ITAA-Zine | Numéro 9 - Novembre 2021

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Édition mensuelle – Bureau de dépôt Gent X – P409030

Quelles sont les ­mesures fiscales ­COVID-19 qui seront ­encore d’­application durant le ­quatrième ­trimestre 2021 et ensuite ?

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Dans le courant de 2020 et 2021, de nombreuses mesures fiscales temporaires ont été instaurées pour atténuer les conséquences financières négatives de la crise du COVID-19 pour les entreprises. Certaines de ces mesures resteront d’application durant le quatrième trimestre de 2021, et même encore au cours des années suivantes. Dans cette contribution, nous vous présentons un aperçu sommaire des mesures fiscales corona encore en vigueur pour le moment qui s’adressent aux entreprises.


Colophon Quelles sont les mesures fiscales COVID-19 qui seront encore d’application pour les entreprises durant le quatrième trimestre 2021 et ensuite ?. . . . . . . . . . . . 3 Quel est l’impact fiscal des intérêts négatifs dans le chef du titulaire d’un compte bancaire ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Pensions complémentaires pour dirigeants d’entreprise, diminution des rémunérations suite à la pandémie et rigidité fiscale des 80 %. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Plus-values de réévaluation au sein des sociétés. . . . . . . 19

ITAA-zine Magazine mensuel de l’ITAA (ne paraît pas en janvier et en juillet) N° 9/2021 ADMINISTRATION ET RÉDACTION ITAA, Boulevard Emile Jacqmain 135/2, B-1000 Bruxelles Tél. : +32 2 240 00 00 E-mail : info@itaa.be COORDINATION DE LA RÉDACTION Stéphane De Bremaeker (NL) – stephane.debremaeker@itaa.be Gaëtan Hanot (FR) - gaetan.hanot@itaa.be COMITÉ DE RÉDACTION Stéphane De Bremaeker, Gaëtan Hanot, Johan De Coster, Chantal Demoor, Nathalie Lambot, Carine Govaert, François Lezaack, Bart Van Coile (Président), Frédéric Delrue (Vice-Président), Geert Lenaerts, Eric Steghers IMAGES iStockphoto TRADUCTIONS IGTV, House of Words ÉDITEUR RESPONSABLE B. Van Coile, Boulevard Emile Jacqmain 135/2, B-1000 Bruxelles

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Quelles sont les mesures fiscales COVID-19 qui seront encore d’application pour les entreprises durant le quatrième trimestre 2021 et ensuite ? Dans le courant de 2020 et 2021, de nombreuses mesures fiscales temporaires ont été instaurées pour atténuer les conséquences financières négatives de la crise du COVID-19 pour les entreprises. Certaines de ces mesures resteront d’application durant le quatrième trimestre de 2021, et même encore au cours des années suivantes. Dans cette contribution, nous vous présentons un aperçu sommaire des mesures fiscales corona encore en vigueur pour le moment qui s’adressent aux entreprises.

Prime Corona Qu’implique cette mesure ? Les entreprises qui, malgré la crise du Covid-19, ont réalisé de « bons résultats » peuvent attribuer à leurs collaborateurs une prime corona. Cette prime s’élève à 500 euros maximum par travailleur et doit être attribuée sous la forme de chèques à la consommation. Elle est exonérée des cotisations ONSS et du précompte professionnel ordinaires, n’est pas imposable dans le chef du travailleur mais l’employeur doit payer une cotisation ONSS spéciale de 16,5 % sur celle-ci. La prime et la cotisation spéciale sont déductibles intégralement en tant que frais professionnels. L’octroi de la prime et la définition de ce qu’il faut entendre par « bons résultats » doivent être réglés dans une CCT sectorielle, une CCT au niveau de l’entreprise ou, s’il n’y a pas de délégation syndicale dans l’entreprise, par une convention écrite individuelle. La prime doit être octroyée à tous les travailleurs ou à un groupe déterminé de manière objective et non discriminatoire. Un octroi individuel n’est pas possible. La prime ne peut pas être utilisée non plus pour remplacer un avantage salarial existant.

Combien de temps cette mesure pourra-t-elle encore être utilisée ? La prime corona peut être attribuée dans la période du 1er août au 31 décembre 2021. Les travailleurs peuvent utiliser les chèques à la consommation jusqu’au 31 décembre 2022.

Source AR du 21 juillet 2021 modifiant l’article 19quinquies de l’arrêté royal du 28 novembre 1969 pris en exécution de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, M.B. 29 ­juillet 2021.

Exonération des indemnités corona régionales et locales Qu’implique cette mesure ? Les indemnités qui sont octroyées par les Régions, les Communautés, les provinces et les communes dans le but de faire face aux conséquences économiques ou sociales, directes ou indirectes de la pandémie du COVID-19 et ne constituent pas une indemnité directe ou indirecte en échange de la fourniture de biens ou de la prestation de services sont exonérées de l’impôt sur les revenus.

Combien de temps cette mesure pourra-t-elle encore être utilisée ? Cette exonération est d’application aux indemnités payées ou attribuées entre le 15 mars 2020 et le 31 décembre 2021.

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4 Source Article 6 de la loi du 29 mai 2020 portant diverses mesures fiscales urgentes en raison de la pandémie du COVID, M.B. 11 juin 2020, tel que modifié pour la dernière fois par l’article 11 de la loi du 2 avril 2021 portant des mesures de soutien temporaires en raison de la pandémie du COVID-19, M.B. 13 avril 2021.

Abrogation de l’acompte de décembre pour la TVA et le précompte professionnel Qu’implique cette mesure ? Les entreprises ne doivent plus payer d’acompte de décembre pour la TVA et le précompte professionnel.

Combien de temps cette mesure pourra-t-elle encore être utilisée ? L’abrogation est définitive.

Source Abrogation de l’article 53octies, § 1, troisième et quatrième alinéas CTVA et de l’article 412, alinéas 4 et 5, CIR 1992 par les articles 16 et 17 de la loi du 2 avril 2021 portant des mesures de soutien temporaires en raison de la pandémie du COVID-19, M.B. 13 avril 2021.

Plan de paiement Qu’implique cette mesure ? Le fisc peut consentir un plan de paiement individuel aux entreprises qui n’ont que des « dettes Covid-19 » (soit des dettes contractées à partir du 1er janvier 2020), le paiement des dettes fiscales étant étalé en principe sur une période de 12 à 24 mois. Ce délai peut être porté à 36 mois dans des cas exceptionnels, allant jusqu’à 50 mois pour les grandes entreprises.

Combien de temps cette mesure pourra-t-elle encore être utilisée ? Aucune date de fin n’a (encore) été fixée pour cette mesure.

Source Mesures de soutien de la COVID-19 : Plan de paiement de 12 à 24, 36 ou 50 mois pour les entreprises en difficulté de paiement, SPF Finances, 5 juillet 2021.

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Conséquences fiscales du report de paiement des cotisations sociales Qu’implique cette mesure ? Les cotisations PLCI payées durant une année déterminée ne sont en principe déductibles que si toutes les cotisations sociales ont aussi été payées durant cette même année. Étant donné que les indépendants pouvaient/peuvent obtenir un délai de paiement pour les cotisations sociales dont ils étaient redevables en 2020 ou 2021, le fisc accepte aussi la déduction fiscale des cotisations PLCI payées en 2021 même si les cotisations sociales n’ont pas encore été payées mais que l’indépendant a obtenu un plan de paiement ou un délai de paiement des cotisations sociales dues en principe en 2021, y compris les cotisations sociales éventuelles de 2020 qui ont été reportées jusqu’en 2021. La même tolérance est d’application pour le crédit d’impôt pour indépendants visé à l’article 289bis du CIR 1992, qui est en effet soumis aussi à la condition que toutes les cotisations sociales aient été payées.

Combien de temps cette mesure pourra-t-elle encore être utilisée ? Année de revenus 2021.

Source Circ. 2021/C/90 sur les mesures COVID-19 pour le paiement des cotisations sociales des travailleurs indépendants, 8 octobre 2021.

Taux réduit de TVA sur les masques buccaux et les gels hydroalcooliques Qu’implique cette mesure ? La réduction du taux de TVA pour les livraisons, les acquisitions intracommunautaires ou l’importation de masques buccaux et de gels hydroalcooliques à 6 % a encore été prolongée.

Combien de temps cette mesure pourra-t-elle encore être utilisée ? Jusqu’au 31 décembre 2021.

Source AR du 29 septembre 2021 modifiant l’arrêté royal n° 20, du 20 juillet 1970, fixant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée et déterminant la répartition des biens et des services selon ces taux en ce qui concerne les masques buccaux et les gels hydroalcooliques, M.B. 1er octobre 2021.


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Extension des heures supplémentaires volontaires (« heures supplémentaires de relance ») Qu’implique cette mesure ? Depuis février 2017, il existe un régime (para)fiscal avantageux pour les heures supplémentaires volontaires. Ce sont des heures supplémentaires qui ne doivent pas nécessairement être motivées par un surcroît extraordinaire de travail ou un cas de force majeure. Le régime (para)fiscal avantageux consiste en ce que l’indemnisation de ces heures supplémentaires ne constitue pas un revenu imposable pour le travailleur et que ces heures supplémentaires sont exonérées complètement de cotisations ONSS et de précompte professionnel. Le nombre maximum d’heures supplémentaires volontaires qu’un travailleur peut prester normalement par année civile s’élève à 100. Dans le cadre de la crise du COVID-19, ce maximum a été porté à 220 pour la période du 1er janvier 2021 au 30 septembre 2021 mais uniquement dans les secteurs dits essentiels ou cruciaux. Depuis le 1er octobre 2021, ces heures supplémentaires volontaires additionnelles – aussi appelées heures supplémentaires de relance – sont possibles dans tous les secteurs. Remarquez que le nombre maximum d’heures supplémentaires volontaires dans l’horeca a déjà été porté à 360 le 15 février 2018 mais uniquement si l’employeur utilise un système de caisse enregistreuse (SCE), mieux connu sous

le nom de « caisse blanche ». Aucune modification n’est apportée à ce régime.

Combien de temps cette mesure pourra-t-elle encore être utilisée ? Le régime est d’application du 1er octobre 2021 au 31 décembre 2022. Au moment de la rédaction de cet article, à la mi-octobre 2021, la législation relative à cette mesure n’avait pas encore été approuvée. Le SPF Emploi, Travail et Concertation sociale accepte que les indemnités pour les heures supplémentaires additionnelles soient déjà exonérées de cotisations ONSS avant l’approbation de la loi. Le SPF Finances, en revanche, estime qu’en attendant l’approbation, un précompte professionnel doit encore être retenu et pourra être corrigé rétroactivement. L’Union des Secrétariats sociaux recommande cependant d’appliquer déjà l’exonération du précompte professionnel avant l’approbation afin d’éviter que des corrections doivent encore être apportées par la suite aux fiches de salaire.

Source Application de l’accord social sur les heures ‘relance’ dans l’attente de la publication de la loi, SPF Emploi, Travail et Concertation sociale, 20 juillet 2021 ; et 120 heures supplémentaires volontaires additionnelles : précompte professionnel actuellement toujours dû pour les 3e et 4e trimestres 2021, SPF Finances, 30 juillet 2021. Magazine mensuel de l’ITAA | N° 9 | Novembre 2021


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Exonération du versement du précompte professionnel pour les heures supplémentaires ordinaires Qu’implique cette mesure ? Pour les 130 premières heures supplémentaires « ordinaires » par an, le travailleur a droit à une réduction d’impôts et l’employeur bénéficie d’une exonération du versement d’une partie du précompte professionnel. Pour 2019 et 2020, le gouvernement Michel avait déjà porté à 180 le nombre d’heures supplémentaires bénéficiant de ce régime fiscal avantageux – en exécution du « jobsdeal ». Dans un premier temps, cette augmentation n’a pas été prolongée pour 2021 mais est aujourd’hui réinstaurée dans le cadre de l’accord social pour 2021-22. Dans deux secteurs, le nombre maximum d’heures supplémentaires dépasse déjà 130 sans cette mesure, à savoir dans la construction – où le nombre maximum d’heures s’élève à 180 heures – et dans l’horeca – où ce régime est d’application pour 360 heures maximum. Contrairement au régime des « heures supplémentaires volontaires », il n’est Magazine mensuel de l’ITAA | N° 9 | Novembre 2021

pas requis que l’employeur de l’horeca ait un SCE. Dans la construction, une condition a toutefois été attachée à cette augmentation, à savoir que l’employeur utilise un système électronique d’enregistrement des présences mais cette condition est aujourd’hui levée temporairement.

Combien de temps cette mesure pourra-t-elle encore être utilisée ? Le régime est d’application pour les exercices d’imposition 2022, 2023 et 2024, du 1er juillet 2021 au 30 juin 2023. Au moment de la rédaction de cet article, à la mi-octobre 2021, la législation relative à cette mesure n’avait pas encore été approuvée. En attendant l’approbation, l’exonération ne peut pas encore être appliquée. Le SPF Finances a toutefois confirmé à la FEB qu’après approbation de la loi, l’exonération pourrait être appliquée rétroactivement.

Source L’accord social du 8 juin 2021 expliqué, FEB, 8 juin 2021 ; et Exécution de l’accord social en matière de flexibilité, FEB, 20 juillet 2021.


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Précompte professionnel réduit sur les allocations légales de chômage temporaire Qu’implique cette mesure ? Un précompte professionnel doit être retenu sur les allocations légales de chômage temporaires. Le taux du précompte s’élève normalement à 26,75 %, mais est ramené à 15 % pour les allocations aux travailleurs mis au chômage temporaire à la suite des mesures corona. Cette réduction, valable initialement pour la période de mai 2020 au 31 mars 2021 inclus, puis prolongée jusqu’au 30 septembre 2021, est à présent encore prolongée.

Combien de temps cette mesure pourra-t-elle encore être utilisée ? Jusqu’au 31 décembre 2021.

Source AR du 29 septembre 2021 modifiant l’annexe III de l’AR/CIR 92 en matière d’allocations légales de chômage temporaire, M.B. 1er octobre 2021.

Déduction pour investissement Qu’implique cette mesure ? Le taux de la déduction pour investissement ordinaire pour les entreprises unipersonnelles et petites sociétés s’élève temporairement à 25 % au lieu de 8 %.

Combien de temps cette mesure pourra-t-elle encore être utilisée ? Pour les investissements du 12 mars 2020 au 31 décembre 2022.

Combien de temps cette mesure pourra-t-elle encore être utilisée ? Les réserves de reconstitution peuvent être constituées pour les exercices comptables se rattachant aux exercices d’imposition 2022, 2023 ou 2024, ce qui correspond aux exercices comptables ordinaires 2021, 2022 ou 2023, et aux exercices comptables à cheval 2021-2022, 2022-2023 et 2023-2024. Le montant total de la réserve de reconstitution peut au choix être constitué en une fois ou étalé sur deux ou trois exercices d’imposition.

Source Art. 194quater/1 du CIR 1992.

Télétravail de travailleurs frontaliers Qu’implique cette mesure ? Les travailleurs frontaliers belges, néerlandais, luxembourgeois, français et allemands tenus au télétravail à la suite des mesures corona peuvent rester imposables dans l’État dans lequel ils exerçaient leur activité professionnelle normale avant la crise du coronavirus.

Combien de temps cette mesure pourra-t-elle encore être utilisée ? Jusqu’au 31 décembre 2021.

Source Accords, avec le Luxembourg et la France, M.B. 29 septembre 2021, Accord avec les Pays-Bas, M.B. 30 septembre 2021, Accord avec l’Allemagne, M.B. 4 octobre 2021. Felix Vanden Heede Juriste fiscaliste

Source Article 69, § 1er, 1° et article 201, § 1er, 1° du CIR 1992.

Réserve de reconstitution Qu’implique cette mesure ? À certaines conditions, les sociétés peuvent exonérer temporairement leur bénéfice de l’impôt des sociétés à concurrence des pertes d’exploitation de l’exercice comptable clôturé en 2020 ou 2021 en constituant une réserve de reconstitution.

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Quel est l’impact fiscal des intérêts négatifs dans le chef du titulaire d’un compte bancaire ? En date du 8 juin 2021, l’Administration générale de la Fiscalité – Impôt des sociétés a publié la circulaire 2021/C/53 concernant le traitement fiscal des ‘intérêts négatifs’. Cette circulaire a été complétée le 13 juillet 2021 par un addendum en vue d’apporter des précisions sur la portée de la circulaire 2021/C/53. La présente note a pour objet (i) d’analyser le contexte ayant donné lieu à la naissance des intérêts négatifs et (ii) d’examiner l’impact fiscal dans le chef du titulaire de compte des montants versés en tant qu’intérêts négatifs à un établissement de crédit. Il sera répondu aux questions suivantes : • Les intérêts négatifs constituent-ils un revenu mobilier imposable, soumis au précompte mobilier ? • Est-il possible de déduire des intérêts négatifs dans la sphère des revenus mobiliers ? • Peut-on pratiquer une compensation entre des intérêts négatifs et des intérêts positifs ? • Est-il permis de déduire des intérêts négatifs au titre de frais professionnels ?

1. Origine de l’introduction des taux d’intérêts négatifs sur les comptes bancaires Jusqu’à récemment, nous ne connaissions que la notion d’intérêts

créditeurs versés par une banque en raison du placement d’une somme d’argent nous appartenant sur un compte bancaire. Si épargner n’était plus depuis un certain temps une affaire très rentable vu le maigre taux d’intérêt proposé, les titulaires de compte se trouvent actuellement dans la situation inverse où, dans certaines conditions, ils doivent payer un intérêt sur l’argent qu’ils ont placé à la banque.

Comment en sommes-nous arrivés à cette situation ? A la suite de la crise économique et financière de 2008, la Banque centrale européenne (BCE) a utilisé tous les ressorts de la politique monétaire pour stimuler l’économie, notamment par la mise en place de la politique du taux d’intérêt bas en vue de rendre le crédit plus facile. L’objectif était de stimuler les investissements et la prise de risque des entreprises et des ménages en vue de stimuler la croissance.

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Parallèlement, la BCE a décidé de pénaliser les banques des Etats membres si elles ne participaient pas à cette grande opération de stimulation de la croissance, c’est-àdire si elles ne jouaient pas le jeu et conservaient trop d’argent sur leurs comptes plutôt que de l’injecter dans l’économie. La BCE a donc imposé un intérêt de pénalité de -0,50 % sur les dépôts de liquidités excédentaires faits à son guichet par les banques1 . Concrètement, cela signifie que pour pouvoir stocker leurs excédents de trésorerie en toute sécurité, les banques doivent verser de l’argent à la BCE. Les banques ont décidé de répercuter sur leurs clients la politique de la BCE 2 . Selon le président de la Fédération bancaire européenne, ‘il serait extrêmement important que les taux négatifs ne s’arrêtent pas au bilan des banques… Les mesures doivent atteindre les clients si nous voulons que la politique monétaire produise son plein effet.’

Les banques possèdent un compte auprès de la banque centrale, un peu comme un particulier possède un compte auprès de sa banque. Le taux de dépôt est le taux auquel sont rémunérés les dépôts que les banques effectuent auprès de la banque centrale. Les banques possèdent deux types de réserves auprès de la banque centrale : les réserves obligatoires qui sont une proportion des dépôts collectés par les banques. Elles sont rémunérées au taux des opérations principales de refinancement, soit 0 % en zone euro début 2020. Les banques peuvent cependant déposer des sommes plus importantes auprès de la banque centrale, on parle alors des réserves excédentaires qui sont rémunérées au taux de la facilité de dépôt (-0,5 % en zone euro début 2020). 2 Si en Belgique, ces taux d’intérêts négatifs ne s’appliquent qu’à partir du moment où les sommes sur le compte de dépôt atteignent un plafond déterminé, force est de constater qu’une banque allemande a déjà appliqué un taux d’intérêt négatif dès le premier euro déposé, ce qui visait directement le petit épargnant.

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2. Bref rappel : le traitement fiscal des intérêts positifs Les intérêts positifs/créditeurs sont ceux versés par la banque en contrepartie du placement d’une somme d’argent sur un compte bancaire par le titulaire du compte. Ces intérêts positifs sont imposables dans le chef du titulaire du compte en tant que revenus mobiliers sur la base des articles 17, §1er, 2°3 et 19, §1er, 1° CIR 924 et, dès lors, soumis au précompte mobilier. En effet, le revenu mobilier imposable est le prix payé par le débiteur (la banque) pour la jouissance du capital, tel que convenu avec la partie qui l’a investi (le titulaire du compte). En principe, le précompte mobilier est automatiquement retenu par la banque, de sorte que le titulaire du compte ne reçoit que le montant net. Cependant, si le titulaire du compte dispose d’un compte à l’étranger et qu’il perçoit des intérêts sur ce compte sans l’intervention d’une banque belge, il doit déclarer luimême ces intérêts comme revenus mobiliers, dans sa déclaration à l’impôt des personnes physiques. Le taux de base est fixé à 30 % 5 .

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3 L’article 17, § 1er, CIR 92 dispose que « Les revenus des capitaux et biens mobiliers sont tous les produits d’avoirs mobiliers engagés à quelque titre que ce soit … ». Cette disposition prévoit explicitement l’imposition des produits des capitaux engagés, en tant que revenus mobiliers. 4 L’article 19, § 1er, 1°, CIR 92 prévoit que « Les intérêts comprennent les intérêts, primes et tous autres produits de prêts, y compris de conventions constitutives de sûreté réelle portant sur des instruments financiers, de dépôts d’argent et de toute autre créance ». 5 Sur les comptes d’épargne traditionnels, les intérêts sont exonérés du précompte mobilier jusqu’à un montant de 980 euros.

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3. Qu’en est-il du traitement fiscal des intérêts négatifs ? C’est la situation inverse à celle décrite ci-dessus pour les intérêts positifs : le titulaire d’un compte place de l’argent sur un compte bancaire et - au lieu de recevoir un paiement d’intérêts en retour - il est tenu de payer des intérêts à la banque 6 . Les circulaires 2021/C/53 et 2021/C/65 abordent le traitement fiscal des montants versés en tant qu’intérêts négatifs par le titulaire d’un compte à un établissement de crédit. À cet égard, il est expressément souligné que l’interprétation administrative s’applique quelle que soit l’origine (belge ou étrangère) des revenus et quelle que soit la qualité des parties. L’impact des intérêts négatifs sur la base imposable du titulaire du compte est examiné sous les aspects suivants : (i) Les intérêts négatifs constituent-ils un revenu mobilier imposable ? (ii) Sont-ils déductibles dans la sphère des revenus mobiliers ? (iii) Une compensation entre les intérêts négatifs et positifs peut-elle s’envisager ? (iv) Les intérêts négatifs peuventils être déduits au titre de frais professionnels ?

3.1. Les intérêts négatifs ne constituent pas un revenu mobilier imposable et ne sont pas soumis au précompte mobilier Les intérêts négatifs, en tant que tels, ne sont pas des revenus mobiliers car

ils ne sont pas la rétribution par l’emprunteur de la jouissance du capital engagé par le prêteur. En réalité, les intérêts négatifs sont des montants versés par le prêteur (le titulaire du compte) à l’emprunteur (la banque) conformément aux modalités déterminées par ce dernier. Dans le cadre d’intérêts négatifs, aucun montant n’est perçu ou obtenu par le prêteur (le titulaire du compte). D’un point de vue fiscal, les intérêts négatifs ne sont pas à traiter comme des intérêts positifs et ne constituent pas des revenus de capitaux imposables au sens de l’article 17, §1 CIR 92. Aucun précompte mobilier ne sera dès lors calculé sur les intérêts négatifs !

3.2. Pas de déductibilité des intérêts négatifs dans la sphère des revenus mobiliers Selon la circulaire 2021/C/53, les intérêts négatifs ne sont en aucun cas déductibles lors de la détermination des revenus mobiliers imposables, puisque ces intérêts négatifs n’interviennent pas lors de la perception d’un revenu mobilier et ne sont donc pas pris en compte lors de la détermination de la base imposable de ce revenu. La base légale à cet égard est l’article 22, §1er, al. 1 CIR 92, qui se lit comme suit : ‘Le revenu net des capitaux et biens mobiliers s’entend du montant encaissé ou recueilli sous quelque forme que ce soit, avant déduction des frais d’encaissement, des frais de garde et des autres frais analogues, et majoré du précompte mobilier, du précompte mobilier fictif et, le cas échéant, du prélèvement pour l’État de résidence’.

Les éléments déductibles définis par la loi pour déterminer la base imposable d’un ‘revenu mobilier’ sont très limités. L’article 22, §2 CIR 92 mentionne même que les intérêts des dettes contractées pour obtenir ou conserver des revenus de biens mobiliers et de capitaux ne sont pas déductibles.

3.3. Pas de compensation possible entre les intérêts négatifs et positifs en ce qui concerne l’application du précompte mobilier La règle générale en Belgique est que la compensation entre intérêts positifs et négatifs est explicitement interdite, à l’exception du principe d’unicité des comptes cité dans le Commentaire administratif 22/47. La circulaire 2021/C/53 souligne que les intérêts créditeurs positifs ont une nature différente de celle des intérêts négatifs. En effet, contrairement aux intérêts positifs, les intérêts négatifs ne constituent pas un revenu mobilier imposable soumis au précompte mobilier. En cas d’intérêts négatifs, aucun montant n’a été recueilli par le prêteur. Il ne peut être question de revenu dans son chef. Sur cette base, la circulaire conclut qu’il ne peut y avoir de compensation entre les intérêts positifs et négatifs visant à obtenir un ‘solde’ d’intérêts imposables. Concrètement, le titulaire du compte ne pourra pas déduire les intérêts négatifs qu’il a payés à la banque des intérêts positifs qu’il doit à la banque en vue de réduire la base imposable de son précompte mobilier.

6 C’est comme lorsque le compte passe en négatif et que le titulaire du compte doit payer des intérêts à sa banque pour l’utilisation de cette facilité de crédit. 7 Lorsqu’un titulaire de compte détient plusieurs comptes auprès d’un même établissement de crédit, la compensation des intérêts débiteurs et créditeurs est, en résumé, autorisée si ces comptes peuvent être considérés comme étant les éléments constitutifs d’un compte unique et indivisible conformément au règlement intérieur de cet établissement financier. Et si les montants créditeurs et débiteurs sont dus à la même date d’échéance et font l’objet d’un traitement comptable unique.

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11 réapprovisionner ou payer des salaires dans un avenir proche sont des situations dans lesquelles les coûts d’un taux d’intérêt négatif remplissent bel et bien les conditions de base de déductibilité fiscale des frais professionnels. Les intérêts négatifs sont versés à la banque pour pouvoir atteindre ou maintenir un revenu imposable. Dans les cas de figure classiques, les entreprises devraient pouvoir déduire fiscalement ces intérêts négatifs.

4. Conclusion

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3.4. Possibilité de déduire les intérêts négatifs comme frais professionnels lorsqu’ils sont en lien avec l’activité professionnelle Supposons qu’un indépendant qui génère des bénéfices ou une société doive payer des intérêts négatifs à sa banque et qu’il les reprenne donc dans sa comptabilité, en tant que frais. Une telle dépense est-elle déductible fiscalement si les conditions de l’article 49 CIR 92 sont remplies ? Lorsque l’administration fiscale affirme que les intérêts négatifs ne sont pas déductibles, cela ne signifie pas pour autant qu’elle exclut leur déduction en tant que frais professionnels, au titre de l’impôt des personnes physiques

ou des sociétés. La non-déductibilité vise uniquement le régime fiscal applicable en matière de revenus mobiliers et de précompte mobilier. Les intérêts négatifs n’étant pas des revenus mobiliers, ils ne peuvent pas non plus être imputés sur des revenus mobiliers positifs. En date du 13 juillet 2021, l’Administration fiscale a clarifié par un addendum (Circulaire 2021/C/65) sa position selon laquelle il n’y a pas d’interdiction de déduction des intérêts négatifs en tant que frais professionnels, pour autant que les conditions de déductions prévues à l’article 49 CIR 92 soient remplies 8 . Il doit exister un lien évident avec l’activité professionnelle. A titre d’exemples, le dépôt d’argent sur un compte afin de financer un investissement à brève échéance, se

En résumé, en ce qui concerne le traitement fiscal des intérêts négatifs sur les comptes bancaires, nous pouvons retenir les éléments suivants : • Les intérêts négatifs, en tant que tels, ne sont pas des revenus mobiliers, car ils ne sont pas payés en raison d’une mise à disposition de capital. Par conséquent, aucun précompte mobilier n’est dû sur des intérêts négatifs. • Étant donné que les intérêts négatifs ne participent pas à la définition de la base imposable d’un revenu mobilier, les intérêts positifs et négatifs ne peuvent pas non plus être compensés en matière de précompte mobilier. • Les intérêts négatifs ne sont pas déductibles dans la sphère des revenus mobiliers. En revanche, les intérêts négatifs dans la sphère professionnelle, comptabilisés comme tels, peuvent en principe être déduits des ‘bénéfices’ sur la base de l’article 49 CIR 92, en tant que frais professionnels. Ceci a été confirmé par la circulaire 2021/C/ 65 qui a ajouté un addendum à la circulaire initiale 2021/C/53. Axelle Dekeyser Cellule Fiscalité de l’ITAA

8 Article 49 CIR 92 : ‘A titre de frais professionnels sont déductibles les frais que le contribuable a faits ou supportés pendant la période imposable en vue d’acquérir ou de conserver les revenus imposables et dont il justifie la réalité et le montant au moyen de documents probants ou, quand cela n’est pas possible, par tous autres moyens de preuve admis par le droit commun, sauf le serment. Sont considérés comme ayant été faits ou supportés pendant la période imposable, les frais qui, pendant cette période, sont effectivement payés ou supportés ou qui ont acquis le caractère de dettes ou pertes certaines et liquides et sont comptabilisés comme telles.’

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Pensions complémentaires pour dirigeants d’entreprise, diminution des rémunérations suite à la pandémie et rigidité fiscale des 80 % La présente analyse traite de deux circulaires fiscales, dans le cadre des pensions complémentaires (art. 59 et 195, § 1er, CIR 92), nécessitant l’enregistrement comptable régulier des rémunérations de dirigeants d’entreprises ; sachant par ailleurs que, en 2020, elles sont inférieures à celles de 2019 : la circulaire 2020/C/153 du 14 décembre 2020 relative au calcul de la limite de déductibilité des 80 %1 et la circulaire 2021/C/55 du 10 juin 2021 qui forme un addendum à la circulaire 2020/C/153 précitée2 .

Circulaire 2020/C/153 Une lettre du 11 décembre 2020 avec la référence Ci.726.442, qui a été annexée à la circulaire 2020/C/153, reproduit la réponse du Service Expertise opérationnelle et Support - Impôt des sociétés du SPF Finances à la question de savoir si « la rémunération annuelle qui a été allouée ou attribuée pendant l’année 2019 peut être prise en compte pour le calcul de ladite limite de 80 % pour l’année 2020 », sachant que, dans le cas soumis, « la rémunération annuelle de 2019 serait alors nettement plus élevée que la rémunération annuelle de 2020 »3 . La réponse à cette question est évidemment non, puisque le calcul des 80 % se fait par année de revenu ! Il n’est donc pas autorisé pour le calcul annuel de la limite des 80 % de 2020 de se baser sur celui utilisé en 2019. Pour un tel le calcul, que ce soit pour 2019 ou 2020, c’est la rémunération brute annuelle normale qui doit être prise en compte, année par année. La base de ce calcul diffère donc nécessairement, chaque année, en fonction du montant annuel de ladite rémunération. Elle est égale au montant global brut de toutes les sommes qui, avant déduction des retenues obligatoirement effectuées en exécution de la législation sociale ou d’un statut légal ou réglementaire y assimilé, sont attribuées ou payées au travailleur pendant

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une année déterminée, autrement qu’à titre exceptionnel ou occasionnel4 . En outre, les prestations à constituer, auprès d’une compagnie d’assurance, pour une année déterminée, en ce compris les participations bénéficiaires, ne peuvent pas être plus élevées qu’une rente annuelle qui, majoré de la pension légale, atteint au maximum 80 % de ladite rémunération brute annuelle normale, multipliée par une fraction qui a pour • numérateur : – le nombre d’années de la durée normale d’activité professionnelle réellement accomplies et – restant à accomplir dans l’entreprise et • dénominateur – le nombre d’années de la durée normale d’activité professionnelle 5 6 . La lettre précitée ajoute que, dans le cas où il s’agit d’un dirigeant d’entreprise, il est prévu que : 1. d’une part, ils sont assimilés à des travailleurs pour l’application du CIR 92 en matière de leurs frais et rémunérations professionnels, ainsi que des charges sociales déductibles connexes à celles-ci, et 2. d’autre part, les versements d’assurance ou de prévoyance sociale ne sont toutefois déduits a. que dans la mesure où ils se rapportent à des rémunérations qui sont allouées ou attribuées

Circulaire 2020/C/153 relative au calcul de la limite de 80 %, 14 décembre 2020. Circulaire 2021/C/55 - Addendum à la circulaire 2020/C/153 relative au calcul de la limite de 80 %, 10 juin 2021. Référence Ci.726.442, lettre 11 décembre 2020. Art. 34, 1°, AR/CIR 92. Art. 59, § 1er, 2°, CIR 92. Art. 35, § 2, 2°, AR/CIR 92.

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régulièrement et au moins une fois par mois avant la fin de la période imposable au cours de laquelle l’activité rémunérée a été exercée, et b. à condition que ces rémunérations soient enregistrées en charges par imputation au compte de résultat7. La question introduite ayant trait à une diminution des rémunérations, de 2020 par rapport à celles de 2019, motivée par le déclin du chiffre d’affaires et des résultats, provoqué par la pandémie du Covid-19, l’administration consent, par tolérance, du bout des lèvres, à ce qui suit pour la seule année 2020 : 1. afin d’évaluer la régularité desdites rémunérations, les mois pour lesquels le dirigeant d’entreprise 8 a cessé de les percevoir et pour lesquelles il peut bénéficier, d’un droit passerelle à titre de mesure temporaire, ne sont pas pris en considération ; 2. la partie de la prime qui dépasse la limite de 80 % en raison de la réduction desdites rémunérations peut être considérée comme une avance sur la prime qui doit être allouée au cours de l’exercice comptable suivant ; la partie de la prime qui dépasse cette limite doit alors être

transférée à l’exercice comptable 2021, en débitant le compte de régularisation d’actif 49 ‘Charges à reporter’ par le crédit des charges et cette partie doit être prise en compte pour l’exercice comptable 2021.

Rémunération brute annuelle normale Si le gouvernement impose, sous peine de sanctions, des contraintes handicapant les résultats d’exploitation des entreprises, provoquées par lui-même, ce n’est pas son problème, mais celui du dirigeant d’entreprise, à statut social d’indépendant. La lettre annexée à la circulaire 2020/C/153 argumente donc contre le contribuable que « les prestations à constituer pour une année déterminée, en ce compris les participations bénéficiaires, ne peuvent pas être plus élevées qu’une rente annuelle qui, majorée de la pension légale, atteint au maximum 80 % de la rémunération brute annuelle normale du travailleur pendant l’année concernée, … » . La circulaire en conclut que : « … il doit, en principe, être tenu compte des rémunérations qui sont allouées ou attribuées régulièrement et au moins une fois par mois, au cours de l’année 2020 ».

7 Art. 195, § 1er, al. 2, CIR 92. 8 L’annexe à la circulaire 2020/C/153 précise dans une note de bas de page que : « Sont ainsi visés les dirigeants d’entreprise pour lesquels s’appliquent les mesures temporaires dans le cadre de la crise du COVID-19, telles que prévues au chapitre 3 de la loi du 23 mars 2020 modifiant la loi du 22 décembre 2016 instaurant un droit passerelle en faveur des travailleurs indépendants et introduisant les mesures temporaires dans le cadre du COVID-19 en faveur des travailleurs indépendants, M.B. 24 mars 2020 ».

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15 Reste à savoir ce qu’est une rémunération brute annuelle normale, dans les conditions de confinement, indépendantes de la volonté du dirigeant d’entreprise, car imposées par le gouvernement ? Le ComIR 92 et la circulaire précitée éludent cette question essentielle et les articles 34 et 35 de l’AR/CIR 929 n’apportent aucun éclairage aux cas présents provoqués par les contraintes de confinement gouvernementales, il est vrai, inimaginables à l’époque de la rédaction de ces textes. La « rémunération brute annuelle normale est (…) égale au montant global brut de toutes les sommes qui (…) sont attribuées ou payées au travailleur pendant une année déterminée, autrement qu’à titre exceptionnel ou occasionnel »10 . Le ComIR 92 vise le seul cas du dirigeant qui, profitant de la situation exceptionnellement favorable, se fait attribuer ou payer une augmentation de rémunérations anormale et ignore complètement celui du dirigeant malheureux qui au contraire, subissant la situation exceptionnellement défavorable, réduit sa rémunération pour éviter la faillite de sa société par temps de pandémie. La circulaire n’en souffle mot. A défaut de définition pertinente légale et réglementaire de la normalité d’une rémunération régulière, l’usage est de reprendre la définition des dictionnaires. A savoir : la normalité est ce qui est conforme à l’ordre habituel des choses. Le confinement ne répond pas à l’ordre habituel des choses. En outre, il peut être rappelé la réponse de l’ancien ministre des Finances, Philippe Maystadt, et la décision du Service des Décisions anticipées (SDA) favorables au contribuable et qui démentent le ComIR 92 et la circulaire précités : 1. pour les salariés, selon la réponse du ministre des Finances à la question du député Michel Moock, la rémunération dite normale permet de ne pas tenir compte de la diminution de salaire résultant d’une activité à temps partiel en fin de carrière 11 ; le ministre avait précisé à l’époque que, lorsque des mesures sociales réduisent la durée du temps de travail, il peut être admis que la

dernière rémunération brute normale soit déterminée en tenant compte de la rémunération que le travailleur aurait pu percevoir s’il avait continué à prester à temps plein, et 2. pour les indépendants, le SDA a décidé favorablement envers le contribuable que : « La rémunération de référence qui doit être retenue pour l’application de la limite de 80 % de l’article 59, CIR 92, dans le cadre de l’engagement individuel de pension par la SA X en faveur de monsieur Y, concerne la rémunération brute annuelle de la dernière année civile complète pendant laquelle monsieur Y a exercé une activité rémunérée comme CEO de la SA X, c’est- à-dire la rémunération brute annuelle de l’année civile N »12 . Appliqué à la situation actuelle, la rémunération devrait être celle de 2019.

Tolérance et écritures comptables Revenons à la tolérance énoncée dans l’annexe à la circulaire 2020/C/153. Elle se limite strictement à ceci : 1. « afin d’évaluer si les rémunérations précitées sont allouées ou attribuées régulièrement et au moins une fois par mois, les mois pour lesquels le dirigeant d’entreprise13 a cessé de percevoir sa rémunération et pour lesquels il peut bénéficier, dans le cadre de la crise du COVID-19, d’un droit passerelle à titre de mesure temporaire, ne sont pas pris en considération ».

Si l’on peut s’accorder pour ne pas prendre en considération les mois pour lesquels le dirigeant d’entreprise a cessé de percevoir sa rémunération, pourquoi ne peut-il pas bénéficier de cette tolérance, s’il ne bénéficie pas du droit passerelle ?

2. « la partie de la prime qui dépasse la limite de 80 % en raison de la réduction de la rémunération annuelle du dirigeant d’entreprise peut être considérée comme une avance sur la prime qui doit être allouée au cours de l’exercice comptable suivant. Dans ce cas, la partie de la prime qui dépasse la limite de 80 % doit être transférée à l’exercice comptable (…) ».

9 Ces deux articles traitent respectivement des définitions et des conditions formalistes de déduction à titre de frais professionnels des cotisations et primes patronales. 10 ComIR 92, 59/32, al. 3 : « Quant à l’adjectif “normale” employé par l’art. 59, al. 1er, CIR 92, pour qualifier la rémunération en cause, il permet d’écarter tout paiement ou attribution abusif qui n’aurait d’autre but que de contourner la limite susmentionnée de 80 %, notamment en majorant artificiellement les rémunérations de la dernière année d’activité du travailleur ». 11 Q. n° 288, Michel Moock, 14 février 1996, La Chambre, Q. et Rép., n° 26, 18 mars 1996. 12 Cf. Décision anticipée favorable au contribuable, n° 600.225 du 26 septembre 2006. « Rekening houdend met de fundamentele verschillen tussen de functie van CEO en deze van gewone bestuurder van de NV X en het feit dat de NV X de individuele pensioentoezegging aan de heer Y heeft toegekend omwille van zijn activiteiten als CEO, zal als “laatste normale brutojaarbezoldiging” voor de berekening van de 80 % grens op het moment van de uitbetaling van het pensioenkapitaal de brutojaarbezoldiging van het kalenderjaar N worden aangemerkt, zijnde de brutojaarbezoldiging van het laatste volledige kalenderjaar waarin de heer Y een bezoldigde activiteit als CEO van de NV X uitoefende ». 13 La circulaire précise en page 2/3 : « Sont ainsi visés les dirigeants d’entreprise pour lesquels s’appliquent les mesures temporaires dans le cadre de la crise du COVID-19, telles que prévues au chapitre 3 de la loi du 23 mars 2020 modifiant la loi du 22 décembre 2016 instaurant un droit passerelle en faveur des travailleurs indépendants et introduisant les mesures temporaires dans le cadre du COVID-19 en faveur des travailleurs indépendants, M.B. 24 mars 2020 ».

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Si l’on peut s’accorder pour enregistrer des charges à reporter relatives aux primes payées pendant la période de 10 mois de confinement en 2020, pourquoi la circulaire reste-t-elle muette sur la suite des enregistrements comptables à opérer en 2021, sachant que les 10 mois de paiement de primes vont évidemment se cumuler avec les mois de confinement prolongés en 2021 ?

S’il fallait suivre l’argumentation administrative, les écritures à enregistrer se présenteraient comme suit : 1. d’abord à la clôture des comptes en 2020, 2. ensuite à la réouverture des comptes en 2021 et 3. enfin aux conséquences funestes de la clôture 2021 : 49

Charges à reporter à

618

Rémunérations, primes pour assurances extralégales, pensions de retraite et de survie des administrateurs, gérants et associés actifs qui ne sont pas attribuées en vertu d’un contrat de travail

Rémunérations, primes pour assurances extralégales, pensions de retraite et de survie des administrateurs, gérants et associés actifs qui ne sont pas attribuées en vertu d’un contrat de travail (2020) à

618

618

49

55

X

Etablissements de crédit

La seconde écriture, dès la réouverture des comptes de 2021, correspond à l’extourne de celle de fin 2020, en ce que les 10 mois de primes payées en 2020 soient prises en charges en 2021. La troisième écriture enregistre les rémunérations de 2021 qui se cumulent avec le report de celles de 2020. Exemple Un petit exemple chiffré fera comprendre l’étendue du préjudice fiscal : • soit une prime d’assurance mensuelle de 1.000 euros, payée chaque mois de l’exercice comptable de 2020, • représentant une dépense annuelle de 12.000 euros, dont seuls 2.000 euros seront comptabilisés en charges ; • soit la même dépense en 2021, année pendant laquelle le confinement cesserait le 1er octobre 2021, • le dirigeant ne bénéficie d’une rémunération normale que pour les 3 derniers mois de 2021 ; • à la clôture 2021, 22.000 euros de primes seront comptabilisés en charges (10.000 + 12.000), • dont 3.000 euros seront acceptés en exonération ; la société sera imposée sur une DNA de 19.000 euros.

Conséquences X

Charges à reporter

Rémunérations, primes pour assurances extralégales, pensions de retraite et de survie des administrateurs, gérants et associés actifs qui ne sont pas attribuées en vertu d’un contrat de travail (cumul du report des charges 2020 et 2021 ; dépassement des 80 %) à

X

la limite de 80 % [est] transférée à l’exercice comptable suivant ».

X

X X

La première écriture consiste à débiter un compte d’actif de régularisation en sous-classe 49 et à créditer les charges enregistrées dans le groupe de comptes 618. Par cette écriture de clôture de 2020, « la partie de la prime qui dépasse

La circulaire a été ainsi rédigée du fait de l’absence de loi Covid-19 sur les pensions complémentaires pour les travailleurs indépendants. Une loi Covid-19 favorable aux seuls salariés a permis à l’employeur de continuer à verser les primes prévues même en l’absence de rémunération14 . Un simple avenant au règlement suffit15 . Pour les dirigeants d’entreprises, aucune base légale. Il aurait été évident d’accepter de prendre en compte les rémunérations des deux premiers mois de 2020 et d’extrapoler une rémunération annuelle ou tout simplement prendre en compte les revenus promérités en 2019, ce qui était la demande des praticiens au départ16 , en s’inspirant de la décision du SDA favorable au contribuable rendue le 26 septembre 2006, mentionnée supra. Voici le dernier alinéa de l’avis de la Commission des Pensions complémentaires des Indépendants (CPCI) : « La Commission estime qu’il importe avant tout que les travailleurs indépendants qui sont confrontés à une perte de revenus considérable en ces temps de crise dus au coronavirus (situation de

14 Art. 14 à 18 de la loi du 7 mai 2020 portant des mesures exceptionnelles dans le cadre de la pandémie COVID-19 en matière de pensions, pension complémentaire et autres avantages complémentaires en matière de sécurité sociale, M.B. du 18 mai 2020. 15 Circulaire n° 2020/C/149 relative aux cotisations et primes de pensions complémentaires dans le cadre de la crise du COVID-19, 23 novembre 2020. 16 Avis n° 13 ‘Impact de la crise du coronavirus sur les pensions complémentaires des travailleurs indépendants’, Commission des pensions complémentaires des indépendants (CPCI), 20 mai 2020.

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17 force majeure) ne soient pas de surcroît pénalisés par la non-déductibilité soudaine de primes déjà versées, par la perte de couvertures de risques complémentaires et/ ou par des possibilités réduites pour la constitution de leur pension complémentaire. La Commission appelle dès lors les autorités à élaborer une solution permettant de remédier à cette situation. L’une des pistes envisageables consisterait à neutraliser exceptionnellement les revenus de l’année 2020 en les remplaçant par des revenus qui n’ont pas été affectés par la crise du coronavirus et qui constituent une référence objective pour le revenu moyen des indépendants concernés. Il pourrait s’agir, par exemple, des revenus de l’année 2019 ou des revenus de janvier 2020 extrapolés sur base annuelle. Il est important que le revenu de référence alternatif soit défini de manière objective et juridiquement univoque et qu’il soit facilement vérifiable sur le plan administratif, tant pour l’organisme de pension que pour le travailleur indépendant. De cette manière, tout indépendant touché par la crise du coronavirus aura la possibilité de prendre comme référence un revenu qui n’a pas été affecté par cette crise et qui donne par conséquent une image plus réaliste de son revenu ’normal’. Un indépendant qui n’a pas été touché par la crise du coronavirus en 2020 pourra choisir de garder le revenu réel de 2020 et de ne pas passer au revenu de référence alternatif pour 2020 ». La CPCI n’a pas été entendue à ce stade. Telle était la situation au 20 mai 2020. Voyons maintenant la nouvelle circulaire du 10 juin 2021.

Circulaire 2021/C/55 Cet addendum du 10 juin 2021 vise à corriger l’application sans nuance de la circulaire 2020/C/153. La suite du présent exposé reprend les principaux paragraphes utiles à résoudre les difficultés du dirigeant.

Fermeture obligatoire Les mois, pendant lesquels le dirigeant d’entreprise a cessé de percevoir sa rémunération et pour lesquels il peut bénéficier, dans le cadre de la crise du COVID-19, d’un droit passerelle à titre de mesure temporaire, ne sont pas pris en considération. L’addendum vise ainsi trois cas : • le dirigeant reçoit une rémunération moindre que celle qu’il aurait normalement reçue, car la société a, par exemple, modifié sa manière de travailler entraînant une réduction de son bénéfice net ; • outre une rémunération moindre, il conserve par ailleurs un avantage de toute nature (ATN) ; • il ne conserve seulement qu’un ATN.

Peu importe que ce dirigeant ait fait usage de la possibilité d’obtenir un droit passerelle. Par conséquent, les mois, pendant lesquels un tel dirigeant était dans les conditions pour pouvoir bénéficier du droit passerelle, mais n’en a pas fait la demande pour l’une ou l’autre raison, ne sont pas non plus pris en considération. Les droits passerelles ne sont pas assimilés à des rémunérations pour le calcul de la limite de 80 % 17.

Pas de fermeture obligatoire Il peut être admis que les mois pour lesquels le dirigeant d’entreprise ne reçoit pas de rémunération ou reçoit une rémunération moindre, ou seulement un ATN, ne soient pas pris en considération pour apprécier, si les rémunérations précitées sont allouées ou attribuées régulièrement et au moins une fois par mois pour l’application de la limite de 80 % concernée, lorsque le gouvernement n’a pas imposé la fermeture obligatoire, mais que le dirigeant d’entreprise doit, à l’occasion de la crise du COVID-19, temporairement interrompre tout ou partie de son activité et peut bénéficier du droit passerelle. Dans ce cas, la société doit être en mesure de démontrer, sur la base d’éléments objectifs, que l’interruption de l’activité du dirigeant d’entreprise est une conséquence directe de la crise du COVID-19. Les directives susvisées s’appliquent mutatis mutandis.

Primes susceptibles d’être reportées La circulaire nouvelle précise que, si les droits passerelles ne sont pas assimilés à une rémunération pour le calcul de la limite de 80 % visée ci-dessus, il n’est pas exclu que dans les cas précités, la prime versée en 2020 ou 2021 dépasse la limite de 80 %. Il est rappelé que l’éventuelle partie de prime excédant cette limite de 80 % en 2020 peut être considérée comme une avance sur la prime qui doit être payée au cours de l’exercice comptable suivant 2021. Quant aux comptes de 2020, la partie de la prime qui dépasse la limite de 80 % peut être transférée à l’exercice comptable 2021, par la rubrique de régularisation de l’actif, sous-classe 49 Charges à reporter. Cette écriture implique que cette partie reportée concerne l’année 2021 et doit donc être considérée comme une prime due pour ladite année. Cela induit que cette dernière devrait être réduite du montant reporté pour respecter la limite de 80 % et être ainsi entièrement déductible au titre de frais professionnels. Si non, la quotité de la prime qui excède la limite de 80 % est une DNA pour l’année 2020.

17 Pour ce qui est du régime fiscal des différents droits passerelles, consulter : Circulaire 2020/C/94 du 8 juillet 2020 concernant le régime fiscal des prestations financières dans le cadre du droit passerelle de crise, Circulaire 2020/C/114 du 4 septembre 2020 concernant les adaptations au droit passerelle de crise et l’introduction d’un droit passerelle de reprise et Circulaire 2021/C/51 du 4 juin 2021 relative au régime fiscal des prestations financières dans le cadre du droit passerelle de crise.

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Exemple Une société a conclu en 2015 un contrat d’assurance groupe pour son dirigeant. À l’origine la prime annuelle est de 4.000 euros. Cette prime est totalement déductible, elle respecte la limite des 80 %. Situation en 2020 : La prime demeure de 4.000 euros, mais vu la rémunération réduite allouée pour cet exercice, la prime déductible se limite à 2.800 euros. Pour éviter qu’une somme de 1.200 euros soit reprise en DNA, elle est reportée à l’exercice 2021 par l’écriture de régularisation de fin d’exercice précitée. Situation en 2021 : Quatre hypothèses peuvent se présenter : 1. selon la rémunération normale payée en 2021, la limite de 80 % donnerait une prime déductible de 4.000. Cependant vu la partie de la prime reportée de 2020 de 1.200, comme avance pour 2021, la société ne paie en 2021 que 2.800 au lieu de 4.000. Rien ne doit être repris en DNA ; 2. selon la rémunération normale payée en 2021, la limite de 80 % donnerait une prime déductible de 4.000. Même si la partie de la prime reportée de 2020 est de Magazine mensuel de l’ITAA | N° 9 | Novembre 2021

1.200, comme avance pour 2021, la société paie en 2021 néanmoins 4.000 au lieu de 2.800. 1.200 doit être repris en DNA ; 3. la limite de 80 % ne donnerait qu’une prime déductible de 1.800. La société considère la partie de la prime à reporter pour 2020, à savoir 1.200, effectivement comme une avance pour l’année 2021 et ne paie en 2021 qu’une prime de 600. Rien ne doit être repris en DNA ; 4. la limite de 80 % ne donnerait qu’une prime déductible de 1.000. La société considère la partie de la prime à reporter pour 2020, à savoir 1.200, effectivement comme une avance pour l’année 2021. Elle ne paie rien en 2021 et extourne la charge à reporter de 1.000. Rien ne doit être repris en DNA, mais elle doit reporter 200 en 2022. Et après 2022, la circulaire ne dit rien. En effet, la circulaire précise que ce dispositif « en matière de calcul de la rémunération brute annuelle normale et de la prime à reporter est d’application pour les primes afférentes aux années 2020 et 2021 ». Telle était la situation nouvelle au 10 juin 2021. A suivre … Raymond Ghysels Expert-comptable et conseiller fiscal certifiés honoraire


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Plus-values de réévaluation au sein des sociétés La Commission des normes comptables (CNC) actualise deux1 avis publiés précédemment sur les plus-values de réévaluation. Dans le nouvel avis CNC ‘2021/13 – Plus-values de réévaluation au sein des sociétés : implications des changements apportés par le CSA et l’AR CSA’, la Commission examine l’incidence des modifications apportées par l’adoption du nouveau Code des sociétés et des associations (CSA). Compte tenu de l’incidence des modifications législatives sur la pratique, il a fallu mettre à jour les nouvelles règles et interprétations relatives à la conversion des plus-values de réévaluation en capital ou en apport, et la possibilité (ou l’impossibilité) de faire suivre une telle opération d’une réduction de capital ou de l’apport. L’avis aborde également l’incidence des modifications législatives sur le bénéfice distribuable ou la distribution du patrimoine.

I. Généralités Sont portées sous la rubrique II. Plus-values de réévaluation du passif, les plus-values non réalisées sur les immobilisations, conformément à l’article 3:35 de l’AR CSA. 2 , les reprises de réductions de valeur, conformément à l’article 3:94 de l’AR CSA, les reprises de réductions de valeur comptabilisées sur des immobilisations incorporelles et sur des immobilisations corporelles dont l’utilisation n’est pas limitée dans le temps, ainsi que les plus-values de réévaluation visées à l’article 3:22, alinéa 4, de l’AR CSA.

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II. Sociétés de capitaux A. Conversion de la plus-value de réévaluation en capital, suivie d’une réduction de capital La CNC constate que le législateur n’a prévu explicitement la possibilité de convertir une plus-value de réévaluation en capital que pour les sociétés de capitaux. 3 Cela n’a donc certainement pas changé par rapport à l’ancien Code des sociétés (C.Soc.). Après la conversion en capital d’une plus-value de réévaluation, une réduction de capital a parfois lieu, par remboursement aux actionnaires ou pour apurer les pertes. C’est concernant cette réduction de capital qu’un changement de législation s’est produit. L’avis CNC fournit un bref historique. Dans l’ancien Code des sociétés, les règles relatives à la réduction de capital ne mentionnaient aucune limitation consistant à ne pas affecter la partie non-amortie de la plus-value de réévaluation incorporée au capital

à l’apurement de pertes reportées ou au remboursement aux actionnaires. Cette limitation n’a été introduite que par un arrêté royal du 18 décembre 2015. La CNC ajoute, dans sa note de bas de page 13, que cette limitation n’a pas été bien accueillie et que la doctrine et une minorité au sein de la CNC 4 sont d’avis que cette règle, reprise dans l’AR C.Soc., empiète sur les droits des sociétés en matière de composition du capital et restreint ceux-ci (c’est-à-dire qu’elle est contraire au C.Soc.). La limitation consistant à ne pas affecter la partie non-amortie de la plus-value de réévaluation incorporée au capital à l’apurement de pertes reportées ou au remboursement aux actionnaires est aujourd’hui également réglementée explicitement dans le CSA lui-même 5 . Dans le cas d’une société de capitaux, le capital ne peut être réduit à un montant inférieur à celui du capital minimum, augmenté du montant de la plus-value de réévaluation incorporée et diminué, le cas échéant, du montant de la plus-value réalisée dans l’intervalle résultant de la cession de l’actif concerné.

Avis CNC ‘2011/14 - Plus-values de réévaluation’ et avis CNC 2016/23 - Plus-values de réévaluation : implications des modifications à l’article 57 de l’AR C.Soc. introduites par l’arrêté royal du 18 décembre 2015. L’avis CNC 2016/23 a été abrogé suite à la publication de l’avis CNC 2021/13. L’article 3:35, §3, de l’AR CSA, renvoie erronément à la rubrique III. du passif au lieu de la rubrique II. Art. 3:76 de l’AR CSA (57, §3, premier alinéa, 2º, de l’AR C.Soc.). Ce point est confirmé dans la définition de l’apport pour les sociétés de capitaux, à l’art. 3:89, §2, I, 1º, de l’AR CSA. Avis CNC 2016/23 - Plus-values de réévaluation : implications des modifications à l’article 57 de l’AR C.Soc. introduites par l’arrêté royal du 18 décembre 2015, note de bas de page 19. Art. 7:208 du CSA.

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Dans l’avis, la Commission donne deux exemples qui clarifient cette limitation.

B. Notion de bénéfice distribuable La définition de bénéfice distribuable au sein de sociétés de capitaux a également été modifiée. Cette définition est désormais libellée de la

manière suivante 6 (la dernière phrase a été ajoutée) : Aucune distribution ne peut être faite lorsque l’actif net, tel qu’il résulte des comptes annuels, est, ou deviendrait, à la suite d’une telle distribution, inférieur au montant du capital libéré ou, si ce montant est supérieur, du capital appelé, augmenté de toutes les réserves que la loi ou les statuts ne permettent pas de distribuer. Pour

6 Art. 7:212, premier paragraphe, du CSA. 7 Art. 57, §3, troisième alinéa, AR C.Soc.

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l’application de cette disposition, la partie non-amortie de la plus-value de réévaluation est assimilée à une réserve légalement indisponible. La CNC conclut qu’il n’est plus possible de contourner cette assimilation par le biais d’une disposition statutaire. L’interdiction de distribution, reprise auparavant dans l’AR C.Soc.7, est désormais également inscrite dans le code lui-même.


21 convertir une plus-value de réévaluation en apport au sein des sociétés sans capital. La Commission est d’avis qu’on ne peut déduire de l’absence de disposition explicite à cet égard que la conversion en apport d’une plus-value de réévaluation, après déduction de l’impôt estimé qui serait prélevé en cas de réalisation, serait impossible. L’Institut des Réviseurs d’Entreprises (IRE) fait remarquer que cela semble être en contradiction avec les dispositions de l’article 3:89, §2, de l’AR CSA. Sur la base de la définition de ce qui est inclus sous la rubrique I. Apport à une SRL et SC, il ne semble pas possible d’inclure une plus-value de réévaluation dans cette rubrique. L’IRE ajoute toutefois qu’il est, malgré tout, d’accord avec l’interprétation de la CNC, et qu’il estime souhaitable que l’AR CSA soit modifié en ce sens. 8

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III. Sociétés sans capital A. Conversion en apport de la plus-value de réévaluation Le législateur n’a pas prévu explicitement de disposition permettant de

Pour les sociétés sans capital, la conversion d’une plus-value de réévaluation en apport est comptabilisée sur le compte 1119 Autres (apports indisponibles hors capital). La partie de la plus-value de réévaluation qui n’a pas encore été amortie ne peut en aucun cas être rendue disponible par un transfert vers le compte 1109 Autres apports disponibles hors capital. Si une SPRL (désormais SRL) déjà existante a déjà converti une plus-value de réévaluation en capital avant l’entrée en vigueur du CSA, au moins la partie non encore amortie de la plus-value de réévaluation convertie en capital doit être comptabilisée sur le compte 1119 Autres (apports indisponibles hors capital). Tant qu’elle n’est pas amortie, elle reste un apport indisponible, car la partie non encore amortie de la plus-value de réévaluation ne constitue pas un capital réalisé, mais une estimation 9 .

B. Distribution du patrimoine Comme pour la société anonyme (SA), la définition du patrimoine distribuable a également été modifiée pour la société à responsabilité limitée (SRL). Cette définition est désormais libellée de la manière suivante 10: Aucune distribution ne peut être faite si l’actif net de la société est négatif ou le deviendrait à la suite d’une telle distribution. Si la société dispose de capitaux propres qui sont légalement ou statutairement indisponibles, aucune distribution ne peut être effectuée si l’actif net est inférieur au montant de ces capitaux propres indisponibles ou le deviendrait à la suite d’une telle distribution. Pour l’application de cette disposition, la partie non-amortie de la plus-value de réévaluation est réputée indisponible. La CNC rappelle qu’un test de distribution et un test de liquidité doivent être effectués pour une société sans capital avant que la société puisse effectivement distribuer son patrimoine. Entre-temps, la Commission a également publié un projet d’avis abordant ces tests de distribution pour les SRL et les SC11 . Tom Vandendungen Expert-comptable et fiscal interne certifié

8 Réaction du Conseil de l’IRE au projet d’avis CNC intitulé Plus-values de réévaluation au sein des sociétés : implications des changements apportés par le CSA et l’AR CSA, 18 mars 2021. 9 Avis CNC 2021/13, points 20 à 22. 10 Art. 5:142, premier paragraphe, du CSA. 11 Avis CNC 2020/XX – Distribution du bénéfice : les nouveaux tests de distribution pour les SRL et SC, 4 mars 2020.

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