ITAA-zine | Numéro 3 - Juin 2020

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-ZIN E Numéro 3 | Juin 2020

Édition mensuelle – Bureau de dépôt Gent X – P409030

La législation DAC 6 en Belgique : un défi pour les contribuables et leurs conseillers

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Le 20 décembre 2019, le Parlement belge adoptait la loi transposant la Directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration.


Colophon Défaut d’assurance, un risque pour votre survie financière. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 La législation DAC 6 en Belgique : un défi pour les contribuables et leurs conseillers. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Votre éthique face à la fraude fiscale du client. . . . . . . . . . . . 11 Distribution de la réserve de liquidation et prolongation de l’exercice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 La S(P)RL : y a-t-il une vie après le CSA ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Conséquences fiscales d’une répartition non proportionnelle des dividendes dans une SRL. . . . 17

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ADMINISTRATION ET RÉDACTION ITAA, Boulevard Emile Jacqmain 135/2, B-1000 Bruxelles Tél. : +32 2 240 00 00 E-mail : info@itaa.be COORDINATION DE LA RÉDACTION Stéphane De Bremaeker (NL) – stephane.debremaeker@itaa.be Gaëtan Hanot (FR) - gaetan.hanot@itaa.be COMITÉ DE RÉDACTION Stéphane De Bremaeker, Gaëtan Hanot, Chantal Demoor, Sophie Bosschaerts, François Lezaack, Bart Van Coile (Président), Frédéric Delrue (Vice-Président), Geert Lenaerts, Eric Steghers IMAGES iStockphoto TRADUCTIONS IGTV ÉDITEUR RESPONSABLE B. Van Coile, Boulevard Emile Jacqmain 135/2, B-1000 Bruxelles

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AVIS AUX LECTEURS Les auteurs, le comité de rédaction et l’éditeur veillent à la fiabilité des informations publiées, lesquelles ne pourraient toutefois engager leur responsabilité. Les articles représentent les points de vue et les opinions des auteurs et donc pas nécessairement ceux de l’Institut ou du comité de rédaction.

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L’Institut des conseillers fiscaux et des experts-comptables (ICE) a été créé par la loi du 17 mars 2019. L’ICE se présente en tant qu’ITAA, et est le résultat d’une fusion entre l’IEC et l’IPCF. L’ITAA est géré par un Conseil et un Comité exécutif. Plus d’informations via : www.itaa.be.

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ITAA-zine Magazine mensuel de l’ITAA (ne paraît pas en janvier et en juillet) N° 3/2020

ÉDITEUR Wolters Kluwer Belgium Motstraat 30, B-2800 Mechelen


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Défaut d’assurance, un risque pour votre survie financière Il nous semble particulièrement impératif de revenir vers vous aujourd’hui pour faire un check-up de vos outils de survie face aux risques et obligations de votre vie professionnelle. les francophones) et Willemot (pour les néerlandophones).

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L’ITAA vous a dès lors invités à grand renfort de messages à prendre contact en direct avec ces courtiers pour réinitialiser votre adhésion à cette nouvelle version de la police collective par leur intermédiaire. Ces courtiers se chargeront des appels de paiement de prime.

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Assurez-vous que vous êtes toujours assuré À ce titre, l’obligation de souscrire un contrat d’assurance de la responsabilité civile professionnelle fait partie de vos outils de survie. Malheureusement, actuellement, sans doute par oubli, un grand nombre de membres ITAA ne sont plus en ordre d’assurance avec le risque de ne plus être couverts en cas de mise en cause de leur responsabilité civile par un client. Cette situation peut avoir de lourdes conséquences sur votre santé financière sans perdre de vue les

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Véronique Sirjacobs Cluster Déontologie et affaires disciplinaires

Pour toute information, référezvous au courtier de votre choix ou consultez immédiatement les sites des courtiers de la police collective. Pour les membres et stagiaires francophones Marsh SA avenue Herrmann-Debroux 2 1160 Bruxelles site : www.marsh.be/iec Arnaud Vanhoet : e-mail : arnaud.vanhoet@marsh.com tél. : (02) 674 91 14 Pour les membres et stagiaires néerlandophones Willemot NV Coupure rechts 228 9000 Gent site : www.ITAAwillemot1841.be e-mail : itaa@willemot.be

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La législation DAC 6 en Belgique : un défi pour les contribuables et leurs conseillers Le 20 décembre 2019, le Parlement belge adoptait la « loi transposant la Directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration » (ci-après « la loi de transposition »). La directive transposée est mieux connue sous le nom de « DAC 6 ». En adoptant cette loi, le législateur a donc transposé la directive DAC 6 dans le droit belge. Jusqu’à présent, l’impact de cette législation est plutôt resté limité puisqu’elle n’entre en vigueur qu’au 1er juillet 20201 . Tous les dispositifs devant faire l’objet d’une déclaration et dont la première étape a été mise en œuvre au plus tôt le 25 juin 2018 doivent néanmoins être déclarés2 . À cet égard, à titre de tolérance administrative, les délais de déclaration ont récemment été reportés de six mois en Belgique, les premières déclarations ne devant dès lors être effectuées que pour le 31 janvier 2021. Le législateur belge a transposé plutôt fidèlement la directive de sorte que nous pouvons en grande partie nous référer au texte de cette directive. Il subsiste toutefois pas mal de questions quant à son interprétation et son application concrète, des questions auxquelles le législateur belge n’a pas toujours apporté de réponse. Des précisions de l’administration fiscale seront dès lors les bienvenues. Dans le présent article, nous nous pencherons sur quelques notions cruciales de la législation DAC 6 et nous nous attarderons aussi sur les points d’attention spécifiques à la Belgique.

Quels sont les dispositifs transfrontières qui doivent être déclarés ? La législation DAC 6 prévoit une obligation de déclaration pour les dispositifs transfrontières comportant au moins un des marqueurs figurant dans la liste des marqueurs (« hallmarks »). À cet égard, la directive donne une définition

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d’un « dispositif transfrontière » mais pas de la notion de « dispositif » même, parce qu’une telle définition ne contribuerait pas à répondre efficacement à la planification fiscale agressive. Pour la délimitation des concepts de « dispositif » et de « planification fiscale agressive », il est dès lors fait usage de « marqueurs », autrement dit de caractéristiques et d’éléments de transactions qui sont un indicateur fort d’évasion ou d’abus fiscal. Qu’entend-on alors exactement par « dispositif » et qu’exclut cette notion ? Il ressort du texte de la directive que la simple passivité du contribuable concerné, d’un participant ou d’un intermédiaire (cf. infra), qui ne fait pas partie d’un ensemble plus vaste, comme l’action unilatérale d’un service public, ne peut être considérée comme un dispositif. L’application indépendante d’un régime fiscal national, par exemple l’application de la déduction pour les revenus d’innovation, ne peut pas non plus être considérée comme un dispositif, du moins si cette application ne fait pas partie d’un ensemble plus vaste d’étapes ou de parties pouvant dans leur totalité être considérées comme un dispositif3 . Constituerait par exemple un ensemble plus vaste d’étapes la recherche de l’endroit le plus approprié pour le respect des droits de propriété intellectuelle entrant en considération pour la déduction pour revenus d’innovation. La notion de « dispositif » se distingue de la notion de « ­transaction » ; la simple exécution d’une transaction, telle qu’une transaction bancaire, ne peut en soi constituer un dispositif4 . La conclusion d’un contrat (p.ex. un emprunt) pourrait par exemple constituer un dispositif, alors que son exécution (p.ex. le paiement d’intérêts) devrait plutôt être qualifiée de transaction.

Article 61, alinéa premier de la loi de transposition. Article 61, alinéa 2 de la loi de transposition. Exposé des motifs, Doc. parl. Chambre 2019-20, n° 55-0791/001, p. 7. Exposé des motifs, Doc. parl. Chambre 2019-20, n° 55-0791/001, p. 8.

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Il ressort des différents travaux parlementaires préparatoires que ne constituent entre autres pas un dispositif : l’établissement et l’introduction d’une déclaration, un second avis, la défense de certains dispositifs dans le cadre d’un contrôle fiscal, la comptabilité, des mouvements quotidiens dans le cadre de l’activité professionnelle normale entre la maison mère et un établissement étranger. Comme nous le verrons plus loin, tout cela est conforme à la définition de la notion d’« intermédiaire », puisque dans tous ces cas, il n’y a pas d’intervention dans « la conception, la commercialisation ou l’organisation du dispositif, ni dans sa mise à disposition aux fins de sa mise en œuvre ou dans la gestion de sa mise en œuvre ». La directive et la législation belge font enfin une distinction entre d’une part un « dispositif commercialisable » et d’autre part un « dispositif sur mesure ». La distinction est importante parce que la méthodologie de l’obligation de déclaration est différente. Ainsi, le délai de déclaration des dispositifs commercialisables est différent. Pour de tels dispositifs, l’intermédiaire doit établir tous les trois mois un rapport reprenant tous les contribuables chez qui ce dispositif commercialisable a été appliqué ou à qui il a été conseillé 5 . Une deuxième différence importante est qu’un dispositif commercialisable n’est pas couvert par le secret professionnel 6 . Qu’entend-on exactement par « dispositif commercialisable » ? Il s’agit d’un dispositif qui peut être proposé prêt à l’emploi par des intermédiaires, sans qu’aucun ajustement (formel) substantiel ne doive être apporté pour sa mise en œuvre. Sont donc visées les situations où un conseil peut

être donné sans qu’un ajustement substantiel ne doive être apporté par l’intermédiaire parce que la méthodologie et le concept fiscal restent toujours identiques. À côté des « dispositifs commercialisables », il y a les « dispositifs sur mesure ». Cette catégorie est donc une catégorie résiduaire de tous les dispositifs qui ne relèvent pas de la définition de dispositif commercialisable. Par conséquent, tous les dispositifs sont donc automatiquement soit des dispositifs sur mesure, soit des dispositifs commercialisables. La directive et sa transposition en droit belge prévoient une obligation de déclaration lorsqu’il est question de dispositif « transfrontière ». Transfrontière signifie que le dispositif concerne soit plusieurs États membres, soit un État membre et un pays tiers, et qu’au moins une des conditions suivantes est remplie7. Il est important ici de toujours prendre pour point de départ les participants (actifs) au dispositif : (i) tous les participants au dispositif ne sont pas résidents à des fins fiscales dans la même juridiction ; (ii) un ou plusieurs des participants au dispositif sont résidents à des fins fiscales dans plusieurs juridictions simultanément ; (iii) un ou plusieurs des participants au dispositif exercent une activité dans une autre juridiction par l’intermédiaire d’un établissement stable situé dans cette juridiction, le dispositif constituant une partie ou la totalité de l’activité de cet établissement stable ; (iv) un ou plusieurs des participants au dispositif exercent une activité dans une autre juridiction sans être résidents à des fins fiscales ni créer d’établissement stable dans cette juridiction.

5 Article 6 de la loi de transposition, nouvel article 326/4 du CIR 1992. 6 Article 9 de la loi de transposition, nouvel article 326/7, §3 du CIR 1992. 7 Article 3 de la loi de transposition, nouvel article 326/1, 1° du CIR 1992.

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6 Il ressort de ce qui précède que les différents participants ne doivent pas nécessairement se trouver effectivement dans différents États membres. La simple exécution d’une activité dans un autre État membre peut suffire. Pour l’appréciation du caractère transfrontalier, il est primordial de déterminer les participants au dispositif. Deux participants qui sont établis dans un même pays et qui sont détenus par un actionnaire étranger commun ne rendent pas nécessairement le dispositif transfrontalier. L’actionnaire commun n’est en effet pas automatiquement un participant simplement en raison de sa qualité d’actionnaire. De même, l’intermédiaire (cf. infra), pour autant qu’il n’ait pas un rôle actif, n’est pas non plus un participant à un dispositif transfrontière et peut parfaitement se trouver dans un autre État membre, bien que le dispositif proprement dit dont bénéficient ses clients/contribuables soit uniquement établi dans un seul et même État membre.

Il est important ici de nous pencher sur ce qu’on appelle le « critère de l’avantage principal (main benefit test) » auquel sont soumis certains des marqueurs. Ce critère constitue en réalité une condition supplémentaire à l’obligation de déclaration. Il est satisfait au « critère de l’avantage principal » lorsqu’il peut être établi que l’avantage principal ou un des avantages principaux qu’une personne peut raisonnablement s’attendre à retirer d’un dispositif, compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances pertinents, est l’obtention d’un avantage fiscal. En pratique, ce critère exigera donc de faire l’inventaire des avantages fiscaux et non fiscaux d’un dispositif donné. Sur la base de cet inventaire, il sera possible d’évaluer si un avantage fiscal déterminé est suffisamment important. Il est évident qu’en pratique, il s’agira là d’un exercice particulièrement difficile.

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La définition correcte de la transaction/du dispositif proprement dit est importante dans ce cadre, puisqu’une transaction qui, à première vue, n’est pas transfrontalière peut par exemple faire partie d’un ensemble plus vaste de transactions qui sont bien transfrontalières. En l’absence de directives claires pour délimiter le dispositif proprement dit, nous pouvons nous attendre à pas mal de confusion et à des différences d’interprétation.

Lorsqu’il est question d’un dispositif transfrontière déterminé, il convient enfin d’examiner si ce dispositif figure sur la liste des situations devant faire l’objet d’une déclaration, ce qu’on appelle aussi la liste des « marqueurs ». Un intermédiaire ou un contribuable qui est impliqué dans un certain dispositif transfrontière doit donc parcourir la liste des marqueurs pour savoir s’il doit effectuer ou non une déclaration. La liste des marqueurs est reprise en annexe du présent article 8 . Le législateur belge a suivi ici la directive, sans ajouter de marqueurs.

8 Voir aussi l’article 4 de la loi de transposition, nouvel article du 326/2 CIR 1992.

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Quelles sont les personnes qui doivent déclarer un dispositif devant faire l’objet d’une déclaration ? La directive impose l’obligation primaire d’information aux « intermédiaires ». Ce n’est que s’il n’est pas fait appel à un intermédiaire ou si aucun intermédiaire n’est situé dans l’Union européenne que cette obligation incombe au contribuable (concerné) qui fait usage d’un dispositif devant être déclaré.

Un intermédiaire est « une personne qui conçoit, commercialise ou organise un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, le met à disposition aux fins de sa mise en œuvre ou gère sa mise en œuvre » 9 (il s’agit de l’intermédiaire conseil ou « promoteur »). Un intermédiaire est aussi « une personne qui, compte tenu des faits et circonstances pertinents et sur la base des informations disponibles ainsi que de l’expertise en la matière et de la compréhension qui sont nécessaires pour fournir de tels services, sait ou pouvait raisonnablement savoir qu’elle s’est engagée à fournir, directement ou par l’intermédiaire d’autres personnes, une aide, une assistance ou des conseils concernant la conception, la commercialisation ou l’organisation d’un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, ou concernant sa mise à disposition aux fins de sa mise en œuvre ou la gestion de sa mise en œuvre » 10 (il s’agit de l’intermédiaire exécutant ou « fournisseur de services (service provider) »). Cette dernière personne a toutefois le droit de prouver qu’elle ne savait pas et ne pouvait raisonnablement pas savoir qu’elle participait à un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration. Le concept d’intermédiaire est particulièrement large. Il comprend éventuellement toute partie qui est impliquée dans un conseil ou dans la mise en œuvre du dispositif et peut englober les conseillers juridiques et fiscaux mais aussi les intermédiaires financiers ou les experts en valorisation. Toutefois, un conseiller qui n’est par exemple impliqué que dans l’introduction de la déclaration ou qui exécute une « due diligence », sans fournir d’autre conseil, ne peut être considéré comme un intermédiaire. Pour la même raison, un réviseur d’entreprise, dans l’exercice de sa mission de réviseur, ne pourra généralement pas non plus être considéré

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comme un intermédiaire devant faire une déclaration.

Il y a une distinction entre d’une part un « dispositif commercialisable » et d’autre part un « dispositif sur mesure ». La distinction est importante parce que la méthodologie de l’obligation de déclaration est différente.

Il est important de noter que l’intermédiaire peut être tant une personne morale qu’une personne physique. L’exposé des motifs de la loi de transposition précise à cet égard que lorsque l’intermédiaire est une personne morale qui emploie des salariés, la responsabilité de l’intermédiaire ne peut être engagée par ces salariés dans la mesure où ces derniers n’exercent pas une fonction de direction11 .

L’intermédiaire doit utiliser toutes les informations en sa possession pour évaluer si une certaine transaction doit être déclarée ou non, mais il n’a pour le reste pas d’obligation de recherche active 12 . En vertu de la directive, lorsque plusieurs intermédiaires ont participé à un dispositif devant faire l’objet d’une déclaration, l’obligation de déclaration incombe à chacun d’entre eux. Un intermédiaire ne peut dans ce cas être dispensé de l’obligation de déclaration que s’il peut prouver, conformément au droit national de l’État membre concerné, qu’un autre intermédiaire a déjà transmis toutes les informations nécessaires. Dans un contexte belge13 , cette preuve devra être écrite, et il pourra être renvoyé au numéro de référence unique attribué à chaque déclaration comme preuve que le dispositif a déjà été déclaré. C’est pourquoi un intermédiaire qui effectue une déclaration devra transmettre sans délai ce numéro unique aux autres parties impliquées.

Quels sont les points d’attention spécifiques à la Belgique ? Le secret professionnel14 La directive stipule que les États membres peuvent prévoir une exception à l’obligation de déclaration pour les intermédiaires qui, en vertu du droit national de l’État membre concerné, peuvent invoquer le secret professionnel. La Belgique a elle aussi prévu cette exception, de sorte qu’en vertu de la législation belge, certains intermédiaires (p.ex. les conseillers fiscaux (internes) certifiés) seront dispensés de déclarer un dispositif. Dans ce cas, l’obligation de déclaration incombe à un autre intermédiaire impliqué dans le dispositif (et l’intermédiaire qui ne peut faire la déclaration en raison

Article 3 de la loi de transposition, nouvel article 326/1, 4°, alinéa premier du CIR 1992. Article 3 de la loi de transposition, nouvel article 326/1, 4°, alinéa 2 du CIR 1992. Exposé des motifs, Doc. parl. Chambre 2019-20, n° 55-0791/001, p. 10. Exposé des motifs, Doc. parl. Chambre 2019-20, n° 55-0791/001, p. 15. Article 8 de la loi de transposition, nouvel article 326/6 du CIR 1992. Article 9 de la loi de transposition, nouvel article 326/7 du CIR 1992.

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8 Les délais de déclaration

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En vertu de la directive, la déclaration doit être effectuée dans un délai de trente jours prenant cours à la date intervenant le plus tôt parmi les dates suivantes : (i) le lendemain du jour où le dispositif est mis à disposition aux fins de mise en œuvre par l’intermédiaire, (ii) le lendemain du jour où le dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration est prêt à être mis en œuvre, (iii) lorsque la première étape de la mise en œuvre du dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration a été accomplie. En ce qui concerne l’intermédiaire qui savait ou devait raisonnablement savoir qu’il était impliqué dans un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration (cf. supra), ce même délai de trente jours commence à courir le lendemain du jour où il a fourni, directement ou indirectement, l’aide, l’assistance ou les conseils susmentionnés.

du secret professionnel doit donc en informer les autres intermédiaires impliqués) ou, en l’absence d’un autre intermédiaire impliqué, au contribuable même. Spécifiquement en Belgique, le contribuable peut autoriser l’intermédiaire à effectuer quand même cette déclaration malgré le secret professionnel auquel il est tenu.

Les sanctions La directive donne aux États membres la liberté de fixer les sanctions applicables en cas d’infraction à l’obligation de déclaration. Un récent arrêté royal a fixé l’échelle progressive des amendes administratives et leurs modalités d’application15 . Les amendes belges varient de 1 250 euros à 100 000 euros par dispositif devant faire l’objet d’une déclaration. Une distinction est faite selon qu’il y a eu fourniture incomplète des informations, qu’il y a absence d’informations ou fourniture tardive d’informations et que l’infraction a été commise ou non avec intention frauduleuse ou intention de nuire.

Le législateur belge ne déroge pas au délai de déclaration préconisé par la directive. Par conséquent, l’obligation de déclaration s’applique à compter du 1er juillet 2020, et le dispositif doit être déclaré dans un délai de trente jours16 . Toutefois, suite à un accord politique entre les États membres de l’UE concernant un report (optionnel) de l’obligation de déclaration, une tolérance administrative a récemment été publiée. Celle-ci reporte les délais de déclaration de six mois. Concrètement, les délais suivants s’appliquent en ce qui concerne les déclarations qui doivent être faites aux autorités compétentes belges (voir tableau en page 9).

Les formalités pour la déclaration En même temps que l’ouverture d’un portail où les intermédiaires et les contribuables concernés qui doivent déclarer un dispositif transfrontière trouveront toute la documentation pertinente pour respecter leurs obligations de déclaration, l’administration a également mis au point le fichier XML qui doit permettre d’effectuer une déclaration par voie électronique 17. À noter que la législation belge oblige la personne tenue à la déclaration d’effectuer cette déclaration du dispositif, non seulement dans une des langues nationales officielles, mais aussi en anglais18 .

Conclusion L’instauration de la DAC 6 en Belgique ne sera pas une tempête dans un verre d’eau. Les principes introduits dans le cadre de cette nouvelle législation exigeront un changement de mentalité tant pour les conseillers que pour les

15 Arrêté royal du 20 mai 2020 d’exécution des articles 18, 31, 33 et 47 de la loi du 20 décembre 2019 transposant la Directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration. 16 Article 5 de la loi de transposition, nouvel article 326/3 du CIR 1992. 17 https://finances.belgium.be/fr/E-services/mandatory-disclosure-rules 18 Article 12 de la loi de transposition, nouvel article 326/10 du CIR 1992.

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9 Période

Événement concernant le dispositif

Ancien délai

Nouveau délai

25 juin 2018 – 30 juin 2020

Mise en œuvre de la 1

31 août 2020

28 février 2021

30 jours à compter du 1er juillet 2020

30 janvier 2021

30 jours à Intermédiaires qui ont fourni, directement ou par l’intermédiaire 1er juillet 2020 – compter du 31 décembre 2020 d’autres personnes, une aide, une assistance ou des conseils 1er juillet 2020 concernant la conception, la commercialisation ou l’organisation d’un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, ou concernant sa mise à disposition aux fins de sa mise en œuvre ou la gestion de sa mise en œuvre

30 janvier 2021

ère

étape du dispositif

Le dispositif a été mis à disposition aux fins de sa mise en œuvre ou 1er juillet 2020 – 31 décembre 2020 le dispositif est prêt pour sa mise en œuvre ou mise en œuvre de la 1ère étape du dispositif

À partir du 1er janvier 2021

Le dispositif a été mis à disposition aux fins de sa mise en œuvre ou le dispositif est prêt à être mis en œuvre, ou mise en œuvre de la 1ère étape du dispositif transfrontière

30 jours à compter du 1er janvier 2021

À partir du 1er janvier 2021

Intermédiaires qui ont fourni, directement ou par l’intermédiaire d’autres personnes, une aide, une assistance ou des conseils concernant la conception, la commercialisation ou l’organisation d’un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, ou concernant sa mise à disposition aux fins de sa mise en œuvre ou la gestion de sa mise en œuvre

30 jours à compter du 1er janvier 2021

À partir du 1er juillet 2020

Premier rapport périodique concernant les dispositifs commercialisables

30 avril 2021

contribuables. Dans les trente jours qui suivent la fourniture d’un conseil, il faudra procéder à une analyse complète concernant l’éventuelle obligation de déclaration. Ce délai est particulièrement court. Il faudra probablement recourir aux outils informatiques nécessaires pour mener à bien ce processus dans les temps. On peut applaudir le fait que le législateur belge ait choisi de transposer cette directive sans adaptations ou extensions substantielles. La Belgique suit ainsi la majorité des pays européens. La transposition belge omet toutefois de définir quelques concepts cruciaux. Les contribuables et les intermédiaires ont encore quelques mois pour mettre au point les procédures nécessaires en vue d’une application correcte de la législation. On peut s’attendre à ce que la DAC 6 soit mise à l’ordre du jour de l’ensemble des entreprises et intermédiaires européens. Au moment de la rédaction du présent article, la FAQ de l’administration concernant la DAC 6 n’était pas encore disponible mais espérons qu’elle contiendra des directives supplémentaires. Par ailleurs, des directives devront éventuellement aussi être rédigées par les organes de tutelle (par exemple l’ITAA) des intermédiaires liés par le secret professionnel (experts-comptables et conseillers fiscaux) afin d’apporter un soutien en vue d’une application correcte du secret professionnel dans le cadre de ces nouvelles obligations légales. Cynthia Verschueren, Philippe Vanclooster, Pieter Deré

Annexe – Catégories de marqueurs A. Marqueurs généraux liés au critère de l’avantage principal 1. Un dispositif où le contribuable concerné ou un participant au dispositif s’engage à respecter une clause de confidentialité selon laquelle il peut lui être demandé de ne pas divulguer à d’autres intermédiaires ou aux autorités fiscales comment le dispositif pourrait procurer un avantage fiscal. 2. Un dispositif où l’intermédiaire est en droit de percevoir des honoraires (ou des intérêts, une rémunération pour financer les coûts et d’autres frais) pour le dispositif et ces honoraires sont fixés par référence : a) au montant de l’avantage fiscal découlant du dipositif, ou b) au fait qu’un avantage fiscal découle effectivement du dispositif. Cela inclurait une obligation pour l’intermédiaire de rembourser partiellement ou entièrement les honoraires si l’avantage fiscal escompté découlant du dispositif n’a pas été complètement ou partiellement généré. 3. Un dispositif dont la documentation et/ou la structure sont en grande partie normalisées et qui est à la disposition de plus d’un contribuable concerné sans avoir besoin d’être adapté de façon importante pour être mis en œuvre.

B. Marqueurs spécifiques liés au critère de l’avantage principal 1. Un dispositif dans lequel un participant au dispositif prend artificiellement des mesures qui consistent à acquérir une société réalisant des pertes, à mettre fin à l’activité principale de cette société et à utiliser les pertes de celle-ci pour réduire sa charge fiscale, y compris par le transfert de ces pertes à une autre juridiction ou par l’accélération de l’utilisation de ces pertes.

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10 2. Un dispositif qui a pour effet de convertir des revenus en capital, en dons ou en d’autres catégories de recettes qui sont taxées à un niveau inférieur ou ne sont pas taxées. 3. Un dispositif qui inclut des transactions circulaires ayant pour résultat un « carrousel » de fonds, à savoir au moyen d’entités interposées sans fonction commerciale primaire ou d’opérations qui se compensent ou s’annulent mutuellement ou qui ont d’autres caractéristiques similaires.

C. Marqueurs spécifiques liés aux opérations transfrontières 1. Un dispositif qui prévoit la déduction des paiements transfrontières effectués entre deux ou plusieurs entreprises associées lorsque l’une au moins des conditions suivantes est remplie : a) le bénéficiaire ne réside à des fins fiscales dans aucune juridiction fiscale ; b) même si le bénéficiaire réside à des fins fiscales dans une juridiction, cette juridiction (i) ne lève pas d’impôt sur les sociétés ou lève un impôt sur les sociétés à taux zéro ou presque nul ; ou (ii) figure sur une liste de juridictions de pays tiers qui ont été évaluées par les États membres collectivement ou dans le cadre de l’OCDE comme étant non coopératives ; c) le paiement bénéficie d’une exonération fiscale totale dans la juridiction où le bénéficiaire réside à des fins fiscales ; d) le paiement bénéficie d’un régime fiscal préférentiel dans la juridiction où le bénéficiaire réside à des fins fiscales. 2. Des déductions pour le même amortissement d’un actif sont demandées dans plus d’une juridiction. 3. Un allègement au titre de la double imposition pour le même élément de revenu ou de capital est demandé dans plusieurs juridictions. 4. Il existe un dispositif qui inclut des transferts d’actifs et où il y a une différence importante dans le montant considéré comme étant payable en contrepartie des actifs dans ces juridictions concernées.

D. Marqueurs spécifiques concernant l’échange automatique d’informations et les bénéficiaires effectifs 1. Un dispositif susceptible d’avoir pour effet de porter atteinte à l’obligation de déclaration en vertu du droit mettant en œuvre la législation de l’Union ou tout accord équivalent concernant l’échange automatique d’informations sur les comptes financiers, y compris des accords avec des pays tiers, ou qui tire parti de l’absence de telles dispositions ou de tels accords. De tels dispositifs incluent au moins ce qui suit : a) l’utilisation d’un compte, d’un produit ou d’un investissement qui n’est pas ou dont l’objectif est de ne pas être un compte financier, mais qui possède des caractéristiques substantiellement similaires à celles d’un compte financier ; b) le transfert de comptes ou d’actifs financiers vers des juridictions qui ne sont pas liées par l’échange automatique d’informations sur les comptes financiers avec l’État de résidence du contribuable concerné, ou le recours à de telles juridictions ; c) la requalification de revenus et de capitaux en produits ou en paiements qui ne sont pas soumis à l’échange automatique d’informations sur les comptes financiers ;

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d) le transfert ou la conversion d’une institution financière, d’un compte financier ou des actifs qui s’y trouvent en institution financière, en compte financier ou en actifs qui ne sont pas à déclarer en vertu de l’échange automatique d’informations sur les comptes financiers ; e) le recours à des entités, constructions ou structures juridiques qui suppriment ou visent à supprimer la déclaration d’un ou plusieurs titulaires de compte ou personnes détenant le contrôle dans le cadre de l’échange automatique d’informations sur les comptes financiers ; f) les dispositifs qui portent atteinte aux procédures de diligence raisonnable utilisées par les institutions financières pour se conformer à leurs obligations de déclarer des informations sur les comptes financiers, ou qui exploitent les insuffisances de ces procédures, y compris le recours à des juridictions appliquant de manière inadéquate ou insuffisante la législation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, ou ayant des exigences insuffisantes en matière de transparence en ce qui concerne les personnes morales ou les constructions juridiques. 2. Un dispositif faisant intervenir une chaîne de propriété formelle ou effective non transparente par le recours à des personnes, des constructions juridiques ou des structures : a) qui n’exercent pas une activité économique substantielle s’appuyant sur des effectifs, des équipements, des ressources et des locaux suffisants ; et b) qui sont constituées, gérées, contrôlées ou établies ou qui résident dans toute juridiction autre que la juridiction de résidence de l’un ou plusieurs des bénéficiaires effectifs des actifs détenus par ces personnes, constructions juridiques ou structures ; et c) lorsque les bénéficiaires effectifs de ces personnes, constructions juridiques ou structures, au sens de la directive (UE) 2015/849, sont rendus impossibles à identifier.

E. Marqueurs spécifiques concernant les prix de transfert 1. Un dispositif qui prévoit l’utilisation de régimes de protection unilatéraux. 2. Un dispositif prévoyant le transfert d’actifs incorporels difficiles à évaluer. Le terme d’« actifs incorporels difficiles à évaluer » englobe des actifs incorporels ou des droits sur des actifs incorporels pour lesquels, au moment de leur transfert entre des entreprises associées : a) il n’existe pas d’éléments de comparaison fiables ; et b) au moment où l’opération a été conclue, les projections concernant les futurs flux de trésorerie ou revenus attendus de l’actif incorporel transféré, ou les hypothèses utilisées pour évaluer cet actif incorporel sont hautement incertaines, et il est donc difficile de prévoir dans quelle mesure l’actif incorporel débouchera finalement sur un succès au moment du transfert. 3. Un dispositif mettant en jeu un transfert transfrontière de fonctions et/ou de risques et/ou d’actifs au sein du groupe, si le bénéfice avant intérêts et impôts (EBIT) annuel prévu, dans les trois ans suivant le transfert, du ou des cédants, est inférieur à cinquante pourcent de l’EBIT annuel prévu de ce cédant ou de ces cédants si le transfert n’avait pas été effectué.


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Votre éthique face à la fraude fiscale du client Votre profession d’expert-comptable et de conseil fiscal a été instituée pour des raisons d’intérêt général, notamment celle de voir les entreprises et les contribuables bénéficier d’une assistance professionnelle et indépendante dans l’accomplissement de leurs obligations fiscales.

Décision du 22 octobre 2019 Dans sa décision du 22 octobre 2019, la Commission de discipline a également infligé une sanction disciplinaire à un expert-comptable. iStockphoto.com/seb_ra.

Dans cette affaire, la Commission de discipline avait constaté que l’expert-comptable avait poursuivi sa mission, alors qu’il avait des soupçons étayés de fraude fiscale de la part du client et ne recevait pas les documents justificatifs de ce dernier qui, pour sa part, ne tenait pas de livre de caisse malgré les paiements qu’il recevait en espèces. Selon la Commission de discipline, dans ces circonstances, l’expert-comptable n’aurait pas dû accepter de continuer à prester pour ce client.

Aussi, la collectivité et le public doivent pouvoir avoir confiance dans l’accomplissement correct des obligations fiscales des entreprises lorsqu’elles sont assistées ou représentées par un expert-comptable ou un conseil fiscal. Tels sont les principes fondamentaux qui ont motivé trois décisions dans lesquelles les organes disciplinaires de l’Institut1 se sont prononcés sur l’attitude que vous devez adopter en cas de connaissance de la fraude fiscale du client. Ces trois décisions peuvent être résumées comme suit :

Décision du 7 août 2019 Dans une décision du 7 août 2019, la Commission de discipline a infligé une sanction disciplinaire à un cabinet pour avoir rédigé les comptes annuels et la déclaration fiscale d’une société alors que ce cabinet s’était rendu compte que cette société cliente ne déclarait pas toutes ses ventes. Selon la Commission de discipline, l’expert-comptable qui a des soupçons confirmés quant à l’existence d’une fraude doit refuser d’exécuter la mission de rédaction des comptes annuels ainsi que de la déclaration fiscale.

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Décision du 6 mars 2019 Dans une décision rendue par la Commission d’appel le 6 mars 2019, l’expert-comptable a également fait l’objet d’une sanction disciplinaire. Cet expert-comptable n’avait pas mis fin à ses prestations alors qu’il avait pu constater que le client avait délibérément décidé de ne pas accomplir ses obligations comptables et fiscales. Comme vous l’aurez constaté, cette jurisprudence met en exergue votre nécessaire indépendance et votre rôle de garde-fou face aux éventuelles volontés de dérives fiscales de certains clients ! Nous terminerons en vous rappelant que les modèles de lettre de mission mis à disposition par l’Institut comprennent un exemple de disposition contractuelle réglant la possibilité du professionnel de résilier la mission pour le client et notamment pour une cause déterminée. Charles Bayart Cluster Déontologie & Affaires disciplinaires

Décisions disciplinaires rendues en 2019 par les organes disciplinaires de l’IEC. Ces organes sont composés de magistrats et de membres qui exercent leur fonction disciplinaire de manière indépendante.

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Distribution de la réserve de liquidation et prolongation de l’exercice

iStockphoto.com/cometary.

Une SPRL a constitué une réserve de liquidation, dont le versement est normalement prévu le 1er juillet 2020. Or, à la fin de l’année dernière, lors de sa conversion de SPRL en SRL, cette société a également modifié son exercice. Celui-ci ne court désormais plus du 1er juillet au 30 juin, mais du 1er janvier au 31 décembre. Le premier exercice a donc été prolongé jusqu’au 31 décembre 2020. La réserve peut-elle encore être distribuée le 1er juillet 2020 ? Ou bien cette opération n’est-elle possible que le 1er janvier 2021, en raison de la prolongation de l’exercice financier ?

Analyse La société en question a constitué une réserve de liquidation conformément à l’article 184quater CIR 1992. La distribution de cette réserve est soumise aux taux de précompte mobilier suivants (article 269 CIR 1992) : • zéro pourcent – en cas de distribution suite à la liquidation de la société ; • cinq pourcent – en cas de distribution anticipée si la réserve a été maintenue pendant au moins cinq ans ; • dix-sept pourcent – en cas de distribution anticipée si la réserve a été constituée avant l’exercice

d’imposition 2018 et maintenue pendant moins de cinq ans ; • vingt pourcent – en cas de distribution anticipée si la réserve a été constituée à partir de l’exercice d’imposition 2018 et maintenue pendant moins de cinq ans. Pour déterminer si la réserve de liquidation a été maintenue ou non pendant cinq ans, il convient de compter chaque jour, du dernier jour de la période imposable au cours de laquelle la réserve de liquidation a été constituée au jour où le dividende est mis en paiement par l’assemblée générale (= moment où le précompte mobilier devient exigible) (Question

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parlementaire 1553 du 16 mars 2017 de M. Van Biesen). En l’espèce, l’assemblée générale a décidé de constituer une réserve de liquidation lors de l’affectation de son bénéfice pour l’exercice courant du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015. Dans ce cas, la réserve de liquidation est réputée avoir été constituée le 30 juin 2015. La période d’intangibilité de cinq ans est calculée à partir du dernier jour de la période imposable au cours de laquelle la réserve de liquidation a été constituée, et expire donc le 30 juin 2020. Pour bénéficier du taux réduit de cinq pourcent de précompte mobilier, la société ne peut mettre en paiement la réserve de liquidation que le 1er juillet 2020, au plus tôt. L’ajustement de l’exercice n’a aucune incidence à cet égard. Si la décision de distribuer une réserve de liquidation est liée à l’assemblée générale statutaire, la distribution de la réserve de liquidation n’aura lieu en l’espèce qu’en 2021, compte tenu de la prolongation de l’exercice. La société peut également convoquer une assemblée générale extraordinaire à une date antérieure pour distribuer la réserve de liquidation, en tenant évidemment compte du délai de cinq ans (attribution à partir du 1er juillet 2020) pour bénéficier du taux de cinq pourcent de précompte mobilier. Dries Van Isterdael


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La S(P)RL : y a-t-il une vie après le CSA ? Certains dirigeants d’entreprise et experts-comptables ont immédiatement saisi le taureau par les cornes et entamé le marathon pour conformer leurs sociétés au nouveau Code des sociétés et des associations. D’autres préfèrent attendre de voir venir. Dans cet article, nous passons en revue plusieurs questions importantes auxquelles toute société risque d’être confrontée. Que va-t-il advenir de votre société à la suite de l’entrée en vigueur du Code des sociétés et des associations (ou, en abrégé, le CSA) ? À quoi devezvous penser ? Nous nous efforçons de dresser une liste claire et pratique des choses importantes que les sociétés doivent garder à l’esprit si elles n’ont pas encore opéré leur transformation. Nous n’avons pas pour objectif de commenter le CSA en détail, d’en exposer toutes les possibilités ou encore d’en faire découvrir les ficelles aux sociétés qui sont déjà parfaitement conformes au CSA (c’est-à-dire les nouvelles sociétés constituées depuis le 1er mai 2019), aux sociétés qui ont fait un opt-in en 2019 ou aux sociétés qui ont déjà procédé à une modification de leurs statuts cette année. Nous nous concentrons principalement sur les sociétés qui n’ont encore subi aucune modification de statuts. La forme de société la plus répandue a toujours été la SPRL, et il est très probable que la SRL le restera. Comme nous avons décidé de nous concentrer sur les sociétés qui ne se sont pas encore conformées, nous renvoyons à ces sociétés en utilisant l’abréviation S(P)RL. Enfin, précisons qu’il s’agit exclusivement dans le présent article des formes de sociétés belges. Les formes de sociétés européennes, qui figurent également dans le CSA, ne sont pas examinées.

Dispositions impératives Toutes les sociétés sont soumises au nouveau CSA. En réalité, on pourrait même dire que l’ancien Code des sociétés (ou C. soc.) n’existe plus. Ce n’est pas tout à fait correct, mais

pas exhaustive, d’après le ministre. Tous les auteurs, professeurs et éditeurs s’accordent au moins sur un point : personne ne connaît la liste complète des dispositions impératives.

Dans les travaux préparatoires du CSA, le ministre a levé un coin du voile sur ce sur quoi portent les dispositions impératives. Elles concernent par exemple la dénomination et l’administration des sociétés.

­partons néanmoins de l’idée que le C. soc. n’existe plus et que toutes les sociétés sont soumises au CSA. « Oui, mais nous n’avons pas encore modifié nos statuts, nous avons donc toujours une SPRL… ». Ce n’est pas tout à fait exact ; vous avez sans doute déjà entendu parler des dispositions dites impératives. Il s’agit des dispositions du CSA qui sont applicables à toute société, qu’elle ait modifié ses statuts ou pas, et ce, depuis le 1er janvier 2020. Dans les travaux préparatoires du nouveau Code (l’Exposé des Motifs), le ministre a levé un coin du voile sur ce sur quoi portent exactement ces dispositions impératives. Elles concernent par exemple la dénomination. La SPRL n’existe plus depuis le 1er janvier 2020. Depuis le 1er janvier 2020, toutes les SPRL, qu’elles aient procédé à la modification de leurs statuts ou non, sont devenues des SRL. L’Exposé des Motifs contient encore d’autres exemples de dispositions impératives. Le problème est que cette liste n’est

Nous nous efforçons de ne pas répé­ ter ce que tout le monde dit et/ou sait déjà. Nous examinons la question sous l’angle suivant. Depuis le 1er janvier 2020 (date fixe qui ne dépend pas de l’exercice comptable et qui, pour ­certaines sociétés, s’est donc située en milieu d’exercice), toutes les sociétés sont soumises au CSA, qu’elles aient procédé ou non à un opt-in, qu’elles aient modifié ou non leurs statuts. Si ce n’est que les anciennes sociétés qui n’ont pas encore fait d’opt-in ou modifié leurs statuts ont toujours des statuts ­rédigés confor­ mément à l’ancien code, le C. soc. Et les dispositions reprises dans les statuts de ces sociétés ne sont pas forcément conformes aux dispositions légales du nouveau code, le CSA. « La loi est la loi » et personne ne peut y déroger. Si les statuts de votre S(P)RL prévoient que la société est constituée sous la forme d’une société privée à responsabilité limitée, ce n’est pas correct, car la SPRL n’existe pas dans le nouveau code (qui est également le seul en vigueur). Les dispositions ­transitoires prévoient qu’il faut utiliser la forme légale la plus proche qui, pour la S(P)RL, est la « société à ­responsabilité limitée » ou SRL. Votre S(P)RL est donc désormais soumise aux dispositions applicables à la SRL. Mais vos statuts disposent également que la société est constituée au capital de 18.550 euros. Or, le CSA prévoit que la SRL est une société sans capital. Vos statuts ne sont donc pas

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14 abrégé, la SCS. Cette abréviation n’existe plus. La société en commandite est maintenue, mais son abréviation devient « SComm ». Pour la SNC et la SA, rien ne change (du moins en ce qui concerne la dénomination). La SC(RL) constitue un cas spécifique, nous reviendrons plus loin sur ce point.

Direction de l’entreprise iStockphoto.com/sanjeri.

L’administration des sociétés fait également l’objet de dispositions impératives. Il n’est ainsi plus question dans la S(P)RL de gérants, mais bien d’administrateurs. La SNC et la SComm ont en revanche toujours des gérants.

conformes au code et comme nous l’avons déjà dit : « La loi est la loi » et vous devez respecter le code. Depuis le 1er janvier 2020 (quelle que soit la date de clôture de votre exercice comptable), votre S(P)RL n’a plus de capital, il est désormais question d’apport. Le code n’autorise en effet aucune dérogation à cette disposition. Une disposition du code à laquelle il ne peut être dérogé est qualifiée de « disposition impérative ».

faire depuis le 1er janvier 2020, avant même de modifier leurs statuts.

Dénomination

Il y a évidemment aussi des dispositions qui ne sont pas impératives. Le CSA dispose par exemple que dans la SRL, l’apport doit être libéré lors de la constitution. En principe, il n’y a donc plus de « partie non libérée de l’apport (ancien capital) ». Cela signifie-t-il que l’apport doit avoir été libéré au 1er janvier 2020 ? Non, car le code autorise une dérogation à cette disposition. Le CSA dispose en effet que « sauf disposition contraire des statuts, les actions doivent être libérées à leur émission » (article 5:125 CSA). Il s’agit d’une disposition à laquelle il peut être dérogé dans les statuts. Il s’agit donc d’une « disposition non impérative ».

Comme indiqué ci-dessus, la forme légale et la dénomination font l’objet de dispositions impératives. La mention « SPRL » doit donc être supprimée au plus vite de tous les documents de la société et remplacée par la mention « SRL ». Cela ne vaut pas uniquement pour les documents régis par le droit des sociétés, le droit comptable et le droit fiscal. Songez par exemple au papier à en-tête de vos clients, aux documents marketing et à la signature électronique des e-mails. Et si vous n’avez pas encore adapté votre dénomination ? Courez-vous un risque ? Non. Le ministre a clairement déclaré qu’il n’était pas question de sanctionner les sociétés. Mais plus vite vos clients et vous-même franchirez le pas, plus vite la nouvelle donne deviendra familière et moins vous commettrez d’erreurs lorsque tout cela deviendra obligatoire.

Nous connaissons à présent la différence entre les dispositions impératives et les dispositions non impératives. Le moment est venu de passer en revue ce que les sociétés doivent

Cela vaut par ailleurs pour la SRL, mais aussi pour la société en commandite. La société en commandite était auparavant nommée la « société en commandite simple » ou, en

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Plus importante encore est l’interdiction de cumul prévue par le CSA. Cette interdiction est également une disposition impérative. Une personne physique n’est ainsi autorisée à siéger dans un conseil d’administration qu’en une seule qualité. Si vous êtes nommé(e) comme administrateur-personne physique, vous ne pouvez plus agir en qualité de représentant permanent d’un administrateur-personne morale. Cela risque de poser des problèmes dans la SA qui devait précédemment obligatoirement avoir trois administrateurs, sauf s’il n’y avait que deux actionnaires, auquel cas deux administrateurs suffisaient. Une personne qui voulait avoir le contrôle exclusif d’une SA se nommait comme administrateur et nommait sa société de management comme deuxième administrateur, évidemment avec elle-même comme représentant permanent. Depuis le 1er janvier 2020, cette pratique est contraire au CSA. Nous vous entendons déjà dire : pas de problème, car en vertu du nouveau CSA, la SA peut se contenter d’un seul administrateur. C’est vrai, mais cette administration unipersonnelle de la SA n’est possible que si elle est prévue dans les statuts. Et il serait étonnant que vos anciens statuts le prévoient déjà.

Capital → apport La seule société qui, en vertu du CSA, possède encore un capital est


15 la SA. Toutes les autres sociétés sont donc des sociétés à « apport ». Étant donné qu’il s’agit d’une disposition impérative, toutes les sociétés doivent donc transférer leur capital vers un compte d’apport au 1er janvier 2020. La Commission des normes comptables (CNC) a rédigé un avis sur le sujet. Dans son avis 2019/14, la Commission déclare que toute société (à l’exception de la SA) est tenue de passer l’écriture suivante au 1er janvier 2020 : 100

Capital souscrit à 1119 Autres apports indisponibles hors capital

XXX

XXX

S’il y avait encore une partie non libérée, la partie non libérée doit aussi être transférée : 111901

Autres apports indisponibles hors capital non appelés à 101 Capital non appelé

XXX XXX

La réserve légale aussi n’existe plus que dans la SA. Selon la CNC, les autres formes de sociétés doivent procéder au transfert de la réserve légale : 130

Réserve légale à 1311 Réserves statutairement indisponibles

XXX

XXX

Attention. Vos comptes annuels se rapportant à l’exercice ayant pris fin le 31 décembre 2019 peuvent (doivent) encore faire mention du capital de votre S(P)RL. Dans les rapports qui approuvent les comptes annuels, les termes « SRL » et « administrateurs » doivent être utilisés. Toutes les références à l’ancien C. soc. doivent en outre être remplacées par des références au nouveau CSA. Votre assemblée générale a lieu en 2020 et le nouveau CSA est en l’occurrence d’application. Pouvez-vous choisir de comptabiliser ces réserves sur des comptes « disponibles » ? Non. Ce n’est actuellement pas encore autorisé, car selon vos (anciens) statuts, il s’agit de comptes indisponibles. Ils doivent donc conserver cette qualification sous le nouveau code (qui laisse quant à lui le choix entre disponible et indisponible). Rien ne vous empêche évidemment, lors de la mise en conformité (c’està-dire lors de l’adaptation de vos statuts au CSA), de décider de rendre ces réserves disponibles.

satisfaire à la condition d’idéal coopératif dans certains cas), ne peuvent pas être constituées sous la forme d’une SC. Elles doivent opter pour la SRL. Les anciennes SC(RL) qui ne poursuivent pas un idéal coopératif doivent donc être transformées en SRL. Ces sociétés doivent-elles dès lors être qualifiées de SRL depuis le 1er janvier 2020 ? C’est là que les choses se compliquent. Les dispositions transitoires prévoient que les SCRL qui ne poursuivent pas un idéal coopératif restent soumises aux dispositions du C. soc. (l’ancien code !) jusqu’à leur transformation effective […]. Nous avons déjà évoqué le fait que le C. soc. n’existe en principe plus. Mais pour les SCRL (ainsi que pour les SCA et les SCRI), il existe donc encore bien. Le ministre a déclaré en réponse à une question parlementaire (Q. parl. Gilkinet du 23 juillet 2019) que les SCRL qui ne poursuivent pas un idéal coopératif restent donc des « SCRL » jusqu’à leur transformation effective en SRL. Selon nous, ce n’est pas tout à fait vrai, car la loi (La loi est la loi…) dispose en effet que ces sociétés restent soumises au C. soc. jusqu’à leur transformation effective, mais que les dispositions impératives de la SRL leur sont applicables depuis le 1er janvier 2020. Et la dénomination n’était-elle pas une disposition impérative ? Autrement dit, si l’on en croit le ministre, la dénomination à utiliser depuis le 1er janvier 2020 est « SCRL », alors que selon notre interprétation de la loi, c’est « SRL » qu’il faut utiliser.

Transformer au plus vite ou attendre tranquillement ? Le nouveau code est plus simple et ouvre également davantage de possibilités et d’opportunités. Nous devons évidemment commencer par apprendre à le connaître, et sortir de cette phase de transition au plus vite. Quand on nous demande s’il est préférable de transformer au plus vite ou d’attendre, nous donnons en principe toujours la même réponse : transformer au plus vite. Surtout parce qu’il n’est pas toujours aussi évident de savoir quelles dispositions sont applicables à quelles sociétés. Il suffit de voir la SCRL et consorts. Vous devez tout de même passer devant le notaire pour une modification de statuts. Profitez-en pour demander conseil au notaire ou à votre conseiller fiscal.

SC(RL)

Toutes les sociétés doivent-elles dès lors être transformées sans délai ou au plus vite ? Non, il y a des situations où ce n’est pas nécessaire.

La SCRL vient jouer les trouble-fête dans cette phase de transition. La SC (société coopérative) est le successeur de la SCRL (la société coopérative à responsabilité limitée). Mais la SC est réservée aux sociétés qui poursuivent un idéal coopératif. Le ministre a très clairement fait remarquer que les sociétés de moyens, comme les cabinets d’avocats ou les cabinets médicaux (qui, selon nous, pourraient

Prenons l’exemple d’un dentiste de 64 ans. Son fonds de commerce a entre-temps été repris par un cabinet médical et le dentiste travaille pour le cabinet médical via sa société (actuellement une « société de management/professionnelle »). Cette société existe depuis plusieurs années. Doit-elle être transformée au plus vite ? Non, car le dentiste songe à prendre sa retraite et veut travailler pendant Magazine mensuel de l’ITAA | N° 3 | Juin 2020


16 encore deux à trois ans maximum. Il s’arrêtera donc certainement avant le 31 décembre 2023. Il n’est donc pas nécessaire qu’il expose les frais d’une modification de statuts. Attendre est également une possibilité si le client sait qu’une modification de statuts, une fusion/scission ou une modification d’objet social (modification de l’« objet » dans le CSA) est prévue dans les prochaines années. Le client peut alors attendre pour éviter de devoir passer deux fois devant le notaire. Une dernière raison d’attendre tient au fait que le nouveau CSA autorise bien plus de techniques de planification intéressantes pour votre société dans le cadre d’une succession. Si vous envisagez de mettre l’un de vos proches aux commandes, ce n’est peut-être pas une mauvaise idée de discuter succession et planification avec un spécialiste en la matière avant de procéder à la transformation effective de la société. De nombreuses opportunités intéressantes peuvent en ressortir. Enfin, nous recommanderions de procéder au plus vite à une modification des statuts, ne serait-ce que pour éviter un engorgement des études notariales d’ici fin 2023.

Pour toutes les sociétés ? Toutes les sociétés doivent-elles planifier une modification de leurs statuts ? La SA reste malgré tout la SA, non ? La SComm ou la SNC sont, elles aussi, maintenues... Exact, mais ces sociétés doivent tout de même toutes procéder à une modification de statuts, ne serait-ce que pour y insérer les références au bon code. Ou encore parce qu’on ne parle plus de l’« objet social » de la société, mais bien de son « objet ». Autant de petits détails qui nécessitent une mise en conformité complète avec le nouveau code. Pour la SComm et la SNC, vous pouvez le faire sous seing privé.

Vous ne devez pas vous rendre chez le notaire pour cela.

Suivre la procédure de transformation complète ? La transformation d’une forme légale en une autre a toujours été une opération complexe : établir un état résumant la situation active et passive, consulter un réviseur d’entreprise, un expert-comptable certifié externe, etc. Toutes les sociétés doivent-elles suivre la procédure complète ? Non. Pour autant que votre société soit transformée dans la forme légale « logique » proposée, il vous suffit d’organiser une assemblée générale extraordinaire pour modifier les statuts. Vous ne devez pas faire établir d’état résumant la situation active et passive ni de rapport spécial. Il s’agit en l’occurrence des transformations logiques, comme la SPRL qui devient SRL, la SNC, la SComm et la SA qui conservent tout simplement la même dénomination. Mais aussi des transformations de SCRL (s’il n’y a pas d’idéal coopératif) en SRL, de SCRL en SC (si un idéal coopératif est bien présent), de SCRI en SNC et de SComm en SA. Vous souhaitez transformer votre société en une autre forme légale ? Vous voulez par exemple passer de SPRL à SA ? Dans ce cas, vous devez suivre la procédure de transformation complète.

Conflits d’intérêts et distributions D’autres points font l’objet de dispositions impératives. Tout conflit d’intérêts (par exemple la location d’un bien immobilier à votre société ou inversement) relève ainsi du champ d’application de la nouvelle procédure de règlement des conflits d’intérêts. La désignation d’un mandataire ad hoc, fonction auparavant confiée pour ainsi dire au premier venu, n’est plus nécessaire.

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L’administrateur qui a un conflit d’intérêts le fait désormais savoir aux autres administrateurs qui prennent alors la décision. L’administrateur qui a le conflit d’intérêts ne peut en l’occurrence pas participer à ce vote. Si tous les administrateurs ont un conflit d’intérêts (ou s’il n’y a qu’un seul administrateur), ce conflit d’intérêts doit être porté à la connaissance de l’assemblée générale qui prend alors la décision. De même, les distributions opérées à partir de 2020 (réductions de capital, distributions de dividendes, tantièmes, primes bénéficiaires, etc.) sont soumises au nouveau test de distribution, à savoir le test de liquidité.

VVPRbis et autres dispositions fiscales En principe, le passage du C. soc. au CSA devrait être parfaitement neutre sur le plan fiscal. Ce n’est évidemment pas tout à fait le cas. Songez par exemple au régime VVPRbis pour lequel un capital minimum était (auparavant) requis dans la SPRL. Comme la SPRL n’existe plus et que son successeur, la SRL, n’a plus de capital (apport) minimum, cette condition devait être supprimée. Cette suppression est toutefois formulée de manière si peu claire que les avis concernant son application exacte divergent. Ce point sort toutefois du cadre du présent article. Le CSA devait en principe simplifier le droit des sociétés. Selon nous, ce sera également le cas une fois que toutes les sociétés auront été transformées. La période de transition surtout est source d’incertitude. Certaines dispositions sont déjà applicables, d’autres pas encore. Nous vous recommandons, dans la plupart des situations, d’opérer la transformation de votre société dès que possible. Roel Van Hemelen


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Conséquences fiscales d’une répartition non proportionnelle des dividendes dans une SRL Dans une SPRL, les dividendes devaient être répartis entre les parts, excepté les parts sans droit de vote, en proportion de l’apport réalisé en contrepartie des parts. Dans une SRL, cette répartition proportionnelle des dividendes reste en principe valable, mais le nouveau droit des sociétés accepte que les statuts y dérogent. Nous examinons dans cet article les conséquences d’une répartition non proportionnelle des dividendes sur la déduction RDT, sur le VVPRbis et sur la distribution de réserves de liquidation.

Répartition des dividendes dans une S(P)RL Dans une SPRL, chaque part conférait un droit égal dans la répartition des bénéfices et des produits de la liquidation (article 239 C. soc.). Ce principe connaissait une seule exception pour les parts sans droit de vote. Ce type de parts devait même obligatoirement conférer le droit à un dividende privilégié, relativement plus élevé que pour les autres parts (article 240, § 1er, 2° C. soc.). Les parts sans droit de vote ne pouvaient toutefois pas représenter plus d’un tiers du capital (article 240, § 1er, 1° C. soc.). Le nouveau droit des sociétés maintient ce principe de la répartition proportionnelle des dividendes dans la SRL, mais les statuts peuvent désormais y déroger, également pour des actions avec droit de vote (article 5:41 CSA). Différentes classes d’actions doivent être émises en fonction du droit au dividende qui y est attaché (article 5:48 CSA). Un dividende privilégié n’est plus obligatoire pour les actions sans droit de vote, mais devient facultatif (article 5:47, § 2 CSA) et le nombre d’actions sans droit de vote n’est plus limité en proportion des actions avec droit de vote. Il suffit qu’une seule action ait le droit de vote (article 5:40 CSA). Comme précédemment, il n’est pas possible d’attribuer la totalité des bénéfices à l’un des actionnaires ni d’exclure un ou plusieurs actionnaires de toute participation aux bénéfices. Une disposition formulée en ce sens dans les statuts, une clause léonine, est réputée non écrite (article 5:14 CSA).

Conséquences fiscales d’une répartition non proportionnelle des dividendes La déduction RDT Lorsqu’une société distribue des dividendes à des actionnaires-personnes physiques, elle doit retenir un précompte mobilier (article 261, alinéa 1er, 1° CIR 1992) qui est en principe libératoire (article 313 CIR 1992). Abstraction faite de l’exonération éventuelle de la première tranche de dividendes à l’impôt des personnes physiques (article 21, alinéa 1er, 14° CIR 1992), le dividende net pour un actionnaire-personne physique est donc systématiquement moindre que le dividende attribué. Pour les dividendes attribués à des actionnaires qui sont eux-mêmes des sociétés, la situation est autre, du moins si, à la date d’attribution ou de mise en paiement des dividendes, ces sociétés ont une participation d’au moins dix pourcent dans le capital de la société distributrice des dividendes et qu’elles détiennent ou détiendront cette participation en pleine propriété pendant une période ininterrompue d’au moins un an. Si ces conditions sont remplies, l’exonération mère-filiale s’applique au précompte mobilier (article 106, § 5-6bis AR/CIR 1992) et le dividende est exclu de la base imposable de la société qui a reçu les dividendes via la déduction RDT 1, 2 (article 202, § 2, alinéa 1er, 1º CIR 1992). Par suite de cette exonération mère-filiale et de la déduction RDT, une répartition non proportionnelle des dividendes au profit des actionnaires-sociétés d’une SRL dont les actionnaires sont à la fois des personnes physiques et

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Dans l’hypothèse où la condition de taxation est remplie pour la déduction RDT et que la société distributrice ne relève pas des exclusions énumérées à l’article 203 CIR 1992. 2 La déduction RDT est également possible pour les participations de moins de dix pourcent dans le capital, mais d’une valeur d’acquisition d’au moins 2.500.000 euros.

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18 des sociétés, ces sociétés ayant une participation de dix pourcent au moins, entraînera une moindre imposition des dividendes distribués. Exemple : la SRL 1 a un patrimoine apporté qui est réparti sur cent actions, dont septante sont entre les mains de la personne physique X et trente entre les mains de la SRL 2. La SRL 1 octroie un dividende de 15.000 euros, sur lequel le taux normal du précompte mobilier est applicable, soit trente pourcent.

Le CSA maintient le principe de la répartition proportionnelle des dividendes dans la SRL, mais les statuts peuvent désormais y déroger, également pour des actions avec droit de vote.

Hypothèse 1 : les statuts ne dérogent pas à la répartition légale, proportionnelle, des dividendes. Un dividende de 150 euros est donc attribué à chaque action. L’actionnaire-personne physique reçoit un dividende brut de 10.500 euros (= 150 euros x 70), tandis que la SRL 2 reçoit un dividende brut de 4.500 euros (= 150 euros × 30). Un précompte mobilier de 3.150 euros (= 10.500 euros × trente pourcent) doit être retenu sur le dividende attribué à X, qui reçoit alors un dividende net de 7.350 euros. Sur le dividende destiné à la SRL 2, aucun précompte mobilier ne doit être retenu et, grâce à la déduction RDT, aucun impôt à l’impôt des sociétés ne doit être payé. Le dividende net est donc égal au montant attribué de 4.500 euros. Le dividende net total s’élève à 11.850 euros. Hypothèse 2 : deux classes d’actions sont prévues dans les statuts, les actions A et les actions B. Les statuts prévoient également que les actions A ont droit à vingt pourcent des dividendes et les actions B, à quatre-vingts pourcent. Dans cette hypothèse, X reçoit un dividende brut de 3.000 euros et la SRL 2, un dividende brut de 12.000 euros. Un précompte mobilier de 900 euros doit être retenu sur le dividende versé à X, de sorte que le dividende net s’élève à 2.100 euros. Pour la SRL 2, le dividende net est égal au dividende brut, soit 12.000 euros. Le dividende net total s’élève donc à 14.100 euros. À noter que dans la première hypothèse – sans dérogation statutaire à la répartition proportionnelle des dividendes – si la SRL 1 attribue un dividende relativement plus élevé à la SRL 2, le fisc pourrait considérer le surplus comme un avantage anormal ou bénévole reçu par la SRL 2 et la déduction RDT sur ce surplus pourrait être refusée en application des articles 79 et 207, alinéa 7 CIR 1992 (Anvers, 15 novembre 2016).

Le VVPRbis La loi-programme du 28 juin 2013 (MB, 1er juillet 2013) introduit pour certains dividendes un précompte mobilier réduit, connu dans la pratique sous l’appellation de VVPRbis3 (article 269, § 2 CIR 1992). Le taux du VVPRbis n’est que de vingt pourcent et passe à quinze pourcent après quelques années, au lieu du taux normal de trente pourcent.

Le VVPRbis est soumis à un certain nombre de conditions, dont les principales imposent que les dividendes soient attribués à de nouvelles actions nominatives qui ont été émises depuis le 1er juillet 2013 en échange d’un apport en numéraire et que la société distributrice des dividendes réponde à la définition de petite société au moment de l’apport. Une autre condition prévoit que lors de l’émission des nouvelles actions, aucune action préférentielle ne peut être créée (article 269, § 2, dernier alinéa, CIR 1992) 4 . D’après les travaux parlementaires relatifs à la loi du 28 juin 2013, les actions préférentielles sont celles qui « bénéficient de l’un ou l’autre traitement préférentiel » (Doc. Chambre, DOC 53 2853/001, p. 8, cité dans la circulaire Circ. AAFisc 9/2014 du 24 février 2014, point 11). Il ne fait évidemment aucun doute que les actions qui donnent droit à un dividende disproportionné sont des actions préférentielles au sens de cette disposition. La ratio legis de l’interdiction de créer des actions préférentielles est d’éviter tout abus. Le législateur ne voulait pas que, par le biais d’un droit à un dividende préférentiel, des sociétés transfèrent vers de nouvelles actions des dividendes qui, selon une répartition proportionnelle, reviendraient à des actions qui ne peuvent pas bénéficier du VVPRbis, par exemple parce qu’elles ont été émises avant le 1er juillet 2013 ou parce qu’elles ont été émises en échange d’un apport en nature. Lorsqu’une SRL émet de nouvelles actions et qu’en vertu des statuts, celles-ci donnent droit à un dividende préférentiel par rapport à des actions existantes ou à de nouvelles actions qui sont exclues du VVPRbis, les dividendes attribués aux nouvelles actions sont également exclus du VVPRbis, même s’ils remplissent toutes les autres conditions liées à ce précompte réduit. Toutefois, si toutes les actions existantes ou nouvellement émises de la SRL donnent droit au VVPRbis, l’émission de nouvelles actions préférentielles n’entraîne pas un transfert des dividendes vers les actions préférentielles motivé par

3 VVPR = verminderde voorheffing/précompte réduit ; le -bis fait référence à un régime similaire qui datait de 1994 et a été abrogé en 2012. 4 La loi énonce qu’« il ne peut être créé à cette occasion d’actions ou parts préférentielles ». Ni la loi ni les travaux parlementaires ne précisent ce qu’il faut entendre par « cette occasion ». Selon nous, l’émission de nouvelles actions est visée ici et constitue la seule interprétation qui tienne la route.

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Cette distribution intervient sous la forme de dividendes avec retenue d’un précompte mobilier de dix-sept pourcent ou vingt pourcent, ou de cinq pourcent si cinq ans se sont écoulés (article 269, § 1er, 8° CIR 1992), ou sous la forme d’un bonus de liquidation sans précompte mobilier (article 21, alinéa 1er, 11° CIR 1992).

des considérations fiscales et il n’y a donc aucune raison d’exclure les actions préférentielles du VVPRbis. Le fisc n’a pas encore confirmé ce point, mais c’était déjà la position défendue par la commission de ruling concernant le régime du VVPR initial, auquel s’appliquait une disposition anti-abus similaire (décisions anticipées n° 700.213 et n° 2010.432). Si une SRL modifie les droits attachés à des actions existantes en application de l’article 5:102 CSA et, plus précisément, confère un caractère préférentiel à des actions VVPRbis existantes, il est difficile de savoir quelles en seront les conséquences sur le VVPRbis. Aucune nouvelle action préférentielle n’est émise dans ce cas. En se basant sur l’énoncé de l’article 269, § 2 CIR 1992, on pourrait défendre la position selon laquelle rien ne change au niveau du précompte mobilier grevant les dividendes qui sont attribués à ces actions ou, autrement dit, que ces actions continuent à donner droit au VVPRbis. Cette position nous semble toutefois contraire à l’esprit de la loi et le fisc invoquera peut-être ici la disposition générale anti-abus de l’article 344, § 1er CIR 1992 pour refuser le VVPRbis. Si la société veut avoir la certitude que les actions existantes conserveront leur statut VVPRbis, mieux vaut donc ne pas les convertir en actions préférentielles.

La distribution de réserves de liquidation Les petites sociétés (en vertu de l’article 1:24, §§ 1er-6 CSA) peuvent distribuer des bénéfices qu’elles ont affectés à une réserve de liquidation (article 184quater CIR 1992) après imposition à l’impôt des sociétés et paiement de la cotisation distincte de dix pourcent (article 219quater CIR 1992).

La distribution d’une réserve de liquidation est avantageuse pour les actionnaires-personnes physiques, parce que ce précompte mobilier réduit est libératoire pour eux. En revanche, pour les actionnaires-sociétés, la distribution d’une réserve de liquidation n’est pas intéressante. Si ces sociétés bénéficient de l’exonération mère-filiale et de la déduction RDT, les dividendes reçus sont de toute façon totalement exonérés d’impôts5 . Et si ces sociétés sont exclues de l’exonération et de la déduction, le précompte mobilier est en principe imputable et restituable sur l’impôt dû à l’impôt des sociétés, mais la cotisation distincte sur la réserve de liquidation nette ne l’est pas. Dans le cas d’une SPRL, ce problème était sans solution, parce qu’il n’était pas possible de réserver la distribution des réserves de liquidation aux actionnaires-sociétés. C’est d’ailleurs ce que le ministre des Finances a répondu à une question parlementaire posée à ce sujet (QP. n° 508, Van Biesen du 7 août 2015). Mais le nouveau droit des sociétés offre ici une opportunité. Dans les statuts d’une SRL, le droit à la distribution des réserves de liquidation peut en effet être réservé à une classe distincte d’actions, qui sont uniquement détenues par des personnes physiques et, selon nous, une telle disposition statutaire se répercute également sur le plan fiscal. Car parmi les conditions du régime de faveur de la réserve de liquidation, la loi fiscale n’énonce pas qu’il ne peut y avoir aucune action préférentielle ou que les réserves de liquidation doivent être distribuées à tous les actionnaires. La qualification en abus fiscal d’une répartition non proportionnelle des dividendes découlant des statuts ne nous semble pas évidente non plus. Un ruling de 2016 rendu en la matière (Déc. ant. n° 2016.155) était négatif, mais il concernait une répartition non proportionnelle des dividendes contraire aux statuts de la société qui avait demandé le ruling. De plus, pour pouvoir appliquer avec succès la disposition anti-abus, le fisc devrait démontrer non seulement que la répartition non proportionnelle des dividendes vise à obtenir un avantage fiscal, mais aussi que l’attribution de cet avantage est contraire à l’intention du législateur. Et la société peut encore empêcher l’application de la disposition anti-abus en fondant la répartition non proportionnelle des dividendes sur des motivations non fiscales. Pour avoir la certitude que le fisc n’émettra pas d’objections à l’égard d’une telle attribution exclusive de réserves de liquidation aux actionnaires-sociétés, il sera bien entendu préférable de demander un ruling préalable à ce sujet. Felix Vanden Heede

5 Voir ci-avant.

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