#23 : Ces Camerounaises qui réussissent où on ne les attend pas

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#23 - Avril 2022

MARÈME MBAYE NDIAYE, Directeur Régional Afrique Centrale et de l’Est Société Générale

CES CAMEROUNAISES QUI REUSSISSENT OÙ ON NE LES ATTEND PAS INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / AVRIL 2022 www.inspireafrika.com 1


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INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / AVRIL 2022


SOYEZ SEREINS, VOUS ÊTES EN SÉCURITÉ Une solidité sans faille depuis 6 décennies. #ReasonsToBelieve

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SOMMAIRE

5. ÉDITO

6. COUP DE COEUR

10. COUP DE COEUR

FATIMATOU OUSMANOU

SARAH HAMAN

CO-FONDATRICE TAPTAP SEND CAMEROUN

BRAND MANAGER PREMIUM BRANDS PERNOD RICARD WEST AFRICA

17. INSPIR’ASSOCIATION

SOURIRES DE FEMMES 14. INSPIR’INTERVIEW

19. REPATSTORIES

MAREME MALONG

AURELIE CHAZAI

23.OSER INSPIRER

CO-FOUNDER ET ASSOCIE GERANTE DE CHAZAI & PA PARTNERS

Fondatrice Galerie Mam

LAISSA MOUEN PDG KINAYA VENTURES

37. INSPIR’ECO 27. OSER INSPIRER

32. INSPIR’STARTUP

SYLVIA NFONBA

KELLY NJIKE

Directrice Orange Business

FONDATRICE MELAYCI

MARÈME MBAYE NDIAYE

41. LES PENSÉES DE...

CAROLE EPÉE

DIRECTEUR RÉGIONAL AFRIQUE CENTRALE DG Willis Tower Watson Cameroun ET DE L’EST DE SOCIÉTÉ GÉNÉRALE.

48. CONVERSATIONS DIGITALES

SIMONE SONGUE PHOTOGRAPHE

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44. FOCULTURE

46. 4 QUESTIONS A...

52. LE BAR À LECTURE

LA TERRE NE MENT PAS

FONDATRICE DE MAISON EZINRIS

ROSE POUNGOM

AMELIE EBONGUE

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INSPIRE AFRIKA MAGAZINE - Edition #23 Avril 2022

LA REDACTION RÉDACTRICE EN CHEF JOAN YOMBO RÉDACTRICE CULTURE MARIE SIMONE NGANE

photo

RELECTURE KHADIJA ABBO JOLIET NKEM GRAPHISME FABRICE MELY HEUMEN

PARTENARIATS MARIE SIMONE NGANE

EDITO Imaginez un peu ça. Vous êtes une journaliste d’un média réputé. Vous interviewez le Directeur Général d’une grosse multinationale basée dans votre pays. A un moment, vous lui demandez : « Vous occupez un poste important, avec beaucoup de pression au quotidien. Vous est-il déjà arrivé d’avoir des doutes ou d’avoir le syndrome de l’imposteur ? » Difficile à imaginer non ? Ça peut même vous paraître étrange comme question. Pourtant, c’est le type de question qu’on poserait sans problème à une femme dans les mêmes conditions et occupant le même poste. Notre société a été conçue par et pour les hommes. Malheureusement, inconsciemment ou pas d’ailleurs, le patriarcat et le sexisme se reproduisent et s’intériorisent tant chez les hommes que chez les femmes. Ce qui est intéressant à observer aujourd’hui sur notre continent, c’est cette mue sociétale, caractérisée par une certaine dichotomie. L’Afrique est le continent le mieux loti en termes de parité dans les parlements (on l’a mentionné plusieurs fois dans cet édito), mais les députées parlementaires font plus face que les autres aux violences sexuelles (40% des interrogées) et aux violences physiques (23% des interrogées). Dans son interview page 19, Aurélie Chazai, Associée Gérante du cabinet Chazai & Partners, reconnait qu’il est devenu évident qu’une femme avocate exerce au Cameroun en bénéficiant de toute la légitimité qui va avec. Mais cela n’empêche pas le sexisme et le mépris d’un bon nombre d’homologues masculins dans la profession. Il y’a plus d’exemples dans ce sens qu’il n’y a de place dans cet édito pour en parler, mais le point est le suivant : la société a besoin de VOIR ET REVOIR des femmes qui performent. La répétition est la mère de l’apprentissage, et si on veut espérer que nos enfants et nos petits-enfants changent le regard qu’ils portent sur la femme en général, il va falloir leur montrer plus de députées, plus de femmes ministres, plus de Présidentes Directrices Générales, plus de femmes d’affaires, plus d’entrepreneures dont les entreprises prospèrent. Voilà la raison d’être de ce numéro 23, qui est un spécial Cameroun, mais pour une bonne raison : nous y célèbrerons les 10 ans de ce magazine, qui je l’espère, continue de vous faire découvrir ceux et celles qui font la Nouvelle Afrique.

ONT CONTRIBUÉ À CE NUMÉRO PETER BILLE – PHOTOGRAPHE JOELY ROBAKY – PIGISTE

INSPIRE AFRIKA MAGAZINE EST ÉDITÉ PAR ANINKA MEDIA GROUP DIRECTRICE GÉNÉRALE CHRYS NYETAM DIRECTRICE DE PUBLICATION JOAN YOMBO RESPONSABLE COMMERCIAL ANITA BAKAL RESPONSABLE JURIDIQUE IVAN NYETAM Couverture par Peter BILLE Les photos non créditées proviennent de Google Images et ne sont en aucun cas la propriété d’Inspire Afrika Magazine. Tout droits de reproduction réservés pour tous pays. Reproduction interdite pour tous les articles sauf accord écrit de la Rédaction.

Bonne lecture !

¹Chiffres consultables dans l’étude de l’Union Interparlementaire sur les violences faites aux femmes dans les parlements

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COUP DE COEUR

FATIMATOU OUSMANOU Co-fondatrice TapTap Send Cameroun

« TAPTAP SEND EST L’UN DES PLUS GROS SPONSORS DE LA DIASPORA CAMEROUNAISE » Propos recueillis par Joan YOMBO Photos par MZB production

Cette jeune Camerounaise de 28 ans a un parcours impressionnant. D’abord Chef de Projet Innovation Sociale chez Orange, elle rejoint 1 an plus tard Bond’Innov en tant que Chef de projet Incubation, puis Responsable Partenariats, Communication et Réseaux, pour enfin finir Directrice de la Communication. Depuis presqu’un an, elle est la tête de TapTap Send Cameroun dont elle dirige le développement avec talent et agilité. Elle nous parle de ce nouveau projet, des ambitions et de la vision de TapTap Send, le service de transfert d’argent le plus en vue du moment.

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Comment es-tu arrivée chez TapTap Send ? C’est en 2020 que j’ai été approchée par TapTap Send, créée en 2019 par Michael Faye. En voulant faire face à la problématique du transfert d’argent pour une ONG qu’il avait précédemment créée, il s’est rendu compte que les opérateurs traditionnels surtaxaient la diaspora (du moins ceux qui envoyaient de l’argent en Afrique). Il a donc décidé de créer TapTap Send et ses équipes ont d’abord commencé avec de gros pays comme le Ghana et le Sénégal. Et lorsqu’il a fallu lancer en Afrique centrale, ils sont venus me chercher. J’ai géré le lancement au Cameroun, puis dans les deux Congo, et j’ai relancé au Mali, sachant qu’ils avaient déjà essayé une première fois dans ce pays, mais que ça n’avait pas marché. J’ai donc lancé ces 4 pays, mais je suis vraiment officiellement la cofondatrice de TapTap Send Cameroun, dont j’ai des parts sur l’entité camerounaise et dont j’ai la Direction Générale. Il y’a 3 cofondatrices en tout pour le moment : une Ghanéenne, une Malgache, et moi, qui sommes toutes issues des pays en question. Nous sommes aussi présents dans près de 6 pays en Asie. On veut montrer que notre idée, notre modèle, peut fonctionner ailleurs qu’en Afrique. Mais pour l’instant 97 % du business est porté par l’Afrique. Quel est ton objectif que le Cameroun ? L’idée est de faire du Cameroun un « pay-in country», c’est-à-dire permettre à des diasporas vivant au Cameroun d’envoyer de l’argent vers d’autres pays de la sous-région dans un premier temps, puis idéalement vers l’Europe. Aujourd’hui tous les pays africains ne peuvent que recevoir. On veut faire du Cameroun le premier pays francophone à pouvoir envoyer de l’argent vers l’extérieur. En quoi TapTap Send se démarque des autres opérateurs d’envoi d’argent. Quelle est la différence avec Western Union ou Money Gram ? TapTap Send fait partie des solutions de transfert d’argent les moins chères du marché. Dans notre industrie, il y’a 2 façons de se rémunérer : par les frais d’envoi ou par le taux de change. La plupart des opérateurs traditionnels se rémunèrent à la fois sur les frais d’envoi et le taux de change, alors que chez TapTap Send c’est l’un ou l’autre. Par exemple, sur les pays où on utilise le franc CFA, puisqu’on ne peut pas jouer avec le taux de change, on ne prélève que 2€ de frais fixes et ça ne change jamais. Sur les pays qui n’utilisent pas le franc CFA, on prend 3 % sur le taux de change et dans ce cas-là il n’y a aucun frais d’envoi. Par exemple, quand on veut envoyer de l’argent en Guinée, il n’y a aucun frais d’envoi avec TapTap Send et dans l’application on voit directement le montant que va recevoir le destinataire en francs guinéens. On a à peu près le même taux de change - si ce n’est plus bas – que les autres opérateurs, et sans frais, car on se rémunère uniquement sur les 3 % qu’on prend sur le taux de change de la transaction. Les autres acteurs eux, se rémunèrent non seulement sur le taux de change, mais aussi sur les frais d’envoi. Donc ils se rémunèrent deux fois. Certains opérateurs peuvent supprimer des frais d’envoi, quand ils font des offres promotionnelles. D’autres compétiteurs font des applis comme nous, qui proposent des prix très attractifs et se rémunèrent de la même façon que nous. Si nous ne sommes plus les seuls à avoir ce mode de rémunération, nous sommes assurément les premiers à l’avoir adopté.

La spécificité de TapTap Send, pour le Cameroun du moins, c’est que la structure a été lancée par une Camerounaise. Pour moi, c’est très important de le préciser parce que la communication qui a été faite était très orientée et spécifique à la population camerounaise. Pendant un an, j’étais seule sur TapTap Send Cameroun donc je me suis demandé : « Quels sont les canaux utilisés par tous ? Qu’est-ce que ma mère, ma tante ou mon frère regardent pour s’informer ? ». Je me suis appuyée d’abord sur mon premier cercle - ma famille, mes amis - pour lancer TapTap Send au Cameroun. Et après, ce qui a aidé à la croissance fulgurante, ce sont les influenceurs. Au début, en tant que startup, on avait un budget de communication ridicule. Et pourtant, on a réussi à avoir un premier utilisateur, puis un second, et de fil en aiguille, avec le bouche-à-oreille, la mayonnaise a pris. Notre gros atout aussi, c’est le transfert d’argent directement via mobile money, une solution plébiscitée par la population camerounaise. Plus besoin de passer une agence : on envoie directement les fonds sur le téléphone du destinataire. Cet argument a été décisif dans l’adoption de TapTap Send. J’ai aussi su m’entourer des bonnes personnes, et de bons ambassadeurs. Je n’avais pas d’équipe alors l’idée était de travailler avec des personnes clés dans la communauté, que je pouvais rémunérer à mon échelle, pour faire passer le message. Aujourd’hui, je travaille toujours avec ces ambassadeurs qui peuvent être des photographes, des artistes, des employés d’ambassades... Bref, des gens qui nous ont fait bénéficier de leur réseau côté offline. Et côté online, j’ai fait appel à des influenceurs à qui j’ai choisi de faire confiance alors même que de grosses boîtes ne voulaient pas investir en eux parce qu’elles ne comprenaient pas encore forcément l’impact de l’influence, ni même l’impact et l’engagement que ces personnes-là peuvent avoir. On est 100% orientés communauté et diaspora, contrairement à d’autres opérateurs qui restent sur une communication globale classique. Voilà pourquoi Tap Tap Send a pris beaucoup d’ampleur en un an. Au lieu d’investir dans des publicités en ligne, des Google ads, etc., j’ai investi mon tout petit budget dans des vrais projets humains, dans des personnes.

TapTap Send a eu un succès assez fulgurant, auprès des Diasporas. Quelle est votre approche de communication comparée à d’autres services, qui eux aussi se sont installés et déployés progressivement et plus « calmement » ? INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / AVRIL 2022

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Et cette stratégie-là elle est toujours la même aujourd’hui ? Investir dans des ambassadeurs qui ont une commission par client rapporté ? Oui, il y a de ça, mais il y a aussi le fait que, sans prétention aucune, Tap Tap Send est l’un des plus gros sponsors de la diaspora camerounaise. Que ce soit pour des projets d’entrepreneurs ou des événements avec la diaspora, on n’investit pas forcément financièrement mais on les met en lumière. Donc, quelque part, on redistribue à la diaspora ce qu’elle nous apporte. TapTap Send se fait vraiment par la diaspora et pour la diaspora. C’est notre plus grande force. Cette stratégie a-t-elle été adaptée pour le déploiement des autres pays d’Afrique ? Chaque filiale est indépendante au niveau de sa communication. Il y’a des pays qui ont des liens forts entre eux, et qui peuvent donc recevoir le même type de message. Par exemple, les pays d’Afrique francophone entre eux, ont de nombreux points communs, et auront une facilité à se mélanger. Quand TapTap Send organise des événements pour les francophones de la diaspora, on peut y retrouver des Congolais, des Ivoiriens, des Camerounais... Pour les pays d’Afrique anglophones c’est différent, leurs ressortissants se mélangent beaucoup moins à l’étranger. C’est pour ça qu’on a des actions très spécifiques à nos communautés, mais parfois des actions sont communes, comme pendant le ramadan qui concerne beaucoup de pays musulmans en Afrique. J’ai découvert TapTap Send il y a un an et il y avait beaucoup de plaintes à propos de la lenteur du service au début. Quel était le problème ? Nous travaillons avec ce qu’on appelle des agrégateurs - des intermédiaires - parce qu’on n’a pas forcément la licence pour envoyer de l’argent directement sur les portefeuilles mobile money. On leur envoie l’argent et ce sont eux qui le diffusent vers Orange, MTN, etc. Donc le deal que nous avions avec ces agrégateurs était bon, mais le deal entre

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les agrégateurs et les différents opérateurs n’était pas forcément idéal, puisqu’il y avait beaucoup de retards sur les transactions qu’ils faisaient, et elles mettaient du temps à se finaliser. Côté Cameroun, on a résolu ce problème en allant sur le terrain et en renégociant un bon contrat entre les 3 parties. Aujourd’hui c’est fluide et très rapide, même si ça arrive de temps en temps qu’il y ait des retards. Par exemple, quand on a mal estimé le nombre de transactions en une journée et qu’on n’a pas envoyé assez d’argent, les virements peuvent mettre un peu de temps à arriver avant qu’on ne recrédite les comptes, mais ça arrive rarement. Et heureusement, parce que les gens envoient souvent de l’argent pour une urgence, et quand le service ne suit pas c’est compliqué à gérer et on perd la confiance des utilisateurs. Aujourd’hui le service est beaucoup plus efficace et ces problèmes sont rares. Est-ce qu’il y a un plafond ou on peut envoyer n’importe quel montant ? Oui, il y a un plafond de 500 000 FCFA par transaction, mais il est possible de faire autant de transactions qu’on veut dans la journée, le mois, ou l’année. D’ailleurs, cette limite n’est pas imposée par TapTap Send mais par la CEMAC (Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique centrale). Quels sont les enjeux et besoins de TapTap Send cette année ? Je pense qu’on a fait beaucoup de bruit, le message est arrivé aux oreilles de la plupart des diasporas qu’on sert. Pour TapTap Send en général, le but est d’ouvrir dans un plus grand nombre de pays et servir encore plus de diasporas. On ouvre de nouvelles filiales assez régulièrement, pas seulement en terme de pays receveurs mais aussi pour les « pay-in countries», les pays depuis lesquels les gens peuvent envoyer de l’argent. Là par exemple on va lancer à Dubaï dans 4 mois, et on a déjà lancé aux États-Unis et au Canada. Du côté de TapTap Send Cameroun, on avait un gros challenge d’acquisition que l’on est en train d’atteindre - en tout cas la croissance est énorme. Selon moi le prochain challenge c’est fidéliser la clientèle qu’on a déjà commencé à séduire et faire en sorte d’avoir une bonne base d’utilisateurs qui se sentent engagés.

© Aninka Media


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COUP DE COEUR

SARAH HAMAN

BRAND MANAGER PREMIUM BRANDS PERNOD RICARD WEST AFRICA

« MON TRAVAIL REPRESENTE 10% DE MON ÉPANOUISSEMENT PERSONNEL » Interview réalisée par Joan YOMBO

Authentique et cash, Sarah Haman est une personne solaire. On pourrait lui parler des heures. Cette jeune femme d’une trentaine d’années est experte dans le développement des marques premium sur les marchés émergents, notamment dans le domaine des cosmétiques et des spiritueux. J’ai beaucoup aimé son discours très détaché du besoin de reconnaissance sociale, et très axé sur l’épanouissement personnel. Notion qu’on a tendance à mettre de côté quand on est la poursuite de sa carrière. Pour Sarah Haman, la performance professionnelle doit être au service de la quête de soi, et il est possible d’atteindre le plein épanouissement dans tous les aspects de sa vie, sous certaines conditions …

De quoi êtes-vous le plus fière dans votre parcours ? Le fait qu’il soit typiquement africain. Je n’ai pas fait HEC, Laval, ni aucune de ces grandes écoles étrangères. Je suis un pur produit de l’ESSTIC à Yaoundé, au Cameroun (Ecole Supérieure des Sciences et Techniques de l’information et de la Communication, ndlr). Je me suis retrouvée dans le journalisme par défi. Mon père m’a défié en me disant que si je passais le concours, il m’achèterait une voiture. J’ai passé le concours haut la main, en étant major du concours. Plus tard, j’ai été major de ma promotion et j’ai fini par beaucoup aimer ce que je faisais à l’ESSTICC, alors qu’au départ, j’envisageais plutôt des études en Sciences Politiques à L’IRIC, toujours à Yaoundé (Institut des Relations Internationales, ndlr). Il y’a aussi peut-être un peu d’héritage dans tout ça, parce que mon père est un éminent journaliste. (Il s’agit de Monsieur HAMAN MANA, Directeur du quotidien camerounais Le Jour, ndlr). Comment on passe du journalisme au marketing ? J’ai commencé ma carrière en rédigeant des news et des chroniques, mais je sentais que quelque chose me manquait. Alors par hasard, je suis tombée sur une opportunité aux brasseries, où j’ai pris en charge les relations média de l’entreprise, ce qui m’amenait entre autres, à manager des journalistes. Je trouvais déjà ça plus épanouissant. Mais au fil du temps, ce sentiment est revenu : il me manquait quelque chose... 10

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Dans le cadre de mon métier, j’étais souvent amenée à me rendre dans les bureaux de l’agence Média Plus. J’étais fascinée par leur manière de mettre en avant les marques, les produits. Ça sera mon premier contact avec le marketing, aux côtés de son Directeur Général, Mr Georges DOOH COLLINS, qui deviendra mon premier mentor, celui qui m’a mis le pied à l’étrier. Et ensuite vous vous retrouvez au Nigéria pour apprendre le marketing… Oui. J’ai tellement aimé cette énergie transmise notamment par mon premier mentor, que je décide de me former, d’en apprendre plus. Je m’envole pour le Nigéria et intègre la Lagos Business School pour un MBA en Marketing. Quelques mois après ma rentrée, une seconde opportunité se présente à moi. L’Oréal a besoin d’une brand manager pour un remplacement de congés maternité. Je saisis l’occasion, je suis prise et me retrouve donc avec un job de brand manager dans l’une des entreprises de cosmétiques les plus prestigieuses au Nigéria, et un MBA à finaliser. J’avais en charge notamment la marque Maybelline New York. C’est là que je rencontre mon second mentor, Mr Sekou Coulibaly, DG de l’Oréal Nigéria à l’époque. Il me donne toutes les clés pour réussir dans ce nouveau métier. Quelques années plus tard je suis débauchée par Moet. Ensuite, par Pernod Ricard. Et l’aventure continue …


Est-ce que la formation seule suffit pour avoir une carrière comme la vôtre ? Je ne saurais le dire. Je dirais que j’ai eu la chance d’avoir été formée par 2 monstres sacrés du marketing en Afrique, en plus de mon apprentissage théorique à l’école, avec qui j’ai su me lier d’amitié au-delà de la sphère professionnelle J’ai aussi la chance d’être naturellement curieuse de tout. J’apprends vite et j’ai une forte capacité d’absorber l’information. J’ai également la chance d’avoir l’esprit très ouvert. Je me ravie du peu. Je n’ai jamais prié pour travailler spécifiquement pour les marques pour lesquelles j’ai travaillé. Avant d’intégrer L’Oréal, je ne m’étais jamais maquillée. Je me rappelle que mon premier maquillage, je l’ai fait dans le cadre professionnel. (Rires) Non ma prière a toujours été de réaliser de grandes et belles choses, de réussir professionnellement et de m’épanouir, et accessoirement d’inspirer les autres grâce à ce parcours. Je n’ai pas calculé les choses, je me suis focalisée sur mon ressenti en me dirigeant toujours vers là où je pensais que j’allais m’épanouir. C’est pour cette raison que je n’ai aucun mal à partir et à laisser un emploi, si je ne m’y sens plus épanouie. C’est quoi un brand manager et qu’est-ce qu’il faut avoir comme qualité pour être bon dans ce métier ? Quand on me pose cette question, je réponds toujours ceci. Un brand manager, c’est comme une maman qui a des bébés. Les marques sont vos bébés. C’est la meilleure analogie qu’on puisse trouver. Les bébés grandissent et ont plusieurs cycles dans leurs vies. Certaines marques sont encore à la naissance, d’autres sont déjà en pleine maturité, et d’autres sont en milieu de parcours. Votre travail est de développer ces marques à leur potentiel plein, en fonction du stade où elles se trouvent au moment où vous en prenez la responsabilité, et en fonction des objectifs qu’elles se donnent. C’est comme si on vous confie un enfant qui a 14 ans et on vous dit qu’à 16 ans on veut qu’il soit un footballeur professionnel. Vous allez donc devoir mettre en place un plan d’action pour atteindre cet objectif, prendre les décisions adéquates : trouver un coach, trouver un club, trouver les tenues, etc. Ce qui est intéressant dans ce métier c’est qu’il est à la fois stratégie et exécution. Celui qui est en dessous du brand manager ne pense pas la marque. Il est dans la pure exécution. Celui qui est au-dessus du brand manager ne vit pas la marque, il n’est que dans la stratégie. La première qualité pour réussir dans ce métier c’est dans d’avoir un grand sens de la responsabilité. Je l’ai dit, la marque c’est comme votre enfant, vous devez en prendre soin, en être jaloux et vous souciez vraiment d’elle. Ensuite, il faut avoir d’excellentes bases en marketing. C’est assez incontournable. Ayez une formation solide en marketing. Il faut être très cultivé et curieux : savoir ce qui se passe sur votre marché et les autres, ce que les concurrents font, faire énormément de veille. Il faut être très structuré, surtout quand vous gérez plusieurs marques. Il vous faut être très organisé pour ne pas tout mélanger. Savoir documenter, classer, analyser, expliquer, évaluer la marque. Et pour finir, il faut s’amuser. Et pour y arriver, il faut être brand manager pour une marque qui vous passionne. C’est plus simple pour s’approprier une marque.

présentes. Les Nigérians sont « show off ». Ils aiment montrer ce qu’ils ont. S’ils arrivent en boîte de nuit, ils achètent plein de bouteilles de champagne. Il faut montrer qu’on a beaucoup d’argent et aligner les bouteilles sur la table. Les femmes, elles, boivent du champagne, pas de whisky ou autre alcool fort. Au Ghana, c’est la discrétion qui prime. Une personne qui affiche son opulence en alignant des bouteilles est très mal vue. Les filles ne boivent que des cocktails. Si vous êtes un groupe de filles avec plein de bouteilles sur une table, vous donnez l’impression d’être des ivrognes. Les hommes sortent entre eux, les filles entre elles. Au Cameroun, c’est encore différent. Les femmes peuvent boire du whisky, des alcools forts, les hommes et les femmes peuvent sortir en groupe mixte. Comment on fait pour prendre des décisions marketing éclairées sur des marchés où il y’a très peu d’études sur les consommateurs ? Il y’a beaucoup de test & learn à faire, surtout la première fois qu’on arrive sur un marché. Les anglo-saxons disent qu’il faut « try an error », littéralement « essayer une erreur ». Brand manager, c’est un métier d’intuition, surtout en Afrique. Il faut descendre sur le terrain, observer les gens au quotidien, dans leurs habitudes de consommation. A un moment, c’est l’expérience qui va jouer. D’où l’importance d’être une entreprise qui laisse la place à l’apprentissage, la recherche, l’observation. Au final, c’est un mélange d’expérience, de données d’autres pays, d’intuition. Prendre la bonne décision c’est important, mais c’est encore plus important d’être flexible et agile. D’avoir une excellente capacité à réagir, de savoir analyser ses actions et évaluer où on s’est trompé et pourquoi.

Des différences entre le Nigéria, le Ghana et le Cameroun sur le marché de spiritueux ? Oui, il y’a pas mal de nuances, malgré le fait que les pays sont très proches et partagent des frontières similaires. Si on observe ce qui se passe dans le monde de la nuit par exemple, les différences sont déjà INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / AVRIL 2022

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Comment on fait pour prendre des décisions marketing éclairées sur des marchés où il y’a très peu d’études sur les consommateurs ? Il y’a beaucoup de test & learn à faire, surtout la première fois qu’on arrive sur un marché. Les anglo-saxons disent qu’il faut « try an error », littéralement « essayer une erreur ». Brand manager, c’est un métier d’intuition, surtout en Afrique. Il faut descendre sur le terrain, observer les gens au quotidien, dans leurs habitudes de consommation. A un moment, c’est l’expérience qui va jouer. D’où l’importance d’être une entreprise qui laisse la place à l’apprentissage, la recherche, l’observation. Au final, c’est un mélange d’expérience, de données d’autres pays, d’intuition. Prendre la bonne décision c’est important, mais c’est encore plus important d’être flexible et agile. D’avoir une excellente capacité à réagir, de savoir analyser ses actions et évaluer où on s’est trompé et pourquoi. Vous nous avez dit que votre travail représente à peine 10% de votre épanouissement. Qu’est-ce qui vous épanoui au quotidien ? Premièrement mon fils, qui est ma plus belle réalisation et ma plus grosse fierté. Je l’ai eu par fécondation in vitro, et je l’éduque seule. Éduquer un enfant vous montre qui vous êtes réellement. Ensuite ma famille. J’ai la chance d’être dans ces rares familles ou il n’y a presque jamais de clash. On se soutient, on s’adore. Puis il y’a mes amis, et toutes les belles rencontres que j’ai pu faire dans

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ma vie. Le fait de passer du bon temps ensemble, de se retrouver, de se célébrer, ça n’a pas de prix. Et je termine par le plus important, ma foi en Dieu, qui m’épanouie complètement et m’apporte la sérénité et la paix dont j’ai besoin dans ce monde où tout est incertain. Finalement je suis une personne simple qui aime les voyages, les célébrations, les moments passés ensemble, le champagne, les beaux sacs, la vie quoi … Votre dernier conseil pour une vie et une carrière épanouie ? Ça ne se sert à rien de se battre pour des choses qui ne vous remplissent pas de joie. La quête de soi doit être une quête permanente. L’argent c’est important, mais il faut toujours se demander jusqu’où et savoir se fixer des limites qu’on ne peut pas franchir même pour tout l’argent du monde. Pour arriver à le faire, la confiance en soi est clé. J’ai eu la chance d’avoir un père qui m’a appris très jeune à me faire confiance, à faire confiance à mes choix, même quand je me trompe. A apprendre à être bienveillante envers moi-même, à m’écouter, à me faire plaisir. Les gens pensent que le bonheur est inatteignable. Moi je pense que c’est une succession de choix, et qu’au final c’est le parcours qui rend heureux, pas la destination finale. Je suis de celles qui pensent qu’on peut tout avoir à condition d’accepter qu’on n’aura pas tout en même temps, et surtout d’accepter les saisons de la vie, les hauts et les bas.


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INSPIR’INTERVIEW

MAREME MALONG Fondatrice Galerie Mam

« LE MEILLEUR MOYEN D’AVOIR ACCÈS À LA CITOYENNETÉ, C’EST LA CULTURE » Interview menée par Marie Simone NGANE Crédit photos Galerie Mam Marème Malong est une passionnée d’art. La franco-sénégalaise installée au Cameroun a ouvert en 1995, la galerie MAM comme « maman », sa mère à qui elle voudrait rendre hommage, comme grand-mère en wolof ou comme « Maison de l’Art Moderne ». Depuis bientôt 30 ans, elle accompagne les artistes et contribue à créer un espace vertueux pour les créateurs du continent. Que pensez-vous de l’enthousiasme actuel pour l’art contemporain africain ? Il faudrait tout d’abord se demander ce qu’est l’art contemporain africain. Il ne faut surtout pas penser que c’est un effet de mode. Nous devons arrêter d’explorer notre environnement de manière eurocentrée et ne pas être dépendants de ce que l’Europe pense. Les artistes ont toujours été là, ils le sont aujourd’hui et ils le seront encore demain. Malheureusement, force est de constater que nos artistes sont souvent plus célébrés ailleurs. Que pensez-vous de la place donnée à la culture sur le continent aujourd’hui ? La culture n’a pas la place qu’elle mérite. Pour qu’elle soit célébrée, il faut donner de la visibilité aux artistes africains. Il faut créer des lieux, pas forcément des galeries mais trouver notre forme d’expression pour valoriser nos artistes. Le meilleur moyen d’avoir accès à la citoyenneté, c’est la culture. Être artiste, ça reste encore une profession marginalisée chez nous. Comment leur donner de la visibilité si on ne voit pas leur valeur ? C’est triste de se dire qu’artiste soit une profession marginale. D’ailleurs, je préfère parler de créateur. Ils créent de la valeur. Dans un environnement comme le nôtre où il n’y a pas de formations, pas de place pour la culture, des peintres, des écrivains, des créateurs de tous types émergent au Cameroun. Imaginez ce que ça pourrait être si nos gouvernements accordaient de la place à la culture. Avez-vous déjà vu un tableau dans un ministère ? Les budgets accordés à la culture sont dérisoires. Tout commence là, ce sont des lieux qui devraient mettre en avant notre patrimoine. Le sport et le reste passent avant. La culture est le parent pauvre de notre administration. En parlant de sport, ne pensez-vous pas qu’il nous faudrait un Samuel Eto’o de la culture ? On a vu Marc Padeu battre des records de vente mais être peu célébré au Cameroun. A l’heure où on met beaucoup en avant l’image et que le storytelling fait vendre, ne nous faut-il pas des superstars de l’art contemporain ? (rires) Je ne suis pas sûre que ce soit un objectif pour les artistes de devenir des super tars. Les mentalités doivent changer. Il faut donner sa dimension économique à la culture. C’est un écosystème à créer. Les artistes veulent surtout vivre décemment. Ils sont obligés d’aller à 14

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l’extérieur pour pouvoir le faire. Pascale Marthine Tayou, Bili Bidjocka, Barthélémy Toguo… Même s’ils viennent régulièrement au Cameroun, ils vivent tous à l’étranger. Comment encourager plus de personnes à investir dans l’art ? Je dis souvent aux personnes qui se plaignent du prix des tableaux qu’elles sont prêtes à payer le même prix voir plus pour un aller-retour Paris-Douala en business class. Un tableau reste à vie. C’est un bien qui peut prendre de la valeur. C’est une éducation à faire dès l’enfance à l’école. Combien d’écoles viennent visiter les galeries ? Ici, on ne voit passer que les écoles françaises et américaines. La création doit avoir sa place à l’école. Cela nécessite une impulsion gouvernementale. Dans certains pays, on a vu l’impact d’une vision tournée vers la culture. Au Sénégal, le président Senghor était très attaché à cette transmission du patrimoine de l’Etat. Cela se ressent dans l’attachement et la place que prend la création dans ce pays. Des dispositions sont prévues par la loi pour encourager ceux qui investissent dans l’art mais elles ne sont pas appliquées. Les personnes qui achètent des œuvres d’art n’ont pas d’abattement fiscal. Les assurances ne proposent pas de produits spécifiques adaptés aux galeries. Il faut assurer le transport des œuvres et garantir leur sécurité dans la galerie

Anna Mapoubi, Tambourine man, feutre acrylique sur papier, 84x124cm, 2019

Il y a toute une dimension économique à l’art. Investir dans des œuvres qui se transmettront de générations en générations ou qui seront revendues pour faire du profit. Investir dans un écosystème pour faire vivre des créateurs. Le Cameroun accueille beaucoup d’artistes mais pas de grands événements comme à Dakar ou Lagos. Pourquoi selon vous ? Il y aura une foire digne de ce nom. La culture survivra de toutes les négativités. Le Cameroun y arrivera même si le chemin est long. C’est un pays avec énormément de talents. Il y a énormément de potentiel mais peu de communication. Il faudrait recenser tous les lieux de culture et créer des synergies. L’Etat doit également se rapprocher des structures qui existent déjà pour accompagner les actions.

Ngimbi Luve, 150x150cm, Acrylique sur toile, 2020

Il y a une dimension esthétique mais aussi une dimension éthique de l’art Il s’agit de sublimer la vie à travers la création et la transmission. Le monde doit venir à nous. Nous ne devons pas seulement créer des relations Nord-Sud mais aussi Sud-Sud. Notre espace à Souza est un espace pluridisciplinaire où on allie culture et agriculture. A Souza, il n’y a pas de frontière entre l’art et l’artisanat. Il faut agir pour le vivant, réenchâsser l’économie dans le naturel. Quelles sont vos perspectives pour l’art contemporain africain dans les 30 prochaines années ? L’enjeu en Afrique et plus particulièrement au Cameroun dans les 10 à 15 prochaines années, c’est d’avoir plus de structures pour la visibilité. Les démarches menées par les pays africains en matière de restitution des œuvres sont une preuve de l’attachement au patrimoine et à la culture. C’est tout un mouvement social qui doit se lancer que ce soit pour l’éducation ou la santé qui sont tout autant délaissées. La culture sera le soubassement qui permettra de monter l’édifice. Plus il y aura d’initiatives, même si elles sont petites, des galeries, des foires, des espaces pas seulement dans les lieux chics mais dans les quartiers, les villages, plus la culture fera partie intégrante de la construction. Le travail que fait Doual’Art en plaçant des sculptures dans l’espace urbain est un exemple de vulgarisation de l’art. Le digital va également aider à cette diffusion. L’éducation libère, la culture émancipe.

Justement, vous avez créé un espace à Souza qui est un village. Pourquoi Souza ? A quoi sert cet espace ? La Fondation MAM existe depuis 2019. Nous nous sommes installés à Souza. C’est un espace de résistance pour penser et expérimenter les choses. Boris Nzebo_Hommage à Goddy Leye, 150x150cm, acrylique sur toile, 2021 INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / AVRIL 2022

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INSPIR’ASSOCIATION

SOURIRES DE FEMMES Par Marie Simone NGANE SOUA

Selon les Nations Unies, 30% des femmes de plus de 15 ans ont subi au moins une fois des violences de la part d’un homme. Au Cameroun, l’association de lutte contre les violences faites aux femmes (ALVF) annonce en 2020 que 6 femmes sur 10 sont victimes de violences et 39% n’ont jamais parlé à personne de la violence qu’elles subissent ou qu’elles ont vécue. Sur le site du Ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille, on peut lire que 31% des hommes reconnaissent avoir déjà exercé des violences sur des femmes. Un journal titre « un homme coupe le pied à sa femme pour lui avoir refusé un morceau de viande », un autre, « Une femme brûlée vive par le père de ses enfants qu’elle tentait de quitter ». Les faits divers se succèdent et se ressemblent au point de ne plus émouvoir personne. Redonner le sourire aux victimes de violence, c’est la mission que se sont fixés les membres de l’Association Sourire de Femmes (ASDF). Créée en 2018, elle est constituée de survivantes qui ont voulu s’affranchir des barrières de la société et communiquer leur courage à d’autres femmes. Basée dans la région du Centre, l’ASDF descend dans les quartiers chaque semaine, pour sensibiliser les jeunes filles. Ce sont des femmes qui ne peuvent parfois pas parler à leurs proches et qui vivent leurs souffrances dans le silence. L’association les accompagne et les encourage à les rejoindre. Elles ont le droit de se dévoiler ou non mais elles bénéficient d’un espace de sécurité où elles peuvent s’exprimer auprès de femmes qui comprennent car, ayant vécu des épisodes similaires. INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / AVRIL 2022

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Libérer la parole L’association Sourires de Femmes veut briser le cycle de la violence. Les victimes ont peur de parler de peur d’être stigmatisées. « Une maman de victime de l’association a dû déménager pour retrouver sa paix, car elle était harcelée pour avoir dénoncé le violeur de sa fille » explique peinée, Viviane. Le système ne protège pas les femmes qui parlent. Elles sont pointées du doigt. La faiblesse du système judiciaire en décourage plus d’une. Lorsqu’elles réussissent à faire fi des questions déplacées au commissariat, elles doivent attendre jusqu’à quatre ans parfois pour être entendues par un juge …Déplore l’association. ADSF milite pour des actions fortes de l’Etat envers les survivantes pour qu’elles sachent qu’elles sont entendues. Des procédures accélérées ou des campagnes d’éducation pour la réception des victimes dans les postes de police seraient un premier rempart de protection. Reconstruire En attendant, Viviane et toute l’équipe accompagnent les jeunes femmes pour qu’elles réapprennent leur valeur. Où sont les hommes ? Nous avons un seul homme dans l’association. Il se fait souvent charrier par ses pairs qui pensent qu’il deviendra efféminé à force d’être avec des femmes » nous explique Viviane Tathi, coordinatrice exécutive de l’association. Le He for She, on en est encore loin. Ils sont nombreux à penser que « L’homme, c’est l’homme et que ses décisions ne doivent pas être discutées. Mais les mentalités changent…. De plus en plus d’hommes se rallient à la cause pour leurs filles, leurs mères, leurs sœurs. La société camerounaise est essentiellement patriarcale et le rôle des hommes est primordial pour faire entendre les voix des victimes. Pour faire avancer le combat, il faut non seulement faire un plaidoyer et du lobbying auprès des institutions, mais aussi auprès des chefs de communauté. Ils diffusent alors le message et le respect que la communauté a pour eux, apporte du crédit à la cause. Les jeunes garçons sont exposés de plus en plus tôt à la pornographie. La valeur de la femme est dégradée à leurs yeux. Les violences sont souvent répétées par ceux qui les ont vécues ou qui ont vu leurs proches les vivre.

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Nous promouvons la sororité dans un monde où on nous apprend que les femmes sont en rivalité explique-t-elle. Les jeunes membres de l’association apprennent leurs droits durant des ateliers. L’association leur apprend à prendre la parole en public. Un club des filles leaders a été créé. Il accueille des filles entre 14 et 20 ans. La dernière réunion en date a eu lieu à Ayos où les jeunes filles ont répété en chœur que les premières violences auxquelles elles font face viennent des hommes dont elles ont refusé les avances. Dans ce club, on parle des violences, mais pas seulement. On apprend aussi des choses utiles : fabriquer du savon par exemple, pour avoir une activité et gagner en autonomie. L’association offre des consultations psychologiques et se déplacent dans les villes reculées de la région pour sensibiliser les parents sur l’éducation des jeunes filles. A l’heure où le monde scande #MeToo, l’Afrique crie #nonauchatnoir, #nafijeex, #justicepourlouise, #justicepourfatima… Avec les réseaux sociaux, les voix sont de plus en plus entendues mais sont-elles écoutées ? La pauvreté est un facteur aggravant de survenance de violence. Dans des pays à faible développement où le patriarcat règne en maître, le chemin est long pour les victimes mais pas impossible. Les sourires des femmes de ADSF en témoignent.


REPATSTORIES

AURELIE CHAZAI

CO-FOUNDER ET ASSOCIE GERANTE DE CHAZAI & PARTNERS

« SI VOUS OBSERVEZ ATTENTIVEMENT L’ÉVOLUTION DU MARCHÉ CAMEROUNAIS, VOUS VOUS RENDREZ COMPTE QUE LES NOUVEAUX CABINETS JURIDIQUES QUI S’IMPOSENT SONT PRINCIPALEMENT DIRIGÉS PAR DES FEMMES. » Interview par Joan YOMBO Photo par Aurélie NEDELEC TISSANDIER

Avec une mère médecin qu’elle considère comme son modèle ultime, Aurélie Chazai aurait pu devenir médecin. Mais le destin en a décidé autrement. A la place, elle est à la tête d’un des cabinets d’affaires les plus en vue au Cameroun, qui s’est récemment occupé du dernier Euro bond de l’État du Cameroun. Rien que ça. Avant de rentrer au Cameroun, Aurélie CHAZAI a travaillé dans les cabinets juridiques les plus prestigieux dont Cleary Gottlieb Steen & Hamilton LLP, Ashurst LLP, Willkie Farr & Gallagher LLP, Herbert Smith Freehills LLP et Linklaters LLP à Paris, ainsi qu’au sein du département droit boursier et financier de la société de gestion d’actifs AXA Investment Managers. C’est donc une tête bien faite et bien pleine qui décide de rentrer au Cameroun fin 2017, afin d’y installer son propre cabinet d’affaires, en duo avec son homologue et associée Flora Wamba. La suite est belle, et le cabinet Chazai & Partners est parti pour s’installer dans la durée dans l’écosystème business et juridique camerounais et africain. INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / AVRIL 2022

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Votre carrière en France était excellente. Qu’est ce qui a motivé votre retour au Cameroun ? Mon associée Flora Wamba et moi avons travaillé dans de nombreux cabinets internationaux au sein desquels il nous est plusieurs fois arrivé d’avoir des clients africains. On s’est rendu compte assez vite que les acteurs économiques privés et institutionnels du continent faisaient massivement appel à des cabinets privés étrangers pour les accompagner dans toutes leurs problématiques juridiques, y compris des problématiques purement locales. Or, pour bien satisfaire ces clients, ces cabinets devaient sous-traiter une partie du travail à des cabinets locaux. Ces cabinets locaux, eux, ne pouvaient pas souvent se positionner comme Lead Counsel (conseil principal, ndlr) sur les plus importantes transactions du continent, parce qu’il leur manquait la proximité avec les décideurs et les normes de service de rang international. Les cabinets internationaux avaient donc le carnet d’adresse, la proximité avec les dirigeants et l’influence, les cabinets locaux avaient l’expertise du terrain. Nous nous sommes dit qu’il fallait mettre à profit notre maitrise des codes des cabinets internationaux pour monter un cabinet panafricain qui offrirait ses services aux acteurs locaux directement depuis le continent. Nous avions aussi une envie de faire bouger les lignes, en toute humilité, dans la pratique locale du droit des affaires. Voilà ce qui a motivé mon retour au Cameroun sur le plan professionnel. Quant à l’aspect personnel, deux choses : je voulais renouer avec mon pays et apporter ma pierre à l’édifice de son développement, et je souhaitais aussi que mes enfants connaissent leur pays et y grandissent. Je dis souvent que nous avons décidé de rentrer avec un brin de naïveté parce que nous étions loin de nous imaginer toutes les galères que nous avons vécues. Mais avec le recul, je ne regrette pas du tout. Quelles sont les premières choses qui vous ont frappé en vous réinstallant au Cameroun (d’un point de vue professionnel, personnel, sociétal, etc.) En fait il n’y a pas eu de grosses surprises. J’ai grandi au Cameroun, et bien que vivant en France, j’y avais toujours de solides attaches, d’autant plus que la majorité de ma famille y vivait, notamment mes parents. En revanche, il faut quand même un temps d’adaptation et de réapprentissage des codes sociaux et des interactions. On vous appelle la mbenguiste (celle qui vient de Mbeng, c’est-à-dire de l’Occident en général, ndlr). Il faut être prêt à faire preuve d’humilité et s’adapter pour que tout se passe bien.

Sur le plan professionnel, j’ai été agréablement surprise par le dynamisme et la qualité des juristes et jeunes étudiants en droit au Cameroun. Le Cameroun regorge de talents qui ne demandent qu’à être reconnus et propulsés. Nous n’avons donc pas eu vraiment de mal à recruter. Est-ce qu’à un moment donné dans le parcours vous avez douté d’avoir pris la bonne décision ? Nous avons a connu des débuts difficiles comme tous les entrepreneurs, et parfois un sentiment de lassitude. L’entrepreneuriat au Cameroun, c’est un peu les montagnes russes : aujourd’hui on signe un gros contrat, le lendemain on en perd un autre. Mais dans le fond, nous n’avons jamais baissé les bras et nous n’avons jamais laissé les obstacles nous freiner. Nous étions vraiment dans cette posture d’afro-optimistes, en se disant que le parcours en valait la peine. Parlez-nous de Chazai &Partners. Quel est le positionnement et la vision du cabinet et comment se démarque-t-il des autres cabinets ? Chazai &Partners est un cabinet d’affaires panafricain. Nous ambition20

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nons de fournir directement sur le continent des services juridiques sur mesure et de rang international à tous les acteurs locaux et étrangers. Nous sommes actifs dans tous les domaines du droit des affaires : fusion et acquisition, oil&gas, immobilier, droits des sociétés, marchés publics, partenariats publics/privés, banque et finance, assurances, contentieux, arbitrage, etc. Nos avocats proviennent de trois Barreaux différents : celui du Cameroun, celui du Nigéria et celui de la France. Bientôt, nous aurons des avocats du Barreau du Rwanda. Nous nous positionnons particulièrement sur les grandes transactions commerciales et financières qui vont dessiner le futur économique du Cameroun et du continent Africain. Notre ambition est de devenir un des principaux cabinets d’envergure africaine, et nous avons commencé à réaliser cette vision en étendant nos activités au Gabon dans un premier temps. Nous allons par ailleurs procéder prochainement à un rebranding du cabinet, qui deviendra la SCP CHAZAI WAMBA, afin de vraiment matérialiser notre présence dans les deux pays. Vous avez démarré votre carrière en France et avez donc une fondation juridique française. Combien de temps cela vous a-t-il pris pour maitriser le droit camerounais et OHADA ? Assez peu de temps en réalité. Pour les raisons historiques que l’on connait, il existe finalement beaucoup de similitudes entre les droits camerounais et français. Cela est encore plus vrai pour le droit OHADA. Lorsqu’on est familier du code du commerce français, il est assez aisé de pratiquer le droit OHADA. Les logiques et bien souvent les dispositions essentielles sont les mêmes. La transition était donc assez douce. Et après le reste des subtilités vient avec la pratique sur le terrain. Vous lancez l’activité en 2017. Votre cabinet était alors inconnu dans le milieu juridique et des affaires au Cameroun. Comment on signe ses premiers contrats quand on est inconnu au bataillon et qu’on n’a pas encore fait ses preuves dans un pays où le bouche-à-oreille et la recommandation restent de puissants leviers pour attirer des clients ? En réalité l’importance de la recommandation et du bouche-à-oreille se vérifie dans tous les pays du monde et particulièrement dans le métier d’avocat, où la réputation joue vraiment un rôle prépondérant. On parle d’intuitu personae, c’est-à-dire qu’un client va choisir son avocat avant tout par rapport à la confiance qu’il lui porte. En nous installant en 2017, nous étions effectivement complètement inconnues. Mais nos carrières nous avait permis de développer un réseau international dans les milieux business. La première chose que nous avons faite c’est que nous avons beaucoup communiqué. Et nous avons bénéficié des recommandations des personnes qui avaient déjà travaillé avec nous auparavant et qui avait gardé de nous une impression assez favorable. C’est comme ça que nous avons eu nos premiers contrats. Par exemple, on va contacter un directeur juridique d’une entreprise à Paris, qui va nous mettre en relation avec le directeur juridique de la filiale en local, qui lui-même va nous recevoir, nous tester sur un petit dossier avant de nous faire confiance pour de plus grands dossiers. Nous allions voir des directeurs juridique et financier pour pitcher le cabinet et le présenter aux entreprises. Ça c’était pour le BtoB. Pour le grand public, nous avons pris le parti d’avoir une vraie approche marketing, ce qui n’était pas le cas des autres cabinets au Cameroun : avec une identité visuelle forte, une description claire de nos expertises et domaines d’interventions, un site internet vraiment ergonomique. C’est comme ça que nous sommes parvenues à attirer l’attention. Et nous n’avons pas hésité à surfer sur le buzz que cette initiative a suscité, d’autant plus que nous étions des femmes ambitieuses à la tête d’un cabinet ambitieux. Nous avons réussi à attirer l’attention des curieux et à les fidéliser avec la qualité de nos services.


Est-ce que les entreprises ont la culture des avocats d’affaires ? Est-ce que l’utilité de votre activité est bien comprise par le plus grand nombre ou alors ce ne sont qu’une poignée de mêmes personnes qui font appel à vous ? Les grandes entreprises et les multinationales ont systématiquement recours à des avocats d’affaires, ça c’est un fait.Pour les PME cependant, il y’a encore du chemin à faire. Beaucoup d’entrepreneurs n’envisagent encore l’intervention d’un avocat que dans l’aspect contentieux des choses. Il faut savoir qu’un business et des deals bien structurés permettent d’éviter des contentieux qui peuvent être longs et couteux. Le recours à un avocat est aussi crucial du point de vue de la compliance dans un contexte où les sanctions administratives qui relèvent du non-respect des règlementations peuvent atteindre des enjeux financiers astronomiques. Mais l’idée commence à prendre racine, surtout auprès de jeunes entrepreneurs locaux issus de la diaspora. L’environnement des affaires et l’environnement juridique au Cameroun sont réputés compliqués. Comment naviguez-vous là-dedans ? Quels sont les challenges du quotidien et comment les surmontez-vous ? Il y’a beaucoup à dire sur cette question ! (Rires). Le principal pôle de complexité de l’environnement des affaires au Cameroun c’est l’administration. Les procédures (immatriculations de sociétés, agréments, obtention de licence, autorisations diverses et variées) sont beaucoup trop lourdes, beaucoup trop longues, beaucoup trop coûteuses. Tous les opérateurs économiques sont soumis à cette contrainte, et parfois la seule option c’est de faire preuve de patience. Ensuite, nous avons un gros problème d’accès à l’information juridique. En France par exemple, la codification des normes légales et réglementaires est systématique. Dès qu’un texte sort, il est intégralement mis à disposition en ligne sur la plateforme Légifrance. Au Cameroun en revanche, la codification n’a pas encore fait son chemin. Les règles relatives à telle ou telle matière se retrouvent éparpillées à travers plusieurs lois et règlements. Beaucoup de codes sont en réalité des lois isolées qui n’ont de code que le nom. Même si un effort de digitalisation a été accompli ces dernières années par certaines administrations camerounaises, il demeure quasiment impossible aujourd’hui de mettre la main sur de nombreux textes, surtout les plus anciens. On se retrouve donc souvent sur les forums d’avocats pour demander aux confrères s’ils veulent bien nous transmettre certains textes qui nous manquent. L’accès à la jurisprudence est aussi très aléatoire. Et pour finir, il y’a souvent de grandes disparités entre ce que prévoit les textes de lois (assez anciens pour une bonne part) et les pratiques administratives en cours. En tant qu’avocats, on a donc tout intérêt à être proches des administrations et les interroger régulièrement pour s’assurer de l’exactitude des conseils juridiques que nous prodiguons. Il y’a tout un travail de coordination avec la réalité du terrain à faire au quotidien. Forcément on a envie de vous demander votre perception de votre métier en tant que femme au Cameroun … Sur ce point, il y’a une dichotomie assez étrange. D’un côté, il est aujourd’hui devenu naturel pour une femme avocate de mener une carrière au Cameroun, de gagner sa vie grâce à la qualité de ses services et d’être reconnue par ses pairs et par le marché. D’un autre côté, la profession souffre encore de beaucoup de sexisme, et on subit encore des comportements hostiles et dédaigneux de la part de nos homologues masculins. Rendons-nous compte qu’en 50 ans d’existence, le Barreau du Cameroun n’avait jamais été dirigé par une femme

avant l’actuelle bâtonnière, Me Claire Atangana Bikouna. Néanmoins, les avocates camerounaises ont du répondant et un désir d’accomplir de grandes choses. D’ailleurs, si vous observez attentivement l’évolution du marché, vous vous rendrez compte que les nouveaux cabinets qui s’y imposent sont principalement dirigés par des femmes. Cela donne de l’espoir, et je suis aussi très optimiste quand j’observe la jeune génération de juristes qui rejoindront la profession d’avocats dans les prochaines années. Un de nos objectifs, c’est de prendre ces jeunes femmes sous notre aile et d’assurer leur insertion dans la profession. Grace à votre activité vous avez une vision large du climat des affaires au Cameroun et vous évoquiez dans une interview qu’il y’a de nombreux axes d’amélioration à ce niveau. Quels sont-ils ? Ils sont nombreux. Mais je vais en aborder quelques-uns. Premièrement, je dirais que le principal axe serait de repenser et refondre entièrement l’intervention de l’administration dans la création d’entreprise et de valeur. Nous plaidons vraiment pour la plus large digitalisation possible et à terme pourquoi pas, le passage en ligne de toutes les procédures administratives. A cet égard, il faut saluer les initiatives du Ministère des Finances, qui fait tous les ans un pas supplémentaire dans la digitalisation des procédures fiscales. Il faut ensuite trouver des moyens de faciliter l’accès au financement des entreprises : soit en facilitant l’accès au crédit bancaire classique ou en créant un cadre clair et protecteur pour faciliter et encourager le financement participatif. Nous avons aussi besoin de mettre en place des tribunaux du commerce, avec des juges rompus aux questions commerciales. Pour finir, il y’a un besoin de renforcer et promouvoir au sein des entreprise les modes alternatifs de règlements de différends, à savoir l’arbitrage et la médiation, ce qui faciliterait certains écueils qu’on peut avoir dans les tribunaux de droits communs. Que notez-vous sur l’environnement juridique et des affaires dans les pays d’Afrique de l’Ouest ? Je dirais que de manière générale, la Côte d’Ivoire et le Sénégal sont beaucoup plus business friendly que le Cameroun, et bénéficient de cadres juridiques et institutionnels plus modernes et plus adaptés aux besoins des investisseurs. Au Sénégal surtout, où de gros efforts ont été mis en œuvre pour améliorer le climat des affaires et faciliter la création d’entreprise, tout en renforçant l’attractivité du pays, notamment avec la mise en place de l’APIX et du Tribunal du commerce de Dakar. Le Cameroun fournit aussi des efforts pour prendre ce chemin. Vous avez travaillé sur des grosses opérations juridiques au Cameroun mais aussi en CIV et au Sénégal. Quelle a été la plus complexe à gérer ? Quelle est celle dont vous êtes le plus fière ? Je dirais que l’opération la plus complexe a été le partenariat public privé pour le financement à hauteur de 100 millions d’euros de la construction de la ville nouvelle de Diamniadio au Sénégal. Première raison, l’envergure du projet, et seconde raison, la diversité des aspects juridiques qu’il fallait couvrir dans cette transaction. Plus récemment également, j’ai pu travailler sur l’Eurobond de l’État du Cameroun. C’était un challenge dans la mesure où c’était la première fois que l’État du Cameroun faisait appel à un cabinet local pour ce type de transaction. Et si je devais choisir parmi toutes les belles opérations que nous avons menées, je choisirai bien celle-là, déjà parce qu’elle aura un impact positif sur le financement du développement du Cameroun ; Ensuite, parce que pour la première fois, l’État du Cameroun a choisi d’être conseillé localement, par un cabinet 100% camerounais qui de plus, est dirigé par des femmes. Une belle marque de confiance envers la jeunesse. C’est en quelque sorte, la petite histoire dans la grande. INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / AVRIL 2022

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OSER INSPIRER

LAISSA MOUEN PDG KINAYA VENTURES

« NOUS AVONS ACCOMPAGNÉ PLUS DE 30 000 PME À TRAVERS NOTRE PARTENARIAT AVEC META. » Interview par Joan YOMBO

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En quelques années d’existence, Kinaya Ventures a su se faire une place dans le monde très sélect des accélérateurs de startups e Afrique, en créant notamment des partenariats stratégiques avec des géants issus de secteurs d’activités variés : Meta (ancien Facebook), Nestlé, Partech, Trace, pour ne citer que ceux-là. Derrière la structure, Laïssa Mouen, 48 ans, Camerounaise vivant au Sénégal, banquière de formation, ayant sillonné le continent pendant presque 20 ans dans le cadre de son ancien métier. Des voyages et une richesse culturelle qui ont facilité sa transition professionnelle et qui se manifestent dans la manière dont les activités de Kinaya Ventures se déploient. Rencontre.

Vous avez démarré une carrière d’entrepreneur après 17 ans dans la banque. Est-ce que c’est quelque chose qui vous trottait dans la tête tout ce temps ? Pas vraiment, je n’avais pas forcément prévu ce changement de carrière. Cela dit, avec le recul, je me rends compte que j’ai toujours eu un certain mindset entrepreneurial, dans ma façon de sortir des sentiers battus, même quand j’étais en poste. Le secteur bancaire est un milieu assez formaté et rigide, mais malgré cette rigidité, j’ai toujours su apporter à mes actions ce supplément d’âme et de créativité qui change les choses, parce que par mes passions et mes centres d’intérêt je suis une personne créative. J’aime la mode, la beauté, le design, le lifestyle. J’ai aussi un background familial marqué par la présence de beaucoup de slasheurs (se dit de personnes qui font plusieurs activités professionnelles à la fois, ndlr), et de créatifs, et cela a dû m’influencer sur le long terme, sans que je ne m’en rende compte.

Comment fait-on pour performer dans le milieu bancaire rigide quand est une femme ? Honnêtement, je trouve que les choses ont beaucoup évolué ces dernières années. Le secteur s’est beaucoup féminisé. Ce n’est plus pareil par rapport à quand je démarrais. Les conseils qu’on pourrait donner aujourd’hui ne sont même plus d’actualité selon moi, parce que les entreprises ont de plus en plus conscience de la capacité des femmes à leader et à diriger. A mon époque, évoluer dans le secteur bancaire demandais de serrer les dents et d’avoir une carapace bien épaisse pour encaisser les coups bas. Les nouvelles générations n’acceptent plus ces choses-là, et l’environnement même a changé. Le secteur est hyper challengé par les acteurs de la fintech. Certains acteurs de la fintech pèsent déjà plus que les banques traditionnelles en Afrique. Les banques ont donc intérêt à être plus compétitives et à créer un cadre de travail sain pour garder les talents de cette jeune génération qui n’accepte plus l’oppression, la brimade, ou la frustration C’est vrai, le sexisme existe toujours, mais les hommes sont de plus conscients qu’il ne va plus être possible de fonctionner comme ça. Ils peuvent être exposés. La période est excitante pour les jeunes femmes, parce qu’il y’a des situations qu’elles n’auront plus à subir, notamment grâce aux réseaux sociaux et aux diverses initiatives qui existent pour dénoncer.

Comment est-ce qu’après 17 ans de banque on se retrouve à devenir entrepreneure et accompagnatrice de start-up ? Un peu hasard en réalité. Il a fallu une certaine configuration dans mon environnement professionnel pour en arriver là. Une institution financière m’avait demandé de mettre en place un projet pour accompagner les startups. Avec l’équipe, on s’était dit qu’on n’avait pas l’expertise pour ça parce que ce n’était pas notre cœur de métier. Pourtant, de fil en aiguille, on a relevé le challenge. Et cela m’a permis de découvrir un univers qui m’était totalement inconnu. Je vous l’ai dit, j’ai toujours eu une fibre créative. Quand je travaillais en banque, l’une de mes activités annexe était l’organisation des éditions du concours de Miss Elite Model Look dans 11 pays africains. Ce que j’appréciais particulièrement dans cette activité, c’était le sour24

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cing des talents, la recherche de partenariats, et toute l’organisation en amont. Je me suis rendu compte que c’était la même approche qu’il fallait développer pour les startups : identifier celles qui avaient du potentiel et mettre en place toute une feuille de route pour les accompagner. J’ai donc puisé dans mon expérience avec Elite Model Look pour mettre en place un incubateur corporate à Dakar et à Abidjan pour cette institution financière. Mon côté créatif avait repris le dessus sans que je ne m’en rendre compte. Pour la mise en place des locaux de l’incubateur, nous faisions des moodboard Pinterest par exemple. Le genre de réflexe qu’un banquier n’aura jamais. (Rires). Cette expérience a été pour moi le point de départ d’une réflexion entrepreneuriale. Le fait de sortir de l’activité traditionnelle de banque, et donc de ma zone de confort a été révélateur. Je me suis dit qu’il était peut-être temps de façonner un projet qui me tenait à cœur.

Avez-vous bénéficié de mentor dans la création de votre entreprise ? Pour la petite histoire, la première personne à qui je présente Kinaya, c’est Tidjane Deme, un des co-gérants du fonds d’investissement Partech Africa. Et c’est sous son aide et ses recommandations extrêmement bienveillantes que je mets Kinaya sur les rails. A ce moment-là, j’étais encore salariée. Par la suite, mon employeur est contacté par Nestlé pour organiser un corporate innovation bootcamp. Encore une fois, c’est Tidjane Deme, à travers son réseau, qui me permet de trouver le partenaire avec qui nous allions monter le bootcamp. Tidjane est une personne à la fois bienveillante et franche, qui saura toujours dire sans détour ce qui va et ce qui ne va pas. Et dans le monde dans lequel on vit, ça a de la valeur d’avoir ce genre de personne à ses côtés. Kinaya Ventures et Partech Africa sont des partenaires de la première heure.


Il y’a quelques années, vous mettiez fièrement en avant le côté très féminin de l’entreprise…. C’est vrai que dès le début, nous avions travaillé sur un programme d’accélération autour des startups féminines. Mais très vite, nous avons voulu avoir une approche subtile. Au lieu de communiquer massivement sur le fait d’être un accélérateur féminin, nous nous sommes positionnées sur des verticales thématiques où on savait d’entrée de jeu qu’il y’avait une majorité de femmes : beauté, marketing, mode, hôtellerie, etc. Aujourd’hui, nous avons élargie la cible, mais 40% des startups de notre écosystème sont leadés par des femmes.

Kinaya Ventures accompagne donc des startups. A quel stade de leur développement ? Est-ce uniquement sur le financement ? Nous apportons un accompagnement multiforme, au-delà de l’aspect financier. Nous intervenons sur la structuration de leur croissance, la préparation à l’investissement, le réseau, les besoins opérationnels également, en les mettant en relation avec des experts sur des domaines divers : juridique, marketing relationnel, branding, RH, etc. Tous ces aspects sont importants quand on veut lancer une entreprise et qu’on veut se positionner solidement dans son écosystème, or les startups n’ont pas souvent les moyens de couvrir ces besoins. Nous les y aidons. Par ailleurs, nous croyons beaucoup aux collaborations entre startups et grands groupes. Et cela est emblématique de notre modèle aujourd’hui Les grands groupes peuvent être des clients de ces startups, ou alors fournisseurs de solutions. Ils deviennent des partenaires stratégiques pour accélérer leur croissance. Par exemple, une startup que nous avons accompagnée dans la foodtech a pu bénéficier d’une base de données de plus de 2000 restaurants à Abidjan, de la part d’une de nos entreprises partenaires. Ce qui leur a permis de gagner considérablement du temps. S’il avait fallu démarcher ces restaurants en one to one, ils n’en seraient même pas au quart. Chaque grand groupe ou entreprise intervient dans un domaine précis : avec Partech, nous préparons les startups à l’investissement ; avec Meta, nous les accompagnons sur le marketing digital et le social commerce ; avec Stanford University, nous allons déployer pour la première fois en Afrique subsaharienne, le curriculum d’accompagnement de startups conçu par les professeurs de l’Université. On a conçu Kinaya dès le départ comme une plateforme, en nous appuyant sur un écosystème puissant d’experts dans des domaines variés, afin d’apporter le meilleur service aux entrepreneurs. Nos partenariats avec les grands groupes nous ont aussi permis de tra-

vailler dans une quinzaine de pays africains, parce qu’il fallait y déployer les activités et les opérations. En réalité, nous ne sommes présents physiquement et juridiquement au Sénégal et en Côte d’Ivoire, avec une représentation au Cameroun et au Gabon.

Que faites-vous concrètement avec Meta (ancien Facebook) ? Au-delà de l’accompagnement classique des startups, nous avons accompagné plus de 30 000 PME à travers notre partenariat avec Meta, avec qui nous construisons des formations gratuites pour booster la productivité de ces PME grâce au digital. Le programme Boost With Facebook, qui deviendra bientôt Metaboost accompagne les entrepreneurs dans la maitrise des outils de marketing & communication digitale et de social commerce. C’est également l’occasion de créer des ponts avec d’autres grandes multinationales. Par exemple, notre dernière activation Boost With Facebook était en partenariat avec MTN Cameroun qui a aussi un programme d’accompagnement dédié aux entrepreneurs. Je reviens sur cette notion de penser Kinaya Ventures en plateforme, ce qui permet de telles collaborations, et qui apporte énormément de valeur aux startups. Le fait de travailler avec Meta spécifiquement sur le sujet du marketing digital nous donne des informations précieuses sur ce qui se passe sur le continent en termes de digitalisation des entreprises. Quels sont leurs besoins, leurs blocages, leur priorité dans le digital, etc. On se donne pour mission d’autonomiser aux maximum les startups grâce à nos outils.

Comment bénéficier de l’accompagnement de Kinaya Ventures ? Il y’a trois possibilités. Premièrement, vous manifestez votre intérêt lors d’un appel à candidature que nous faisons pour le compte d’un de nos partenaires. L’appel à candidature peut également se faire dans le cadre d’un projet que nous montons en collaboration avec plusieurs partenaires. La seconde option, nécessite que votre entreprise nous ait tapé dans l’œil. En effet, une partie de notre métier consiste à screener l’écosystème et à discuter avec les entrepreneurs pour identifier des pépites. Dès qu’on en a identifié une, on l’approche. Nous fonctionnons aussi beaucoup à la recommandation, notamment en provenance de nos partenaires qui observent l’écosystème comme nous. Cette manière de fonctionner correspond au modèle vers lequel nous sommes progressivement en train de nous diriger. Un modèle de venture capital classique finalement, où nous allons co-construire les startups, là où aujourd’hui nous les accompagnons simplement. La troisième option est plus accessible. Ce sont nos 350 formations en ligne gratuites en collaboration avec Meta, dont n’importe quelle jeune entreprise peut bénéficier. INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / AVRIL 2022

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Océan

Votre solution de gestion de flotte automobile Outil de géo-localisation Plateforme d’analyses du comportement des véhicules et chauffeurs Optimisation des coûts Amélioration de l’empreinte carbone sur l’environnement Pour souscrire contactez-nous via InfoBusiness.OCM@orange.com ou votre gestionnaire de compte

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OSER INSPIRER

SYLVIA NFONBA Directrice Orange Business

« EN PLUS D’OFFRIR AUX PME DES OFFRES « TOUT-EN-UN », ORANGE CAMEROUN PERMET AUSSI AUX PME DE SE FORMER GRATUITEMENT OU DE DEVELOPPER LEUR START-UP GRACE A L’ORANGE DIGITAL CENTER » Propos recueillis par Chrys Eve Nyetam Photos par Peter Bille

Nous sommes allés à la rencontre de Sylvia Nfonba, la Directrice d’Orange Business, qui nous a éclairé sur la manière dont la structure s’est adaptée à la pandémie du COVID-19 tout en continuant d’accompagnement efficacement ses clients. INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / AVRIL 2022

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Le COVID-19 a-t-elle modifié vos priorités ? Si oui, quelles sont-elles maintenant ? Comme la plupart des entreprises, le COVID-19 nous a amené à ajuster nos priorités afin de fournir rapidement, des solutions efficaces et fiables à nos clients pour leur permettre de gérer cette période de crise d’une part et d’autre part, d’accélérer la transformation digitale en cours, y compris les projets que nous avons initiés il y a quelques années. Pour ce faire, nous avons examiné et enrichi notre offre de produits avec des solutions pour : - La collaboration et la communication (vidéoconférence, courriel professionnel, stockage) - La gestion de la relation client (Numéro Vert, Serveur Vocal Interactif, Funtones) - La sécurité physique (contrôle d’accès, vidéosurveillance), des réseaux et du système informatique (antivirus, gestion d’accès, etc.) - La gestion de l’activité itinérante (suivi des moteurs et véhicules, gestion de la performance des équipes sur le terrain) avec la solution OCEAN. - L’accélération de l’adoption de nos outils d’autogestion par nos clients, comme l’Espace client. Pouvez-vous nous en dire plus sur les répercussions de l’accès à internet à haut débit sur l’économie ? La connectivité à large bande a un impact considérable sur l’économie. Elle constitue l’infrastructure nécessaire sur laquelle les entreprises comptent développer de nouvelles sources de revenus ou générer plus de revenus en réexaminant les modèles d’affaires existants. Nous assistons ainsi au développement de ce qu’on appelle l’économie digitale marquée par la création d’emplois dans les nouvelles professions liées au digital et la création d’entreprises qui ont un modèle économique fondé sur Internet. Avec le COVID-19, nous avons dû revoir toute notre approche dans notre mode de fonctionnement mais aussi dans les interactions avec nos clients et tous les autres intervenants au sein de l’entreprise ;

Nous adoptons maintenant une approche de digitalisation complète de nos activités pour offrir l’accès et la liberté indépendamment de l’endroit où se trouve le client. De l’ambition ci-dessus, l’élément important est l’Internet fixe et mobile qui facilite ce besoin croissant de connectivité et soutient la croissance en accélérant la productivité des entreprises. Le travail à distance a connu un essor récemment en raison de la pandémie. Comment avez-vous géré la situation ? (Au sein d’Orange et avec vos clients) Avant la pandémie, Orange Cameroun pratiquait déjà le télétravail. C’est ainsi qu’un ingénieur en charge du réseau ou même un représentant commercial peut facilement se connecter à distance. Le COVID-19 a rendu cette pratique « obligatoire » pendant la période d’isolement. L’utilisation systématique du VPN pour le travail à domicile est devenue la norme. Avec nos clients et partenaires, nous avons adopté Microsoft Teams pour les réunions et tenu plusieurs webinaires afin de continuer à échanger avec eux. Travailler à distance implique également la sécurité des données. Comment Orange Business soutient-elle le renforcement de la confiance numérique ? 28

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La sécurité des données est en effet un enjeu important dans le contexte actuel qui nous oblige à travailler de plus en plus à distance. Orange Cameroun, avec son expérience dans la gestion et la sécurité des données, renforce la confiance numérique des particuliers et des entreprises sur 3 points : La sécurisation des données clients par l’exécution de la politique de sécurité de l’entreprise en termes de procédures, d’outils et de formation continue des collaborateurs ; le soutien aux entreprises dans le développement et la mise en œuvre de leur politique de sécurité ; et la formation des individus ou des entreprises au sein du Orange Digital Center. Le début de la pandémie a également développé de façon exponentielle des habitudes de travail à distance qui sont devenues un mode de fonctionnement normal et qui garantissent la poursuite des activités même à l’extérieur du bureau, ce qui suppose évidemment une bonne connectivité, mais aussi la sécurité des données échangées ou partagées. A cet égard, les entreprises ont besoin de plus de données, mais en plus, elles sont équipées d’outils et d’astuces pour les sécuriser, ouvrir ou limiter l’accès aux services tels que les APN dédiés et les URL de liste blanche, mais aussi le cloud qui permet la sauvegarde et l’accessibilité des données peu importe où vous vous situez.

Comment les entreprises camerounaises peuvent-elles utiliser les données pour créer de la valeur ? Les entreprises camerounaises, grâce à la transformation digitale, ont de plus en plus de données sur leurs clients. La plupart d’entre elles utilisent ces données dans le cadre de la gestion des relations avec la clientèle. Elles améliorent le parcours client (abonnement, achats de services en ligne, paiement via Orange Money) d’une part, et numérisent d’autre part la gestion des performances commerciales. La digitalisation a un coût qui peut être élevé. Offrez-vous un soutien aux PME qui souhaitent faire une transition numérique ? En plus d’offrir aux PME des offres « tout-en-un », à savoir la connectivité, la collaboration et la gestion des relations clients, Orange Cameroun permet également aux PME de se former gratuitement ou de développer leur start-up grâce à l’Orange Digital Center. La digitalisation s’avère être un véritable levier de croissance pour les entreprises. Plus qu’une technologie, le numérique représente une valeur pour les employés et les clients.

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ÉDUCATION SCOLAIRE

Vous aider à profitez du meilleur de la vie

Leur Avenir, Notre Priorité

Chez Prudential Beneficial Insurance, nous proposons des solutions qui permettent à vos enfants de poursuivre leurs études en toute sérénité et facilitent leurs chances de s’insérer dans le monde du travail quoi qu'il arrive. Nous vous permettons de préparer les études universitaires de vos enfants.

Avec L’assurance éducation scolaire, vous bénéficiez : • D’une préparation anticipé des études supérieures de vos enfants • D’un soutien financier pour vos enfants en cas de décès ou d’invalidité permanente et totale • Des frais de scolarité pour les études supérieures de vos enfants • D’un capital, que vous soyez en vie ou pas. Pour souscrire à cette offre ou pour obtenir plus d'informations sur ce produit ou sur l'un de nos produits, visitez notre site web www.prubeneficial.cm ou prenez rendez-vous avec un conseiller financier en appelant le +237 233 42 23 07 / +237 233 424 236 ou par SMS WhatsApp : +237 691304 583 / +237 677 153 055. 1944, Boulevard de la République • BP 2328 Douala, Cameroun • infos@prubeneficial.cm • ..................@PrudentialBeneficialCameroun INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / AVRIL 2022 31


INSPIR’STARTUP

KELLY NJIKE FONDATRICE MELAYCI

« MELAYCI CE N’EST PAS UNE MARQUE QUI TRANSFORME LA FEMME, C’EST UNE MARQUE QUI SUBLIME LA FEMME. » Propos recueillis par Peter BILLE Photos par Peter BILLE

Côté pile, elle est chef de projet marketing pour une entreprise de peintures décoratives. Côté face, elle est la fondatrice de Melayci, la marque de cosmétiques afro et végan qui est sur toutes les lèvres depuis quelques mois. Le dynamisme et la jovialité de Kelly Njike n’ont d’égale que son sens du pragmatique. En seulement 2 ans, elle a construit, financé et lancé une marque déjà bien ancrée dans des valeurs fortes, et portée par sa communauté. Un exploit dans un monde où les consommateurs sont de plus en plus exigeants et où le nombre de marques beauté ne se compte plus, tant il y’en a. Kelly nous partage à travers son parcours, les best practices pour lancer sa marque de cosmétiques. 32

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les prototypes. Ce document décrit avec précision votre besoin et vos attentes. N’hésitez pas à anticiper sur les allégations et les avantages produits que vous vous allez mettre en avant au moment de communiquer sur le produit ou de le vendre. Moi je misais beaucoup sur un produit confortable, avec une formule très légère, mais hydratante et onctueuse. Je voulais aussi que la formule contienne des actifs permettant de lutter contre le vieillissement cutané, notamment avec la vitamine E. Il est aussi préférable de rajouter à votre brief une blacklist, c’est à dire des ingrédients que vous ne voulez pas du tout. Vous pouvez également mettre dans le brief un benchmark des formules concurrentes avec ce que vous aimez ou pas dans chaque formule. Le dernier élément à rajouter, qui n’est pas des moindres, c’est votre budget. Plus votre brief est détaillé, plus le labo fabriquera un produit qui ressemble à ce que vous avez imaginé. Après la proposition, il y’a une suite de tests et d’allers retours pour arriver au résultat attendu. Personnellement, j’ai 7 mois pour finaliser mon produit, du fait de ma cible : les femmes à peaux noires. Il fallait redoubler d’attention sur la tenue, les pigments, l’hydratation.

Pourquoi Melayci ? Je suis une véritable passionnée de cosmétiques, domaine dans lequel j’ai toujours voulu bosser, surtout en tant que chef de produit. Malheureusement, comme vous le savez, il est compliqué en France d’intégrer un secteur d’activité différent du secteur initial dans lequel on a démarré. C’est encore plus vrai pour un secteur comme la beauté, qui est assez fermé. Il y’avait donc beaucoup de barrières à l’entrée pour moi. Mais cela ne m’a pas freinée. Je me suis formée de manière autodidacte à travers notamment des newsletters et des magazines professionnels, mais également une présence régulière dans les salons que ce soit en France ou à l’étranger. En sillonnant les salons, j’ai également pu créer et alimenter mon carnet d’adresses. Dans tout ce processus, et en ayant essuyé plusieurs refus, j’ai fini par me dire qu’il serait plus judicieux pour moi de me lancer directement sur le marché, sans attendre d’intégrer l’industrie de manière conventionnelle. Grâce à mon métier, je savais construire une stratégie marketing, et plus important encore, je savais lancer un produit. Je m’étais formée sur le marché, j’étais prête. As-tu un associé qui s’occupe de la partie formulation des produits ? Non, je me suis fait aider par un laboratoire. J’ai la chance de travailler dans la chimie depuis 8 ans, précisément dans l’industrie des peintures décoratives. La poudre, les pigments, les couleurs, ça me connaît. Par conséquent, je ne suis pas perdue quand il est question de travailler la formulation d’un produit cosmétique, encore moins d’un rouge à lèvres pour lequel la couleur est capitale. C’était plus facile pour moi de guider le laboratoire dans le choix précis des couleurs que je voulais pour mes produits. C’est la même chose pour les textures. Je savais comment analyser les compositions pour obtenir la meilleure texture possible. Quels sont les prérequis pour démarrer le travail avec un laboratoire ? Quand on crée des cosmétiques on prépare d’abord son brief ou son cahier des charges à destination de tous les prestataires, y compris le laboratoire, qui aura la charge de formuler les produits et de fabriquer

Tu as travaillé avec une entreprise de packaging allemande pour la composition de ce joli packaging boisé Raconte-nous le processus de travail avec une telle société. C’est le même processus pour que pour la formulation du produit. Il faut briefer la société de packaging en fonction de votre image, des valeurs que vous portez et ce que vous voulez apporter sur le marché. Je savais que je voulais un packaging fort qui parle de caractère, qui se distingue de ce qu’on a l’habitude de voir, et qui porte un message. J’ai donc fait beaucoup de recherches par rapport aux matériaux possibles qu’on peut avoir dans un produit de beauté. Le bois est apparu comme une évidence, car il symbolise le naturel, l’authenticité, le retour aux sources. Il faut savoir que les fournisseurs de bois dans ce domaine, il y’en a très peu. Les quelques acteurs qui existent, je les avais déjà rencontrés sur un salon professionnel. Le but était d’obtenir quelque chose de boisé, mais d’élégant. Une fois que la société a reçu votre brief, elle procède à des tests de compatibilité entre les matières et à des tests de stabilité avec la formule. Par exemple, il existe des formules qui ne peuvent être que dans des packagings opaques, parce que les composants se dégradent au contact de la lumière. C’est hyper important quand on créé un packaging de faire ces tests sur 3 mois environ pour voir comment le produit vit dans le packaging. Melayci est-elle une marque de cosmétique naturelle ? Non, Melayci est plutôt une marque végane. Mais l’idée c’est de créer la formule la plus clean possible par rapport au rendu que l’on souhaite. On va donc avoir des ingrédients d’origine naturelle comme l’extrait d’écorce de magnolia sur les rouges à lèvres, ou l’huile de jojoba sur les crayons. Rares sont les rouges à lèvres qui sont 100% naturels. Déjà, c’est quasiment obligatoire de rajouter des conservateurs dans son rouge à lèvres, si on veut éviter d’avoir à le conserver au réfrigérateur. Par ailleurs, par rapport au rendu souhaité, il y’a des composants qu’il faut absolument mettre. Le rouge à lèvres est sans doute le produit où il est le plus difficile de rester 100% naturel. Cependant ce qu’on peut faire, c’est prendre en compte les ingrédients controversés, et éviter de les mettre dans ses formules. Prendre en compte aussi le changement des habitudes de consommations. Les gens ont besoin de transparence sur les ingrédients aujourd’hui. Ils veulent savoir ce qu’ils mettent dans leurs assiettes, dans leurs verres, sur leur peau. Ils veulent ce qui est bon pour leur santé. INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / AVRIL 2022

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Comment se construit et se choisit une gamme de produits ? Il y’a trois choses que vous devez définir. Déjà, votre capacité financière, car plus il y’a de produits, plus cela vous coutera cher. Ensuite, le message que vous voulez véhiculer et pour finir le type de produits qui constituerait pour vous la gamme idéale. Personnellement, je fonctionne toujours en collections courtes, parce qu’en tant que jeune marque, je n’ai pas le budget pour développer une collection dense. Par ailleurs, si vous sortez une collection de ce type, tous les produits ne seront pas achetés. C’est toujours du 20/80. Vous aurez 20% de produits best-seller, qui fonctionnent, et le reste qui sont achetés sporadiquement. Je voulais une collection de must – have. Cinq couleurs essentielles et intemporelles, qui puissent aller à tout de monde, de manière que tout le monde puisse se retrouver dans ces couleurs. Et c’est ce qui marche : les gens n’ont pas de problème à acheter les 5 rouges à lèvres d’un coup, parce que les couleurs sont faciles à porter. Évidemment, même sur une collection courte, il y’a des produits qui se démarquent. Dans mes rouges à lèvres, le best-seller c’est le I Am grateful, qui est couleur prune.

La collection courte me permet de mieux analyser les retours sur les teintes actuelles avant d’en introduire progressivement de nouvelles. Ça me permet aussi de maitriser mon stock et mes ventes. C’est plus facile en collection courte de travailler de manière smart : en faisant des duos, des trios, des coffrets…

Alors on peut être une marque végane sans être naturelle… Complètement ! Les gens font souvent l’amalgame entre végan et naturel. Il y’a plusieurs appellations. Les ingrédients 100% naturels (quand tous les ingrédients sans exception proviennent d’ingrédients naturels), les ingrédients d’origine naturelle (quand les ingrédients ont été transformés chimiquement à un moment donné de la formulation, donc ils ne sont plus 100% naturels. Ensuite on a les ingrédients végans (quand aucun ingrédient d’origine animale n’est présent dans la formule, et que la formule n’est pas testée sur les animaux). Pour finir, il y’a les ingrédients bio (quand tous les ingrédients sont issus de l’agriculture biologique. Il y’a deux conditions pour être certifié bio : avoir 85% de ses ingrédients en provenance de l’agriculture biologique et payer la certification) Pourquoi avoir spécifiquement choisi les rouges à lèvres et les crayons pour démarrer ? La première raison c’est que je ne voulais pas me tromper. Je voulais commencer avec un produit phare, que toute femme a dans sa trousse de maquillage. Et dans l’univers du maquillage, le champion toutes catégories en termes d’achats, c’est bien le rouge à lèvres. La seconde raison reposait sur le fait d’utiliser un produit où la couleur a un véritable pouvoir. La couleur accompagne le message de valorisation, d’acceptation et d’affirmation de soi, qui constitue le socle de Melayci. Chaque couleur de rouge à lèvres est associée à une affirmation positive : I Am positive, I Am grateful, I Am joyful, I Am confident, I Am proud. La couleur c’est aussi la touche finale d’un maquillage, celle qui vient sublimer. Melayci ce n’est pas une marque qui transforme la femme, c’est une marque qui sublime la femme. Pour finir, je voulais que la femme Melayci puisse emporter son produit partout avec elle. Le fait de mettre un de ces rouges à lèvres signifie que vous adoptez l’attitude liée à votre produit. Le rouge à lèvres était le meilleur produit pour me permettre d’accompagner mon histoire. Ça n’aurait pas été la même chose avec du fond de teint par exemple 34

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La particularité de mes rouges à lèvres, c’est qu’ils sont versatiles : on peut les utiliser en blush et en ombre à paupières. Cela faisait partie de mon cahier de charge initial dans le développement des produits. C’est une valeur ajoutée pour la cliente, qui peut faire beaucoup de choses avec un seul produit. La collection est courte, mais elle a été travaillée en mode agile (coûts réduits, teintes de couleurs essentielles, donc qui se vendent forcément, produits polyvalents). Combien faut-il prévoir pour démarrer une collection ? Je pense que c’est au cas par cas. Moi je partais avec pas mal d’atouts : une compréhension fine du marketing, de la conception de produit et du secteur de la beauté en général. Je savais faire un business plan. Certaines personnes auront besoin d’une agence dédiée pour les aider à faire une étude de marché par exemple. Voilà déjà un premier pôle de dépenses. Pour ma part, j’ai payé un laboratoire pour la formulation des produits et la fabrication des prototypes. J’ai payé une agence spécialisée pour le packaging des produits. J’ai fait une campagne de crowdfunding donc il a fallu investir dans la production de la campagne de communication via une agence. En tout, j’ai investi environ 85k dans le lancement de la marque. Comment as-tu financé ce lancement ? J’ai commencé par les banques. Je demandais 80k et j’avais un apport de 20k. J’ai toqué à la porte de 8 banques, elles ont toutes refusé mon dossier. Non pas parce que le projet n’était pas bien amené, (au contraire j’avais beaucoup de compliments sur la qualité du business plan qui était assez solide), mais parce que

Les banques françaises ne financent pas le stock de marchandises. Elles financent tout matériel qui a assez de valeur marchande pour être récupéré en cas de nom remboursement de crédit. Un stock de rouge à


à lèvres ne vaut rien dans ce cas. (Rires). C’est important de dire ça aux gens qui veulent se lancer. J’avais un très bon dossier et de l’apport, mais ce n’est pas passé. J’ai fini par comprendre que le problème ne venait pas de moi, mais du système. J’ai donc décidé de jouer un coup de poker en investissant le montant de mon apport dans une campagne de communication dédiée à un crowdfunding. J’avais déjà vu de nombreuses succès stories qui avait démarré de cette manière. Je me suis jetée à l’eau. Le challenge c’était de réussir à convaincre une communauté de personnes qui ne me connaissaient pas, d’adhérer à un produit de maquillage tout nouveau qu’elles n’avaient pas testé, et qui allait arrivez chez elles seulement dans 6 mois. Et tout ça en 30 jours ! Les enjeux étaient élevés, et passer par une agence pour moi était incontournable. La campagne a eu un très bon succès. En 4 jours, on avait déjà atteint la moitié de la somme demandée. Je visais 500 précommandes. Mon objectif ce n’était pas forcément de recueillir tous les fonds pour le lancement, mais de montrer à la banque la viabilité du projet en 30 jours : le nombre de préventes, le nombre de retombées médias, le nombre de personnes de personnes qui nous ont suivi, etc. Après ce crowdfunding, j’ai eu mon prêt sans problèmes. Les banques sont frileuses en France. Je leur présentais un projet qui s’adressait à une communauté noire et la (triste) réalité c’est que quand on adresse une communauté noire, la banque questionne notre crédibilité et la viabilité du projet.

Quelles sont les conditions essentielles pour réussir sa campagne de crowdfunding ? Une campagne de crowdfunding demande du temps, de l’énergie et de la préparation au-delà de l’argent qu’il faut investir. Beaucoup de campagnes échouent parce que les protagonistes ne mettent pas assez de moyen dans ces 4 éléments. J’ai investi 17K euros environ dans cette campagne de crowdfunding (entre la prestation de l’agence, la création de contenu, les prototypes, etc.). Mais attention, c’était un investissement calculé, parce que derrière je demandais un prêt plus conséquent à la banque. Vous devez penser à la cohérence de vos contenus par rapport à l’image de votre marque. Il faut aussi identifier et travailler avec les bonnes personnes, qui vont comprendre votre branding et réussir à véhiculer le message que vous souhaitez. La préparation est CAPITALE. Même quand vous avez une grosse communauté, ce n’est pas forcément eux qui vont acheter. Même la contribution de la communauté se prépare. Les personnes qui doivent vous soutenir en premier sont vos amis et les membres de votre famille, afin de créer un effet boule de neige où chacune de ces personnes partagera la campagne par la suite. Pendant les 30 jours, il faut être très actif sur les réseaux sociaux. Se montrer, parler à la communauté, les fédérer, les remercier, leur expliquer les choses. Au-delà d’un projet, les gens vont vouloir aider la personne derrière le projet. Il faut donc qu’ils connectent avec vous, avec votre personnalité, votre vision.

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INSPIR’ECO

MARÈME MBAYE NDIAYE

Directeur Régional Afrique centrale et de l’Est de Société Générale.

« AU CAMEROUN, À TRAVERS LA MAISON DE LA PME, PLUS DE 600 CHEFS D’ENTREPRISES ONT ÉTÉ FORMÉS ET COACHÉS EN 3 ANS » Interview par Chrys Nyetam Photos par Peter Bille

Née d’un père Sénégalais et d’une mère originaire de Gambie et de Sierra Leone, Marème Mbaye Ndiaye a grandi au Kenya et en Côte d’Ivoire. Avec cet important héritage panafricain fruit d’une éducation façonnée dans ces 5 pays, elle a fortement été exposée, et ce de manière précoce, à différentes cultures africaines. Ce qui l’a préparée à être à l’aise dans des environnements multiculturels. En termes de carrière, Madame Mbaye Ndiaye comptabilise 21 ans de pratique dans le domaine de la Finance. Titulaire d’un Master in Science Management (MSC) en Économie Financière de l’École des Hautes Études Commerciales (HEC) de Montréal au Canada, elle a commencé sa carrière dans le groupe Ecobank où elle a respectivement occupé les fonctions de Gestionnaire de comptes au sein du Département de la Clientèle Institutionnelle, Chef de service de la Division des Entreprises Multinationales et Régionales et Directrice du Département Grandes Entreprises d’Ecobank Sénégal. Ensuite, elle a occupé les fonctions de Directeur Général d’Ecobank Gambie, Directeur Général d’Ecobank Rwanda et Directrice de Cabinet du Directeur Général du Groupe Ecobank, en charge de la Stratégie et du Business Process management. Après 17 ans chez ECOBANK, elle a répondu à l’appel du groupe Société Générale pour assurer les fonctions de Directeur Général de Société Générale au Cameroun, en décembre 2018. En septembre 2021, elle a été portée à la tête de Société Générale Afrique centrale et de l’Est, en tant que Directrice Régionale, poste qu’elle occupe actuellement. Nous sommes allées à sa rencontre pour parler d’inclusion financière en Afrique. INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / AVRIL 2022

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Pourquoi, selon vous, l’inclusion financière est-elle un levier de croissance pour les pays Africains ? Disposer d’un compte bancaire, pouvoir épargner, être assuré et accompagné dans son projet par un crédit ne sont que les étapes du parcours du citoyen de notre époque. Ces possibilités, courantes dans le quotidien des populations des pays occidentaux ne sont malheureusement pas encore courantes dans nos pays en développement. Malgré l’usage massif du téléphone mobile qui a permis à l’Afrique (notamment subsaharienne) de faire un bond technologique ces vingt dernières années, les constats sur la faible intégration de nos populations au système financier sont clairs. La population non-bancarisée sur le continent se dénombre toujours en millions ; le taux de bancarisation moyen est passé de 5,7% à 15,7% en dix ans (Jeune Afrique) ; à l’échelle locale, ce taux s’élève à 60% en Tunisie et à 45% au Maroc, témoignant ainsi des contrastes au sein du continent (Africa 24). Au Cameroun par exemple, le taux de bancarisation de la population active a progressé en valeur relative de 11,2%, passant de 17,1% au 31 décembre 2017 à 28,3% au 31 décembre 2020 (MINFI). Plus loin, quelques chiffres permettent de mesurer le défi que représente l’inclusion financière dans le monde, si l’on s’appuie sur les données tirées de Mesuring Financial Inclusion - The global finex database, 2017. On observe que près de 75 % des adultes gagnant moins de deux dollars par jour n’ont pas de compte en banque ; un peu moins de la moitié de la population vivant dans les pays en développement n’ont pas de compte en banque, contre 10 % dans les pays riches et développés ; parmi les personnes ayant un compte, seuls 43 % l’utilisent pour épargner ; les femmes sont particulièrement désavantagées, puisque dans les pays en développement, seulement 58 % – contre 67 % d’hommes, disposent d’un compte bancaire. L’accès au financement contribue à l’amélioration et au développement des conditions de vie des populations, des couches sociales les plus fragiles, des femmes. Cela dit, lorsqu’un entrepreneur a accès au financement, cela lui permet de développer son entreprise et de créer des emplois. Ces emplois à leur tour sortiront de nombreuses personnes de la pauvreté et contribueront à l’amélioration du niveau de vie au sein de la communauté. C’est ce qui m’inspire et me fait avancer tous les jours dans mes responsabilités de banquier. En effet, notre métier c’est plus que de la banque. En offrant des opportunités et des perspectives à de nombreuses personnes et organisations, nous jouons un rôle social de premier plan et une mission d’empowerment envers les populations et les communautés. Je suis par ailleurs impressionnée par la détermination de nombreux jeunes entrepreneurs et par la niche de talents dont regorge le continent africain. Leur potentiel, s’il est développé, peut faire émerger de véritables champions africains. On parle de favoriser l’inclusion financière. En termes de mise en œuvre, comment cela se traduit-il concrètement ? Plusieurs acteurs interviennent dans le processus de mise en place et de développement de l’inclusion financière : des banques aux instances régulatrices, des institutions d’appui et de coopération bilatérales, en passant par les États, les entreprises et le secteur privé. Pour la Banque Mondiale, l’objectif est clair : « l’inclusion financière fait désormais partie des priorités des décideurs politiques, des organismes réglementaires et des organisations de développement du monde entier. L’accès aux services financiers est considéré comme un facteur de progrès pour sept des 17 Objectifs de développement durable » L’inclusion financière des individus permet leur accès aux services financiers formels de base : un compte en banque, la capacité de souscrire une épargne et de contracter un prêt, la possibilité de recourir à des services bancaires tels que l’obtention d’une carte de crédit ou l’utili38

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sation d’un mobile pour ses paiements. Tous ces services tendant à se développer à travers une offre bancaire traditionnelle ou alternative, qui se structure et se développe, tout en s’adaptant à l’évolution des modes de consommation, où la mobilité et l’autonomisation sont des facteurs de plus en plus déterminants. Pour les entreprises, la mise en œuvre de l’inclusion financière passe par la réduction des contraintes de liquidité auxquelles elles font face, la facilitation de l’investissement de long terme et la contribution à la réduction de l’instabilité de l’investissement. Pour cela, deux leviers sont essentiels : l’accès au crédit des PME et une utilisation plus intensive des services financiers. Dans certains de nos pays, afin de soutenir les petites et moyennes entreprises qui constituent plus de 90% du tissu économique, les États, en plus des ministères des finances, ont créé des ministères en charge des PME, en mettant en place des programmes pour favoriser l’entrepreneuriat et développer les structures existantes. Notre institution s’est alignée à cette volonté des pouvoirs publics. Le Groupe Société Générale est à l’origine du programme « Grow with Africa », lancé en 2018, pour une période de 4 ans, à travers lequel, notre Groupe s’engageait à renforcer son investissement pour le développement durable du continent africain sur quatre axes de financements et services : les PME, les infrastructures, l’agriculture, les énergies renouvelables, ainsi que l’inclusion financière. De nombreuses initiatives ont ainsi été menées dans des pays comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire, Madagascar ou le Cameroun, pour ne citer que ceux-là, pour accompagner les entreprises de petite et moyenne taille dans leurs besoins en financement. Au Cameroun par exemple, à travers la Maison de la PME, plus de 600 chefs d’entreprises ont été formés et coachés en 3 ans, dans différents domaines tels que la finance, la gestion de projets et la création d’entreprise, à travers plus d’une cinquantaine d’ateliers de formation exécutés par Société Générale Cameroun avec divers partenaires techniques. Au terme de ce processus de maturation, certains ont pu bénéficier d’un accompagnement bancaire. Pensez-vous que la règlementation favorise l’inclusion financière ? Est-elle à la hauteur des enjeux auxquels les banques font face en zone CEMAC aujourd’hui ? Les pays les plus avancés en matière d’inclusion financière ont mis en place un environnement réglementaire et normatif porteur et ont favorisé la concurrence, laissant aux organismes bancaires et non bancaires la possibilité d’innover et de développer l’accès aux services financiers. Mais la création d’un tel espace d’innovation et de concurrence va de pair avec l’adoption de mesures et de réglementations adaptées pour protéger les consommateurs et garantir une fourniture responsable de services financiers. Force est de constater que la détention d’un compte courant et le recours à l’épargne formelle sont plus élevés dans les pays où la protection du consommateur est plus encadrée.

L’épargne formelle est également corrélée aux politiques visant à limiter les frais ainsi qu’aux incitations fiscales favorisant l’inclusion financière. On peut en déduire que l’effet des réglementations relatives à la protection des consommateurs n’est pas tant de favoriser l’adoption des services financiers que d’encourager leur utilisation. Ces dispositifs sont, pour les consommateurs, un gage de confiance dans la sécurité de leurs transactions et de protection contre les risques de fraude.


Aussi, il est possible que les règles de vérification moins strictes à l’égard des particuliers titulaires de comptes à faible risque puissent en effet favoriser l’inclusion financière des populations à revenus bas (qui souvent ne disposent pas des documents nécessaires à l’ouverture d’un compte). Mais nous parlons bien d’argent et quand il s’agit de ça, il faudrait maximiser la sécurité. Je pense qu’il n’existe pas de solution toute faite pour bien réglementer et pour élaborer un cadre réglementaire favorisant l’inclusion financière. Par ailleurs, si l’application des mesures réglementaires est fondamentale, la finance numérique évolue rapidement et les États doivent faire preuve d’une certaine souplesse, voire parfois expérimenter et improviser. Les pays qui amendent régulièrement leurs dispositions réglementaires affichent des valeurs d’indice plus élevées que ceux qui s’appuient sur leur cadre réglementaire d’origine. Une chose est certaine : il faut des principes stricts de protection des consommateurs pour inciter le plus grand nombre à se tourner vers le système financier formel. Dans une de vos interviews vous avez mentionné que les partenariats avec les établissements de microfinances avaient permis de tester des solutions innovantes. Pouvez-vous nous en dire plus ? En effet, le groupe Société Générale a toujours été dans une perspective d’innovation sur le continent africain. Et l’une des options prises pour développer l’inclusion financière en Afrique a été d’engager des partenariats avec des institutions de microfinances robustes et respectant les exigences de conformité qu’imposent les régulateurs.

Le partenariat avec Advans à titre d’exemple a permis à Société Générale Cameroun d’entrer en 2006 au capital de Advans Cameroun. Au-delà de cette prise de participation, l’institution a également mis en place des lignes de crédits en monnaie locale, permettant, à travers cet acteur, de toucher des populations qui a priori seraient restées exclues du système bancaire sans ce dispositif.

Ce partenariat a permis d’élargir notre clientèle, notre maillage territorial et notre présence sur le terrain, mais aussi de proposer au marché de nouveaux services, adaptés aux besoins des agriculteurs, commerçants, artisans, entrepreneurs, ainsi qu’à leurs familles. Des solutions de cré-

dits d’investissement, gestion de trésorerie, placements, assurances, peuvent ainsi être proposées à des profils nouveaux. Toutes choses qui confortent notre stratégie de banque universelle au service du développement durable des pays où nous sommes implantés. Quelle est la place du digital dans l’inclusion financière et surtout quel est l’intérêt de mettre en avant les mécanismes de paiement électronique ? Les banques africaines doivent inévitablement se doter de solutions et technologies numériques, non seulement pour gérer le volume grandissant des interactions avec leurs clients, mais également pour répondre aux réelles exigences du marché et améliorer leur qualité de service. Recourir au digital pour se rapprocher des besoins de la clientèle est le pilier sur lequel plusieurs banques s’appuient désormais en vue d’améliorer leurs offres et garantir une expérience client de qualité. Plusieurs acteurs digitaux entrent désormais en jeu dans la participation au développement de l’inclusion financière : de l’intelligence artificielle aux chatbots, de la technologie biométrique aux processus de dématérialisation ; du dispositif multicanal aux outils applicatifs, en passant par les fintechs, la blockchain, le BI, l’USSD, le mobile money, le big data, l’heure est à la multiplication et à la diversification des schémas en vue d’accompagner les clients et populations via un processus de digitalisation. C’est un élément incontournable de la transformation bancaire aujourd’hui, pour permettre à ces dernières de renforcer la relation avec leurs clients. Le secteur informel domine l’économie des pays africains, ce qui représente parfois une perte pour les États. Pensez-vous qu’accompagner l’acculturation digitale et financière soit le rôle des États ou plutôt celui des banques ? Un peu des deux. L’État, dans son rôle régalien, a pour mission envers l’économie, de la stabiliser. Il s’agit ici de préserver les équilibres économiques (plein-emploi, stabilité des prix, solde du commerce extérieur) et obtenir une croissance soutenue en mettant en œuvre des politiques économiques conjoncturelles adaptées à chaque situation. Quant aux banques, ces dernières ont de manière générale plusieurs missions parmi lesquelles la collecte de dépôts, le financement de l’économie à travers l’octroi des crédits, la gestion des moyens de paiement, pour ne citer que ceux-là. L’un et les autres travaillent à trouver des solutions en vue de recadrer les activités du secteur informel et l’acculturation digitale et financière pourrait être un moyen pour structurer et professionnaliser les acteurs de cet environnement. Ces deux institutions travaillent main dans la main, en évoluant dans des cadres normatifs dont l’objectif est entre autres d’assurer la sécurité financière des opérations. C’est pourquoi, l’État comme les banques militent pour l’éducation financière, à travers l’information et la sensibilisation, la vulgarisation des connaissances relatives aux questions financières, souvent via leurs plateformes digitales. Ceci, dans le but de mener ensemble la bataille de l’amélioration du taux de bancarisation et d’une inclusion financière responsable des populations. De plus, les banques densifient leurs réseaux et points de contacts, et se tournent inévitablement vers l’adoption d’un dispositif multicanal en vue d’offrir des options aux clients, dont les besoins changent et les habitudes évoluent. Quelle est l’importance de l’éducation financière dans l’augmentation du taux de bancarisation L’éducation financière est à la base de l’augmentation du taux de bancarisation ; l’inclusion financière responsable exige une meilleure connaissance des questions financières de la part des consommateurs. L’éducation financière, au-delà des notions dispensées dans le cadre des programmes scolaires, doit de nouveau être déployée à des moments clés de la vie des populations telles qu’au moment du premier emploi, d’une manière ou d’une autre. INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / AVRIL 2022

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Par ailleurs, il est également nécessaire, au-delà de cette éducation de poser des jalons favorisant l’éclosion financière à travers la mise à disposition des populations des instruments financiers, l’engagement des dirigeants, l’encadrement réglementaire et normatif des institutions régaliennes, la proximité des banques et prestataires des services financiers, des programmes de financement aux PME/PMI et autres entreprises naissantes ; le soutien des institutions en faveur de l’inclusion financière, la sensibilisation des consommateurs ; l’ouverture à l’innovation dans les produits, les services et les divers partenariats Comment la banque peut-elle faire face à la concurrence accrue des Opérateurs Télécoms ? Et les Fintechs ? Les voyez-vous comme des concurrents ou plutôt comme des partenaires de la banque ? Pour moi, la question ne se pose pas en ces termes car les uns et les autres se situent dans des perspectives et des trajectoires différentes. Pour le groupe Société Générale, la question de l’innovation est traitée de manière assumée. Le couplage technologie et connaissance du métier bancaire permet de trouver des points d’application concrets de nos projets d’innovation, et donc d’apporter une offre alternative crédible aux telcos et fintechs. Notre Groupe travaille à exploiter le potentiel de la data et de l’intelligence artificielle, notamment dans les processus de scoring et la connaissance des clients et de leurs besoins. Toutes ces avancées représentent une révolution majeure qui doit nous permettre d’être plus efficaces dans nos démarches marketing comme dans nos capacités de contrôle des risques qui sont consubstantiels à nos activités.

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Nous devons faire preuve d’une extrême exigence en matière de responsabilité pour préserver notre rôle de tiers de confiance qui est un avantage compétitif par rapport aux autres acteurs du marché. On parle des avantages de l’inclusion financière. Est-ce qu’il y a des inconvénients ? Plusieurs études montrent que les pays disposant de systèmes financiers suffisamment développés bénéficient d’une croissance de long terme plus élevée que les pays où l’inclusion financière est plus faible, en particulier ceux situés en Afrique subsaharienne. Le développement financier dans les pays en développement est lui-même dépendant d’un processus comprenant de multiples adjuvants, comme l’État, les marchés financiers, le système bancaire, les institutions financières, les opérateurs de services mobiles, les microfinances… pour ne citer que ceux-là. Avec une réduction des contraintes de liquidité, un accès aux micro-crédits, à l’épargne et à l’assurance, un accès aux services financiers de base, une facilitation de l’investissement à long terme, une réduction de l’instabilité financière avec pour conséquence directe et palpable la croissance économique, il y a irrémédiablement plus d’enjeux à inscrire l’inclusion financière en première ligne des agendas étatiques, pour le bien collectif de nos économies africaines, avec une incidence certaine sur l’inclusion sociale elle-même facilitant l’accès des populations à l’emploi, au logement ou encore à l’éducation, bref au bien-être.


LES PENSÉES DE...

CAROLE EPÉE DG Willis Tower Watson Cameroun

« NOUS MÉRITONS D’AVOIR TOUT CE QUE NOUS DESIRONS, MAIS PAS À N’IMPORTE QUEL PRIX » Interview par Chrys-Eve NYETAM Photos par Peter BILE

Carole EPEE c’est le dynamisme incarné. Convaincue que l’Afrique est le continent de demain, elle est consciente des réalités de l’environnement socio-professionnel du Cameroun. Hors interview, elle nous confie que certaines notions, comme celles de networking, doivent être adaptées au contexte local pour être efficaces. C’est à cœur ouvert et sans tabou qu’elle nous confie ses pensées sur la situation de la femme Africaine INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / AVRIL 2022

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Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ? Je suis Carole EPEE, jeune (c’est une notion subjective) camerounaise de 43 ans et mère de trois enfants. J’ai 18 ans d’expérience professionnelle et je suis la directrice Générale de WTW Cameroun, plus connu sous le nom de Willis Towers Watson Cameroun. Le groupe WTW est le 3e plus grand courtier d’assurances au monde et fournit des conseils, le placement et la gestion des polices. Qui sont vos modèles féminins et pourquoi est-ce important d’en avoir ? Mon premier modèle est ma mère. C’est la femme la plus forte et la plus intelligente que la terre ait produite. Mon deuxième role model, c’est ma grand-mère maternelle : Son amour pour l’humanité était sans mesure. Elle nous a appris que seul l’amour et l’humain ont de l’importance ; le reste est éphémère. A moi particulièrement elle m’a enseigné « qu’on ne dure pas dans un mauvais rêve ». Avoir des références positives permet d’avoir des valeurs solides et des objectifs dans la vie. Elles permettent aussi de bénéficier de l’expérience de personnes qui, selon notre perspective, ont réussi à traverser certaines épreuves. Pensez-vous que les femmes peuvent tout avoir ? Par exemple une bonne carrière tout en étant mère et épouse ? Bien sûr que oui ! Je pense que nous méritons d’avoir tout ce que nous désirons. Mais pas à n’importe quel prix. Comment changer la perception que la société a de ce que les femmes sont capables de faire ou non ? En éduquant des filles intègres. Elles sont les femmes fortes de demain. Cependant, elles ne sont pas les seules. Nous devons aussi éduquer des hommes respectueux et attentionnés. L’idéal serait d’encourager les femmes à se dépasser et à exceller, en leur donnant plus de responsabilités, tout en respectant les contraintes inhérentes à leur genre. En gros, changer la perception de ce que les femmes peuvent gérer revient à repousser le plafond de verre. Pour vous, que veut dire être une femme Africaine aujourd’hui ? Être une femme Africaine aujourd’hui c’est être l’un des maillons les plus forts du continent le plus dynamique de ces 50 prochaines années. Il y a-t-il des sacrifices à faire quand on souhaite briser le plafond de verre ? Oui. Il faut travailler un peu plus, mettre de la passion dans ce que l’on fait, sans compter ses heures. Il faut être audacieuse, et oser demander, sans avoir honte d’apprendre. Au-delà de tout, il ne faut pas oublier de prier. Comme disent les ivoiriens, « Il y a Dieu dedans. » Pourquoi est-il si difficile d’être une femme africaine dans l’environnement professionnel ? Être une femme africaine au travail n’est pas vraiment une préoccupation dans notre société comme on peut le voir sous d’autres cieux. Nous ne sommes pas soumises au racisme, mais plutôt au sexisme ambiant endogène à nos sociétés patriarcales qui veulent encore que la place des femmes soit dans la cuisine. Que faut-il faire pour avoir plus de femmes leaders ? Plusieurs choses. D’abord, la formation scientifique et technique doit être désacralisée : elle n’est pas plus difficile pour une fille que pour un garçon. Ensuite, il est plus que temps d’intégrer la réalité des contraintes liées au statut de mère et d’épouse dans la gestion du travail. De plus, Il faut penser en termes d’objectifs et de réalisations plutôt qu’en temps passé au travail. Enfin, nos environnements de travail doivent être rendus plus inclusifs et nous, en tant que femmes leaders, devons être plus réactives et solidaires. 42

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Quelle est votre opinion sur le féminisme ? Vous revendiquez-vous de ce mouvement ? Je ne connais même pas le sens de ce mot. Si être féministe, c’est se battre pour que mes filles aient les mêmes droits légaux que mes fils, si c’est vouloir l’équité entre les hommes et les femmes au travail, si c’est être contre toutes les mutilations sexuelles et contre les mariages précoces, si c’est vouloir voir toutes les femmes heureuses dans le plan que chacune d’elles aura choisi pour sa propre vie (mariée ou non, mère ou non, salariée ou indépendante, etc.), alors oui, je suis sans le moindre doute une féministe. Comment combattre le syndrome de l’imposteur ? Allons à l’école et n’arrêtons jamais d’apprendre. Soutenons-nous les unes les autres en valorisant chaque exploit et même chaque échec ou difficulté rencontrés par une femme battante. Les échecs ne sont que des succès dans les vêtements de travail. Un conseil pour toutes ces femmes qui ont des rêves que la société pense qu’elles ne devraient pas avoir ? Le ciel est votre seule limite. Vous pouvez atteindre les étoiles, mais gardez à l’esprit que la personne la plus importante dans votre vie, c’est VOUS. Alors ne vous perdez pas sur le chemin des rêves des autres et ne faites que ce qui vous fait du bien.


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FOCULTURE

LA TERRE NE MENT PAS Par Marie Simone NGANE SOUA Depuis plus de 10.000 ans, les hommes construisent en terre. Les premières traces de ce type de construction ont été retrouvées en Mésopotamie. Pour poser le décor (en terre), notons que plus d’un tiers de la population mondiale vit dans une architecture de terre et plus de 10% des sites classés au Patrimoine Mondial par l’Unesco sont bâties en terre crue. Lorsqu’elle est utilisée sans grande transformation, les constructions en terre sont dites en terre crue, banco ou adobe. Ce sont celles que l’on voit le plus dans nos villages. La construction en terre est souvent synonyme de pauvreté.

Crédit photo : Toa Heftiba

Comment redonner à la terre ses lettres de noblesse ? Avec la modernisation et l’urbanisation, les villes africaines se transforment en ensembles de blocs de béton. A Douala, les immeubles recouverts de carreaux ou de plaques de métal pullulent. A Abidjan, les tours se suivent et se ressemblent. La terre est pourtant accessible, il suffit littéralement de se baisser pour en trouver. Une partie de la muraille de Chine est d’ailleurs construite en terre car vu la longueur de l’édifice, les constructeurs ne pouvaient se permettre de transporter la matière première. La terre permet de construire facilement. Et qui dit facilité, dit économie. Pour extraire de la terre, il ne faut pas de technologie particulière. La terre crue ne nécessitant pas de transformation, les économies sont faites à la fois en temps et en énergie. L’architecte égyptien Hassan Fathy a, dans les années 50, construit des milliers de logements en terre. Parti d’une revisite de l’architecture traditionnelle, le projet a coûté cinq fois moins cher qu’un projet en béton. L’autre avantage, dans ce pays chaud, est bien évidemment la gestion 44

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des températures dans les habitats.

Comment éviter de subir les aléas des délestages d’électricité et profiter d’une climatisation naturelle ? Contrairement à ce qui se dit habituellement, la terre n’agit pas comme climatiseur ou isolant thermique. Elle possède une très bonne inertie thermique, ce qui signifie qu’elle garde les températures. Pendant les périodes chaudes, elle se rafraîchit la nuit et rend cette température durant la journée. Les murs se réchauffent lentement, la période de fraîcheur est donc prolongée. C’est un atout non négligeable dans les pays où les températures peuvent souvent monter au-dessus de 35° et où la disponibilité de la climatisation et de l’énergie électrique sont limitées. Sur le plan environnemental, ce type de construction ne participe pas au gaspillage des ressources de la planète et ne pollue pas. C’est un matériau réutilisable et inépuisable. En réduisant les charges en matière de transport, il participe au développement durable.


Construire la ville de demain requiert à la fois une dimension écologique, économique mais surtout durable. Des habitats très confortables et durables peuvent être construits en terre. La ville de Shibam au Yémen est l’un des exemples les plus impressionnants. Surnommée la « Manhattan du désert », elle comprend des bâtiments élevés allant jusqu’à six étages. Construite au XVIe siècle, la ville subsiste encore aujourd’hui. La terre a l’avantage d’avoir une bonne plasticité. Cependant avec les phénomènes climatiques, l’urbanisation et la disparition des techniques de conservation traditionnelles, ce type d’architecture est menacé. Image : Grande Mosquée de Djenné Au Mali, la Grande Mosquée de Djenné, le plus grand édifice en terre crue au monde, est crépie tous les ans par les habitants de la ville au cours d’un événement. La pérennité des constructions en terre est étroitement liée à la pérennité des techniques et l’acquisition de savoir-faire.

Accessible, économique, durable, pourquoi donc la terre n’est pas le matériau le plus utilisé dans les régions chaudes ? Le narratif négatif sur l’habitat en terre y est pour beaucoup. Habiter dans une maison en « dur » est un marqueur de réussite. L’esthétique des constructions en terre n’est pourtant plus à démontrer. Dans l’architecture contemporaine, elle est souvent utilisée en association avec d’autres matériaux. A Dakar, les édifices rouges côtoient les bâtiments en béton. L’architecture de la terre est en quelque sorte organique. Elle se fond dans le paysage et l’environnement. Image : Grande Mosquée de Djenné Au Mali, la Grande Mosquée de Djenné, le plus grand édifice en terre crue au monde, est crépie tous les ans par les habitants de la ville au cours d’un événement. La pérennité des constructions en terre est étroitement liée à la pérennité des techniques et l’acquisition de savoir-faire.

Les grandes questions sur l’habitat et la conservation des techniques de construction interviennent souvent lors de crises. En 1980, l’exposition « Architectures de terre ou l’avenir d’une tradition millénaire » au centre Pompidou en France éveillaient les consciences sur l’importance de perpétuer ce savoir. Le Programme du patrimoine mondial pour l’architecture de terre (WHEAP) est lancé en 2008. En 2009, le Programme Africa 2009 proposant une approche intégrée de la conservation du patrimoine immobilier africain (les mosquées de Tombouctou, les ruines du Grand Zimbabwe, les villes Swahili de Zanzibar, Bagamayo, Mombasa et Lamu ou l’île de Gorée…) est créé. En 2022, un architecte africain remporte pour la première fois le plus grand prix d’architecture mondial. Le burkinabé Diébédo Francis Kéré est le lauréat du Pritzker Prize. Créé par l’homme d’affaires Jay Pritzker en 1979, le Pritzker Prize récompense les architectes qui ont eu un apport significatif à l’architecture. C’est un message fort, un appel au retour à l’essentiel. La terre crue est la marque de fabrique de Francis Kéré. , Le lauréat du prix d’architecture Aga-Khan (2004) et du Global Award for Sustainable Architecture (2009) compresse la terre à l’aide d’une presse pour en faire des briques qui absorberont la chaleur. L’inertie thermique du matériau est mise à profit avec un toit surplombant l’édifice et protégeant les murs du soleil tout en laissant un espace où l’air peut circuler. A Gando, les édifices se suivent et ne se ressemblent pas rivalisant de beauté architecturale. «Mon travail est un service à l’humanité pour les pauvres comme les riches» a expliqué l’architecte au micro de confrères après sa victoire.

Accéder à un logement adapté, confortable et esthétique n’est pas une question d’argent. Retournons à la terre. La terre ne ment pas. Crédit photo : Ethan Hu

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4 QUESTIONS A...

ROSE POUNGOM FONDATRICE DE MAISON EZINRIS Interview par Joan Yombo Photos par Yann Megnane Cela fait 5 ans que Rose Poungom est entrepreneure dans le domaine de la beauté, en étant à la tête de Maison Ezinris, une maison parisienne destinée à la perruque et à toutes sortes d’extensions capillaires. Après une seconde scientifique, Rose fait ses armes dans une école de mode, où elle passe 2 ans à apprendre la haute couture. Une version trop manuelle de la mode, qui la pousse à se diriger plutôt vers la communication et le marketing. A ce stade, la coiffure était plus une passion qu’un domaine dans lequel elle aurait imaginé exercer. Pendant son BTS en communication, elle s’envole donc à New York où elle vit pendant 1 an, avant de terminer avec un Bachelor en management. Rose est donc une professionnelle de la communication, bilingue et capable de manager des équipes. Des expériences dans le luxe, notamment au Bon Marché et aux Galeries Lafayette jalonnent ce parcours et la préparent, sans le savoir, à sa future vie d’entrepreneure dans la beauté avec service haut de gamme. Un joli parcours qu’on a voulu résumer en 4 Questions, ou presque.

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Pouvez-vous nous expliquer tout ce qu’on retrouve dans le concept Maison Ezinris ? La marque a-t-elle des ambitions d’expansion en Afrique La Maison Ezinris a trois pôles distincts. Ezinris Beauty, qui représente la vente d’extensions capillaires, pas uniquement les perruques naturelles, mais aussi les ponytails, les demi-têtes et autres types d’extensions. Nous vendons aussi des accessoires de beauté comme les fers à boucler. Ezinris Beauty s’adresse aux femmes actives entre 25 et 50 ans, désireuses de porter des perruques ou des extensions capillaires. La cible s’est d’ailleurs rajeunie parce que nous permettons désormais de payer nos produits en plusieurs fois. Ensuite, on a Ezinris Care, notre pôle spécialisé pour la vente des prothèses capillaires destinées à l’usage médical. Les prothèses sont faites pour les femmes, les hommes et même les enfants. C’est important pour moi d’accompagner à ma façon les personnes qui sortent de chimiothérapie ou de maladies. Enfin, Ezinris Education, représente le pôle formation, où nous formons au métier de perruquier, mais également aux techniques de ventes, pour apprendre à nos élèves à bien vendre et à mettre leur travail en valeur. La plupart de nos élèves sont des femmes en reconversion professionnelle. L’Afrique est au cœur des stratégies de la maison. Nous sommes à Abidjan depuis 2020 au sein du concept store couleur concept beauty (CCB). On peut y retrouver les produits phares de la maison et se faire coiffer sur place.

La prochaine étape pour nous c’est le Cameroun où nous souhaitons ouvrir une boutique courant 2022. Êtes-vous à 100% sur Ezinris ? En termes d’énergie, je suis à 80% sur Ezinris et à 20% sur RD Consulting qui est ma boite d’accompagnement en création d’entreprise. Je l’ai lancée il y’a un an, et c’est un projet qui me tient énormément à cœur, car j’ai toujours, avant même de créer Ezinris, aimé aider mes ami(e)s à se lancer. La demande était également grandissante, que je me suis dit « OK, je me lance et on voit ce que ça donne ». Les clientes étaient au RDV, car elles me suivaient déjà et suivaient déjà mon travail. Le fait d’avoir déjà fait ce parcours moi-même, était rassurant pour elles.

comme la Rue Saint Honoré à Paris, vaut son pesant d’or… L’infection palustre pendant la grossesse représente un problème de santé publique majeur, comportant des risques substantiels pour la mère, le fœtus et le nouveau-né Je dirais plutôt : quelle est la meilleure stratégie pour ne pas se faire financer. Je sais, ça fait bizarre de retourner la question comme ça. Mais je pense que nous devons vraiment avoir cette culture de l’économie. Quand on vit chez ses parents, qu’on ne paye pas de loyer, qu’on cumule des jobs étudiants, c’est le meilleur moment pour économiser. L’erreur que les jeunes font souvent c’est de dépenser parce qu’ils n’ont pas de projet. J’ai commencé à économiser avant même de savoir exactement ce que je voulais faire de ma vie. Je savais une chose : nous sommes dans un monde capitaliste, et j’aurais forcément besoin d’argent à un moment ou à un autre. Les banques ne m’auraient pas prêté d’argent si je ne leur avais pas montré que j’étais solvable. Et je ne le leur aurais jamais montré si je n’avais pas anticipé et mis assez d’argent de côté. La clé quand on veut demander un emprunt, ou n’importe quelle aide financière, c’est de montrer notre sérieux et notre capacité à bien gérer nos finances. Si une jeune personne lit cet article, je lui dirais de raisonner de la manière suivante : comment faire pour éviter de me faire financer par une banque ? Cela vous permettra de mettre assez de côté pour démarrer sur fonds propres ou alors en vous faisant financer plus facilement parce que vous aurez démontré votre solvabilité.

Allez, une question bonus pour la route : dans cette aventure entrepreneuriale qui est la vôtre. Quel est votre plus gros challenge ? Notre plus gros challenge et notre priorité : garder la satisfaction client intacte malgré l’expansion de la maison. Comment répondre à toutes les problématiques et être toujours à l’écoute des clientes, pour nous réajuster au quotidien. C’est le moteur qui nous drive tous les jours.

En tant que consultante d’entreprise, quelle est votre recommandation à une personne qui veut se lancer dans une entreprise de beauté capillaire ? Quels sont les prérequis ? Je dirais qu’il faut commencer par bien établir l’offre qu’on veut mettre en place sur le marché : quelle est ma valeur ajoutée ? Pourquoi la cliente viendrait – elle chez moi et pas ailleurs ? Ensuite, il faut bien déterminer à qui on souhaite s’adresser. Comprendre et bien connaitre cette clientèle, et également maîtriser le segment dans lequel on est. Sans ce défrichage essentiel, on risque de passer à côté de son lancement ou de son entreprise, parce que les stratégies marketing, commerciales ou de communication, risquent de ne pas matcher avec les personnes qu’on vise. Pour finir, il faut être passionné.e et perseverant.e. Ce sont des qualités incontournables quand on entrepreneur. Ces conseils sont valables dans tous les secteurs, mais encore plus dans les secteurs fortement tournés vers le service, comme la beauté.

Quelle est la meilleure stratégie pour se faire financer ? Typiquement un salon de coiffure sur une prestigieuse rue INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / AVRIL 2022

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CONVERSATIONS DIGITALES

Faire de la photographie au Cameroun, selon

SIMONE SONGUE Retranscrit par Joely Robaky Dans cette nouvelle rubrique, nous vous retranscrivons nos conversations digitales les plus inspirantes. Celles qui ont généré le plus de réactions et de commentaires. Elles ont lieu pour la plupart, en live sur Instagram. Pour ce premier jet, on a été inspiré par le parcours, la lucidité et l’authenticité de Simone Songue jeune femme photographe au Cameroun.

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Bonjour Simone, peux-tu te présenter à nos lecteurs STP ? Je m’appelle Simone SONGUE, j’ai 18 + 10 ans. Comme vous l’avez compris, je suis encore jeune, je viens à peine d’atteindre la majorité (rires). J’ai envie de dire que je suis photographe mais j’estime que je ne « mérite » pas encore ce titre... En dehors de la photographie, j’ai un parcours très divers, j’ai aussi fait du marketing. Je suis comme un chat, j’ai déjà eu 7 ou 8 vies ! Comment es-tu passée du marketing à la photographie et comment as-tu décidé de te spécialiser dans ça ? Je ne sais pas si c’est moi qui ai décidé ou si c’est la vie qui a choisi pour moi. Quand je suis rentrée au Cameroun en 2013, je travaillais pour une marque de urban wear camerounaise. Je faisais des casquettes et des tee-shirts, en gros. Face au besoin en création de contenus, je me suis mise à la photo. En 2017, j’ai acheté mon appareil photo et j’ai décroché mon premier contrat peu après. C’était il y a seulement 5 ans et c’est pour ça que j’ai du mal à accepter le « titre» de photographe - notamment parce que je n’ai pas fait des études dans ce domaine. Donc en fait ta passion est née du besoin de création de contenu ? Exactement. J’ai toujours aimé guider lors des shootings que l’on faisait pour la marque. Et je pensais avoir un œil naturel pour ça, alors je me suis lancée. Mais ça a été très timide au début. Quand tu rentres au Cameroun après des études à l’étranger, pour finalement devenir photographe dans un pays où les artistes ne sont pas très valorisés, ce n’est pas simple. Se lancer dans un métier artistique après des études à l’étranger c’est comme un aveu d’échec. Les gens se disent que les études t‘ont dépassé, que tu as raté ta vie, et que tu te lances dedans par dépit. Pourtant, pour être photographe ou exercer tout autre métier artistique, il faut avoir fait une formation ou s’être auto-formé, ce n’est pas rien. Et comment fais-tu pour capter aussi bien les émotions ? Surtout pendant les mariages, comment vous [les photographes] faites pour savoir à quel moment prendre la photo ? Pour être honnête, quand j’ai commencé à travailler sur des mariages, je pensais que c’était à la portée de n’importe qui. C’est en travaillant avec d’autres professionnels que j’ai compris que ce n’était pas si évident. Savoir anticiper le bon moment, ça demande soit un talent naturel, soit de l’entrainement. Un mariage, c’est un événement unique. Donc il faut être prêt à tout moment pour capturer les gestes qui comptent. Je suis justement en train de me constituer une équipe de gens aux talents photographiques variés pour immortaliser chaque étape. Moi, je me concentre sur la cérémonie en tant que telle. J’aime bien dire que je suis spécialiste des mariages des gens qui s’aiment. Si vous ne vous appréciez pas un minimum, je ne vous sers à rien, parce que je ne peux pas créer ce qui n’existe pas. On ne photoshoppe pas l’amour. On sent que tu prends le temps de connaître tes clients, de créer une relation avec eux. Mais je voudrais revenir sur ton retour au Cameroun et la perception du métier de photographe ici. Comment cette perception a-t-elle évolué entre le moment où tu es revenue et maintenant ? Comment a réagi ton entourage, tes parents ? Au départ c’était très compliqué avec ma mère, car l’environnement camerounais ne respecte pas forcément l’art. Donc quand tu reviens de tes études à l’étranger pour être photographe, la question qui surgit en premier c’est « qu’est-ce qui n’a pas marché ?». Je suis revenue en 2013 mais je n’ai commencé la photo que cinq après, donc ça a pris un certain temps avant que j’arrive à ce métier-là. Depuis 2017, les gens se rendent vraiment compte de la valeur des images, que ce soit pour une

utilisation personnelle ou professionnelle. Maintenant, on peut aller voir une entreprise pour lui proposer un service de création de contenu et exiger un certain budget, alors qu’avant les gens ne voulaient pas payer pour ça. Ils comprennent enfin que c’est important d’avoir des souvenirs de qualité. J’aime souvent raconter cette anecdote : avant, ma mère achetait ses souvenirs de mariage à ceux que j’appelle les « photographes de carrefour ». Ils te prennent en photo dans la rue avant l’événement puis dès que tu ressors ils te présentent la photo et tu dois payer pour la récupérer. Ma mère avait l’habitude d’acheter ses photos chez eux mais maintenant elle est la première à remarquer tous les défauts - « ta photo est penchée, la lumière n’est pas bonne, etc. » - et refuse de dépenser son argent pour ce niveau de service. Alors si quelqu’un comme ma mère (à qui je dois encore parfois montrer comment envoyer une photo sur WhatsApp) peut évoluer, ça montre qu’il y a de l’espoir pour le Cameroun dans son ensemble. Après avoir vu ton book - qui en passant est magnifique ! - j’ai encore mieux réalisé l’importance d’un bon photographe pour immortaliser tous les moments importants. Et j’imagine que le budget sert à financer un tas de choses en dehors de la prise des photos le jour-même, n’est-ce pas ? En effet, les clients paient pour la journée de travail mais aussi et surtout pour ces très longues heures durant lesquelles on analyse chaque image et chaque détail. Ce sont les souvenirs de toute une vie. Il faut donc faire attention à avoir la plus belle qualité d’image possible. Il m’est déjà arrivé de travailler avec un autre photographe sur un mariage, et que cet autre photographe rende ses photos au bout de 3 jours. Du coup, les clients m’ont mis la pression et ne comprenaient pas pourquoi je prenais beaucoup plus de temps. Un mois plus tard, lorsque j’ai enfin rendu les photos éditées, je me suis rendu compte qu’ils avaient carrément effacé les photos de l’autre photographe pour ne garder que les miennes. Ils ont réalisé que le temps pris pour travailler ces photos a une valeur. Et la plupart du temps le photographe fait tout lui-même. C’est fatigant et très chronophage mais pour moi c’est aussi important que l’argent. Je ne dis pas que l’argent ne compte pas, au contraire. INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / AVRIL 2022

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Mais il y a quelque chose de très spécial dans le fait de remettre des photos ou des vidéos à un couple et voir qu’ils réalisent que cette dépense valait largement le coup. Ce sont ces petits moments de reconnaissance qui te donnent la force d’avancer., qui te montrent que ce que tu fais compte

Justement, toi tu tiens à la qualité de ton rendu. Mais on sait qu’ici au Cameroun il y a encore trop peu de personnes qui ne comprennent pas la valeur du travail d’un photographe. Alors comment tu fais pour résister quand un client veut tirer les prix vers le bas ? J’aime souvent dire que « chaque beignet à son client ». Tout le monde veut un deal et tout le monde veut économiser au maximum, mais la personne qui vient chez SS Creative Studios (ndlr : l’agence créative de Simone SONGUE) n’ira pas forcément chez le photographe du carrefour, et vice versa. Si quelqu’un accorde de l’importance à ce genre de service, notamment pour un mariage, il ou elle pensera à mettre le budget qui va avec. Et puis, on n’achète pas seulement des images : on achète aussi un style, et il faut que le style du photographe t’interpelle et te ressemble, sinon ça ne vaut pas la peine. Chaque photographe ou presque a son style, donc il y a de l’espace pour tout le monde, surtout dans un pays comme le Cameroun. Considères-tu que la photographie soit ton métier à temps plein ? Actuellement, 85 à 90 % de mes revenus proviennent de la photographie. Mais honnêtement, j’aimerais pouvoir, à terme, être plus sélective et ne passer derrière l’objectif que pour des projets qui me parlent profondément (et pas seulement parce qu’il faut faire tourner la machine). J’aimerais rester dans tout ce qui touche à l’image, et que la photographie soit seulement une partie de ça. 50

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Et en termes de paperasse, ça se passe comment ? Tu te mets au statut d’auto-entrepreneure ? Comme la plupart des auto-entrepreneurs, j’ai créé une SARL avec la description adéquate. Le statut dépend bien sûr des ambitions des uns et des autres, mais la paperasse est plus ou moins la même pour tous les types d’entreprises. Officiellement, on doit s’inscrire au registre des photographes pour obtenir la carte de photographe, mais la réalité du terrain est toute autre. Si on prenait en compte tous les coûts que cela représente dans la facture de nos services, aucun client ne paierait ce prix. Et c’est cette réalité qui pousse les entrepreneurs à jongler comme ils peuvent avec les différentes autorisations, tout en restant dans la légalité car il est important d’être en règle, surtout lorsqu’on travaille avec les entreprises. Ça permet de se protéger mais également de faire grandir son affaire plus facilement. Pour faire une levée de fond et convaincre les investisseurs, il faut que tous les papiers soient en règle. Il faut pouvoir justifier les millions demandés grâce à des fiches de paies, d’impôts, prouver sa rentabilité, etc. Si tu n’as pas payé tes impôts et gardé une trace de chaque entrée d’argent, ce n’est pas avec tes beaux yeux que tu vas convaincre quelqu’un de te financer. Malheureusement, l’ambition et les idées ne suffisent pas pour obtenir un financement, et personne ne fait dans la charité. Qu’est-ce que tu préfères : travailler en événementiel ou avec des entreprises ? Et quel type de photographie préfères-tu ? Personnellement, si je devais choisir et ne faire qu’une seule chose, ça serait la photographie de mariage. J’avais 7 ans quand un de mes oncles à qui je parlais a dit à ma mère « Simone, c’est une amoureuse de l’amour ». Et c’est vrai : moi j’aime l’amour et les belles histoires, j’aime pouvoir les raconter à travers mes photos, c’est mon dada. Si je pouvais ne faire qu’une seule chose pour le restant de mes jours, ça serait ça. Mais il faut bien vivre, et les entreprises sont des clients importants, même si pour eux je prends un rôle plus en retrait. Je suis plus souvent chef de projet ou directrice artistique dans les projets que je réalise pour eux et ça me convient parfaitement. La vérité aussi c’est qu’être photographe représente un travail à temps plein. Il faut gérer une entreprise, et gérer une équipe aussi. Or je ne suis qu’une personne avec un seul cerveau et deux mains, et seulement 24 heures dans la journée pour pouvoir manager tout ça. Il faut savoir jongler, gérer les humeurs, les partenaires et les contrats ; ce n’est pas évident tous les jours. Personnellement je me sens très chanceuse car je travaille avec des personnes très compréhensives, qui reconnaissent que j’ai une vie en dehors de mon travail et veulent me soutenir. C’est vraiment une bénédiction car sans ça je pense que je ne serais pas là aujourd’hui. Vraiment shout out aux clients compréhensifs. En tant que femme camerounaise dans ce milieu (plutôt masculin pour le moment) comment ça se passe ? Je pense que j’ai la chance - ou la malchance ? - d’être atypique depuis de nombreuses années. Je ne rentre pas dans le moule de ce qu’une femme camerounaise lambda doit être. Mon look atypique - mes locks, mes tatouages - et androgyne me protège d’un certain nombre de choses et me permet d’être peut-être mieux traitée que d’autres femmes. Mais je pense que lorsqu’on est une femme « typique », telle qu’on la conçoit dans notre société, ce n’est vraiment pas évident tous les jours, entre les remarques des gens, les gestes déplacés, et ceux qui pensent que parce que tu es une femme, ils peuvent te parler fort et t’intimider. Mon expérience n’est pas universelle mais il y a un fil conducteur : lorsque tu es une femme, on te sous-estime plus souvent. Quand les gens voient que je suis une femme à la tête d’une équipe entièrement masculine, leur regard change, ils deviennent admiratifs. C’est très valorisant. Et j’ai déjà vu des petites filles me regarder avec des yeux qui brillent, et c’est génial en termes de représentation. Le fait que je fasse ce métier prouve que c’est possible, que quand on est une femme au Cameroun on peut réussir même dans un environnement aussi difficile.


Pour terminer, quels conseils donnerais-tu à ceux qui veulent faire de la photographie leur métier ? Pour moi, il faut d’abord réaliser que c’est un métier difficile. Moi je dis souvent aux photographes débutants qui viennent me voir : « si quelqu’un te dit d’abandonner tout ce que tu fais pour être photographe, cette personne ne te veut pas de bien. ». Au Cameroun, on glamourise trop l’entreprenariat, alors que la réalité de tous les jours est loin d’être glamour. Que tu sois « fils de» ou pas, l’entreprenariat c’est la guerre tous les jours. Donc, le premier conseil serait de garder ou trouver un emploi salarié et se consacrer à la photographie seulement les weekends. Quand tu as réussi à maintenir un flux de clients assez constant, tu peux envisager de te lancer complètement dans la photographie. Ça demande d’avoir des côtes solides et un environnement encourageant, sur lequel on peut se reposer même pour pleurer car oui, quand on est entrepreneur, certains matins tout ce qu’on a envie de faire c’est pleurer parce qu’on est à bout. Il faut donc vraiment avoir un bon « support system » - c’est la première chose à vérifier côté humain, on va dire. La deuxième chose c’est de vraiment se former au métier. Pour être ingénieur c’est 5 ans d’études, pour être comptable ou spécialiste en

marketing c’est minimum 4 ans, pour être médecin c’est 7 ans. Qu’estce qui te fait penser que tu peux te lever un matin, aller acheter un appareil photo d’occasion dans n’importe quelle boutique et annoncer partout « ça y est, je suis photographe » ? Ça ne fonctionne pas comme ça, il faut s’asseoir et s’instruire. Et ne surtout pas négliger des outils comme You Tube ! Les gens ont tendance à penser que pour apprendre il faut forcément aller à l’école. Personnellement, ma salle de classe ça a été YouTube, les livres et mes collègues. Donc il faut se former, écouter, et surtout être humble. Pour finir, il y a un aspect que les gens oublient souvent : ce sont les relations humaines. Les gens vont oublier ce que tu as dit mais ils vont se rappeler de comment ils se sont sentis. Il faut donc apprendre à bien les traiter et comprendre qu’à partir du moment où ils paient pour un service, on a l’obligation de donner le maximum, qu’on ait reçu 100 francs ou 100 millions. C’est ça qui permet derrière que tes clients te recommandent, parce qu’ils auront eu une bonne expérience. J’ai la chance d’avoir des clients qui me recommandent à leurs proches et c’est ça qui me permet de faire tourner la machine.

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LE BAR À LECTURE

AMELIE EBONGUE,

AUTEURE DE GENERATION TIKTOK, UN-ELDORADO POUR LES MARQUES Interview réalisée par Joan YOMBO Photos par Damien ETCHEVERY

Amélie EBONGUE est experte en stratégie de contenus sur les réseaux sociaux. Elle a une fine connaissance de leurs usages auprès des communautés. Passionnée par les grands changements de notre société, elle analyse les territoires d’expression du numérique et anticipe les tendances d’usages qui dessineront les comportements de demain. De Skyblog à TikTok, Amélie EBONGUE a évolué au fil du temps avec les réseaux sociaux qui compose le paysage mondial actuel. Nous lui avons posé quelques questions sur son tout premier livre, qui explore en long et en large le phénomène TikTok et son impact sur les marques et les créateurs de contenus. 52

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Tu es une observatrice des tendances sociétales surtout sur le numérique. Comment TikTok influence-t-il les tendances et les comportements dans le monde ? Quelle observation spécifique fais-tu pour le continent Africain ? TikTok a un impact puissant à l’échelle du monde. Il est vrai que sa place au sein du paysage numérique actuel a complètement modifié la manière dont on vient consommer du contenu. Tous les codes de la génération Z y sont réunis : divertissement, sens de l’éphémèrere, verticalité et conversations. Elle offre à ses utilisateurs des possibilités créatives illimitées où chacun peut avoir son heure de gloire. En Afrique, on observe une croissance importante des usages sur certains pays comme le Nigéria, le Sénégal, le Cameroun, la Côte d’Ivoire ou encore l’Afrique du Sud. Les usages sont légèrement identiques d’un pays à l’autre, c’est à dire que les thématiques abordées sont principalement autour du divertissement humour, musique, etc. La part importante de créateurs basée en Afrique n’est plus à prouver et pour fait, on voit que les initiatives pour soutenir la création et la croissance des communautés sont entreprises sur une partie du continent. Je prends l’exemple de l’Afrique du Sud et du Nigéria qui sont les territoires de conquêtes massifs de TikTok, l’Amapiano Festival organisé en novembre 2021 et le succès de «Love Nwantiti» de Ckay l’ont démontré. Sur les marchés lusophones et francophones, l’appli est moins connue, car elle y développe moins sa notoriété. TikTok en Afrique, c’est donc majoritairement le terrain de jeu des créateurs de contenus. On le voit par l’amplification et la viralité sur certaines vidéos. Ce succès s’explique aussi par l’explosion des créateurs de contenus humoristiques. Ils ont un espace accessible, facile à utiliser sur mobile et qui permet une viralité infinie. C’est un véritable outil d’expression créative. Les contraintes techniques sont limitées et permettent facilement de faire passer un message. Rares sont les marques sur le continent à avoir investi le réseau social, notamment parce que beaucoup d’entre elles n’en maîtrisent pas les outils. Sur TikTok, on vient naturellement chercher une audience qui adepte des contenus courts et facilement likeable. Ce qui donne envie de partager à l’infini autour de soi et c’est d’ailleurs l’une des forces de la plateforme. Les usages vont dépendre des objectifs établis par la marque qui souhaite se lancer sur TikTok.

Bonjour Amélie, ravie de te retrouver dans Inspire Afrika Magazine ! (Lire notre première interview avec Amélie dans le numéro 21 du magazine, ndlr) Tu viens de publier ton premier livre, Génération TikTok, un eldorado pour les marques, aux éditions Dunod. A quoi faut-il s’attendre exactement quand on achète ce livre ? Ce livre s’adresse en premier lieu personnes qui veulent connaître le fonctionnement de l’application, mais aussi approfondir leurs connaissances sur l’écosystème numérique actuel opposant les GAFAM et les BATX . Tout lecteur qui souhaite connaître l’histoire et l’origine de l’application chinoise est bienvenu. C’est aussi un ouvrage à destination des personnes ayant envie de se cultiver sur l’économique du numérique tout simplement.

Pourquoi as-tu décidé d’écrire ce livre. Quel a été l’élément déclencheur ? Une rencontre parfaite avec l’éditeur et le timing dans lequel je m’inscrivais sur le plan professionnel. J’ai longtemps éduqué les marques à l’usage de la plateforme au sein de l’agence pour laquelle je travaillais. Très tôt, j’ai contacté l’un des premiers salariés en Europe à venir présenter TikTok au sein de l’agence, et ça m’a tout de suite donnée envie de comprendre comment l’application fonctionnait. À l’époque le seul bureau d’Europe était à Londres, c’est dire. J’ai vraiment assisté à l’expansion du réseau social à l’échelle du monde. J’en parle dans le livre et c’est ce qui est intéressant à analyser dans les prémices de son histoire.

Quelles sont les clés que tu donnes aux marques pour performer sur ce réseau ? Ces conseils valent-ils pour des marques basées en Afrique ou ayant une audience africaine ? Le premier conseil c’est d’identifier et d’utiliser les outils mis à disposition par l’appli. TikTok crée de nombreux formats publicitaires adaptés pour le contenu de marque, c’est le cas du Top View ou du format Brand Takeover qui permettent aux annonceurs de s’assurer une visibilité et un reach quasi-exclusif sur un temps donné. Les thématiques sur TikTok sont nombreuses, les plus communes comme la food, la beauté, le l’écologie, le marketing digital, l’art, la santé, mais aussi l’histoire ou encore la politique. A noter toutefois que ces outils publicitaires ne sont pas encore ouverts sur le marché africain pour le moment. Le second conseil est d’apprendre à créer du contenu viral. Pour cela, il faut avoir en tête que le caractèrere spontané et authentique de l’appli, qui est largement favorisé, contrairement aux des autres plateformes qui ont plutôt mis en avant l’esthétique. Sur TikTok, ce n’est plus uniquement le divertissement et les challenges du confinement qui dominent mais bel et bien l’inbound marketing pour faire connaître son produit et/ou son service à travers de l’information utile : coulisses d’une entreprise ou d’un métier, conseils et astuces d’utilisation d’un produit ou vulgarisation sur un sujet technique, sensibilisation sur une thématique même difficile et avant tout l’humanisation du discours de marque. Cela va aussi bien pour toutes les marques qui veulent se lancer depuis l’Afrique. INSPIRE AFRIKA MAGAZINE / AVRIL 2022

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TikTok, comme tous les réseaux sociaux a ses propres codes. Quels sont les codes qu’il faut respecter en tant que marque et en tant que créateur de contenu pour se démarquer et attirer l’attention sur cette application ? La place de l’influence marketing sur TikTok a changé la manière de faire la promotion d’un produit de marque. Beaucoup de marques se lancent sur TikTok en réalisant de la co-création, ce qui ne permet pas d’assurer une stratégie au long-court. Il faut penser aux thématiques que l’on souhaite explorer régulièrement. Certes, les créateurs sont une majeure partie de l’attraction des marques sur le réseau, cependant certains d’entre eux émanent de manière complètement organique suite à un contenu diffusé. Par exemple, après une vidéo spontanée de la tiktokeuse @niceoneashley, la marque Urban Skin Rx s’est retrouvée avec une augmentation des ventes de son produit star en quelques heures. Dans sa vidéo, Ashley Boggs de son vrai nom montre les résultats 3 semaines après avoir utilisé l’exfoliant Even Tone Cleansing Bar, de la marque. Elle est suivie par une audience de 37 000 abonnés et la résonance en termes de ventes est explosive dans les 24h après la diffusion. La marque s’est fait connaître massivement et in-fine a vendu à une communauté de manière totalement organique. Il est donc relativement aisé pour une marque d’investir ce réseau car, il sera plus simple en matière d’acquisition d’audience à condition d’avoir une stratégie de contenus qui respecte les codes bien spécifiques de l’application. Exemple intéressant, d’autant plus que la marque n’a pas de présence sur TikTok à ce moment-là. Rapidement l’équipe marketing décide d’ouvrir un compte sur la plateforme basée sur cette exposition et sur les hashtags existants #urbanskinrx et #urbanrx de la marque, vus par plusieurs millions de personnes sur TikTok. Les codes de l’application sont uniques et restent propres à TikTok. La vidéo est l’unique format du réseau qui permet désormais de créer jusqu’à 3min. Le ton que vous allez employer va contribuer à nourrir votre singularité sur le réseau social. Les hashtags vont déterminer la viralité de votre vidéo et asseoir votre visibilité sur des mots clés identifiés. Enfin, la fréquence de publication va contribuer à naturellement vous faire voir auprès de l’algorithme et déterminer encore plus votre présence sur le réseau social. TikTok est un parfait outil de veille pour analyser et observer. Les tendances naissent tous les jours aux quatre coins du monde sur le réseau social. Vous avez aussi la possibilité d’identifier les nouveaux codes pour ensuite vous les approprier et créer un contenu percutant et adapté.

Combien de temps as-tu passé à la rédaction de ce livre, et quels conseils donnerais-tu à une personne comme toi qui souhaite distribuer son livre ? Une bonne année s’est déroulée entre la réception de mon contrat à la mise en vente du livre en librairie. L’écriture est un processus que j’aime passionnément et qui se joue dans la répétition des tâches au quotidien, ce qui nécessite d’avoir un temps de cerveau disponible pour rédiger. J’ai une bonne relation avec mon éditeur. Dans mon registre, l’unique conseil est d’affiner son expertise afin qu’elle soit perméable sur une thématique et qu’elle soit lisible par le plus grand nombre de lecteurs.

La liste des librairies qui commercialisent le livre en Afrique est disponible sur le site internet de Amélie EBONGUE, dans la rubrique “Livre” : https://www.ahmais-lis.com/livre-generationtiktok .

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Situé à un jet de pierre de l'Aéroport international de Douala, l'hôtel Best Western PLUS Soaho étend majestueusement ses ailes sur un site aménagé de deux hectares.

TÉLÉPHONE (+237) 233 506 500 233 506 565

E-MAIL infos@soaho.cm

ADRESSE

Zone Aéroportuaire Echangeur de l'Aéroport de Douala

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Retrouvez chaque mois les programmes dédiés sur nos antennes et plus d’informations sur : www.canalplus-afrique.com/nos-engagements 56

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