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N째01 2012 # 1

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Pari djanabarh

Vanouch


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(pour 2 numeros)

JAF/47 Avenue de Toulon/13006 Marseille


Sommaire

Editeur JAF

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Président de la JAF Julien Dikran Harounyan Rédacteur en Chef Fred Azilazian Maquette / Photo Armen Catanasian Photo couverture Photolure Ont collaboré à ce numéro Laetitia Dari Aurélie Ohanian Audrey Azilazian Victor Balayan Stéphanie Harounyan Armen Catanasian

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EDITO HAYLIGHT ' CA S'EST PASSE AU JAF VANOUCH, L'HOMMAGE HAYNEWS STOP AUX INSULTES ! COURANT D'ARTS AMNESIE REVIENT ! STEVE JOBS, LE I-MASQUE HOT HOT HEAT

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Dario C

Edito

Julien Dikran HAROUNYAN Président JAF Marseille PACA

L

e Intch est mort, vive le Intch ! C’était au lendemain d’un séminaire de réflexion et discussion de la JAF. Une poignée de jeunes, encadrés par des anciens, faisaient le pari fou de relancer un journal qui permettrait d’informer les adhérents et sympathisants. Un projet démarré avec peu de moyens, avec pour objectif de réaliser un mensuel sur la JAF et l’actualité de la communauté arménienne. C’est comme cela qu’est né le périodique au nom désormais mythique, imprononçable pour certains, intraduisible pour d’autres :

« Intch Ka Intchtchi Ka ». Pendant près de 10 ans, le Intch (comme l’appellent les connaisseurs), n’a cessé d’évoluer. Qu’il s’agisse du nombre de pages en augmentation, du passage à la couleur, de la maquette qui s’est modernisée avec le temps, le Intch est passé du stade de la simple « feuille de chou » au véritable magazine. Une qualité que l’on retrouvait aussi dans les articles. Durant toutes ces années, l’équipe de rédaction n’a jamais cessé d’accueillir de nouveaux journalistes qui ont apporté leur contribution à la ligne éditoriale. Faute de finances suffisantes, cette formidable aventure a pris fin il y a bientôt quatre ans. Dans le plus grand silence mais avec beaucoup de regret, le Intch est mort. Nous avons continué à communiquer et à utiliser les nouveaux moyens offerts par les nouvelles technologies, mais il manquait toujours quelque chose. L’amertume a pris le pas sur la raison économique, ou plutôt la nécessité d’informer qui prédomine face aux intérêts financiers. Alors comme il y a dix ans, nous prenons aujourd’hui le pari, encore plus fou, de relancer le journal. A l’heure où la presse papier souffre, la JAF continue de croire qu’il est important d’offrir un support écrit accessible pour toutes les générations. Un besoin d’exister au milieu d’une presse sinistrée. Une ligne éditoriale fraiche, avant-gardiste, avec un accent sur la photo mais aussi avec du fond. Mais surtout de l’info, encore de l’info et toujours de l’info ! On aimera ou pas, mais en tout cas on ne sera pas indifférent, et c’est cet objectif désinvolte et décalé qui est aujourd’hui assumé par la rédac. Alors bienvenue et longue vie au nouveau Intch Ka !

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Haylight

Catanasian

Le Jazz tient son nouveau boss A croire que le titre de son premier album solo - A Fable était prémonitoire. A seulement 24 ans (dont vingt et un passés à caresser les touches de son piano), Tigran Hamasyan est en train de devenir un poids lourd de la musique. Début octobre, le natif de Gumri s’est vu remettre des mains de China Moses (du Grand Journal de Canal +) une Victoire de la musique Jazz dans la catégorie « Meilleur album international de production française de l’année 2011 ». Entre ses concerts toujours plus nombreux, ses collaborations atypiques (Hindi Zhara, Magic Malik) et la récente sortie d’un nouvel EP de 5 titres, Tigran peut dormir sur ses deux oreilles : son avenir s’annonce radieux. F.A

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' s'est passe ca

a la Jaf...

Cedric Apikian Le samedi 14 janvier, le coup d’envoi officiel de la 6ème édition d’Amnésie Internationale a été donné au Centre culturel de la JAF Marseille. La soirée a mis à l’honneur le jeune et talentueux réalisateur Cédric Apikian. Ce Marseillais d’origine arménienne a répondu présent en 2010 quand la JAF l’a sollicité pour la réalisation d’un support en images pour la 5ème édition d’Amnésie Internationale. Créatif et inventif, Cédric Apikian en a proposé un clip. Quelques secondes pour sensibiliser le tout public du négationnisme de l’ensemble des génocides : un clip émouvant et troublant dont le premier rôle est joué par l’acteur Gérard Meylan. Cédric Apikian a, grâce à ce clip, obtenu plusieurs prix (prix Ethic au Festival du programme court de Paris, Gold Remi Award

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donne le coup d envoi d Amnesie 6 au 43ème Festival de Houston 2011, Award Of Merit à San Diego, Special Jury Award World Peace & Understanding etc) et la JAF a tenu, pour le remercier, et saluer son travail, à lui remettre le Prix Amnésie Internationale. Cette soirée a également permis aux 150 personnes de l’assemblée, de découvrir les nouveaux projets de Cédric Apikian (une série TV avec Bruno Solo et Patrick Bosso notamment) et son engagement pour la cause arménienne mais aussi pour celles de tous les génocides. L’acteur Gérard Meylan, présent ce soir là, a expliqué les causes de son engagement pour la cause en général, et pour le clip en particulier : il espère de tout cœur, avec ce clip, faire « perdurer l’envie de résister ». Aurélie Ohanian


Lorie La Armenia Pour éviter d’avoir froid en hiver, rien de tel qu’une bonne soirée flamenco. Celle-ci a eu lieu fin novembre à la JAF Marseille, puis à la JAF Paris, avec la performance exceptionnelle de la danseuse Lorie Baghdassarian, surnommée La Armenia. Entourée de musiciens hors pairs, Ismael de Begoña à la guitare, Daniel Torres aux percussions et Cristo Cortes au chant, Lorie, qui est également chorégraphe et comédienne au sein de la Compagnie Irina Brook, a fait voyager le public à travers l’Andalousie. Telle une flamme à la fois fragile et dévastatrice, elle a complètement captivé les spectateurs marseillais et parisiens venus de tous horizons. Une franche réussite. Laetitia Dari

Catanasian

a fait monter la temperature

Premiere reussie pour le diner litteraire La JAF Marseille a innové le jeudi 1er décembre en organisant son premier diner littéraire - une rencontre avec des auteurs autour d’un repas arménien. Etaient invités Shaké Mouradian, une jeune auteur de 24 ans, et Olivier Emran, accompagné de son photographe Jean-Luc Abraïni. C’est grâce aux 453 internautes-producteurs du site My Major Company Books que Shaké est parvenue à publier son premier roman, Jude R., une road-story sombre et violente, écrite lorsqu’elle n’avait que 19 ans et qui met en scène, dans les Etats-Unis des années 70, un couple aussi amoureux que torturé. Fan de littérature et de cinéma, des Frères Cohen à Steinbeck en passant par Tarantino

et Ellroy, Shaké Mouradian planche désormais sur un projet d’adaptation de Jude R. en BD. Dans un autre registre, les Marseillais Emran et Abraïni, sont venus présenter leurs deux premiers ouvrages, Dans le jardin des pêcheurs et Jardins ouvriers, jardins enchantés, qui parlent de Marseille et de la vie de ses habitants. Servis par des photos époustouflantes et des textes touchants et drôles, ces deux bouquins nous emmènent dans un Marseille que l’on aime, loin des clichés habituels, et nous font découvrir des hommes et des femmes que l’on croise tous les jours sans les regarder, avec leurs histoires et leurs racines. Aurélie Ohanian

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Hommage Vanouch

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Photolure

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Une Legende s'en est allee i comme le disait Jaurès, « le courage, c’est d’aimer la vie et de regarder la mort d’un regard tranquille », alors Vanouch était un véritable héros. Car Vanouch a passé sa vie à la célébrer, à la mettre en danse, et à la transcender comme peu d’Arméniens ont réussi à le faire. En créant des danses originales, avant-gardistes et spectaculaires, Vanouch a tout simplement révolutionné la culture arménienne. Vanouch incarnait de façon absolue le mot passion. Tour à tour danseur étoile (il lui arriva de partager la scène avec Barychnikov et Noureïev) et Maître de ballet, celui qui fut le chorégraphe emblématique du Bari Bedagan de 1968 à 1991, pensait danse, mangeait danse, dormait danse. Avec sa fougue et son perfectionnisme, il forçait l’admiration. Vanouch, c’est aussi et surtout une histoire particulière avec la JAF. Une histoire d’amitié d’une intensité folle. Qui ne connaît pas Vanouch aujourd’hui à la JAF ? De 7 à 77 ans, tous les Jafistes (qu’ils soient danseurs ou non) ont adulé Vanouch. Tout le monde a d’ailleurs une anecdote à raconter sur

celui qui avant sa mort était le président de l’union des chorégraphes d’Arménie. C’est lui et personne d’autre qui a contribué à faire de la troupe Araxe l’une des meilleures formations non-professionnelles d’Europe. En 2003, la JAF Marseille avait d’ailleurs rendu un hommage artistique au chorégraphe de son vivant, en créant le spectacle Vanouch Légende d’Arménie, un show novateur qui fut présenté à l’Opéra de Erevan, puis remplit le Dôme de Marseille en 2005. En 2004, la JAF Marseille a également donné le nom de « Vanouch Khanamirian » à son école de danse. Vanouch n’est plus, mais personne n’oubliera son sourire, son panache, son enthousiasme communicatif, ou encore ses coups de gueules. Personne n’oubliera la lueur qui brillait dans ses yeux lorsqu’il regardait danser la troupe Araxe (« ses enfants »), ou plus récemment, lorsqu’il évoquait sa nouvelle troupe de 50 filles qu’il voulait faire danser « comme des mecs ». Cette lueur, c’est celle qui caractérise les grands hommes. Les hommes qui passent, qui laissent une empreinte indélébile sur le monde et qui, finalement, ne disparaissent jamais. – FA.

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Hommage

Vanouch

La conversation imaginaire

Président d’Altitude et musicien de l’orchestre Sassoun, Yervanth Harounyan connaissait personnellement Vanouch depuis près de 50 ans. En recueillant son témoignage, Intch ka s’est amusé à imaginer une conversation entre les deux hommes. Yervanth Harounyan : Il est excessivement difficile de parler de toi, Vanouch. On a l’impression de t’avoir toujours connu. Ici à la JAF, tu fais partie des meubles (rires). Plus sérieusement, lorsque l’on dit de toi que tu es une Légende d’Arménie, ce n’est pas un vain mot. Vanouch Khanamirian : Merci Yervanth djan. Tout ce que j’ai fait dans ma vie, je l’ai fait au service de la culture arménienne. Tu te

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souviens de la première fois où l’on s’est rencontré ? YH : La première fois que je t’ai vu, je ne savais même pas que c’était toi ! C’était en 1966 lors de mon premier voyage en Arménie. J’étais très ami avec le ministre de la culture arménienne qui s’appelait Melik Ohandjanian et il m’avait invité à l’Opéra voir danser le ballet Spartacus. C’était pour moi quelque chose d’extraordinaire parce que je ne pensais pas

que l’Arménie pouvait créer des ballets de ce type là. Ce jour-là, un danseur blond à bouclettes m’avait époustouflé. C’était toi. Tu étais un soliste extravagant, virevoltant, fabuleux. VK: (Ému) C’était mon dernier gala. Je faisais mes adieux au ballet classique. (Il se ressaisit). J’ai toujours dit que j’étais un danseur extraordinaire (il rit). Entre 1947 et 1966, j’ai quand même été choisi pour interpréter de nombreux


rôles classiques tel le Ballet de Gayané, le Ballet du Bolchoï, Le Lac des Cygnes ou encore Don Quichotte… YH: Après ça, une nouvelle vie a démarré pour toi… VK : Le ministre de la culture d’Arménie m’a proposé de devenir le chorégraphe de l’ensemble d’état, le Bari Bedagan. Je suis parti à travers l’Arménie avec mon magnétophone, faire le tour des villages. Tout ce que j’entendais, je l’enregistrais. Je regardais les gens danser dans les villages. Je connais 90 façons différentes de danser le Kotchari ! Mon truc, au départ, c’était les danses ethnographiques comme le Sassounsti bar qui raconte l’histoire des Sassountsis. Ces derniers dansaient ensemble avant d’aller au combat. Ils se tapaient dans les mains si fort qu’ils étaient ensuite comme anesthésiés, avec les mains en sang. Ils se tapaient dessus pour éviter d’avoir mal quand on les frappe. J’ai toujours aimé les danses très viriles, comme le Sardarabad ou le Pert. YH : Avec le Bari Bedagan, tu as créé des centaines de danses. Et c’est à ce moment-là que nous sommes devenus amis. Au départ, on t’a fait venir en France avec ta troupe. On en a tellement pris

plein la gueule qu’on s’est dit : « il faut absolument que ce gars vienne à Marseille nous apprendre à danser ». Tu as accepté et ce fut un véritable choc de t’avoir parmi nous. Il y a eu un avant et un après Vanouch. Jusqu’alors, à Marseille et en Diaspora, on dansait arménien sans trop savoir ce que l’on faisait. Nos danses ressemblaient plus à du Turc ou du Russe qu’autre chose. Nos grandsparents avaient transporté ce qu’ils pouvaient d’Anatolie, notre culture était basique, c’était une culture populaire, agricole. La musique que nous pratiquions, c’était de la musique pseudo-arménienne, avec des instruments pseudo-arméniens (guitare, mandoline, etc…). A l’époque, nous n’avions ni zourna, ni duduk, ni kanon. C’est toi qui as donné un nouveau souffle à l’arménité dans la diaspora dans les années 70-80. VK : C’était vraiment les années fastes. Ma troupe était considérée comme l’une des meilleures si ce n’est la meilleure d’URSS… YH : Et malgré ton degré de notoriété, tu étais toujours simple et généreux avec nous. On a vite compris que tu étais un homme unique. Un homme du peuple, qui parlait de la même manière au président de la République ou à un berger, qui était capable

de vivre aussi bien dans un hôtel cinq étoiles que dans un petit studio, capable de manger du caviar dans un grand restaurant ou un sandwich grec en bordure de route. Ça t’était complètement égal. Ce qui t’intéressait, c’était la relation culturelle que tu pouvais avoir avec les gens. VK : A chaque fois que je venais à Marseille, c’est vrai qu’on partageait beaucoup ensemble. Je vous faisais travailler dur hein ? (rires) Et puis, il fallait toujours que vous me trouviez des billets pour allez voir l’OM ! YH : Ah le foot, ta passion ! Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi mordu que toi. C’est vrai qu’on bossait dur avec toi. Tu demandais beaucoup à tes danseurs. Lorsque tu n’étais pas là, on mettait parfois trois mois pour monter une danse. Avec toi, on en apprenait 8 en une semaine ! Mais même si tu étais sévère et perfectionniste, tout le monde t’adorait. Tu parvenais à fédérer toutes les générations. Ton truc à toi, c’était de créer et rêver, et d’embarquer tout le monde avec toi. Avec toi, tout était possible. Même les projets les plus fous comme celui de faire danser 1000 personnes ensemble pour fêter la bataille de Sardarabad en 2010. Tu étais unique. F.A

Vanouch, ses derniers mots a la JAF

En marge du spectacle Ararat Mon Amour, en Arménie, en 2010, Intch ka avait échangé quelques mots avec Vanouch. Voici l’essentiel de ses propos, à la fois émouvants et emplis d’optimisme. «J’ai connu toutes les étapes de l’évolution de la JAF. Vous êtes en plein épanouissement, au sommet de votre art. J’ai parcouru le monde et je peux vous dire que vous êtes hors-normes. Restez en haut, continuez à avancer. Restez proches et solidaires les uns des autres. Vous symbolisez pour moi la sincérité. Votre secret, c’est votre solidarité et votre intergénérationalité. Vous m’avez considéré comme un père. Vous faites partie de mon histoire. Vous êtes ma deuxième famille. C’est avec vous que j’ai grandi, vieilli et que je mourrai…»

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Catanasian

Gayané, la fille de Vanouch, montrant l’album souvenir de son père

1927

Comme son année de naissance. Très tôt, Vanouch est piqué par le virus de la danse. A 9 ans, il est recruté au sein de l’école chorégraphique de Erevan. 14 ans, il rejoint l’académie Alexander Spendiarian. Il fait ses premières armes dans le ballet arménien Anoush. Son intervention dans la fameuse scène du mariage lui vaut d’être remarqué.

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1947

Il est Nerso dans le fameux ballet Gayané d’Aram Khatchadourian, puis il franchit un nouveau palier trois ans plus tard en interprétant David de Sassoun. Vanouch est tellement performant que le célèbre sculpteur Yervand Cochar lui demande d’être le modèle de la statue de David, l’une des statues les plus connues d’Arménie, qui se trouve près de la gare de Erevan. Quelques années plus tard, VK devient une star grâce à son rôle de Spartacus dans le ballet du même nom.


Hommage

La JAF a rendu hommage à Vanouch de son vivant

Vanouch En 5 dates

1968

Il est nommé directeur de l’ensemble d’État d’Arménie. Jusqu’en 1991, il contribuera à en faire l’une des meilleures troupes d’URSS, enchaînant tournées sur tournées, allant même parfois jusqu’à faire 60 shows en 60 jours.

2001

Il est nommé président de l’union des chorégraphes d’Arménie, composée de plus de 80 chorégraphes.

2011

Il décède à Erevan en raison de problèmes cardiaques. L’ Arménie et les Arméniens perdent une légende.

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Catanasian

Vanouch, lors du spectacle Ararat mon Amour au Toursky (Marseille)

Arto Bekdjian

Vanouch

Ancien répétiteur Araxe et directeur artistique de la troupe Ani de la JAF Paris

La Jaf ne t'oubliera jamais

Avec le temps et les années qui passent, les souvenirs s’estompent et les instants privilégiés vécus à ses côtés m’échappent pour laisser place à ses créations qui sont à tout jamais ancrées dans ma mémoire. Elles me font vibrer, à chaque fois, comme si c’était la première fois, comme le gamin que j’étais, au stade Vallier, dans les années 80, voyant Pert Bar, Kakatchner, Shalakho, Guindo et tant d’autres… Tant de talent, tant de génie ! Il fait partie de ces Hommes qui modèlent la culture d’un pays et qui sont inscrits dans son Histoire. Depuis 5 générations, il représente pour les responsables des ensembles de danses de la JAF une source d’inspiration et de motivation incroyable ! Je suis infiniment honoré de l’avoir connu et remercie la JAF de m’avoir donné cette opportunité exceptionnelle. Cette rencontre a, d’une certaine manière, modelé ma vie. Son départ est un choc dont il faut néanmoins se relever pour continuer à partager son art. Août 2007, 8h30 du matin à Erevan, dans les couloirs du conservatoire national de danse, il fait déjà très chaud, je suis happé par Hélène (ancienne danseuse de la JAF) pour aller dans le bureau du Maître pour des « genats » au « Tuti Oghi », une sorte de vodka fruitée ! Un after hors norme !

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Hommage Marion Chamassian Directrice de l’école de danse Ce texte a été lu lors du diner des écoles de la JAF par un jeune élève

Au début du mois d’octobre, une rumeur a couru dans toute la ville de Marseille. Dans toutes les maisons aux accents arméniens on entendait « Vanouch est mort, Vanouch Khanamirian n’est plus » « Vanouch ? Tu es sûr ? ». Comment ? Mon Varbed, n’est plus ? Je réalise que nous te pensions tous immortel. A force de te voir toujours près de nous, toujours fort, solide, déterminé, rieur, mais aussi rageur, nous avions oublié que chacune des lignes de ton visage s’appelait une ride et qu’elle était creusée par les années. Il suffisait de te voir assis là, près de la glace de notre salle de danse, pour sentir cette âme arménienne nous prendre, nous emporter, et nous donner l’envie de danser. Tu étais là et nous étions protégés, encouragés, comme si rien ne pouvait nous arriver ; nous allions tout faire trembler. Où es-tu Varbed ? Les adultes nous racontent que lorsque quelqu’un s’en va, il monte au ciel et se transforme en étoile. Je ne sais pas si je dois y croire, mais nul ne doute que tu brilleras un peu plus que les autres et que je n’aurais aucun mal à te

reconnaitre. Tu n’as pas froid ? Pas faim ? Et est-ce-que tu me vois de là-haut ? Parce que tu sais, je vais avoir encore beaucoup de choses à te montrer, mes progrès, nos spectacles… Je suis sûr au moins d’une chose, c’est que tes chefs-d’œuvres je les danserai un jour, car l’homme passionné et généreux que tu étais, avait compris bien avant tout le monde, qu’il ne servait à rien de garder pour soi ce que l’on crée. Il vaut mieux que de jeunes danseurs s’en emparent et le fassent vivre éternellement. Nous serons fidèles à tes valeurs et de l’un à l’autre nous ne cesserons de transmettre. Rien ne se perdra et je serai tour à tour le taureau de Sardarabad, le Guindo du port de Tiflis ou encore le prince du Chalakho. Je ne suis pas triste Varbed, j’entends cette musique et je me dis que comme elle fut hier ton oxygène, elle est aujourd’hui le mien. Et même si l’entendre me rend mélancolique, elle me donnera la force demain de danser, sauter, virevolter. Varbed djan ko tsavet danem, au mois de juin prochain lors du gala de écoles de la JAF, nous chercherons tous une casquette tournant au-dessus de la tête d’un monsieur vêtu d’une chemise à fleurs, nous disant « je vous aime, c’est bien, continuez ». Alors promets-moi que de là-haut, pour que nous ne soyons pas tristes, cette casquette continuera de tournoyer.

Pascal Chamassian Directeur artistique Araxe

Pour moi, Vanouch, c’est un Maître mais aussi et surtout un père. En toute modestie, j’ai parfois eu l’impression d’être l’un des fils qu’il aurait pu avoir. Il adorait les enfants, et je pense que la blessure de sa vie, c’est de ne pas avoir eu de petits-enfants. Concernant l’artiste, le monstre sacré, tout a été dit et je n’en rajouterai pas. Avec la JAF, on a déjà tout dit dans le spectacle Vanouch Légende d’Arménie, écrit en 2003. Je pensais que c’était important d’honorer Vanouch de son vivant. L’idée qu’on a eu a été bonne, parce que de son vivant, il a vu que des jeunes de Marseille étaient capables de magnifier son répertoire. Il y a une chose très personnelle que je n’oublierai jamais. Lorsque je me suis marié officieusement en Arménie (avant de me marier officiellement en France), c’est lui qui m’avait conduit jusqu’à Etchmiadzine, et qui a célébré notre union avec Marion. Il a été un peu le grand témoin de notre mariage. On a eu une chance inouïe de le connaître.

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Hommage

Monique Azilazian Ancienne danseuse

Vanouch gardera une place toute particulière dans mon cœur. C’est lui et lui seul qui m’a transmis

l’amour de la danse folklorique quand j’avais 18/20 ans. S’il n’avait pas été là, je pense que je me serais désintéressée de la danse. Une des particularités de Vanouch, c’était son côté très protecteur et profondément généreux et chaleureux. Il débordait d’énergie et cette énergie, cette vie, il l’a partagée avec nous et nous nous en sentions grandis. Même s’il était vénéré et reconnu, avec nous, il restait toujours humble et affectueux. Je peux en témoigner car, lors d’un séjour en Arménie de 6 semaines en 1979, nous l’avions découvert au quotidien, en tant que chorégraphe de la troupe d’Etat. C’était exaltant d’être aux côtés de ses danseurs, si talentueux. Les gens lui demandaient des autographes dans la rue, ils lui baisaient la

Yessaï Karapétian

Jeune musicien de l’orchestre Sassoun La première chose que m’évoque Vanouch, c’est le respect. Pour moi, il est en quelque sorte un missionnaire de la culture arménienne car il a réussi à exporter notre danse, notre musique, nos costumes, notre Histoire et nos mœurs de manière à toucher tous les Arméniens du monde. Il était capable, comme peu de gens le sont, de transmettre à n’importe qui, que celui-ci y soit disposé ou pas, exactement ce qu’il souhaitait artistiquement et ça,

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c’est la signature d’un grand Maître. Vanouch était aussi quelqu’un de très chaleureux et de très excessif dans sa transmission de bonnes ondes : je me souviens qu’en 2004 en Arménie, nous étions allés le voir dans son bureau de l’union des chorégraphes avec mes parents et mon frère et qu’il nous avait fait servir un khashlama avec du cognac, à 16h ! Il ne nous avait pas laissé partir sans l’avoir gouté !

main. C’était fou ! Un soir où nous étions au restaurant avec quelques-uns de ses danseurs et bien sûr sa femme Vika, au fur et à mesure, les serveurs venaient poser des bouteilles de champagne sur notre table. D’abord une, puis deux, puis trois… Il devait y avoir une quinzaine de bouteilles de champagne à la fin de la soirée ! On a alors su que c’était la manière arménienne d’honorer un tel Maître : la plupart des convives du restaurant, le reconnaissant, avaient tenu à lui manifester leur hommage ! Je me souviens aussi que tous les soirs, il venait nous chercher en taxi (car il n’avait pas de permis) pour qu’on dîne chez lui et qu’on ne se retrouve pas toutes seules dans Erevan. Il était un père spirituel pour moi.


Ma passion pour la danse vient de Vanouch. Bien avant que je ne commence à apprendre à danser à la JAF, je me souviens d’une vidéo que ma grand-mère me faisait voir lorsque j’étais enfant, en me disant « c’est la troupe de Vanouch ! ». Il y avait 50 danseurs sur scène. J’étais ébloui. Alors, lorsque j’ai moi-même commencé à danser les danses de Vanouch, et mieux, à le rencontrer « en vrai », quel ne fut pas mon plaisir ! Depuis quelques années, je m’essaye moi-même à la chorégraphie. Je me souviens du jour où j’ai pris mon courage à deux mains et montré l’une de mes chorés à Vanouch, je n’avais jamais été aussi stressé! Une fois la danse finie, il prit une feuille de papier et dessina ma chorégraphie en me disant : « là tu vois, ta demi-lune dure trop longtemps, soit tu ajoutes

quelque chose au milieu soit tu changes tout ». A chaque fois qu’on se voyait, il me demandait si j’avais de nouvelles chorégraphies. Mais je n’ai jamais osé lui en montrer d’autres… Vanouch me manque, mais par moment, j’avoue le sentir près de moi, et l’entendre crier : « halala, halala, Lerneri Stépan, guiankeut yergar ». Ko tsavet danem maestro djan !

Stéphane Avédissian Répétiteur Araxe

Robert Guediguian Réalisateur

Vanouch, c’était un peu le professeur idéal, le Maître qu’on a tous eu envie d’avoir, à la fois très exigeant et rigoureux dans le travail et extrêmement chaleureux et généreux en dehors. Je garderai l’image d’un homme très humble, très simple. J’étais en Arménie lorsque Pascal Chamassian l’avait emmené faire une séance de shooting pour le spectacle Vanouch Légende d’Arménie. On était parti à plusieurs vers Garni, avec un petit camion. Au début du

trajet, il était excité, on sentait qu’il y avait un truc qui n’allait pas. On a très vite compris ce qui clochait car il a fait arrêter le car près d’un petit kiosque et il a acheté à boire et à bouffer. Il est revenu avec de la vodka, du chocolat, des galettes, il a fait la distribution à tout le monde et on a trinqué.

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Catanasian

Vue depuis l’appartement de Vanouch

Caroline Minassian

Ancienne danseuse de la troupe Araxe Vanouch djan, qui ne se souvient pas de ta façon de nous enseigner des pas d’une chorégraphie où nous devions en deviner la moitié, de tes nombreuses expressions de visage qui en disaient long, de tes rapapa pam ou tes battements de pieds qui nous donnaient le rythme, de tes célèbres petites disputent en russe avec ton alter ego et épouse Viga, de tes expressions en jargons arméniens qui faisaient bien rire ceux qui les comprenaient et qui n’avaient plus le même charme après traduction (« arem tche hodes, iki bir ou adiboudi neman ek ternoum »). Je me surprends encore à en sourire près de 10 -15 ans après. Qui ne se souvient pas de ces nombreux repas improvisés à la « Vanouch » après les répétitions

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Vanouch

La Jaf ne t'oubliera jamais

du soir, dans ta chambre d’hôtel, on y trouvait toujours quelque chose à grignoter, prétexte à nous regrouper autour de toi pour nous raconter tes anecdotes, partager ton savoir, transmettre ton art et surtout passer de très agréables moments avec tes enfants de Marseille. Que de Kefs partagés à Marseille ou Erevan, de répétitions inoubliables, de souvenirs que je garderai en mémoire avec l’espoir un jour de voir nos enfants sur la scène de l’Opéra de Erevan interprétant tes œuvres. Là, on pourra dire que l’on a réussi à préserver et perpétuer l’héritage que tu nous as laissé. Vanouch djan tsavet danem, hokout madar.


Hommage

Armen Catanasian

Danseur Ani (JAF Paris) et Photographe J’ai rencontré Vanouch il y a 10 ans. L’automne dernier, je suis allé en Arménie pour récupérer des témoignages, vidéos et photos de l’entourage de Vanouch, que l’on peut lire et voir dans ce numéro d’Intch Ka. J’ai pour l’occasion revu notamment Serpouhie Babayan avec qui j’avais fait un stage de danse en Arménie en 2004. Bien qu’elle ait 30 ans de plus que moi, j’aurais tout à fait pu tomber amoureux de cette femme. Elle me fascine depuis quelques années, lorsque je l’ai vu danser sur des vieilles cassettes VHS du premier Bari Bedagan de 76. Le témoignage qu’elle m’a livré fut chargé d’émotions fortes, avec de longs moments de silence, et de début de larmes, j’ai été très touché de cette « re-rencontre ». Quand je me suis rendu dans l’appartement du Maître où m’attendait sa fille Gayané, ce fut une autre histoire. J’étais là, chez Vanouch, dans un appartement où les murs sont chargés de photos et d’objets incroyables. Gayané et Vika m’ont ressorti les vieux albums photos de VK où on le voit jeune, pendant des spectacles, posant avec ses costumes. Il y a aussi des portraits ou l’on voit à quel point c’était un bel homme. Gayané me racontait pleins d’anecdotes, souvent au bord des larmes. Absorbé

par l’atmosphère des lieux, et gagné par l’émotion, il a fallu que je m’isole. J’ai dû m’éclipser dans la cuisine dix bonnes minutes, puis dans la salle de bain. Gayané m’a servi un cognac, épluché des fruits et servi une date séchée où elle avait mis une amande à la place du noyau. Elle me l’a tendu en disant que son père offrait toujours ça à ses invités. Je suis allé faire un tour sur le balcon et j’ai vu au loin, devant moi, avec rien qui ne puisse me bloquer la vue, le mont Ararat. Ses neiges brillaient et les quelques nuages à l’horizon dessinaient un joli tableau. Je me suis dit que Vanouch avait eu tout ce qu’il faut pour pouvoir trouver l’inspiration. Avec Gayané, nous avons parlé de danse, de Bardiner (la dernière troupe que Vanouch avait monté) - dont elle a repris la direction - elle m’a aussi proposé de me marier à l’une de ses danseuses, avant de m’offrir deux dessins que son père avait peint. L’un représentait une danseuse et l’autre une église. Je suis finalement reparti de chez VK avec le sourire et beaucoup d’idées : il faut faire un film sur son oeuvre ! J’ai l’histoire, avis aux intéressés !

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Hommage Vanouch

Ses plus belles danses

Pert bar C’est l’histoire de Van. Une danse très virile. La montée de la citadelle introduit la notion de show « à l’américaine » dans la danse arménienne.

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Guindo

Une danse très humoristique. Sur le port de Tiflis (ancien nom donné à Tbilissi, la capitale de la Géorgie), les Guindos se disputent le cœur d’une très belle et jeune fille européenne. Les Guindos sont des bad boys un peu stupides, l’équivalent des cacous de Marseille.

Kakatchner

Une danse de filles très poétique, inspirée du mouvement d’un champ de coquelicots balayé par le vent.

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Sardarapat

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Enzeli

C’est l’histoire de la bataille de Sardarabad en 1918. C’est encore une fois une mise en scène de la lutte, de la résistance face à l’ennemi qui veut prendre nos terres. Âpre et violent.

Une danse de filles exprimant grâce et beauté.


Hommage

Karavan

Cette danse reconstitue parfaitement le long chemin de l’exil, sur une musique géniale de Khatchadour Avédissian où l’on croit entendre le rythme d’une caravane. On arrive presque à ressentir de l’épuisement à la fin de la danse. Grandiose.

Danse du sabre

Une danse de garçons à la fois virile et gracieuse, sur le célèbre thème du ballet Gayané de Khachaturian.

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DR

Vanouch et sa femme Vika

Serpouhie Babayan

Vanouch

Erevan se souvient

Professeur de danse

J’enseigne la danse traditionnelle arménienne à l’école de chorégraphie d’Erevan. Je n’arrive toujours pas à croire que Vanouch Khanamirian nous a quittés. J’ai connu VK lorsque j’avais 20 ans et que j’ai franchi la porte du Bari Bedagan pour la première fois. C’était l’époque où la danse traditionnelle arménienne entamait son processus de transformation, avec VK à la baguette. J’ai donc été témoin du travail de création du Maître. Quand il avait une idée de danse en tête, il faisait des croquis sur un bout de papier. S’il rentrait en salle de répétition avec un papier, nous savions qu’il y avait une nouvelle danse à apprendre. Il ne nous montrait pas toujours les mouvements, les pas. Il était tellement loquace, il décrivait si bien

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ce qu’il voulait que l’on comprenait et réalisait ce qu’il avait imaginé. Je peux même dire que ces moments de création étaient plus importants pour moi que la scène, les spectacles. C’étaient des moments de complicité et de dialogue. Quelle sensation de satisfaction quand le Maître te demande quelque chose et que tu le comprends ! Tu incarnes en quelque sorte ses pensées... J’ai appris beaucoup de choses de Vanouch, notamment le dévouement. Le dévouement à la danse, à la famille, à notre patrie, aux amis et maintenant à mes élèves. Les leçons que j’ai apprises avec VK sont hors de prix. Aujourd’hui, j’ai le devoir de transmettre tout cela à mes élèves, qui, à leur tour, devront transmettre les valeurs de Vanouch aux nouvelles générations.


Hommage Habetnak Marutian (alias Moso)

Membre du Conseil d’administration de l’union des chorégraphes d’Arménie et directeur de la troupe Bardiner Je connais Vanouch depuis les années 70, à travers les émissions télé et les spectacles du Bari Bedagan. Mais je l’ai connu personnellement à la fac de danse traditionnelle de l’Institut pédagogique d’Erevan, où VK fut mon professeur pendant 4 ans, de 1988 à 1992. Cela fait par ailleurs cinq ans que je suis membre du Conseil d’administration de l’union des chorégraphes d’Arménie et que je dirige la troupe Bardiner. Durant ces cinq dernières années, nous étions ensemble toute la journée. Nous partagions à la fois nos soucis professionnels et nos problèmes personnels. Dans les moments difficiles, VK disait toujours : « il faut voir le soleil derrière les nuages ». Il a toujours respecté les gens et a reçu en retour le respect des autres. Je ne sais pas où il puisait son énergie, mais il assistait à tous les spectacles des membres de l’union des chorégraphes (ils sont près de 70 !!), et à tous les événements culturels. Il avait un sens des responsabilités énorme. S’il s’engageait à faire quelque chose, il le faisait jusqu’au bout, et avec le plus grand sérieux. Il était capable de mener des répétitions pendant 10 heures sans faire de pause. Et le plus étonnant, c’était qu’il travaillait avec le même acharnement et la même responsabilité avec tout le monde, qu’ils soient professionnels ou amateurs. Ce que je peux dire aussi, c’est qu’il aimait beaucoup le sport, surtout la boxe et l’haltérophilie. Quand Arthur Abraham a remporté la Coupe du monde, nous sommes allés, Vanouch et moi, à l’Arc de Tcharents, avec une bouteille de vodka, un peu de fromage, du pain et des légumes, pour fêter cette victoire. De cet endroit, son verre à la main, il a appelé l’un de ses amis en Allemagne, a demandé que celui-ci trouve absolument Arthur Abraham et lui dise que Vanouch était en train de fêter sa victoire sous l’Arc de Tcharents. Une autre fois, alors qu’on s’apprêtait à aller déjeuner, on a entendu à la télé que Nazeli Hovhannissian avait gagné son dernier combat et était devenue championne du monde. Il m’a proposé d’aller au restaurant pour fêter ça. C’était midi et les gens mangeaient tranquillement quand il est rentré dans la salle en secouant les bras et en criant « ce n’est pas le moment de manger dans le silence, levez tous vos verres qu’on fête la victoire de Nazig et qu’on boive à sa santé ! » Puis, il s’est approché de toutes les tables pour trinquer.

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PanArmenian Photo

L’une des dernières photos de Vanouch sur scène

Vanouch

Erevan se souvient

Hasmik Martirossian Danseuse Bari Bedagan

J’ai eu la chance de travailler avec le Maître Vanouch Khanamirian pendant 2 ans. Une personne inoubliable, dont les créations resteront à jamais dans l’Histoire de la danse traditionnelle arménienne. Pendant ses répétitions, nous recevions des charges positives. Il avait une énergie inépuisable, et adorait faire des blagues. Il nous disait toujours : « la danse est la reine des arts ». Il comparait (imitation à l’appui) la démarche gracieuse d’une danseuse dans la rue avec celle, beaucoup moins gracieuse d’un violoniste ou d’un peintre. Et ça nous faisait beaucoup rire. Puis il rajoutait en rigolant : « vous venez chez moi toutes laides et repartez toutes belles ». Les créations de Vanouch sont de véritables perles et, pour garder sa mémoire vivante, nous avons désormais l’obligation de les présenter au plus haut niveau pendant encore de longues années.

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Achot Azatian

Secrétaire général de l’union des chorégraphes d’Arménie Selon moi, des gens de l’envergure de Vanouch Khanamirian ne naissent qu’une fois tous les 200 ou 300 ans. Il a été pour moi un collègue, un grand frère, un père et bien plus encore… Ses conseils m’ont toujours aidé, à la fois dans le travail et dans ma vie privée. C’était une personne avec un grand cœur qui se souciait de tout le monde. Je ne peux pas oublier comment et avec quelle patience il écoutait les problèmes des membres de l’union : il assistait à toutes les répétitions, à toutes les réunions. Dans le travail, VK était ce que l’on appelle un acharné. Je me souviens par exemple de la création de la troupe Bardiner, composée exclusivement de filles, d’1,70 m et plus, car Vanouch voulaient des filles qui ressemblent aux « peupliers arméniens ». Nous avions sélectionné 20 filles et en deux mois à peine, VK avait réussi à monter un spectacle, alors que pour certains, il faut au minimum un ou deux ans pour créer un répertoire. Je me souviens également d’une anecdote : nous étions un jour allés voir un spectacle dans un village éloigné de Erevan. Après le spectacle, le maire du village avait prononcé un discours en l’honneur de Vanouch, le faisant citoyen d’honneur. Malgré les applaudissements de la foule, Vanouch resta silencieux. Puis il s’exclama : « Mais où avez-vous vu un citoyen d’honneur sans terre ni maison ?! Où sont mes terres ?!! ». C’était un personnage vivant, populaire, haut en couleurs. Même après sa disparition, lorsque l’on parle de lui, ce n’est pas de la tristesse qui nous envahit, mais plutôt de la joie.

Armen Grigorian

Directeur du collège d’Etat de chorégraphie d’Erevan Je travaille dans ce collège depuis 1984, en tant que professeur de danse classique. J’ai été danseur soliste du Théâtre d’Etat d’Opéra et de Ballet de 1983 à 2003. Je connais Vanouch Khanamirian depuis très longtemps. Nous étions voisins. Nous avons tout partagé ensemble. Le peuple arménien a perdu un immense Maître et un Homme avec une énorme majuscule.

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Haynews

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Comme le pourcentage de la population totale de l’Arménie qui vit en dessous du seuil de pauvreté. Soit plus de 1,2 million de personnes.

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Selon un rapport de l’ONU, l’espérance Comme le salaire de vie moyenne mensuel moyen en Arménie est (en euros) en actuellement de Arménie 74,2 ans. 30


CATANASIAN

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Haynews L'Armenie vise 1 million de touristes en 2013

L’Arménie compte franchir le seul d’un million de touristes en 2013. Pour atteindre cet objectif, le pays mise sur la construction de grands complexes hôteliers de luxe. Ainsi, en 2012, la ville de Djermouk accueillera un hôtel Hyatt, tandis qu’à Erévan, sur la rue Amirian, un hôtel cinq étoiles du nom de la chaîne Kempinski ouvrira ses portes en 2013.

Cosmopolitan a la cote en Armenie Avec 5000 exemplaires vendus par mois, le magazine féminin Cosmopolitan est devenu la publication numéro 1 en Arménie. Cosmopolitan Armenia est la 63e édition internationale du fameux groupe américain Hearst Magazines. Cosmo est actuellement imprimé dans 36 langues et distribué dans plus de 100 pays.

CATANASIAN

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Les Armeniens adoubent la Russie

Selon un sondage réalisé par l’institut américain Gallup dans 104 pays, trois Arméniens sur quatre se sentent toujours proches de la Russie et approuvent la politique de ses actuelles autorités, incarnées par le président Dmitry Medvedev et son premier ministre Vladimir Poutine. Un taux élevé qui classe l’Arménie parmi les cinq pays les plus russophiles de la planète.

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750

Comme le nombre de chansons composées par Charles Aznavour, aujourd’hui âgé de 87 ans.

Foot : L'Armenie va affronter l'Italie

L’Arménie connaît le calendrier de ses futures rencontres du groupe B pour les éliminatoires de la Coupe du Monde 2014 qui se déroulera au Brésil. Pour son premier match, le 7 septembre prochain, l’Arménie ira à Malte. Le 12 octobre, elle accueillera l’Italie pour ce qui constitue le grand rendezvous de ces éliminatoires à Erevan. Le groupe de l’Arménie comprend aussi le Danemark, la République Tchèque et la Bulgarie.

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Comme le nombre d’Arméniens inscrits sur Facebook. Le nombre total des utilisateurs de Facebook en Arménie ne représente que 2,86 % de la population. Pour l’instant…

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Selon une enquête de l’ONU, une femme arménienne sur dix a avoué avoir été physiquement maltraitée par son mari ou son compagnon.

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En Slovaquie, nier le Genocide armenien est desormais penalise Le projet de loi criminalisant la négation du génocide des Arméniens a été soumis et confirmé au Conseil national de Slovaquie. Désormais, tout citoyen de Slovaquie qui nierait le génocide des Arméniens dans quelque pays que ce soit, sera puni et peut risquer jusqu’à 5 ans d’emprisonnement.

10 000 Comme le nombre d’Arméniens vivant en République Tchèque.

L’Arménie a inauguré trois nouvelles ambassades en Europe, à Prague (République Tchèque), Copenhague (Danemark), et Vilnius (Lituanie).

1000

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Comme le nombre d’ambulances qui ont été offertes par la Chine à l’Arménie cet été. De quoi renouveler un parc obsolète, qui n’avait pas été modernisé depuis l’époque soviétique

La chirurgie plastique du nez ne coûte en Arménie qu’entre 800 et 1 000 dollars. Les prix pratiqués en Arménie sont ainsi parmi les moins chers du Caucase.

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Stop aux insultes ! Le mercredi 28 février, le Conseil constitutionnel a censuré la loi Boyer pénalisant la négation du génocide des Arméniens. Dans les médias, trop de choses insupportables ont été entendues à ce propos. Du Monde à RMC, en passant par Europe 1 ou Libération, de nombreux intellectuels ont pris la parole pour s’élever contre les lois mémorielles, voire remettre en cause l’existence du génocide arménien. Aujourd’hui, il y a urgence. STOP à l’ignorance ! Chaque citoyen français épris de justice et concerné par les questions de Droits de l’Homme doit savoir ce qu’il faut répondre à ceux qui bafouent encore la mémoire d’1,5 millions de victimes de ce premier génocide du 20e siècle.

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“ Ce qu’il s’est passé en 1915 n’est pas un Génocide... “

Stop ! A ceux qui disent :

“ Cette loi ne fait qu’attiser la haine entre Turcs et Arméniens, alors en plein processus de rapprochement... “ Pour les Turcs épris de justice et de vérité, cette loi ne changera rien à leur façon de se comporter avec les Français et encore moins avec les Arméniens. Pour preuve, l’Association Turque des Droits de l’Homme a publié une pétition sous la forme d’un communiqué exprimant indirectement son soutien au projet de loi français. Voici quelques extraits de ce texte extrêmement courageux. « Il faut s’unir contre la négation du génocide et non contre le Parlement Français. (…) La négation du génocide sert le blanchiment d’un crime organisé et commis par le biais de l’Etat. Le négationnisme empêche de faire face à l’Histoire comme il empêche aussi de s’agenouiller devant la mémoire des victimes, de faire acte de contrition face aux descendants des victimes et de dire « plus jamais ça ». Elle constitue un moyen de renforcer les inégalités, les rapports de domination et la menace d’une violence latente. C’est pour cela que l’Assemblée Générale des Nations Unies a approuvé la Convention pour

la Prévention et la Répression du Crime de Génocide en décembre 1948 entrée en vigueur en janvier 1951. Depuis cette date la négation de la Shoah a été interdite dans de nombreux pays et pénalisée par une amende et une peine de prison. En 1990, la France a également adopté la Loi Gayssot pour punir le négationnisme de la Shoah. La négation d’un génocide ne peut être interprétée comme relevant de la liberté d’expression, c’est au contraire une agression contre les descendants d’un peuple qui a subi un génocide et contre ceux qui font acte de contrition devant ce génocide ; Elle constitue un moyen puissant de perpétuer les conséquences du génocide et une invitation pour de nouveaux crimes contre l’Humanité. C’est pourquoi, nous les soussignés, nous voulons avant tout que soit mis un terme à la politique de négationnisme présente dans toutes les sphères de la vie en Turquie, qui blesse les consciences et offense sans cesse les victimes.»

L’Association internationale des historiens spécialisés dans l’étude des génocides (International Association of Genocide Scholars), représentant la majorité des historiens européens et d’Amérique du Nord, a publié une lettre ouverte adressée au premier ministre turc le 13 juin 2005 afin de lui rappeler que ce n’était pas seulement la communauté arménienne, mais des centaines d’historiens, de nationalités différentes, indépendants de tout gouvernement, qui avaient étudié et établi la réalité du génocide arménien. Les plus grands historiens et spécialistes de l’Holocauste, incluant Elie Wiesel et Yehuda Bauer, ont écrit dans le New York Times de juin 2000, pour déclarer « incontestable la réalité du génocide arménien ». L’Institut de l’Holocauste et des génocides (situé à Jérusalem) et l’Institut pour l’étude des génocides (New York) ont établi comme un fait historique le génocide arménien. La France l’a reconnu officiellement en 2001, tout comme la Suisse, l’Italie, la Grèce, l’Argentine, l’Uruguay, la Slovaquie, la Pologne, le Vénézuela, etc, et bien sûr, le Parlement européen le 18 juin 1987. Le Conseil de l’Europe (déclaration écrite de l’Assemblée parlementaire le 24 avril 1998) a également reconnu le génocide. Le 16 avril 1984, le génocide a été reconnu par le Tribunal permanent des peuples, une souscommission de l’ONU pour la prévention des Droits de l’Homme et la protection des minorités. Cette sous-commission publiera un rapport qualifiant le massacre des Arméniens de génocide.

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Dario C

BHL

" Le negationnisme est, au sens strict, le stade supreme du genocide " A ceux qui disent que ce n’est pas aux politiques mais aux historiens de dire l’Histoire, à ceux qui disent que cette loi ruine complètement la liberté d’expression et le travail des historiens, à ceux qui disent que les lois mémorielles ne servent à rien, ou encore à ceux qui banalisent le génocide arménien de 1915, voici comme réponses fatales quelques extraits exclusifs du discours du philosophe Bernard-Henri Lévy, prononcé à La Mutualité (Paris), il y a 4 ans. On dit : « Ce n’est pas à la loi d’écrire l’Histoire »... Absurde. Car l’Histoire est déjà écrite. Que les Arméniens aient été victimes, au sens précis du terme, d’une tentative de génocide, c’est-àdire d’une entreprise planifiée d’annihilation, Churchill l’a dit. Jaurès l’a crié. Les Turcs eux-mêmes l’admettent. Oui, c’est une chose

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que l’on ne sait pas assez : dès 1918, Mustapha Kemal reconnaît les tueries perpétrées par le gouvernement jeune-turc ; des cours martiales sont instituées ; elles prononcent des centaines de sentences de mort. Et je ne parle pas des historiens ni des théoriciens du génocide, je ne parle pas des chercheurs de

Yad Vachem, ni de Yehuda Bauer, ni de Raoul Hilberg, je ne parle pas de tous ces savants pour qui, à l’exception de Bernard Lewis, la question de savoir s’il y a eu, ou non, génocide ne s’est jamais posée et ne se pose pas. Il ne s’agit pas de “ dire l’Histoire “, donc. L’Histoire a été dite. Elle a été redite et archi-dite. Ce dont


il est question, c’est d’empêcher sa négation. Ce dont le Sénat va discuter, c’est de compliquer, un peu, la vie aux insulteurs. Il y a des lois, en France, contre l’insulte et la diffamation.

N’est-ce pas la moindre des choses d’avoir une loi qui pénalise cette insulte absolue, cet outrage qui passe tous les outrages et qui consiste à outrager la mémoire des morts ? On dit : « Oui, d’accord ; mais la loi n’a pas à se mêler, si peu que ce soit, de l’établissement de la vérité car elle empêche, lorsqu’elle le fait, les historiens de travailler. » Faux. C’est le contraire. Ce sont les négationnistes qui empêchent les historiens de travailler.

Ce sont les négationnistes qui, avec leurs truquages, brouillent les pistes. Prenez la loi Gayssot. Citez-moi un cas d’historien, un seul, que la loi Gayssot, sanctionnant la négation de la destruction des juifs, ait empêché de travailler. C’est une loi qui empêche Le Pen ou Gollnisch de trop déraper. C’est une loi qui met des limites à l’expression d’un Faurisson. C’est une loi qui gêne les incendiaires des âmes type Dieudonné. C’est une loi qui ne s’est jamais mise en travers de la route d’un seul historien digne de ce nom. C’est une loi qui, contrairement à ce que nous disent, je n’arrive pas à comprendre pourquoi, les “historiens pétitionnaires“, les protège, oui, les protège de la pollution négationniste. Et il en ira de même avec l’extension de cette loi Gayssot à la négation du génocide arménien. On dit : « Où s’arrêtera-t-on ? Pourquoi pas, tant qu’on y est, des lois sur le colonialisme, la Vendée, les caricatures de Mahomet ? Est-ce qu’on ne

s’oriente pas vers des dizaines de lois mémorielles dont le seul résultat sera d’interdire l’expression des opinions non conformes ? » Autre erreur. Autre piège. D’abord, il n’est pas question de “lois mémorielles“, mais de génocide ; il n’est pas question de légiférer sur tout et n’importe quoi, mais sur les génocides et les génocides seulement ; et des génocides, il n’y en a pas cent, ni dix - il y en a quatre, peutêtre cinq, avec le Rwanda, le Cambodge et le Darfour, et c’est une escroquerie intellectuelle de brandir l’épouvantail de cette multiplication de nouvelles lois attentatoires à la liberté de pensée. Et puis, ensuite, soyons sérieux : il n’est pas question, dans cette affaire, d’opinions non conformes, incorrectes, etc. ; il est question de négationnisme, seulement de négationnisme, c’est-à-dire de ce tour d’esprit très particulier qui consiste non pas à avoir une certaine opinion quant aux raisons de la victoire d’Hitler ou des Jeunes-Turcs, mais qui consiste à dire que le réel n’a pas eu lieu. Pas de chantage, donc, à la tyrannie de la pénitence ! Arrêtons avec le faux argument de la boîte de Pandore ouvrant la voie à une inquisition généralisée ! Le fait que l’on punisse le négationnisme anti-arménien n’impliquera en aucune façon cette fameuse prolifération, en métastases, de lois politiquement correctes. (…) Lorsque je me suis plongé dans la littérature négationniste touchant les Arméniens, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que c’est la même littérature, littéralement la même, que celle que je connaissais et qui vise la destruction des juifs. Même rhétorique. Mêmes arguments. Même façon, tantôt de minimiser (des morts, d’accord, mais pas tant qu’on nous le dit), tantôt de rationaliser (des massacres qui s’inscrivent dans une logique de guerre), tantôt de renverser les rôles (de même que Céline faisait

des juifs les vrais responsables de la guerre, de même les négationnistes turcs expliquent que ce sont les Arméniens qui, par leur double jeu, leur alliance avec les Russes, ont fait leur propre martyre), tantôt, enfin, de relativiser (quelle différence entre Auschwitz et Dresde ? quelle différence entre les génocidés et les victimes turques des “bandes armées“ arméniennes ?) On dit enfin - et cela se veut l’argument définitif : « Pourquoi ne pas laisser la vérité se défendre seule ? N’est-elle pas assez forte pour s’imposer et faire mentir les négationnistes ? » Eh bien non, justement ! Parce que ce négationnisme anti-arménien a une particularité que l’on ne trouve pas, pour le coup, dans le négationnisme judéocide : c’est un négationnisme d’Etat ; c’est un négationnisme qui s’appuie sur les ressources, la diplomatie, la capacité de chantage, d’un grand Etat. Imaginez un instant ce qu’eût été la situation des survivants de la Shoah si l’Etat allemand avait été, après la guerre, un Etat négationniste ! Imaginez leur surcroît de détresse s’ils avaient eu, face à eux, une Allemagne non repentante menaçant ses partenaires de rétorsions s’ils qualifiaient de génocide la tragédie des hommes, femmes et enfants triés sur la rampe d’Auschwitz !

(…) On croit que ces gens expriment une opinion : ils perpétuent le crime. Ils se veulent librespenseurs, apôtres du doute et du soupçon : ils parachèvent l’œuvre de mort. Il faut une loi contre le négationnisme parce que le négationnisme est, au sens strict, le stade suprême du génocide. »

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2 Proces DR

qui ont marque l'histoire et dont personne n'a parle dans les medias

Photo d’archive / Le procès de Tehlirian

Le procès des Unionistes, Constantinople, 1919

Le procès Tehlirian, Berlin, 1921

Les principaux responsables du génocide y sont condamnés à mort par contumace, ayant pris la fuite en 1918, juste après avoir détruit la plupart des documents incriminants. La cour martiale établit la volonté des Unionistes d’éliminer physiquement les Arméniens, via son Organisation spéciale.

Le 15 mars 1921, Talaat Pacha, le grand ordonnateur de l’extermination des Arméniens, est abattu d’une balle de revolver dans une rue berlinoise. Le tireur est arrêté sur les lieux du crime. Il s’agit d’un jeune Arménien de 23 ans, Soghomon Tehlirian, survivant du génocide au cours duquel il perdit sa mère et toute sa famille. Il faisait sans doute partie du groupe « Némésis » qui avait décidé d’exécuter la sentence de mort par contumace du procès des Unionistes. Il est jugé peu de temps après, les 2 et 3 juin 1921, par le Tribunal de Première Instance de Berlin. Les témoignages de Tehlirian, de Christine Terzibashian, Johannes Lespius ou même du général Liman von Sanders, ainsi que les documents retenus, parmi lesquels 5 télégrammes chiffrés adressés par Talaat à Naïm Bey, documents qu’a fait parvenir Andonian au tribunal, donnant une nouvelle dimension au procès, où le crime génocidaire de Talaat et des Jeunes-Turcs est à son tour mis en accusation. L’authenticité des documents Andonian a été depuis mise en cause par les historiens turcs Orel et Yuca, authenticité pourtant réaffirmée ensuite par l’historien arménien Dadrian. Le tribunal acquitte Soghomon Tehlirian. Le procès est retentissant et son issue est interprétée comme une condamnation des responsables du génocide.

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Ils l'ont dit !!!!

Florilege de petites phrases (bonnes et moins bonnes) entendues sur le sujet Alain Finkielkraut, philosophe français « Il faut sans cesse rappeler que les descendants de victimes ne sont pas euxmêmes des victimes, la surenchère victimaire n’a plus lieu d’être »

Elie Wiesel, écrivain et Prix Nobel de la Paix en 1986 « Tolérer le négationnisme c’est assassiner une seconde fois les victimes. »

Alain Juppé, chef de la diplomatie française. « Cette loi est intellectuellement, économiquement et politiquement une connerie sans nom. On n’a pas à se lancer dans un concours des génocides […] pour tenter de récupérer les voix des Français d’origine arménienne. C’est ridicule !»

Isaak Alaton, homme d’affaire turc « Le 24 Avril 2015 se rapproche et nous devons changer notre politique du refus. C’est une honte ! Je suis fatigué de faire face au passé. Depuis 90 ans nous considérons que le monde est aveugle et avons peur de regarder les autres en face. On nous a appris à avoir peur. Les os pourrissent derrières les portes fermées, mais leur odeur est insupportable. Je ne peux plus respirer. Et vous ? »

Hrant Dink, journaliste turc d’origine arménienne assassiné en 2007

DR

« La proposition de loi française est un texte répressif que je place au même rang que la loi turque qui interdit de parler de “génocide”. Si elle était adoptée en France, j’irais chez vous la violer, en niant le génocide, tout en demandant pardon à mes ancêtres. Car ce texte est, comme l’article 301 du Code pénal turc, une loi imbécile ».

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Catanasian

Guediguian

'' M'engager en politique ? je deviendrais fou ! ''

en partenariat avec le site www.chez-albert.com

Plébiscitées par près de 700 000 spectateurs et une presse dithyrambique, Les Neiges du Kilimanjaro de Robert Guédiguian ont fait l’unanimité. Et c’est franchement mérité. Pour la bonne et simple raison que ce 17e long-métrage de « Guédouche » est une pépite. Un joyau militant (de gauche, forcément), mais aussi et surtout un film d’amour comme l’on en voit de moins en moins au cinéma. Porté par un tandem Jean-Pierre Darroussin - Ariane Ascaride époustouflant de justesse et de tendresse, Les Neiges ont marqué le retour de Guédiguian à l’Estaque. Cela valait bien un entretien 100% Marseille. 40


Courant Made in France d'art ailleurs. Pourquoi revenir ici ? Les histoires que je construis à Paris dans ma cuisine avec mon coauteur, Jean-Louis Milesi, je pourrais les tourner ailleurs. Mais le fait de les tourner ici leur donne une forme. Les grandes œuvres se passent quelque part. L’universel, c’est le monde. Mais le village, c’est l’Estaque. Je suis de l’Estaque, je fais mes films à l’Estaque. Sur d’autres sujets qui ne partent pas de mon intimité, comme Le promeneur du Champ de Mars ou Le voyage en Arménie, c’est plus simple. En revanche, si quelqu’un veut reprendre ces histoires pour les tourner ailleurs, je lui donne tout de suite les droits.

Les Neiges ont marqué votre retour à l’Estaque, trente ans après Dernier été, votre premier long métrage. On n’y vit plus de la même façon, bien sûr, mais votre manière de tourner a-t-elle également évolué ? Sur le fond, je vais essayer de regarder la même chose, c’est-àdire le rapport entre les ouvriers qui y habitent. Mais évidemment, sur la forme, ça a changé. Je fais le point sur l’endroit où je suis né, sur le milieu où j’ai grandi, mais aussi sur mon cinéma. Il a évolué vers plus de narration, d’efficacité souhaitée. Je cherche à construire un film avec des surprises, comme un film d’action. Ce n’était pas vrai au début. J’étais plus contemplatif, plus marqué par la tragédie

grecque. Aujourd’hui, je suis plus « américain ». Mais c’est lié à des envies de succès : comme je pense que ce que je dis a de l’importance, je veux qu’un maximum de gens voient le film. L’Estaque, c’est à la fois Marseille et un Marseille qui n’existe plus. Depuis le début, c’est un Estaque imaginaire. Je me sers de choses justes, mais ma vision est partielle et partiale, qui ne représente pas tout l’Estaque. Je ne parle pas de toutes les nouvelles populations, les bobos, qui s’y sont installés. Je ne raconterai jamais la vie d’un prof à l’Estaque. J’en fais un lieu théâtral où je prends ce que je veux. Vu le propos du film, vous auriez pu situer l’action partout

Les Neiges du Kilimanjaro, votre dernier film, est inspiré du poème de Victor Hugo, les pauvres gens. Comment ce texte est-il ressorti de vos tiroirs ? J’avais repris ce titre pour un texte que j’avais écrit contre le traité européen, en 2005 dans le Monde. J’avais appelé à voter non. Tout de suite après avoir pondu l’article, je suis allé relire le poème, au cas où on me poserait des questions dessus. Et j’ai redécouvert cette fin où ce couple de pêcheurs décident en même temps, chacun de leur côté, d’adopter les deux enfants orphelins de leurs voisins. Et le père qui dit : « Moi je boirai de l’eau, je ferai double tâche ». Je me suis dit que c’était quand même dingue de ne pas faire un film sur ça. Quelques temps plus tard, j’ai appelé Milesi en lui disant que j’avais une fin de film.

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Sur le fond, on retrouve vos luttes pour plus de solidarité, votre volonté de ne rien lâcher. Mais dans le film, les tenants de cette solidarité sont les parents, Ariane Ascaride et Jean-Pierre Darroussin. Leurs enfants, tout comme le jeune qui les vole, rejettent cette solidarité. C’est assez pessimiste, comme vision de l’avenir... Effectivement, je fais des films noirs que je déguise en films enchanteurs. Je fais un constat très sombre : le peuple est morcelé. Tous ces bouts de peuple s’opposent. C’est la guerre des pauvres. La nouvelle classe ouvrière ne se reconnaît même plus dans l’uniforme et les lieux dans lesquels la conscience de cette classe ouvrière s’exprimait ont disparu : les syndicats sont très faibles, le Parti communiste a disparu. Mais je crois que face à cela, alors qu’on constate la fainéantise des enfants face aux événements, la préoccupation demeure entière chez Darroussin-Ascaride. Déjà, ils veulent prendre leur responsabilité. Certes, il y a la mondialisation, mais ils n’ont peut-être pas tout fait pour l’empêcher de tout emporter. Deuxième courage, ils veulent comprendre pourquoi celui qui

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les a volé a agi ainsi. Et on se rend compte que l’on peut faire quelque chose, à titre individuel. Après, c’est l’effet papillon. Tout votre film tend vers le message que vous souhaitez faire passer. Pourquoi ne pas franchir carrément le pas et vous engager autrement que derrière la caméra ? Pour que je m’engage concrètement, il faudrait qu’il y ait des circonstances particulières. Il faudrait déjà que je pense que je serai plus efficace là qu’ailleurs. Si j’essaie d’être schizo et d’évaluer ma propre efficacité, je le suis plus en faisant du cinéma. Donc, il faudrait vraiment que j’en ressente l’urgence, qu’il n’y ait vraiment personne à Marseille pour y aller. Il y a quelques années, avant le Front de gauche, on me l’avait proposé… J’ajoute qu’en plus, avec ma boîte de production, je peux être inconstant – même si je ne le suis pas. En politique, je ne me permettrai plus aucun écart. Je deviendrai fou ! Il y a quelques années, vous déclariez qu’il n’y avait que vous, dans le cinéma marseillais. Avezvous changé d’avis ? Il y a des Marseillais mais ils ne l’affichent pas. Emmanuel Mouret

est né ici. Jean-Marc Moutout est Marseillais, Michel Spinoza aussi. Mais ils n’ont pas l’accent, ils ne le disent pas. Ceci dit, pour moi, être d’ici, ça ne veut rien dire. Le plus grand film sur Marseille, pour moi, c’est Toni, de Jean Renoir. Ce qui compte, c’est la qualité du réalisateur. Marseille est un décor très prisé par les cinéastes. Pourtant, on a l’impression que la ville est plutôt envahissante sur la pellicule, qu’elle vampirise l’histoire. Comment maîtriser ce décor ? C’est un personnage qui a une gueule pas insignifiante. C’est comme si on a un figurant avec une gueule un peu cassée, tu ne le mets pas derrière le personnage principal. C’est pareil pour Marseille. Sauf si on raconte quelque chose qui a un rapport avec le décor. Les grands metteurs en scène le savent. Donc, si tu es bon, tu t’en sors ! Par Stéphanie Harounyan

Les Neiges du Kilimanjaro en DVD le 4 avril.


Un film sur le Genocide en 2013 ?

Catanasian

Robert Guédiguian planche actuellement sur un énorme projet de film sur le Génocide. Un projet « assez complexe à écrire » dont le tournage pourrait débuter en 2013, entre Marseille, Paris, Berlin, Beyrouth et Erevan. « Les choses que l’Histoire n’a pas réglées m’intéressent, nous a confié le réalisateur. Parce qu’elles ressurgissent toujours, même si elles semblent parfois être enterrées. Ce film parlera de comment une même communauté reste soudée sur trois générations autour de l’idée du génocide et de sa reconnaissance. Je pense que mon film démarrera avec le procès de Tehlirian, puis s’intéressera aux révolutionnaires arméniens de Beyrouth dans les années 80, pour finir aujourd’hui dans la Diaspora à Marseille. Je mélangerai probablement tout ça avec l’histoire de José Gurriaran (un journaliste espagnol auteur du livre La Bomba, qui retrace l’attentat dont il a été victime et son soutien à la cause arménienne malgré cela). Je veux travailler sur le rôle de la violence et de la mémoire dans l’Histoire, en en faisant quelque chose de très universel. Si je travaille bien, je ferai un film à la fois très juste et très abstrait, je ne parlerai ni des Dachnaks, ni de l’Asala, le mot ne sera pas prononcé, parce que je m’en fous. Je ne veux pas faire un travail d’historien. Comme avec mon film sur Mitterrand ou avec l’Armée du Crime, je me placerai au-dessus des partis. Je parlerai de manière plus générale, plus abstraite et surtout plus artistique. Mon travail, c’est de faire des films. » A.C (avec F.A)

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Catanasian

Nevchehirlian

" Prevert m'a libere "

Pour son deuxième album Le soleil brille (pour tout le monde ?), le slameur français d’origine arménienne Nevchehirlian a placé la barre haut, en mettant en musique des textes rares et inédits du célèbre poète français Jacques Prévert. Entretien. 44


Fred, comment t’es venue l’idée de travailler sur des textes inédits de Prévert ? Je n’ai pas eu cette idée moi-même. A la base, je n’avais pas forcément envie de faire un disque de ce type, je trouvais ça un peu vieillot, voire ringard. C’est la petite-fille de Prévert qui m’a convaincu en me faisant découvrir des textes militants et farouches de son grand-père. J’ai pris une claque et me suis dit : il faut que les gens entendent ça. Prévert a pointé du doigt des choses insupportables. T’attaquer à un tel monument de la poésie française ne t’a-til pas mis plus de pression que d’habitude ? Justement, ce fut tout le contraire. J’étais persuadé que ses textes étaient extraordinaires donc je n’avais aucune pression, j’étais sûr de mon coup. J’ai enregistré le disque en cinq jours. En plus, la petite-fille de Prévert m’a tout de suite dit qu’elle trouvait ça génial, et qu’elle était fière de m’avoir donné ces textes car cela réhabilitait le grand-père engagé et courageux qu’elle avait toujours connu. J’ai tout de suite été légitimé. Je n’ai forcé aucune porte. Le fait d’avoir choisi comme titre de l’album Le soleil brille (pour tout le monde ?) est-il une manière de prendre le contrepied de la sinistrose ambiante ? Tout à fait. Je voulais un disque clair, simple, avec un message limpide, à l’opposé de ce que j’ai fait jusqu’à présent, qui était un peu plus complexe. Lorsqu’on va partir en tournée, cette affiche rouge va être collée sur les murs. Les gens verront d’abord l’inscription « le soleil brille ».

Puis, lorsqu’ils s’en approcheront, ils liront la parenthèse et comprendront que c’est un message politique. Un peu comme l’avait fait John Lennon avec The War is Over (If you want it). Ce disque parle des gens de toutes les couches sociales, pas seulement des pauvres. Musicalement, le titre d’ouverture de l’album, Attendez-moi sous l’orme, est très pop et ensoleillé… J’adore la pop mais je ne m’étais jamais autorisé à en faire. Je n’étais pas assez mature pour jouer devant les gens ce que je joue seul dans ma chambre. Avec l’expérience, je me détends un peu, et j’assume les accents pop de ma musique. Prévert m’a libéré et rendu encore plus ouvert. Désormais, je m’éclate et je suis super heureux de voir les gens danser à mes concerts. Comment s’est passée ta tournée en Arménie l’an dernier ? Ce fut incroyable. Chaque Arménien doit aller là-bas au moins une fois dans sa vie. J’ai été marqué par les paysages magnifiques, le lac Sevan, les montagnes du Sud, le Mont Ararat qui nous suit partout. Je vais y retourner très bientôt avec ma femme et mes enfants. L’accueil des gens fut extraordinaire. On s’est retrouvé avec mon groupe à Vanadzor devant 180 personnes qui ne me connaissaient pas et qui ne comprenaient pas le Français. Les voir debout à taper des mains et des

pieds pendant le concert, alors qu’en France on t’écoute religieusement, ça nous a marqués à vie. Quel est ton regard sur la jeunesse de ce pays ? Je me demande quels sont les modèles des jeunes Arméniens, surtout des garçons, si sombres et si fermés. Je sens de l’énergie et une véritable envie de s’en sortir chez les filles. Elles dégagent un gros désir de vie et d’élégance, alors qu’en caricaturant un peu, j’ai l’impression que les mecs – pas tous évidemment – sont résignés à vivre sous l’emprise de la mafia. On t’a vu l’an dernier participer au spectacle de la JAF Ararat Mon Amour, puis récemment, tu n’as pas hésité à donner un coup de main à l’équipe du Phonéton. C’est important pour toi de t’engager pour la cause arménienne? Même si je n’ai pas vraiment baigné dans la communauté arménienne pendant mon enfance, j’ai toujours été attaché à mes origines. Si j’ai gardé mon nom de famille comme nom d’artiste, ce n’est pas un hasard. Par Fred Azilazian

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Courant Made in d'art USA

DMC

Rappe avec des musiciens armeniens

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DR

Jared Lee Gosselin

Le New-Yorkais DMC, légende du rap américain, qui a connu son heure de gloire dans les années 80 avec son groupe Run-DMC (et le hit Walk this way), collabore avec deux musiciens arméniens dans son dernier clip, Rock Solid. Le premier se nomme Orbel Babayan (guitare) et fait partie du groupe Viza (managé par Serj Tankian de System of a Down). Le second, Artyom Manukyan (basse), manie habituellement le violoncelle au sein de l’Armenian Navy Band. Pour visionner le clip de DMC, tapez « DMC Rock Solid » sur Youtube.


Le fils du marchand d'olives va creer l'evenement

Lorsque l’on regarde la bande annonce du film Le fils du marchand d’olives du jeune réalisateur français d’origine arménienne Mathieu Zeitindjioglou, la première réaction qui vient à l’esprit est : “ enfin un film couillu ! ”. Pourquoi ? Parce qu’il répond de façon empirique à la question suivante : quelle vision les Turcs de Turquie ont-ils

du génocide Arménien ? En salles le 11 avril, le film raconte l’histoire d’un jeune couple Mathieu et Anna, qui pour leur voyage de noce, partent en Turquie caméra au poing, pour enquêter sur Garabed, le grand-père arménien de Mathieu, qui a échappé au génocide de 1915. Immanquable !

Un Armenien au casting de

Oscarisé, Césarisé, Goldenglobisé... Impossible de passer à côté de The Artist en ce premier trimestre 2012. Il faut dire que jamais un film produit et réalisé par des Français n’avait eu autant de succès. Dans le casting, hormis Jean Dujardin (plutôt bon mais pas non plus exceptionnel, soyons sérieux) et Bérénice Béjo (qui, elle, livre une partition pleine de peps), on retrouve pour une courte apparition Ken Davitian, un acteur arménien de Los Angeles, connu du grand public notamment pour son rôle hilarant dans Borat en 2006.

DR

The Artist

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Catanasian

Vahan Stepanyan

L’étoile montante de la photo Quel est le point commun entre Johnny Depp, Penelope Cruz, Charles Aznavour, Gérard Depardieu, Wim Wenders, Jude Law, Maiwenn, Catherine Deneuve, Peter Gabriel, Brad Pitt, Angelina Jolie, Robert De Niro ou encore Tigran Hamasyan ? Celui d’avoir été shooté par Vahan Stepanyan, le photographe arménien le plus en vogue du moment. Avec son ami

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Armen Azaryan, il a fondé en 2009 l’agence de photo internationale PanARMENIAN, désormais connue dans le monde entier, et considérée comme l’agence numéro 1 du Caucase. Hyperactif et passionné par la photo depuis son adolescence, Vahan - qui a abandonné le Conservatoire de musique pour se consacrer au 8e art - vient de publier un album de photos exclusives du 64e Festival de Cannes,

avec de magnifiques portraits de stars de cinéma. Lorsqu’on lui demande s’il envisage de quitter un jour l’Arménie pour exercer à l’étranger et ainsi avoir plus de visibilité, Vahan est catégorique. Patriote, l’artiste de 28 ans avoue être « fier » de son pays et entend bien y rester le plus longtemps possible. « Je reste en Arménie par conviction, confie-t-il. Je veux sacrifier mon talent pour mon


Courant Made in Armenia d'art

pays. Je veux montrer qu’on est capable en Arménie d’avoir des photographes de talent. Cependant, ce métier te demande de voyager souvent, de bouger sans cesse, sinon, tu pourris…». F.A avec A.C www.panarmenian.net

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Catanasian

David Galstyan

David Galstyan veut se faire un nom A 25 ans, David Galstyan est sûrement l’un des photographes les plus prometteurs d’Arménie. Son style inimitable et sa créativité débordante pourraient faire de lui une référence dans les prochaines années. Après des études de cinéma, et un passage par l’armée, David a eu un jour une révélation : sa vie passerait désormais par la photographie. « J’ai eu envie

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de prendre des cours de photo, et avec mes quelques économies, j’ai rapidement acheté un appareil professionnel, se souvient-il. Je ne le lâchais jamais. Et petit à petit, j’ai compris que ce métier était vraiment fait pour moi ». Celui qui se définit comme un photographe « du cœur » ne shoote aujourd’hui que ce qui l’émeut. Son truc, c’est les portraits, et plus précisément

les portraits de séniors. « Parce que leurs visages racontent une histoire, confie-t-il. Leurs rides, leurs façons de parler, de bouger me passionnent. Les vieux dégagent une sagesse qui m’inspire, et avec mon appareil, j’essaye de capter la lueur qui brille dans leurs yeux, comme celle qui brillait dans les yeux de Vanouch Khanamirian,


sûrement la personnalité la plus positive que je n’ai jamais rencontrée ». Hormis quelques collaborations avec des magazines arméniens, David travaille aujourd’hui beaucoup pour lui, essayant de se faire connaître. « Je n’attends pas de recevoir des propositions de travail pour me bouger, préciset-il. Je bosse beaucoup et je fais en sorte que mon travail soit visible sur internet. Si les gens arrivent à voir que j’ai du talent,

les propositions viendront naturellement ». On n’en doute pas. F.A avec A.C www.behance.net/galstyan

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Amnesie Internationale revient ! L’évènement créé par la JAF en 2001 pour dire « Plus jamais de Génocides ! » va célébrer sa 6e édition le samedi 24 mars prochain au Dock des Suds. Au menu, Serge Klarsfeld - qui officiera comme parrain d’une soirée placée sous le signe de la transmission - le groupe Zebda, mais aussi et surtout comme toujours, de nombreuses expositions, stands associatifs et autres villages de la mémoire.

La transmission

Le theme Nous ne voulons pas que le temps qui passe soit celui de l’oubli, oubli des catastrophes génocidaires et de leur mécanisme, oubli des victimes et des survivants. Mais «avec le temps, va, tout s’en va» et nous devons, nous voulons transmettre, passer, transférer la mémoire aux générations d’aujourd’hui distantes des événements et des témoins, à nos frères humains qui ne réalisent rien de tout cela et à la postérité. Faire savoir que l’inimaginable s’est produit, que l’indicible s’est imposé, que la banalité du mal a été organisée et que rien, depuis, ne pourra être comme avant.

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Comment transmettre la mémoire de ceux que les génocides ont voulu effacer? Comment faire passer l’idée que cela risque toujours de se reproduire si l’on n’y prend pas garde? Comment transférer la pugnacité d’un combat pour une reconnaissance refusée? Comment faire savoir, faire admettre et faire comprendre que des hommes simples se sont transformés en brutes et en barbares? Le temps de la transmission que nous revendiquons avec Amnésie Internationale est celui de la mémoire à vif car nous refusons la banalisation et la négation.


Serge Klarsfeld

Le Parrain

DR

Serge Klarsfeld est un écrivain, historien et avocat au barreau de Paris de la cause des déportés en France. Il a été diplômé d’études supérieures en Histoire à la Sorbonne. Il est aussi diplômé de l’Institut d’études politique de Paris. Il a joué un rôle très important dans la diffusion de la mémoire de la Shoah, dans la poursuite des criminels de guerre nazis et des responsables du régime de Vichy : Alois Brunner, Klaus Barbie, René Bousquet, Jean Legay, Maurice Papon et Paul Touvier. Il a créé, avec sa femme, l’Association des fils et filles des déportés juifs de France (FFDJF) afin de défendre la cause des enfants de déportés. Il est vice-président de la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Il est inlassablement un défenseur de la transmission de la mémoire. Serge Klarsfeld apparait ainsi comme le parrain idéal de cette 6ème édition.

Zebda

Le groupe

DR

Rendus célèbres par les morceaux Tomber la chemise et Motivés, le groupe toulousain Zebda, composé de Magyd Cherfi, d’Hakim Amokrane et des frères Mouss, repart en tournée après 8 ans de séparation durant lesquels ils sont toujours restés politiquement soudés. Ils ont choisi les Docks des Suds et Amnésie Internationale pour leur grand retour sur la scène marseillaise, au moment où leur nouvel album, Second Tour, sort dans les bacs. Transmettre, partager, donner espoir. Les mots et les notes de Zebda sont un antidote à la sinistrose ambiante, à la tentation du repli sur soi et à la régression.

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DR

"On avait vu juste"

L'interview

Pascal Chamassian Amnésie va fêter ses 11 ans d’existence. Quel bilan peut-on tirer des 5 premières éditions ? Le bilan, c’est qu’on avait vu juste. On a été avantgardiste car on a été les premiers à faire une analyse comparatiste des génocides. En rassemblant les Arméniens, les Cambodgiens, les Juifs ou encore les Rwandais, on a initié un mouvement fort qui a été suivi d’effet. 11 ans après, la France a voté une loi qui pénalise la négation de tous les génocides. Lors de la création de l’évènement en 2001, pensais-tu que celui-ci serait encore présent dans le paysage marseillais onze ans plus tard ? Bien sûr que non. Tout est parti d’une initiative entre copains de la JAF. On voulait réaliser un « gros coup »,

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et ça a marché. Naturellement, face au succès de la première édition (avec plus de 3500 personnes), on s’est dit qu’on ne pouvait pas s’arrêter là. On a transformé l’évènement en biennale, tout en gardant le même concept, c’est-à-dire sensibiliser le grand public sur une cause mal connue, en mélangeant artistes et intellectuels. Quelles seront les nouveautés et les enjeux de cette 6e édition ? Nous souhaitons tourner une page. On a tout dit sur les mécanismes des génocides, on a tout dit sur les résistances face au négationnisme. Aujourd’hui, on veut vraiment se concentrer sur ce qui était le véritable objectif d’Amnésie : éveiller les consciences.


Ce travail d’éveil des consciences est éternel. Cette année, nous aborderons donc la thématique de la transmission des mémoires. Comment vois-tu Amnésie dans 10 ans ? Dans 10 ans, je pense qu’Amnésie existera toujours. Il se sera installé au niveau national, en restant un évènement marseillais. J’y tiens. Parce que je pense que Marseille peut être la capitale des mémoires. Je veux que cet ancrage marseillais reste la signature d’Amnésie Internationale. Dans 10, 20 ou 50 ans, on parlera encore de la question de la mémoire. Et Amnésie Internationale sera ce territoire dans lequel on pourra continuer à aborder ces questions-là. A quand une édition parisienne qui permettrait de faire vraiment rayonner l’évènement au niveau national voire international ? Je l’ai dit auparavant. J’attache énormément d’importance au fait qu’Amnésie se déroule à Marseille. A nous de faire en sorte qu’Amnésie rayonne nationalement et internationalement, en attirant de grands artistes et grands intellectuels, et

surtout en médiatisant encore plus l’évènement. Si demain, on a des haut-parleurs comme France Inter, Libération, ou Canal Plus, on arrivera forcément à internationaliser la cause. Donc nous n’avons pas besoin de monter faire Amnésie à Paris. Quelle sera la raison d’être d’Amnésie le jour où la France aura pénalisé le négationnisme ET la Turquie reconnu le Génocide Arménien ? Le travail de mémoire ne s’arrête pas parce qu’une loi est votée ou parce qu’un pays reconnaît enfin son histoire. Je tiens également à rappeler qu’Amnésie ne concerne pas que les Arméniens. C’est une revendication universelle. La mémoire est transnationale et doit se cultiver. Je suis persuadé aujourd’hui que les sociétés mondiales se porteront d’autant mieux qu’elles sauront se souvenir des drames passés pour éviter qu’ils ne se reproduisent. Le travail de mémoire est plus que jamais indispensable à un avenir meilleur. Par Fred Azilazian

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Steve Jobs 1955 - 2011

Ce génie de l’informatique parlait couramment l’Arménien mais s’était bien gardé de le faire savoir. Adopté par Clara Jobs, la fille d’un couple d’Arméniens de Malatya qui avait dû fuir la Turquie lors du Génocide de 1915 pour émigrer aux Etats-Unis, l’ex-boss d’Apple Steve Jobs a-t-il eu honte de ses « origines » ? Son récent décès, à l’âge de 56 ans, donne en tout cas l’impression d’un immense gâchis. Oui, l’Arménie et les Arméniens auraient pu profiter de la fortune et de l’exceptionnelle popularité de SJ pour imaginer des lendemains meilleurs. Oui, l’implication de l’inventeur d’iTunes, la plus minime soit-elle, dans la cause arménienne aurait sans doute pu faire avancer les choses sur la question de la reconnaissance du Génocide. Quoiqu’il en soit, « le monde a perdu un visionnaire », a fait remarquer à juste titre Barack Obama. Il a aussi perdu une véritable I-cône qui a révolutionné notre quotidien en inventant les Hay-phone, Hay-mac, Hay-pod et autres Hay-pad. F.A

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DR

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Egostatic

H

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Hot Hot Heat Kim Kardashian

DR

Parce qu'elles le valent bien...

65 millions de dollars en 2010 : voilà ce qu’a rapporté la télévision à Kim Kardashian et sa famille, qui, depuis maintenant 4 ans, sont filmés 24 heures sur 24 pour l’émission de télé-réalité L’incroyable famille Kardashian. Avec ça, la belle brunette a largement de quoi se consoler après son mariage raté avec le basketteur Kris Humphries. Malgré une soirée de noce à 10 millions de dollars, le couple n’a tenu 72 jours. Milliardaire et jetsetteuse au grand cœur, KK met parfois sa vie blingbling entre parenthèses. Pour preuve, elle s’est envolée mi-décembre pour Haïti afin de participer à la reconstruction de l’île, terrassée par un horrible séisme en janvier dernier. Vraiment bonne... à (re)marier !

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Débats Concerts Village de la mémoire

24 mars 2012 Dock des Suds à partir de 15h

Marseille

AMNÉSIE J E U N E S S E

Zebda

A R M É N I E N N E

Diana di l’Alba Lou Seriol Gaïo Mi Nor Syndicate

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F R A N C E

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