Conscient de son potentiel et des différentes opportunités qui s’offrent à lui, il décide de mettre sur papier des idées de changement entendues ici et là, ainsi que des propositions adaptées à la jeunesse. Parfois encouragé, souvent critiqué, il ne recule devant rien. Pour lui, impossible n’est pas Camerounais. Au-delà des préjugés, Hiram a montré qu’il est possible pour chaque jeune de contribuer au devenir de son pays, de son continent. Il partage aujourd’hui avec nous son parcours, les commentaires sur son livre, ses souhaits et surtout son opinion sur l’état actuel des choses au Cameroun.
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INSPIR’ POLITIC’ Inspire Afrika : Mr Hiram Samuel Iyodi, présentez-nous votre parcours académique et professionnel. Hiram Iyodi : J’ai poursuivi mes études primaires au petit Joss de Bonanjo (Quartier de Douala, Cameroun, Ndlr). Je suis ensuite allé au Collège Alfred Saker à Déido de 6ème en 2nde, puis au collège Libermann de 1ère en Tle, et enfin j’ai été à l’université Laval pendant 6 ans où j’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur et mon certificat en gestion. IA : Avez-vous toujours souhaité travailler dans l’audit et le conseil ? Non ! J’ai toujours voulu travailler dans le domaine pétrolier. Je suis tombée sur un cabinet d’audit dont une grande partie du porte feuille client est constitué d’entreprises exerçant dans le domaine du pétrole, de l’énergie et de l’agro-alimentaire qui sont pleinement en phase avec ma formation. Mais ce qui m’intéresse c’est surtout le secteur du pétrole. Je ne travaille pas dans l’audit des comptes, mais je suis spécialisé pour le moment dans l’audit technique. IA : Vous avez un parcours assez novateur. Vous êtes non seulement un ingénieur qui fait de l’audit mais en plus un écrivain. Pourquoi, comment et quand avez-vous décidez de devenir auteur ? Je ne sais pas si mon parcours si particulier que ça, car les cabinets d’audit ont pris l’habitude de recruter des ingénieurs. En fait, ils exercent des activités d’audit et de conseil pour des entreprises qui ont souvent besoin d’experts dans un domaine particulier. Je vois très mal un comptable expliquer pourquoi une raffinerie de pétrole fonctionne d’une manière et pas d’une autre. Coté écriture, cela remonte à très loin, parce qu’au départ je voulais faire des études de sciences politiques. Je ne les ai pas faites car après avoir discuté avec certains aînés, il m’avait été expliqué que pour faire de la politique on n’avait pas besoin de faire des études en science politique, et que la finalité de ces études était plutôt de devenir professeur ou politologue. Donc, j’ai toujours gardé ma passion pour la politique, et je suis resté accro à la lecture. D’autre part, j’ai eu beaucoup de responsabilités associatives qui à un moment donné m’ont poussé à écrire. C’est plus une passion qu’une compétence. Je ne suis pas seulement passionné par l’écriture mais aussi par le destin de l’Afrique et de la gestion de ses ressources. En tant que jeune, je me suis dit que la jeunesse avait besoin de dire des choses aux aînés qui nous dirigent. Je n’ai pas planifié d’écrire mon livre. J’ai été convoqué pour un projet d’ouvrage collectif. A un moment donné, la personne qui dirigeait le projet et moi, avons constaté que je ne respectais plus tout à fait les conditions qui avaient été imposées. J’ai donc décidé de me retirer du projet collectif pour poursuivre la rédaction de mes idées. Je n’avais pas pour finalité en tant que tel d’éditer le livre, puisqu’au départ je l’ai rendu disponible gratuitement sur internet. Pour moi, c’était d’abord une manière de véhiculer des idées.
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INSPIR’ POLITIC’ IA : Votre livre est donc intitulé « Mes rêves de Jeunes ». Pouvez-vous nous le présenter ? Mes rêves de Jeune, c'est dix chapitres au travers desquels je partage mes rêves pour la jeunesse Camerounaise, principalement située dans la tranche d’âge 15-40 ans. A travers des sujets aussi variés que la réhabilitation des pères fondateurs, la lutte contre le tribalisme, l'implication des jeunes dans l'éducation et la politique, le développement des zones rurales et l'entrepreneuriat, j'essaie de redonner espoir à mes congénères. L'essentiel du livre vise à leur dire que malgré les nombreux obstacles et difficultés, nous sommes en mesure de mettre nos énergies et nos compétences à contribution du développement de notre pays si nous agissons avec Patriotisme IA : Vous l’avez précisé, le livre traite de sujets variés tels que l’unité nationale, le patriotisme et le respect des biens publics. Vous dites que toutes ces valeurs ne peuvent être véhiculées que par l’Education. Pourquoi ? Comme je le dis à un moment dans le livre, c’est l’éducation qui permet de construire un homme, et c’est l’homme qui permet de construire un peuple. Or l’éducation est un moyen global qui permet de toucher plus facilement le plus grand nombre de personnes. Si la jeunesse réussit à s’entendre sur ce qui doit être l’essence même de notre programme éducatif et de l’éducation extra-scolaire, je pense que ce sera plus efficace de véhiculer certaines idées. Et parallèlement, je le dis aussi dans le livre, on peut se rendre compte que les pays les mieux développés sont ceux qui ont les meilleurs systèmes éducatifs. Ainsi, dans le fond, l’éducation tient une place dans le fondement d’un peuple. C’est là-dessus qu’il y a tout à faire, tout à refaire. Il nous faut redéfinir de nouvelles bases pour l’éducation du peuple Camerounais. Les Camerounais ignorent d’où ils viennent, comment leur nation s’est construite, quels sont les personnages qu’ils doivent prendre comme modèles, etc. Je pense que ce sont des choses essentielles, parce que dans l’histoire des grands pays, on met toujours en avant ceux qui ont contribué à bâtir la nation. Je pense que c’est à ce niveau qu’il faut travailler pour que d’ici 50 ans, la corruption, le tribalisme, l’indiscipline, le manque d’efficacité des services publics ne soient plus des sujets d’actualité. IA : Vous appelez également à l’engagement politique de la jeunesse dans votre livre, comme si pour vous, c’était la seule voie à emprunter pour changer les choses. Je ne dis pas que c’est la seule voie, je dis que c’est la voie la plus efficace. Pour la seule raison que de mémoire, la famille la plus riche du Cameroun est la famille Fotso dont la richesse était estimée à 500 milliards de Fcfa. On est dans un pays où le budget est de l’ordre de plus de 2000 milliards de Fcfa. D’un point de vue économique, si la famille Fotso décidait d’agir pour le développement du pays, elle n’aurait été efficace que pour son département, ou pour sa région d’origine.
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INSPIR’ POLITIC’ Si on veut agir pour le plus grand nombre, on a besoin des moyens de l’Etat, parce que ces derniers sont au service de tous. Cependant, ils sont gérés par les partis politiques ou le parti au pouvoir, qui met en place la politique nationale. Et les décisions qui impactent la vie des jeunes ou de la nation sont prises à l’assemblée nationale par les partis politiques qui y sont représentés. Lorsqu’on a affaire à des jeunes qui (bien que constituant la majeure partie de la population) décident de se mettre en retrait et par conséquent de ne pas participer à la gestion des affaires publiques, ils décident aussi par la même occasion de subir des décisions au lieu de les prendre. Ce que je demande aux jeunes c’est d’être présents dans des cercles de décisions, qui sont principalement l’administration publique et les partis politiques. Quelque part, pour changer les choses de manière plus efficace et plus rapide, il faut s’impliquer : dire ce que l’on pense, se battre pour faire passer ses points de vue, et être présent lorsqu’il s’agit de mettre en application des idées. Cela se fait principalement par le biais de la politique. Donc, je pense qu’au delà du social et de l’économique, la politique est le moyen le plus efficace pour bousculer les choses. IA : Vous avez l’air déterminé et dynamique ! 2 séances de dédicaces en moins d’un an, un autre livre en préparation ; Pensez-vous vraiment que l’écriture soit la meilleure démarche pour inspirer la jeunesse Camerounaise ? L’écriture n’est qu’un moyen parmi tant d’autres. Selon moi, le meilleur moyen de consigner des idées c’est dans un livre. Parce qu’une fois que les gens ont le livre en leur possession ils seront capables d’émettre d’autres idées. Après on peut utiliser les médias mais il faudrait que ce que l’on dise ne déplaise pas à la direction du média utilisé. Or derrière le livre, il y a tout un projet. Le livre ce n’est qu’un moyen pour dire « voilà ce que je pense ». Maintenant, entre « voilà ce que je pense » et « voilà ce que je veux mettre en application » il y a tout un processus. Des jeunes comme moi pensent que d’un point de vue politique et publique nous avons des choses à dire. Il existe donc des groupes et des mouvements qui mettent déjà en application un certain nombre d’idées émises dans le livre et prochainement, d’autres mouvements seront lancés, allant dans ce sens-là. En fait, le livre n’est que la première partie d’un très long processus qui, j’espère, va nous amener de manière concrète à mettre en application toutes les propositions qui y sont développées. IA : On va parler un peu du Cameroun. Vous y êtes nés et y avez grandi. Vous êtes allez au Canada pour faire vos études, ensuite vous retournez au Cameroun. Pourquoi avoir décidé de rentrer quand tout le monde cherche à partir? Je ne sais pas. Je ne suis pas tout le monde donc je ne sais pas quelles sont les raisons qui motivent les gens à partir ou à rester. Toutefois, je suppose que ceux qui partent le font en raison des conditions de vie au Cameroun, qui ne sont pas toujours très évidentes.
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INSPIR’ POLITIC’ Je suis de ceux qui croient en l’Afrique. D’ici 2050, l’Afrique aura 2milliards d’habitants, et sera probablement le 1er marché de consommation. L’Afrique est déjà le 1er réservoir de matières premières au monde. En réalité en 2050, l’Afrique sera capable de produire pour le monde entier et de nourrir ses 2 milliards d’habitants. Il y a tout pour penser que l’Afrique est l’avenir. Maintenant il y existe un certain nombre de problèmes politiques, certaines difficultés … Mais comme je dis souvent, on peut choisir de rester hors du pays, de se plaindre et de dire que les choses ne marchent pas, ou on peut rentrer et essayer de changer les choses. C’est le choix que j’ai fait parce que je suis optimiste, parce que je crois en l’Afrique, et parce que je pense que d’ici 50 ans, nous les jeunes aurons plusieurs opportunités pour mettre en place des mécanismes qui permettront à l’Afrique de se relever et d’être ce continent qui en réalité tire toute l’humanité vers le haut. J’ai décidé de rentrer parce que je pense que j’ai des capacités qui peuvent être mises à contributions pour le développement de notre pays. Donc, j’encourage également tous les jeunes à rentrer. La vie n’est facile nulle part. Elle n’est pas facile en Afrique, elle n’est pas facile ailleurs non plus. Je pense qu’on est mieux chez soi, et qu’il y a plus de gloire, de reconnaissance et de fierté à se dire qu’on est arrivé à changer les choses là où c’était le plus difficile. IA : Est-ce que le retour au pays n’a pas été difficile après plus de 5 ans au contact d’autres mœurs, d’autres façons de faire et de penser? Non ! Pour moi absolument pas parce qu’au niveau des manières de faire, le Cameroun n’a pas vraiment changé. Ensuite, je suis parti pendant 6 ans je suis rentré chaque année et j’ai souvent eu de très longs séjours, donc je ne me suis jamais vraiment détaché du Cameroun. De plus, les Camerounais sont les mêmes qu’ils soient au Cameroun ou ailleurs. J’ai été très impliqué dans la gestion des associations des camerounais au Canada, donc j’ai toujours baigné dans la communauté Camerounaise. En réalité, je ne suis jamais parti du Cameroun. Il n’y a rien qui ai changé à mon niveau ou au niveau du Cameroun. Donc ni mon retour, ni mon intégration après ce retour n’ont été difficiles. IA : Estimez-vous que vous avez eu de la chance ou pensez-vous qu’avec une stratégie bien précise rentrer dans son pays natal et trouver du travail est plutôt simple? Tout dépend de comment on définit la chance. Le réseau de contact est important partout, donc à un moment donné il faut savoir le développer. Plus de la moitié des jeunes qui sortent du Cameroun sont des personnes qui viennent de familles aisées dont les parents sont bien placés soit dans le secteur privé, soit dans le secteur public. Leurs parents bénéficient très souvent de relations qui pourraient leur permettre à leur tour de bâtir leur propre réseau, soit pour trouver un emploi soit pour créer des entreprises. 18
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INSPIR’ POLITIC’ Quand on veut rentrer et qu’on commence à préparer son retour, il faut penser à développer ce réseau-là pour faciliter les démarches. Certains peuvent appeler ça la chance. A partir du moment où on est sorti du pays, on a une vision différente des choses, on a des opportunités hors du Cameroun et au Cameroun, à nous de les saisir. Je n’ai pas eu plus ou moins de chance que les autres. J’ai saisi les opportunités qui étaient en face de moi, cela m’a aidé à trouver un emploi. Je pense que tous ceux qui sont à l’extérieur du Cameroun et qui ont l’ambition de faire des choses au Cameroun, ont comme moi, l’opportunité de bâtir des réseaux de contacts qui leur seront bénéfiques. IA : Pourquoi la majorité des jeunes locaux - pourtant diplômés, donc qualifiés n’arrivent pas à trouver du travail ? Est-ce le gouvernement qui n’aide pas la jeunesse ou alors les jeunes qui ne vont pas assez vers l’information ? Les torts sont partagés, mais il est clair que le gouvernement n’a pas mis en place assez de mesures pour faciliter la création de l’emploi par les jeunes, c'est-à-dire l’entreprenariat. D’autre part, il n’y a pas suffisamment d’infrastructures pour employer les gens. A partir de là, les jeunes veulent créer des entreprises, mais ne sont pas au courant de la marche à suivre. Les jeunes veulent travailler, comme vous dites ils sont compétents, mais il n’y a pas d’entreprises pour les embaucher. On nous a promis des projets structurants tels que la construction d’autoroutes, les centrales à gaz, les barrages, etc. J’espère simplement que tout cela sera mis en place pour faciliter la création d’emplois et l’entreprenariat par les jeunes et pour les jeunes. Je pense que les jeunes sont volontaires, mais que ce sont les mesures qui manquent. Je ne rejetterais pas tous les torts non plus du côté du gouvernement. J’appelle la jeunesse à agir plus efficacement. Sur le plan économique, je pense que les chapitres 7 et 8 de mon livre traitent clairement de ce que les jeunes peuvent mettre en place avec leurs petits moyens, en espérant plus tard, l’appui du gouvernement. C’est dans ce sens là que j’attire l’attention des jeunes : ne pas toujours tendre la main, ne pas toujours attendre, mais savoir prendre les devants. IA : Que pensez-vous de tous ces jeunes qui délaissent le secteur privé pour s’engager dans l’administration publique au Cameroun, comme si c’était la voie de la dernière chance ? Ce qu’il faut savoir c’est que j’encourage les jeunes à s’engager dans le secteur public par envie de servir, c'est-à-dire se mettre à la disposition du peuple. Cependant, je dois avouer que les conditions ne s’ont pas toujours adéquates : Lorsque quelqu’un n’a pas l’impression de pouvoir trouver facilement de l’emploi dans le secteur privé et que le secteur public représente une garantie et une sécurité pour sa carrière, il s’y engage. Il faudrait juste que ces jeunes soient auto-responsables dans leur manière de s’impliquer et de gérer les affaires publiques. Je les comprend parfaitement. Ecoutez, il y a quand même l’instinct de survie qui veut que chacun essaie d’aller vers la solution qui lui permettra de nourrir sa famille. Donc, si certains pensent que le secteur public représente une garantie, qu’ils y aillent. Tout ce que je dis, c’est qu’ils aient un esprit de responsabilité car le bien public demeure le bien public. Quand on le gère, on a des comptes à rendre au peuple, car il s’agit en fait des impôts de la population. Ce sont ces impôts là qui financent entre autres les salaires des fonctionnaires. On ne peut donc pas s’en servir n’importe comment. IA : Vous êtes aujourd’hui un jeune leader dans votre pays le Cameroun. Quel conseil donneriez-vous à cette jeunesse qui a soif de changement ? Celui de croire en elle, de croire en sa capacité à changer le monde ; de croire qu’elle a suffisamment de compétences et d’énergie pour changer et impacter le destin du Cameroun. Concrètement, lorsqu’on prend pour modèle les hommes qui ont réussi à changer le destin de l’humanité, on voit que ce ne sont pas des personnes qui ont attendu qu’on leur tende la main. Ils ont pris les devants et ont cru qu’ils étaient suffisamment forts pour apporter un profond changement. Il faut que chacun de nous commence à croire en lui, à croire qu’il est capable d’apporter un changement. Ensuite, on réussira à créer un réseau de jeunes assez compétents pour avoir un impact sur le devenir de notre pays. Au final, le message que j’essaie de faire passer c’est de croire en soi. Propos Recueillis par Joan Y.
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INSPIR’ START-UP GHUBAR : LA MODE METISSE
Regard pénétrant, lèvres pulpeuses, difficile de croire que cette jeune Sénégalo-Centrafricaine seulement âgée de 24 ans n’est pas un top model, mais la directrice d’un webzine bien connu par les adeptes de la mode. Créatrice de Ghubar et de la société de production Ifren, Sarah Noémie Diouf est devenue l’une des figures incontournables de la mode parisienne. Née en France et ayant grandi en Côte d’ivoire, Sarah Diouf est un produit de la prestigieuse école de commerce INSEEC où elle a obtenu un Master en Marketing et Communication. On s’attendrait à ce qu’elle devienne consultante en Marketing ou quelque chose d’approchant, mais elle décide plutôt de créer un webzine axé sur la mode. Noémie a vu en Internet une opportunité à saisir : «Je trouvais qu’en terme de presse mode papier il y avait quelque chose qui ne correspondait pas à ma génération. Je me suis dit qu’internet était un bon moyen d’atteindre les gens que je n’aurais pas pu toucher grâce à un support papier ». Ce qui manquait, d’après Sarah, c’était le reflet de la société actuelle, une société de plus en plus métissée et de plus en plus diversifiée. C’est comme cela qu’est né Ghubar. Le terme signifie poussière en arabe. Il vient mettre en avant le côté éphémère de la mode, en rappelant qu’il s’agit avant tout de se faire plaisir et de partager ce plaisir. Le magazine prône l’ouverture et le métissage : « on ne s’adresse pas qu’à une seule cible. Le magazine est construit autour du métissage. On peut passer d’une blanche à une noire, à une métisse…On parle à tout le monde. ». D’ailleurs, au delà des articles, les membres de l’équipe Ghubar en eux-mêmes représentent les valeurs propres au magazine : d’origines différentes, ils résident aux 4 coins du globe, ce qui en fait une équipe diversifiée et ouverte. Rigoureuse, travailleuse et motivée, Sarah n’a pas eu de mal à lancer le webzine, d’autant plus qu’elle s’est entourée de personnes jeunes et dynamiques telles qu’Absatou (project manager), Laetitia (styliste), et Carl (Webmaster), pour ne citer qu’eux. Elle reconnait par contre avoir eu des difficultés à l’entretenir car « ça demande du temps ». Même si parfois en cours de route, elle n’a pas pu saisir certaines opportunités qui se présentaient à elle, elle avoue aujourd’hui que ce webzine lui permet d’entreprendre les choses plus facilement. Sarah Diouf c’est aussi Ifren qui est née suite au succès de Ghubar. Agence de production visuelle créée il y a un an, Ifren a pour but d’aider des jeunes créateurs en quêtes de résultat qualitatifs à réaliser look-book, catalogues ou campagnes publicitaires. « Il se trouve qu’aujourd’hui, on est capable de proposer ce service à des coûts beaucoup plus intéressants que de grosses boîtes de production », nous confie – t –elle. En effet, la qualité visuelle et graphique fournie par le webzine a suscité une forte demande au sein de la communauté Mode. Sarah, elle, a fait appel à son expérience dans le business pour pouvoir développer cette entreprise. Aujourd’hui Ghubar c’est 3 ans d’existence, 34 numéros et près de 120,000 lecteurs par mois. La jeune chef d’entreprise se veut donc ambitieuse. Pour cette nouvelle année, on aura droit à un documentaire qui retracera l’histoire du webzine. L’équipe prépare aussi un événement exceptionnel durant la Fashion Week de Paris. L’application Ghubar sera également lancée au mois de Mars. En attendant impatiemment la série de surprises que nous réserve Ghubar, nous souhaitons beaucoup de succès à Sarah Diouf et à son équipe. Valérie F.
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4 QUESTIONS A VERONE MANKOU WAY-C, NOUS T’ATTENDIONS !
L’évènement est exceptionnel et mérite d’être célébré : Le 27 Janvier, la
première tablette tactile africaine a été mise en vente au Congo. Vérone Mankou, créateur de la « Way-C» souhaite que l’Afrique entre pleinement dans l’ère du numérique. Il se veut novateur, entreprenant, et audacieux. Avec un produit de bonne qualité à bas prix (seulement 150.000 Fcfa)3, « Way-C » fait la fierté de la jeunesse Africaine. Quelques mots de Vérone pour la 1ère édition d’Inspire Afrika.
Inspire Afrika: Comment est née l’idée de créer cette tablette? Vérone Mankou: En 2006 je travaillais chez un fournisseur d’accès internet à Brazzaville. Les branches technique et commerciale de l’entreprise se réunissaient deux fois par semaine afin de trouver des solutions aux différentes difficultés rencontrées. Lors de ces réunions, la branche commerciale se plaignait de la difficulté qu’elle avait à vendre les services proposés, car les produits Internet coutaient chers. C’est à ce moment que m’est venue l’idée suivante : « et si on donnait l’accès à l’outil Internet à tout le monde à bas prix? » Au départ, j’ai pensé à l’ordinateur de bureau mais je me suis rendu compte que le problème énergétique connu par l’Afrique n’arrangerait pas les choses. Ensuite, j’ai pensé à l’ordinateur portable, mais logistiquement et techniquement c’était un casse-tête. Alors en 2007, quand Steve Jobs a présenté son Iphone, je me suis dit que je pouvais créer un « gros Iphone », c’est-à-dire une tablette. Alors j’ai commencé à faire les recherches nécessaires à la réalisation de mon projet, et en 2009, j’avais tout ce qu’il me fallait sauf le financement.
IA : En parlant de financements, a- t- il été simple pour vous d’en trouver ? Vérone : En Afrique, trouver des fonds quand on est un jeune entrepreneur relève du parcours du combattant. Il se trouve que l’activité de communication internet de VMK (Agence de conseil en stratégie internet dont il est le PDG, Ndlr) était assez fructueuse pour permettre le financement de la recherche et du développement du projet. Cependant, cela n’a pas été facile, car j’ai frôlé la faillite plus d’une fois. Heureusement pour moi, le gouvernement m’a apporté son soutien en investissant dans la production de la tablette. 3
228 euros.
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4 QUESTIONS A VERONE MANKOU
IA : Que signifie «Way-C»? Vérone : « Weyssi » veut dire en Mbochi4 « la lumière des étoiles en pleine nuit». Je suis de ceux qui pensent que l’Afrique dort encore, et il se trouve que la nuit on a du mal à avancer par manque de lumière. Heureusement, quand on lève les yeux, la nature nous offre un beau spectacle : la lumière des étoiles. Je considère cette tablette comme l’une de ces étoiles qui scintillent dans le ciel. Seulement l’orthographe du mot « Weyssi » n’étant pas évidente à déchiffrer, j’ai décidé de l’internationaliser, d’où le nom «Way-C ».
IA : Un conseil à la jeunesse Africaine ? Vérone : Il est très difficile d’entreprendre en Afrique. Toutes les conditions sont réunies pour renoncer. Tous ceux qui échouent sont ceux qui renoncent, qui refusent de continuer, quelle qu’en soit la raison. La solution magique pour réussir est donc très simple : « Ne jamais renoncer ». C’est mon seul conseil.
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Langue parlée au Nord du Congo.
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L’AVENIR NOUS APPARTIENT Il Est Temps Pour l’Afrique L’an dernier, l’agence Ernst & Young a interrogé plus de 500 leaders dans le domaine des affaires, afin de connaître leur opinion sur la croissance de l’économie Africaine. Le rapport, intitulé « It’s Time for Africa » a été mis en place pour illustrer le développement économique de l’Afrique. L’un des constats majeurs de cette étude est la propension qu’ont les africains à créer par eux-mêmes des opportunités d’investissements. Grâce à eux, le continent bénéficie d’une croissance de 5% en moyenne depuis 2010. Ces chiffres confirment l’amélioration de la santé économique africaine. En effet, 68% des investisseurs dans le monde sont d’accords sur le fait que le continent africain est devenu plus attractif depuis les 3 dernières années. Selon Olaf Meier5, les opportunités d’investissement abondent dans une Afrique encore peu explorée par les investisseurs internationaux. Ainsi, 75% des personnes interrogées sont convaincues que l’Afrique attirera encore plus l’attention des hommes d’affaires d’ici les trois prochaines années. Le rapport montre aussi les inégalités entre les différents pays. En effet, les trois quarts des investissements directs à l’étranger s’effectuent dans 10 pays : L’Afrique Du Sud, l’Egypte, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, le Nigéria, l’Angola, le Kenya, la Lybie et le Ghana. Point positif, les pays africains sont aujourd’hui plus disposés à faire du business entre eux qu’il y’a encore quelques années. D’après FDI Intelligence, les transactions entre Etats ont augmenté de 21% entre 2003 et 2010. Sur le long terme, ces investissements sont supposés créer 350 000 emplois d’ici 2015. Trois questions importantes demeurent cependant: Quelle est la meilleure manière pour les entreprises d’investir en Afrique ? Le marché Africain est – il prêt à consommer suffisamment ? Le capital humain dispose-t-il d’assez d’instruments pour rentabiliser la croissance économique ? Malheureusement, seuls 21% des nouveaux investisseurs prévoient de se focaliser sur la création d’emplois. Il serait pourtant plus judicieux de privilégier la création des richesses, qui implique celle des emplois, tout simplement parce que les salaires générés par la suite seront disponible à la consommation. De plus, l’implantation de ces grandes firmes serait un bon argument pour pousser les jeunes africains à rentrer sur le continent. Souvent mieux formés, les membres de la diaspora peuvent dès lors partager leur savoir sur place, afin d’améliorer la productivité du capital humain. Il se trouve que le seul moyen pour que ces entreprises viennent en aide à l’Afrique c’est la création des emplois qui permettra une extension de la main d’œuvre. En plus de contribuer à « ramener des cerveaux », elle permettra l’apparition et l’expansion d’une classe moyenne dans nos pays. C.E.N
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Chef de la direction financière de African Development corporation
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REMERCIEMENTS
Nos sincères remerciements à:
Privat Ndoutoume
Olivia N.
Yves Bell
Franck Nyeki
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